La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Alors que l'emploi demeure la première préoccupation des Français et que le chômage de longue durée connaît une croissance sans précédent – plus 36 % en un an –, le Gouvernement a fait le choix de proposer une baisse de 15 % des crédits consacrés à la politique de l'emploi pour 2011. Qui plus est, pour combler les déficits que votre gouvernement a creusés depuis huit ans, il impose aux Français une cure d'austérité, avec 10 milliards d'euros d'impôts supplémentaires, sans compter l'augmentation des prix de l'énergie, d'EDF, du gaz et, aujourd'hui, de la SNCF.
La conjoncture exigerait de soutenir la croissance et donner un coup de pouce aux salariés les plus faiblement rémunérés, dont la situation risque encore de s'aggraver. Actuellement, 10 % des salariés sont rémunérés au SMIC, ce qui représente un salaire net de 1 055 euros. Ce sont principalement des femmes. Avec un tel salaire, on ne peut pas décemment vivre : on survit !
Depuis quatre ans, le Gouvernement refuse de faire un geste à l'égard des smicards et se contente du minimum légal. Le groupe d'experts chargé de rendre un avis préconise de limiter la hausse du salaire minimum à 14 centimes de plus à l'heure, ce qui représente 17 euros par mois – autant dire trois fois rien face à l'augmentation des prix. C'est scandaleux ! Non seulement cette proposition est socialement injuste, mais, économiquement, elle ne permettra pas un soutien à la consommation.
Bien sûr, vous ressortez le vieux refrain bien connu, celui de la feuille de paie ennemie de l'emploi, qui conduit à abaisser le coût du travail en diminuant les cotisations patronales, donc à maintenir au plus bas les salaires ; et le MEDEF évidemment applaudit !
Ma question sera simple : les salariés au SMIC peuvent-ils espérer un coup de pouce exceptionnel du « Président du pouvoir d'achat » qui déclarait, lorsqu'il était candidat : « Les salaires sont trop bas, les revenus trop faibles, je veux parler à la France qui travaille dur et qui pourtant trouve qu'on n'arrive pas à joindre les deux bouts » ?
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Comme vous le savez, madame la députée, le Gouvernement français a opté, à l'instar de nombreux autres pays, pour une méthode adaptée aux besoins de l'économie, consistant en la mise en place d'un comité d'experts. C'est une méthode transparente et très largement reconnue. Il n'y a guère qu'en France qu'une partie de la classe politique – l'opposition – s'évertue à la critiquer. Est-ce simplement parce que vous êtes dans l'opposition que vous critiquez ? (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) On pourrait parfois le penser, même si j'ose espérer que ce n'est pas une fatalité.
Comme vous l'avez dit vous-même, il y aura une augmentation du SMIC au 1er janvier et au 1er juillet 2011. La question qui se pose est celle du fameux coup de pouce au SMIC. Or, en posant cette question, vous ne vous adressez qu'à 10 % des salariés. Pour ma part, en tant que ministre du travail et de l'emploi, je préfère parler à 100 % des salariés ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce fameux « coup de pouce » a longtemps concerné 16 % des salariés – les 16 % qui étaient au SMIC. Aujourd'hui, les salariés au SMIC ne sont plus que 10 %. La méthode que nous appliquons depuis 2007…
consiste à jouer davantage le jeu des négociations salariales dans l'ensemble des branches. Alors qu'en 2005, sept branches sur dix percevaient des salaires supérieurs au SMIC, aujourd'hui, c'est le cas de neuf branches sur dix ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous pouvez faire toutes les déclarations que vous voulez, tous les effets de manches que vous voulez, les salariés voient bien la différence entre ceux qui agissent – notre majorité – et ceux qui critiquent en permanence – l'opposition actuelle. Une chose est sûre : râler n'a jamais fait augmenter les salaires dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Geneviève Colot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé de la coopération, la France entretient avec la Côte-d'Ivoire d'anciennes et fraternelles relations. Plus de 15 000 de nos compatriotes ont choisi d'y mener leur vie professionnelle et familiale. Ces dernières années, la démocratie ivoirienne a connu des crises sporadiques qui les ont mis en danger. Après avoir été évacués, ils sont revenus dans ce pays qu'ils aiment et qui le leur rend bien. Il faut rendre hommage à nos militaires et aux Casques bleus de l'ONU qui assurent leur sécurité, parfois au péril de leur vie.
Depuis les dernières élections présidentielles, des troubles se développent à nouveau. La situation est confuse : deux présidents, deux premiers ministres et bientôt deux gouvernements. Cette situation risque à tout moment de dégénérer. Il y a déjà eu des victimes.
À Abidjan, nos compatriotes sont inquiets, ils limitent leurs sorties, des enfants ne vont plus à l'école. Ce matin, M. l'ambassadeur a reçu leurs représentants et ceux des entreprises pour faire le point de la situation.
Monsieur le ministre, quelles mesures avez-vous prises pour rassurer ces Français de l'étranger et garantir leur sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.
Madame la députée, le Gouvernement français partage totalement les préoccupations que vous venez d'exprimer. Je vous l'assure, les pouvoirs publics suivent avec la plus grande attention la situation sur place.
S'agissant de la sécurité de la communauté française en Côte-d'Ivoire, nous sommes tout à fait mobilisés. Nous avons pris toutes les mesures de précaution qui s'imposent. Nos compatriotes sur place sont en contact permanent avec notre ambassade. À Paris, le centre de crise assure un suivi de tous les instants et une veille très étroite de la situation. Les messages nécessaires sont diffusés, de même que les conseils de prudence. Nous avons veillé à ce que le plan de sécurité ainsi que les moyens mis en alerte soient efficaces. Ils seront naturellement mis en oeuvre en cas de menaces directes sur la communauté française.
Par ailleurs, la force Licorne, présente sur place, agit en soutien à l'opération des Nations unies et a pour priorité d'assurer la protection de nos ressortissants en cas de besoin. Au stade où nous en sommes – je le dis avec toutes les réserves qui s'imposent –, il ne semble pas qu'il existe de menaces directes contre les ressortissants étrangers et spécialement français. C'est sur la base de cette constatation que nous avons décidé de rouvrir, ce matin, l'école et le lycée français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, l'industrie de notre pays est menacée, écrasée par la logique prédatrice des marchés financiers.
Ainsi, le groupe Plysorol, spécialiste du contreplaqué et déjà évoqué ici, la semaine dernière, a connu trois propriétaires en cinq ans : portugais, puis chinois et à présent libanais. Chaque fois, le Gouvernement a soutenu ces opérations, malgré l'alerte donnée par les syndicats, témoins des agissements de repreneurs plus intéressés par les aides financières publiques et la perspective de mettre la main sur les droits d'exploitation de 600 000 hectares de forêt au Gabon que par le maintien et le développement de la production et des emplois dans notre pays.
Le 30 octobre, 151 salariés de Lisieux ont été licenciés, mais leurs indemnités ne sont toujours pas intégralement versées. Où en est votre promesse d'intervention des AGS ? À présent, c'est l'accès aux 600 000 hectares de bois au Gabon qui est incertain, ceux-ci ayant été accaparés par les dirigeants précédents. Sans matière première, c'est l'avenir même de l'entreprise qui serait fragilisé. Allez-vous intervenir ?
Aucun secteur n'est à l'abri, qu'il s'agisse de l'automobile, avec les délocalisations de production, tueuses d'emplois comme chez Renault, à Sandouville, et les conséquences sur les équipementiers, comme Cooper à Bolbec et Sealynx à Charleval, soit un millier d'emplois menacés en Haute-Normandie, du ferroviaire où des commandes publiques françaises sont sous-traitées dans des filiales des pays de l'Est, ou encore de la pharmacie avec les menaces sur des centres de recherche et des outils de production… La liste est longue ! Un véritable déménagement industriel menace la France, au gré des intérêts financiers des groupes.
Monsieur le ministre, vous parlez de politique industrielle, mais votre politique laisse les logiques de rentabilité financière casser nos entreprises et nos emplois. Allez-vous enfin mettre en cause ces logiques destructrices ? Allez-vous faire respecter les salariés, dans leurs droits et leur dignité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur Paul, sur tous ces sujets que vous connaissez bien, le Gouvernement agit : il est sur tous les fronts.
Il y a un volet défensif, celui des restructurations industrielles. Concernant Plysorol, j'ai répondu la semaine dernière à Laurence Dumont. Je n'ai pas d'éléments nouveaux à vous communiquer cette semaine. Je me suis engagé auprès de vous à vous les donner dès qu'ils me parviendront.
La rencontre avec les AGS a eu lieu. J'en attends les résultats de façon imminente. Je vous les transmettrai dès que je les aurai.
De façon plus globale, le comité interministériel des restructurations industrielles a permis en 2009 d'aider 69 entreprises importantes en difficulté et de sauver ainsi près de 100 000 emplois. Vous le voyez, nous agissons.
S'agissant du volet offensif, j'irai demain à Marignane chez Eurocopter où le Président de la République, en mars dernier, avait annoncé vingt-trois mesures issues des états généraux lancés par mon prédécesseur. Je ferai le point pour voir comment l'application de ces mesures aide concrètement notre industrie.
Par ailleurs, malgré la réduction des dépenses publiques, nous mobilisons de l'argent en faveur des investissements d'avenir. Hier matin, le Premier ministre a donné le coup d'envoi en Normandie de l'utilisation de ces fonds : il s'agissait du secteur de la fibre optique pour lequel nous mobilisons 2 milliards d'euros. Je pourrais également vous parler du milliard d'euros consacré aux véhicules du futur, dont 750 millions pour le seul véhicule électrique, ou encore des 3 milliards destinés au pôle de compétitivité. Malgré nos difficultés financières, nous nous mobilisons pour l'avenir.
S'agissant enfin du volet européen, la Commission proposera vendredi, et la France est fer de lance dans cette affaire, une politique européenne en matière industrielle. Elle est la bienvenue.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Samedi matin, alors qu'il se rendait à son lycée, un jeune homme de dix-sept ans habitant ma commune a été poignardé suite à une tentative de racket. La lame est passée à quelques centimètres du coeur. Rapidement interpellés grâce à l'action conjuguée de la police nationale et de la police municipale, les auteurs ont été déférés devant la justice.
Ce matin, ce jeune homme est encore à l'hôpital en réanimation. Mais l'auteur de l'agression, lui, est en liberté, au prétexte que les magistrats ont retenu non pas la tentative d'homicide, mais simplement le vol avec violences aggravées ! (« C'est scandaleux ! » sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le Premier ministre, qui ne voit qu'une justice qui dysfonctionne à ce point, qui heurte le bon sens, le sens commun – celui des parents des victimes et, j'en suis sûr, de tous les parlementaires qui sont ici présents – accroît le danger dans nos rues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
En évoquant la question ce matin, mes collègues parlementaires du Nouveau Centre et moi-même nous sommes aperçus que les témoignages d'épisodes de ce genre étaient nombreux. Remettre un adolescent de quinze ans et demi dans la rue alors qu'il vient de tenter de tuer un de ses coreligionnaires (Mouvements sur les bancs du groupe SRC) est inadmissible. Il est absolument scandaleux, de mon point de vue, qu'il n'y ait pas de suites judiciaires et que l'on ne fasse pas prendre conscience à ce jeune homme de la gravité de son acte. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Malheureusement, dans le département de la Seine-Saint-Denis, un tel fait n'est pas rare. Ce jeune est sorti plus vite du commissariat de police que sa victime de l'hôpital. Cela a été plus rapide que s'il avait commis un cambriolage !
Je vous le demande donc : quand nos tribunaux cesseront-ils de délivrer ainsi des permis de tuer ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur le député, je voudrais d'abord assurer le jeune homme et sa famille de l'entier soutien du Gouvernement.
Les faits sont d'une extrême gravité. Comme vous l'avez rappelé, samedi, à Bobigny, à la limite de Drancy, ce jeune homme s'est fait agresser par deux mineurs qui ont voulu lui voler son portable. Il s'y est opposé et l'un d'entre eux lui a alors donné un coup de couteau qui a perforé un poumon, entraînant vingt-huit jours d'interruption de travail.
Les deux agresseurs ont été interpellés, comme vous l'avez dit, grâce au concours des forces de la police nationale et de la police municipale. Le parquet, dans le cadre de l'ouverture d'une information judiciaire sur le chef d'inculpation de tentative de vol avec arme – je souligne qu'il s'agit là d'une procédure criminelle – a saisi le juge des libertés et de la détention. L'auteur des coups de couteau, âgé de quinze ans et demi,…
a été placé sous contrôle judiciaire,…
avec obligation de résider chez sa grand-mère dans les Vosges et d'aller pointer à la police. (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Appel a été immédiatement interjeté par le parquet.
Le second agresseur, âgé de quatorze ans et demi, a fait l'objet d'un placement avec mesure éducative ordonné par le juge d'instruction. (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Il était connu pour un seul fait, en l'occurrence des violences sur sa soeur. Le premier agresseur était quant à lui inconnu des services de police.
Je veux dire à M. Lagarde que, très naturellement, le parquet prêtera une attention extrême à ces faits et accomplira sa tâche. (Exclamations et huées sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Frédéric Cuvillier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Demain, cela fera exactement cinq années jour pour jour que notre compatriote Florence Cassez, à la suite d'une rocambolesque arrestation par la police mexicaine, a été emprisonnée, inculpée puis condamnée à quatre-vingt seize ans de prison – soixante années en appel – pour des actes d'enlèvement qu'elle a toujours niés.
Voilà cinq ans que Florence Cassez vit un drame, qu'elle mène le combat pour la vérité et qu'elle clame son innocence.
Nous avons assisté, il y a quelques jours, à une nouvelle péripétie judiciaire, puisque l'amparo, forme de pourvoi de l'ultime chance, déposé par ses défenseurs, a été repoussé sine die. Florence Cassez passera donc un sixième Noël en prison.
Pourtant, il n'y a pas une semaine qui n'apporte son lot de témoignages manifestant que cette procédure n'est que manipulation et mascarade. Un individu présenté par la police mexicaine comme un témoin majeur a finalement avoué que ses déclarations à charge avaient été extorquées. Par la suite, la commission des droits de l'homme du Mexique a dénoncé une série de violations entachant la procédure. L'ancien procureur du Mexique, fonction équivalant à celle de ministre de la justice, déclarait : « la procédure aurait dû conduire à reconnaître naturellement l'innocence de Florence Cassez ». L'influente église catholique proclamait elle aussi, au vu de l'enquête, l'absolue innocence de notre compatriote.
Bien sûr, il convient de respecter l'entière souveraineté mexicaine, mais la France a le devoir absolu de dire clairement qu'elle n'abandonnera jamais Florence Cassez.
Le Gouvernement français a décidé de faire de 2011 l'année du Mexique en France. Il faut réaffirmer solennellement à cette occasion que ce sont les droits élémentaires des individus et les valeurs de liberté et de justice que nous souhaitons mettre à l'honneur, et que ces droits et ces valeurs ne sauraient être entachés par l'injuste condamnation de notre compatriote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, vous me permettrez de commencer par vous demander d'excuser Michèle Alliot-Marie, en déplacement officiel en Inde. Je répondrai en son nom.
Vous avez restitué dans votre question toute la douleur qui s'attache au cas personnel de Florence Cassez, auquel nous sommes sensibles sur tous les bancs de cet hémicycle. Cinq ans ! Cela fait cinq longues années déjà que Florence Cassez est détenue en prison.
Au-delà de son cas, vous l'avez dit, ce qui est en jeu, c'est tout simplement notre conception de l'État de droit et de la justice.
Florence Cassez a fait l'objet d'une condamnation en première instance. Le 3 mars 2009, elle voyait sa condamnation confirmée par un juge d'appel. Elle s'est pourvue en cassation et nous attendons maintenant le jugement, qui doit intervenir – je vous apporte cette information –, nous l'espérons, en début d'année prochaine.
La position de la France sur ce sujet est et restera la même. Le Président de la République est intervenu personnellement sur ce sujet. Il en a parlé directement avec les autorités mexicaines.
Le gouvernement de François Fillon est pleinement mobilisé sur cette question, que notre ambassade suit mois par mois, en lien avec les autorités mexicaines.
Notre conviction est que de graves irrégularités ont été commises et que des zones d'ombre importantes persistent dans ce dossier. Nous espérons enfin que le droit, dans le cadre des procédures et dans le respect de la souveraineté du Mexique, finira par l'emporter pour trouver une issue équitable.
Vous l'avez dit : nous n'oublions pas Florence Cassez et nous ne l'abandonnerons pas. Nous vous le disons : la mobilisation de la France ne faiblira pas. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
La parole est à Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé de la coopération, le Président de la République, accompagné d'une délégation composée de nombreux ministres et de grands industriels, effectue depuis samedi dernier une visite en Inde.
Dès les années 1980, la France a souhaité donner une nouvelle envergure à ses relations avec l'Inde ; ce rapprochement a été concrétisé par le lancement d'un partenariat stratégique en 1998. Si ce rapprochement avec l'Inde ne date pas d'hier, il prend aujourd'hui une nouvelle dimension.
Ces quatre derniers jours, de Paris à Bangalore, de Bangalore à Delhi, de Delhi à Bombay, le Président a conclu des accords-cadres, à la fois commerciaux et d'investissement, dont deux tiers civils et un tiers militaires, pour un montant de 15 milliards d'euros.
Alors que les premiers effets de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Inde étaient attendus pour 2015, le volontarisme du Président de la République porte ses fruits dès à présent !
Si les médias nous ont fait la chronique de ces soixante-dix-huit heures indiennes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), pouvez-vous nous dresser le bilan commercial de cette visite et esquisser les nouvelles perspectives d'un partenariat ambitieux et durable entre nos deux pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Je vous présente encore toutes les excuses de Michèle Alliot-Marie, qui rentrera d'Inde ce soir.
Vous avez raison : les répercussions de cette visite sur les plans économique et stratégique sont très importantes.
Dans le domaine du nucléaire, un accord intermédiaire a été signé pour la réalisation de deux réacteurs EPR ; cela représente 7 milliards d'euros. Ces accords, vous le savez, posent les bases d'un partenariat très ambitieux dans ce domaine stratégique.
En matière de défense et d'armement, nous avons des projets de modernisation de la flotte de 52 Mirage 2000 et de développement industriel conjoint du missile anti-aérien Maitri et du moteur d'avion de combat Kaveri. En matière spatiale, nous mettons en place des programmes conjoints d'études systémiques de la terre et du climat.
D'autres pistes de coopération sont ouvertes, avec l'annonce de partenariats entre de grands établissements français d'enseignement supérieur et des universités indiennes, ou la conclusion d'un accord visant à favoriser des investissements industriels croisés – je pense notamment à l'implantation de Michelin en Inde. Le total de ces contrats représente, comme vous l'avez dit, plus de 15 milliards d'euros.
En matière culturelle, il faut noter le lancement de France 24 en Inde et la signature d'un accord de coproduction audiovisuelle.
Vous avez raison, madame la députée, de souligner que cette visite illustre l'importance de la relation entre la France et l'Inde ; elle donnera une impulsion décisive à notre partenariat stratégique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
J'associe à ma question François Rochebloine ainsi que François Sauvadet, notre président de groupe.
Monsieur le ministre du budget et des comptes publics, alors que le Gouvernement est revenu, en seconde délibération, sur des amendements votés par notre assemblée visant à maintenir les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les emplois familiaux, il semble qu'une situation similaire se profile au Sénat. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La réduction des niches fiscales et sociales est l'un des moyens majeurs de parvenir à l'équilibre de nos finances publiques, ce que nous répétons sans cesse depuis trois ans.
Mais cet effort de réduction de nos déficits publics ne doit pas être aveugle. Certaines niches ont démontré leur efficacité ; d'autres n'ont eu pour effet que de réduire l'imposition des particuliers les plus aisés et des plus grandes entreprises.
Au moment où le débat sur les déficits publics fait rage, il nous appartient de faire des choix. Le Nouveau Centre se prononce pour l'efficacité économique et pour l'utilité sociale ; nous pensons qu'il faut continuer à aider le secteur des emplois familiaux, qui représente des centaines de milliers d'emplois non délocalisables.
Sans ce système de multi-employeurs, nombre de nos concitoyens – notamment parmi les moins qualifiés – ne trouveraient tout simplement pas d'emploi.
Doit-on également redire, alors que va s'ouvrir le chantier de la dépendance, que sont concernées des centaines d'associations de services à la personne, qui viennent en aide aux personnes âgées et handicapées, aux enfants en bas âge, et plus largement aux familles ?
Oui, le maintien de ces exonérations est une dépense publique. Mais, monsieur le ministre, il existe, et vous le savez bien, des niches fiscales qui sont notoirement aussi inefficaces économiquement qu'injustes socialement. Nous vous avons fait des propositions sur ce sujet.
Il faut réduire ces niches-là, et dégager ainsi les financements nécessaires à la poursuite des emplois familiaux.
Le Gouvernement doit entendre ce message. Allez-vous, oui ou non, revenir sur le maintien de cette exonération votée par le Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Je voudrais d'abord remercier le Nouveau Centre (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC) qui, à l'Assemblée comme au Sénat, a participé activement à la poursuite de l'objectif gouvernemental, intangible, de réduction des déficits publics.
Je pourrais vous dire que la loi de programmation des finances publiques – que je vous remercie une fois encore d'avoir votée (Mêmes mouvements) – a fixé comme objectif de réduire le déficit à 6 % l'année prochaine et à 3 % en 2013, c'est-à-dire le niveau d'avant la crise. Cette loi a même fixé à 2 % le niveau de déficit à atteindre en 2014.
Je pourrais vous rappeler que le plan français représente un effort budgétaire global de 100 milliards sur les trois années qui viennent ; le plan allemand que l'on donne à juste titre en exemple représente seulement 80 milliards sur quatre années.
Je pourrais vous dire que pour atteindre ces objectifs, il faut une addition d'économies.
Mais je ne vous dirai pas cela. Je vous dirai simplement que cette mesure conjuguait, au fil des années, un double avantage, l'un social et l'autre fiscal. Le Président de la République, le Premier ministre ont tenu les engagements du maintien des avantages fiscaux.
Mais depuis quatre ans, le dispositif d'abondement lié à ces exonérations de quinze points de cotisations sociales a explosé – il a augmenté de moitié. Dans un souci d'exigence budgétaire et d'économies, il était tout naturel de se pencher sur cette question.
Pour autant, le Gouvernement s'assigne aussi comme priorité d'épargner les publics les plus fragiles. Je veux donc rassurer le Nouveau Centre, et je dirai d'ailleurs exactement la même chose, au Sénat, au président About : sont épargnés les personnes handicapées, les personnes dépendantes, les personnes âgées, en bref les personnes concernées par des dispositifs qui représentent, au total, 1,6 milliard d'euros, soit trois fois plus que la mesure proposée par le Gouvernement.
Il me semble donc sincèrement que ce dispositif est équilibré. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement maintiendra sa position. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Sapin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, depuis de nombreuses années, alors que vous étiez déjà ministre des gouvernements précédents, et tout particulièrement depuis l'élection du Président de la République et votre nomination comme Premier ministre, des réformes fiscales se sont accumulées.
Ces réformes ont eu deux conséquences principales : d'une part, de priver le budget de l'État de dizaines de milliards d'euros de recettes et donc de creuser le déficit, déficit sur lequel vous vous appuyez aujourd'hui pour mener une politique de rigueur qui, elle, pèsera sur les plus faibles des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC) ; d'autre part, d'alléger la charge d'impôt des plus aisés des Français. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Avec le bouclier fiscal, vous avez supprimé l'impôt sur la fortune des plus grosses fortunes. Avec la réforme de l'impôt sur les successions, vous avez supprimé l'impôt sur les successions des plus grosses successions. Avec l'accumulation des niches, vous aboutissez à ce que les plus gros revenus paient une proportion d'impôts plus faible que celle acquittée par les revenus petits et moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs sur les bancs du groupe GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, oui, une réforme fiscale est nécessaire, nous sommes prêts à participer à ce débat et nous faisons des propositions. Mais que nous proposez-vous ? Ce que vous appelez une réforme fiscale est en réalité un tour de passe-passe ridicule : d'un côté, on supprimerait le bouclier fiscal et de l'autre côté, on supprimerait l'ISF. Un tel tour de bonneteau ne passera pas inaperçu : d'un côté, 700 millions d'euros de cadeaux, de l'autre côté, 4 milliards d'euros de cadeaux. Qui est gagnant ?
Ma question est simple : au lieu de ce débat, que je qualifierai de ridicule…
..qui permettra simplement d'avantager les plus riches des Français, quand pourrons-nous parler d'une vraie réforme fiscale, qui remette de l'efficacité, de la transparence et de la justice dans notre système fiscal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, à quelques encablures de Noël, pour le Gouvernement, l'heure, en cette période d'économies, n'est pas aux cadeaux mais à la justice. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) À la justice sociale, à la justice fiscale, à l'équilibre des comptes et à l'équilibre d'une réforme qui vise un double objectif :
Le premier objectif est d'arriver dans les meilleurs délais vers une convergence fiscale au service de notre économie et au service de l'équilibre de la fiscalité enfin stabilisée dans notre pays pour ce qui est du patrimoine.
Deuxième objectif, à travers la convergence fiscale qui trouvera sa traduction dans le rapport commandé par le Président de la République à la Cour des comptes : nous avons mis en oeuvre, sous l'autorité du Premier ministre, un groupe de travail chargé, pendant les semaines qui viennent et jusqu'à la fin du mois d'avril, de formuler des propositions afin de sortir de cette « alternative du diable » à laquelle nous sommes confrontés. Je veux parler de ce bouclier fiscal que vous vouez aux gémonies aujourd'hui alors qu'il n'est que l'arrière-petit-fils de ce que vous avez vous-même voté sous le gouvernement Rocard avec le plafonnement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dans cet accès de lucidité que vous aviez encore à l'époque, vous aviez bien compris qu'en recréant un impôt de solidarité sur la fortune, vous réintroduisiez du même coup un élément confiscatoire et spoliateur.
C'est la raison pour laquelle nous vous disons chiche, allez jusqu'au bout : puisque vous souhaitez remettre en cause le bouclier que vous avez vous-même enfanté, soyez équilibrés dans votre démarche et acceptez la suppression d'une fiscalité sur le patrimoine qui n'a aucune légitimité ailleurs en Europe – c'est la dernière anomalie française en la matière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous allons faire des propositions. Nous n'avons pas voulu vous gêner : puisque vous avez dit oui à la suppression du bouclier, mais non à la suppression de l'ISF, nous n'avons pas voulu vous associer dans ce temps de débat, mais nous vous donnons rendez-vous en juin, à l'occasion de la loi de finances rectificative, pour aboutir à cette réforme juste et équilibrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gilles d'Ettore, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.
La conférence des Nations unies sur le changement climatique qui a débuté la semaine dernière à Cancún, au Mexique, doit marquer une étape décisive sur la voie menant à l'établissement d'un cadre international général pour lutter contre le changement climatique après 2012, lorsque les dispositions fondamentales du protocole de Kyoto viendront à expiration.
Après l'échec du sommet de Copenhague, Cancún offre l'occasion de réaliser une avancée mondiale décisive.
Pour limiter l'augmentation du réchauffement climatique à deux degrés d'ici à la fin du siècle, les scientifiques recommandent de diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 par rapport à 1990. Or les engagements pris à ce jour par les États dans le cadre de l'accord de Copenhague ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Monsieur le secrétaire d'État, la France est exemplaire sur le plan écologique…
…avec l'application du Grenelle de l'environnement. Nous, élus des territoires littoraux, notamment méditerranéens et du Languedoc-Roussillon, sommes particulièrement sensibles et inquiets face aux risques de submersion marine, conséquence du réchauffement climatique. C'est pourquoi la représentation nationale suit avec attention le sommet de Cancún.
Hier, la Chine a proposé, pour la première fois, de soumettre ses objectifs volontaires en termes d'émissions de dioxyde de carbone à une résolution onusienne contraignante. C'est un premier pas encourageant.
Pouvez-vous nous détailler dans quelles conditions se déroulent ces négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.
Monsieur le député, je voudrais tout d'abord excuser Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, en charge des négociations sur le climat, qui accompagne le Président de la République en Inde.
Dès demain matin, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet rejoindra Cancún pour défendre la position de la France à l'occasion du sommet mondial.
Vous venez de l'évoquer, ces négociations se sont ouvertes dans un climat plutôt constructif. Alors que rien n'était acquis à l'origine, au regard notamment des positions prises par certains pays, nous abordons pour notre part cette conférence avec confiance et une réelle énergie, avec la volonté de poser les fondations d'une coopération multilatérale efficace pour nous permettre d'avancer dans la lutte contre le changement climatique.
À ce stade, nous pouvons notamment nous réjouir que les discussions se soient déroulées sans aucune entrave, et notamment que la Chine vienne d'affirmer qu'elle n'était pas opposée à un résultat juridiquement contraignant. La véritable confiance entre les participants que la présidence mexicaine a su restaurer nous permettra d'aboutir, je le crois, avec une position forte de la France, à un accord permettant de mettre en oeuvre très concrètement les avancées de Copenhague. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé.
Monsieur le ministre, les réorganisations de l'hôpital public auxquelles vous procédez sont en train de détruire notre réseau de soins de proximité et, plus globalement, le service public de santé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En Île-de-France, le fleuron qu'est – ou plutôt qu'était – l'Assistance publique connaît un bouleversement de l'offre de soins et de l'organisation des services, au prétexte d'une rationalisation des dépenses.
L'hôpital Tenon, dans le 20e arrondissement de Paris, est particulièrement touché par cette politique, alors qu'il est la seule grande structure hospitalière d'un arrondissement qui compte 200 000 habitants, souvent très défavorisés. Vous avez d'abord supprimé le service IVG, au mépris de la loi qui le rend obligatoire ; depuis des mois les mouvements de femmes et les élus de l'arrondissement se battent sans succès pour obtenir sa réouverture.
Vous avez ensuite décidé de doter cet hôpital d'un service d'urgences, hautement nécessaire, et nous avons soutenu le projet, parfois contre les riverains. Après des années de concertation et le démarrage d'un énorme chantier, voilà que les urgences « camion », c'est-à-dire avec SAMU ou ambulances, seront transférées à l'hôpital Saint-Antoine, et le beau bâtiment flambant neuf, dont toute une partie doit être réaffectée, n'accueillera plus que les « petites urgences ». Quelle gabegie d'argent public !
Depuis deux ans, les personnels se mettent en grève régulièrement pour vous alerter sur leurs mauvaises conditions de travail. Aucun dialogue. Aucune solution. Il manque soixante infirmières sur l'ensemble de l'hôpital, et vous continuez à fermer des lits et à diminuer des effectifs dans les services jugés non rentables. Les médecins sont désemparés, le personnel découragé. Les urgences ont dû être fermées plusieurs week-ends, faute de personnel, mais vous choisissez de neutraliser ceux qui s'opposent à cette politique, comme le représentant du maire de Paris.
Monsieur le ministre, quand allez-vous cesser de casser l'hôpital public ? Quand allez-vous entendre les revendications légitimes des salariés et respecter enfin les citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la députée, la vérité sur ce qui se passe à l'hôpital Tenon n'est pas tout à fait conforme à ce que je viens d'entendre. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous savez très bien que le plan stratégique mis en place par l'AP-HP est destiné à assurer sa survie et le maintien de l'accès aux soins. S'agissant de l'hôpital Tenon et particulièrement de ses services d'urgences, d'oncologie et de néphro-dialyse, la situation tendue qui est la leur résulte de problèmes d'effectifs et non d'une question de budget. Ils doivent faire face, en effet, à des difficultés de recrutement – je vous remercie d'approuver. Beaucoup de départs ont lieu l'été, mais les recrutements, à la sortie des IFSI, ne se font qu'à partir de décembre. Voilà la raison pour laquelle, à Tenon précisément, 54 infirmiers et 41 aides-soignantes ont été recrutés, soit un nombre supérieur à celui que vous évoquiez. Ces personnels ont été affectés aux urgences, à l'oncologie médicale et à la radiothérapie en suppléance, afin de remédier aux vacances d'emploi.
Par ailleurs, afin de fidéliser ces personnels, ont été mis en place différents dispositifs comme la mise en stage d'agents contractuels, le soutien actif à la recherche de logement et une politique de « zéro refus » aux demandes de places en crèche. Vous devriez enfin rappeler que, pour ce qui est des conditions de travail, un complément de rémunération sera attribué aux personnels paramédicaux des services qui se sont trouvés en difficulté au cours du semestre passé.
Oui, je suis attentif, parce que c'est primordial à mes yeux, à l'avenir de l'hôpital public et à la situation de ses personnels ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Madame la ministre, vous avez présenté, à l'occasion d'une visite dans un centre de formation des apprentis le 18 novembre dernier, les grandes orientations de la politique que vous souhaitez mener en faveur de l'apprentissage.
L'apprentissage constitue en effet une formation idéale tant au niveau quantitatif que qualitatif : avec un taux d'accès à l'emploi de près de 80 %, il représente une des solutions les plus efficaces au problème du chômage des jeunes. De plus, il délivre une formation d'une rare qualité, reposant à la fois sur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Enfin, il concerne désormais l'ensemble des niveaux de formation.
Afin de valoriser cette filière, qui n'a rien à envier aux autres cursus plus classiques, et pour atteindre l'objectif de formation de 200 000 apprentis supplémentaires d'ici 2015, vous avez notamment annoncé le lancement d'une grande campagne de communication en faveur de l'apprentissage, et surtout l'attribution de 500 millions d'euros du grand emprunt.
Je souhaite donc, madame la ministre, appeler particulièrement votre attention sur les difficultés que rencontrent les établissements de formation pour loger leurs apprentis dans des conditions économiquement acceptables.
Dans cette perspective, pouvez-vous nous détailler les principales mesures de votre plan et les types de projet qui bénéficieront de l'attribution des 500 millions d'euros du grand emprunt ? Enfin, pouvez-vous nous indiquer de quelle manière le Parlement pourra être associé à ces travaux ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Madame la députée, vous avez raison de souligner qu'à l'heure où le taux de chômage enregistre un premier recul significatif, avec 20 000 demandeurs d'emploi en moins (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), le Gouvernement est totalement mobilisé pour lutter contre le chômage et favoriser l'emploi dans notre pays.
Nous devons, dans cette optique, soutenir l'apprentissage et l'alternance, car un jeune qui sort d'une formation en alternance a 70 % de chances de trouver un emploi. Le Gouvernement a donc décidé d'y consacrer, dans le cadre du grand emprunt et des dépenses d'avenir, 500 millions d'euros, destinés à moderniser tous nos centres d'apprentissage et à en créer de nouveaux. Cinquante projets de CFA multiplateaux correspondant à l'attente des professionnels sont à l'étude. Des efforts seront également faits en faveur de l'hébergement, avec la création de 25 000 places supplémentaires. C'est un défi que nous voulons relever avec Xavier Bertrand.
Nous recevons actuellement les partenaires sociaux pour valoriser ces filières d'apprentissage. Il n'y a pas de filières nobles mais des filières tout court, parmi lesquelles ces filières professionnelles : il faut le dire aux familles et aux jeunes.
Inspirons-nous également des exemples étrangers, celui de l'Allemagne notamment, où le taux de chômage des jeunes est particulièrement bas grâce à l'apprentissage et à la formation par alternance. Nous avons la volonté de nous mobiliser pour défendre ces formations qualifiantes, qui correspondent à une réelle attente des entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Vendredi 26 novembre, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a considéré que l'hospitalisation sans consentement d'une personne en hôpital psychiatrique ne pouvait être prolongée au-delà de quinze jours sans l'intervention d'un juge.
Les sages du Palais-Royal se sont appuyés sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et sur l'article 66 de notre Constitution qui exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, « gardienne de la liberté individuelle ». Aux termes de cette décision, l'article L. 337 du code de la santé est donc contraire à la Constitution.
Or depuis le 5 mai dernier est déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi modifiant les droits et la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques. L'examen de ce projet était prévu en janvier ou février prochain.
Dans un contexte de pénurie de psychiatres, de fermeture de lits dans les hôpitaux et de manque criant de moyens pour les structures extrahospitalières, il entend modifier les modalités de prise en charge des personnes souffrant de troubles mentaux. Mais certains de ses aspects sont controversés, car fortement imprégnés des discours sécuritaires du Président de la République qui stigmatise les malades mentaux.
Le Gouvernement doit se conformer à la décision du Conseil constitutionnel : en conséquence, vous devez modifier votre projet de loi sur l'hospitalisation psychiatrique en respectant les droits des personnes hospitalisées.
Quelles sont vos intentions à cet égard ? Je vous saurais gré également de nous communiquer le calendrier de discussion, car nous devons trancher avant le 1er août. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Blisko, bien évidemment, nous allons nous conformer à la décision du Conseil constitutionnel, et bien évidemment nous le ferons avant le 1er août 2011. Nous allons y travailler avec le garde des sceaux et le ministre de l'Intérieur, en jouant aussi la carte de la concertation avec les professionnels de santé, avec les associations de familles et avec les associations de patients.
Dans la solution que nous retiendrons, il nous faut garantir tout à la fois trois choses : les droits des malades, la qualité des soins et la sécurité du personnel et des familles.
Comme vous l'avez indiqué, la décision du Conseil constitutionnel porte avant tout sur ce qu'emporte l'article 66 de la Constitution, à savoir que la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Ce qui a été déclaré inconstitutionnel, ce sont les dispositions du code de la santé publique qui définissent les modalités du maintien en hospitalisation sur demande d'un tiers au-delà de quinze jours en l'absence de l'intervention du juge. Il importe surtout de prendre en compte la réserve selon laquelle le juge judiciaire doit pouvoir statuer dans les plus brefs délais, compte tenu de la nécessité éventuelle de recueillir les éléments d'information complémentaires sur la personne hospitalisée en cas de demande de sortie immédiate.
Tous ces points, Michel Mercier, Brice Hortefeux et moi-même les avons bien à l'esprit. Nous allons examiner quel est le meilleur véhicule juridique pour prendre des dispositions. Roselyne Bachelot avait déjà accompli un gros travail en liaison avec les professionnels et avec les associations. C'est sur cette base que nous allons poursuivre. Nous sommes bien conscients du calendrier à respecter et nous ne jouerons pas la montre sur ce dossier.
La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Président, ma question s'adresse à monsieur le garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Le 23 novembre dernier, la Cour européenne des droits de l'Homme a rendu l'arrêt Moulin, du nom de cette avocate qui avait été privée de liberté pendant cinq jours en vertu d'un mandat d'amener délivré par un juge d'instruction dans un dossier de violation du secret de l'instruction et de complicité d'infraction à la législation sur les stupéfiants.
En effet, la Cour ne considère pas comme une véritable autorité judiciaire le procureur adjoint de Toulouse qui a fait exécuter ce mandat d'amener et donc privé de liberté Mme Moulin. À ses yeux, le statut des procureurs en France ne satisfait pas aux conditions d'indépendance visa vis de l'exécutif. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'elle le dit.
Au moment où le Gouvernement prépare d'importantes réformes de la procédure pénale, il y a lieu de s'interroger sur l'impact de cette décision sur les projets en cours, et ce d'autant plus que le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation nous imposent également de réformer les régimes de garde à vue avant le 1er juillet 2011.
Les répercussions de cet arrêt pourraient être multiples : la remise en cause du statut des procureurs, ce qui nécessiterait une révision constitutionnelle ; la remise en cause de la suppression du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention remplacés par le juge de l'enquête et des libertés ; la remise en cause de l'accroissement des pouvoirs d'enquête des procureurs, et celle de la présence des juges et des procureurs dans un corps unique de la magistrature.
Le risque est de créer une véritable insécurité juridique qui pourrait bénéficier aux délinquants et se répercuter sur la sécurité de nos concitoyens, en particulier pour ce qui touche au projet de loi sur la garde à vue.
Quelles peuvent être, monsieur le ministre, les répercussions de cette décision de la Cour européenne sur vos projets de réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur Jean-Paul Garraud, il faut replacer l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme que vous mentionnez dans l'ensemble de la jurisprudence de cette cour. On s'aperçoit alors qu'il ne comporte pas de véritable novation.
Le projet de loi portant réforme de la garde à vue qui sera discuté à l'Assemblée nationale en janvier tiendra compte de cette jurisprudence de la cour de Strasbourg dans le cadre fixé par le Conseil constitutionnel et par la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Il faut évidemment examiner chacun des alinéas et la portée globale de l'arrêt de la Cour de Strasbourg. Je ferai simplement trois observations.
Pour commencer, la Cour rappelle qu'il ne lui appartient pas de prendre position dans le débat sur le lien de dépendance effective entre le ministre de la justice et le ministère public en France, ce débat relevant des autorités du pays. Dont acte.
Ensuite, l'arrêt France Moulin ne revient pas sur une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme qui, par l'arrêt Brogan de 1988, a fixé une règle très simple : la privation de liberté avant présentation au juge ne doit pas excéder quatre jours. Or le droit français en vigueur prévoit la présentation au juge des libertés et de la détention au bout de quarante-huit heures. Le projet que nous défendrons en janvier n'est donc pas affecté.
Enfin, un amendement devrait être déposé sur ce projet relatif à la garde à vue quant aux règles relatives au mandat d'amener pour préciser que la présentation à un juge est nécessaire même si la personne est privée de liberté à la suite d'un mandat délivré par un autre juge, ce qui était le cas de Mme France Moulin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Paul Dupré, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, en deux ans, le nombre des jeunes chômeurs a augmenté de 72 %. À ce jour, un jeune sur quatre est demandeur d'emploi.
La situation de ces centaines de milliers de jeunes que l'on promène de stage en CDD, sans jamais leur offrir la possibilité de construire un projet de vie, atteint des proportions insupportables. Ils ont comme seul horizon la précarité et la désespérance. On peut même évoquer une sorte de discrimination à l'égard de toute une génération.
Pourtant, le chômage des jeunes n'est pas une fatalité. Des moyens sont mobilisables, autour d'une politique nationale ambitieuse. A contrario, nous avons pris connaissance avec consternation de la suspension des signatures comme des renouvellements de contrats d'accompagnement dans l'emploi, accentuant le traumatisme de tous ceux qui se raccrochaient à ce léger espoir de retrouver une activité.
Revenez sur la mise en cause du plan Agir et sur la suppression d'un millier de conseillers au sein des missions locales ! Ces derniers ont suivi 1,2 million de jeunes en 2009, dont le taux d'accès à l'emploi est de 28 %, et l'Inspection générale des finances a reconnu la qualité d'un travail réalisé à moindre coût.
Revenez, sur la réduction des moyens de Pôle Emploi et la suppression de 1 800 postes de conseillers ! Si ces dispositions étaient maintenues, elles laisseraient apparaître clairement l'absence d'ambition de votre part en matière de lutte contre le chômage en général, et contre le chômage des jeunes en particulier.
Le Gouvernement va-t-il enfin prendre la mesure du désastre et décider de faire de la lutte contre le chômage des jeunes une grande cause nationale qui, je n'en doute pas, serait un motif de consensus sur les bancs de notre hémicycle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, vous avez parlé de consensus : chiche ! Sur l'apprentissage, le Gouvernement est prêt à s'engager. Mais, si l'État s'engage à financer des formations, toutes les régions doivent faire exactement le même effort pour les financer elles aussi plus rapidement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La réduction du nombre de demandeurs d'emploi au mois d'octobre – la plus importante depuis février 2008 (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) – doit être l'occasion d'une mobilisation renforcée. Nous sommes tous d'accord : dans notre pays, le taux de chômage des jeunes est l'un des plus importants d'Europe. Toutefois, n'oublions pas qu'à la bonne nouvelle du mois d'octobre, il faut ajouter une légère amélioration sur le front du chômage des jeunes : il a baissé de 7 % en un an, et nous ne nous arrêterons pas là.
En la matière, je crois au pragmatisme : les formations en alternance constituent certainement la voie qui permettra à un maximum de jeunes de trouver le chemin de l'emploi durable.
Vous avez parlé des missions locales ; leurs moyens ont été maintenus. Vous avez parlé de Pôle emploi ; ses moyens ont été maintenus. (« C'est faux ! » et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous avez parlé des emplois aidés : il y en avait 290 000 dans le secteur non marchand avant la crise ; l'an prochain, il y en aura 340 000, conformément à ce que cette majorité a voté. (Mêmes mouvements.) Voilà la vérité.
Monsieur le député, vous avez souhaité le consensus : quand j'entends les cris de vos amis, je me dis qu'il y a encore du chemin à parcourir pour les convaincre. Pour ma part, j'affirme que la politique du Gouvernement est celle de la main tendue en faveur des jeunes et en faveur de l'emploi des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, l'OCDE a rendu public aujourd'hui son classement des systèmes scolaires de soixante-cinq pays ou territoires pour l'année 2009.
Ces classements, établis en fonction des compétences des élèves âgés de quinze ans en lecture, en mathématiques et en sciences, sont publiés dans le cadre de l'enquête PISA 2009, quatrième édition du programme international pour le suivi des acquis des élèves, après celles de 2000, 2003 et 2006.
Plutôt que la maîtrise d'un programme scolaire précis, PISA teste l'aptitude des élèves à appliquer les connaissances acquises à l'école aux situations de la vie réelle. Ce sont des indicateurs importants, qui reposent sur des critères jugés pertinents par beaucoup d'experts.
Le constat le plus alarmant, au-delà du fait que la France a chuté dans le classement entre 2000 et 2006 – cette évolution semble toutefois se stabiliser en 2009 –, est que notre système a du mal à réduire la proportion des élèves les moins performants. Ainsi, on en comptait 15 % dans cette catégorie en 2000, et ils sont près de 20 % en 2009. Or, dans le même temps, le pourcentage des plus performants a augmenté de 8,5 % à 9,6 % ce qui montre que notre système a du mal à réduire les inégalités.
Nous sommes plusieurs membres de la commission des affaires culturelles et de l'éducation à nous être rendus en Finlande pour essayer de comprendre la réussite de ce pays. Nous avons noté qu'il consacre moins de 5,5 % de son PIB à l'éducation, alors que la France y consacre plus de 6 %. Ces chiffres sont éloquents : avec moins d'argent destiné à son système éducatif, la Finlande fait figure de modèle et arrive au premier rang des pays de l'OCDE. Cela prouve qu'il n'y a pas de corrélation entre la dépense par élève et la performance.
Certes, tout modèle présente ses limites et ses zones d'ombres, mais l'observation des réussites étrangères peut toujours être une source d'inspiration pour notre pays.
Monsieur le ministre, quelles sont, selon vous, les leçons à tirer de cette enquête internationale qui compare les résultats des systèmes éducatifs nationaux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le député, l'OCDE a rendu publique ce matin la quatrième enquête PISA effectuée depuis dix ans.
Cette enquête est très intéressante car nous avons besoin de disposer d'évaluations de notre système éducatif et de comparaisons internationales. Elle nous permet de nous comparer à soixante-quatre pays sur le plan des méthodes et des résultats.
L'enquête de 2009 montre une stabilité de la position de la France par rapport aux résultats précédents. Nous nous situons à la fin du premier tiers des soixante-cinq pays, dans la moyenne des membres de l'OCDE en termes de résultats scolaires, c'est-à-dire au même niveau que les États-Unis, la Grande-Bretagne ou l'Allemagne.
L'intérêt de cette étude, c'est qu'elle doit aussi nous permettre de progresser et d'améliorer l'efficacité de notre système éducatif. Elle nous permet d'identifier deux points faibles majeurs : l'augmentation du nombre d'élèves en difficulté scolaire – ce qui justifie l'action que nous menons en matière de soutien scolaire et de personnalisation des parcours – et le déterminisme social.
C'est vrai, notre système social ne permet pas suffisamment aux élèves issus de milieux défavorisés d'aller loin dans leurs études. Ce n'est pas propre au système français mais, si on trouve cette caractéristique dans beaucoup de pays de l'OCDE, elle est plus accentuée en France, ce qui justifie une action renforcée.
Nous connaissons les réponses apportées par les pays qui se placent au sommet du classement : la personnalisation, l'autonomie, l'accompagnement. Nous continuerons dans cette direction parce que la jeunesse de France le mérite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Classement PISA des systèmes scolaires
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi de M. Jean-Claude Sandrier et plusieurs de ses collègues en faveur d'une fiscalité juste et efficace (nos 2914, 2980).
Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu'en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les articles et l'ensemble de la proposition de loi.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe GDR.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, mes chers collègues, aucune sortie de crise n'est possible et durable sans que nous nous attaquions aux deux causes fondamentales de cette crise : les inégalités, dont « la montée a été une source de la crise », selon le rapport de la commission Stiglitz remis à l'ONU, et la dictature des marchés financiers, dont la loi unique est le fric pour le fric et le fric par le fric, loi que vous avez initiée et soutenue avec vos théories du « tout marché », du « tout déréglementé », du « tout privatisé » et de la liberté de circulation des capitaux, inscrites dans le traité de Lisbonne. C'est ainsi que le rapport Stiglitz conclut : « La crise ne résulte pas d'une ou plusieurs défaillances du système ; c'est le système lui-même qui en est la cause. »
La proposition de loi que nous soumettons à notre assemblée s'attaque à ces causes fondamentales de la crise du capitalisme, en proposant deux séries de mesures. L'une s'attaque aux inégalités inadmissibles de notre fiscalité, l'autre favorise l'argent qui s'investit vers l'emploi, les salaires, la formation ou encore la protection sociale, et pénalise celui qui va vers les dividendes, les marchés financiers et, comme le dit l'économiste américain Galbraith, les « faux-monnayeurs ».
Combattre les inégalités, c'est combattre la crise. Il faut revenir à la progressivité de l'impôt, viser les plus riches en modifiant barème et taux de l'impôt sur le revenu au lieu de pénaliser le plus grand nombre, à coup de TVA notamment. Il n'est pas normal que cet impôt sur le revenu soit rendu profondément injuste par des cadeaux qui font qu'au lieu d'être imposés au taux actuel de 40 %, les mille plus riches de notre pays sont imposés à 25 % et les dix plus riches à 20 %.
Voilà pourquoi nous proposons de revenir au taux marginal de 54,8 % sans cadeaux fiscaux. Même chose pour l'impôt sur les sociétés qui, fixé à 33,3 %, fait dire au MEDEF que nous avons les impôts les plus élevés d'Europe, ce qui est complètement faux : à la sortie, les entreprises du CAC 40 ne paient que 8 %, c'est-à-dire moins qu'en Irlande, championne toutes catégories de la fiscalité la plus basse. On voit d'ailleurs où cela l'a menée.
Nous proposons une augmentation des impôts ciblée sur ceux qui possèdent le plus, qui gagnent le plus et profitent le plus, y compris de la crise. De ce point de vue, le milliardaire américain Warren Buffet sait de quoi il parle : « Je crois que les gens comme moi devraient payer plus d'impôts. Notre situation est meilleure qu'elle ne l'a jamais été. Il n'y a qu'une solution désormais,…
…c'est augmenter fortement les impôts des grandes fortunes. Les Républicains ont tort de croire que la baisse des impôts des plus riches favorise l'économie, cela fait dix ans que nous le faisons et cela nous a menés tout droit à l'échec. »
La justice fiscale est aussi une des conditions de l'efficacité économique en incitant à orienter l'argent vers l'économie réelle. Toutes nos propositions, en particulier sur l'impôt sur les sociétés ou la taxation des revenus financiers pour les cotisations sociales, prévoient une modulation de l'impôt en fonction de l'utilisation faite de l'argent par les entreprises.
Il faut faire place nette de tout encouragement scandaleux à un enrichissement hors de mesure, à commencer par le bouclier fiscal, sans toucher évidemment à l'impôt sur la fortune, supprimer ou taxer de façon dissuasive stocks-options et autres rémunérations exceptionnelles qui constituent un véritable détournement de la richesse créée par le travail de tous.
C'est ce que vise aussi l'article concernant l'échelle des rémunérations, que nous proposons de ramener de 1 à 20, ce qui est déjà la pratique de 80 % des entreprises en France. Cela doit permettre de stopper cette fuite en avant qui a permis à l'échelle des revenus de passer de 1 à 40 en France il y a trente ans à 1 à 350 aujourd'hui.
La création d'un pôle national bancaire de crédit est indispensable pour orienter l'argent vers l'économie réelle. Enfin, des mesures d'urgence doivent être prises au plan européen contre l'évasion fiscale et les paradis fiscaux, ainsi que pour s'attaquer au fléau du triple dumping fiscal, social et environnemental.
Mes chers collègues, notre proposition de loi fait le choix de la justice fiscale et sociale, le choix d'orienter l'argent vers l'emploi, les salaires, la formation, le choix de mettre un terme au déficit budgétaire en comblant le vide des 100 milliards d'euros qui, selon Gilles Carrez, manquent au budget du fait de vos cadeaux fiscaux irresponsables aux plus riches.
C'est pourquoi nous vous demandons de voter cette proposition de loi présentée par les députés communistes, républicains et du parti de gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe du Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée a examiné jeudi dernier cette proposition de loi initiée par nos collègues du groupe GDR, dont l'intitulé est plutôt accrocheur : promouvoir une fiscalité « juste et efficace ». Qui pourrait être contre cela ?
Las, force est de constater que les dispositions contenues dans le présent texte n'ont aucune cohérence : loin de rechercher une fiscalité juste et efficace, elles relèvent du pur « catalogue » de mesures.
Ces explications de vote me donnent l'occasion d'évoquer la justice sociale et l'indispensable refonte de notre système fiscal que le Nouveau Centre appelle de ses voeux depuis longtemps.
La fiscalité nécessite de la cohérence. Il nous est proposé de refondre totalement le barème de l'impôt sur le revenu pour parvenir à neuf tranches. Au-delà de la faisabilité d'une telle réforme par le biais d'une simple proposition de loi, il me semble que l'équilibre entre justice sociale et efficacité économique n'est pas respecté au travers des différentes tranches d'imposition telles qu'elles sont proposées.
Une fiscalité juste est, en premier lieu, une fiscalité qui n'est pas confiscatoire. Cette règle première n'est en rien respectée dans cette proposition de loi. Le groupe Nouveau Centre défend depuis longtemps la nécessité d'une modernisation de la fiscalité, et notamment de la fiscalité du patrimoine. Le Gouvernement s'est engagé à une telle réforme au printemps 2011 et notre groupe y est très attaché.
Une réforme fiscale doit répondre à un double objectif : l'équité fiscale pour que l'impôt soit accepté de tous, et l'efficacité économique. Cela signifie qu'il ne faudra sans doute pas supprimer de manière abrupte l'ISF et les 4 milliards d'euros qu'il procure chaque année au budget de l'État. Nous devrons réfléchir à une nouvelle forme de fiscalité patrimoniale, qui n'affecterait plus le patrimoine en lui-même mais plutôt les revenus qu'il procure. Le groupe Nouveau Centre propose, depuis un certain temps maintenant, d'adopter un véritable discours de tempérance fiscale.
Comme vous le savez, notre groupe soutient avec détermination l'ambition de parvenir à une convergence fiscale entre la France et l'Allemagne afin de réduire les écarts de compétitivité entre nos deux pays. Nous attendons beaucoup du rapport de la Cour des Comptes qui nous est promis pour le premier trimestre 2011.
À vrai dire, un véritable « Grenelle de la fiscalité » doit embrasser un champ bien plus large que les simples mesures sans architecture globale proposées par nos collègues du groupe GDR, au regard notamment des défis économiques colossaux que notre pays doit relever.
Le grand soir fiscal ne se fera pas au détour de quelques articles d'une proposition de loi, aussi accrocheurs soient-ils. Par voie de conséquence, le groupe Nouveau Centre votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
D'ores et déjà, je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe GDR, au titre flatteur « Pour une fiscalité juste et efficace », poursuit, cela est suffisamment rare pour être souligné, le même objectif que le Gouvernement. Néanmoins, nos méthodes quant aux moyens d'y parvenir divergent radicalement.
L'ambition principale de cette initiative consiste, à travers une série de mesures, en une hausse généralisée d'impôts, ambition pour le moins inadaptée, injuste et inefficace.
Comment réguler la dépense publique pour les communistes ? Une seule solution :…
…l'impôt, et plus précisément la démesure fiscale. Nous ne pouvons pas cautionner ce genre de propositions. Comment proposer de taxer davantage les ménages et les entreprises alors même que nous avons, en France, un des plus forts taux de prélèvements obligatoires – quatre points de plus que la moyenne européenne –,…
…et que la fiscalité directe sur les entreprises est en moyenne supérieure de cinq points à celle de nos voisins européens ?
Vos méthodes ne sont pas les bonnes, loin s'en faut. Nous sommes même convaincus qu'elles n'auraient que pour conséquences de freiner la compétitivité de notre économie et de grever le pouvoir d'achat des ménages, déjà mis à mal par la crise.
Rendre plus efficace et plus juste la fiscalité ne doit pas consister à alourdir cette dernière par un rideau fiscal nous coupant du monde réel. Depuis 2007, le Gouvernement emprunte un chemin plus responsable pour tendre vers cet objectif. Le projet de budget pour 2011 en témoigne, poursuivant l'exigence de réduction du déficit public par la réduction, entre autres, de nombreuses niches fiscales à hauteur de 10 milliards d'euros.
Vous nous proposez également de supprimer les exonérations au titre des heures supplémentaires. La recherche de l'efficacité et de la justice ne doit pas nous faire perdre de vue les dispositifs qui fonctionnent. C'est le cas des heures supplémentaires, qui ont apporté un gain de pouvoir d'achat de 100 euros en moyenne par mois aux 8,1 millions de ménages qui ont bénéficié de ce supplément de salaire, exonéré, je le rappelle, de charges et d'impôts l'an dernier. En entendant mettre fin à cet outil efficace qui s'adresse essentiellement aux classes moyennes, la posture fiscale du groupe GDR n'est pas acceptable.
Enfin, sans surprise, la liste des mesures du groupe GDR comprend la suppression du bouclier fiscal. Cette hypothèse rejoint certes la réflexion du Gouvernement (Rires sur les bancs du groupe GDR), dans le cadre d'une grande réforme de la fiscalité annoncée pour le printemps 2011. Néanmoins, encore une fois, nos positions divergent radicalement. Les réflexions sur la levée du bouclier fiscal ne peuvent pas être isolées et doivent aller de pair avec une réflexion sur l'ISF. Le débat n'est pas nouveau, un groupe de travail a été mis en place. Aucune piste ne doit être négligée pour parvenir à une amélioration de notre fiscalité du patrimoine, qui devrait être proposée dans le cadre d'une loi de finances rectificative. Une telle réforme est nécessaire. Comme a pu le souligner avec pertinence le ministre du budget, jeudi dernier ici même, celle-ci ne portera en aucun cas sur une hausse d'impôt, mais oeuvrera à parvenir à une imposition du patrimoine plus juste et plus efficace, qui pourrait être basée non plus sur sa détention mais sur le revenu qu'il génère.
Par voie de conséquence, c'est donc bien notre majorité qui oeuvre sans relâche à améliorer notre fiscalité, afin que celle-ci ne soit pas confiscatoire et permette à la fois la compétitivité de notre économie, la préservation du pouvoir d'achat ainsi que la création et le maintien de l'emploi. Le Premier ministre l'a souligné dans cet hémicycle : la fiscalité doit servir notre compétitivité et rechercher la justice. À cet égard, la potion fiscale proposée par le groupe GDR n'est vraiment pas bonne. Voilà pourquoi j'invite mes collègues à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je voudrais tout d'abord remercier M. Jean-Claude Sandrier et le groupe GDR de nous avoir donné l'occasion d'un vrai débat sur la fiscalité. Je regrette que la façon dont on examine les propositions de loi de l'opposition ne permette pas de discuter les articles.
En effet, dans celle-ci figuraient beaucoup d'articles que nous aurions votés, car ils rejoignent nos propositions.
Si nous avons des divergences sur un certain nombre d'articles, nous convergeons sur l'essentiel : il y a urgence à rétablir la justice dans notre fiscalité. En 2012, après dix ans de pouvoir de droite, on pourra résumer la situation en deux mots : la dette aura doublé et les inégalités auront explosé. Les intérêts de la dette vont progressivement devenir le deuxième budget de l'État, atteignant presque le même niveau que l'éducation nationale. La France se trouve dans cette situation non à cause de la crise, mais de tous les allégements d'impôt accordés en grande partie aux plus fortunés de nos concitoyens depuis huit ans.
Notre impôt sur le revenu s'est réduit comme une peau de chagrin tellement mitée qu'à mesure que l'on monte dans l'échelle des revenus, on parvient à ce paradoxe qu'a rappelé notre collègue Sandrier : les dix plus hauts revenus sont très éloignés du taux marginal de 40 % d'imposition. Ils paient moins de 20 % de leurs revenus en impôt, car ils utilisent abondamment les niches fiscales et parce que, dans notre pays, le patrimoine est deux fois moins imposé que le travail.
Alors oui, une réforme majeure est nécessaire. Il faut d'abord supprimer le bouclier fiscal, qui crée cette situation paradoxale qu'il faut être très riche dans notre pays pour ne pas payer d'impôts. Si vous avez 16 millions d'euros de patrimoine et que vous utilisez toutes les niches fiscales pour être exonéré de l'impôt sur le revenu, on vous rembourse en plus tous vos autres impôts : la CSG et les impôts locaux !
Une réforme de l'imposition des revenus doit faire en sorte que tous les revenus soient taxés de la même façon, que les revenus du patrimoine ne puissent pas échapper, par des niches fiscales ou par des prélèvements libératoires, à la justice fiscale, c'est-à-dire au barème de l'impôt sur le revenu.
Il faut arrêter avec cette fiction selon laquelle la moitié des Français ne paient pas l'impôt sur le revenu. Tous les Français en paient, car tous paient la CSG. Il est nécessaire de reconstruire, dans notre pays, un véritable impôt citoyen sur le revenu en fusionnant impôt sur le revenu et CSG,…
…en gardant le meilleur des deux : la progressivité de l'impôt sur le revenu et la base large de la CSG.
Il faut un impôt plus simple, plus clair, plus juste parce que plus progressif.
Réhabiliter l'impôt, c'est aussi réhabiliter l'intérêt général et le service public.
La citoyenneté, c'est aussi le consentement à l'impôt. À rebours de tout ce que l'on entend depuis trente ans dans le discours libéral, ce qui caractérise la compétitivité et le développement d'une économie, ce n'est pas moins d'État, mais l'inverse. À l'ère de la mondialisation, on peut reproduire partout dans le monde une usine moderne et efficace, mais l'on ne peut pas reproduire partout des infrastructures, un système de recherche et d'éducation, un système de protection sociale et de santé efficaces. En un mot, ce qui fait la compétitivité d'une économie, c'est tout ce qui échappe au marché, tout ce qui est collectif, c'est-à-dire la solidarité. La solidarité contribue à rétablir la confiance ; elle permet de prendre des risques en sachant que personne n'est laissé au bord du chemin.
Si nous nous abstenons sur le vote de ce texte, il s'agit d'une abstention positive (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) parce que nous pensons qu'il faut poursuivre ce débat. (« Zéro ! » sur les mêmes bancs.)
Ce débat est essentiel, car vous, mes chers collègues du groupe GDR, comme nous, nous pensons la même chose : la justice fiscale est d'abord une question de justice, mais également d'efficacité économique. Oui, la solidarité est un puissant facteur d'efficacité économique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 470
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue 159
Pour l'adoption 33
Contre 284
(La proposition de loi n'est pas adoptée.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quelle déculottée !
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.
Le 28 octobre 2010, le Conseil européen a adopté la mise en place de ce qu'il a appelé « le semestre européen de coordination des politiques économiques ».
Pour la Commission européenne et le Conseil européen « une surveillance budgétaire et économique en amont, qui fait défaut pour le moment, permettrait de formuler de véritables orientations qui tiennent compte de la dimension européenne et qui se traduiraient par des décisions politiques nationales. » Pour nous, il s'agit donc bien de la volonté d'exercer une influence directe sur les choix budgétaires nationaux et ce, avant les décisions des parlements souverains.
C'est ce qui nous amène à défendre cette proposition de loi qui propose d'inscrire à l'article 88-2 de la Constitution : « En matière budgétaire cependant, le Parlement reste souverain. Les institutions européennes ne pourront se prononcer qu'après la délibération des assemblées parlementaires ».
Que nous disent les opposants à cette proposition ? Que le renforcement du contrôle du budget est une vraie avancée ; qu'il ne s'agit que de conseils, que de meilleure coordination ; qu'il n'y a pas de droit de veto de la Commission, pas de contraintes ; que l'inquiétude est légitime, mais qu'il n'y a pas de risques. Bref, circulez, il n'y a rien à voir !
Certes, les sanctions automatiques ont été écartées, mais au profit d'un système de majorité inversée. Nous ne pouvons avoir la naïveté de croire que les jugements de la Commission et du Conseil, une fois rendus publics, ne constitueront pas une pression considérable sur les États. En effet, ce n'est plus d'orientations globales pour la zone euro ou plus largement pour l'Union européenne, mais bien d'injonctions, pays par pays, qu'il est question.
Les critères d'analyse qui seront utilisés, éminemment idéologiques, sont ceux des agences de notation et des marchés financiers : coût du travail, baisse du nombre de fonctionnaires et de leurs salaires, réforme systémique des régimes de retraites, coût des actifs financiers ou encore taux d'imposition.
Lorsque nous entendons le Premier ministre irlandais déclarer : «Je suis très heureux que le président français Sarkozy ait indiqué qu'il n'était pas question de faire du taux d'imposition des sociétés irlandaises un élément de ces discussions ou négociations », tout est dit sur la poursuite du dumping fiscal.
Selon nous, il ne peut y avoir de débat budgétaire sans rééquilibrage de la fiscalité en faveur du travail, de la protection sociale, des services publics et de l'investissement, au détriment de la finance prédatrice et spéculative. Pour vous, il s'agit d'ouvrir définitivement la porte à la dictature des marchés, d'imposer la concurrence libre et non faussée et d'appliquer des politiques d'austérité payées par les classes populaires et les classes moyennes. Le semestre européen constituerait un premier pas vers un gouvernement économique de l'Union dans le but de ne pas créer de distorsion de concurrence, nous dit-on. Ce qui est significatif dans ce discours, c'est l'oubli de la justice sociale et de la prise en compte des enjeux écologiques.
Vous tentez de nous vendre la simple consultation des parlements nationaux comme une « grande avancée ». Le comble aurait été qu'ils ne soient pas consultés ! La réalité, c'est qu'avec le dispositif proposé par le Gouvernement, le Parlement ne fera que donner son avis et ne sera donc en rien souverain dans les décisions qui seront prises.
C'est le principe même du consentement à l'impôt qui est fragilisé par le renforcement du pouvoir d'institutions non élues sur notre budget, au détriment des parlements nationaux et du Parlement européen. Dès le premier janvier 2011, l'agenda prévu est clair. Le premier semestre de chaque année, la Commission et le Conseil européen jugeront les orientations budgétaires de chaque pays européen. La finalisation de l'élaboration des budgets nationaux interviendrait au cours du second semestre et serait donc forcée de prendre en compte les injonctions énoncées par les institutions européennes.
Le directeur du FMI va encore plus loin en proposant « de créer une autorité budgétaire centralisée, dotée d'une indépendance comparable à celle de la BCE. [Elle] établirait le cadre budgétaire de chaque État et allouerait les ressources depuis un budget central pour atteindre la double cible de la stabilité et de la croissance ». Autant dissoudre tout de suite les parlements nationaux !
Les transferts de souveraineté ou la mise en place de critères de surveillance ont toujours été autorisés par une procédure constitutionnelle. Pour cette transformation de la gouvernance économique, comme le Conseil européen a peur du verdict populaire, la modification nécessaire du traité de Lisbonne a été qualifiée de « limitée » afin de ne pas avoir recours à la ratification par référendum, tant le vote de 2005 contre le TCE est un souvenir cuisant pour vous.
Cet abandon de souveraineté se serait effectué sans débat public sans cette proposition que les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche vous proposent d'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
(M. Jean-Pierre Balligand remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe du Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la souveraineté du peuple, dont nous avons débattu à l'initiative du groupe GDR, a eu le mérite d'ouvrir une discussion de premier ordre sur la façon de conduire une politique budgétaire responsable à un moment crucial pour l'avenir de la zone euro. Cette discussion a permis de distinguer ceux qui s'opposent à toute forme de fédéralisme budgétaire, à toute forme de coopération, et qui pensent que le repli national peut tenir lieu de politique macroéconomique dans un monde globalisé.
Au groupe Nouveau Centre, nous faisons partie de ceux pour qui la coordination des politiques budgétaires et économiques au sein de la zone euro est une priorité. La monnaie unique n'ouvre pas que des droits, elle implique aussi des devoirs en matière de convergence économique, fiscale et sociale.
La procédure dite du « semestre européen », qui consiste en un droit de regard a priori de la commission européenne sur les grandes orientations budgétaires nationales, constitue certainement l'une des clés, l'une des premières étapes, de cette indispensable harmonisation. C'est précisément à ce projet que nos collègues du groupe GDR tentent de faire barrage par le biais de la modification constitutionnelle qui nous est proposée.
Au nom du groupe Nouveau Centre, je développerai trois arguments.
Premièrement, ce nouveau cycle de surveillance macroéconomique ne s'oppose en aucun cas aux prérogatives nationales en matière budgétaire. En effet, la Commission ne disposera pas d'un droit de veto sur les orientations qui lui seront transmises. Surtout, les parlements nationaux et européen seront associés à cette démarche. Au plan national, elle va tout à fait dans le sens de l'une des propositions du rapport Camdessus visant à mieux associer le Parlement aux programmes de stabilité qui sont d'ores et déjà envoyés à Bruxelles à l'automne, soit après le dépôt au Parlement des textes financiers qu'ils sont destinés à encadrer.
Deuxièmement, la crise des dettes souveraines a révélé une des graves carences du Pacte de stabilité en l'état actuel du droit communautaire. En effet, les procédures de sanction financière pour déficits excessifs semblent contradictoires avec l'objectif même d'assainissement des comptes publics de l'ensemble de la zone euro. Elles n'ont d'ailleurs jamais été appliquées, la Commission se contentant la plupart du temps d'un simple rappel à l'ordre. Les chefs d'État et de Gouvernement européen ont récemment soulevé cette question en suggérant que les sanctions encourues ne soient plus de nature économique, de façon à ne pas entraver la reprise, mais bien politique avec, par exemple, une éventuelle suspension du droit de vote lors des réunions de l'Union européenne. C'est tout le sens de la procédure du « semestre européen ».
Enfin, je me dois de dire que la proposition de nos collègues du groupe GDR est en totale contradiction avec l'absolue nécessité de développement d'une politique macroéconomique européenne. Nous en sommes tous convaincus : nous ne bâtirons pas l'Europe de la croissance et du développement sans un rapprochement de nos politiques budgétaires. Les réticences que soulève en Allemagne la solidarité que nous nous devons d'apporter aux pays en difficulté de la zone euro montrent la nécessité de ce rapprochement. On ne peut pas, d'un côté, exiger de l'Allemagne, principal contributeur au budget européen, un effort majeur au nom du devoir de solidarité européenne et, de l'autre, exonérer le reste des pays membres des réformes structurelles que ce pays a entrepris depuis une dizaine d'années pour améliorer sa compétitivité et équilibrer ses comptes publics.
Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles le groupe Nouveau Centre votera contre cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe UMP.
La proposition de loi constitutionnelle de Mme Billard repose sur la crainte d'une atteinte à la souveraineté nationale en matière budgétaire à travers l'adoption du semestre européen, crainte qui nous paraît infondée et même néfaste.
Elle se fonde, en effet, sur une interprétation erronée du semestre européen. Ce dernier ne prévoit en aucun cas, contrairement aux allégations figurant dans le rapport, un veto de la Commission européenne sur une quelconque décision budgétaire prise par un parlement national. Le semestre européen est, en fait, un premier pas vers un gouvernement économique de l'Union, c'est-à-dire une concertation des politiques budgétaires entre les seize pays de la zone euro, et ensuite les vingt-sept, pour éviter des politiques erratiques, dangereuses, que l'on a notamment pu connaître en Grèce et en Irlande, qui mettent en péril non seulement ces pays, mais l'ensemble de la zone euro et de l'Europe, et de fait notre pays.
La gouvernance économique a été réclamée depuis des années par tous les gouvernements français, de droite comme de gauche, car une monnaie unique exige une gouvernance économique européenne. Aujourd'hui que l'Allemagne, qui était attachée aux seuls critères de Maastricht, vient d'en accepter le principe, il serait tout de même absurde de se tirer une balle dans le pied et de faire échouer cette idée française, qui a réussi grâce à la concertation entre le Président Sarkozy et la Chancelière Merkel.
Infondée, cette crainte l'est aussi parce qu'après le premier semestre de l'année, consacré à la concertation, à l'échange, et à la formulation de recommandations par le Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement – dont je vous rappelle, madame Billard, qu'il constitue évidemment une instance démocratique, puisqu'il est composé de chefs d'État et de gouvernement démocratiquement élus –, le Parlement français délibérera à l'automne en toute souveraineté.
Quand on ne veut pas de délocalisations, quand on défend nos entreprises et nos emplois, il faut évidemment s'orienter vers un rapprochement des politiques économiques pour éviter les dumpings fiscaux et sociaux qui nous coûtent si cher et que nous dénonçons tous sur ces bancs.
Vous affirmez dans l'exposé des motifs que le Parlement européen n'est pas pris en considération dans le projet. C'est, une fois encore, totalement faux : la Commission européenne et le Conseil européen, qui ont adopté le principe de ce semestre européen, ont bien précisé qu'il était nécessaire d'« associer très tôt et de manière forte les parlements nationaux au processus » et de « renforcer le dialogue avec le Parlement européen ». Je rappelle en outre que Mme Berès, députée européenne socialiste et présidente de commission au Parlement européen, a réitéré cette demande.
Votre démarche est donc néfaste : les parlements nationaux et le Parlement européen ne doivent pas refuser le semestre européen et la gouvernance économique de l'Europe, mais s'y associer pleinement. À la demande de la Commission, notre assemblée a pris des initiatives en ce sens. Sous ma présidence, la commission des affaires européennes de l'Assemblée a ainsi proposé, en se fondant sur le rapport de MM. Herbillon et Caresche, un mécanisme de conférence interparlementaire des responsables des commissions des finances des Seize, puis des Vingt-Sept, avec le président de la commission des budgets du Parlement européen, M. Lamassoure. Nous en avons parlé avec le président de la commission des finances, M. Cahuzac, avec le rapporteur général du budget, M. Carrez, et, bien sûr, avec M. Lamassoure. Le président Accoyer a proposé cette formule de conférence budgétaire annuelle au président du Parlement européen, ainsi qu'à la présidence belge de l'Union. L'idée bénéficie d'un fort soutien à Bruxelles ; je reviens justement d'une réunion sur place, et je peux vous assurer qu'elle y fait son chemin.
Vous le voyez, madame Billard, non seulement nous ne craignons pas le semestre européen, mais nous pensons qu'il s'agit d'une avancée majeure qui permettra aux parlements nationaux de mieux exercer leur souveraineté en connaissant parfaitement les intentions et les programmes des autres pays européens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, quant à la forme, madame Billard, citer Robespierre et comparer le droit de veto de la Commission européenne, lequel n'existe pas, à celui de Louis XVI, voilà qui est bien passéiste et, à dire vrai, un peu loufoque. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera résolument contre cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je remercie tout d'abord le groupe GDR de nous avoir permis de discuter de cette question importante, qui va sensiblement modifier la manière dont le Parlement examine le budget.
Existe-t-il un risque pour la souveraineté du Parlement ?
…étant donné la manière dont a été conçu le dispositif qui nous a été proposé, et qui diffère, madame Billard, de celui que la Commission avait initialement suggéré. En effet, vous le savez, la Commission souhaitait émettre un avis sur les budgets nationaux ; or elle ne le fera pas lors de la discussion telle qu'elle sera organisée. Le Parlement conservera donc sa pleine souveraineté…
…lorsqu'il s'agira de voter ou non, de modifier ou non le budget. De ce point de vue, on ne peut donc pas dire que la mesure apporte une modification sensible.
En revanche, elle imposera une certaine cohérence. Que se passait-il jusqu'à aujourd'hui ? Chaque année, les gouvernements, notamment le gouvernement français, remettaient à la Commission un document montrant comment ils entendaient honorer leur engagement à respecter le pacte de stabilité. Le Parlement ne discutait absolument pas de ce document ni ne se prononçait dessus, la procédure étant restreinte aux gouvernements et à la Commission. Avec le semestre européen, le Parlement se prononcera désormais sur ce document.
Il dira si les objectifs qui y sont fixés lui conviennent ou non, et il en tirera ou non – sa souveraineté étant totale, je le répète – les conséquences pour le budget national.
Tel est l'état d'esprit dans lequel la procédure va être engagée. Je ne sais pas s'il s'agit ou non d'un progrès,…
…mais, en tout cas, il s'agit d'une mise en cohérence que je crois souhaitable.
Cela étant, il est exact que la coordination des politiques budgétaires est très insuffisante, et peut-être pourrions-nous nous rejoindre sur ce point. Ce n'est pas elle qui permettra demain à l'Europe, et à la zone euro en particulier, de retrouver la croissance. À la gouvernance et à la coordination des politiques budgétaires et financières,…
…il faut substituer une gouvernance macroéconomique qui, outre les critères budgétaires, s'étende à d'autres critères macroéconomiques. Pour sortir durablement de la crise, il faut que les pays aujourd'hui en difficulté, auxquels on impose des politiques de rigueur drastique, aient l'espoir de voir leur croissance reprendre. Voilà pourquoi ces questions doivent être étudiées au niveau européen et un véritable gouvernement économique doit y être installé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Telle est, je le répète, la véritable réponse que nous pouvons apporter à la crise. Et c'est sur ces questions que le semestre européen permettra aux parlements de s'exprimer, ce qu'ils ne pouvaient jusqu'alors pas faire.
Le groupe SRC votera contre cette proposition de loi constitutionnelle.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 443
Nombre de suffrages exprimés 433
Majorité absolue 217
Pour l'adoption 23
Contre 410
(La proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi organique de M. François de Rugy et plusieurs de ses collègues relative à l'initiative législative citoyenne par droit de pétition selon l'article 11 de la Constitution (n°s 2908, 2984).
Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué qu'en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les articles et l'ensemble de la proposition de loi organique.
Dans les explications de vote, la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.
Les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine voteront naturellement pour cette proposition de loi organique (Exclamations sur les bancs du groupe NC), qu'il s'agisse des députés écologistes, des députés communistes, de ceux du parti de gauche ou de nos collègues d'outre-mer.
Nous nous trouvons dans une situation quelque peu paradoxale : l'UMP a voté pour la réforme constitutionnelle…
…et c'est nous qui proposons d'appliquer une disposition de cette réforme adoptée par le Parlement en juillet 2008, l'une des seules restées lettre morte faute de loi organique d'application.
Au cours du débat, ou, plus exactement malheureusement, du simulacre de débat auquel nous avons eu droit jeudi dernier, j'ai bien entendu l'unique reproche qu'ait trouvé à nous opposer le seul député UMP présent : nous voulons appliquer une disposition d'une réforme que nous n'avons pas votée. Nous n'avons, en effet, pas voté la réforme constitutionnelle dans son ensemble, mais nous avons voté l'amendement porteur de cette disposition – amendement initialement défendu, du reste, par plusieurs députés de l'opposition, puisque Arnaud Montebourg et Noël Mamère avaient déposé le même amendement, à l'instar de François Sauvadet pour le groupe Nouveau Centre.
Cela n'est pas si paradoxal qu'on pourrait le croire ; j'y vois même une certaine logique. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à saisir toute avancée, fût-ce la plus modeste – et celle-ci l'est, en effet –, vers la participation des citoyens à la vie politique, et même, par cet article 11 modifié, au vote de la loi : il s'agit en quelque sorte d'une initiative législative partagée entre parlementaires et citoyens, par voie de pétition, ce qui constituerait une nouveauté dans le droit constitutionnel français.
En revanche, vous, mesdames et messieurs les membres de la majorité, notamment du groupe UMP, et vous, monsieur le secrétaire d'État, représentant le Gouvernement, vous voulez manifestement saisir toute occasion – tout prétexte, ai-je même envie de dire – pour retarder l'application de cette modeste disposition constitutionnelle. Peut-être va-t-elle déjà trop loin pour vous,…
…peut-être regrettez-vous même de l'avoir votée, ainsi qu'un collègue du groupe UMP nous l'a dit en commission. S'il se confirme, votre vote contre la proposition de loi organique, annoncé jeudi dernier, sonnera comme un aveu : vous ne voulez pas que les Français se saisissent de cette possibilité avant l'élection présidentielle de 2012.
Il s'agit sans aucun doute d'une consigne venue du Président de la République lui-même.
Tout se passe comme si vous aviez peur des Français (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
…peur de leur mobilisation, peur de leur permettre d'exercer, même de manière limitée, un droit d'expression pourtant inscrit dans la Constitution. Je tiens à dénoncer cette attitude doublement antidémocratique, qui non seulement entrave l'expression de nos concitoyens – fût-elle encadrée, je le répète –, mais viole un engagement constitutionnel. Quelle valeur la parole politique a-t-elle à vos yeux pour que vous refusiez d'appliquer une disposition constitutionnelle restée en suspens depuis deux ans et demi ? Vous abdiquez de vous-mêmes les maigres pouvoirs du Parlement !
Mesdames et messieurs les membres de la majorité, si vous souhaitiez, ou si le Gouvernement souhaitait amender notre texte, il était possible de le faire au cours de la discussion ; nous avons nous-mêmes déposé plusieurs amendements. L'examen par l'Assemblée nationale puis par le Sénat, si la navette parlementaire était engagée, sert à discuter et à améliorer un texte de ce type, non à se réfugier derrière des manoeuvres de procédure et de retardement qui confinent à l'empêchement.
Chers collègues de la majorité, il n'est pas trop tard pour assumer et exercer pleinement votre rôle de parlementaires en votant, dans un ultime sursaut démocratique, pour notre proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Tout d'abord, je regrette la manière dont notre collègue de Rugy a caricaturé les différentes positions en présence.
Franchement, il a été nul ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Il est caricatural, en effet, de prétendre que cette majorité, ou même le Président de la République, ne voudrait pas que l'on donne la parole aux citoyens : si cette réforme constitutionnelle n'avait pas été adoptée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), …
…aujourd'hui, nous n'évoquerions même pas cette possibilité. Et si elle a été adoptée, ce n'est pas grâce à ceux qui ont voté contre, même s'ils étaient d'accord avec telle ou telle disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La première des choses est de reconnaître que la réforme constitutionnelle a ouvert deux nouveaux droits à nos concitoyens.
Le premier, dont on ne parle pas assez, est l'exception d'inconstitutionnalité. Cette nouvelle possibilité porte ses fruits aujourd'hui : notre commission des lois est régulièrement saisie de points d'inconstitutionnalité qu'il nous faut corriger dans notre propre corpus législatif.
S'agissant du second droit, le référendum d'initiative citoyenne, je tiens à souligner, mes chers collègues, qu'il n'est pas issu d'une initiative du Gouvernement, qui n'avait en effet pas retenu cette possibilité envisagée par la commission Balladur et le comité Vedel. C'est dans le cadre des échanges entre l'exécutif et les groupes parlementaires, lors du processus de révision constitutionnelle, que certains groupes, en particulier le Nouveau Centre, sont parvenus à convaincre l'exécutif…
Monsieur Cochet, vous auriez mieux fait d'être présent à nos côtés au lieu de changer d'avis deux ans après.
Certains groupes, disais-je – et j'en ai quelque souvenir puisque j'étais le porte-parole du Nouveau Centre – ont convaincu l'exécutif qu'il fallait procéder à cette avancée. Le débat en commission a contribué à encadrer ce dispositif du référendum d'initiative citoyenne. Reste que s'il est inscrit dans la Constitution, il n'est pas opérant, car il n'a pas trouvé de traduction législative.
Si je dis cela, c'est pour que l'on ne nous resserve pas l'éternel numéro des bons et des méchants. Le Gouvernement n'avait pas prévu de modifier la Constitution en ce sens ; vous avez rejeté l'ensemble de la réforme ; ce sont des parlementaires, tout particulièrement de la majorité, qui ont contribué à inscrire ce nouveau droit dans la Constitution.
Il nous appartient désormais de le rendre effectif. J'ai déjà dit en commission des lois ce que nous en pensions, monsieur de Rugy, inutile de vous énerver. Depuis deux ans, de nombreuses dispositions de la réforme ont vu leur traduction législative dans des lois ordinaires et des lois organiques. Mais cette disposition qui ouvre un droit essentiel à nos concitoyens, celui d'intervenir dans le débat public en portant devant le Parlement, devant le peuple si nécessaire, des sujets essentiels qui lui tiennent à coeur, n'est toujours pas mise en oeuvre.
Il a été annoncé que le Gouvernement allait prochainement déposer un texte. La présente proposition de loi paraît pourtant applicable : même si elle n'est pas exempte de défauts – le Conseil constitutionnel serait sans doute mis rapidement en difficulté, car le processus n'est pas simple à mettre en oeuvre –, elle a le mérite de poursuivre les objectifs que nous visions pendant la révision constitutionnelle. Ce sont les parlementaires qui ont voulu ouvrir ce droit à leurs concitoyens et, de notre point de vue, il leur revient de pouvoir le leur accorder définitivement par le vote d'une loi, à leur initiative si nécessaire puisque le Gouvernement a trop tardé.
Si par malheur cette proposition de loi que nous nous apprêtons à voter n'était pas adoptée, nous souhaitons qu'avant la fin de la législature, nos concitoyens aient enfin le droit d'interpeller les représentants du peuple ou de lancer le processus d'un référendum d'initiative citoyenne.
Le groupe Nouveau Centre votera donc pour cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC, GDR et SRC.)
Je fais d'ores et déjà annoncer sur le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe UMP.
…écoutant votre intervention avec beaucoup d'intérêt et d'attention, je me disais : chiche, votons cette proposition de loi ! (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Mais, je me suis ressaisi, me souvenant que vos positions étaient bien différentes lors des précédents débats sur la même question. Vous ironisiez, il y a quelques minutes, sur les arguments dont Charles de La Verpillière a usé la semaine dernière,…
…en rappelant votre opposition à la modification de la Constitution et votre vote de juillet 2008. Pourtant, il est bien vrai que vous vous êtes opposés à cette réforme et surtout que vous avez tenu des propos assez tièdes sur ce dispositif. Je ne vois pas pourquoi aujourd'hui, alors que vous vous lancez dans des manoeuvres un peu politiciennes, nous devrions vous laisser revenir sur votre position.
Non, il n'y a pas de mesure dilatoire. Non, nous n'avons pas peur du peuple. Non, nous n'avons pas reçu d'instruction du Président de la République. C'est en notre âme et conscience que nous exprimons le souhait d'aboutir à une position sereine sur ce sujet. Du reste, le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, a écrit en juillet dernier au ministre de l'intérieur afin qu'un projet de loi organique soit déposé rapidement sur le bureau de l'Assemblée nationale.
La semaine dernière, le ministre chargé des collectivités territoriales, Philippe Richert, a rappelé que le Gouvernement a mené un travail très approfondi pour l'élaboration du projet de loi organique, actuellement soumis au Conseil d'État après avoir été examiné par la CNIL saisie pour avis.
Enfin, la semaine dernière, le Premier ministre a rappelé l'engagement de notre majorité concernant le référendum d'initiative populaire et a assuré que le projet de loi serait présenté très rapidement en conseil des ministres. Comme vous le savez, la date du 22 décembre – dans quinze jours donc – a été largement évoquée.
C'est la transparence et la volonté d'aborder sereinement ce débat qui s'imposent à nous, loin de toute manoeuvre dilatoire. Le groupe UMP, dans l'attente de l'examen du projet de loi organique, ne votera donc pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes dans une période où, de toute évidence, le peuple doit faire face à une crise économique et financière mais aussi morale. En cette période difficile, nous avons besoin non pas d'affaiblir la démocratie mais bien plutôt de la raffermir. Or la démocratie participative et la démocratie directe peuvent servir de renfort à la démocratie représentative.
C'est pourquoi nous avons été étonnés par la réaction du Gouvernement : serait-ce la peur du peuple évoquée à l'instant ? Il s'était engagé à soumettre à notre examen un projet de loi organique pour l'application de l'article 11 de la Constitution, mais il n'a pas tenu sa promesse pour ce qui concerne le calendrier. Il est maintenant question d'une vague date de conseil des ministres, ce qui n'engage à rien pour ce qui est du calendrier parlementaire. Par conséquent, nous ne savons pas du tout quand le projet sera soumis au Parlement.
Nombreux sont les sujets qui peuvent faire peur au Président de la République et au Gouvernement.
Ce qu'on appelait autrefois les acquis sociaux a disparu du paysage républicain avec les régressions successives auxquelles le Gouvernement a procédé en matière sociale. Sur les retraites, le référendum aurait mis sans doute le Gouvernement et la majorité parlementaire en minorité.
Il en serait allé de même s'agissant des collectivités locales, avec la récente loi votée contre la volonté de la grande majorité des élus locaux. Idem pour les services publics, où disparaissent progressivement des services, qu'il s'agisse des hôpitaux, des bureaux de poste, des gendarmeries, des tribunaux, fondements de la République et de ses principes d'égalité et de solidarité entre citoyens. À cet égard, je rappellerai qu'en 2008, j'avais proposé avec quelques collègues qu'une charte des services publics soit inscrite dans la Constitution, à l'instar de la Charte de l'environnement. Nous avons rassemblé plus de 200 signatures de parlementaires – plus que ce qu'exige l'article 11 nouveau de la Constitution – et plus de 400 000 signatures de citoyens.
Nous devons aujourd'hui nous déterminer : nous voterons pour la proposition de loi du groupe GDR, car cette avancée, même si elle est timide, va dans le sens d'un renforcement de la République à un moment où celle-ci est menacée par des décisions qui détruisent pan par pan ce qui fait que la République n'est pas seulement un régime marqué par l'absence de monarque – encore que l'on puisse s'interroger à ce propos (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –, mais aussi un ensemble d'institutions sociales et politiques auquel nous devrions apporter notre soutien, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi organique.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 450
Nombre de suffrages exprimés 448
Majorité absolue 225
Pour l'adoption 197
Contre 251
(La proposition de loi organique n'est pas adoptée.)
Je vais suspendre la séance en attendant que le ministre du budget soit disponible pour l'examen du projet de loi de finances rectificative.
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
La séance est reprise.
Mes chers collègues, j'apprends que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, qui devrait venir présenter le projet de loi de finances rectificative pour 2010 est retenu au Sénat, où les débats s'éternisent. Le plus sage est d'interrompre nos travaux et d'entamer la discussion de ce texte à la prochaine séance, à vingt et une heures trente.
Monsieur le président, sommes-nous sûr que la séance aura bien lieu à vingt et une heures trente ?
Du reste, ce n'est pas moi qui présiderai : je serai avec vous dans l'hémicycle – du moins je l'espère.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma