Le 28 octobre 2010, le Conseil européen a adopté la mise en place de ce qu'il a appelé « le semestre européen de coordination des politiques économiques ».
Pour la Commission européenne et le Conseil européen « une surveillance budgétaire et économique en amont, qui fait défaut pour le moment, permettrait de formuler de véritables orientations qui tiennent compte de la dimension européenne et qui se traduiraient par des décisions politiques nationales. » Pour nous, il s'agit donc bien de la volonté d'exercer une influence directe sur les choix budgétaires nationaux et ce, avant les décisions des parlements souverains.
C'est ce qui nous amène à défendre cette proposition de loi qui propose d'inscrire à l'article 88-2 de la Constitution : « En matière budgétaire cependant, le Parlement reste souverain. Les institutions européennes ne pourront se prononcer qu'après la délibération des assemblées parlementaires ».
Que nous disent les opposants à cette proposition ? Que le renforcement du contrôle du budget est une vraie avancée ; qu'il ne s'agit que de conseils, que de meilleure coordination ; qu'il n'y a pas de droit de veto de la Commission, pas de contraintes ; que l'inquiétude est légitime, mais qu'il n'y a pas de risques. Bref, circulez, il n'y a rien à voir !
Certes, les sanctions automatiques ont été écartées, mais au profit d'un système de majorité inversée. Nous ne pouvons avoir la naïveté de croire que les jugements de la Commission et du Conseil, une fois rendus publics, ne constitueront pas une pression considérable sur les États. En effet, ce n'est plus d'orientations globales pour la zone euro ou plus largement pour l'Union européenne, mais bien d'injonctions, pays par pays, qu'il est question.
Les critères d'analyse qui seront utilisés, éminemment idéologiques, sont ceux des agences de notation et des marchés financiers : coût du travail, baisse du nombre de fonctionnaires et de leurs salaires, réforme systémique des régimes de retraites, coût des actifs financiers ou encore taux d'imposition.
Lorsque nous entendons le Premier ministre irlandais déclarer : «Je suis très heureux que le président français Sarkozy ait indiqué qu'il n'était pas question de faire du taux d'imposition des sociétés irlandaises un élément de ces discussions ou négociations », tout est dit sur la poursuite du dumping fiscal.
Selon nous, il ne peut y avoir de débat budgétaire sans rééquilibrage de la fiscalité en faveur du travail, de la protection sociale, des services publics et de l'investissement, au détriment de la finance prédatrice et spéculative. Pour vous, il s'agit d'ouvrir définitivement la porte à la dictature des marchés, d'imposer la concurrence libre et non faussée et d'appliquer des politiques d'austérité payées par les classes populaires et les classes moyennes. Le semestre européen constituerait un premier pas vers un gouvernement économique de l'Union dans le but de ne pas créer de distorsion de concurrence, nous dit-on. Ce qui est significatif dans ce discours, c'est l'oubli de la justice sociale et de la prise en compte des enjeux écologiques.
Vous tentez de nous vendre la simple consultation des parlements nationaux comme une « grande avancée ». Le comble aurait été qu'ils ne soient pas consultés ! La réalité, c'est qu'avec le dispositif proposé par le Gouvernement, le Parlement ne fera que donner son avis et ne sera donc en rien souverain dans les décisions qui seront prises.
C'est le principe même du consentement à l'impôt qui est fragilisé par le renforcement du pouvoir d'institutions non élues sur notre budget, au détriment des parlements nationaux et du Parlement européen. Dès le premier janvier 2011, l'agenda prévu est clair. Le premier semestre de chaque année, la Commission et le Conseil européen jugeront les orientations budgétaires de chaque pays européen. La finalisation de l'élaboration des budgets nationaux interviendrait au cours du second semestre et serait donc forcée de prendre en compte les injonctions énoncées par les institutions européennes.
Le directeur du FMI va encore plus loin en proposant « de créer une autorité budgétaire centralisée, dotée d'une indépendance comparable à celle de la BCE. [Elle] établirait le cadre budgétaire de chaque État et allouerait les ressources depuis un budget central pour atteindre la double cible de la stabilité et de la croissance ». Autant dissoudre tout de suite les parlements nationaux !