Il présente moins de risques d'addiction que les autres jeux de casino. Il est donc nécessaire de le retenir si nous voulons que les joueurs choisissent de jouer dans un cadre légal au détriment des opérateurs illégaux.
Deuxième élément de base de notre discussion : au-delà du champ de l'ouverture, ce projet de loi définit les obligations que les opérateurs légaux devront respecter ; il met en place les outils efficaces pour lutter contre ceux qui resteront dans l'illégalité.
Comment cela fonctionnera-t-il ? Les opérateurs qui souhaitent accéder au marché français des jeux en ligne devront obtenir un agrément, qui leur sera accordé pour une durée de cinq ans renouvelable. Nous ne mettrons pas en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle, car nous voulons pouvoir décider sur quels critères un opérateur sera autorisé à jouer en France. Mais, parallèlement, il n'y aura pas de numerus clausus, l'objectif du projet de loi étant de permettre à tous ceux qui veulent rentrer dans la légalité de le faire. Je vous l'ai dit : plus nous aurons d'opérateurs légaux, plus vite les opérateurs illégaux s'asphyxieront.
L'octroi d'un agrément puis le suivi du respect de cet agrément nous ont conduits à proposer la création de l'Autorité de régulation des jeux en ligne, autorité indépendante qui sera chargée d'attribuer les licences aux opérateurs, de contrôler leurs obligations et de lutter contre l'offre de jeux illégale. Les sénateurs, dans leur bienveillante sagesse, ont renforcé l'indépendance de l'ARJEL, où les opérateurs ne seront plus représentés, et créé un comité consultatif des jeux sous l'autorité du Premier ministre, auquel sera adjoint, comme vous le savez monsieur le rapporteur, un observatoire des jeux.
Les licences seront attribuées sur la base d'un cahier des charges très strict, qui reprendra les règles et principes fixés dans la loi, mais aussi dans les décrets que nous allons prendre. Ce cahier des charges fixera notamment des règles précises en matière de solidité financière, de moralité des opérateurs – c'est un élément quantifiable –, de contrôle de l'identité des joueurs, de la protection des mineurs, j'insiste avec vigueur sur ce point, de la promotion d'un jeu responsable, de la traçabilité des informations de jeu, financières et de lutte contre le blanchiment d'argent et les paradis fiscaux, et de préservation de l'intégrité des compétitions sportives et hippiques. Nous avons voulu imposer aux futurs opérateurs agréés des règles strictes, à même de permettre le meilleur niveau de régulation de ce marché.
J'ajoute que ces opérateurs feront l'objet d'un contrôle permanent de leurs obligations par l'ARJEL. Ils seront tenus de communiquer en temps réel toutes les données de jeu conservées dans un dispositif technique sécurisé. En cas de manquement, ils pourront être sanctionnés, leur agrément pourra être suspendu, voire retiré. La menace est plus importante que l'exécution. C'est comme une partie d'échec. Fixer cette règle est un élément suffisamment dissuasif pour que l'on ne s'amuse pas à faire n'importe quoi. Voilà pour ce qui est du cadre légal qui va s'imposer aux opérateurs ayant obtenu un agrément.
Parallèlement, un ensemble de dispositions est prévu afin de lutter contre les opérateurs illégaux. Aucune d'entre elles n'est efficace à 100 %, c'est leur combinaison qui permettra d'apporter une réponse la plus adaptée possible.
La première mesure qui va permettre de lutter contre les opérateurs illégaux consiste à autoriser la publicité pour les opérateurs agréés et à l'interdire pour les illégaux. C'est un point fondamental pour réussir cette opération, et notamment l'assèchement du marché. Aucun opérateur de jeu ne peut survivre s'il n'a pas les moyens de se faire connaître ! Mais cette publicité sera très encadrée : elle ne devra pas concerner les mineurs et sera assortie de messages de prévention. Un travail préparatoire important a été mené sur ce sujet avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité, qui vient de se doter d'un code de déontologie et de bonnes pratiques adapté au secteur des jeux.
À l'issue du débat en première lecture, vous avez d'ailleurs renforcé l'encadrement de la publicité, en l'interdisant dans les services de communication audiovisuelle lors d'émissions à destination des mineurs, dans les services de communication au public en ligne ou dans les salles de cinéma lors de la diffusion d'oeuvres accessibles aux mineurs. Vous avez aussi augmenté l'amende encourue en cas de violation des règles d'encadrement de la publicité, de 30 000 à 100 000 euros.
À cela vont s'ajouter d'autres outils de lutte contre les sites illégaux : un site illégal pourra être bloqué sur injonction du juge, comme vous l'avez souhaité, s'il n'obtempère pas après mise en demeure par l'ARJEL ; les transactions financières entre les banques françaises des joueurs et les sites illégaux pourront faire l'objet d'un blocage ; des cyberpatrouilleurs seront habilités à aller sur les sites illégaux pour constater des infractions ; des amendes lourdes pourront être décidées à l'encontre des diffuseurs de publicité pour des sites illégaux.
Reconnaissez avec moi qu'un opérateur illégal dans l'incapacité de se faire connaître, dont le site et les transactions financières avec les joueurs seront bloqués, ne pourra pas subsister durablement face à des opérateurs agréés ayant acquis la confiance des joueurs. L'objectif est de créer une évolution et une adaptation, finalement de créer la vie sur ce marché.
Reste la question du traitement des opérateurs illégaux aujourd'hui actifs en France, qui souhaitent obtenir une licence. La position du Gouvernement est très ferme. Ils ne pourront pas bénéficier de l'avance qu'ils auraient pu prendre depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.
À ce sujet, vous aviez introduit une modification de l'article 16 qui visait à durcir le texte à l'encontre des opérateurs de jeux illégaux qui obtiendraient un agrément en France. Bien évidemment, je partage cet objectif : un opérateur ayant illégalement proposé des jeux à des consommateurs français ne doit pas pouvoir tirer un quelconque avantage, lors de l'ouverture du marché, de la situation d'illégalité dans laquelle il se trouvait antérieurement.
Le Sénat a fait évoluer cette disposition, en renforçant substantiellement les sanctions pénales à l'encontre des opérateurs de jeux illégaux, notamment la faculté de prononcer l'interdiction d'exercer dans le secteur des jeux et par-là même l'impossibilité d'obtenir un agrément de jeux en ligne, le tout en confiant au juge le soin de constater l'illégalité. Nous sommes dans le cadre de la préparation d'un dispositif rigoureux, sans faiblesse et avec un objectif bien défini. Il est solide juridiquement et correspond à votre intention. Le Gouvernement partage cette position.
Si le dispositif vise à assécher le marché illégal, il ne peut pas se résumer uniquement à cette perspective. D'où le troisième point, qui est l'impératif de lutte contre l'addiction, de protection des mineurs, de lutte contre le blanchiment, et de préservation de l'éthique des compétitions sportives.
La protection des mineurs est un point essentiel, fondamental. C'est un des principaux objectifs de ce texte, inscrit dans l'article 1er et décliné dans plusieurs autres articles. Je pense notamment à la publicité et aux procédures de création d'un compte joueur ou d'accès aux sites de jeux. Nous continuerons à travailler sur ces sujets avec les associations de protection de l'enfance sur internet.
La lutte contre la dépendance aux jeux, bien connue et ciblée, est un défi majeur. Le texte, de l'avis même des professionnels de la lutte contre l'addiction, constitue une véritable avancée en matière de prévention et de soins. Le taux de retour aux joueurs – TRJ – sera plafonné, non seulement parce que le plafonnement est nécessaire pour lutter contre le blanchiment, mais aussi parce qu'il constitue un frein au jeu et permet donc de limiter la dépendance.
Les opérateurs de jeux devront mettre en place sur leurs sites un ensemble de modérateurs de jeu. Ces modérateurs doivent permettre de limiter le temps passé à jouer, d'informer les joueurs sur leurs pertes réelles ou potentielles et de détecter les joueurs à problème.
Enfin, l'effort public pour la connaissance, la prévention et le traitement de la dépendance aux jeux sera renforcé. Une partie des recettes sociales, en particulier, sera destinée au financement de la prévention via un retour à l'INPES, ainsi qu'au financement des soins.
Le texte prévoit aussi d'améliorer la protection de l'éthique des compétitions sportives. Il met un terme à la situation actuelle, qui est à haut risque pour le sport. Ainsi, les paris légaux ne pourront porter que sur des compétitions et des types de résultats déterminés après avis des fédérations sportives, et plus, comme c'est le cas aujourd'hui, sans qu'elles aient jamais leur mot à dire. Les fédérations seront des partenaires du dispositif et du processus.
Le système, à travers le texte qui vous est proposé, permettra la mise en place, grâce au droit de propriété, de liens privilégiés entre le monde du sport et les opérateurs de paris, afin d'exclure toute épreuve ou pratique à risque en matière de fraude ou de triche.
Le texte vise également à marginaliser les opérateurs illégaux, et donc à faire porter les enjeux financiers des paris sur des opérateurs agréés, contrôlés, qui ont tout intérêt à lutter contre ce type de pratiques qui pourraient nuire à leur réputation.
Cette ouverture officielle et juridique ne pourrait avoir lieu si la fiscalité n'était pas à la fois compétitive et soucieuse de préserver les intérêts financiers de l'État. Ce sont deux impératifs qu'il est difficile de concilier. En effet, les taux doivent être les mêmes par catégorie de jeu ou pari, qu'ils soient mis à disposition des joueurs dans le réseau physique ou sur internet. Concrètement, cela veut dire que lorsque nous baissons le niveau de fiscalité pour les jeux et paris qui seront diffusés sur internet, nous devons faire de même pour ceux qui sont diffusés par le PMU ou la Française des Jeux dans leur réseau physique, ce qui peut mécaniquement entraîner une perte de recettes pour l'État, qui n'a pas besoin de cela.
Le projet qui vous est soumis fixe le point d'équilibre entre ces deux objectifs à 7,5 % des mises pour les paris sportifs et hippiques, et à 2 % des mises pour le poker, avec un plafond fixé à 1 euro par donne. Avec cette fiscalité, nous pensons être en mesure de préserver les recettes de l'État, la baisse des taux étant compensée par une hausse de l'assiette. J'appelle cependant votre attention sur le fait qu'il serait très dangereux pour le budget de l'État de modifier cet équilibre.
Le projet de loi prévoit, en outre, un retour financier vers le monde du sport. Il faut souligner l'engagement personnel du rapporteur sur ce point. Il est partagé naturellement par bien d'autres.