J'invoquerai l'histoire : notre conception de la citoyenneté est le fruit d'un projet politique. D'autres nations, qui ont accordé le droit de vote aux étrangers aux élections locales, ont décidé que leur socle serait culturel quand le nôtre est profondément politique. La Révolution française a décidé de créer une nation à partir de l'adhésion à trois principes fondamentaux gravés au fronton de nos bâtiments publics – Liberté-Égalité-Fraternité –, principes auxquels on a ajouté, en 1905, celui de laïcité. C'est cet acte de volonté qui reste nécessaire pour devenir français, rien d'autre.
Ainsi, les députés de l'opposition qui ont évoqué la citoyenneté européenne ont-ils raison : celle-ci est fondée sur un acte de volonté, celle de construire une autre entité, une nouvelle citoyenneté. Il n'est donc, à mes yeux, pas normal qu'ils n'aient pas le droit de vote à toutes les élections et qu'ils se retrouvent aujourd'hui des électeurs amputés d'une partie de leurs droits.
En outre, nous ne comprenons pas la volonté de l'opposition de découper le citoyen en tranches, si l'on ose dire. Selon le texte, les étrangers extra-communautaires ne bénéficieraient du droit de vote qu'aux élections municipales, soit parce qu'ils paient des impôts municipaux soit parce que leurs enfants fréquentent l'école maternelle ou l'école primaire. Mais dès lors que ces derniers passeraient au collège, leurs parents ne seraient-ils plus citoyens et les belles envolées lyriques dont vous nous avez gratifiés n'auraient-elles plus d'objet ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Même chose lorsque ces enfants deviendraient lycéens. Lorsque, au ministère de l'éducation nationale, on fixe les programmes des collèges et lycées, les parents en question n'auraient-ils tout à coup plus rien à dire ?
Il y a une grande hypocrisie à découper ainsi la citoyenneté : selon le système que vous voulez instaurer, les étrangers concernés auraient le droit, en certaines occasions, de s'exprimer et, en d'autres circonstances, se retrouveraient privés de ce droit. Nous pensons que la bonne solution n'est pas celle que vous préconisez.
Mieux vaudrait faciliter l'accès à la nationalité française pour ceux qui en font la demande. Tâchons de faire en sorte que les étrangers qui deviennent citoyens français et que nous honorons d'une réception dans nos mairies, n'aient pas attendu quatre, cinq ou six ans pour obtenir la nationalité. Nous devons permettre à un étranger résidant depuis suffisamment longtemps sur le territoire de l'acquérir en moins d'un an. C'est la tradition de la France. J'irai plus loin : quand un étranger vient renouveler son titre de séjour, on devrait lui proposer la nationalité française. J'y insiste, c'est la tradition de la France que de vouloir faire partager son projet et ses valeurs politiques à ceux qu'elle accueille sur son sol. Mais si nous devons le leur proposer, ils doivent garder le droit de refuser d'être citoyens français, donc de ne pas voter. (Applaudissements les bancs du groupe NC et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)