La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, je crois me faire l'interprète de la représentation nationale unanime en exprimant l'horreur et l'indignation que nous ont inspirées les attentats perpétrés hier à Moscou, et en assurant le peuple russe de notre entière solidarité. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
La parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, ma question, à laquelle j'associe mes collègues Jean-Patrick Gille, Jean-Luc Pérat, Pascal Deguilhem, et Jean-Paul Bacquet, porte sur la situation critique dans laquelle se trouve le réseau des Caisses d'allocations familiales. Depuis le début de l'année, de nombreux courriers ont alerté le Gouvernement mais aussi les parlementaires sur ces difficultés : du fait de la crise, celles-ci ont explosé depuis dix-huit mois, et les CAF n'arrivent plus à tenir les délais de traitement des dossiers.
En dépit des mesures dites conservatoires – réduction des horaires d'accueils téléphonique et physique, recours aux heures supplémentaires, rachat des RTT, augmentation des CDD – le réseau des CAF n'a pas été en mesure de prendre en charge l'intégralité des dossiers des familles. Or ces mesures palliatives sont préjudiciables à l'intérêt des usagers, quand bien même de nombreuses caisses, comme celle de Seine-Saint-Denis, ont dû s'y résoudre afin de préserver autant que faire se peut la continuité du service public.
L'inquiétude est d'autant plus grande que la charge de travail des CAF est en augmentation constante, avec d'une part la mise en place du RSA et d'autre part les futurs examens des dossiers d'impayés de loyer.
Pour permettre aux caisses d'assurer un service de qualité, auquel elles sont profondément attachées, et pour ne pas pénaliser davantage les familles et les allocataires, le Gouvernement compte-t-il – comme cela a été souvent demandé, y compris par la majorité – mettre en oeuvre la clause de revoyure prévue à l'article 35 de la Convention d'objectifs et de gestion, qui permet la révision des moyens alloués à la branche famille, en rééquilibre des charges réelles constatées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Personne ne veut évidemment pénaliser personne. Dans un certain nombre de caisses d'allocations familiales, la situation est tendue : il y a beaucoup de dossiers, et certaines, nous le savons bien, sont effectivement fragilisées – au demeurant, les situations sont très variables d'une CAF à l'autre.
Écoutez donc, au lieu de crier !
Je tiens simplement à vous rassurer : pour l'ensemble des CAF, l'engagement des personnels – que je veux saluer – permet de tenir les délais de traitement des dossiers, notamment pour les minima sociaux. Ils sont aujourd'hui inférieurs à dix jours.
Les moyens alloués aux CAF ont augmenté…
Écoutez, et vous hurlerez ensuite !
Le Gouvernement a fait ce qu'il devait faire. Nous avons, en 2009, augmenté les effectifs des CAF de 1 257 postes à temps plein.
Ces personnels nouveaux ont été recrutés pour assurer la montée en puissance du RSA – du fait de la crise, celle-ci s'est révélée moins rapide que prévue, mais nous avons conservé ces postes.
L'accueil du public est scandaleux ! Il faut donner aux CAF les moyens de fonctionner !
Les personnels concernés sont aujourd'hui pour la plupart en formation.
Vous dites n'importe quoi ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous apporte quelques informations, ce qui vous permettra de mieux connaître le sujet ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ces personnels en cours de formation seront sur le terrain dans les semaines qui viennent.
Monsieur Le Roux, mes chers collègues, un peu de calme, je vous en prie !
Nous avons aussi recruté 400 personnes en CDD, et nous remplaçons toutes les agents qui partent à la retraite. Ce sont aujourd'hui 2 000 personnels supplémentaires qui vont travailler dans les Caisses d'allocations familiales. Nous faisons exactement ce que nous devons faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. « Liberté, égalité, fraternité » : nous sommes tous attachés à la devise républicaine et, au-delà, aux valeurs communes de notre pays, je pense en particulier à la laïcité, à la dignité de la femme et à la sécurité publique.
Notre République n'est pas abstraite. Elle est faite d'hommes et de femmes qui, au quotidien, échangent regards, sourires, expressions diverses, bref, tout ce qu'un visage peut nous permettre d'exprimer à autrui. Or nous sommes nombreux sur ces bancs à constater, dans nos villes, un port plus répandu du voile intégral. Cette pratique représente, pour ces femmes, une soumission intolérable, venue d'un autre âge, à leur époux ou à d'autres membres de leur entourage. C'est la négation même de leur liberté, même si certaines le revendiquent au nom d'un militantisme inquiétant.
Le Président de la République avait fait part au Congrès de son souhait d'endiguer ce phénomène. C'est pourquoi les députés UMP, autour de Jean-François Copé, ont déposé, prenant toute la dimension de leur rôle de législateur, une proposition de loi visant à interdire le port de tenues ou d'accessoires ayant pour effet de dissimuler le visage dans les lieux ouverts au public et sur la voie publique, ainsi qu'une proposition de résolution sur l'attachement au respect des valeurs républicaines face au développement de pratiques radicales qui y portent atteinte.
Hier, lors du séminaire qu'il a tenu avec les parlementaires de l'UMP, le Premier ministre a dit son souhait d'un projet de loi qui aille « le plus loin possible sur la voie de l'interdiction générale » et appelé de ses voeux l'inscription rapide à l'ordre du jour de notre assemblée de notre proposition de résolution.
Alors que le Conseil d'État vient de rendre un rapport sur cette question…
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame la députée, vous avez raison, c'est parce que des extrémistes veulent mettre à l'épreuve notre République que nous devons, ensemble, leur apporter une réponse qui soit à la fois ferme et déterminée.
Notre République ne peut pas accepter que des femmes de plus en plus nombreuses soient comme emmurées derrière un voile intégral.
Notre République ne peut pas accepter que, sous la contrainte d'une idéologie régressive, ces femmes soient soumises à une pratique vestimentaire qui marque en réalité, concrètement, un asservissement.
Notre République ne peut pas accepter sans réagir par la voie du droit que le voile intégral se répande au mépris des valeurs du savoir vivre ensemble.
Oui, nous devons et nous pouvons réagir, et notre arme, c'est le droit.
La Constitution révisée – vous avez raison, madame la députée – permet au Parlement de voter solennellement une résolution qui marquera cette détermination qui est la nôtre. Ensuite, nous devrons, ensemble, préciser par la loi, en allant aussi loin que possible, les conditions de l'interdiction du voile intégral.
Pouvons-nous aller jusqu'à l'interdiction totale ? Au vu des exigences constitutionnelles, et d'ailleurs du droit européen, le Conseil d'État, comme le rapport qui a été remis au Premier ministre ce matin l'indique, ne le pense pas. Mais, je le répète, nous devons aller le plus loin possible car nous ne voulons plus que, demain, des femmes entièrement voilées aillent chercher leurs enfants à l'école, se présentent au guichet des services publics ou prennent les transports en commun. C'est tout simplement une question de dignité, d'égalité, de sécurité.
Nous sommes maintenant, madame la députée, à l'initiative. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet qui vient d'être évoqué et sur la façon dont la majorité essaie d'évacuer les sujets qui intéressent vraiment les Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)
Ma question s'adresse au Premier ministre et porte sur la vie quotidienne des Français, en l'occurrence sur l'abandon de la taxe carbone, d'une part, et sur la hausse des prix du gaz, d'autre part.
Votre secrétaire d'État, Mme Jouanno, s'est déclarée désespérée par votre décision, monsieur le Premier ministre. Franchement, les états d'âme de vos ministres et de vos secrétaires d'État nous importent peu, mais les Français, eux, auraient de quoi être désespérés, non seulement parce que vous avez abandonné toute ambition écologique, mais également parce qu'ils ont appris que vous aviez décidé une hausse des prix du gaz de plus de 9 % pour le mois d'avril. Où est la logique de votre politique énergétique ? A-t-elle pour but d'inciter les Français à abandonner le gaz, voire à passer au tout électrique ?
Les Français risquent de déchanter puisque EDF aussi réclame régulièrement des hausses de tarifs. Son ancien P-DG avait fini – c'est peut-être pour cela qu'il n'a pas été reconduit –par lâcher le morceau : il demandait 20 % de hausse des tarifs de l'électricité.
Ce qui est désespérant, c'est le piège dans lequel vous enfermez les Français, le piège de l'énergie de plus en plus chère, le piège qui menace les petits propriétaires comme les locataires, pour lesquels vous n'avez strictement rien prévu dans le Grenelle de l'environnement.
Cette double décision, qui consiste à abandonner la taxe carbone un jour et à décréter la hausse des prix du gaz le lendemain, marque votre incapacité à libérer les Français de la crise énergétique.
Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour que tous les Français voient leur facture énergétique baisser grâce aux économies d'énergie ? En un mot, monsieur le Premier ministre, quelle est votre politique énergétique ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le député,…
'État. …je ne pouvais rêver meilleure question pour fêter la signature ce matin du 100 000e prêt finançant des travaux d'économies d'énergie dans le cadre du Grenelle qui a été voté par ce Parlement et qui s'inscrit dans la grande stratégie d'économies d'énergie de notre pays. Merci, monsieur le député, de me donner l'occasion de le signaler : je comptais y consacrer un point de presse demain, je pourrai m'en dispenser ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
'État. Deuxième réflexion : au fond, votre opération sur la taxe carbone, que vous n'avez pas votée,…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh non !
'État. …et qui est l'une des 277 mesures du Grenelle de l'environnement, a pour but de tenter de masquer les 276 autres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En effet, la véritable croissance verte, la révolution écologique, les économies d'énergie et la mutation de notre société sont clairement dans le Grenelle de l'environnement.
'État. N'essayez pas de faire croire, monsieur le député, qu'une mesure en vaut trois encts et qu'une taxe carbone à l'échelle européenne serait une moins bonne chose pour la planète qu'une taxe à l'échelle française. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, ce matin même, le Conseil d'État, interrogé par le Gouvernement sur la viabilité juridique d'une interdiction générale et absolue du voile intégral, a mis en avant les faiblesses qui ne manqueraient pas d'entacher et de fragiliser un tel dispositif.
Tous ici, et quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous avons souligné, à l'occasion des travaux de la mission d'information conduite par notre collègue André Gérin, combien le port du voile intégral s'inscrivait en parfaite contradiction avec les valeurs les plus fondamentales de la République.
Je veux le redire ici au nom des députés du Nouveau Centre : la question du voile intégral n'est pas, comme certains voudraient le faire croire, un problème d'ordre religieux, mais bien un problème pour la dignité et les droits de la femme. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Refuser l'asservissement des femmes à qui le port du voile intégral se trouve autoritairement imposé, ce n'est pas chercher à dresser une catégorie de Français contre une autre ; c'est au contraire proclamer et faire vivre ce qui fonde notre projet républicain et notamment le principe d'égalité entre hommes et femmes.
D'un autre côté, il est impératif d'entendre l'avis du Conseil d'État, car la République ne saurait sur cette question renier les principes qui fondent et structurent notre ordre juridique. En passant outre, nous prendrions le risque d'une censure, tant de la part du Conseil constitutionnel que de la Cour européenne des droits de l'homme ; ce ne serait alors pas la défaite d'un camp contre un autre, mais bien plus un camouflet pour la République toute entière.
Aussi, monsieur le ministre, ma question sera simple : quelle suite le Gouvernement entend-il donner, dans les prochaines semaines, aux conclusions de notre mission d'information ainsi qu'à l'avis du Conseil d'État ?
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur Perruchot, le Président de la République a rappelé devant vous à l'occasion du Congrès le 22 juin dernier que la burqa n'était pas un signe religieux, mais un signe d'asservissement, d'abaissement, et qu'elle ne serait pas la bienvenue sur le territoire français. C'est l'honneur de l'Assemblée nationale que d'avoir engagé depuis lors un débat approfondi sur ce sujet.
Le port du voile intégral en France est une expression radicale et communautariste. Et la République ne peut accepter ni le radicalisme ni le repli communautaire. Nous sommes donc totalement déterminés, comme l'ont rappelé tout à tour le Président de la République et le Premier ministre, à aller le plus loin possible sur la voie de l'interdiction générale du voile intégral, dans le respect, naturellement, des principes généraux du droit.
Nous allons nous y engager ensemble. Tout d'abord, le Gouvernement soutient pleinement la proposition de résolution déposée par Jean-François Copé et le groupe UMP. Ce sera le moyen de réaffirmer les principes au coeur de notre République. Ensuite, le Gouvernement présentera un projet de loi. J'ai bien entendu les réserves exprimées par le Conseil d'État, mais soyez assuré que le Gouvernement préparera un projet…
'intérieur. …aussi volontariste que possible. Ce qui est en jeu, c'est la conception que nous avons de la République ; et pour la défendre, le rassemblement est nécessaire. Permettez-moi de souhaiter que sur tous les bancs de l'Assemblée nationale, les républicains puissent se retrouver pour approuver ensemble la résolution et la loi qui permettront demain de faire reculer le radicalisme et le communautarisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)
La parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Il y a quelques semaines, je vous avais questionné sur l'étrange privatisation de la régie publicitaire de France Télévisions au bénéfice de M. Courbit, homme d'affaires ayant fait fortune dans la télé-réalité, ami du Président de la République et membre du désormais fameux « Club du Fouquet's ».
Avec un peu de retard, vous avez fait part hier de votre inquiétude face au problème déontologique et au conflit d'intérêt que cette vente à l'encan pouvait créer.
C'est le moins que l'on puisse dire : M. Courbit s'apprête à devenir tout à la fois l'un des principaux producteurs de France Télévisions, son régisseur publicitaire exclusif, et par ailleurs conseiller en achat d'espaces pour les annonceurs… C'est effectivement un conflit d'intérêt majeur.
Au moment où il est appelé, dans le même temps, à figurer parmi les principaux bénéficiaires de la loi sur les jeux en ligne, on peut s'interroger sur l'exceptionnelle sollicitude dont il bénéficie de la part du pouvoir. Peut-être la présence d'Alain Minc à son conseil d'administration, par ailleurs conseiller du Président de la République, y est-elle pour quelque chose ? Le dépeçage de France Télévisions, suggéré par le même Alain Minc, prend une tournure franchement douteuse.
L'hypothèse du maintien de la publicité avant vingt heures, contrairement à ce que prévoyait la loi, pourrait transformer cette privatisation en véritable jackpot pour M. Courbit. Alors que les financements substitutifs à la publicité sont d'ores et déjà condamnés par l'Union européenne, alors que cette régie rapporte 400 millions d'euros à la télévision publique – soit autant d'épargné pour le contribuable –, pourquoi privatiser ?
« Les affaires ne sont vraiment choquantes que lorsqu'on n'en fait pas ! » disait Sacha Guitry. Cela semble en effet la devise des amis de la soirée du Fouquet's, soirée qui aura décidément coûté très cher à la France !
Ma question est simple : pourquoi un tel cadeau et au bénéfice de quels intérêts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
La suppression progressive de la publicité sur les chaînes de France télévisions est prévue par la loi du 5 mars 2009. Dans l'intérêt du groupe France Télévisions, mais aussi des salariés de la régie France Télévisions publicité, l'État actionnaire et France Télévisions ne peuvent rester attentistes. En effet, le chiffre d'affaires de la régie, déjà divisé par deux entre 2007 et 2009 doit être à nouveau divisé par trois à l'horizon 2012.
Un redéploiement des activités de la régie France Télévisions publicité est donc impératif si l'on souhaite d'une part limiter les effets d'une restructuration douloureuse, et d'autre part assurer la protection des salariés. Or, France Télévisions n'a ni les moyens, ni la vocation de repositionner France Télévisions publicité sur de nouveaux marchés. C'est pour cela que France télévision et l'État actionnaire, assumant leurs responsabilités, ont choisi d'agir dès aujourd'hui.
Concernant ce choix, je n'ai aucunement mis en cause ni la probité, ni l'éthique de quiconque, d'autant que l'ouverture du capital de la régie suit un processus encadré. Un appel d'offres suivant un cahier des charges précis a été lancé l'été dernier et les projets de l'ensemble des candidats ont été expertisés. (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
À l'issue de cette procédure, le conseil d'administration de France Télévisions du 3 février dernier, au sein duquel siègent représentants de l'État et parlementaires, a choisi d'ouvrir des négociations exclusives avec le consortium Lov-Publicis. On sait les questions essentielles que ces négociations auront à résoudre, mais laissons donc les griefs supposés, les soupçons, les intrigues, et les aspects fantasmatiques, je veillerai à ce que les précautions juridiques nécessaires soient prises. Je fais pour cela entièrement confiance au conseil d'administration de France Télévisions.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je souhaite comme vous, monsieur le Président, exprimer notre sympathie au peuple russe après l'attentat perpétré hier matin à Moscou.
Le terrorisme peut menacer les États, le terrorisme peut menacer la société, le terrorisme peut menacer la liberté.
La lutte contre le terrorisme nous concerne tous, elle nous concerne partout dans le monde, en Russie comme en France, en Europe comme au Proche-Orient. Elle est l'une des raisons de notre engagement en Afghanistan. Cette lutte doit être menée à chaque instant, elle doit concerner le plus grand nombre.
Monsieur le ministre de l'intérieur, comment le Gouvernement français organise-t-il la mobilisation aujourd'hui ? Comment la renforcer pour protéger les citoyens français du terrorisme, pour protéger notre démocratie ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Ce qui s'est passé à Moscou est venu nous rappeler que le fléau du terrorisme demeure bien réel. Les attentats d'hier ont fait 36 morts et 64 blessés, parmi lesquels on ne compte, je le signale, aucun ressortissant de notre pays alors que l'un d'eux a eu lieu à proximité du lycée français.
Ces attentats ont été perpétrés par deux femmes kamikazes. Il n'ont été revendiqués par personne pour l'instant, mais les autorités russes soupçonnent un groupe dénommé « Émirat islamique du Caucase ». Le procédé de l'attentat-suicide a d'ailleurs été utilisé dans cette zone une cinquantaine de fois, dont une quinzaine de fois par des femmes.
Ces attentats sont liés, certes, à la situation interne en Russie, mais ils s'inscrivent clairement aussi dans le cadre global du terrorisme islamique. Nous devons donc, sur le plan national, rester très vigilants. Le 8 octobre dernier, nous avons interpellé un chercheur, docteur en physique nucléaire et collaborateur du Centre européen pour la recherche nucléaire : ce fait nous rappelle que la menace existe.
Par ailleurs le plan Vigipirate est toujours en vigueur à un niveau élevé, puisqu'il est maintenu au niveau rouge. Cela signifie qu'il nous faut rester attentifs à la sécurité de certains bâtiments bien identifiés ainsi qu'à celle des rassemblements de personnes.
Donc, monsieur le député, nous ne sommes pas alarmistes, mais nous sommes réalistes : nous devons rester vigilants en permanence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. André Gerin, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, je veux vous interroger sur le désengagement du groupe Bosch de l'ensemble du territoire français.
La question centrale, c'est l'industrie. En trente ans, notre pays a perdu 2,5 millions d'emplois industriels. Nous sommes loin derrière l'Allemagne en ce qui concerne la valeur ajoutée industrielle, qui ne pèse que 16 % de notre PIB. En dix ans, nos exportations vers la zone euro ont chuté de 100 milliards.
On a même théorisé sur l'industrie sans usines, une véritable folie ! C'est ce que j'ai appelé le pétainisme industriel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il faut arrêter les discours démagogiques du type : « C'est la faute aux salaires. » Les experts le disent : c'est faux ! Le coût du travail est moins élevé chez nous qu'en Allemagne !
Monsieur le Premier ministre, que fait le Gouvernement, au-delà des annonces, alors que le groupe Bosch a fermé son usine de Beauvais et celle de Pont-de-l'Arche, et menace de fermer celle de Vénissieux qui emploie 630 salariés auxquels on a déjà imposé une baisse de 12 % des salaires en 2005 ?
La France est, grâce à Renault et à Peugeot, le deuxième marché de Bosch en Europe, mais le groupe délocalise en République Tchèque, en Turquie, en Inde, peut-être en Chine demain. Voilà bien un cas d'école : Bosch veut produire ailleurs et vendre ici. C'est insupportable économiquement et socialement. Monsieur le Premier ministre, il n'y a pas une minute à perdre ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Le dogmatisme, monsieur le député, n'a jamais ramené une entreprise industrielle sur le chemin de la croissance, mais le pragmatisme, si.
Et le pragmatisme, c'est, pour une entreprise comme Bosch, d'avoir su, il y a six ans de cela, se soustraire au carcan des 35 heures pour sauver l'emploi…
'industrie. …et rétablir sa compétitivité menacée.
Le pragmatisme, cette entreprise en fait preuve aujourd'hui encore en créant avec l'ensemble de ses salariés une commission en vue de développer de nouvelles activités. Je les recevrai prochainement car le Gouvernement veut les accompagner pour relever ces nouveaux défis.
Enfin, le pragmatisme, monsieur le député, c'est de constater, comme vous l'avez fait, que la France, sous tous les gouvernements, de gauche comme de droite, a abandonné la politique industrielle,…
'industrie. …qu'elle a perdu des parts de marché face à l'Allemagne, où la part de l'industrie dans le PIB atteint aujourd'hui 31 % contre 16 % chez nous, et c'est de se demander pourquoi. C'est tout simplement qu'elle s'est enfermée dans une politique de développement des services, de la finance, de l'économie virtuelle.
Aujourd'hui, nous avons le courage, avec le Président de la République et le Premier ministre, de nous engager dans une grande politique de réindustrialisation.
'industrie. Les états généraux de l'industrie, la suppression de la taxe professionnelle, les vingt-trois mesures innovantes que nous avons prises pour aider à la relocalisation, le combat que nous menons pour faire instaurer une taxe carbone européenne, les 35 milliards d'euros consacrés à des enjeux stratégiques pour l'avenir : tout cela traduit notre ambition de rendre à la France son destin de grande nation industrielle. Nous y réussirons en étant aux côtés des entreprises et des salariés, non en cédant à l'idéologie ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, les agriculteurs sont confrontés depuis plusieurs mois à la plus grave crise qu'ils aient connue depuis vingt ans. Ils sont désespérés et on évoque, pour ce secteur professionnel, une moyenne de 200 suicides en une année.
En 2009, cette crise majeure a conduit à une baisse des revenus agricoles de 34 % en moyenne. Pour certaines filières, notamment 1'élevage laitier, 1'arboriculture ou la culture céréalière, la chute a dépassé les 50 %.
À l'approche du 1er avril, les producteurs français de lait risquaient de se retrouver à nouveau sans certitude quant à leurs revenus, faute d'un accord avec les industriels leur garantissant une visibilité des prix. Certes, un accord avait été signé le 3 juin dernier entre industriels et producteurs prévoyant une hausse du prix de base du lait au deuxième trimestre 2010 ; mais, il a depuis été dénoncé par les industriels qui réclament un alignement des prix du lait en France sur ceux pratiqués en Allemagne, estimés 15 % moins chers.
Trouver un accord est pourtant vital pour les producteurs de lait. C'est la raison qui vous a conduit à réunir ce matin les différents acteurs du dossier, et je suis heureuse de constater que cette réunion a porté ses fruits puisqu'un accord a finalement pu être trouvé.
Au-delà, ce dossier démontre combien la problématique des prix agricoles est tributaire du cadre européen. Ainsi, s'il convient de se réjouir de l'annonce par le commissaire européen, M. Dacian Ciolos d'un paquet de mesures en faveur du secteur laitier pour la fin de l'année, une meilleure organisation des marchés agricoles européens paraît nécessaire à une stabilisation sur le long terme.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer le contenu de cet accord et les démarches engagées par la France au niveau européen pour permettre une meilleure organisation des marchés agricoles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Madame la députée, je vous confirme que ce matin, avec l'interprofession laitière, nous avons obtenu un accord sur le prix du lait pour le deuxième trimestre 2010. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Cet accord est un bon accord pour les producteurs puisqu'il se traduira par une augmentation du prix du lait de près de 10 % au deuxième trimestre 2010 par rapport au deuxième trimestre 2009. (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Grâce aux mesures d'intervention européenne réclamées par la France et le Gouvernement de François Fillon, c'est le deuxième trimestre consécutif d'augmentation du prix du lait. Mais nous ne nous contentons pas de cet accord pour le deuxième trimestre 2010 : nous avons besoin de renforcer l'ensemble de la filière laitière pour les années à venir.
En premier lieu, avant le 31 mai prochain, nous allons définir de nouveaux indices de prix qui tiendront compte des écarts de compétitivité avec l'Allemagne et des coûts de production des producteurs Français qui ont tant souffert en 2009. Ainsi nous serons plus compétitifs et les coûts de production seront couverts.
Nous allons mettre en place des contrats écrits qui permettront de stabiliser le revenu de tous les producteurs de lait sur plusieurs années, alors qu'aujourd'hui ces derniers, qui sont endettés pour de très longues périodes, ne savent pas le jour même ce qu'ils vont gagner le lendemain.
Nous allons également continuer à nous battre pour que l'interprofession laitière soit plus forte et qu'elle soit en mesure de fixer des indicateurs de tendance de marché. Comme je l'ai indiqué hier au commissaire européen chargé de la concurrence, M. Joaquin Almunia, s'il faut modifier le droit européen de la concurrence, nous demanderons son adaptation pour renforcer le poids des producteurs laitiers face aux industriels et aux distributeurs (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous allons enfin poursuivre la bataille que nous avons engagée depuis des mois, avec le Président de la République et avec le Premier ministre, pour la régulation européenne du marché du lait. Cette bataille, nous sommes en train de la gagner : pour la première fois, hier, au conseil des ministres européens de l'agriculture, les conclusions de la présidence mentionnaient la nécessité d'une régulation européenne des marchés ; pour la première fois depuis six mois, M. Dacian Ciolos, commissaire européen chargé de l'agriculture et du développement rural, s'est engagé à déposer un projet de loi européen sur la régulation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, ma question concerne l'avenir de la filière électronucléaire française et plus particulièrement celui du groupe Areva.
Constitué au début des années 2000 par le Gouvernement de Lionel Jospin, ce groupe a intégré l'ensemble des activités de la filière électronucléaires de l'amont à l'aval du cycle afin de doter notre pays du fleuron d'un secteur industriel performant, qui puisse s'ériger en leader mondial. Dix ans après, on peut constater que les résultats sont là. Ils témoignent de la réussite de la stratégie de politique industrielle de l'État et aussi, il faut bien le dire, de l'efficacité du management de ce groupe.
Or, depuis quelques jours, le Président de la République et le Gouvernement ont fait connaître leurs intentions par voie de presse, appelant à une remise à plat complète du dossier Areva.
Depuis de nombreux mois déjà, des mauvaises nouvelles s'accumulent pour le groupe. Non seulement le Gouvernement n'a pu empêcher Siemens de sortir du capital, mais il a exigé que la branche T&D d'Areva, qui constituait pourtant une filiale extrêmement performante et en pleine croissance, sorte des activités du groupe. Ce à quoi s'est ajoutée la décision de nommer à la tête d'EDF M. Proglio qui s'est autoproclamé patron de la totalité de la filière nucléaire sans que personne ne lui ait rien demandé, contribuant ainsi à déstabiliser davantage l'édifice.
Enfin, aujourd'hui, de multiples rumeurs mettent en cause l'efficacité du management de l'entreprise prétextant mille problèmes, alors qu'il y a un an, à Flamanville, Nicolas Sarkozy se félicitait de la stratégie du groupe. Évidemment, une fois de plus, tout cela a pour objectif de favoriser les appétits prédateurs des amis du Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Quelle est votre stratégie pour Areva ? Quelle est votre stratégie pour la filière électronucléaire ? Pouvez-vous nous en dire davantage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Bernard Cazeneuve, l'entreprise Areva est une fierté nationale. Son positionnement unique dans la filière nucléaire et sa maîtrise de métiers complexes sont des atouts précieux pour nous aider dans notre combat contre le dérèglement climatique. Ils constituent de véritables chances pour notre industrie confrontée à une compétition mondiale.
Vous le savez, une mission a été confiée en début d'année à M. François Roussely sur les perspectives de la filière nucléaire française.
Le Gouvernement croit en Areva. Je veux excuser Christine Lagarde qui accompagne en ce moment le Président de la République aux États-Unis. Elle soutient ce dossier à ses côtés et, parce que cela relève de sa responsabilité, elle a donné à ce groupe les moyens financiers de mettre en oeuvre un plan d'investissement dont les deux axes principaux sont, d'une part, la cession d'Areva T&D, qui se déroule selon les meilleures conditions industrielles et sociales, conformément aux engagements du Gouvernement et des entreprises Schneider Electric et Alstom, et, d'autre part, l'augmentation de capital de la société Areva pour laquelle des discussions sont actuellement en cours.
Monsieur le député, comme vous le voyez, il n'y a pas l'ombre d'une ambiguïté : le Gouvernement soutient de toutes ses forces la démarche actuelle d'Areva. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Françoise Branget, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, près d'un million d'euros en liquide ont été saisis cette nuit lors d'une perquisition réalisée dans une cité de Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis, dans le cadre du démantèlement d'un réseau de trafic de drogue. Cette saisie est l'une des plus importantes réalisées en métropole, et je tiens à féliciter tous les services de police et de gendarmerie sans lesquels cette saisie record n'aurait pas été possible.
Le trafic de drogue est un véritable fléau pour notre société. Il représente une menace croissante, de forte ampleur et internationale.
La menace est croissante parce que la drogue touche un nombre de plus en plus important de nos concitoyens, notamment les mineurs, qui sont les proies les plus faibles et les plus démunies face aux réseaux criminels.
Elle est de grande ampleur, car l'économie mafieuse et souterraine produite par la drogue, dont les ramifications sont présentes dans toutes nos villes, nos régions et nos départements, menacent la cohésion de notre société.
Enfin, elle est internationale, car les trafiquants sont de plus en plus liés aux grands réseaux du crime international, qui s'étend du trafic d'armes au terrorisme, en passant par le blanchiment d'argent.
La lutte contre la drogue constitue donc une priorité pour notre sécurité et elle implique de mobiliser tous les moyens nécessaires et toutes les volontés.
Depuis 2007, le Gouvernement s'est attaqué aux deux aspects de ce problème, d'une part en se donnant les moyens juridiques et policiers de lutter contre les trafiquants qui vendent des stupéfiants sur notre territoire, et d'autre part en concentrant ses efforts dans la lutte contre l'importation de drogue.
Monsieur le ministre, je sais votre détermination pour lutter contre ce véritable fléau. Dans un contexte de libéralisation des déplacements des personnes et des biens (« C'est l'heure ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC),pouvez-vous nous préciser les orientations que vous allez donner aux services de police…
Merci, madame Branget.
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Madame la députée, vous avez raison : depuis plusieurs mois, les policiers et les gendarmes obtiennent des résultats spectaculaires. Je prendrai comme exemple l'opération de police et de gendarmerie qui, dans le cadre des GIR, s'est déroulée ce matin dans les quartiers de Toulon et qui a donné des résultats. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez évoqué la saisie, hier, à Tremblay, d'héroïne, de cannabis et de cocaïne, ainsi que d'armes et de près d'un million d'euros. Vous vous souvenez également qu'au mois de février nous avons procédé à la plus importante saisie jamais opérée sur notre territoire, puisqu'elle concernait une quantité de drogue équivalente à 30 millions d'euros. Cette drogue était d'ailleurs destinée à la consommation nationale.
Ces résultats, nous ne les obtenons pas par hasard. Nous les obtenons parce que nous avons engagé un combat sans répit contre les petits et les grands dealers, en multipliant les opérations coup-de-poing partout en France.
La lutte contre le trafic de drogue est absolument indispensable, car les premières victimes de ce trafic sont les jeunes. Ce que les Français veulent savoir, c'est ce que nous faisons pour protéger leurs enfants. Et lorsque nous saisissons de grandes quantités de drogue, c'est autant de drogue qui ne servira pas à empoisonner les jeunes de notre pays !
Au plan international, vous avez raison, nous voulons barrer la route à la drogue. À cette fin, nous proposons un pacte à l'échelle européenne, en partenariat avec les pays concernés, à l'est et en Afrique centrale.
Vous avez raison, madame la députée, la mobilisation porte désormais ses fruits. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je vous le dis, nous ne lâcherons rien, car l'avenir de nos enfants en dépend en grande partie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Albert Facon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme Morano – mais je ne la vois pas au banc du Gouvernement, bien que j'aie cru l'apercevoir dans les couloirs (Protestations sur les bancs du groupe UMP) – et j'y associe mon collègue Armand Jung, député du Bas-Rhin.
La création de places d'accueil pour les jeunes enfants était l'un des objectifs de campagne de M. Sarkozy. Depuis, à force de décrets, vous voulez à tout prix en créer, privilégiant malheureusement le quantitatif au détriment du qualitatif. Vous voulez, en somme, augmenter le nombre de places en diminuant les moyens.
Une concertation des professionnels est nécessaire avant la mise en place de certains projets, comme le réclamait le collectif « Pas de bébé à la consigne ». En effet, les innovations expérimentales ne sont pas les bienvenues lorsqu'il s'agit du bien-être de nos enfants.
Vous avez commencé à vouloir mettre en place les jardins d'éveil, en faisant référence au rapport de notre collègue Michèle Tabarot. Vous prétendiez en effet qu'à deux ans les enfants s'ennuient à la crèche, et qu'à l'école maternelle les enseignants ne savent pas gérer les temps d'attente. Ainsi, plutôt que d'améliorer ces structures, vous accusez !
Mais peut-être préparez-vous l'avenir, en voulant tout simplement supprimer les maternelles au profit des jardins d'éveil, et continuer avec les crèches ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En tout cas, vous avez réussi à mettre les personnels de la petite enfance dans la rue ; c'est dire !
Vous augmentez le quota des inscrits, vous diminuez le taux d'encadrement et vous augmentez le pourcentage de personnel moins qualifié, tandis que les caisses d'allocations familiales réduisent leur aide. Ainsi, grâce à vos différentes propositions, les crèches vont devenir des entreprises de gardiennage ! (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Pour éviter une telle situation, les collectivités locales, dans l'intérêt des enfants, devront encore payer ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Merci.
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Monsieur le député, on peut tout caricaturer ; cela n'a guère d'intérêt. En réalité, le décret qui a été pris sur le mode de gestion de la garde des enfants est excellent, et pour les parents et pour les enfants. Il y a beaucoup de désinformation à ce sujet, et vous vous en faites le porte-parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les normes d'encadrement dans les crèches n'ont pas changé. La règle demeure la suivante : un adulte pour cinq enfants qui ne marchent pas et un adulte pour huit enfants qui marchent. Ces normes sont totalement sécurisées. Nous faisons simplement en sorte, après de très larges consultations qui ont été menées par Nadine Morano, d'améliorer le taux réel d'occupation des crèches, qui est actuellement compris –vous le savez en tant qu'élus – entre 65 et 67 %, en organisant mieux les choses. C'est l'intérêt des parents et, évidemment, celui des enfants.
Nous acceptons donc, dans un certain nombre de cas, pendant des durées déterminées, de prendre des enfants en surnombre. C'est évidemment possible, dans le respect des normes de sécurité.
Par ailleurs, les personnels – j'ai parfois l'impression que vous les méprisez un peu (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) –…
…ont toutes les compétences nécessaires. Titulaires du CAP petite enfance ou du BEP, ils travaillent parfois depuis des années dans les crèches. Dès lors, pourquoi n'auraient-ils pas la possibilité d'encadrer ? Pourquoi, d'un côté, dit-on qu'il faut valoriser les acquis de l'expérience et, de l'autre, refuse-t-on de le faire quand on en a la capacité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le ministre d'État, lors de la dernière campagne présidentielle, le Président de la République s'était engagé de façon très volontariste dans une dynamique de développement durable. Le lendemain de son élection, cet engagement s'est traduit par la création d'un grand ministère du développement durable, dont vous avez la charge avec plusieurs de vos collègues – notamment Chantal Jouanno, secrétaire d'État –, après le lancement d'une vaste concertation connue sous le nom de Grenelle de l'environnement. Depuis le mois d'octobre 2007, parlementaires, élus locaux, associations, syndicats, entreprises, travaillent ensemble pour réussir une mutation écologique et économique – je dis bien écologique et économique – que tout le monde juge à la fois nécessaire et inéluctable.
Comme l'ont fait beaucoup d'observateurs en France et à l'étranger, je voudrais saluer ce travail de concertation qui se traduit par des changements concrets dans la vie quotidienne de millions de nos concitoyens. Cependant, depuis une semaine, certains commentaires et certaines critiques cherchent à résumer le Grenelle de l'environnement à la seule taxe carbone.
Quoi qu'en dise M. de Rugy, le Grenelle de l'environnement est bien loin de se résumer à la taxe carbone : c'est le développement durable de nos territoires, ce sont des investissements massifs dans les technologies vertes, ce sont des emplois locaux, c'est le développement du pilier social. En une phrase – et ni Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, ni Christian Jacob, président de la commission du développement durable ne me démentiront –, c'est une croissance basée sur trois piliers, économique environnemental et social, que nous défendons.
Ma question est simple, monsieur le ministre d'État : où se situe la France par rapport à ses principaux concurrents dans le domaine de la croissance verte, et comment cela se traduit-il dans nos territoires en termes d'emploi et d'activités ?
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le député, vous me demandez où se situe la France…
'État. En ce qui concerne les engagements climatiques européens – c'est-à-dire le protocole de Kyoto, pour simplifier –, la France est l'un des rares pays au monde à respecter ce protocole ; je dirai même qu'elle est très en avance dans ce domaine.
'État. Pour ce qui est de sa dynamique, c'est indiscutablement la France qui a permis à l'Europe, sous sa présidence, d'adopter le grand pacte climat-énergie européen en décembre 2008.
Quant à l'activité économique, qui correspond au fond à la croissance verte, nos emplois de demain, nous avions pris lors de la décennie précédente un retard considérable dans les filières professionnelles du solaire, du solaire concentré, du photovoltaïque, de l'éolien , mais également, fait étonnant pour la France, dans les domaines de la géothermie et des énergies marines. Or nous sommes en train de le combler de manière extrêmement rapide : non seulement la France est le pays qui connaît aujourd'hui la plus importante croissance en équipements d'énergie renouvelable, conformément à ce que les parlementaires ont voté avec le Grenelle de l'environnement, mais nous sommes en train de structurer la filière professionnelle – car, comme vous le savez, toutes les études indiquent que la croissance verte représente 500 000 à 600 000 emplois dans les dix ans qui viennent.
Le 3 mai prochain, nous nous retrouverons à nouveau pour examiner le troisième texte relatif à l'environnement. C'est bien la preuve que notre pays continue à avancer extrêmement vite dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. Monsieur le ministre, aujourd'hui encore, dans la France des lumières, la diversité culturelle, notamment musicale, est étouffée. J'en veux pour preuve l'indifférence coupable et parfois le mépris qui entourent le rock métal. (Huées prolongées sur les bancs du groupe UMP.)
Si je conçois parfaitement qu'on puisse ne pas aimer cette musique créative, monsieur le ministre, je revendique le droit, comme des centaines de milliers de Français, de l'écouter et d'y prendre beaucoup de plaisir. Led Zeppelin hier, aujourd'hui Metallica, Opeth, Epica, Adagio, Mass Hysteria, Gojira sont des groupes délicieux que je vous recommande d'écouter. Tous ces musiciens, vous pourrez les voir lors des prochains festivals métal comme le Raismesfest ou les Métallurgicales, mais surtout en juin prochain, au Hellfest, le plus grand festival de rock métal en France. (Les huées continues sur les bancs du groupe UMP couvrent pratiquement les propos de l'orateur.)
En 2009, le mensuel culturel RockHard a consacré un numéro spécial au Hellfest, que je vous ferai parvenir. Ce que vous pourrez lire dans ce journal tranche avec les propos d'un autre temps, profondément blessants, violents et diffamatoires, tenus par Philippe de Villiers d'abord, au cours d'un meeting dans la belle ville de Nantes devant François Fillon ; par Christine Boutin ensuite, dans un courrier dicté par le diable adressé à une grande marque de bière, sponsor du Hellfest. (Bruit ininterrompu.)
Monsieur le ministre, j'attends votre réaction sur ces propos qui rappellent les heures sombres de l'histoire européenne. Si vous êtes pour la diversité culturelle, êtes-vous prêt à associer l'ensemble des musiques, dont le rock métal, aux financements ministériels ? (Huées et bruit sur les bancs du groupe UMP – Les députés du groupe SRC se lèvent et ovationnent M. Roy.)
Mes chers collègues, le chahut auquel viennent de se livrer nombre d'entre vous, qu'ils soient de droite ou de gauche (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), n'honore pas notre institution !
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député, à Clisson, cité tranquille, proche de la belle ville de Nantes, on annonce l'arrivée du festival Hellfest du 18 au 20 juin. Il s'agit de la cinquième édition de ce festival qui constitue aujourd'hui une manifestation importante, rassemblant un nombreux public amateur de musique rock, plus particulièrement du genre « métal », illustré par des artistes reconnus.
Des affiches faisant référence à la mythologie associée à cette musique susciteraient un certain émoi, et le bruit court que le doux pays du Puy-du-Fou deviendrait le gouffre de Lucifer. Allons, il faut raison garder ! Tout en comprenant que cette expression artistique puisse parfois heurter certaines sensibilités, je considère qu'il n'appartient pas au ministre de prendre position sur le bien-fondé de cette programmation (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
…ni, à plus forte raison, de susciter des initiatives visant à empêcher que la manifestation en question puisse avoir lieu.
Je précise que le festival Hellfest n'est pas subventionné par l'État, et je fais toute confiance aux services dont c'est la responsabilité pour faire respecter les conditions d'organisation et de sécurité permettant le bon déroulement de cet événement, comme ce fut le cas lors des éditions précédentes.
La diversité culturelle est notre richesse. Elle n'exclut pas les préférences individuelles, bien au contraire, mais elle impose le respect, la curiosité, l'échange et le dialogue. (Huées et exclamations sur les bancs du groupe SRC – Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le secrétaire d'État, la formation professionnelle brasse chaque année plus de 25 milliards d'euros. De nombreux rapports parlementaires, je pense notamment à celui de la mission d'information présidée par Françoise Guégot et à celui que j'ai moi-même commis, ont cependant montré que cet argent ne va pas nécessairement là où le besoin est le plus important. Ainsi, les salariés des petites entreprises ont moins accès à la formation que ceux des grandes, les salariés les moins qualifiés que les cadres, et les demandeurs d'emploi que les salariés en poste.
Or, dans le contexte difficile que nous connaissons, la formation professionnelle est un levier essentiel de la lutte contre le chômage, car elle permet le reclassement ou la reconversion de salariés qui ont perdu leur emploi vers des secteurs qui recrutent, elle garantit l'employabilité de ceux qui ont un travail, et elle améliore le « capital emploi » et la qualification des salariés en activité partielle.
Pour rendre notre système plus juste et plus efficace, nous avons voté la loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, publiée le 24 novembre 2009, et qui s'appuie sur l'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009, signé à l'unanimité par les partenaires sociaux. Cette loi prévoit notamment la création d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, destiné à financer chaque année des actions supplémentaires en direction de 200 000 demandeurs d'emploi et de 500 000 salariés peu qualifiés.
Monsieur le secrétaire d'État, où en est la mise en oeuvre de cette loi, s'agissant notamment du nombre de décrets publiés et de l'activation du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, la formation professionnelle est la meilleure arme anti-crise, vous le savez bien pour l'avoir beaucoup utilisée dans les Vosges. La formation professionnelle, c'est 25 milliards d'euros chaque année. Mais c'était aussi un système trop lourd, trop complexe et injuste. Nous avons donc voulu le dépoussiérer. Vous y avez d'ailleurs fortement contribué, puisque vous avez été le rapporteur de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle.
Nous avions trois ambitions. Premièrement, instaurer plus de justice en faisant en sorte que l'argent de la formation aille à ceux qui en ont besoin : les demandeurs d'emploi, les salariés faiblement qualifiés. Sachez, à cet égard, que le fonds a été doté d'un milliard d'euros et qu'il est opérationnel depuis le 15 mars.
Deuxièmement, développer la « culture emploi » : la formation ne doit pas se résumer à des « stages parkings », à des stages occupationnels, mais doit renforcer le « capital emploi » de chacun. Nous allons notamment miser sur l'alternance et l'apprentissage car nous savons que, ce faisant, nous investissons sur des formations ayant une vraie plus-value – vous connaissez mes convictions sur ce point.
Troisièmement, améliorer la transparence grâce à une meilleure évaluation et un meilleur contrôle de la formation professionnelle. Il fallait notamment mettre fin à une dérive sectaire, caractérisée par l'appropriation de la formation par un certain nombre de sectes. Nous allons mener une lutte acharnée en la matière tout au long de l'année 2010.
Monsieur le député, plus de 50 % des décrets ont déjà été pris. Nous entrons maintenant dans la phase d'application concrète. Permettez-moi de rappeler que cette réforme a été possible grâce à l'accord unanime des partenaires sociaux et au soutien de l'ensemble des membres de la majorité. Enfin, je ne peux que regretter que, sur ce sujet, l'opposition n'ait pas été capable d'adopter une attitude constructive. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie.
Le 1er avril, plus de 10 millions de Français subiront une hausse de près de 10 % du tarif du gaz.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Scandaleux !
Alors que de nombreux foyers ne parviennent plus à payer leurs factures, le Gouvernement se retranche derrière la commission de régulation de l'énergie pour permettre aux actionnaires de GDF-Suez de s'enrichir sur le dos des consommateurs.
L'indignation que suscite cette augmentation ne semble pas vous émouvoir. Vous évoquez la vérité des prix. Mais quelle vérité ? Depuis plusieurs mois, le prix du gaz baisse sur les marchés. Cela signifie que GDF-Suez achète son gaz moins cher, mais le revend plus cher aux consommateurs, et ce parce qu'il l'indexe sur le prix du pétrole.
Vous savez aussi que la baisse du prix du gaz en 2009 ne compense pas les hausses successives des tarifs tout au long de ces dernières années. Dans une période où les difficultés économiques appellent un État fort, vous choisissez la dérégulation et le laisser-faire. Cela amputera un peu plus le pouvoir d'achat des ménages. C'est un contresens économique et une faute sociale.
Allez-vous renoncer à votre rôle de régulation et d'actionnaire majoritaire ? Allez-vous laisser les intérêts financiers privés s'enrichir sans cause réelle sur le dos des ménages ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Madame la députée, vous ne l'ignorez pas, les évolutions du prix du gaz sont encadrées par une législation portant sur le coût de revient effectif pour l'opérateur, qu'il s'appelle GDF-Suez, Gaz de Strasbourg ou Gaz de Bordeaux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La législation prévoit encore que la Commission de régulation de l'énergie vérifie que les tarifs sont bien conformes aux évolutions des coûts de revient.
'État. C'est dans ces conditions que, l'an dernier, nous avons enregistré une baisse de 11 % des tarifs du gaz et que, cette année, la Commission de régulation l'ayant validé, nous aurons une augmentation d'un montant équivalent.
S'agissant de l'action des pouvoirs publics, le Gouvernement se préoccupe, comme il doit le faire, de l'accès à l'énergie et donc du tarif social du gaz. Celui-ci, dont bénéficie actuellement un million de foyers environ, est maintenu et concernera même davantage de nos concitoyens car, dans le cadre du pacte de solidarité écologique, Valérie Létard étudie son extension. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prix du gaz
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
La conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté, pour les séances du mardi 27 et du mercredi 28 avril, les propositions d'ordre du jour suivantes :
Mardi 27 avril, l'après-midi :
Débat sur les contrôles des passagers des transports aériens.
Mercredi 28 avril, l'après-midi :
Débat sur l'emploi industriel en France.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l'article 58 de notre règlement, relatif au déroulement de nos travaux.
Aujourd'hui devait débuter en séance publique l'examen du projet de loi réformant le dialogue social dans la fonction publique, texte transcrivant législativement un accord national interprofessionnel sur le dialogue social, signé de façon majoritaire par six organisations syndicales représentatives de la fonction publique.
Profitant de ce consensus, le Gouvernement est passé en force en introduisant, par lettre rectificative, un article, le trop fameux article 30, niant la pénibilité – pourtant bien réelle – de la profession d'infirmier, en échange de revalorisations statutaires et salariales modiques et très inégales.
Face à cette provocation, les professionnels paramédicaux se sont mobilisés en masse, dès le 8 mars dernier et aujourd'hui encore, dans tout le pays, pour demander le retrait de cette disposition totalement inacceptable et unanimement rejetée par les organisations syndicales majoritaires.
Pour couper court au débat qui risquait effectivement de se nouer sur ce texte, ce qui aurait, du coup, mis en évidence le jeu de dupes auquel il se livre vis-à-vis des personnels paramédicaux – sans lesquels nos services hospitaliers, chacun le sait, ne peuvent « tourner » – en leur imposant d'échanger un droit à partir de façon anticipée à la retraite, lié à la pénibilité, contre de l'argent, le Gouvernement a fait le choix de retirer le projet de notre ordre du jour de cette semaine.
Mais il le retire pour mieux l'inscrire la semaine prochaine dans un cadre étroit et restreint, celui du fameux temps programmé ! Nous entendons ici dénoncer l'attitude déloyale du Gouvernement, qui ignore les personnels de la fonction publique hospitalière et muselle l'opposition.
Nous donnerons au ministre présent la semaine prochaine les 10 000 pétitions contre l'article 30 remises ce matin par les organisations syndicales que nous avons reçues. Nous réitérons notre demande de retrait de l'article 30 et mettons en garde le Gouvernement contre toute tentation d'ajouter par voie d'amendement à ce texte déjà largement contesté d'autres dispositions encore plus contestables, et ce d'autant que le droit d'amendement pour les parlementaires n'a pas été rouvert. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur Muzeau, vous n'ignorez pas que l'ordre du jour prioritaire est du ressort du Gouvernement,…
…et que cela découle de la Constitution.
Je précise également que, sur ce texte, près de 5 300 amendements ont été déposés,…
…dont 3 654 portant sur le titre, 1 421 portant articles additionnels avant l'article 1er et 204 de suppression.
Le Gouvernement a considéré qu'il convenait de parler du fond du texte plutôt que d'utiliser le temps dont nous disposons pour nos travaux en procédures qui détournent le cours des débats.
Monsieur le président, les appréciations que vous portez sur les amendements de l'opposition sont inacceptables !
La décision de la conférence des présidents a été actée, nous en arrivons donc à la suite de l'ordre du jour de cet après-midi.
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de loi constitutionnelle de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (nos 2223, 2371).
Jeudi dernier, le Gouvernement, en application de l'article 44, alinéa 3 de la Constitution, a demandé à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les articles 1er et 2 et sur l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, à l'exclusion de tout amendement.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, on vit ensemble, on vote ensemble. Dans le pays de l'égalité, c'est ainsi que pense une majorité de nos concitoyens.
D'ailleurs, au sein même de la majorité, plusieurs personnalités – éminentes s'il en est – se sont prononcées pour le droit de vote des étrangers aux élections municipales. C'est pourquoi le groupe SRC a décidé de tendre la main à tous ceux qui disent écouter et entendre la société française, en soumettant à l'Assemblée cette proposition de loi constitutionnelle qui pourrait permettre de concrétiser enfin ces intentions affichées.
Nous avons bien écouté les arguments développés sur les bancs de la majorité, lors du débat de jeudi dernier. S'ils étaient, en général – et je rends hommage aux différents orateurs –, de bonne tenue, aucun ne résiste au surplomb de l'histoire et à l'examen attentif de la réalité présente.
Nous sommes dans le pays des Lumières et de la Révolution française, qui a inscrit dans les premiers mots du préambule de sa Constitution la formule suivante : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme ». Dans cette nation pétrie d'égalité et d'universalisme, comment comprendre plus longtemps que certains de nos voisins de palier, de nos collègues de travail ou encore des parents des camarades de classe de nos enfants soient privés du droit de vote aux élections locales ?
Dans le pays de Descartes, comment expliquer rationnellement qu'un Lituanien présent en France depuis six mois et pour une durée de six mois puisse participer aux élections municipales, tandis qu'un Marocain ou un Sénégalais, présents depuis vingt ans dans la même ville, ne le peuvent pas ?
L'histoire et le présent démontrent que le lien consubstantiel entre nationalité et citoyenneté, que certains sur les bancs de l'UMP ont mis en avant, est une fiction. Pire, au rang des nations, c'est même un étrange anachronisme de la démocratie française, à l'heure où, sur tous les continents du globe, on accorde aux étrangers le droit de voter aux élections locales.
Vous avez d'ailleurs refusé de répondre – et même peut-être de réfléchir – à la question que je vous posais jeudi dernier et que je vous rappelle : dans cette nation qui chérit les valeurs de la République et qui ne vibre jamais autant que quand elle les propose au monde entier, ce retard pris sur les grandes démocraties ne participe-t-il pas confusément au sentiment de déclin, de déclassement, à tout le moins au doute qui étreint nos concitoyens sur la place et le rang de la France dans le monde, ainsi que sur sa mission historique ?
Au lieu de répondre à cette question de fond, vous nous opposez l'argument de la réciprocité. Outre le fait que la démocratie ne se marchande pas, ne se découpe pas en petits articles de traités commerciaux, cela dénote une image bien dégradée de la France et de sa capacité d'entraînement et d'inspiration du reste du monde.
Aussi dois-je vous rappeler, puisque vous n'avez pas été sensibles jeudi dernier aux paroles de Malraux, cette belle citation du général de Gaulle qui, s'adressant aux Français d'Angleterre en 1941 (Murmures sur les bancs du groupe UMP), disait : « Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde. »
Or c'est aussi ce que vous ont rappelé les orateurs du groupe socialiste, radical et citoyen.
Mais, pas plus que vous n'êtes touchés par l'histoire, vous ne paraissez sensibles au présent et aux questions qu'il pose. En effet, dans notre pays, des milliers d'électeurs ont grandi en voyant que leurs parents n'ont jamais pu se rendre une seule fois aux urnes, ce qui a des conséquences lourdes, car le vote est un droit mais aussi un rituel civique, dont on hérite – ou pas. Que ressentent les électeurs dont les parents sont privés de ce droit ? Quel rapport cela installe-t-il à l'idée même de politique, d'investissement dans la vie de la cité ? Quand, dans des quartiers entiers, les parents d'électeurs français sont privés de ce droit, ce rite ne se transmet plus et les doutes, les colères ou les aspirations trouvent d'autres voies pour s'exprimer. Ce phénomène ne peut suffire à expliquer entièrement l'abstention énorme que nous constatons d'élection en élection, mais il a probablement un lien avec elle.
Les élus du peuple que nous sommes ne sauraient s'y résigner. En tout cas, nous, sur les bancs de la gauche, nous ne l'acceptons pas. C'est donc aussi dans le souci de revitaliser notre démocratie représentative que nous vous demandons de voter ce texte. Cessons de fabriquer des Français défiants envers les institutions de la République !
Quant à ceux – toujours les mêmes – qui invoquent les risques d'atteinte à la souveraineté, nous rappelons que cette souveraineté appartient au peuple et que, selon l'article 3 de notre Constitution, le peuple l'exerce, certes par ses représentants, mais aussi par la voie du référendum. Voter cette proposition de loi constitutionnelle, c'est donc permettre à tous nos concitoyens, souverainement, de décider par référendum de consacrer ou non cette citoyenneté de résidence.
N'ayez pas peur du peuple ; laissez-le décider souverainement de son destin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à certains moments de la vie de notre république, il n'est pas inutile de porter un regard sur l'histoire et de rappeler que, il y a presque deux siècles et demi, siégeaient à la Convention – première assemblée élue au suffrage universel direct pour construire la loi –, deux étrangers : Thomas Paine, américain, et Anacharsis Cloots, hollandais. Deux siècles et demi plus tard, nous en sommes toujours à discuter sur la question de savoir si ceux qui n'ont pas choisi la nationalité française, mais qui vivent sur notre territoire, ont le droit de vote a minima, c'est-à-dire dans les élections locales.
Oui, il est vrai que, sur cette question, il y a une séparation entre la droite et la gauche…
Un député du groupe UMP. Heureusement !
…et c'est justement ce qui nous empêche de permettre à toute une partie de notre population de participer à notre destin collectif.
Je me souviens qu'ici, en 2000, au nom des Verts, j'ai eu l'occasion de défendre une proposition de loi sur le vote des étrangers aux élections locales. Bien qu'approuvée à l'unanimité par la gauche, elle est restée dans les tiroirs de l'Assemblée nationale.
Il est également vrai que, entre la droite et la gauche, il y a une différence de conception sur l'immigration. La gauche combat l'idée, proposée par le Président de la République lors de sa campagne, et qui est devenue une réalité, de créer un ministère de l'immigration et de l'identité nationale, ce qui signifie que, pour la droite, l'immigration est contraire à notre identité nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de ce ministère de la honte.
Pour nous, l'immigration est constitutive de l'histoire de notre république. Ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, qu'il existe aujourd'hui dans ce pays un musée de l'immigration. Or ce musée est boycotté par nos institutions, puisque le Président de la République, le Premier ministre et les ministres de ce gouvernement n'ont jamais voulu l'inaugurer et lui donner un véritable sens.
Nous considérons en effet, mon cher collègue Soisson, qu'il y a une discrimination lorsque le traité de Maastricht, comme l'a souligné Sandrine Mazetier il y a quelques instants, autorise un Espagnol ou un Portugais qui va vivre vingt ou trente ans dans notre pays, mais revenir ensuite dans son propre pays, à voter chez nous au bout de six mois de résidence, alors même que, à ceux que nous avons colonisés, qui ont été considérés comme français ou indigènes et dont les enfants sont français, qui vivent dans notre pays et y subissent des discriminations, auxquels on demande de respecter tous les droits et les devoirs des citoyens, à ces personnes-là, qui n'ont pas choisi la nationalité, auxquelles on a demandé de faire la guerre avec les Français, on dit, quand il s'agit de décider de notre destin collectif : « Circulez, il n'y a rien à voir ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
N'est-il pas honteux, mes chers collègues, que, pour déterminer le nombre de conseillers municipaux dans une localité, l'on compte le nombre d'habitants en y incluant ceux qui n'ont pas le droit de vote, et qu'on leur dise, lorsqu'il s'agit de les faire voter : « Occupez-vous de ce qui vous regarde ! » (« Très bien ! » sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
En regardant attentivement l'analyse très intéressante de l'Observatoire des zones urbaines sensibles, on se rend compte à quel point, dans notre pays, les discriminations sont considérables, les ghettos de plus en plus nombreux et insupportables, tandis que le plan banlieue de Mme Amara – je regrette d'ailleurs qu'elle ne soit pas là –, a été oublié, proprement jeté aux oubliettes. Et, pendant ce temps-là, 42 % des hommes de moins de vingt-cinq ans issus de l'immigration sont au chômage !
Il existe donc des discriminations insupportables. Vous le savez puisque vous portez une responsabilité particulière en la matière. À force de monter les Français les uns contre les autres,…
…d'inventer des boucs émissaires, de prétendre qu'il y aurait en France des étrangers de l'intérieur qui seraient des adversaires de la démocratie, vous ne faites que miner l'esprit public et diviser encore un peu plus le pays.
Cela explique le taux historique d'abstention aux dernières élections régionales, un taux dangereux.
Or ceux qui pourraient voter ne le peuvent pas. Ce silence vaut dissidence, panne de civisme.
Nous savons bien que l'on ne traite pas de la même manière ceux qui votent et ceux qui ne votent pas : ces derniers ne disposent pas d'un droit de sanction sur nos politiques.
Les enfants de ceux auxquels nous interdisons aujourd'hui le droit de vote ne se reconnaissent malheureusement pas dans les déviances de cette république. S'ils ont boudé les urnes, c'est bien parce qu'ils ont un sentiment de double humiliation.
Celle imposée à leurs parents et celle due aux discriminations.
C'est la raison pour laquelle le groupe GDR soutient avec un grand enthousiasme la proposition de loi socialiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je fais annoncer le scrutin public dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.
Le groupe Nouveau Centre, à l'exception notable de Stéphane Demilly et de Maurice Leroy, votera contre cette proposition de loi – mauvaise réponse à une vraie question.
La citoyenneté ne se découpe pas, ne se « saucissonne » pas, ne se disperse pas. On est citoyen ou on ne l'est pas. L'octroi du droit de vote aux étrangers extra-communautaires aux élections locales et pas aux autres nous paraît anormal en démocratie et, surtout, totalement surpassé par une autre notion : la citoyenneté française, qui permet de jouir de tous les droits de citoyen et non pas d'un demi, d'un quart ou d'un dixième de droit qu'on accorderait à un étranger au prétexte de l'ancienneté de sa présence sur notre territoire.
Pourquoi voter si l'on n'a pas choisi la nationalité ? Pourquoi, si l'on ne décide pas de participer à la vie de la nation, aurait-on le droit de voter ? J'entendais Noël Mamère prétendre que notre seule réponse serait : « Circulez, il n'y a rien à voir ! » Non ! Nous nous proposons de les accueillir, nous leur proposons d'acquérir la nationalité française, plutôt que de n'être que des demis, des quarts ou des dixièmes de citoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.) Nous leur proposons de devenir des citoyens à part entière, c'est-à-dire pourvus du droit de siéger à l'Assemblée elle-même. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
On avance qu'il faudrait donner le droit de vote municipal aux étrangers résidant en France parce qu'ils sont contribuables. Or ces deux mots recouvrent une réalité bien différente : le citoyen participe aux choix de la nation alors qu'un contribuable l'est rarement volontairement.
J'invoquerai l'histoire : notre conception de la citoyenneté est le fruit d'un projet politique. D'autres nations, qui ont accordé le droit de vote aux étrangers aux élections locales, ont décidé que leur socle serait culturel quand le nôtre est profondément politique. La Révolution française a décidé de créer une nation à partir de l'adhésion à trois principes fondamentaux gravés au fronton de nos bâtiments publics – Liberté-Égalité-Fraternité –, principes auxquels on a ajouté, en 1905, celui de laïcité. C'est cet acte de volonté qui reste nécessaire pour devenir français, rien d'autre.
Ainsi, les députés de l'opposition qui ont évoqué la citoyenneté européenne ont-ils raison : celle-ci est fondée sur un acte de volonté, celle de construire une autre entité, une nouvelle citoyenneté. Il n'est donc, à mes yeux, pas normal qu'ils n'aient pas le droit de vote à toutes les élections et qu'ils se retrouvent aujourd'hui des électeurs amputés d'une partie de leurs droits.
En outre, nous ne comprenons pas la volonté de l'opposition de découper le citoyen en tranches, si l'on ose dire. Selon le texte, les étrangers extra-communautaires ne bénéficieraient du droit de vote qu'aux élections municipales, soit parce qu'ils paient des impôts municipaux soit parce que leurs enfants fréquentent l'école maternelle ou l'école primaire. Mais dès lors que ces derniers passeraient au collège, leurs parents ne seraient-ils plus citoyens et les belles envolées lyriques dont vous nous avez gratifiés n'auraient-elles plus d'objet ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Même chose lorsque ces enfants deviendraient lycéens. Lorsque, au ministère de l'éducation nationale, on fixe les programmes des collèges et lycées, les parents en question n'auraient-ils tout à coup plus rien à dire ?
Il y a une grande hypocrisie à découper ainsi la citoyenneté : selon le système que vous voulez instaurer, les étrangers concernés auraient le droit, en certaines occasions, de s'exprimer et, en d'autres circonstances, se retrouveraient privés de ce droit. Nous pensons que la bonne solution n'est pas celle que vous préconisez.
Mieux vaudrait faciliter l'accès à la nationalité française pour ceux qui en font la demande. Tâchons de faire en sorte que les étrangers qui deviennent citoyens français et que nous honorons d'une réception dans nos mairies, n'aient pas attendu quatre, cinq ou six ans pour obtenir la nationalité. Nous devons permettre à un étranger résidant depuis suffisamment longtemps sur le territoire de l'acquérir en moins d'un an. C'est la tradition de la France. J'irai plus loin : quand un étranger vient renouveler son titre de séjour, on devrait lui proposer la nationalité française. J'y insiste, c'est la tradition de la France que de vouloir faire partager son projet et ses valeurs politiques à ceux qu'elle accueille sur son sol. Mais si nous devons le leur proposer, ils doivent garder le droit de refuser d'être citoyens français, donc de ne pas voter. (Applaudissements les bancs du groupe NC et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ainsi, il y aurait d'un côté les grands démocrates, les progressistes (« Oui ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR) et, de l'autre, des conservateurs plutôt rétrogrades. (Applaudissements et rires sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Mamère, ce que vous avez dit est grave. On nous intente un procès. Notre position sur la question du droit de vote n'a rien à voir avec notre politique d'immigration.
Il ne saurait être question à nos yeux de stigmatiser qui que ce soit. Or c'est malheureusement ce que vous faites à travers des propos scandaleux !
Il est simplement question pour nous de revenir à certains principes fondamentaux et de ne pas tout mélanger. La question du droit de vote des étrangers aux élections locales touche à l'union et à la souveraineté nationale.
Notre conception diffère du tout au tout avec la vôtre. Citoyenneté et nationalité sont étroitement liées, indissociables même. Quant à une citoyenneté de résidence, honnêtement, j'ignore ce que c'est.
On ne saurait fonder l'idée de citoyenneté sur le seul fait qu'on paie des impôts.
Des étrangers nous apportent énormément. La politique d'immigration le montre : 120 000 personnes environ acquièrent chaque année la nationalité française. C'est très simple : si vous voulez que des étrangers votent en France, il faut et il suffit qu'ils acquièrent la nationalité française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Notre pays accueille les étrangers sans aucune difficulté.
Allons plus loin : pourquoi vouloir voter en France sans, dans le même temps, vouloir la nationalité française ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Je n'ai obtenu de réponse de la part de l'opposition ni au cours de la discussion générale ni à l'occasion de ces explications de vote. À partir du moment où des étrangers résident depuis longtemps en France, qu'ils y ont une famille, qu'ils y travaillent, qu'ils respectent notre culture, qu'ils observent nos lois, pourquoi ne demandent-ils pas la nationalité française ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'en viens au principe de réciprocité qu'on ne saurait passer sous silence. Pourquoi donner plus de droits à des étrangers qui sont en France alors que leur pays d'origine n'offre pas les mêmes droits aux Français qui y sont installés ? Pourquoi ne commencez-vous pas par demander qu'on conclue des accords de réciprocité ?
En son sein – et c'est heureux –, certains députés ne partagent pas l'avis de l'ensemble de la majorité. Or, en les citant, Mme Mazetier a omis de préciser qu'ils ont toujours évoqué la question de la réciprocité.
Dans le cadre du traité de Maastricht, la citoyenneté européenne repose sur le respect de la souveraineté nationale et sur la réciprocité. Pourquoi ne voulez-vous pas étendre l'application de ces deux principes au-delà du traité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Vous avez cité plusieurs pays étrangers. Mais là aussi il convient d'examiner la situation jusqu'au bout et nous dire tout ce que vous savez, ne rien cacher. Ainsi, l'Espagne et le Portugal admettent le vote des étrangers aux élections locales, mais sous réserve de réciprocité.
La Suède accorde le droit de vote aux étrangers sous certaines conditions, mais vous savez très bien qu'il s'agit de la contrepartie à la difficulté à acquérir la nationalité de ce pays.
En outre, il est absurde, incohérent de vouloir généraliser le droit de vote pour les étrangers en France alors que les Français ne sont pas allés voter aux dernières élections régionales. (Protestations prolongées sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ne voyez-vous pas que vous avez un débat de retard alors que vous vouliez avoir un débat d'avance ? Il vaudrait mieux commencer par convaincre les citoyens d'aller voter – et vous n'y êtes pas parvenus –, avant d'envisager le droit de vote des étrangers en France.
Forts de la législation en vigueur, nous sommes totalement armés pour lutter contre toutes les formes de discriminations. (Brouhaha.) Nous n'admettons pas non plus ce procès. Nous nous opposons donc à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 527
Nombre de suffrages exprimés 525
Majorité absolue 263
Pour l'adoption 212
Contre 313
(La proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Tony Dreyfus.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (nos 2386, 2373).
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des finances, mesdames, messieurs les députés, nous allons débattre aujourd'hui, en deuxième lecture, d'un texte important qui va mettre fin au développement sauvage et anarchique des jeux d'argent et de hasard sur internet.
Le modèle français, chacun le sait, fonctionne depuis plus d'un siècle sur le principe de l'autorisation de certains jeux d'argent, canalisée à travers un circuit contrôlé par l'État. Ces circuits, vous les connaissez tous. Il s'agit du pôle des casinos, de celui des paris hippiques, qui sont confiés au PMU, et de celui de la loterie d'État, confié à la Française des Jeux.
Mais l'arrivée d'internet, son développement extraordinairement rapide et la facilité avec laquelle on a pu utiliser ce nouvel outil aux fins de développer des jeux en ligne ont totalement rebattu les cartes. Internet a fait tomber les barrières qui, jusque-là, nous permettaient de réguler ce marché. Les canaux physiques, les réseaux en dur demeurent sous contrôle, mais le monde virtuel d'internet ne l'est pas. Les Français peuvent dorénavant jouer n'importe où, y compris depuis leur domicile, n'importe quand, et surtout, bien plus grave – et c'est ce qui nous occupe aujourd'hui –, n'importe comment et sur n'importe quoi : 25 000 sites proposent des jeux, dans tous les domaines, avec un total de mises qui oscille en France, au minimum, tenez-vous bien, entre 3 et 4 milliards d'euros. Ce sont actuellement près de 5 % des Français qui jouent sur internet.
Il est incontestable que cette situation n'est plus tenable. Il est de la responsabilité du Gouvernement de faire respecter l'État de droit, de fixer des règles, et de protéger nos concitoyens. Cela ne peut plus être la liberté du renard dans le poulailler. Pour y parvenir, deux attitudes s'opposent, que le débat en première lecture a mises en lumière.
La prohibition est la première. Mais, nous le savons tous, elle n'a jamais fonctionné, parce que le jeu, depuis toujours, est intimement lié aux sociétés humaines. Vouloir interdire les jeux sur internet serait encore plus illusoire. Ce serait une lutte perdue d'avance, comme celle qui a été menée par les pays qui refusent de s'ouvrir à internet, comme vous l'avez souligné à plusieurs reprises, monsieur le rapporteur. D'ailleurs, les pays qui ont tenté d'interdire les jeux sur internet ont échoué. En Allemagne, par exemple, depuis 2008, le chiffre d'affaires des opérateurs légaux diminue : un certain nombre de parieurs privilégient les opérateurs illégaux. Cela nous incite à réfléchir en profondeur sur la mise en place de ces nouvelles règles. Aux États-Unis, la prohibition fonctionne si bien que le marché des jeux en ligne illégal a été évalué en 2007 à environ 9 milliards d'euros !
L'autre position qui va nourrir notre discussion, c'est la liberté totale, celle que j'évoquais tout à l'heure en parlant de la liberté du renard dans le poulailler. Ce serait tout aussi irresponsable, parce que le jeu n'est pas assimilable à un produit de consommation courante. Le jeu, lorsqu'il n'est pas régulé, peut conduire à des situations intenables pour les joueurs et leurs familles : il suffit d'écouter les professionnels de la santé qui traitent des cas d'addiction pour comprendre les ravages que peut causer le jeu lorsqu'il n'est pas contrôlé.
Je pourrais longuement parler des situations de surendettement – le problème se pose d'ores et déjà, et a fait l'objet d'une évaluation –, de l'explosion de la cellule familiale, et même de cas de suicides directement liés à cette évolution.
Dans un cas comme dans l'autre, prohibition ou liberté totale, il s'agit donc d'une impasse.
Entre ces deux solutions, il nous est apparu juste et raisonnable de faire le choix d'une ouverture maîtrisée, adaptée à la problématique spécifique de l'internet. Nous nous inscrivons ainsi dans une continuité historique qui vise à adapter notre modèle de régulation des jeux à l'évolution de leurs modes de diffusion. Je suis convaincu que cette solution va nous permettre d'assécher progressivement le marché noir des jeux en ligne, en créant une offre légale qui obéit aux règles que vous aurez édictées, et d'associer, en complément, des outils de lutte contre les sites illégaux, de lutte contre l'addiction et de protection des mineurs. C'est le choix fait par l'Italie, et cela commence à produire des effets.
Mais pour que ces règles s'appliquent, il faut que l'ouverture du marché réussisse, qu'elle soit suffisamment attractive pour les opérateurs qui souhaitent entrer dans le champ de la légalité, sans que pour autant nos valeurs, les principes de protection de l'ordre public et de l'ordre social, soient remis en cause. L'ouverture maîtrisée sera donc une véritable ouverture du marché des jeux en France, mais pas à n'importe quelle condition : nous ne transigerons ni sur le risque d'addiction des joueurs ni sur le risque pour les mineurs, pas plus que sur les risques de fraude et de blanchiment.
C'est la raison pour laquelle le texte dont nous allons débattre repose sur deux piliers indissociables : une offre de jeu sécurisée, contrôlée et régulée, d'une part ; la mise en oeuvre d'un cumul d'obstacles conduisant à assécher le marché illégal, d'autre part.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, pour les grands principes de ce projet de loi. Permettez-moi, avant d'insister sur quelques points saillants du texte, de remercier très chaleureusement votre rapporteur, Jean-François Lamour. Pour avoir été parlementaire à ses côtés, au sein du groupe UMP, j'ai pu apprécier son degré d'implication en tant que député, ainsi que la grande connaissance du sujet qu'il a acquise dans l'exercice de ses fonctions de ministre des sports. Je voudrais également saluer le président de la commission des finances, M. Cahuzac, qui a apporté sa contribution, en particulier la semaine dernière, pour l'examen des derniers amendements.
En ce qui concerne d'abord le champ de l'ouverture, il sera limité à certains types de paris et jeux : les paris sportifs, les paris hippiques et le poker.
Ouvrir le marché, cela ne veut pas dire autoriser tous les types de jeux et paris. Dans l'esprit de l'ouverture maîtrisée, nous avons choisi de ne retenir que les jeux et paris qui présentent les risques d'addiction les moins importants et qui constituent l'essentiel de la demande sur internet. Par exemple, les jeux de hasard pur, comme les machines à sous, qui présentent un risque de dépendance très élevé, ne seront pas autorisés sur internet et demeureront sous le monopole des casinos.
Les paris sportifs seront autorisés sous la forme mutuelle – les joueurs parient les uns contre les autres –, mais aussi sous la forme du pari à cote, où c'est l'opérateur qui parie contre les joueurs. Les paris à cote représentent la quasi-totalité de l'offre en matière de paris sportifs. Si nous ouvrions ce marché sans permettre ce type de paris, cela reviendrait à ne pas ouvrir le marché des paris sportifs. Ce serait encourager les opérateurs illégaux à continuer d'agir dans l'illégalité, puisque ce qui est le plus demandé ne serait pas autorisé. C'est une question de bon sens.
Nous avons tous conscience que ce type de paris présente des risques importants de tricherie et de fraude. C'est précisément pour prévenir ces risques que le projet de loi prévoit des mesures permettant de prévenir tout excès et tout conflit d'intérêt. Ainsi, les sportifs et les dirigeants de clubs ne pourront pas parier sur les événements auxquels ils participent. Les paris sur des résultats d'épreuves virtuelles seront également interdits, et surtout, ces paris seront autorisés après avoir recueilli l'avis des fédérations sportives concernées sur les catégories d'épreuves à retenir et les types de résultats pertinents, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas manipulables.
Les paris hippiques constituent le deuxième ensemble de paris autorisé par le projet de loi. La France, comme de nombreux pays, vit dans la tradition du pari hippique organisé sous la forme mutuelle. L'offre illégale ne concerne d'ailleurs que ce type de paris. En conséquence, le projet de loi n'autorise pas le pari à cote pour les paris hippiques.
Troisième étage de cette fusée qui vous est proposée concernant la régulation des jeux en ligne : l'ouverture du marché au poker. Ce jeu connaît un succès considérable et représente à lui seul les trois quarts des sommes actuellement misées sur internet.
Vous êtes joueur de poker ?
Il présente moins de risques d'addiction que les autres jeux de casino. Il est donc nécessaire de le retenir si nous voulons que les joueurs choisissent de jouer dans un cadre légal au détriment des opérateurs illégaux.
Deuxième élément de base de notre discussion : au-delà du champ de l'ouverture, ce projet de loi définit les obligations que les opérateurs légaux devront respecter ; il met en place les outils efficaces pour lutter contre ceux qui resteront dans l'illégalité.
Comment cela fonctionnera-t-il ? Les opérateurs qui souhaitent accéder au marché français des jeux en ligne devront obtenir un agrément, qui leur sera accordé pour une durée de cinq ans renouvelable. Nous ne mettrons pas en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle, car nous voulons pouvoir décider sur quels critères un opérateur sera autorisé à jouer en France. Mais, parallèlement, il n'y aura pas de numerus clausus, l'objectif du projet de loi étant de permettre à tous ceux qui veulent rentrer dans la légalité de le faire. Je vous l'ai dit : plus nous aurons d'opérateurs légaux, plus vite les opérateurs illégaux s'asphyxieront.
L'octroi d'un agrément puis le suivi du respect de cet agrément nous ont conduits à proposer la création de l'Autorité de régulation des jeux en ligne, autorité indépendante qui sera chargée d'attribuer les licences aux opérateurs, de contrôler leurs obligations et de lutter contre l'offre de jeux illégale. Les sénateurs, dans leur bienveillante sagesse, ont renforcé l'indépendance de l'ARJEL, où les opérateurs ne seront plus représentés, et créé un comité consultatif des jeux sous l'autorité du Premier ministre, auquel sera adjoint, comme vous le savez monsieur le rapporteur, un observatoire des jeux.
Les licences seront attribuées sur la base d'un cahier des charges très strict, qui reprendra les règles et principes fixés dans la loi, mais aussi dans les décrets que nous allons prendre. Ce cahier des charges fixera notamment des règles précises en matière de solidité financière, de moralité des opérateurs – c'est un élément quantifiable –, de contrôle de l'identité des joueurs, de la protection des mineurs, j'insiste avec vigueur sur ce point, de la promotion d'un jeu responsable, de la traçabilité des informations de jeu, financières et de lutte contre le blanchiment d'argent et les paradis fiscaux, et de préservation de l'intégrité des compétitions sportives et hippiques. Nous avons voulu imposer aux futurs opérateurs agréés des règles strictes, à même de permettre le meilleur niveau de régulation de ce marché.
J'ajoute que ces opérateurs feront l'objet d'un contrôle permanent de leurs obligations par l'ARJEL. Ils seront tenus de communiquer en temps réel toutes les données de jeu conservées dans un dispositif technique sécurisé. En cas de manquement, ils pourront être sanctionnés, leur agrément pourra être suspendu, voire retiré. La menace est plus importante que l'exécution. C'est comme une partie d'échec. Fixer cette règle est un élément suffisamment dissuasif pour que l'on ne s'amuse pas à faire n'importe quoi. Voilà pour ce qui est du cadre légal qui va s'imposer aux opérateurs ayant obtenu un agrément.
Parallèlement, un ensemble de dispositions est prévu afin de lutter contre les opérateurs illégaux. Aucune d'entre elles n'est efficace à 100 %, c'est leur combinaison qui permettra d'apporter une réponse la plus adaptée possible.
La première mesure qui va permettre de lutter contre les opérateurs illégaux consiste à autoriser la publicité pour les opérateurs agréés et à l'interdire pour les illégaux. C'est un point fondamental pour réussir cette opération, et notamment l'assèchement du marché. Aucun opérateur de jeu ne peut survivre s'il n'a pas les moyens de se faire connaître ! Mais cette publicité sera très encadrée : elle ne devra pas concerner les mineurs et sera assortie de messages de prévention. Un travail préparatoire important a été mené sur ce sujet avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité, qui vient de se doter d'un code de déontologie et de bonnes pratiques adapté au secteur des jeux.
À l'issue du débat en première lecture, vous avez d'ailleurs renforcé l'encadrement de la publicité, en l'interdisant dans les services de communication audiovisuelle lors d'émissions à destination des mineurs, dans les services de communication au public en ligne ou dans les salles de cinéma lors de la diffusion d'oeuvres accessibles aux mineurs. Vous avez aussi augmenté l'amende encourue en cas de violation des règles d'encadrement de la publicité, de 30 000 à 100 000 euros.
À cela vont s'ajouter d'autres outils de lutte contre les sites illégaux : un site illégal pourra être bloqué sur injonction du juge, comme vous l'avez souhaité, s'il n'obtempère pas après mise en demeure par l'ARJEL ; les transactions financières entre les banques françaises des joueurs et les sites illégaux pourront faire l'objet d'un blocage ; des cyberpatrouilleurs seront habilités à aller sur les sites illégaux pour constater des infractions ; des amendes lourdes pourront être décidées à l'encontre des diffuseurs de publicité pour des sites illégaux.
Reconnaissez avec moi qu'un opérateur illégal dans l'incapacité de se faire connaître, dont le site et les transactions financières avec les joueurs seront bloqués, ne pourra pas subsister durablement face à des opérateurs agréés ayant acquis la confiance des joueurs. L'objectif est de créer une évolution et une adaptation, finalement de créer la vie sur ce marché.
Reste la question du traitement des opérateurs illégaux aujourd'hui actifs en France, qui souhaitent obtenir une licence. La position du Gouvernement est très ferme. Ils ne pourront pas bénéficier de l'avance qu'ils auraient pu prendre depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.
À ce sujet, vous aviez introduit une modification de l'article 16 qui visait à durcir le texte à l'encontre des opérateurs de jeux illégaux qui obtiendraient un agrément en France. Bien évidemment, je partage cet objectif : un opérateur ayant illégalement proposé des jeux à des consommateurs français ne doit pas pouvoir tirer un quelconque avantage, lors de l'ouverture du marché, de la situation d'illégalité dans laquelle il se trouvait antérieurement.
Le Sénat a fait évoluer cette disposition, en renforçant substantiellement les sanctions pénales à l'encontre des opérateurs de jeux illégaux, notamment la faculté de prononcer l'interdiction d'exercer dans le secteur des jeux et par-là même l'impossibilité d'obtenir un agrément de jeux en ligne, le tout en confiant au juge le soin de constater l'illégalité. Nous sommes dans le cadre de la préparation d'un dispositif rigoureux, sans faiblesse et avec un objectif bien défini. Il est solide juridiquement et correspond à votre intention. Le Gouvernement partage cette position.
Si le dispositif vise à assécher le marché illégal, il ne peut pas se résumer uniquement à cette perspective. D'où le troisième point, qui est l'impératif de lutte contre l'addiction, de protection des mineurs, de lutte contre le blanchiment, et de préservation de l'éthique des compétitions sportives.
La protection des mineurs est un point essentiel, fondamental. C'est un des principaux objectifs de ce texte, inscrit dans l'article 1er et décliné dans plusieurs autres articles. Je pense notamment à la publicité et aux procédures de création d'un compte joueur ou d'accès aux sites de jeux. Nous continuerons à travailler sur ces sujets avec les associations de protection de l'enfance sur internet.
La lutte contre la dépendance aux jeux, bien connue et ciblée, est un défi majeur. Le texte, de l'avis même des professionnels de la lutte contre l'addiction, constitue une véritable avancée en matière de prévention et de soins. Le taux de retour aux joueurs – TRJ – sera plafonné, non seulement parce que le plafonnement est nécessaire pour lutter contre le blanchiment, mais aussi parce qu'il constitue un frein au jeu et permet donc de limiter la dépendance.
Les opérateurs de jeux devront mettre en place sur leurs sites un ensemble de modérateurs de jeu. Ces modérateurs doivent permettre de limiter le temps passé à jouer, d'informer les joueurs sur leurs pertes réelles ou potentielles et de détecter les joueurs à problème.
Enfin, l'effort public pour la connaissance, la prévention et le traitement de la dépendance aux jeux sera renforcé. Une partie des recettes sociales, en particulier, sera destinée au financement de la prévention via un retour à l'INPES, ainsi qu'au financement des soins.
Le texte prévoit aussi d'améliorer la protection de l'éthique des compétitions sportives. Il met un terme à la situation actuelle, qui est à haut risque pour le sport. Ainsi, les paris légaux ne pourront porter que sur des compétitions et des types de résultats déterminés après avis des fédérations sportives, et plus, comme c'est le cas aujourd'hui, sans qu'elles aient jamais leur mot à dire. Les fédérations seront des partenaires du dispositif et du processus.
Le système, à travers le texte qui vous est proposé, permettra la mise en place, grâce au droit de propriété, de liens privilégiés entre le monde du sport et les opérateurs de paris, afin d'exclure toute épreuve ou pratique à risque en matière de fraude ou de triche.
Le texte vise également à marginaliser les opérateurs illégaux, et donc à faire porter les enjeux financiers des paris sur des opérateurs agréés, contrôlés, qui ont tout intérêt à lutter contre ce type de pratiques qui pourraient nuire à leur réputation.
Cette ouverture officielle et juridique ne pourrait avoir lieu si la fiscalité n'était pas à la fois compétitive et soucieuse de préserver les intérêts financiers de l'État. Ce sont deux impératifs qu'il est difficile de concilier. En effet, les taux doivent être les mêmes par catégorie de jeu ou pari, qu'ils soient mis à disposition des joueurs dans le réseau physique ou sur internet. Concrètement, cela veut dire que lorsque nous baissons le niveau de fiscalité pour les jeux et paris qui seront diffusés sur internet, nous devons faire de même pour ceux qui sont diffusés par le PMU ou la Française des Jeux dans leur réseau physique, ce qui peut mécaniquement entraîner une perte de recettes pour l'État, qui n'a pas besoin de cela.
Le projet qui vous est soumis fixe le point d'équilibre entre ces deux objectifs à 7,5 % des mises pour les paris sportifs et hippiques, et à 2 % des mises pour le poker, avec un plafond fixé à 1 euro par donne. Avec cette fiscalité, nous pensons être en mesure de préserver les recettes de l'État, la baisse des taux étant compensée par une hausse de l'assiette. J'appelle cependant votre attention sur le fait qu'il serait très dangereux pour le budget de l'État de modifier cet équilibre.
Le projet de loi prévoit, en outre, un retour financier vers le monde du sport. Il faut souligner l'engagement personnel du rapporteur sur ce point. Il est partagé naturellement par bien d'autres.
Il s'agit d'un retour vers le sport professionnel, principal bénéficiaire des recettes du sponsoring, et vers le sport amateur et de haut niveau, qui en bénéficiera par l'intermédiaire d'un prélèvement sur les paris sportifs affecté au Centre national pour le développement du sport. Le CNDS conservera naturellement le taux de 1,8 % sur les activités de loterie et de grattage, qui lui rapportent d'ores et déjà 163 millions d'euros par an.
Il bénéficiera aussi d'un prélèvement de 1,3 % en 2010, de 1,5 % en 2011 et de 1,8 % en 2012 pour les jeux sur internet, avec une caractéristique importante : il ne sera pas plafonné.
En ce qui concerne les paris hippiques, j'ai pris l'engagement que les opérateurs devront contribuer au financement de la filière hippique, qui représente plus de 60 000 emplois et qui joue un rôle considérable en matière équine et pour l'aménagement du territoire.
Le texte donne aux sociétés mères de courses une mission de service public, qui sera financée par une redevance portant sur les sommes engagées par les parieurs, sur les paris hippiques en ligne. Son taux, en lien avec le coût des missions de service public, ne pourra être inférieur à 7,5 % et supérieur à 9 %. Cela permettra de sortir de la situation actuelle, dans laquelle les sociétés de courses voient se multiplier des paris illégaux pour lesquels elles n'ont aucun retour financier, ce qui fragilise, chacun le sait, la filière.
Je ne serais naturellement pas exhaustif si je n'ajoutais que le patrimoine bénéficiera également d'un retour financier dans le cadre de ce projet de loi, par l'intermédiaire d'une partie des recettes fiscales sur le poker en ligne. Ce versement, plafonné à 10 millions d'euros, sera versé au Centre des monuments nationaux.
Je voudrais, pour terminer, vous dire ma conviction sur les délais. Je l'ai évoquée en commission des finances, la semaine dernière, juste après la passation de témoin avec Éric Woerth. Le 11 juin 2010, c'est-à-dire dans très peu de temps, se jouera le premier match de la Coupe du monde de football. Ce grand rendez-vous du monde du sport va créer une vague exceptionnelle de prises de paris sur internet. Il est donc du devoir du Gouvernement, grâce à ce projet de loi, d'offrir un cadre régulé et contrôlé aux Français qui, immanquablement, vont parier sur la victoire des Bleus – personne n'en doute ici.
Vous n'avez peut-être pas tort… (Sourires.)
Notre calendrier d'ouverture du marché pour cette échéance est évidemment tendu, mais il est tenable. Je voudrais aussi vous rappeler que rien n'est définitif, puisque, d'un commun accord, sous l'impulsion du rapporteur, la définition d'une clause de revoyure dans les dix-huit mois nous permettra, après l'organisation de la Coupe du monde et une année et demie supplémentaire de vie dans un cadre légal des jeux en ligne, de faire le point, de nous adapter, d'être pragmatique et de mettre en situation un texte, une règle qui permettra à notre État de droit de fonctionner dans un système en plein développement : le jeu en ligne sur internet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-François Lamour, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de débuter mon propos, je tiens à remercier François Baroin pour son exposé, dont la clarté démontre avec quel talent – et surtout quelle rapidité, ce n'était pas évident – il a su faire sien ce projet de loi initié par son prédécesseur, Éric Woerth.
Voilà juste un an qu'a débuté l'examen au Parlement du projet de loi sur l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne. Nos débats, à l'Assemblée nationale puis au Sénat, ont été riches, parfois passionnés, mais toujours constructifs. Le texte initial, axé sur une libéralisation maîtrisée des jeux en ligne, a été considérablement amélioré par voie d'amendements, déposés en commission des finances puis en séance.
Je veux saluer, à cet égard, la qualité des travaux conduits en première lecture par les deux rapporteurs pour avis : Étienne Blanc, au nom de la commission des lois, et Daniel Fasquelle, au nom de la commission des affaires économiques. Je n'oublie pas nos autres collègues, de la majorité comme de l'opposition, qui ont proposé des amendements bienvenus et ont ainsi contribué à l'élaboration progressive du texte.
C'est aujourd'hui un projet de loi très équilibré qui est renvoyé à notre assemblée pour une deuxième lecture. Il réalise un délicat compromis entre plusieurs aspirations : la libéralisation de l'offre de jeux sur internet et le renforcement de la lutte contre le jeu excessif et l'addiction ; une variété suffisante des types de jeux et de paris autorisés permettant d'assurer l'attractivité de l'offre légale et un soutien aux filières traditionnelles – courses hippiques et casinos – pourvoyeuses d'emplois, mais également au sport amateur via le CNDS ; l'agrément par l'ARJEL des anciens opérateurs illégaux qui le souhaiteraient et la garantie d'une concurrence équitable avec les monopoles historiques ou les nouveaux entrants, demeurés dans la légalité ; le développement de la publicité pour l'offre légale de jeux propre à marginaliser les opérateurs illégaux et la protection des personnes vulnérables, mineurs et interdits de jeu en particulier. Ce nouvel examen par notre assemblée porte sur un projet de loi jugé par tous suffisamment abouti.
L'institution des courses et la Française des Jeux se satisfont désormais pleinement des conditions de l'ouverture du secteur des jeux en ligne et l'ont fait savoir. Le Comité olympique français a, quant à lui, salué l'avancée majeure que représente l'instauration d'un droit au pari par le biais de l'article 52, et l'objectif de 1,8 % non plafonné – une première – alimentant le CNDS lui agrée également.
Les opérateurs, jusqu'alors illégaux, estiment pour la plupart que le cadre légal est solide ; à vrai dire, quelques-uns se plaignent encore. Ils critiquent – c'est plutôt bon signe pour le législateur ! – la sévérité du modèle de régulation et le régime fiscal mis en place.
Un rapide bilan démontre que le projet de loi a atteint un degré suffisant de maturité. Alors que le projet initial comportait cinquante-huit articles, la première lecture par l'Assemblée nationale a permis l'adoption de neuf articles additionnels et la suppression de l'article 32 relatif à la compétence de conciliation de l'ARJEL. Le Sénat a, quant à lui, adopté quatre articles additionnels et supprimé un article. Ainsi, le texte soumis en seconde lecture à l'Assemblée nationale ne comporte-t-il plus que quarante-neuf articles en discussion, tandis que vingt et un ont été adoptés ou supprimés. Encore faut-il rappeler que le Sénat n'a pas remis en cause les ressorts principaux du projet de loi ; beaucoup d'articles n'ont fait l'objet que d'un toilettage rédactionnel.
Au rang des mesures nouvelles introduites de manière très opportune par nos collègues sénateurs, souvent à l'initiative du rapporteur François Trucy que je félicite, je citerai plusieurs modifications : l'article 1er, prévoit, à mon initiative, la création du comité consultatif des jeux, mais le régime de tutelle et l'organisation ont été précisés ; l'article 17 A, introduit par le Gouvernement au Sénat, clarifie et harmonise les obligations des opérateurs de jeux, en dur ou en ligne, en matière de lutte contre le blanchiment ; l'article 40 aménage les prélèvements sociaux et réduit les sommes fléchées vers l'INPES au profit de l'assurance maladie – je vous demanderai, monsieur le ministre, de nous confirmer que vous vous engagez clairement afin que les 5 millions d'euros de financements correspondants soient réellement affectés à la prise en charge des joueurs pathologiques ; l'article 43 bis, ajouté au Sénat, institue, au profit des sociétés de courses, une redevance payée par les opérateurs de paris hippiques en ligne, reprenant en les précisant les dispositions introduites à l'Assemblée à l'article 19 du présent projet de loi ; enfin, l'article 47 renforce les sanctions pénales encourues par les sites illégaux et prévoit, en plus des peines principales – prison, amende –, des peines complémentaires parmi lesquelles l'interdiction, pour une durée de cinq ans, de solliciter l'agrément. Ce dispositif remanié paraît plus cohérent et constitutionnellement mieux assuré que les restrictions à l'octroi de l'agrément envisagées au mois de septembre par plusieurs de nos collègues, à l'article 16.
Par le jeu mécanique de la navette parlementaire, vous comprendrez, mes chers collègues, que nos échanges vont se concentrer en deuxième lecture sur les principales modifications adoptées par le Sénat. Il ne saurait être question de revenir longuement sur des amendements que nous avons examinés en séance publique et qui, souvent, sont déjà satisfaits par le texte transmis.
Nous aurons d'ailleurs l'occasion, dans les prochains mois, de contrôler la mise en oeuvre du présent projet et de débattre à nouveau des inflexions qui s'avéreraient nécessaires. Les éventuels ajustements techniques, notamment sur le volet fiscal du projet, pourront être opérés par voie d'instruction ou dans la prochaine loi de finances rectificative. Une clause de revoyure à dix-huit mois, à laquelle renvoie expressément l'article 58, permettra de pallier les insuffisances du dispositif que la pratique mettrait en évidence. Plusieurs rapports intermédiaires, par exemple du CSA sur l'incidence de la publicité pour les jeux, nous seront transmis d'ici là. Enfin, j'ai l'intention, comme le permet l'article 145-7 de notre règlement, de déposer prochainement un rapport sur la mise en application de cette loi afin de suivre l'entrée en vigueur des mesures réglementaires prévues.
Mes chers collègues, le temps est venu d'achever la phase parlementaire d'élaboration de ce projet de loi. C'est pourquoi, en accord avec M. le ministre, je vous proposerai, à l'issue de la discussion générale, d'examiner et de repousser les amendements déposés afin d'adopter ce projet de loi dans le texte du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons cette deuxième lecture d'un texte complexe, difficile, qui comporte de nombreux enjeux, avec un sentiment de malaise. Ce malaise est lié aux fluctuations du calendrier qui nous donnent un peu le mal de mer. Il était d'abord question d'adopter ce texte très vite – ce fut le débat que nous avons eu en première lecture –, car nous ne pouvions laisser la situation dans l'incertitude juridique, surtout compte tenu des échéances à venir.
Voilà maintenant que l'on nous invite à n'adopter aucun amendement, en tout cas, aucun qui soit utile. J'observe que la majorité n'en a déposé aucun et que les nôtres ont été discutés comme si le texte issu de la Haute assemblée, l'assemblée des sages qu'est le Sénat, était parfait et ne méritait aucun aménagement. Brusquement, l'urgence est revenue alors qu'il a fallu attendre des semaines pour que ce texte soit enfin inscrit à l'ordre du jour du Sénat, puis à celui de notre assemblée. Pourquoi ? J'ai l'impression que vous avez pris votre temps et que ce fut, pourrait-on dire, une « prise de tête » révélatrice de vos difficultés à trouver un accord. Ces difficultés qui se sont exprimées tant au Sénat qu'à l'Assemblée traduisent les incertitudes et le malaise ressentis au sein même de votre majorité.
Notre sentiment de malaise est encore accru par le contexte dans lequel nous sommes amenés à examiner et à voter éventuellement ce texte, du moins pour ce qui est de la majorité. Je ne le dis pas pour vous, monsieur le ministre, qui découvrez ce texte et le défendez comme c'est votre rôle, ni pour vous, monsieur le rapporteur, parce que je veux rendre hommage au travail que vous avez effectué en première lecture. Vous avez fait preuve de sérieux, de compétence et d'intégrité. Je ne discute pas la volonté qui vous anime d'apporter des réponses à une situation complexe. Cela étant, je ne peux qu'appeler l'attention de l'Assemblée sur le contexte dans lequel elle est amenée à délibérer.
J'aurais tendance à dire – même si le mot est fort – que l'on veut nous faire voter une loi qui n'est pas une loi « propre ». Je m'explique : nous allons débattre et voter sous la pression d'intérêts particuliers (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)…
…qui n'ont cessé de s'exprimer tout au long des mois qui se sont écoulés. Ces intérêts s'expriment avec une arrogance, une suffisance qui devraient révolter tous ceux qui, sur les bancs de cette assemblée, considèrent que la représentation nationale a tout de même autre chose à faire que régler dans l'urgence les intérêts de M. Aulas, de M. Courbit et de tant d'autres !
Je suis, du reste, heureux de constater que personne sur ces bancs n'a d'intérêt direct ou indirect au vote de cette loi, ce qui n'était pas le cas il y a quelques minutes.
Quand j'observe cette situation, je me dis qu'il y a quelque chose qui n'est pas acceptable, sur quoi nous ne devons pas céder. Car si nous cédons à cette pression, cela signifierait que nous votons non une loi au service de l'intérêt général, mais au service d'intérêts particuliers. La question de l'urgence ne compte pas. Ce qui compte, c'est l'intérêts des joueurs, des jeunes. Ce qui compte, c'est la prise en compte des préoccupations liées à la santé publique, au budget de l'État, au financement du sport et de la filière hippique. Or ces intérêts, on veut les balayer pour céder à cette pression.
Il existe peu de cas, monsieur le ministre où j'ai assisté à une telle pression exercée sur une assemblée par des personnalités usant de leur influence médiatique dans les affaires ou dans le sport pour tenter d'obtenir à toute force ce qu'ils ont déjà mis en application en violation de la loi actuelle. Ce qui est grave, ce n'est pas que certains veulent servir leurs intérêts ou qu'ils veulent réaliser des profits – pourquoi pas ? –, mais c'est qu'ils ont déjà commencé à le faire au mépris de la loi sans encourir aucune sanction. Je ne connais pas un domaine où votre gouvernement – à moins que cela ne soit le précédent –, si prompt à défendre la tolérance zéro ou la lutte contre toutes les formes d'infraction, ait voulu donner à ce point raison aux délinquants. C'est bien ce qui est en train de se passer : c'est aux délinquants que l'on donne raison, à ceux qui ont créé des sites illégaux et qui se sont enrichis illégalement que nous allons aujourd'hui donner satisfaction.
Monsieur le ministre, auriez-vous l'amabilité d'écouter l'orateur ?
Tout à fait.
Je ne voudrais pas forcer votre attention et vous contraindre à écouter un avis contraire au vôtre, mais je comprends que venant d'arriver au Gouvernement, vous avez beaucoup à apprendre d'un président de la commission des finances, dont je veux saluer la compétence et les capacités !
Revenons sur le fond, car il n'y a pas de quoi être satisfait par ce texte.
Qu'avez-vous entrepris pour que M. Aulas, pour ne prendre que cet exemple, soit sanctionné pour les incitations à parier sur des sites illégaux qui figurent sur le site internet de l'Olympique lyonnais ? Qu'avez-vous entrepris lorsque le même M. Aulas, le soir d'un huitième de finale de la Champions league – et nous étions ravis de voir l'OL gagner, tout comme nous serons ravis de voir gagner un club français tout à l'heure en demi-finale –, s'est exprimé sur une chaîne de télévision publique à une heure de grande écoute en commençant par féliciter son partenaire BetClic, partenaire illégal d'une activité illégale ?
Monsieur le ministre, je n'hésite pas à dire qu'avec ce texte, les bandits ne seront plus manchots, et cela, grâce à vous ! Nous ne pouvons souhaiter une telle évolution de la loi, car aucune sanction n'a été prise.
Je comprends, monsieur le rapporteur, que cela vous dérange, mais je suis forcé de rappeler ce contexte.
Vous devez partager mon malaise puisque mes arguments vous touchent ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Évidemment, l'argument vous gêne ! Chacun le voit bien : nous sommes dans une république qui est devenue indécente. Si vous avez été sanctionnés lors des dernières élections régionales, c'est précisément parce que l'on en a assez d'une république dans laquelle on confond ses intérêts et ceux de sa famille,…
…d'une république dans laquelle on confond les intérêts particuliers et l'intérêt général, dans laquelle les milieux d'affaires exercent une influence sur le législateur comme cela ne s'est jamais vu !
Expliquez-nous alors les conditions dans lesquelles s'effectuera la privatisation de la régie publicitaire de France télévisions pour que l'on comprenne les principes – les intérêts, les ambitions devrais-je dire – qui vous guident, en tout cas, au plus haut niveau de l'État ! Et j'ai le droit de le dire à cette tribune.
Le malaise qui est le nôtre n'est pas seulement lié au calendrier, mais au contenu du texte, car en dépit de ce que vous ayez dit, il comporte toute une série d'insuffisances et de faiblesses.
Ainsi, vous nous avez dit que les opérateurs illégaux ne pourraient pas poursuivre leur activité, qu'ils seraient lourdement sanctionnés et qu'il était prévu que l'on fasse preuve de fermeté à leur égard. Ce sera peut-être le cas de ceux qui adopteront un comportement irrégulier après le vote de cette loi. Mais ceux que j'ai évoqués, qui se comportent ainsi depuis des mois, voire des années, en toute impunité et en narguant le législateur, n'encourent aucune peine : ils bénéficieront d'une amnistie fiscale sur les bénéfices qu'ils ont réalisés grâce à des activités illégales – on a connu le fisc français plus rigoureux et plus rapide. Ils bénéficieront également d'une amnistie pénale puisqu'ils ne seront pas poursuivis pour les infractions qu'ils ont commises. Est-ce normal ?
M. Censi, qui vient de nous rejoindre à un moment particulièrement opportun, avait pourtant déposé un amendement obligeant au moins ces opérateurs à remettre les compteurs à zéro en désinscrivant tous leurs clients.
Malheureusement, cet amendement a mystérieusement disparu du texte voté par le Sénat.
Nous ne pouvons pas non plus nous satisfaire des dispositions relatives aux conflits d'intérêts, que le Sénat a, d'une certaine manière, reprises à son compte : on pourra continuer d'être à la fois opérateur de jeux en ligne, actionnaire d'un service de radiotélévision ou de communication et, le cas échéant, sponsor ou même partenaire d'un club qui fait l'objet de paris, alors que le match concerné peut être retransmis par une chaîne de télévision. Nous avons dénoncé cette situation : en somme, on organise un système de cartellisation.
Du reste, c'est bien ce que vous nous dites : vous affirmez vouloir réglementer la concurrence en sorte qu'émergent certains opérateurs qui présenteront peut-être davantage de garanties que d'autres au regard de la loi, mais se partageront seuls un marché au mépris de la règle de concurrence que vous prétendez instaurer, c'est-à-dire moyennant tous les avantages que l'on peut tirer d'une situation de quasi-monopole.
Notre malaise naît également de la manière dont vous avez décidé d'écarter d'un revers de main l'évolution du contexte européen. En effet, il y a quelques mois, au moment où le texte a été déposé, vous avez soutenu que c'était l'Europe qui nous obligeait à voter une telle loi et qui nous imposait d'ouvrir à la concurrence un système défini jusqu'alors, et depuis le début du xixe siècle, par la législation française, selon un principe d'interdiction admettant quelques rares exceptions.
Mais vous ne parlez plus de l'Europe, et pour cause. Par l'arrêt Santa Casa, rendu en septembre 2009, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes a opportunément rappelé que chaque État était libre d'organiser comme il l'entendait le système des jeux, notamment en ligne, et qu'il était donc parfaitement possible de préserver un monopole.
Ce monopole peut être public, à condition, naturellement, d'être au service d'activités d'intérêt général et de ne pas avoir pour seul objet d'apporter des recettes à l'État ou de développer l'activité ou le chiffre d'affaires, mais d'être d'abord orienté par des préoccupations de santé publique, sportives ou sociales. Cela supposerait que nous le réformions – ce que, pour notre part, nous souhaitons. Est-ce trop vous demander que de vouloir placer ces préoccupations au coeur d'une loi tendant à réformer les jeux ?
Cette jurisprudence, vous vous êtes ingénié à la minimiser dans votre rapport, monsieur le rapporteur, comme tous ceux qui s'expriment au nom du Gouvernement, au prétexte qu'il s'agirait d'un cas spécifique : le Portugal serait presque un autre monde, même s'il appartient depuis longtemps à l'Union européenne, même s'il y joue un rôle important.
Si ce pays représente un autre monde, c'est justement parce qu'il obéit à la logique que je viens de rappeler, et qui consiste à considérer, comme nous l'avons toujours fait, que les bénéfices résultant des jeux doivent servir à la collectivité publique à l'exclusion de toute autre personne ou activité. Tels sont les motifs de notre désaccord, que vous avez choisi d'écarter.
Mais l'évolution européenne ne se limite pas à cette jurisprudence de la Cour, laquelle pourrait appuyer une approche différente de la vôtre. Vous avez sans doute noté – avec satisfaction, j'imagine – que le commissaire européen chargé de ces questions a changé : à l'Irlandais McCreevy, très attaché à l'ouverture des jeux à la concurrence, a succédé M. Michel Barnier.
Or, dans l'une de ses premières déclarations sur le sujet, en réponse au Parlement européen qui l'interrogeait lors de sa prise de fonctions, celui-ci a affirmé qu'il considérait, de même que nous, que les jeux ne sont pas des services comme les autres. Il a en outre annoncé qu'un Livre vert serait élaboré et rédigé une fois les parlements nationaux consultés…
…afin de définir un cadre européen de coopération, en particulier judiciaire, sur lequel nous pourrions nous appuyer pour faire respecter les règles que nous nous donnerions.
Tout cela ne plaide pas en faveur d'une loi qu'il faudrait voter en urgence, et qui viserait uniquement à permettre, à partir du 1er juin, de parier sur une équipe de France aux chances de laquelle le ministre lui-même admet ne guère croire. Monsieur le ministre, pardonnez-moi de vous dire que l'on pourrait mieux encourager les parieurs ; mais s'il s'agit de votre conviction… Pour ma part, j'avoue n'éprouver guère plus de sympathie pour M. Domenech dans le domaine sportif que pour M. Sarkozy en politique : très similaires, leurs résultats ne préparent pas la France aux grandes compétitions internationales.
Quoi qu'il en soit, il n'est pas normal d'écarter ainsi des questions essentielles. Parce que la coopération européenne est indispensable, ces évolutions devraient nous conduire à suspendre ce débat et à reporter l'examen du texte afin d'y travailler de nouveau à la lumière de la réflexion qui sera menée – avec succès, je l'espère – au niveau européen. En effet, vous le savez, les lois que vous allez faire voter et les règles que vous avez fixées ne seront efficaces que si vous êtes capables de les faire respecter par d'autres, par des pays dont les lois diffèrent. Quelle que soit la législation que vous aurez choisie, vous ne pourrez la faire respecter si elle n'est pas reprise et garantie par les autres États. Je le répète, la coopération européenne est donc absolument indispensable.
À elles seules, ces raisons justifieraient que nous rejetions le texte et que nous renoncions à poursuivre le débat. Je l'ai dit, nous devons nous battre pour redonner confiance en la République, en une république qui oeuvre au nom de l'intérêt général, qui ne travaille pas dans l'urgence, qui ne saurait être soumise aux pressions d'intérêts privés, qui ne se laisse pas dicter sa loi de l'extérieur par ceux qui y trouvent un intérêt. Nous pourrions y veiller ensemble, sur tous les bancs de cet hémicycle. C'est cette république que nous voudrions voir naître de ce texte.
L'enjeu est essentiel. Je le rappelle, notre tradition législative, sans condamner le jeu, précise que les bénéfices qu'il engendre doivent toujours aller à la collectivité. Or ce que vous voulez nous faire voter, au nom d'une absolue nécessité technique et d'un contexte juridique dont il faudrait prendre en considération l'évolution au niveau européen, c'est l'idée que le jeu – dont nous évoquerons la portée morale – pourrait également dégager des profits au bénéfice des personnes privées. En d'autres termes, on aurait le droit de s'enrichir par le hasard et, le cas échéant, au détriment de la santé, des revenus et de la fortune des joueurs, en mettant les mineurs en danger par la publicité – bref, dans des conditions profondément immorales.
Je n'imagine pas qu'une assemblée comme la nôtre puisse voter un texte susceptible d'entraîner de telles conséquences. Voilà pourquoi je vous demande, avec une passion que vous me pardonnerez, car elle est celle non du jeu, mais de la République, de rejeter ce texte dès maintenant, sans laisser la discussion se poursuivre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je salue tout d'abord M. le président de la commission des finances, avec lequel j'ai échangé quelques mots, comme l'a heureusement et fort élégamment souligné M. Gorce.
Monsieur Gorce, il y a une contradiction spectaculaire…
…entre la manière dont vous dénoncez un système dépourvu de toute règle, de tout droit, de toute méthode,…
…caractérisé par l'illégalité, les abus, les risques encourus par les mineurs et le danger du blanchiment,…
…et votre conclusion, selon laquelle il ne faudrait rien changer.
Défendre le rejet du texte revient à affirmer que, puisque rien ne va, rien ne doit bouger. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Quel étrange message politique à adresser à tous ceux qui souhaitent des règles, à commencer par les opérateurs – sur lesquels vous avez votre propre point de vue, et auxquels le Gouvernement a déjà fixé des règles !
Vous connaissant, je confesse avoir été un peu surpris du ton que vous avez adopté à mon endroit, moi qui suis entré en fonctions il y a une semaine.
Voilà une raison supplémentaire de reporter le débat, monsieur le ministre !
Ne pourriez-vous au moins observer, au début de nos travaux, le deuil que représente pour vous mon arrivée ? Mais nous aurons d'autres occasions, nombreuses, sur d'autres sujets et en d'autres lieux, d'apprendre à travailler ensemble, comme je le souhaite.
Quoi qu'il en soit, le constat est partagé et le diagnostic a été largement débattu. Il ne s'agit donc pas d'un débat entre UMP et parti socialiste, ni entre majorité et opposition ; il s'agit de fixer des règles. Du reste, ces règles s'appliquent dès à présent aux opérateurs traditionnels de jeux, qu'il s'agisse de la Française des Jeux ou du PMU.
Il y va de l'ordre social et de l'ordre public. En outre, il s'agit d'assurer une part de rêve : le jeu fait partie de la société depuis des siècles. N'est-ce pas le sens de la charité publique, de la loterie nationale ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) De plus, la répartition des bénéfices du jeu permet également de financer des services publics : ainsi lorsque la Française des Jeux abonde à hauteur de 2,5 milliards le budget de l'État.
Parce que nous refusons que ce secteur connaisse des dérives inacceptables, nous devons accélérer le rythme par rapport au calendrier prévu. En effet, nul ne peut le contester, la Coupe du monde va faire exploser le système.
Puisque nous sommes à peu près d'accord sur le diagnostic et sur les objectifs, comme j'ai cru le comprendre en vous écoutant – plus attentivement que vous ne le pensiez –, pourquoi ne pas nous accorder sur l'échéancier ? Vous n'avez aucune raison de vous offusquer d'un échéancier qui nous permettra d'être à tous égards en ligne, si j'ose dire, avec la Coupe du monde. Voilà pourquoi le Gouvernement ne peut qu'appeler au rejet de votre motion.
Je veux bien profiter de l'occasion, en effet, pour revenir sur l'analyse que M. Gorce a livrée de l'arrêt Santa Casa.
Monsieur Gorce, vous venez d'expliquer qu'il suffisait d'appliquer en France le principe de cette décision – du nom d'une institution religieuse, et uniquement religieuse –,…
…dont les produits sont réservés à des missions dites d'intérêt général. Chiche ! Mais, dans ce cas, il n'y aura plus de PMU.
En effet, le PMU reverse presque exclusivement ses gains à des sociétés privées, quelques associations mises à part. Soyez donc cohérent ! Vous êtes déjà gêné de cette réponse.
Deuxièmement, Santa Casa a gagné, si l'on peut dire : l'arrêt permet de limiter l'accès à des opérateurs extérieurs. Mais pensez-vous que le marché illégal ait aussitôt disparu ? Posez la question à des collègues parlementaires portugais, comme je l'ai moi-même fait : ils vous répondront que non seulement ce marché existe toujours, mais qu'il est florissant.
Dans quelque pays de l'Union que l'on se trouve, le monopole n'est donc plus viable. D'où la décision du Gouvernement, prise en toute responsabilité. Voici en effet, me semble-t-il, ce qui nous sépare : vous n'êtes pas aux responsabilités (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ; vous recherchez donc, de votre point de vue, le meilleur. Mais ce meilleur est inapplicable ; il est purement théorique. De notre côté, nous recherchons de manière pragmatique une solution immédiatement applicable, c'est-à-dire une ouverture maîtrisée, régulée, imposant des contraintes aux opérateurs, des obligations à ceux qui voudraient passer de l'illégalité à la légalité, et, surtout, protégeant véritablement les joueurs et les parieurs. Telles sont les préoccupations qui nous animent depuis près d'un an que nous y travaillons.
Nous en venons aux explications de vote – deux minutes par orateur et par groupe – sur la motion de rejet préalable.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.
Je serai bref. Le groupe GDR votera, bien évidemment, cette motion de rejet préalable.
Quelques remarques, cependant. J'ai écouté le ministre et le rapporteur s'évertuer laborieusement à trouver des prétextes pour justifier leur démarche, en faisant preuve d'une remarquable mauvaise foi. Ainsi, M. Lamour se déclare tout à coup opposé au monopole, au point que l'on pourrait se demander s'il ne s'apprête pas à adhérer à notre groupe pour rejoindre les députés communistes dans ce combat !
Ce qui m'a particulièrement convaincu, c'est la dimension morale du débat, à laquelle je m'en tiendrai.
En effet, en définitive, en voulant accélérer l'examen de ce projet, et même simplement en le présentant, vous soulevez, au nom de la morale du jeu, une question fondamentale : celle de la morale politique.
En vous écoutant, je pensais à cette tirade de Ruy Blas : « Bon appétit, messieurs ! Ô ministres intègres ! Conseillers vertueux ! ». Derrière ce projet de loi, il y a la défense d'intérêts privés au détriment de la défense de l'intérêt collectif. Ne serait-ce que pour cela, il faut voter cette motion de rejet.
Outre Victor Hugo, vous me faites penser aussi à la devise des Shadoks : « Quand on ne sait pas où l'on va, il faut y aller le plus vite possible »… Mais vous n'en retenez que la deuxième partie, car vous, vous savez où vous allez : vers le grisbi, le tout-fric.
Vous faites aujourd'hui la démonstration que ce n'est pas l'intérêt collectif qui vous intéresse mais les intérêts particuliers, plus précisément les intérêts financiers de vos amis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Chers collègues, j'aimerais expliquer pourquoi le groupe socialiste, radical, citoyen votera la motion de rejet préalable qui vient d'être défendue par notre collègue Gaëtan Gorce. Comme il l'a bien résumé, nous éprouvons un sentiment de malaise par rapport au calendrier et au contexte dans lequel s'inscrit la discussion de ce projet de loi en deuxième lecture. Nous avons vraiment l'impression de légiférer sous la pression des intérêts particuliers et privés de vos amis.
Ce n'est pas la première fois, du reste. Encore la semaine dernière, ici même, un autre texte, soutenu par le Gouvernement, visant à encadrer la profession d'agent sportif s'est traduit par l'octroi de nouveaux cadeaux au foot business et plus généralement au sport business : le double mandatement pour les clubs professionnels, de nouvelles niches fiscales pour les joueurs professionnels qui pourront être rémunérés tout en échappant à l'impôt. Nous avons le sentiment d'être sous la pression permanente de quelques intérêts particuliers, ceux de M. Aulas et de ses amis, qui voudraient nous dicter notre conduite dans l'hémicycle et légiférer à notre place. Mais cela ne se passe comme ça !
La critique principale que nous pouvons adresser à ce texte, c'est que la prise en compte des intérêts particuliers prend le pas sur la préoccupation pour l'intérêt général, c'est-à-dire la santé publique, le financement du sport et le financement de la filière hippique.
Monsieur le ministre, vous nous indiquiez que votre ambition à travers ce texte était de fixer les règles. Or, à cet égard, comme Gaëtan Gorce l'a souligné, on doit déplorer plusieurs insuffisances. Tout d'abord, aucune sanction n'est prévue à l'encontre de ceux qui, en toute impunité, se sont mis dans l'illégalité depuis maintenant de nombreux mois. Insuffisances ensuite s'agissant des dispositions relatives aux conflits d'intérêts : on pourra être à la fois opérateur en ligne, actionnaire dans les grands groupes de médias et organisateurs d'événements sportifs. Insuffisances, enfin, s'agissant de la nécessaire prise en compte de la coopération européenne.
Pour toutes ces raisons, nous appelons à voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, je demande une suspension de séance. (Vives protestations et huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Censi, le moment où un scrutin va être annoncé n'est pas le plus opportun pour solliciter une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.– Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Elle est de droit ! Et le règlement ?
La séance est suspendue pour cinq minutes. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Motion de rejet préalable
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
La séance est reprise.
Je vous indique que, sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe SRC d'une demande de scrutin public.
Cinq minutes au moins après l'annonce du scrutin, nous procéderons au vote.
M. le ministre va nous rejoindre, monsieur Censi. Vous n'êtes pas chargé de la police de la séance publique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Voulez-vous prendre la parole pour expliquer le vote de votre groupe ?
Oui, monsieur le président. Je suis en pleine explication de vote. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je ne sais pas pourquoi mes collègues de l'opposition poussent de tels cris d'orfraie. Je constate que nous étions moins nombreux tout à l'heure pour écouter M. Gorce défendre sa motion de procédure. Nous avons pu compter au moins une trentaine de collègues socialistes attendant dehors : voilà qui rappelle un épisode fâcheux. Bienvenue dans l'hémicycle à ceux qui viennent d'arriver !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Explication de vote !
Gaëtan Gorce a développé sa motion de rejet en fondant son argumentation sur un thème qui nous est cher, que j'avais moi-même développé lors de la première lecture de ce projet de loi à l'Assemblée nationale : ce texte est-il conforme à la vision que nous avons de la République ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !
À baratin, baratin et demi, mes chers collègues. Laissez-moi du temps pour le mien ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Celui de Gaëtan Gorce était très chargé en mots. Et pour une fois, chers collègues, ils manquaient de sens. J'ai cru comprendre que vous essayez, avant d'utiliser des manoeuvres dilatoires, de multiplier les arguments – en nombre et non en qualité malheureusement – dans le but de faire croire que ce projet de loi n'était pas conforme à la vision que nous avions de la République. (Claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C'était le thème principal que j'avais pu développer. (« Le vote ! Le vote ! » scandent les députés sur les bancs du groupe SRC.)
Je crois que je vais demander une autre suspension de séance, monsieur le président.
Non, monsieur Censi. Dois-je comprendre que vous avez achevé votre explication de vote ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Le vote !
Monsieur le président, il n'est pas facile de s'exprimer dans un tel brouhaha.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Le vote !
Gaëtan Gorce a tenté de démontrer ce qui n'est pas démontrable, à savoir que l'introduction d'une législation renforcée dans un environnement international aujourd'hui sauvage et incontrôlé serait contraire à l'esprit et à la lettre des lois de la République, alors que c'est exactement le contraire que nous avons établi avec ce projet de loi. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Au moment de la première lecture, j'ai eu l'occasion d'en faire la démonstration, que je ne reprendrai pas ici, en identifiant deux éléments qui me paraissent invalider cette argumentation.
Le premier – et je me tourne vers le rapporteur Jean-François Lamour, avec lequel nous avons beaucoup discuté sur ce point en première lecture, le groupe Nouveau Centre ayant même exprimé des doutes – concernait les relations avec le monde du sport et le droit à l'image.
Monsieur le président, combien de temps me laissez-vous ? Il me suffit d'une minute pour finir ma démonstration. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. On passe au vote !
C'était la première entorse qui, chacun l'a reconnu, a été corrigée à l'Assemblée nationale mais confortée au Sénat. (Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, je ne peux pas m'exprimer dans de telles conditions. Il est impossible de se faire entendre dans cet hémicycle ! (« Démocratie, démocratie ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Censi, je vous demande de vous interrompre. M. Perruchot avait demandé la parole dès le début.
Monsieur Perruchot, vous avez la parole pour une minute.
Je vous remercie, monsieur le président. Il s'agit d'un texte important. Aussi, à mon tour, je demande, au nom du groupe Nouveau Centre, une suspension de séance de dix minutes. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Perruchot, le scrutin a déjà été annoncé dans l'hémicycle et vous n'avez pas de délégation de vote.
La parole est à M. le ministre. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Le bruit et les cris n'ajouteront rien à l'affaire.
À l'évidence, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche veut faire un coup, monsieur le président. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Et pourquoi ? Parce que la majorité est unie ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cela peut vous faire rire, mais il y a un principe dans cet hémicycle : je le connais bien pour avoir exercé vos responsabilités, monsieur le président de séance, en tant que vice-président de l'Assemblée :...
Lorsque la majorité n'est pas divisée, il n'y a aucun sens politique à vouloir faire un coup sous la moquette ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La suspension de séance que je demande est de droit. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Elle permettra aux esprits de se calmer. Je comprends qu'il vous sera difficile de vous apaiser sur un sujet qui, je vous le rappelle, touche à un cadre de droit : il s'agit de protéger les mineurs, d'empêcher l'addiction, de lutter contre le blanchiment...
...et de fixer un cadre légal, ce qui permettra des retours propres à financer le budget de l'État.
Si la gauche veut s'amuser à cela, sur le fond, je vous renvoie la balle, monsieur le président : le Gouvernement demande une suspension de séance. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous en prie ! Je vais donner la parole au président Ayrault, mais la suspension sera de droit puisqu'elle est demandée par le ministre. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, vous avez annoncé le scrutin dans le palais il y a quelques instants. Vous avez indiqué également que le groupe SRC avait demandé un scrutin public. Le scrutin était donc annoncé dans le palais et il doit avoir lieu.
J'ajoute à l'adresse de M. le ministre que ce n'est pas à lui de parler au nom d'un groupe parlementaire. Il n'est plus député, il est ministre ! Le minimum pour un membre du Gouvernement, c'est de respecter l'Assemblée nationale. Il l'a déjà oublié ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)
Motion de rejet préalable
La séance est suspendue pour deux minutes. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
(La séance, suspendue à dix-huit heures trois, est reprise à dix-huit heures cinq.)
La séance est reprise.
Nous passons... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
S'il vous plaît, ne profitez pas de la juvénilité du président !
Dès lors que le vote a été annoncé dans les délais réglementaires, nous procédons au scrutin public...
Monsieur le président, je demande la parole pour une explication de vote ! Je n'ai pas pu la faire !
Monsieur Perruchot, je ne veux pas vous entendre !
Dans ces conditions, que ceux qui sont favorables appuient sur le bouton...
Le président Accoyer, présent dans l'hémicycle, souhaite m'entretenir. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
(M. Bernard Accoyer remplace M. Tony Dreyfus au fauteuil de la présidence. – Tumulte.)
Mes chers collègues, la séance est suspendue pour cinq minutes afin que je me concerte avec le président de séance. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Motion de rejet préalable
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures sept, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Tricheurs !
Monsieur Copé, voulez-vous exprimer votre rappel au règlement pour que nous puissions avancer.
Monsieur le président, je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir repris une présidence tout de même très flottante. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pardonnez-moi, monsieur Copé, mais le président de séance aura toujours mon soutien et je prendrai systématiquement sa défense.
Je ne peux pas vous laisser critiquer la présidence de séance qui fait son travail dans des conditions, reconnaissons-le, difficiles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Reprenez.
Vous avez raison, monsieur le président, et je retire ce que je viens de dire. (Interruptions continues sur les bancs du groupe SRC.)
Cela dit, m'autorisez-vous à poursuivre ? Je ne peux plus parler tant il y a de bruit !
Je voudrais dire combien je déplore, au nom de notre groupe, le comportement de l'opposition, vraiment désolant et irrespectueux à l'égard de notre Assemblée (Huées sur les bancs du groupe SRC), sur un texte en deuxième lecture, à l'occasion d'une motion de rejet, alors que tout a été dit et débattu, alors que nous sommes, députés de la majorité comme de l'opposition, en train de travailler et d'auditionner en commission, dans des conditions qui donnent une tout autre image de notre Assemblée que ce spectacle lamentable d'un parti socialiste toujours aussi négatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M'adressant maintenant à M. Ayrault et à ses collègue du groupe socialiste, je voudrais dire que, depuis les élections régionales que nous avons perdues, les temps ont changé. Vous ne pourrez plus simplement vous satisfaire d'une obstruction et d'une opposition bête et méchante. Vous devrez désormais avoir vis-à-vis des Français un rendez-vous de crédibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette crédibilité commence par une présence sérieuse et rigoureuse qui n'a rien voir avec ce spectacle lamentable qui déshonore notre Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP . – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, nous ne pouvons pas prendre à la légère ce qui vient de se passer. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Nous débattons d'un texte sur les jeux en ligne, mais la discussion commence très mal : par une tricherie, tout simplement ! (vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le vote avait été annoncé. Le président de séance, après avoir annoncé la demande de scrutin public du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, a dit : « Nous passons au vote ». C'est alors que vous êtes arrivé, interrompant l'opération de vote qui était en cours.
Plusieurs députés SRC. Absolument !
Je ne vous le reproche pas, vous êtes président de l'Assemblée nationale,…
Reste que voilà une situation que nous n'avons jamais connue : le vote a été interrompu pour la seule raison que la majorité était en minorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Et si elle est en minorité, monsieur Copé, vous savez très bien pourquoi : beaucoup de députés de l'UMP sont gênés par ce texte, tout simplement. Vous-même, ce matin, à la conférence des présidents, inquiet des suites de ce vote car vous sentiez la faible mobilisation de votre camp, avez demandé, alors que nous sommes en deuxième lecture, un vote solennel la semaine prochaine, à la surprise du président de l'Assemblée nationale et des autres membres de la conférence des présidents.
Vous n'êtes pas à l'aise parce que vous n'êtes pas fier ! De quoi s'agit-il en effet ? De défendre les intérêts financiers de groupes financiers qui vont faire des millions, des centaines de millions ! Ce sont M. Courbis et les autres que cet après-midi vous êtes en train d'essayer de défendre ! Vous en avez la responsabilité, mais à votre place, je n'en serais pas fier !
Je vous demande, monsieur le président, que l'on passe à présent au vote. (Les députés SRC se lèvent et applaudissent).
Monsieur le président, je suis heureux de pouvoir enfin récupérer la parole puisque avant que nous ne nous interrompions les uns et les autres, je m'apprêtais à expliquer la position de notre groupe sur la motion.
Monsieur Perruchot, j'ai cru que vous me demandiez la parole pour un rappel au règlement. Vous avez été appelé tout à l'heure pour expliquer votre vote, mais vous ne l'avez pas fait. Vous ne pouvez plus prendre la parole à présent pour une explication de vote.
Monsieur le président, je ne comprends pas pourquoi je ne pourrais pas faire mon explication de vote. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Parce que vous ne l'avez pas fait alors que l'on vous y a invité tout à l'heure !
Je réponds maintenant à M. Ayrault, pour lui préciser qu'il est exact que la suspension de la séance au cours d'un scrutin est une convention de la conférence des présidents. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il y a un précédent – c'était en 1998, à l'occasion du PACS. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le scrutin avait débuté à onze heures, et nous n'avions voté qu'en début d'après-midi : d'ailleurs, la majorité n'était toujours pas majoritaire. (Très vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cette disposition ne figure ni dans le règlement ni dans la Constitution. (Très vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous allons maintenant passer au scrutin.
Je vais donc mettre aux voix la motion de rejet préalable.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 444
Nombre de suffrages exprimés 444
Majorité absolue 223
Pour l'adoption 199
Contre 245
(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures cinquante, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Rappels au règlement
Monsieur le président, mon rappel se fonde sur l'article 40 du règlement.
Nous étions tout à l'heure en commission des affaires européennes pour entendre le ministre des affaires européennes sur le conseil européen des 25 et 26 mars dernier et plus particulièrement sur les suites de la crise grecque et les mesures envisagées. Brusquement, le président de la commission a suspendu l'audition, qui vraisemblablement ne reprendra pas, au motif qu'il y avait quelques difficultés en séance publique à propos du texte sur les jeux d'argent.
Je trouve tout de même quelque peu étonnant que, dans ce pays, les jeux d'argent prennent plus d'importance que l'avenir de la zone euro et l'avenir monétaire et financier de l'Union européenne.
J'aimerais quand même obtenir quelques explications. Je ne voudrais pas que le syndrome de la loi HADOPI interdise tout travail parlementaire de fond pendant les deux années qui viennent.
Je ne peux pas laisser passer ce qui s'est produit tout à l'heure sans protester. Mon collègue Garrigue vient d'évoquer les conséquences que cela a pu avoir sur le fonctionnement normal de l'Assemblée et des commissions. Pour ma part, je trouvee que ce à quoi nous avons assisté est en contradiction totale avec les propos du ministre : alors qu'on nous présente un texte censé régler les problèmes, alors qu'il s'agit, nous l'avons rappelé à plusieurs reprises, d'intérêts particuliers, la majorité est prête à le faire voter au mépris même du règlement de cette assemblée. C'est un scandale absolu. Ainsi que l'a fait remarquer Jean-Marc Ayrault à juste titre, commencer un vote sur un texte comme celui-là par une tricherie n'honore ni ce Parlement ni le gouvernement qui y recourt.
Je tiens à protester solennellement, au nom du groupe socialiste, contre ce genre de méthodes qui ne permettent pas à notre démocratie parlementaire de fonctionner dans de bonnes conditions. Cela peut en faire sourire certains mais je rappelle que si l'on a fixé des règles, c'est justement pour encadrer le fonctionnement de notre démocratie.
J'en appelais tout à l'heure à la tribune à une République décente : or les attitudes auxquelles nous assistons ne le sont pas. Une fois de plus, nous venons d'être témoins de comportements indécents au regard de l'esprit qu'on doit avoir de cette République. On n'a pas le droit de tordre, de torturer le règlement pour obtenir un vote qui vous avantage alors que l'on va être battu.
Nous en tirons une leçon, et je pense que les Français feront de même – ils l'ont déjà fait il y a une dizaine de jours : pour remporter un vote dans cette assemblée, mieux vaut y avoir la majorité. Eh bien, je peux vous assurer que dans un an et demi ou deux ans, nous l'aurons, cette majorité, et nous ferons en sorte que vous ne puissiez pas utiliser ce type de procédure pour que la démocratie l'emporte et non la violation des principes, comme vous l'avez fait.
Que le Gouvernement tolère ce genre de comportement, et que le président de l'Assemblée s'en rende complice est un véritable scandale.
Que des parlementaires, sur les bancs de la majorité, puissent accepter que l'on foule aux pieds les droits du Parlement de cette manière n'est pas à l'honneur de l'ensemble des collègues qui siègent ici. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Le président vous a parfaitement répondu, monsieur Gorce.
La parole est à M. Nicolas Perruchot.
Dans les débats qui nous ont opposés tout à l'heure, au-delà des aspects purement techniques liés au vote et dans le respect, je crois, des droits des différents groupes, des mots ont été prononcés. Je voudrais simplement rappeler que le groupe Nouveau Centre apporte son soutien aux fonctionnaires de l'Assemblée qui ont été insultés par une partie de nos collègues socialistes. Je trouve cet état d'esprit déplorable et je pense que, pour la bonne sérénité des débats, il serait bon que l'orateur du groupe ou le président Ayrault qui vient d'arriver puisse leur présenter des excuses. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Tout à fait.
Je tiens à ce qu'il soit ici noté que celui qui occupe ce siège pour le moment renouvelle toute sa confiance à l'ensemble des fonctionnaires de cette maison et en particulier à ceux qui travaillent au plateau. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi, au titre des jeunes parlementaires de cet hémicycle…
…de regretter, au moment où je commence mon intervention, le détournement scandaleux auquel nous venons d'assister du règlement de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est votre attitude qui a été scandaleuse : vouloir que la minorité soit majoritaire, c'est scandaleux !
Tout cela pour pouvoir faire triompher, une nouvelle fois, l'argent roi et les amis opérateurs de paris en ligne.
Il y a quatre jours à peine, j'ai eu la bonne surprise de recevoir sur ma boîte mail de l'Assemblée nationale un message du site de paris hippiques ZEturf, entreprise que tout le monde connaît.
ZEturf est le premier site européen de paris hippiques et opère sous licence maltaise.
Il est d'ailleurs en ce moment en pleine discussion avec le groupe de presse Amaury, société du Tour de France, de L'Équipe magazine, de L'Équipe, de Vélo magazine, société qui cherche à se positionner sur le marché des jeux en ligne grâce à l'entreprise Sajoo.fr, dont il est co-propriétaire avec Bwin – nom également familier.
Bref, je reçois un mail de ZEturf me disant, en vrac, « inscrivez-vous », « 50 euros offerts à l'occasion de la Dubaï World Cup », « pronostics gratuits », « Gagnez ou ZEturf vous rembourse 10 % », etc. Du matraquage publicitaire en bonne et due forme, mais hors-la-loi !
Je n'arrive pas à me faire entendre, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous livre au passage leur slogan : « ZEturf, un site légal, sûr et sécurisé ».
Je continue. Curieuse, je clique sur le lien et tombe sur un fichier d'inscription en ligne, que je remplis consciencieusement. Trente secondes plus tard, mon compte est ouvert. S'offrent alors à moi plusieurs moyens de paiement, que je ne connais d'ailleurs pas la moitié : les classiques Visa et Mastercard, le moins classique Moneybookers mais aussi Ticket Premium, Neosurf, ClickandBuy… Renseignements pris, il s'agit, pour les deux premiers, de systèmes de cartes prépayées, et pour le troisième d'un instrument de paiement qui s'apparente à PayPal – avec une application Facebook en prime…
Je me dis alors que les mineurs pourront s'en donner à coeur joie.
Je reçois un mail de confirmation me déclinant les offres du moment, à portée de clavier : premier bonus de 30 euros si vous créditez votre compte du montant minimum de 15 euros ; deuxième bonus de 10 euros à condition d'avoir joué minimum 45 euros…
Il n'y a plus qu'à mettre le doigt dans l'engrenage ; le piège est diablement bien tendu.
C'est justement pour cela que nous faisons cette loi, madame Fourneyron. Vous ne l'avez pas lue ?
Heureusement, me suis-je dit, je n'y connais rien aux chevaux et aux courses…
Chers collègues, vous avez dû recevoir cette invitation à jouer de ZEturf comme moi.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !
Je ne sais pas quelle a été votre réponse, mais une chose est sûre : une fois que l'on a cliqué – et cette modeste anecdote l'illustre – tout est fait pour pousser l'internaute à continuer. Jouer devient un jeu d'enfant et l'étau se resserre rapidement autour de vous.
Les jeux en ligne constituent un phénomène relativement récent, dont nous n'avons pas fini de mesurer les conséquences sur notre modèle social. Or il nous semble que le projet de loi du Gouvernement – pas plus cette version que le texte initial – ne présente de garanties d'encadrement et de contrôle suffisantes.
Gaétan Gorce a excellemment développé les raisons qui font que nous n'avons pas changé d'avis depuis le premier examen de ce texte à l'Assemblée nationale, même si nous avons changé de ministre – et je vous salue, monsieur Baroin.
Je m'attarderai pour ma part sur quelques points essentiels, en me référant systématiquement – pardonnez-moi cette métaphore triviale – à un ustensile de cuisine bien connu, la passoire :
Premier point : la publicité versus protection des mineurs et des joueurs.
Nous l'avons dit à plusieurs reprises, la publicité est la clé du texte. C'est une des raisons, j'ai même envie de dire la raison qui pousse les opérateurs illégaux à solliciter la licence, car c'est grâce à la publicité qu'ils augmenteront le nombre de leurs clients, le volume des transactions réalisées sur leur site, leurs profits et leur part de marché. S'ils sont encore endigués à la télévision, sur les radios ou dans la presse écrite, les messages publicitaires et promotionnels en faveur des jeux en ligne sont déjà partout sur internet. J'insiste plus particulièrement sur la notion de « premier pari », qui a les mêmes conséquences en termes d'addiction que la première cigarette.
ZEturf n'est pas seul à proposer des bonus de plusieurs dizaines d'euros pour provoquer ce premier pari, tous les opérateurs le font pour appâter le chaland, et il me semble que ces pratiques promotionnelles particulières devraient faire l'objet – mais ce n'est pas le cas – de mesures fermes. Je le dis au ministre et au rapporteur : les publicités en ligne sont singulièrement présentes sur les sites fréquentés par les jeunes et les mineurs. Premier exemple : sur l'hébergeur de vidéos Dailymotion, très fréquenté par la jeunesse de notre pays, on peut voir le joueur de football Marcel Desailly apparaître sur un écran et inviter l'internaute à passer sa souris sur l'image pour lancer une vidéo qui se trouve être une publicité pour Betclic et ses premiers paris à vingt euros offerts. Il faut savoir que Marcel Desailly propose par ailleurs des pronostics gratuits sur Sport 24, au cas où les néophytes seraient à court d'idées…
Deuxième exemple : le site de streaming Megavideo, qui diffuse un certain nombre de séries américaines, également très prisées des mineurs, renvoie systématiquement à des sites de jeux comme Megapoker, dans des conditions similaires.
Aucun de ces deux sites ne correspond aux dispositions de l'article 4 bis, qui encadre la publicité s'adressant aux mineurs. Le texte, en vérité, limite les interdictions aux moyens de communication ciblant spécifiquement les mineurs, c'est-à-dire à des sites comme celui des Bisounoursplutôt qu'à ceux susceptibles de toucher les mineurs sans leur être dédiés. Or ces sites de vidéos en ligne véhiculent des campagnes particulièrement efficaces en direction du jeune public.
Voilà quels sont les premiers trous de la passoire. Nous vous avons soumis des amendements permettant d'y remédier. Nous espérons qu'ils auront plus de succès que lors de leur passage en commission.
À l'article 4 bis toujours, vous voulez assortir « toute communication commerciale en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard » d'un « message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique. » Louable intention !
Nous sommes naturellement ouverts à ce genre de mesure, et nous vous proposons que ce message d'alerte soit visible avant, pendant et après la communication commerciale en question.
Je m'interroge cependant sur la mise en oeuvre concrète de cette disposition. S'agira-t-il, par exemple, de faire inscrire sur les maillots de l'équipe de l'Olympique Lyonnais, qui joue ce soir, Betclic en gros, et en tout petit, à côté d'un astérisque : « Pariez, vous êtes ruiné » ? Y aura-t-il, comme sur les paquets de cigarettes ou les bouteilles d'alcool, des messages standards tels que : « Jouez avec modération » ou : « Regarder le sport, c'est bien ; en faire, c'est mieux », qui pourraient alerter les jeunes ?
Toujours à propos de la publicité, sa légalisation accroîtra mécaniquement le nombre de joueurs, et partant, le nombre de joueurs en situation de dépendance. Ma collègue Michèle Delaunay l'a très bien dit en première lecture : le seul vaccin contre l'addiction au jeu, c'est la réduction de l'offre. Or, vous allez faire tout le contraire.
Vous mentionnez sans cesse la lutte contre le « jeu pathologique », mais cette notion n'existe pas en droit. Vous visez explicitement les joueurs qui sont déjà « accro » ; nous voulons aussi viser ceux qui sont susceptibles de le devenir. Autant de trous supplémentaires à la passoire !
Revenons d'ailleurs un instant sur une question qui nous est souvent reprise dans les rangs de la majorité : « Que proposez-vous pour les millions de joueurs qui jouent aujourd'hui sans aucun contrôle sur les sites illégaux ? »
Cette question, je vous la retourne : vous savez très bien que les sites illégaux continueront d'exister, et ce n'est pas l'ardeur dont le Gouvernement a fait preuve jusqu'à présent pour sanctionner les opérateurs hors-la-loi qui diminuera leur sentiment d'impunité !
Au lieu de légaliser des pratiques illégales, comme vous êtes en train de le faire, et de vous donner bonne conscience avec des numéros verts, alors que vous savez pertinemment que ce choix de la libéralisation ne sera pas sans conséquences en termes de santé publique, pourquoi ne pas lancer plusieurs campagnes de communication institutionnelle, l'une portant contre les sites illégaux et l'autre sur la prévention de l'addiction au jeu ? Les opérateurs sont très créatifs en la matière, je suis persuadé qu'ils peuvent vous y aider…
Deuxième problème essentiel posé par le texte : les conflits d'intérêts entre médias et opérateurs de paris en ligne. Ces brèches ignorées, volontairement ou non, par le projet de loi, permettent à une même entreprise de récolter le beurre et l'argent du beurre.
On assistera en effet au cas de figure suivant : le téléspectateur-joueur regardera un match – par exemple, PSG contre Quevilly, pour me faire plaisir et encourager les « petits » de cette coupe de France – sur une chaîne détentrice des droits de retransmission, et par ailleurs propriétaire de parts du capital d'un opérateur de jeu. Un exemple concret nous en est donné par TF1, détenteur des droits de la Coupe de France, et propriétaire d'Eurosport et d'Eurosportbet.
Le mélange des genres est total, et pourtant le texte reste muet sur cette question. Là encore, nos amendements pourraient vous permettre de revenir à une plus claire division des tâches.
Vous aviez assez mal réagi, en première lecture, à l'intervention d'Aurélie Filipetti, qui ne faisait pourtant que dresser la liste des opérateurs et médias proches du pouvoir placés dans les starting-blocks du marché des jeux et paris en ligne. Pourtant, quand on voit que la régie publicitaire de France Télévisions pourrait être rachetée en partie par un des plus gros opérateurs du secteur, il y a vraiment de quoi s'interroger sur les successions de coïncidences heureuses qui bénéficient aux entreprises amies du CAC 40.
Je terminerai en évoquant les questions relatives au sport lui-même, que votre projet laisse sans réponses, ou auxquelles il apporte des réponses qui ne nous satisfont pas.
Les risques de tricherie et de fraude, qui existent déjà, ne feront que se multiplier avec l'ouverture à la concurrence des paris sportifs en ligne et l'accroissement de la pression économique et médiatique.
C'est alors courir le risque d'une suspicion généralisée sur les compétitions : le jour où un challenger battra un favori, on ne pourra plus s'empêcher de se demander si le match n'a pas été truqué.
C'est toute une vision du sport que nous remettons en cause.
Il en ressort une double nécessité. La première est de contrôler très strictement les types de paris autorisés. La seule garantie – et encore ! – serait de s'en tenir aux paris sur le résultat final. Las, le projet de loi ouvre la possibilité de parier sur des phases de jeux, qui peuvent être truquées plus facilement. Seconde condition : déterminer précisément les types de compétitions qui peuvent faire l'objet de paris.
J'en viens au financement du sport et au CNDS, instrument de répartition des ressources au profit du sport amateur, le pauvre sport amateur que la manne des paris en ligne est supposée renflouer de quelques millions.
Tout d'abord, l'évolution des recettes n'est absolument pas connue. Malgré l'élargissement de l'assiette des prélèvements, rien ne garantit un financement constant du CNDS. Deuxièmement, et ce doit être la cinquième ou sixième fois que nous nous exprimons sur ce sujet dans l'hémicycle, nous sommes certes toujours partants pour tenter de grappiller quelques sous, compte tenu de la grande misère du budget du sport, surtout amateur. Mais les sommes dont nous parlons sont dérisoires par rapport aux enjeux du financement des infrastructures et des politiques sportives dont notre pays a besoin !
Les missions et commissions se sont multipliées ces derniers temps : la commission « grandes salles » confiée à Daniel Costantini par Rama Yade, la mission confiée à notre collègue David Douillet sur les grands événements sportifs, la mission d'information parlementaire sur les grandes infrastructures… Le diagnostic est toujours le même, et ne changera pas : nous manquons d'équipements sportifs dans tous les domaines. Il est temps d'agir de façon significative, et non au gré de quelques petits millions grappillés sur le sport professionnel,…
…d'autant que l'on habille souvent Pierre pour déshabiller Paul en faisant des coupes claires dans les lignes budgétaires du sport. Je pense par exemple au budget de l'Agence française de lutte contre le dopage.
J'en arrive à la fin de mon intervention, et vous constatez comme moi que nous n'en finissons pas de compter les trous de la passoire, les insuffisances de ce projet de loi.
C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter avec nous le renvoi de ce texte en commission. Vous êtes pressés, nous le savons, et vous voulez un vote conforme afin que tout soit prêt pour la coupe du monde de football. Mais les délais sont bien trop courts, et nous ne pouvons nous permettre de légèretés sur un sujet aussi fondamental que la place du jeu dans notre société. Il serait bien plus sage d'attendre l'automne : nous pourrions alors nous inspirer utilement des conclusions du commissaire européen Michel Barnier.
Surtout, chers collègues de la majorité, pourquoi ne pas écouter les Français qui en ont assez de l'argent-roi, comme nous en avons assez, dans cet hémicycle, de légiférer semaine après semaine, sur le foot-business et l'argent-roi plutôt que sur les pratiques du sport amateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je souhaiterais, après l'incident grave de tout à l'heure, demander que, lorsque les services de l'Assemblée auront rédigé le compte rendu à paraître au Journal officiel, la Présidence s'abstienne d'en corriger des passages comme il lui arrive de le faire, et que soit effectivement mentionné le fait que le scrutin avait bien été engagé par le président de séance avant que celle-ci ne soit suspendue. C'est un point important de la saisine que nous ferons du Conseil constitutionnel.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je ne souhaite pas ajouter d'arguments à ceux développés par Valérie Fourneyron : ce n'est pas mon rôle. Je voudrais uniquement appeler l'attention du Gouvernement comme de l'ensemble de mes collègues sur un problème de procédure.
Comme vous le savez, ce ne sont plus, depuis le début de cette législature, 30 % mais 60 % des textes qui sont soumis à la procédure accélérée. Ce texte n'en fait pas partie, mais, de fait, cela y ressemble beaucoup, car tout le monde a compris que le Gouvernement comme le rapporteur, souhaitent que notre assemblée adopte le texte conforme.
L'argument invoqué, à savoir la proximité de la coupe du monde de football, peut être jugé objectif. Cela dit, le calendrier de cette compétition est connu depuis au moins quatre ans. Il me semble donc que, dès lors que le Gouvernement n'a pas engagé la procédure accélérée sur ce texte, celui-ci aurait pu être inscrit de façon à ce que ses lectures successives se déroulent normalement, et que ni notre assemblée ni sa commission des finances ne soient contraintes de refuser tous les amendements proposés, fussent-ils légitimes ou pertinents.
Je me permets de vous faire cette remarque, monsieur le ministre, car déclarer l'urgence dans 60 % des cas et, dans les 40 % restants, exiger de l'Assemblée nationale un vote conforme à celui du Sénat, c'est une conception du parlementarisme qui n'est pas du goût de ceux qui aiment le Parlement, et je sais que vous en faites partie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je soutiens la motion de renvoi en commission de Valérie Fourneyron pour plusieurs raisons.
D'abord, nous légiférons dans la précipitation, et même dans la fébrilité, comme l'a montré ce qui s'est passé lors du vote sur la motion de rejet préalable de Gaëtan Gorce. Pourquoi cette fébrilité ? Elle ne correspond nullement à un motif d'intérêt général, bien au contraire : la seule urgence à laquelle elle réponde est celle des opérateurs privés qui veulent se partager le marché juteux de la publicité sur les jeux en ligne – et de l'ouverture des paris sur la coupe du monde de football qui commencera le 11 juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il n'est pas digne de la représentation nationale de se soumettre ainsi à une pression qui n'est ni celle des Français, ni celle du sport – amateur ou professionnel –, mais uniquement celle des intérêts financiers en jeu. Comme l'a rappelé Valérie Fourneyron, le rapporteur nous a affirmé en commission – et il l'a répété tout à l'heure – qu'il convenait de légaliser ce qui existe de manière illégale, car il fallait, pour assécher le marché illégal, faire naître un autre marché, légal.
Nous pourrions vous accorder le bénéfice du doute si vous luttiez effectivement contre la prolifération des sites illégaux qui existent d'ores et déjà en France. Or, rien n'a été fait pour enrayer cette prolifération. Au contraire, l'impression dominante est que l'on a laissé se développer ces sites pour justifier a posteriori la légalisation et l'ouverture à la concurrence des paris en ligne.
Enfin, vous prétendez que cette loi n'est pas demandée par les opérateurs privés, étant donné que ceux-ci n'auraient aucun intérêt à payer des taxes pour faire ce qu'ils faisaient auparavant sans verser aucune dîme. Mais l'important n'est pas de savoir combien ils vont payer – encore qu'il soit malheureux que le déficit budgétaire soit aujourd'hui à un niveau tel que l'État soit obligé de faire, in fine, les poches des gens qui se trouveront pris dans des mécanismes d'addiction au jeu. L'important est de savoir que ce que les opérateurs vont payer à l'État n'est rien au regard du marché publicitaire énorme qu'ils vont se partager. Au Royaume-Uni, le marché publicitaire des jeux en ligne représente sept milliards d'euros. Les intérêts financiers sont énormes, et c'est sous la pression de ces intérêts que nous légiférons aujourd'hui, plutôt qu'au nom de l'intérêt général.
Nous considérons donc que l'ensemble des amendements que nous avons déposés pour prévenir les conflits d'intérêts, lutter contre l'addiction, maintenir le niveau de financement du sport amateur, doivent être réexaminés, et nous voterons le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le groupe GDR votera également le renvoi en commission. Lors des explications de vote sur la motion de rejet présentée par M. Gorce, nous avons été plusieurs à faire part du malaise que nous ressentons et que, j'en suis persuadé, les députés de la majorité ressentent également. C'est que ce projet, on le sait bien, répond à des intérêts particuliers. Derrière, il y a les amis des amis, des intérêts financiers très importants, des personnes dont on veut permettre l'enrichissement. Comme on dit chez nous, « ce n'est pas bien », ce n'est pas bien d'utiliser l'Assemblée nationale pour servir des intérêts de cet ordre. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
À voir vos réactions, j'ai dû porter le fer là où il fallait !
Après l'excellente intervention de Valérie Fourneyron, je veux faire état d'un autre malaise, auquel vous n'échappez certainement pas non plus, même si vous le masquez par discipline…
Bravo, ce genre d'arguments montre à quel niveau vous vous situez !
Ce malaise vient de ce que ce projet ne répond pas à un intérêt de santé publique. Les gens seuls devant leur ordinateur vont développer des addictions aux conséquences terribles. Le monopole offrait sinon des contrepoids, du moins des limites. Elles vont disparaître. Se profilent alors le surendettement des particuliers, ainsi que des effets pervers comme la corruption et le trucage dans le sport. Les conséquences de ce projet seront d'une extrême gravité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le groupe du Nouveau Centre ne votera pas la motion de renvoi en commission. J'ai écouté avec attention notre collègue Valérye Fourneyron. Dans la première partie de son intervention, elle a voulu souligner, par une anecdote à propos du site Zeturf, avec quelle facilité on pouvait parier en ligne en toute illégalité. Mais ce fait même devrait la conduire à reconnaître la nécessité de légiférer : il y a déjà des millions de Français qui jouent hors de tout cadre légal.
S'agissant de l'addiction, Mme Fourneyron a comparé le premier pari à la première cigarette. Soit. Mais j'ai du mal à la suivre quand elle propose d'en rester au statu quo, qui ne porte que sur les jeux « en dur », sans prendre en considération les évolutions possibles avec les jeux en ligne. N'y-t-il pas déjà addiction chez certains de ceux qui s'adonnent aux jeux « en dur » ? Si, bien sûr. N'y a-t-il pas des possibilités, pour les sociétés qui mettent des jeux en ligne, de brider certains joueurs ? Si, bien sûr. Et le texte ne propose-t-il pas des moyens de limiter les addictions ? Si, bien sûr.
Enfin, depuis la première lecture, madame Fourneyron, vous faites systématiquement référence aux supposés « amis du CAC 40 » qui seraient les grands bénéficiaires de ces jeux. Je n'ai qu'un conseil à vous donner : soyez donc plus précise quand vous attaquez ceux et celles qui défendent des intérêts privés, et dites-nous exactement à qui vous faites allusion. Je vous le dis du fond du coeur : j'en ai assez de ces remarques qui ne reposent sur rien et qui ne font avancer ni nos travaux nir la cause du sport en France.
Car c'est bien du sport qu'il s'agit. Vous prétendez défendre le sport amateur. Mais avec les raisonnements que vous tenez sur les jeux en ligne, demain il n'y aura plus de sport professionnel en France, plus de sponsors pour mettre leur nom sur les maillots, et nous parierons, hélas ! sur des sportifs d'autres pays européens. Méditez cela !
La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, je tiens à dire, après les interventions de l'opposition, que cela commence à bien faire ! Depuis le début de l'après-midi, ses orateurs se complaisent à mettre en cause notre probité, notre honnêteté : c'est tout simplement insupportable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je tiens à le dire, car je commence à en avoir assez de votre manière de mépriser vos adversaires politiques. Nous n'avons rien demandé : nous sommes en deuxième lecture sur un texte que nous sommes obligés d'adopter en raison de la réglementation communautaire… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Filippetti ne dira pas le contraire : nous avons eu une discussion très intéressante sur l'addiction au jeu, qui est le problème numéro un dont traite ce texte, problème auquel nous avons apporté un certain nombre de réponses. Pour le reste, je signale à toutes celles et à tous ceux qui ne veulent pas voter le projet de loi, au-delà de leurs préférences partisanes et du procès d'intention minable auquel ils se livrent (Protestations sur les bancs du groupe SRC), qu'aujourd'hui le droit des jeux d'argent en ligne est dans un désordre total qui favorise les filière mafieuses et toutes les addictions qu'on ne peut maîtriser faute de dispositions législatives.
Dès lors, permettez-moi de retourner l'argument et de vous poser à mon tour la question : si vous ne voulez pas de ce projet, ne serait-ce pas parce que vous auriez été contactés par des filières qui ne sont pas honnêtes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il est temps de voter ce texte et d'en finir avec le ridicule dont vous couvrez nos travaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je mets au voix la motion de renvoi en commission. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
Monsieur le Président, je tiens à ce qu'il soit porté au compte rendu des débats que vous m'avez refusé la parole pour un rappel au règlement, alors que la présidence s'était montrée très généreuse précédemment envers certaines demandes. D'autre part, je note que M. Copé a menti en disant que le vote de ce texte répond à une obligation européenne. C'est faux ! Qu'il se renseigne : il n'y a pas d'obligation, c'est votre choix, le choix de M. Sarkozy de favoriser ses amis du Fouquet's, et rien d'autre ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je demande une suspension de séance d'une heure pour réunir mon groupe.
Votre demande est satisfaite : je vais lever la séance.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma