La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (nos 2167, 2207).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de : huit heures et neuf minutes pour le groupe UMP ; neuf heures et treize minutes pour le groupe SRC ; cinq heures et une minute pour le groupe GDR ; deux heures et quarante-cinq minutes pour le groupe Nouveau Centre et cinquante minutes pour les députés non inscrits.
Hier soir, notre assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Jacques Valax.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, permettez-moi de donner à nouveau quelques explications sur ce projet de loi.
Dans le cadre de cette deuxième lecture, c'est le troisième Tarnais qui s'exprime… et le troisième Tarnais mécontent ! Puisqu'il y a quatre circonscriptions dans le département, cela fait 75 % d'opinions défavorables, monsieur le secrétaire d'État.
Depuis ma dernière intervention dans cet hémicycle, les sénateurs ont fort justement repoussé ce texte, qui s'inscrit dans ce que j'appellerai une dérive autoritaire de notre République.
Ce projet de redécoupage touche à la représentation nationale, au droit de vote, au principe d'égalité et au fonctionnement démocratique de nos institutions. À ce titre, il se devait d'être objectif, transparent et concerté. En réalité, il est arbitraire et injuste. Il décrédibilise l'institution parlementaire et, je le crois, l'ensemble des élus.
Je formule le souhait que le Parlement puisse un jour redevenir le lieu du débat et l'instance privilégiée de la délibération nationale. Cela impliquerait que les ministres puissent être interrogés plus efficacement par les parlementaires, et qu'à chaque question précise ils soient tenus d'apporter une réponse précise. À cet égard, monsieur le secrétaire d'État, je déplore que vous n'ayez pas donné les éclaircissements nécessaires en réponse au discours de Bruno Le Roux, lequel comportait de nombreuses questions, lucides et méthodiques, qui méritaient réponse.
Selon les propres termes de M. Copé, « pour un membre du Gouvernement, il y a souvent deux façons de concevoir le Parlement : soit c'est un pion que l'on manipule, soit c'est un obstacle à contourner ». Voilà qui montre le peu de respect qu'accordent d'aucuns à l'institution éminemment démocratique qu'est le Parlement.
Rien n'a changé, hélas, et la dernière réforme constitutionnelle n'a été qu'une mascarade électoraliste. Les outils d'études, d'analyse et de proposition nécessaires aux parlementaires pour faire leur travail sont toujours aussi dérisoires, ce que je regrette profondément. Désormais, même les propositions de loi des députés de la majorité sont rédigées par des cabinets privés. Permettez-moi, une fois encore, d'exprimer ici mon indignation.
En tant que membre du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, vous aviez le devoir d'éviter cet arbitraire. Or vous avez utilisé des méthodes claniques hautement critiquables.
Votre clan, non content de manipuler et de contrôler une bonne partie des pouvoirs médiatiques et financiers, s'apprête aussi à placer sous sa coupe le pouvoir judiciaire.
Comme le souligne le philosophe Lapierre, « Celui qui exerce le pouvoir n'en est ni maître ni propriétaire ; il ne peut l'exercer légitimement et sans abus que s'il se conforme à des institutions indépendantes de sa volonté, de ses passions et de ses intérêts individuels ». Or, aujourd'hui nous pouvons distinguer les dérives du pouvoir personnel qu'exerce Nicolas Sarkozy. Il a le pouvoir de saisir un tribunal arbitraire pour récompenser l'un de ses soutiens – je fais allusion à l'affaire Tapie. Il a le pouvoir de museler l'Autorité des marchés financiers – je fais référence à l'affaire d'EADS. Enfin, il s'apprête, semble-t-il, à nommer l'un de ses amis au poste le plus sensible de la magistrature. Et nous avons aujourd'hui, avec ce texte, la démonstration flagrante de sa volonté de fausser le système électoral !
Il y a quelques mois, vous pouviez encore nous dire, faute d'études concrètes, que ce découpage ne privilégiait aucun parti politique. Mais depuis le 14 décembre, nous avons eu accès à une étude très sérieuse, fondée d'ailleurs sur le rapport de Charles de La Verpillère, ainsi que sur les données du ministère de l'intérieur, de l'INSEE et de différentes mairies françaises. Il est désormais possible d'évaluer les changements politiques que produira le redécoupage dans chaque département et à l'échelle de la France tout entière.
Il en ressort que si l'élection de 2007 avait eu lieu dans le cadre posé par ce nouveau projet de découpage, les résultats auraient changé de la manière suivante : la droite aurait eu 355 sièges, dont 9 pour les Français de l'étranger, au lieu de 346, et la gauche serait passée de 228 députés à 220, dont 2 pour les Français de l'étranger.
Non, monsieur le rapporteur, c'est mathématique !
Non seulement vous affaiblissez le nombre des députés de gauche, mais, dans certaines circonscriptions, vous assurez des bastions imprenables à votre majorité, ce qui est plus grave encore. D'un côté, vous cadenassez des circonscriptions de droite ; de l'autre, vous fragmentez des circonscriptions de gauche, qui seront désormais plus difficiles à conserver. Les scores que l'étude simule pour les élections de 2007 sont du reste encore très en deçà des prévisions que nous faisons, nous, socialistes.
Nous ne sommes pas pessimistes mais, au regard de votre parcours personnel auprès de M. Pasqua, monsieur le secrétaire d'État, il est difficile de croire en votre bonne foi.
Dans le Tarn comme dans d'autres départements, je le dis haut et fort et posément, vous avez complètement ignoré la moralité politique.
Dans mon département, une seule circonscription n'évolue pratiquement pas : celle que détient le seul député UMP de ce coin de France, M. Carayon, absent depuis le début de nos débats, qui ne l'intéressent manifestement pas. Il bénéficiera du charcutage tarnais qui, chose grave, ignore les limites administratives, méprise les intercommunalités existantes…
Ce n'est peut-être pas un mal !
…et ne tient aucun compte des réalités économiques de ce département. C'est cela que nous vous reprochons, et je vais vous expliquer méthodiquement pourquoi.
Quelques rappels historiques et économiques s'imposent ici.
Depuis toujours, le Tarn est organisé autour de trois grands bassins de vie et d'emploi, que vous semblez méconnaître – ce que l'on peut comprendre puisque vous n'avez de cesse de vouloir protéger M. Carayon.
Sur la carte, on discerne clairement un premier bassin, historique, celui d'Albi-Carmaux ; il est lié dans l'Histoire aux combats de Jean Jaurès, que j'avais évoqués lors de ma précédente intervention. Plus loin, le bassin de Castres-Mazamet. Enfin, un troisième bassin est composé de la zone en devenir autour de Lavaur, chère à M. Carayon, mais aussi, nécessairement, de Graulhet et de l'agglomération toulousaine.
Ce sont trois bassins d'emplois, trois zones incontestables que chacun reconnaît objectivement comme telles. Or vous n'avez pas voulu tenir compte de cette réalité, l'UMP ayant jugé plus utile de verrouiller une circonscription, celle de M. Carayon.
Votre charcutage tarnais ignore également les limites administratives. Comme l'ont dit avant moi Philippe Folliot et Thierry Carcenac, président du conseil général du Tarn, jamais depuis 1815 les villes d'Albi et de Castres n'ont figuré au sein d'une même circonscription.
La logique aurait voulu que l'on crée une circonscription pour Albi, une autre pour Castres et une dernière pour l'ouest, cette zone en développement vers l'agglomération toulousaine que j'évoquais à l'instant. Quelle cohérence y a-t-il à représenter à l'Assemblée la moitié de deux villes de 50 000 habitants chacune, associées de surcroît à une zone de montagne ?
Votre charcutage méprise également les intercommunalités existantes. Ainsi, le territoire de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet se trouve scindé en deux, de même que celui de la communauté de l'Albigeois. De nombreuses autres communautés de communes sont fractionnées, alors que le rapport Balladur, que vous soutenez, affirme que l'intercommunalité est la base architecturale de l'organisation future de la France.
Cela n'a pas de valeur administrative !
Or votre premier acte politique consiste à couper des intercommunalités qui existent depuis des années.
Quant à l'autre pôle d'activité économique, Castres-Mazamet, ancien bassin textile, il comporte de nombreuses PME et PMI, ainsi que les laboratoires Pierre Fabre, qui constituent un socle solide pour l'activité de ce territoire.
Ces identités économiques sont aujourd'hui complétées par un troisième bassin spécifique à l'ouest du département, bassin qui assure la transition vers l'agglomération toulousaine autour des villes de Rabastens, Lavaur, Graulhet et Gaillac. Comme vous pouvez le constater, monsieur le secrétaire d'État, la logique économique embrasse la logique de nos territoires de projet et de nos intercommunalités. Il y a là une unité, une cohérence que votre charcutage veut et va briser.
Le redécoupage du Tarn n'a même pas été accepté par la commission Guéna, dont vous avez pourtant vous-même choisi les membres.
Je ne les ai pas choisi !
Je ne reviendrai pas sur ce point. Nous avons joué le jeu du pacte républicain en acceptant de nous soumettre à l'analyse de cette commission, alors que nous aurions pu en contester à la fois la finalité et la composition. Or elle vous a demandé de revenir au découpage de 1958 en reprenant – je la cite – « la distinction traditionnelle des bassins de vie d'Albi et Carmaux, de Castres et Mazamet et enfin de Gaillac, Graulhet et Lavaur ». Même si le critère démographique demeure essentiel, pour éviter l'arbitraire, il doit pouvoir se concilier avec les réalités territoriales.
Vous le voyez, votre charcutage fait l'unanimité contre vous, à l'exception, bien sûr, de M. Carayon, toujours absent de nos débats, mais favorable – seul dans le département – à ce découpage.
Vous nous reprochez souvent de ne rien proposer. Or, en la matière, les parlementaires socialistes ont une solution à apporter, une solution cohérente, concertée, raisonnée et qui répond aux réels enjeux de l'accroissement démographique et de la représentation politique. Thierry Carcenac, président du conseil général, de nombreux élus locaux, l'association des maires et de nombreux commentateurs extérieurs à notre département, qui ont unanimement stigmatisé les invraisemblances de votre charcutage électoral, ont fait une proposition qui s'appuie sur le découpage de 1958, et qui a été reprise par la commission Guéna. Elle respecte bien évidemment le critère démographique ainsi que les bassins de vie et d'emploi, les territoires, les villes et les intercommunalités existantes. Bref, c'est une vraie proposition qui aurait le mérite d'être comprise par l'ensemble de la population ; elle s'éloigne de votre logique de clan, et a dû terriblement effrayer le seul député UMP du département.
En outre, notre proposition a le mérite d'intégrer les futures évolutions démographiques, notamment la forte croissance de l'ouest tarnais et la baisse démographique dans le secteur des Monts de Lacaune. Elle respecte les réalités géographiques, historiques et économiques, et revient au redécoupage de 1958 avec trois pôles clairement identifiés : Albi-Carmaux, Castres-Mazamet et l'ouest tarnais autour des trois villes de Gaillac, Graulhet et Lavaur. Je le répète, cette configuration serait comprise par la population. Juste et transparente, elle permettrait de conforter la crédibilité de notre institution parlementaire, aujourd'hui mise à mal par le projet de société de Nicolas Sarkozy. En effet, une vision néo-libérale de la société s'affiche de plus en plus visiblement dans les actions de démantèlement entreprises par le Gouvernement en place. Tour à tour, les différents contre-pouvoirs qui structuraient notre République et qui permettaient le vivre ensemble sont réduits au silence ou purement et simplement éliminés.
Au-delà du redécoupage qui empêche toute opposition de se constituer, les prochaines réformes sur les collectivités territoriales finiront de casser les derniers remparts de notre pacte républicain. En particulier, le type de scrutin pour certaines élections sera modifié. Il existait pourtant un consensus national qui datait de l'après-guerre et tenait compte de toutes les tendances de notre spectre politique. Aucune opinion, idée, pensée ou volonté n'était oubliée dans le débat national.
Aujourd'hui, votre gouvernement a instauré l'avènement d'une nouvelle société où le débat est imposé et structuré selon vos codes libéraux, une nouvelle société où la compétition pour survivre est devenue réalité, où les services publics qui faisaient notre force et reflétaient notre solidarité sont disloqués, une nouvelle société de privilégiés récompensés chaque année par votre péché originel, le bouclier fiscal.
Je conclurai mon propos par ces mots de Jaurès qui donnent tout leur sens à notre action politique et à notre volonté de défendre le multipartisme : « C'est parce que je suis socialiste que je suis républicain. Sans la République, le socialisme est impuissant. Sans le socialisme, la République est vide. »
Voulez-vous vraiment, monsieur le secrétaire d'État, une République vide ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ce qui est sûr, c'est que M. Marleix n'est pas socialiste ! (Sourires.)
J'ai un peu de mal à commencer mon intervention après une citation de Jaurès... J'avais en effet prévu de citer Bonaparte, dont la famille de pensée est quelque peu différente : « La répétition, c'est la plus forte des figures de rhétorique ». Il me semble que cette formule est bien adaptée ici, puisque, comme les collègues qui m'ont précédé, je reviendrai sur des propos qui ont déjà été tenus en première lecture. Et, le Finistère n'étant que marginalement concerné par le redécoupage, j'ai tout loisir de m'intéresser à la création des onze circonscriptions qui représenteront les Français de l'étranger.
Il faut le dire tout d'abord, c'est une avancée démocratique que de permettre à nos concitoyens vivant hors de France d'être représentés à l'Assemblée nationale. C'était l'une des propositions de votre candidat, Nicolas Sarkozy, mais aussi de la candidate soutenue par le parti socialiste, Ségolène Royal.
Et de François Mitterrand !
S'il y a consensus sur le principe de la représentation des Français de l'étranger, nous contestons le recours à l'ordonnance. Sur le principe d'abord, parce qu'il réduit le débat à sa plus simple expression, ce dont personne ne peut se satisfaire ; sur les conséquences ensuite, car il hypothèque notre capacité à amender votre texte. La procédure de l'ordonnance est réductrice du point de vue de la démocratie. Malheureusement, ce n'est pas le seul texte concerné par cette pratique puisque, dans quelque temps, nous discuterons, avec le même rapporteur, un autre projet de même nature, qui concerne les modalités de vote. Cela montre que, malgré nos mises en garde, vous persistez sur une voie qui n'est pas celle de la revalorisation du Parlement.
Deux millions et demi de Français établis hors de France seront représentés à l'Assemblée nationale. Peu de pays dans l'Union européenne ont une telle représentation pour leurs citoyens expatriés. Seuls en bénéficient l'Italie, le Portugal et la Roumanie; que suivront sans doute rapidement la Croatie et l'Espagne.
Un million de personnes sont inscrites sur les listes électorales consulaires, c'est-à-dire l'équivalent du dix-huitième département français. C'est enfin la reconnaissance d'une égalité réelle entre les citoyens vivant en métropole et ceux résidant à l'étranger.
Tout comme les députés de la métropole, ceux qu'éliront les Français établis hors de France représenteront la nation tout entière et non la population de leur circonscription.
Actuellement, de nombreux Français de l'étranger ne votent pas, des binationaux pour l'essentiel, ce que nous regrettons. Dorénavant, ils seront incités à s'inscrire sur les listes électorales pour participer à ces élections. Nous espérons une augmentation significative des inscriptions, et je crois que nous sommes d'accord sur ce point. Déjà, en 2008, nous avions constaté une augmentation de 10 % des inscriptions sur les listes consulaires, ce qui constituait un bon signe.
En revanche, nous ne sommes pas d'accord avec le mode de scrutin que vous avez choisi. Aucun principe constitutionnel – et le Sénat est là pour le montrer – n'interdit de faire appel à la fois au mode de scrutin majoritaire et à la représentation proportionnelle. Nous persistons à penser que le choix de cette dernière aurait permis d'organiser plus aisément un vote qui se déroulera à travers toute la planète. Vous aurez besoin de deux dimanches, alors qu'un seul vote aurait pu avoir lieu. Et vous savez, pour avoir commencé à examiner ces questions, que bon nombre de problèmes pratiques se poseront. Nous pensons surtout que la représentation proportionnelle aurait permis une juste et équitable représentation des sensibilités différentes des Français résidant à l'étranger.
Il y aurait beaucoup à dire sur les conditions dans lesquelles s'exerce aujourd'hui le vote de ces Français, notamment dans le cadre de l'Assemblée des Français de l'étranger : il s'agit d'un vote par correspondance, et le nombre des bureaux est régulièrement discuté. Très récemment, à l'occasion de l'audition des représentants du bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger, nous avons souligné ces aspects. Nous serons extrêmement attentifs aux conditions pratiques de ce déroulement, d'autant que la commission prévue à l'article 25 de la Constitution, que vous persistez à appeler indépendante, a appelé notre attention sur ce point. Je me permets de reprendre ses propos : elle suggère que « le ministère des affaires étrangères et les consulats soient mis en garde sur les modalités d'organisation du scrutin et appellent l'attention du Gouvernement sur l'importance qui s'attache à ce que ses services reçoivent en temps utile des instructions précises. »
La commission, qui mesure très prudemment son expression, souligne à quel point les conditions d'organisation du scrutin seront délicates et de nature à générer des contentieux qui, naturellement, altéreraient la sincérité du scrutin. Il faudra donc de la vigilance, de la prudence et de la rigueur pour garantir la libre expression de nos concitoyens établis hors de France.
Un mot sur le nombre de circonscriptions attribuées aux Français de l'étranger. Vous avez dû, après la décision du Conseil constitutionnel, le faire passer de sept à onze. Il n'y a pas lieu de s'en féliciter ou de le regretter : il suffit de constater que c'est la juste représentation du poids démographique réel de cette population. Cela correspond donc à l'application d'un simple principe de justice. Raison de plus, monsieur le secrétaire d'État, pour que le scrutin soit organisé de manière tout à fait indiscutable.
J'en viens maintenant à la délimitation contestable, et donc contestée, des circonscriptions. En première lecture, vous nous aviez indiqué, à cette tribune, que la délimitation des circonscriptions à laquelle vous avez procédé correspondait à une volonté commune des sénateurs des Français de l'étranger. Vous aviez même affirmé disposer d'un document signé de sénateurs de la majorité et de l'opposition vous faisant les propositions que vous avez suivies. Comme vous le savez, je m'étais permis de contester cette affirmation et de vous demander, par courrier daté du 16 octobre, soit le lendemain du scrutin, de bien vouloir m'adresser copie de ce document, afin de savoir si j'étais dans l'erreur ou si vous aviez avancé un argument qui n'était pas fondé. Je suis obligé de constater que vous n'avez pas répondu à mon courrier. Ce silence vaut aveu. Vous ne pouvez en effet produire de document émanant d'un plan consensuel qui corresponde à ce que vous avez imaginé. Ce découpage repose donc sur des bases partisanes : l'UMP a souhaité se ménager un avantage numérique significatif.
Ainsi la lecture du tableau n°1 ter, qui figure en annexe de l'ordonnance, montre que les craintes que nous avions exprimées étaient justifiées.
Bruno Le Roux a très justement rappelé que les règles posées par le Conseil constitutionnel concernent aussi les Français de l'étranger, en particulier celle de l'écart maximal de 20 % entre la population concernée et la population moyenne, et celle de la continuité territoriale.
Il est regrettable qu'avant de transmettre ce projet de redécoupage à la commission consultative, vous n'ayez pas cru bon de consulter l'Assemblée des Français de l'étranger, qui est pourtant l'organe représentant la population, élu de surcroît au suffrage universel.
Je le répète : il s'agit là d'un redécoupage à la carte.
Lors des dernières présidentielles – cette base de référence, après tout, en vaut bien une autre –, au second tour, Nicolas Sarkozy avait obtenu 42 % des suffrages exprimés parmi les Français de l'étranger, contre 48 % pour Ségolène Royal. Si l'on transpose ces résultats à la représentation des Français de l'étranger sur la base des onze circonscriptions créées, six des futurs députés devraient être issus de la majorité actuelle et cinq de l'opposition. Or, si l'on calcule les résultats tels que nous les connaissons par pays et en se fondant sur la délimitation retenue par votre ordonnance, l'on s'aperçoit que demain, sur les onze circonscriptions, deux seulement éliraient un député de l'opposition, et que les neuf autres choisiraient un député de droite. Un collectif de citoyens, www.regardscitoyens.org, qui observe avec beaucoup d'attention le travail des parlementaires, s'est intéressé à ce redécoupage électoral et a abouti aux mêmes conclusions que Bruno Le Roux. Fort heureusement, monsieur le ministre, nous croyons aux campagnes électorales et nous sommes convaincus qu'elles permettront, si ce n'est d'aboutir à une solution équitable, au moins de corriger le funeste dessein que vous avez conçu.
S'agissant de l'aspect géographique des circonscriptions, l'on ne peut que s'interroger sur la première et la deuxième, celles de l'Amérique du Nord et de l'Amérique du Sud. Les deux zones sont affectées par des écarts démographiques considérables, que la commission n'a d'ailleurs pas manqué de relever : + 38,53 % pour l'Amérique du Nord et – 30,83 % pour l'Amérique latine.
Que dire de la cinquième circonscription, également remarquée par la commission, qui affiche un déficit démographique de – 17 % et qui, surtout, englobe de manière pour le moins étonnante la péninsule ibérique et la principauté de Monaco. C'est inacceptable ; que vient faire Monaco dans cette circonscription, si ce n'est contrebalancer, par ses voix de droite, les voix de gauche de l'Espagne ?
Quant à la circonscription qui rassemble Beyrouth, Israël et l'Afrique du sud, l'on peut encore s' interroger sur le lien qui unit ces pays. La continuité territoriale est en l'espèce hautement fantaisiste.
Enfin, la onzième circonscription – Asie et Océanie – pourtant fort étendue, est largement déficitaire, – 30,14 %.
La commission « indépendante » elle-même a considéré qu'avec un simple effort, vous auriez très bien pu rééquilibrer ces circonscriptions et faire disparaître les écarts les plus importants qui sont autant d'atteintes exorbitantes au principe d'égalité devant le suffrage, ainsi que l'a très bien exprimé M. Bruno Le Roux.
C'est fait.
Voilà, monsieur le ministre, les observations que je voulais à nouveau livrer à votre sagacité. Naturellement, j'ose imaginer que nous aurons le loisir d'en discuter. J'espère en effet que vous ne ferez pas usage des prérogatives constitutionnelles du Gouvernement et que vous laisserez se dérouler le débat sur les amendements, que nous pourrons ainsi voter. Nous déposons donc un amendement pour modifier le redécoupage des circonscriptions. En l'état, il est évident que sur cette seule partie du découpage des circonscriptions des Français de l'étranger, nous ne pourrons approuver votre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Malgré mon peu de goût pour les plaidoyers pro domo, je n'ai pas eu d'autre choix que de venir à cette tribune, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous n'avez donné suite à aucune des demandes de rendez-vous que j'avais formulées lorsque vous nous expliquiez que le projet allait être largement débattu.
Je veux illustrer à l'échelle d'un département, la Saône-et-Loire, les incohérences, la mauvaise foi partisane, les tricheries et le maquignonnage qui ont présidé à l'opération de découpage que vous avez conduite. C'est une sorte d'échantillon de ce qu'a méthodiquement démontré Bruno Le Roux mardi soir pour l'ensemble du pays. Nous sommes face à une tentative très claire de gagner par le découpage, sur le tapis vert en quelque sorte, ce que le suffrage universel vous a fait perdre au fil des années.
Une nouvelle fois, je regrette, alors que la circonscription dont je suis l'élu est purement et simplement supprimée, de n'avoir été ni consulté, ni informé, ni même entretenu au téléphone par vous-même, monsieur le secrétaire d'État, ou par votre cabinet. N'y voyez pas là une question de préséance ou d'orgueil ; mais ayant été élu en 1988, et toujours réélu depuis, doyen en termes de mandat des députés du département, c'est une question de politesse républicaine et de respect du suffrage universel. Sans doute n'étiez-vous pas particulièrement fier du travail réalisé en Saône-et-Loire, ce qui explique que vous n'ayez pas souhaité m'en entretenir, non plus que les autres députés du département, sauf ceux de l'UMP bien sûr.
La Saône-et-Loire perd une circonscription. Nous ne contestons pas le principe, bien que la comparaison avec d'autres départements et les chiffres aujourd'hui connus montrent que cette décision n'avait rien d'automatique. Le quotient démographique des circonscriptions de Saône-et-Loire, même avec six circonscriptions, était largement supérieur à celui de nombreux autres départements. Mais, en passant de six à cinq circonscriptions, nous aurions pu espérer un recentrage de celles-ci autour des cinq grandes régions naturelles du département, ce qui aurait pu être un progrès en matière de cohérence territoriale. On pouvait imaginer des découpages différents. La Saône-et-Loire est un département assez peu homogène, avec des régions naturelles, et l'on aurait pu profiter de la diminution du nombre de circonscriptions pour renforcer la cohérence territoriale. Au lieu de cela, le projet que vous nous proposez est un cas d'école de démembrement des unités territoriales, de tricherie partisane et d'incohérence démographique. Tout commence par la circonscription découpée sur mesure pour l'un de nos collègues, Jean-Paul Anciaux, président local de l'UMP. Au vu de cette circonscription née de votre travail aux ciseaux, on doit comprendre que cet homme-là est très important et que la France ne pouvait prendre le risque qu'il ne soit pas réélu dans cette assemblée. Vous vous êtes livré en effet à un véritable travail d'artiste. Pour que nos collègues comprennent, cela mériterait une projection sur grand écran. Vous lui avez dessiné une sorte de ruban qui court tout au long des frontières du département. Cette circonscription est un vrai dépliant touristique à elle seule. Elle s'étend en effet de la vallée de la Loire aux confins du Jura en passant par le Morvan, le pôle industriel du Creusot, la zone viticole de la côte chalonnaise et la plaine de la Bresse... Le futur député verra du paysage, à défaut de pouvoir développer une action utile sur le terrain, tous ces territoires relevant bien sûr d'unités démographiques totalement étrangères les unes aux autres.
Mais c'est en démantelant la quatrième et la cinquième circonscription pour n'en faire plus qu'une que vous avez exercé votre vindicte avec un zèle particulier. La nouvelle cinquième circonscription est une sorte de papillon gracile, composé de deux entités prélevées l'une sur l'agglomération de Montceau, l'autre sur celle de Chalon, la continuité territoriale entre les deux n'étant assurée que par une seule et toute petite commune. Pour parvenir à vos fins, il vous a fallu triturer, charcuter les deux agglomérations, faire exploser les intercommunalités existantes créées au fil des décennies – rappelons que la communauté urbaine Le Creusot-Montceau est l'une des premières communautés urbaines de France, constituée volontairement dès 1970. Quels dégâts sur le paysage institutionnel et sur la capacité d'agir, dans des régions souvent durement éprouvées par les crises économiques et industrielles ! Quelle méconnaissance des réalités ! Comment à présent surmonter les obstacles que vous venez de poser et parvenir à mener des actions efficaces en matière de redéveloppement ?
Afin d'éclairer mes collègues sur les raisons de cette vindicte particulière, je précise que l'ancienne cinquième circonscription a été conquise sur la droite en 2007 par un député socialiste, notre collègue Christophe Sirugue, et que je suis député de la quatrième sans interruption depuis 1988. Ceci explique bien entendu cela.
Cette opération ne s'appuie en effet sur aucune justification d'intérêt général et ne relève que d'une grosse astuce du secrétaire national aux élections de l'UMP qui, avec une colossale finesse – il est sûrement content de lui – n'a rien trouvé de mieux que de mettre en concurrence deux députés socialistes sur le même territoire électoral. Quelle hauteur de vue ! Quelle ambition ! Bravo, monsieur le secrétaire d'État ! Où sont les impératifs précis d'intérêt général dûment justifiés – je cite le Conseil constitutionnel – en cas de manquement aux règles d'équité démographique ? En réalité, puisqu'il y a dégradation des cohérences territoriales, cette pitoyable tentative de tricherie ne peut s'expliquer que par votre intérêt partisan.
La délimitation que vous proposez pour la Saône-et-Loire est extrêmement contestable, y compris sur le plan démographique. Les écarts maximaux par rapport à la moyenne départementale sont considérables. L'écart est en effet de + 15 % dans la cinquième circonscription et de – 11 % dans la première.
De surcroît, l'écart entre la première circonscription – qui est la moins peuplée avec 98 600 habitants – et la cinquième circonscription – qui se trouve être la plus peuplée avec 126 362 habitants – est de 28 % !
Or, ces écarts considérables sont contraires aux principes dégagés par le Conseil constitutionnel puisqu'ils ne sont fondés sur aucun motif d'intérêt général.
Deux éléments au moins viennent le confirmer.
Tout d 'abord, la commission – indépendante bien sûr – présidée par l'ancien secrétaire général du RPR, M. Yves Guéna, a elle-même rejeté votre projet au profit d'un autre, considérant que le redécoupage que vous proposez n'avait pas de légitimité.
Par ailleurs, nous vous avions proposé, avec Arnaud Montebourg et Christophe Sirugue, une solution alternative qui présentait l'avantage d'instaurer un équilibre démographique à peu près optimal entre les circonscriptions, avec une moyenne départementale de 109 872 habitants et des écarts maximaux bien moins importants que ceux constatés dans la répartition issue de l'ordonnance. Ainsi, l'écart par rapport à la moyenne départementale n'était que de 2,7 % dans la quatrième circonscription et de 4,2 % dans la troisième.
Au moins deux projets de redécoupage des circonscriptions, plus conformes aux critères du Conseil constitutionnel, vous ont donc été présentés ; vous aviez tout loisir d'imaginer un redécoupage différent, plus équilibré démographiquement, plus cohérent au regard de l'action territoriale.
Dans un département qui a beaucoup souffert des crises économiques, crise industrielle et crise rurale, il était possible de délimiter des circonscriptions qui puissent correspondre au mieux aux bassins de vie, aux unités démographiques, aux territoires institutionnels de redéveloppement, tout en diminuant le nombre de circonscriptions. Vous avez fait le choix inverse. Vous partiez certes avec un handicap : secrétaire national aux élections de l'UMP, vous étiez sans doute plus habitué à la dague et au poison qu'aux sceaux de la République, mais nous aurions pu espérer que, justement, vous ayez à coeur d'être à la hauteur de l'intégrité et de l'exigence républicaines de votre mission. Ce ne fut malheureusement pas le cas : vous avez plutôt rejoint la vieille tradition RPR « des copains et des coquins ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'acte manqué de notre collègue sénateur permet à l'Assemblée d'étudier à nouveau ce projet de loi. Je remarque que le redécoupage électoral s'ajoute à la longue liste des lois bloquées, sciemment ou non, par votre majorité ou censurées par le Conseil constitutionnel. Un tel échec législatif ne se reproduirait pas si, parmi les nombreuses bonnes résolutions que le Gouvernement serait inspiré de prendre en ce début d'année, figurait la nécessité de respecter ce qui fait l'essence de notre République.
Remédier aux écarts démographiques apparus depuis le dernier découpage électoral des circonscriptions législatives, telle est la légitime demande, claire et précise, du Conseil constitutionnel. Respecter la démocratie, telle est, monsieur le secrétaire d'État, votre mission républicaine.
En octobre dernier, lors de l'examen de ce texte par l'Assemblée, j'ai rappelé que, tout au long de vos travaux, vous aviez reçu beaucoup d'entre nous – contrairement peut-être à la pratique de vos collègues du Gouvernement –, élus socialistes et républicains, ensemble ou individuellement, pour nous écouter, mais sans jamais nous entendre. Votre écoute a été unilatérale, plus que sélective ; vous n'avez cessé de parler de transparence pour mieux agir dans l'opacité.
Pourtant, nous, socialistes, ensemble, tant au niveau national qu'au niveau de nos fédérations, avons formulé des propositions en totale adéquation avec les préconisations définies par le Conseil constitutionnel. Représentants élus du peuple, c'est avec dignité et une grande détermination que nous nous battons pour que le peuple soit respecté.
C'est dans cet esprit que nous avons débattu avec vous en octobre dernier et c'est, malheureusement, avec le même autisme, le même dédain, que vous avez balayé d'un revers de la main tous nos arguments, aussi fondés et circonstanciés soient-ils.
Qui peut en effet aujourd'hui prétendre que cette réforme est équitable alors qu'elle favorise clairement votre camp ?
Sur les trente-trois circonscriptions supprimées, seulement dix, soit à peine 30 %, concernent un député de votre majorité politique,…
Mais non, madame Génisson, et nous vous l'avons démontré !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mme Génisson a raison !
Vos procédés sont scandaleux, ce sont des méthodes staliniennes !
…alors que le département du Pas-de-Calais, par exemple, perdra deux circonscriptions sur quatorze, la troisième et la onzième, aujourd'hui solidement ancrées à gauche grâce à l'action remarquable de deux de nos parlementaires : Odette Duriez et Jean-Claude Leroy.
Dans le même temps, les trente-trois circonscriptions que vous proposez de créer dans une quinzaine de départements, dont les onze représentants des Français de l'étranger, ont été conçues et réparties de telle façon qu'en calquant les résultats de 2007, pas moins de vingt-quatre d'entre elles vous seraient acquises.
Qui peut par ailleurs prétendre aujourd'hui que les ciseaux de la découpe ont été utilisés innocemment, sans arrière-pensées, alors qu'à l'évidence ce sont les rapports de forces politiques qui ont guidé ces lames ?
Il y a les circonscriptions tranchées à la hache, au mépris de toute cohérence territoriale, ainsi que l'évoquait notre collègue pour la Saône-et-Loire. Je pense notamment à la première circonscription du Pas-de-Calais dont ma collègue Jacqueline Maquet est l'élue aujourd'hui. Pas moins de onze cantons et 295 communes, une large bande de territoires ruraux correspondant à un tiers du territoire du département, sans homogénéité géographique ou sociologique, sans ville-centre : il s'agit d'une insulte à la démocratie, quel que soit le député élu, de droite ou de gauche. C'est sans doute l'une des plus grandes, sinon la plus grande circonscription, dont vous avez d'ailleurs reconnu en première lecture, monsieur le secrétaire d'État, le caractère inacceptable au regard du respect des principes démocratiques.
De surcroît, cette circonscription cohabite avec des circonscriptions taillées sur mesure, avec la finesse de la dentelle – je ne parle pas de Calais. Ces dernières sont, faut-il vraiment le préciser, détenues par certains de vos plus éminents collègues. J'évoquerai, toujours dans le Pas-de-Calais, une circonscription qui perd des habitants, qui est à la limite inférieure de l'écart de 20 % de la moyenne de la population du Pas-de-Calais, mais qui s'enrichit d'un canton qui vote traditionnellement à 70 % à droite et qui, comme par hasard, perd un canton qui vote traditionnellement, lui, à 70 % à gauche.
Je ne sache pas que M. Lefait soit un député UMP !
Ainsi, l'objectif de réduction des inégalités démographiques n'est pas rempli. Les exemples de circonscriptions aux écarts de population considérables pullulent, comme l'ont montré les interventions de nos collègues. Et lorsque le Conseil d'État vous le fait observer, vous qualifiez avec dérision son avis de « perfectionniste ». Nous pensons que la représentation démocratique des citoyens mérite mieux que l'approximation.
Qui peut prétendre que le texte que nous réexaminons aujourd'hui fait honneur à notre démocratie ? Vous garantissez à votre formation, monsieur le secrétaire d'État, un socle d'au moins 250 députés, tandis que vous imposez à la gauche d'obtenir 51,4 % des suffrages pour obtenir une majorité de sièges ; a contrario, il suffit à la majorité qui vous soutient de 48,6 % des suffrages pour rester majoritaire.
Ce n'est pas vrai ! Vous récitez votre catéchisme, que vous avez mal appris d'ailleurs.
Ce que vous dites est archifaux !
Une telle iniquité constitue une remise en cause insupportable du fondement même de la démocratie représentative.
Votre projet abîme, blesse notre démocratie. Notre légitimité politique vient de la volonté et du consentement du peuple. Avec ce redécoupage, nombre de nos collègues estiment que, malheureusement, la France ne sera pas à l'abri d'une situation à l'américaine, où les modalités du vote influencent l'élection, jusqu'à faire gagner le camp minoritaire en voix. Aux États-Unis, il est vrai, le fédéralisme impose un équilibre entre la représentation populaire et celle des États. Mais ici, quelle est votre justification, monsieur le secrétaire d'État ? Pour quelle raison, dans notre pays, faudrait-il rassembler la moitié du corps électoral plus 600 000 voix pour espérer obtenir une majorité de gauche au Parlement ?
Vous avez eu vingt ans pour redécouper les circonscriptions ! Vous n'aviez qu'à le faire !
On évoque depuis des décennies une crise de la représentation. Les causes en sont multiples, ses effets sur un grand nombre de nos concitoyens sont bien connus : suspicion généralisée envers les représentants politiques, abstention massive, désintérêt pour la chose publique. Je crains que votre projet soit la source d'un ressentiment et d'une frustration populaires sans précédent.
Quelle occasion gâchée ! Alors que vous aviez l'opportunité d'améliorer le lien et la proximité entre l'électeur et son représentant, vous avez préféré ne prendre en compte que vos seuls intérêts par un redécoupage qui n'est, à l'évidence, ni équitable, ni dénué d'arrière-pensées, ni respectueux du contrat démocratique qui nous lie avec les citoyens.
Si l'on prend un peu de recul, le plus alarmant est que le redécoupage des circonscriptions n'est pas une réforme isolée, mais constitue un rouage parmi d'autres dans une entreprise de déconstruction méthodique des institutions qui fondent notre République. Il s'agit, bien évidemment, d'affaiblir les velléités d'opposition ou de résistance à la toute-puissance du pouvoir exécutif.
Nous devons avoir conscience que la réforme du règlement de l'Assemblée, accompagnée d'un redécoupage assurant un matelas confortable de sièges à la droite, ne permettra plus à l'Assemblée nationale de tenir son rôle dans l'équilibre des pouvoirs. Elle deviendra un simple supplétif de l'exécutif, une chambre d'enregistrement de la volonté de l'hyper-président.
Jean-François Copé, président du groupe UMP, l'a lui même reconnu en insistant sur le fait que « l'Assemblée ne doit plus être un contre-pouvoir, mais un pouvoir ». Mais je dois avertir Jean-François Copé que, lorsque l'Assemblée nationale n'aura plus la faculté d'être un contre-pouvoir, cela signifiera qu'elle n'aura plus de pouvoir du tout.
En tant que représentants du peuple, parce que nous mettons les valeurs de la démocratie et le respect du citoyen au-dessus de toute autre considération, nous nous opposons avec la plus grande énergie à un projet de redécoupage inique et dangereux.
Le fait majoritaire étant ce qu'il est, j'en appelle à l'esprit de responsabilité du Gouvernement.
Lors de notre précédent examen du texte, le Gouvernement n'avait pas hésité à réserver les votes lorsqu'il s'agissait d'étudier les amendements destinés à corriger les situations les plus ubuesques – en usant systématiquement de ce procédé, vous attaquez le fonctionnement démocratique de notre assemblée. Il serait inconcevable que vous réitéreriez cette manoeuvre alors même que la commission des lois a adopté, le 22 décembre dernier, un amendement présenté par notre collègue Marie-Jo Zimmerman qui change complètement la donne en ce qui concerne la troisième circonscription de Metz.
Je demande solennellement au Gouvernement de s'engager à étudier dans les meilleures conditions nos amendements qui permettront de corriger les effets néfastes de votre projet de loi. Un refus serait très grave car il signifierait le dernier des mépris envers notre assemblée et ce qu'elle représente. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous devons continuer de faire oeuvre pédagogique – ainsi Jean-Jacques Urvoas rappelait à l'instant le souvenir de Napoléon Bonaparte. Mais cette oeuvre pédagogique, c'est l'ensemble de nos interventions depuis deux jours.
Ce projet de loi de ratification de l'ordonnance de répartition des sièges et de délimitation des circonscriptions dont nous discutons encore aujourd'hui a une drôle d'histoire, monsieur le secrétaire d'État.
Le projet adopté par la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale a été rejeté au Sénat après que la majorité – la même qu'ici – a demandé un scrutin public. Le Sénat ayant adopté un amendement de suppression de l'article unique du texte, et une fois le résultat du vote proclamé, il n'y avait plus d'article unique, donc plus de projet de loi. Par conséquent, le Sénat n'a pas pu se prononcer sur l'ensemble du texte, faute de texte… Il nous revient donc d'en débattre à nouveau. Cette histoire, mes chers collègues, est digne de la formule fameuse de Woody Allen : « La réponse est oui ; la réponse est non. Mais quelle était la question ? »
Plus sérieusement, je souhaite reprendre notre discussion, le Gouvernement n'ayant alors pas souhaité répondre à nos nombreuses interrogations.
En matière de redécoupage, le comité constitutionnel sur la modernisation de nos institutions souhaitait, dans son rapport, « que ces opérations soient conduites selon des règles strictes d'impartialité et dans la plus grande transparence ». L'impartialité, quand on procède à la redéfinition de circonscriptions pour l'élection de députés au scrutin majoritaire uninominal, suppose la réalisation de deux opérations : répartir équitablement les 577 sièges entre les départements, puis découper honnêtement une circonscription pour chaque député.
Nos interrogations portent donc sur trois points : sur une répartition qui ne nous paraît pas équitable ; sur un découpage qui ne nous paraît pas toujours innocent ; enfin, sur un suffrage qui n'est donc pas aussi universel que souhaité.
Nous considérons que la répartition n'est pas équitable, parce que le texte prévoit, conformément aux principes de l'habilitation initiale, le respect d'un écart maximal de 20 % à la moyenne des circonscriptions du département ou de la collectivité d'outre-mer, les écarts ne pouvant avoir d'autre objet que la prise en compte d'impératifs d'intérêt général.
D'emblée, ce choix apparaît contestable. D'une part, on aurait pu décider que l'écart n'excèderait pas 10 %. D'autre part, on aurait pu décider que cet écart ne porterait pas sur le total de la population mais sur le quotient électoral obtenu en divisant le nombre d'électeurs inscrits par le nombre de circonscriptions, par exemple au niveau national, et ce, à la date de publication de l'ouverture de la procédure de révision. Enfin, ces 20 % d'écart à la française ne s'appliquent qu'à l'intérieur d'un même département.
En tant qu'observatrice et parlementaire de base, j'ai analysé – puisque le département de la Sarthe n'est pas concerné – ce que donnaient le projet et son ordonnance dans la région des Pays de la Loire. Eh bien, l'écart du nombre d'habitants, entre la plus petite et la plus grande circonscription de la région, situées dans des départements mitoyens, par exemple le Maine-et-Loire et la Loire-Atlantique, est de 48 %, et non de 20 % !
Mais non !
Concrètement la voix d'un habitant de la plus petite vaut 1,5 fois la voix d'un habitant de la plus grande, qui est voisine !
Je fais le pari que je peux prévoir votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, à ce constat d'inégalités inacceptables dans le poids des voix des électeurs en France. Qu'une circonscription soit plus ou moins peuplée qu'une autre est de peu d'importance, me direz vous, car « dans l'ensemble », « en moyenne », les élus du système correspondent bien aux sentiments des électeurs. Après tout, la France a vu des alternances entre gauche et droite : il n'y a donc pas lieu de se plaindre de la règle.
Vous oubliez un point fondamental : c'est que le principe d'égalité devant le suffrage universel s'applique à l'électeur, et non à l'élu ou à son parti, ni à « la moyenne » des électeurs. Que la voix d'un seul habitant pèse une fois et demie plus que celle d'un autre, c'est inéquitable.
De la sorte, votre projet risque de nourrir l'abstentionnisme et d'inciter les électeurs à déserter un scrutin dont le résultat apparaît trop prévisible à certains endroits.
A cette première critique s'en ajoute une deuxième, portant sur un redécoupage qui ne semble pas toujours innocent – j'entends « innocent » au sens de pur dans les intentions.
En effet, nous l'avons dit, mais ce point de vue a aussi été exprimé par plusieurs de nos collègues de la majorité, le projet crée des « chimères biscornues », comme les surnomme l'auteur de l'Atlas historique des circonscriptions électorales françaises. Il s'agit de circonscriptions dont la taille et la forme étonnent, de circonscriptions pour lesquelles l'association ou le détachement de langues de territoire est surprenant, de circonscriptions où se séparent une ville ou un territoire a priori homogènes, de circonscriptions qui font l'objet de critiques fortes et souvent crédibles, de circonscriptions où le « découpage » aiguise la colère des élus sortants et des citoyens !
S'il est normal que la loi prévoie la possibilité de déroger aux règles posées, les propositions qui y dérogent devraient en tout cas prendre en considération les inconvénients et la rupture des liens locaux qui peuvent en résulter. Leurs avantages et leurs inconvénients devraient être clairement formalisés et tracés. L'intérêt général qui est censé permettre ces exceptions devrait être soumis à l'avis des citoyens.
Je renouvelle ici la suggestion que j'ai déjà formulée, à savoir que ces propositions puissent être soumises à publicité et à enquête auprès des collectivités et des électeurs. Ce qui est fait au Royaume-Uni pourrait l'être dans notre pays. Au passage,…
Pourquoi vous ne l'avez pas fait ? Vous avez été vingt ans au pouvoir.
Cela fait huit ans que nous ne sommes pas au pouvoir, monsieur le secrétaire d'État. Vous avez une occasion, saisissez-la, si vous êtes d'accord avec la suggestion que je vous fais.
Vous avez créé quatre-vingt-dix circonscriptions quand M. Mitterrand était président.
Au passage, je m'étonne que, s'agissant d'un tel projet de loi, l'avis du Conseil d'État ne puisse être connu de tous les citoyens et rendu public, comme l'est l'avis de la commission chargée de veiller au respect du principe d'égalité devant le suffrage.
J'en viens maintenant à notre dernière critique : le suffrage n'est pas aussi universel que souhaité.
La répartition des sièges entre départements et le redécoupage des circonscriptions étaient l'occasion pour notre pays de redistribuer la souveraineté à l'ensemble des citoyens.
Si un redécoupage plus équitable et plus honnête ne changeait pas les résultats des élections en les rendant sensiblement différents de ce qu'il serait avec le dispositif que vous nous proposez, pourquoi ne pas l'avoir fait ?
Nous redoutons que la démocratie de notre pays ne devienne un régime où la souveraineté doit rester dans les mains du parti présidentiel et où l'on ne recherche, à travers la répartition des voix, qu'à donner au parti majoritaire le maximum de chances de le rester…
Tout ce qui est excessif est insignifiant.
En tout cas, vos réponses ne sont pas excessives…
Face au suffrage universel, que nous souhaitons aussi intégral que possible, il ne saurait y avoir de place pour une comédie du suffrage universel, comme celle que dénonçait déjà Victor Hugo il y a près de cent cinquante ans.
Nous, députés socialistes, refusons donc, en toute conscience et non par inadvertance, l'article unique de ce projet de loi. Et nous formulons, monsieur le secrétaire d'État, le souhait que ces quelques heures de débat vous permettent de changer d'avis, de revenir sur ce projet, et de prendre en considération nos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mark Twain a écrit : « Dans la conduite des affaires de l'État, respectez les formalités, négligez la moralité ».
Concernant sa première injonction, les péripéties du texte qui nous occupe aujourd'hui, rejeté par le Sénat suite à l'adoption, par erreur nous dit-on, d'un amendement du groupe communiste, démontrent qu'il ne se trompait pas.
Quant à la sagacité de la seconde, l'application de ce découpage électoral partisan devrait malheureusement nous la révéler lors des prochains scrutins.
Certes, rectifier le découpage des circonscriptions législatives était indispensable. Nous n'en avons jamais disconvenu. Il aurait été injustifiable et inacceptable d'organiser en 2012 une élection des représentants de la nation sur la base d'un recensement vieux de plus de vingt ans.
Et certes, cet exercice n'est pas simple. Nous n'en disconvenons pas non plus. Le découpage parfait n'existe certainement pas.
Cependant, l'observation stricte des règles fixées par le législateur aurait pu et dû conduire à un résultat incontestable, gage d'une légitimité sans faille pour les prochaines législatures.
Las, la tentation d'user des ciseaux électoraux afin de faciliter la conservation future du pouvoir, monsieur le secrétaire d'État, vous qui êtes dans le même temps le spécialiste des questions électorales à l'UMP, était forte. Trop forte.
C'est sans doute pourquoi, dans de nombreux départements, tels que le Pas-de-Calais, la Moselle, Paris, et tant d'autres, les principes constitutionnels de découpage, notamment le respect du critère démographique, ont été bien mal appliqués.
Et c'est également la raison pour laquelle, dans d'autres départements, comme le Nord, au lieu de chercher à réduire les écarts de population par rapport à la moyenne, ou à respecter l'unité des territoires et des bassins de vie, c'est surtout la volonté de favoriser les uns par rapport aux autres qui a dominé.
C'est d'autant plus regrettable que vous disposiez, à la suite de la présentation de votre premier projet, d'une seconde chance d'assurer la légitimité de ce découpage. Il suffisait, comme cela se pratique d'ailleurs dans de nombreuses démocraties, que le Gouvernement se rallie sans exception à l'avis rendu par la commission prévue à l'article 25 de la Constitution, dite commission Guéna.
Il n'en a malheureusement rien été. Vous avez préféré faire un tri, ne retenant que quelques propositions, et pas les plus conséquentes du point de vue du rapport gauche-droite. Vous avez d'ailleurs été aidé en ce sens par la commission elle-même. En effet, je ne m'explique toujours pas pourquoi elle a décidé de créer une nuance, juridiquement indéfinie, entre des « propositions » et des « suggestions », sauf à vouloir faciliter ensuite la décision de passer les secondes par pertes et profits.
Le projet de découpage tel qu'il nous est proposé, lorsqu'on le compare aux suggestions formulées par la commission et non retenues, soulève trois critiques principales, de nature démographique, démocratique et territoriale.
Le cas de l'arrondissement d'Avesnes, territoire dont je suis élu, est symbolique de cette situation. Il me servira donc à illustrer ces trois points.
Du point de vue démographique, d'abord, le découpage de l'arrondissement d'Avesnes n'est pas, contrairement à la suggestion de la commission, la solution qui présente les écarts les plus faibles par rapport à la moyenne départementale. Au contraire, elle crée un monstre, la future troisième circonscription du Nord, totalisant plus de 143 000 habitants : la plus importante du département, la seconde de France.
Autant dire que l'égalité républicaine est mise à mal face à certains députés qui, ailleurs en métropole, seront élus par moitié moins de citoyens, comme en Lozère ou dans le Cantal. Et encore, je veux louer ici la sagacité du Conseil constitutionnel, qui a fait droit à la demande du groupe socialiste de mettre fin à ce minimum de deux députés par département.
Le biais démocratique découle d'ailleurs de ces déséquilibres démographiques. En effet, il faut préciser que les cantons de Maubeuge et de Trélon, qui formeront le gros de cette troisième circonscription, regroupent des populations qui présentent des indicateurs sociaux, économiques et sanitaires parmi les plus inquiétants de France. Comment, dès lors, ne pas relever ce qu'a de cynique la proposition de faire de cette population, déjà fortement défavorisée, l'une des moins équitablement représentée démocratiquement ? Un Mendois ou un Aurillacois vaudra deux Maubeugeois !
Quant aux territoires et aux bassins de vie, ils sont les autres grands perdants de ce projet. Certes, constitutionnellement, le député n'est pas l'élu d'un territoire, mais celui de la nation tout entière. Cependant, cette théorie est battue en brèche par la réalité de l'exercice du mandat de député. Et je ne connais aucun collègue, sur aucun banc de cette assemblée, qui me contredira sur ce point. Le député est bel et bien, dans les faits, l'élu d'un territoire, et il doit être identifié comme tel par les citoyens et par les acteurs de sa circonscription.
D'ailleurs, le choix de maintenir des unités territoriales départementalisées pour les élections législatives montre bien que cet aspect existe, et qu'il revêt même une importance centrale.
Pourtant, alors que l'arrondissement d'Avesnes se divise naturellement en deux territoires distincts aux chiffres de population comparables – à savoir le Val de Sambre au nord, espace urbanisé à vocation industrielle et tertiaire le long de la Sambre, et un territoire plus rural et à vocation artisanale au sud, regroupant l'essentiel du territoire du parc naturel régional de l'Avesnois –, l'arrêté ignore cette répartition nord-sud, lui préférant une répartition est-ouest sans aucune logique territoriale ou historique.
Quant à la ville d'Avesnes-sur-Helpe, 5 051 habitants, elle se retrouve écartelée entre deux circonscriptions. Certes, cela ne contrevient pas fondamentalement au principe posé par le Conseil constitutionnel de non-découpage des communes de moins de 5 000 habitants. Cependant, cette partition nouvelle contrevient à l'objectif affiché de réduire le nombre des petites communes écartelées.
Il est clair, face à ce saucissonnage, que nous ne pouvons que renouveler notre rejet de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le secrétaire d'État, « la première circonscription du Pas-de-Calais est une anomalie géographique » : tels sont les propos que vous avez tenus le 16 octobre 2009, lors du débat en première lecture. Je compte donc aujourd'hui même vous démontrer l'anomalie géographique que constitue cette circonscription.
Mais tout d'abord, je tiens à montrer les choix totalement déséquilibrés de ce redécoupage dans le Pas-de-Calais. Ce dernier compte actuellement plus de 1,4 million d'habitants, répartis, depuis le découpage de 1986, dans quatorze circonscriptions : deux sont à droite, douze à gauche, bastions socialistes qu'il faut évidemment ébranler !
Le nouveau découpage aboutit à la suppression de la troisième et de la onzième circonscriptions, celles de Jean-Claude Leroy et d'Odette Duriez, tous deux socialistes. Dans l'ensemble, les douze circonscriptions restantes ont une base électorale renforcée. Là, monsieur Marleix, ce qui sert, c'est d'avoir des connaissances et de l'expérience ; mieux vaut ne pas en être à son premier mandat, et je suis modérée dans mes propos.
Le redécoupage que vous nous proposez par la méthode de la tranche supprime donc ces deux circonscriptions socialistes. Si vous aviez fait le choix de la méthode du plus fort reste, nous garderions certainement treize parlementaires au lieu de douze puisque, comme je l'ai déjà dit, notre département compte plus de 1 450 000 habitants.
Mais, on le sait bien, la méthode de la tranche est celle qui vous avantage.
C'est M. Fabius qui l'a maintenue en 1985. J'ai de bonnes références.
Vous dites vouloir corriger les inégalités, mais vous les accentuez au profit de votre majorité. Tout cela est manoeuvre politique et partisane.
Le premier but de cette manoeuvre est notamment de renforcer politiquement un parlementaire de la majorité élu dans la neuvième circonscription, laquelle comptera moins d'habitants après le remodelage : 103 266 contre 104 632 aujourd'hui, soit un écart de 14,74 % par rapport à la moyenne départementale. La commission Guéna avait pourtant émis un avis défavorable, mais rien n'a changé. Ce redécoupage est totalement déséquilibré. Il s'agit d'une anomalie géographique et démographique, puisque la neuvième circonscription perd des habitants mais s'enrichit surtout d'un canton qui vote traditionnellement à droite à 70 %, et, comme par hasard, elle perd un canton qui, lui, vote traditionnellement à gauche.
En favorisant les députés de votre majorité, vous charcutez d'autres circonscriptions, comme la 1re. Ainsi, l'objectif de réduction des inégalités démographiques n'est pas rempli.
La 1re circonscription fait exception. Elle qui reposait sur un équilibre territorial à la fois urbain et rural, perd toute sa cohérence territoriale : le redécoupage la prive, au profit de la 2e circonscription, de son attache arrageoise – car vingt-sept de ses trente-trois bureaux de vote se situaient à Arras, ce qui m'avait conduite à installer ma permanence parlementaire dans les quartiers populaires de la ville. Je constate en passant que le regroupement des villes n'a pas toujours été respecté dans d'autres départements, par exemple dans le département du Nord avec la ville d'Avesnes-sur-Helpe, que vient d'évoquer M. Pérat.
La circonscription est totalement remaniée : elle devient entièrement rurale et s'étend sur un tiers du département du Pas-de-Calais, atteignant la taille d'un petit département français. De huit cantons, 161 communes et 113 000 habitants, selon le découpage Pasqua qui la destinait déjà à la droite, elle passe à onze cantons – trois de plus –, à 295 communes, soit 134 supplémentaires, ce qui en fait l'une des plus grandes circonscriptions de France, sinon la plus grande, et à 132 655 habitants. Elle n'a plus aucune unité territoriale. Rencontrer les habitants n'est pas la même chose selon qu'ils sont 132 655 dispersés dans 295 communes ou 80 000 dans cinq communes !
Avec des cantons exclusivement ruraux, elle ne compte plus de ville-centre et les chefs-lieux comptent de 839 à 5 368 habitants. Situés en totalité dans l'arrondissement d'Arras, ces cantons sont sous l'influence de multiples aires urbaines – Douai, Péronne et Amiens, Saint-Pol-sur-Ternoise – mais pas de la principale, Arras…
La situation est totalement ingérable, que l'élu soit de droite ou de gauche : avec près de 300 communes, il sera impossible au député de rencontrer l'ensemble des habitants de la circonscription. Le travail de terrain ne pourra qu'être bâclé. Le rôle du député en tant qu'élu de proximité, que vous vous plaisiez à évoquer, monsieur le secrétaire d'État, n'a ainsi plus aucun sens. Ce redécoupage est, par conséquent, irrespectueux des citoyens qui, en votant, ont fait confiance à une personne, laquelle sera désormais dans l'incapacité de défendre son action sur l'ensemble du territoire qui lui est confié.
Dans le Pas-de-Calais, non seulement deux circonscriptions socialistes sont supprimées – la 3e et la 11e – mais deux autres sont fragilisées au profit de la droite : la 1re et la 7e.
Monsieur le secrétaire d'État, je n'ai fait que reprendre en partie ma précédente intervention, à laquelle vous m'aviez répondu ceci :
« Madame la députée Maquet, j'ai entendu vos propos sur la 1re circonscription du Pas-de-Calais, et je suis assez d'accord avec votre analyse. Nous y reviendrons. C'est anormal. Je le déplore pour le Pas-de-Calais, mais aussi pour la Creuse et la Lozère. Un député ne peut pas être tout seul sur un territoire aussi vaste. ».
Encore un effort, monsieur le secrétaire d'État ! Gardons treize circonscriptions dans le Pas-de-Calais, reprenez nos propositions cohérentes de redécoupage. « Un député ne peut pas être seul sur un territoire aussi vaste ». J'espère que vous serez entendu par le Conseil constitutionnel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai le sentiment qu'avec ce projet de loi le Gouvernement a préparé sa petite cuisine entre amis sans tenir compte du goût des Français. Si on n'aime pas la recette, on quitte la table, ou on l'avale de force !
Vous nous avez concocté un menu pour le moins indigeste : gagner coûte que coûte, cela au détriment d'un véritable plan au service des citoyens. Vous ne réformez pas, vous accommodez à votre sauce ! Vous ne découpez pas, vous hachez, vous réservant la part belle du gâteau.
Dans le Gard, le département dont je suis élu, vous taillez à l'UMP une 6e circonscription sur mesure. Géographiquement parlant, elle n'a aucune cohérence : c'est de la pure dentelle. Qu'importe ! Cette enclave dans la 1re circonscription sera un bastion supplémentaire pour l'UMP. Où est la cohérence géographique et démographique quand une circonscription représente un tiers du département et que deux autres s'imbriquent entre elles ?
Monsieur le secrétaire d'État, en politique, il faut avoir du panache, accepter de se battre à armes égales et ne pas truquer le jeu avant la donne. Vous avez fait en sorte que tout soit joué d'avance. Vous vous garantissez un socle de 250 députés tandis que vous nous imposez d'obtenir 51,4 % des suffrages pour avoir une majorité de sièges.
C'est faux.
Dans le Gard, me direz-vous, je devrais être ravi avec ma réserve d'Indiens imprenable, la seule circonscription socialiste du département. Votre objectif est de rassembler tous les cantons de gauche dans une seule et même circonscription pour vous assurer la victoire dans toutes les autres. Vous vous êtes dit : « On lui agrandit sa circonscription, de toute façon ingagnable, comme cela, il se taira ». Mais j'ai passé l'âge de me taire. La politique politicienne, très peu pour moi !
Il y a 353 communes dans le Gard. Ma circonscription en compte 140, soit un gros tiers du département. A contrario, comme l'a brillamment rappelé Bruno Le Roux, la 4e circonscription qui était déjà la plus petite, pour cause de désertification rurale, avec 112 000 habitants, est encore réduite à 110 000, alors qu'elle pourrait, en toute logique, conserver au moins le canton de Bessèges et même celui de Génolhac, ce qui la porterait alors à 119 500 habitants, pour une moyenne départementale de 113 900. Mais non ! Dans votre découpage, pour son plus grand confort, le député UMP perd les deux cantons communistes du bassin minier, ne conservant que les électeurs acquis sa cause.
Pourtant, ce projet de loi, c'est écrit en toutes lettres, est censé résorber de manière significative les écarts démographiques existants. Dans le Gard, votre cuisine interne n'a fait que creuser les disparités. À aucun moment, vous n'avez tenu compte de nos propositions. Pourtant je vous ai fait parvenir sept hypothèses de travail pour conserver cohésion et cohérence sur le terrain. Vous n'avez pas daigné vous inspirer de ces propositions qui me semblent plus justes et plus équitables. Résultat : l'écart de population entre la circonscription la plus peuplée et la plus rurale est de 24 %. Quel bel exemple de cohésion démographique !
Monsieur le secrétaire d'État, je vous le demande : où est la liberté lorsqu'il n'y a plus de transparence ? Où est l'égalité lorsqu'il n'y a plus de concertation ? Où est la fraternité lorsqu'il n'y a plus d'intérêt général ?
Vous avez la mainmise sur les pouvoirs médiatiques et financiers, vous vous apprêtez à dépecer le système judiciaire en supprimant la fonction du juge d'instruction, trop indépendant, et voilà qu'avec ce projet de loi vous faussez le système électoral puisqu'il vous suffira d'obtenir 48,6 % des suffrages pour détenir la majorité.
Cessez donc de faire croire aux Français que vous redécoupez leur territoire pour leur bien, et dans une prétendue transparence ; acceptez de vous battre à la loyale en admettant les règles d'égalité, de justice et d'honnêteté. L'enjeu est de taille : il s'agit de respecter les Français et de les réconcilier avec l'un des plus beaux métiers du monde : la politique au service de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais évoquer la situation de deux territoires particuliers éloignés de la métropole : Mayotte et la Nouvelle-Calédonie.
S'agissant de Mayotte, futur département français, vous proposez la création d'un député supplémentaire au motif qu'il s'agirait de la circonscription électorale la plus fortement peuplée de l'ensemble Français. Pour l'instant, en effet, Mayotte n'a qu'un député pour 186 000 habitants.
Le raisonnement est théoriquement juste. Et pourtant c'est là un raisonnement métropolitain, voire parisien. En effet, le chiffre de la population à Mayotte comprend la population étrangère. C'est aussi le cas, certes, dans les circonscriptions métropolitaines. Mais si dans ces dernières le nombre des étrangers peut atteindre au plus 10 à 15 % de la population, et dans des cas peu nombreux, à Mayotte la situation est quelque peu différente. La population étrangère, si l'on peut l'appeler ainsi compte tenu de ses spécificités, représente près de la moitié des 186 000 habitants : 41 % selon le recensement de 2007. C'est une proportion que l'on ne rencontre pas souvent en métropole…
Il n'y a pas qu'à Mayotte.
Je compare avec la métropole parce que le siège que vous créez à Mayotte, vous l'enlevez à la métropole, puisqu'on raisonne à effectif constant.
Parmi ces étrangers, particularité propre à Mayotte, 60 000 sont – comment dire ? – en situation irrégulière.
Ce sont des sans-papiers.
On ne peut pas parler de « clandestins », comme en France, car ils sont tout sauf clandestins : on peut les voir en allant au marché, en prenant un taxi, au travail dans les champs, sur les chantiers de construction, parmi les personnels de service... On ne peut pas non plus parler de « sans-papiers » parce qu'une partie de ces étrangers en situation irrégulière a des papiers. Faux, certes, mais des papiers quand même ! (Rires.) Alors que certains Mahorais, qui eux sont français, n'en ont pas. Cette situation particulière et étonnante devrait nous poser un problème.
Un autre aspect tout à fait spécifique est que Mayotte est le seul territoire de notre République où coexistent deux états civils, l'un de droit coranique, l'autre de droit commun. À ma connaissance, aucun autre territoire français ne présente une telle particularité. Même en Alsace-Lorraine, il n'y a eu de tout temps qu'un seul état civil.
Cette coexistence est issue de l'histoire de Mayotte et de ses liens avec les Comores, en particulier avec l'île d'Anjouan toute proche, dont les habitants sont culturellement, cultuellement et familialement très proches, ce qui explique la masse de personnes en situation irrégulière. Elle donc très ancienne, certes, mais pose tout de même un problème.
Depuis 2000, le Gouvernement a décidé de régulariser l'état civil et de faire en sorte que chacun puisse en avoir un de droit commun. Une commission de révision de l'état civil a été mise en place, dont le but est de donner à chaque Mahorais un état civil qui permette de l'identifier. Mais cela ne marche pas ! Sans entrer dans les détails, je dirai que cette commission n'est pas dotée des moyens suffisants. J'ai présidé avec Didier Quentin deux missions d'information sur les problèmes de Mayotte et sur ce sujet ; nous avons alerté le Gouvernement, le ministre de l'intérieur et celui de la justice sur la nécessité de donner les moyens au moins en cette matière. Bref, on bricole, alors que la situation exigerait qu'on y mette tous les moyens et que tout le monde ait un état civil dans des délais raisonnables.
La création d'un poste supplémentaire de député à Mayotte pourrait peut-être un jour se justifier, mais aujourd'hui, elle est prématurée. Il serait sans doute préférable d'attendre que la situation en matière d'état civil soit clarifiée pour prendre une telle décision.
Un autre aspect, lié à l'état-civil, ne peut que toucher les parlementaires que nous sommes : il y a lieu de s'interroger sur le degré de fiabilité des listes électorales. En effet, des électeurs inscrits sur ces dernières sous leur nom reçoivent un état-civil de droit commun s'ils le demandent ; mais, comme les systèmes informatiques respectifs des mairies, de la préfecture, de la justice et de la commission de révision de l'état-civil ne sont pas compatibles – c'eût été trop simple ! –, une personne dotée d'un état-civil de droit commun n'est pas automatiquement inscrite sur les listes électorales. Pour l'être, elle doit effectuer la démarche elle-même, et rien ne garantit alors qu'elle ne le sera pas sous deux noms différents…
Dans un système démocratique comme le nôtre, la fiabilité des listes électorales est pourtant absolument fondamentale. Mais le cas de Mayotte est tout à fait spécifique en la matière, alors que le pourcentage d'erreurs ne devrait pas y être plus élevé que dans n'importe quelle circonscription métropolitaine.
Si vous n'aviez pas proposé de créer un siège de député supplémentaire à Mayotte, vous auriez par exemple pu maintenir celui de notre collègue Aurélie Filippetti, ici présente... (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Le Conseil constitutionnel vous aurait opposé, m'objecterez-vous, le fait que Mayotte compte 186 000 habitants. Mais, compte tenu des spécificités démographiques et électorales de ce territoire, que je viens de rappeler, je ne suis pas sûr que le Conseil aurait adopté un point de vue aussi étroit, obtus, parisien et centralisateur. Au demeurant, son président connaît assez bien les problèmes de l'outre-mer et est suffisamment large d'esprit pour comprendre la nécessité de faire une exception pour Mayotte.
Je ne suis donc pas certain que ce choix vous aurait exposé à la censure du Conseil constitutionnel, contrairement à d'autres, qui concernent la métropole et que mes collègues ont évoqués… Peut-être le nouveau délai qui vous est accordé vous permettra-t-il de corriger ce qui me paraît constituer une anomalie d'un point de vue démocratique. En effet, il s'agit naturellement d'empêcher que cette situation ne perdure : si Mayotte doit devenir un département français comme les autres, ainsi que nous le souhaitons tous, puisque c'est ce que veut la population mahoraise, le Gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour instituer un état-civil fiable, préalable indispensable, notamment à la création d'un second siège de député.
En Nouvelle-Calédonie, le problème est quelque peu différent. Vous n'y créez aucun siège supplémentaire ; on en reste donc à deux députés. Il s'agit à mes yeux d'une erreur politique. En effet, le statut de la Nouvelle-Calédonie est déjà sans pareil et sans précédent dans notre République : nous avons créé, moyennant une révision constitutionnelle, une citoyenneté calédonienne – et non une nationalité : la nationalité française demeure. La possession de cette citoyenneté conditionne des droits spécifiques, y compris électoraux, mais aux élections provinciales seulement : ceux qui ne sont pas citoyens calédoniens n'ont pas le droit de participer à ces élections. Les élections nationales ne sont pas concernées.
En outre, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie possède une vocation législative : il vote des lois, comme nous, et certaines de ces lois dites de pays sont directement soumises au Conseil constitutionnel, sans avoir besoin d'être votées par l'Assemblée nationale. Avouez que, dans notre vieux pays centralisé et jacobin, une telle situation est pour le moins surprenante !
J'ajoute que, dans quelques années, le transfert de compétences au Congrès de la Nouvelle-Calédonie et aux provinces calédoniennes sera entièrement achevé dans toutes les matières, à l'exception des domaines régaliens.
Ce territoire pourrait donc être appelé à détenir ce que j'appellerais une souveraineté, qu'il partagera vraisemblablement avec la France, étant donné l'importance respective des populations. Il appartiendra naturellement aux deux grandes communautés, d'origine respectivement européenne et canaque, d'en décider. Pour l'instant, ces communautés ont décidé d'exister, et de se reconnaître mutuellement un droit égal à revendiquer le territoire comme leur – situation bien particulière dans notre histoire coloniale –, s'obligeant ainsi à vivre ensemble et à construire ensemble leur avenir, même si le résultat final fait l'objet de conceptions divergentes.
Mais, d'un point de vue politique, cette situation implique que les deux communautés puissent dialoguer, monsieur le secrétaire d'État, et que la représentation nationale soit régulièrement tenue informée de leurs échanges. Or, aujourd'hui, la représentation parlementaire de la Nouvelle-Calédonie, composée de deux députés et d'un sénateur, est entièrement monocolore – politiquement, s'entend, puisque notre collègue sénateur Simon Loueckhote est d'origine canaque, à la différence de nos deux collègues députés.
Il y a aussi un député européen.
En effet, il y a un député européen, depuis une date plus récente. Vous me pardonnerez cet oubli, qui s'explique par le mode de désignation tout à fait particulier des députés européens outre-mer.
Quoi qu'il en soit, l'avenir du territoire exige que les indépendantistes puissent exprimer leur point de vue ici même. Certes, le résultat des élections ne peut être connu d'avance ; mais vous ne pouvez guère m'opposer ce type d'objections étant donné le découpage que vous proposez, monsieur le secrétaire d'État. Rien de plus facile que de délimiter en Nouvelle-Calédonie une circonscription qui a 99 % de chances d'élire un indépendantiste ; de même que la circonscription de Nouméa a aujourd'hui 99,9 % de chances de désigner un non-indépendantiste.
Vous auriez donc pu tenter de faire cet effort, pour permettre un dialogue indispensable, je le répète, à l'avenir du territoire : un député indépendantiste devrait pouvoir dialoguer avec les administrations françaises et avec nos collègues. Au cours de ce processus dont on ignore l'aboutissement, nous devons permettre à tous les points de vue de s'exprimer, sous peine de nous exposer à des difficultés. Or ce geste serait l'une des conditions du dialogue.
Nous y sommes favorables, monsieur le député !
Pour ma part, en tout cas, j'y suis naturellement favorable, car c'est l'un des moyens – non le seul – de résoudre le problème calédonien.
On m'objectera que le recensement de la population n'a pu avoir lieu aux dates normales en Nouvelle-Calédonie et que celui qui fait référence n'est pas très satisfaisant. Précisons que, selon les chiffres fournis très récemment par l'institut de statistiques de Nouvelle-Calédonie, la population municipale avoisine 250 000 habitants, c'est-à-dire le seuil requis. Néanmoins, là encore, des accommodements raisonnables – pour parler comme les Québécois – devraient être envisageables : l'avenir de la Nouvelle-Calédonie étant en jeu, et compte tenu des incertitudes du recensement, une différence de 1 000 ou 2 000 habitants ne devrait pas empêcher la création d'un nouveau siège.
En somme, à Mayotte, la création d'un siège supplémentaire constitue à mes yeux une erreur politique, car les conditions nécessaires ne sont pas satisfaites – à l'heure actuelle, du moins : je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés, notamment par les Mahorais. En Nouvelle-Calédonie, en revanche, c'est en ne créant pas de nouveau siège que l'on commet une erreur politique, et en ne procédant pas au découpage qui permettrait à un élu indépendantiste de contribuer activement à bâtir l'avenir du territoire.
Monsieur le secrétaire d'État, j'appelle à nouveau votre attention sur ces deux points, plus fortement que je ne l'avais déjà fait. Puisque l'occasion vous est donnée de revoir votre copie, peut-être pourriez-vous y réfléchir, sans attendre une troisième version issue peut-être de la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Bis repetita placent, monsieur le secrétaire d'État ! Je ne m'étendrai pas sur les circonstances qui nous conduisent à examiner à nouveau, après son rejet par le Sénat, un texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.
Si ce texte a bien fait l'objet d'une erreur humaine, celle-ci ne vient pas du Sénat, mais du Gouvernement, qui veut imposer un projet que nombre de parlementaires de la majorité refusent eux-mêmes d'assumer. Nos débats en commission des lois l'ont montré avec suffisamment de clarté.
Monsieur le secrétaire d'État, le « déraillement » de votre texte au Sénat a eu le mérite de vous contraindre à mettre une nouvelle fois en lumière devant notre assemblée, donc devant les Français, les absurdités et les injustices d'un charcutage électoral effectué sans vergogne dans plusieurs départements au profit d'un seul et unique parti, l'UMP, et surtout de certains de ses membres.
Comme nous condamnons les lois pro domo, nous refusons de voir ainsi favoriser certains de vos députés au détriment d'autres, en particulier dans mon département. Nous refusons de voir encourager les plus dociles et châtier les récalcitrants en même temps que vous tentez d'empêcher l'opposition.
Je vais vous rappeler les distorsions qui résultent de votre projet de redécoupage et la manière irrespectueuse pour notre Assemblée dont vous avez mené jusqu'ici les débats. J'illustrerai ensuite mon propos avec un exemple – qui m'est cher – devenu l'archétype de l'iniquité de ce redécoupage, celui du département de la Moselle.
Mes chers collègues, utilisons aujourd'hui l'occasion qui nous est donnée de corriger les dérives de ce redécoupage, notamment en ce qui concerne les quarante-quatre départements où la délimitation des circonscriptions ne respecte pas les exigences constitutionnelles d'équilibre démographique.
D'ailleurs, pas plus que vous ne respectez la Constitution, monsieur le secrétaire d'État, ce qui vaudra au Gouvernement, nous l'espérons, un nouveau camouflet avec la censure prévisible de ce texte, pas davantage n'avez-vous respecté les propositions convergentes de la commission consultative du redécoupage électoral et du Conseil d'État ! Dans vingt-et-un cas au moins, vous êtes passé outre.
Je vous comprends, monsieur le secrétaire d'État : prendre en compte leurs remarques pertinentes n'aurait pas permis de mener tranquillement à bien vos finalités partisanes comme vous l'avez fait pour protéger en Moselle certains députés UMP que vous pensez en danger. Comme ma collègue Marie-Jo Zimmermann, j'illustrerai la dérive de ce projet de loi pro domo, au profit d'un seul, en rappelant que le lendemain même de la publication de l'avis de la commission de contrôle au Journal officiel, le samedi 27 juin 2009, le député de Metz 1, François Grosdidier, convoquait une conférence de presse pour faire la déclaration suivante : « Dès lundi, nous rectifierons les choses. Il est clair que le Gouvernement ne tiendra pas compte de la position de la commission. » Voici la preuve que ce projet de loi était fait, en ce qui concerne mon département en tout cas, au profit d'un seul.
Au passage, ce redécoupage rend plus inquiétants encore les projets à venir, notamment ceux concernant le mode de scrutin à un tour pour l'élection des conseillers territoriaux, dont les circonscriptions devront respecter les limites des nouvelles circonscriptions législatives.
Comment ne pas voir dans ces manoeuvres la fabrication d'un véritable bouclier électoral pour une majorité fragilisée par deux années de politiques iniques ?
Venons-en maintenant à l'attitude systématique du Gouvernement depuis le début de l'examen de ce texte. Monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez eu de cesse de communiquer sur le caractère prétendument transparent de la procédure. Dès lors, comment interpréter votre volonté permanente de mettre nos débats sous l'éteignoir ?
Je garde en mémoire les divers artifices de procédure utilisés dans cet hémicycle pour empêcher un véritable débat en première lecture. Pourquoi ne pas avoir laissé se dérouler normalement les discussions, au lieu d'utiliser la procédure prévue par l'article 44 de la Constitution pour imposer un vote bloqué, puis en reportant le vote à la semaine suivante, ce qui vidait le débat de tout son sens ?
Il est vrai que c'est désormais l'une des marques de fabrique de ce Gouvernement qui n'a de cesse de vider de leur contenu les droits attribués au Parlement en général et à l'opposition en particulier.
Je vois comme un avertissement dans le fait que certains députés de la majorité présents en séance aient, eux aussi, regretté votre manière de faire. Le Président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, lui-même, a eu l'occasion de déplorer dès le lendemain le fait que le Gouvernement utilise abusivement la procédure du vote bloqué. Pardonnez-moi les propos désagréables que je tiendrai à l'égard du Gouvernement, mais ils me semblent nécessaires pour dénoncer certaines pratiques. Je vous invite, monsieur le secrétaire d'État, à méditer cette maxime de La Rochefoucauld : « Flatter les princes pour les vertus qu'ils n'ont pas, c'est leur dire impunément des mensonges. »
Le principal vice de ce projet est de répondre, dans le cas de la Moselle, à l'intérêt d'un seul des députés de la majorité, celui de la circonscription de Metz 1, et non à des considérations d'intérêt général.
Alors que la démographie est en faveur du nord du département de la Moselle – plus dynamique – partagé entre la circonscription de mon collègue Michel Liebgott et la mienne, c'est là que vous avez sabré, en préservant les circonscriptions du sud et de l'est, pourtant beaucoup moins peuplées et moins dynamiques démographiquement.
C'est donc pour créer une martingale électorale que vous avez fourni des chiffes erronés à la commission de contrôle du redécoupage électoral. Voilà pour le mensonge.
C'est une erreur de l'INSEE.
Plus précisément, vous avez considérablement sous-évalué la population concernée par le charcutage effectué à l'intérieur du canton de Metz 3. Vous avez d'ailleurs été obligé de le reconnaître dans votre réponse à la question écrite n° 54248 de notre collègue sénateur Jean-Louis Masson, publiée au Journal officiel en octobre dernier.
La commission consultative a donc délibéré sur un projet comportant des chiffres gravement inexacts qui en minimisaient les incohérences démographiques.
Pourtant, une égalité démographique parfaite – avec moins de 1 % d'écart par excès – était accessible pour la troisième circonscription. Soyons précis, pour que chaque citoyen puisse lui-même constater la manipulation : votre ordonnance transfère les onze bureaux de vote suivants : 301, 302, 321, 322, 323, 331, 332, 333, 341, 342 et 343. Pour arriver à l'égalité, il suffisait de ne transférer que les sept premiers de ces onze bureaux de vote. Malheureusement pour vous, les quatre derniers bureaux de vote sont les plus à droite. Ce sont donc ceux que vous vouliez absolument rattacher à la première circonscription pour tenter de faire gagner François Grosdidier coûte que coûte. Voilà pour la partie tripatouillage.
En l'état, le texte obéissait donc à une logique doublement partisane, contre l'opposition d'un côté, contre une députée de votre camp beaucoup moins en cour que le député de la circonscription de Metz 1 de l'autre. L'adoption en commission des lois, à la fin du mois de décembre 2009, de l'amendement de notre collègue flouée, Marie-Jo Zimmermann, soutenu par plusieurs députés de votre majorité, est venu corriger l'une des manipulations les plus ouvertement scandaleuses de ce texte. Est-il besoin de vous rappeler que seuls les électeurs ont le droit de décider qui sera leur prochain député et que les règles du jeu démocratique ne sauraient être détournées pour permettre à un élu de pratiquer un hold-up démocratique ?
En Moselle, le rééquilibrage démographique global fait passer le nombre des circonscriptions de dix à neuf.
Le choix vous avait semblé assez facile : supprimer une circonscription détenue par une élue de gauche, une des deux seules circonscriptions de gauche du département. Monsieur le secrétaire d'État, nul doute que ce choix eût été moins aisé si le 17 juin 2007 le candidat UMP, mon concurrent, l'avait emporté dans la huitième circonscription de Moselle, comme pouvaient le laisser prévoir les résultats de l'élection présidentielle.
Je continue pour ma part de penser que dans cette hypothèse le redécoupage n'aurait pas eu la même physionomie. Vous pourriez me rétorquer que je me livre à mon tour ici à une interprétation partisane et pro domo de la situation. Aussi, je ne résiste pas au plaisir de citer notre collègue sénateur Jean Louis Masson, qui a tenu des propos sans ambiguïté devant la Haute assemblée le 14 décembre dernier : « Sans qu'il y ait aucune justification démographique, vous avez procédé à un incroyable charcutage à l'intérieur de la ville de Metz, la finalité étant d'empêcher la députée socialiste Aurélie Filippetti de se reporter sur la région messine. En effet, sa circonscription de Rombas-Bouzonville étant dépecée, vous voulez en plus l'éliminer complètement, la tuer politiquement. Par contrecoup, la députée UMP Mme Marie-Jo Zimmermann est une victime collatérale de cette manoeuvre. »
Sa conclusion était lapidaire, je la cite : « Le caractère partisan de ce charcutage est flagrant ».
Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais pour conclure faire une comparaison historique. Vous me pardonnerez l'immodestie de cette comparaison avec une reine de France et d'Écosse, son caractère incongru, du haut de cette républicaine tribune qui sera aujourd'hui pour moi comme un billot ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À l'instar du bourreau de Marie Stuart, il vous aura fallu vous y prendre à deux fois pour me trancher la tête. (Mêmes mouvements.)
Ce serait dommage !
Je ne vous demande pas pourtant, comme le fit il y a quatre cents ans le bourreau de Marie Stuart, de vous mettre à genoux devant moi pour implorer pardon pour l'acte que vous tentez d'accomplir.
J'en suis capable, mais uniquement pour vous ! (Sourires.)
Je vous demande simplement de respecter la Constitution, les Français et leurs représentants en retirant un projet partisan qui n'est pas à votre honneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis la première lecture, il y a des invariants et des nouveautés dans notre débat. Aurélie Filippetti a parlé de billot, je parlerai pour ma part de hache.
Votre rôle dans ce projet de loi, monsieur le secrétaire d'État, m'a fait penser à celui de Fouquier-Tinville, l'accusateur public du tribunal révolutionnaire. Lors de son procès, il avait déclaré : « Je ne suis qu'une hache. Peut-on condamner une hache ? » Or il me semble, monsieur le secrétaire d'État, que vous êtes aujourd'hui celui qui tient la hache.
Les invariants de notre débat sont connus : vous redécoupez les circonscriptions législatives en fonction des députés de la majorité actuellement élus que vous souhaitez voir reconduits ; on vient de citer le cas particulièrement éloquent de la Moselle. Pour ce qui concerne l'opposition, vous choisissez les uns ou les autres parmi vos adversaires, tant et si bien que certains ont parlé de « maquignon électoral ». J'ai moi-même employé cette expression lors de la première lecture, particulièrement appropriée pour la Seine-Saint-Denis où vous supprimez un député pour en ajouter un autre qui représentera nos concitoyens établis en Suisse. Tels sont vos choix !
Par ailleurs, vous fuyez le débat démocratique. Nous n'obtenons quasiment aucune réponse aux questions que nous vous posons. Vous n'avez même pas répondu à notre collègue Bruno Le Roux qui vous interrogeait sur des faits précis.
Selon vous, ce découpage électoral devrait être voté les yeux fermés. Les débats de l'Assemblée nationale ne servent à rien. Telle est sans doute votre conception de l'hyper Parlement ; ce n'est sûrement pas la nôtre. Aucun de vos choix ne peut être amendé. Ni la méthode de la tranche, alors que nous attendions des précisions sur les distorsions qu'elle entraîne. Ni le choix même de cette tranche : 125 000 habitants pour un député – très éloignée, de 11%, de la circonscription idéale de 113 000 habitants. Ni encore la répartition par département et à l'intérieur des départements. Pour vous, rien n'est discutable car vous considérez que tout est ficelé d'avance, négocié par la seule UMP.
Comme M. Éric Woerth sur un autre point, vous êtes adepte du mélange des genres, des responsabilités. Votre hôtel Bristol à vous – vous en avez démissionné – c'est le clan des affidés du pouvoir. Vous voulez préserver, à coup sûr, un certain nombre de députés fidèles au Président de la République, en tant qu'expert électoral de l'UMP ce que vous n'êtes plus en titre, mais que vous êtes en fait. C'est là une pratique d'un pouvoir assez discrétionnaire et bien éloigné de la République moderne du XXIe siècle, dont nous avons tous besoin. Voilà pour les invariants.
Nous avons déjà parlé des nouveautés : le recensement, le vote intervenu au Sénat et les débats de la commission des lois du 22 décembre dernier, où un certain nombre de vos arguments ont été battus en brèche par des faits ou des décisions.
Les exigences constitutionnelles concernant le recensement ont été rappelées. Le découpage électoral de nos circonscriptions législatives devrait se faire sur des bases essentiellement démocratiques. Pourquoi n'avez-vous pas pris en compte les populations légales définies depuis le 1er janvier 2010, puisque la procédure n'est pas terminée ? Pour le département de Seine-Saint-Denis, dont je suis l'élu, la population légale est de 1 502 340 habitants. Nous avons passé le cap des 1,5 million d'habitants et nous entamons une nouvelle tranche – c'était votre choix, même s'il est contestable. Avec 12,01 députés, la treizième tranche étant entamée, nous devrions donc pouvoir garder treize députés dans notre département. Ce n'est qu'un exemple. Mais dans ce département comme dans bien d'autres, nous vous demandons de prendre en compte le recensement le plus récent, puisque nous n'avons pas achevé la procédure législative. C'est ce à quoi, à coup sûr, le Conseil constitutionnel, si vous ne nous écoutez pas, sera attentif.
Monsieur le secrétaire d'État, vous ne saisissez pas l'occasion qui vous est offerte dans la poursuite du débat, d'effacer vos échecs successifs précédents : la non prise en compte des modifications proposées par la commission Guéna, la non prise en compte d'un certain nombre de remarques du Conseil d'État, le vote des sénateurs et, je le répète le vote de la commission des lois du 22 décembre dernier.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez essayé de répondre hier sur l'argument du recensement. Vous avez dit : « Si nous devions en tenir compte, la tranche devrait être égale à environ 126 000 habitants. » Il faut être précis. Que signifie le mot « environ » ? Il pourrait revêtir, en l'espèce, de nombreuses déclinaisons, suivant les départements, ce qui prouve que vos choix : « 125 000 » ou « environ 126 000 » sont arbitraires et ne correspondent à aucun fait précis. Votre dernier choix « environ 126 000 habitants » est tout à fait contestable.
Pourquoi devrait-on changer la tranche puisque le chiffre de 125 000 habitants qui représente la tranche retenue dans votre projet de loi est arbitraire et éloigné des 113 000 habitants que serait la circonscription idéale.
C'est la moyenne haute. Cela fait remonter le coefficient !
Nous voyons que tout cela ne repose sur aucun fait précis et qu'il s'agit bien d'un choix arbitraire et constitutionnellement contestable. Rassurons-nous, selon le proverbe : « Bien mal acquis ne profite jamais » !
Le 4 mai 2009, j'ai appelé votre attention sur la situation du département de Seine-Saint-Denis. J'espérais que nous pourrions ainsi discuter bien en amont du débat parlementaire. Cela n'a pas été possible. J'ai eu la joie de recevoir une réponse à mes questions, le 14 octobre, soit le lendemain de la fin de la discussion en première lecture à l'Assemblée nationale. Votre réponse est très intéressante. En ce qui concerne le département de Seine-Saint-Denis – dont trois élus sont présents ce matin, ce qui prouve un certain intérêt –, vous m'avez répondu que votre découpage n'était pas contestable parce que la délimitation des circonscriptions retenue pour notre département, loin d'avantager l'UMP, maintenait la représentation équilibrée que l'on peut y constater aujourd'hui ».
Monsieur le secrétaire d'État, nous ne vous demandons pas de maintenir une représentation équilibrée, sauf à penser que vos préoccupations étaient de tenir compte d'une représentation équilibrée et non de critères objectifs que vous avez prétendu vouloir respecter. C'est donc bien sur des bases politiques que vous avez procédé à ce redécoupage – vous l'écrivez vous-même – et non sur des bases démographiques.
J'ai utilisé pour le département le terme de « Yalta électoral », parce que vous êtes partisan pour la Seine-Saint-Denis d'un retour à une conception et à une vision des années soixante – nous ne pouvons vous en vouloir – à une époque où le territoire était partagé entre gaullistes et communistes, afin que la Seine-Saint-Denis soit une variable d'ajustement d'intérêts nationaux, en préservant un certain nombre de bastions – ceux de l'UMP, ceux du Nouveau Centre et ceux du parti communiste. C'est ce qu'a écrit notre collègue François Asensi, qui a parfois la dent dure à l'égard du parti socialiste. Il a cité la circonscription dont je suis député. Il pense que le rattachement de la ville de La Courneuve à la circonscription du Blanc-Mesnil, au terme d'un accord passé entre le parti communiste et le secrétaire d'État M. Marleix est inacceptable. Je tiens ce document à votre disposition, mais je pense que vous l'avez déjà. Vous voyez donc que les reproches émanent de divers bancs de notre hémicycle.
Monsieur Marleix, vous avez avancé, lors de la discussion en première lecture en octobre dernier, un certain nombre de critères pour le redécoupage électoral.
Ces critères sont au nombre de quatre. Premièrement, le critère démographique : il s'agit des écarts de population entre les différentes circonscriptions. Deuxièmement, vous partez des circonscriptions les moins peuplées pour redécouper. Troisièmement, l'unité des cantons. Quatrièmement, l'unité des communes.
Dans votre projet, vous vous affranchissez de ces quatre critères.
Les équilibres démographiques : la circonscription de M. Patrice Calméjane est très « distordue » en termes de nombre d'habitants par rapport aux autres circonscriptions que vous proposez. Vous ne tenez pas compte dans le redécoupage des circonscriptions de celles qui étaient le moins peuplées à l'origine, puisque les deux parlementaires les plus « touchés » par votre projet sont Claude Bartolone et moi-même, alors que nous sommes élus des circonscriptions les plus peuplées du département.
En cela, vous ne tenez pas compte des assurances que nous avait données M. Canépa, préfet de la région Île-de-France, qui nous avait répondu : « Un objectif de proportionnalité amène à ne pas modifier les limites des circonscriptions législatives lorsque ces circonscriptions ont une population proche de la moyenne. Le projet présenté par le Gouvernement ne cherchera pas à modifier ce qui n'a pas à l'être au regard du critère démographique. » M. Canépa ne peut être soupçonné d'être favorable aux arguments que je défends et étranger à un souci d'objectivité.
En ce qui concerne l'unité des villes. Nous ne comprenons pas pourquoi vous avez découpé la ville de Bondy, qui ne l'est pas et qui ne l'a jamais été, entre plusieurs circonscriptions. Cet objectif que vous avez fixé n'est pas réalisé dans votre projet de découpage électoral.
Pourquoi ne pas revenir – vous mettez cet objectif en avant – sur le découpage en trois circonscriptions du canton du Bourget, qui appartient partiellement à ma circonscription ?
Ces exemples précis, techniques montrent que sur les quatre critères que vous avez mis en avant aucun d'entre eux n'est respecté dans votre projet de découpage électoral. Votre seul objectif, je le répète, est de conforter certains élus en place que vous choisissez.
Monsieur Marleix, je vais citer vos propos, comme je l'avais fait en première lecture, parus dans Le Figaro Magazine du 17 octobre 2009 – journal qui ne peut mentir ! – : « Le secrétaire d'État est déçu du manque de pugnacité des socialistes sur son projet de redécoupage électoral. Au fond, les socialistes ne râlent pas tant que cela. On n'a touché à aucune star du parti socialiste. » Monsieur le secrétaire d'État, je ne pense pas que vous contesterez cette phrase. Vous avez donc choisi – je ne souhaite pas forcément être une star – un certain nombre d'élus que vous souhaitez préserver, ici ou là.
Dans notre département de Seine-Saint-Denis, aucun redécoupage électoral ne permet de vérifier les quatre critères que vous mettez en avant : l'équilibre démographique, le redécoupage en partant des circonscriptions les moins peuplées, l'unité des villes et l'unité des cantons. J'avais déjà développé ces arguments lors de l'examen en première lecture, mais je n'ai obtenu aucune réponse. Je voudrais donc détailler notre proposition concernant la Seine-Saint-Denis.
Je le répète : je pense que le département de Seine-Saint-Denis pourrait avoir treize députés,…
Garder, c'est juste !
…à partir de 2012.
Si nous partons du chiffre de douze députés, nous vous proposons d'améliorer votre texte, afin de vous aider à mieux respecter les critères que vous avez vous-même mis en place.
Vous faites douze propositions de circonscriptions. Nous pensons qu'il faut en garder six inchangées. Pour les six autres, que je vais évoquer, nous vous proposons d'organiser les cantons différemment – vous pourrez apprécier la justesse de nos arguments.
La quatrième circonscription comporterait les cantons d'Aubervilliers-Est et Ouest ainsi que celui de La Courneuve ; la cinquième : le canton du Bourget, de Drancy et de Stains ; la sixième : les cantons de Bobigny, Les Lilas, Pantin-Est et Ouest ; la huitième : ceux de Gagny, Pavillons-sous-Bois, Rosny et Villemomble ; la neuvième : les deux cantons de Bondy, le canton de Noisy-le-Sec et le canton de Romainville ; la dixième : les deux cantons d'Aulnay-sous-Bois et celui du Blanc-Mesnil.
Nos propositions respectent les critères que vous prétendez vouloir mettre en place. Nous parvenons mieux que vous à respecter et abaisser l'écart maximal entre les différentes circonscriptions. Le projet de découpage part des circonscriptions les moins peuplées, ce qui est le cas de la quatrième circonscription actuelle qui compte 96 000 habitants. Nos propositions maintiennent l'unité de tous les cantons ; de ce fait, votre critère d'unité des cantons est respecté, notamment pour le canton du Bourget, qui est, aujourd'hui, à cheval sur trois circonscriptions.
Nos propositions maintiennent au mieux l'unité des communes et reviennent sur le découpage de Bondy, d'Aulnay-sous-Bois, ou même d'Aubervilliers – ces deux dernières hypothèses avaient été envisagées un moment – sur plusieurs circonscriptions.
Je pense donc que ma proposition répond au mieux à l'ensemble des critères sur lesquels vous vous étiez fondés et que vous vouliez mettre en place pour avancer.
J'avais parlé, lors de la première lecture, de « forfanterie démocratique et de supercherie électorale ». C'est toujours le cas dans votre projet actuel. En effet, 50 % des électeurs se prononçant pour les partis de l'actuelle opposition à l'élection législative de 2012 ne permettraient pas d'obtenir une majorité à l'Assemblée nationale. Cela a été parfaitement démontré, hier, par Bruno Le Roux. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, comme dans bien d'autres, je viens de vous démontrer qu'un meilleur découpage que celui que vous proposez est possible.
Je voudrais terminer mon propos, comme je l'ai commencé, en évoquant Fouquier-Tinville. Il accueillait les juges et les jurés, il choisissait la salle des procès, il rédigeait les actes d'accusation – il existe une certaine similitude, en tout cas pour les départements dont nous sommes les élus. Il fit appliquer la loi, il reçut les bourreaux, il fixa le nombre de charrettes et de condamnés et il rendit compte au Comité de Salut public.
Mais ce que l'on sait moins – sans établir un parallèle trop facile –, c'est qu'il devait être surveillé par un comité indépendant lors du tribunal révolutionnaire – une commission des six. Mais cette commission des six n'a pas forcément, là aussi, joué tout son rôle.
Fouquier-Tinville déclara, lors de son procès – n'y voyez pas malice, monsieur le secrétaire d'État – : « Ce n'est pas moi qui devrait être traduit ici, mais les chefs dont j'ai exécuté les ordres. Je n'ai agi qu'en vertu des lois portées par une Convention investie de tous les pouvoirs. Et par l'absence de ses membres, je me trouve le chef d'une conspiration que je n'ai jamais connue. Me voilà en butte à la calomnie, à un peuple toujours avide de trouver les coupables. Je meurs » – ce n'est pas ce que je vous souhaite, monsieur le secrétaire d'État – « pour ma patrie et sans reproche. Je suis satisfait, car plus tard, on reconnaîtra mon innocence. »
Considérant le destin réservé dans l'histoire à Fouquier-Tinville, je n'en suis pas convaincu. Je vous souhaite un meilleur sort. Comme je le précisais au début de mon propos, « Peut-on condamner une hache ? » selon le mot de Fouquier-Tinville. Je ne sais pas si notre assemblée condamnera la hache que vous portez et que votre texte représente, mais je suis sûr que le Conseil constitutionnel le fera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel impose une nouvelle répartition des sièges et des limitations des circonscriptions pour l'élection des députés devenues nécessaires, puisque figées depuis 1986, alors que la population a considérablement augmenté. Il n'est donc, de ma part, aucunement question de remettre en cause le passage de six à cinq circonscriptions dans le département de la Somme, sa population s'avérant stable depuis la dernière révision, sans suivre la progression nationale.
Dans ce département, lors des dernières élections législatives de 2007, 107 voix seulement sur plus de 251 000 séparaient la droite de la gauche au second tour avec néanmoins, comme résultat, l'élection de quatre députés de droite sur six. Dans l'hypothèse où l'ordonnance serait ratifiée en l'état, ces mêmes résultats de 2007 mèneraient à l'élection de quatre députés de droite sur cinq en dépit d'un nombre de voix quasiment identique. Il n'est pas inutile de rappeler que, dans le département, le conseil général et les grandes villes comme Amiens, Abbeville et Péronne sont détenus par la gauche.
L'anomalie démocratique qui remonte à 1986 se trouve confortée et même amplifiée par la création d'un vrai bouclier électoral obtenu par un véritable tripatouillage, choquant au point que la quasi-totalité des médias nationaux se sont emparés du dossier.
« De la dentelle électorale cousue de fil blanc », selon Le Canard enchaîné que je cite encore : « La Somme est un pur chef-d'oeuvre. La 1ère circonscription, fief de Maxime Gremetz, hérite de frontières encore plus acrobatiques que celles décidées en 1986 par Charles Pasqua, qui était pourtant expert en coups de ciseaux. Ce territoire concentre désormais 70 % des HLM de la Somme. Avantage de la manoeuvre : dans un département où la gauche détient 55 % des cantons, l'UMP… » – et c'est, là, une erreur, je dirai, pour ma part, la droite – «…est quasiment assurée de rafler les quatre sièges restants. Avec d'autres découpages très artistiques, comme en témoignent les contours de la 4ème circonscription… » D'autres médias aussi variés que Le Figaro, La Croix, Le Monde, BFM TV ou C dans l'air font tous la même analyse.
Selon l'avis de la commission Guéna : « le découpage proposé fait apparaître une géographie d'une grande complexité » ; une « patte de crabe » puisque les points extrêmes de cette circonscription sont éloignés de 100 kilomètres. À lui seul, le choix de supprimer une circonscription de taille moyenne – je ne dirai pas la mienne, mais celle dont je suis l'élu – alors que d'autres étaient bien moins peuplées, ce choix peut déjà porter à contestation.
Toute la population, tous les analystes ont perçu que le but ultime de l'opération consistait à renforcer une situation favorable à la majorité actuelle et à réduire au maximum le risque d'alternance politique en confortant les cinq sortants : quatre de droite et un de gauche.
Le travail de dentelle du dépeceur a abouti à la création d'une circonscription aberrante, la première, qui englobe la moitié d'Amiens – première ville du département – et Abbeville – deuxième ville – dans sa totalité. Vous avez réussi l'exploit de regrouper en une seule circonscription presque tous les cantons composant les seules circonscriptions du département détenues par la gauche. La majeure partie des populations du département situées en zone urbaine sensible se retrouveraient dans cette première circonscription, qui concentrerait également, je l'ai déjà précédemment souligné, 70 % du parc de logements sociaux et les populations les plus touchées par les problèmes d'emploi et dont les conditions sociales sont les plus difficiles de la Somme. Goodyear, Valeo, Vénilia, Sièges de France, entreprises disparues ou en grande difficulté, sont connues de tous.
Cette circonscription est aussi une incohérence géographique et territoriale, une indécence historique, une anomalie sociologique, une absurdité institutionnelle et administrative, une incohérence culturelle, économique et un cynisme politique. La ville d'Abbeville, chef-lieu d'arrondissement au coeur du pays des trois vallées et d'un futur parc naturel régional, capitale de la Picardie maritime – que vous avez pu admirer hier soir dans le cadre de l'émission Des racines et des ailes – porte d'entrée de la baie de Somme, l'une des plus belles baies du monde, se retrouverait ainsi coupée de tous ces territoires, dans une situation de dépendance et quasiment annexée par la capitale amiénoise. C'est la négation de la notion de « bassin de vie ». Le futur député serait, ainsi, celui des deux plus grandes villes du département, situées à quarante-cinq kilomètres l'une de l'autre, comptant respectivement 130 000 et 25 000 habitants. C'est une incohérence totale ! Abbeville et sa région ont déjà perdu la Banque de France, le tribunal de grande instance, des menaces pèsent sur son hôpital et sa sous-préfecture. La population n'admet pas ce charcutage qui aboutirait à la suppression de la circonscription et à la disparition de son député. Il n'est pas incongru de dire qu'elle pense que c'est encore un peu plus de service public qui disparaîtrait dans la continuité des attaques subies depuis quelques années. Choquée, elle a réagi en se mobilisant, en signant en force une pétition dénonçant ce projet. De même, de nombreux conseils municipaux ont voté, très souvent à l'unanimité, et quelle que soit leur majorité politique, une motion demandant le retrait de la proposition. La population unanime est scandalisée par ce tripatouillage partisan, ce bidouillage dont elle perçoit bien l'objectif. Il y a trop de cohérence dans l'acharnement destructeur contre la deuxième ville du département, pour ne pas s'interroger sur le point de savoir qui en veut autant à Abbeville !
Et que dire de la future 4ème circonscription aux formes si étranges, si particulières, aux frontières acrobatiques, sans cohérence, avec une continuité territoriale limite, qui prend en tenaille trois autres circonscriptions, et dont le seul objet est de conforter le député actuel par l'adjonction de trois cantons de droite ?
Le constat est le même pour la future 3ème circonscription qui s'agrandit de deux cantons de droite supplémentaires.
Non, comme le dit la commission Guéna « la géographie très complexe » du redécoupage prévu dans le projet d'ordonnance n'est en rien justifiée par la recherche de l'équilibre géographique entre les cinq circonscriptions du département. Les résultats électoraux des cantons en cause ne laissent aucun doute sur la motivation de ces choix géographiques incohérents.
Monsieur le secrétaire d'État, seuls des objectifs politiques évidents et de petits arrangements entre amis ont guidé les ciseaux des auteurs de ce découpage que tous s'accordent à dénommer charcutage ou même tripatouillage et à qualifier de partisan et de partial.
Absolument.
Notre collègue Daniel Godberg a employé le terme de « Yalta » pour illustrer l'esprit qui a prévalu au découpage du département de Seine-Saint-Denis. Je pense que ce terme convient aussi parfaitement à celui de la Somme. La démocratie politique n'en sort pas grandie et ne soyez pas surpris si l'abstention progresse encore en réponse à ce qui est une atteinte au suffrage universel et à ce qui ternit encore un peu plus l'image de la classe politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
Au terme de cette discussion générale, j'apporterai une réponse à chacun des intervenants qui se sont exprimés depuis le début de ce débat.
Je répondrai tout d'abord à M. Bruno Le Roux.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Enfin !
Son intervention s'est avérée très brillante dans la forme, même si je n'en partage pas les conclusions.
Vous nous avez dit, monsieur Le Roux, que nous n'avions pas débattu. Qu'avons-nous fait pendant les quatre séances consacrées à ce texte en octobre dernier ? J'ai fait établir des comptes. Ainsi, entre l'examen de la loi d'habilitation et le débat sur l'ordonnance, que ce soit lors des réunions des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat ou lors des séances plénières dans les deux assemblées, nous aurons approché les 100 heures ! Je n'ai pas le souvenir – j'ai fait procéder à des recherches dans des ouvrages – que, lors des précédents redécoupages, dont celui de 1986, on ait consacré autant de temps au débat parlementaire !
Vous vous êtes appuyé, monsieur le député, sur cinq motifs justifiant, selon vous, l'atteinte portée par l'ordonnance aux principes constitutionnels. Vous avez, tout d'abord, cité les vices de procédure. La commission de contrôle et le Conseil d'État n'en ont relevé aucun dans le découpage desdits départements. Le Conseil d'État n'a, de plus, jamais demandé qu'une navette – mot que vous avez employé – soit mise en place avec la Commission nationale dite « commission Guéna ». S'agissant de l'illégalité du découpage dans son ensemble, chaque département a été étudié, contrairement à ce que vous avez affirmé. J'en veux d'ailleurs pour preuve que vingt-cinq d'entre eux – et non pas douze, comme nous l'avions initialement envisagé – ont fait l'objet d'un remodelage.
Selon vous, la méthode de la tranche ne serait pas la meilleure. Votre argumentation ne m'a pas convaincu. Cette méthode aurait pu tout aussi bien s'appliquer au découpage de 1986. Je crois d'ailleurs que l'on pourrait en discuter à l'infini sans parvenir à se convaincre. Vous me semblez, en tout cas, faire preuve de beaucoup d'assurance dans la future décision du Conseil constitutionnel. Il me semble que la décision du 8 janvier 2009 ne retenant aucun de vos griefs – comment ne pas le rappeler ? – et censurant des dispositions que vous n'aviez aucunement critiquées au départ devrait vous inciter, messieurs, à un peu plus de prudence !
Vous avez, troisièmement, évoqué, monsieur le député Le Roux, le cas des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. La proposition que nous avons retenue les concernant a été autorisée par le Conseil constitutionnel dans la décision que je viens d'évoquer.
Vous avez à nouveau dénoncé le prétendu recul démocratique que constituerait le découpage sans apporter aucun élément probant. J'observe d'ailleurs que vos chiffres sur les effets du redécoupage varient quelque peu d'une lecture à l'autre, ce qui révèle, au minimum, une petite fragilité dans votre raisonnement.
La démocratie consiste-t-elle, en 2010, à conserver un découpage basé sur un recensement de 1982 ? Cela me paraît aberrant. Aucun pays au monde ne tolérerait une telle situation !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Nous n'avons jamais demandé cela !
Vous avez, enfin, évoqué le cas de plusieurs départements en regrettant l'ampleur des écarts démographiques. Vous avez cité le « considérant 26 » de la décision du Conseil constitutionnel sans préciser qu'il reprenait exactement les termes de la décision de 1986, laquelle l'avait ensuite conduit à valider des découpages présentant des écarts beaucoup plus importants.
Puis-je vous remarquer, en outre, que vous n'avez pas mentionné, pour étayer votre démonstration, des départements où les écarts sont pourtant très comparables à ceux que vous avez dénoncés ? Sans doute cela est-il dû au hasard ! Je pense, par exemple, aux Bouches-du-Rhône, à la Loire, à la Loire-Atlantique, au Nord, au Bas-Rhin, à Paris, au Vaucluse. Je pourrais en citer d'autres. Vous n'avez d'ailleurs évoqué que dix-neuf départements sur les soixante-sept qui ont été modifiés. Je me permets de vous rappeler que ces découpages ont été examinés par une commission indépendante composée de magistrats et par le Conseil d'État sans que les défauts évoqués aient été le moins du monde dénoncés par ces instances.
Enfin, monsieur le député Bruno Le Roux, l'amendement adopté par la commission des lois relatif à la Moselle n'apporte pas un meilleur découpage que celui figurant dans l'ordonnance.
J'y reviendrai. Vous le savez bien, et la commission l'a elle-même reconnu dans son avis : l'équilibre démographique obtenu avec l'ordonnance est meilleur que celui résultant de cet amendement.
M. Jean-Paul Lecoq, au nom du groupe communiste, ayant dit lui-même qu'il reprenait les trois arguments qu'il avait exposés en défendant la même motion lors de la première lecture, je ne peux que le renvoyer, pour l'essentiel, à la réponse que je lui avais faite alors.
Permettez-moi simplement de dire à nouveau un mot des inégalités de représentation entre les départements et entre les circonscriptions d'un même département que vous avez longuement évoquées. L'ordonnance constitue sur ce point un incontestable progrès. En effet, il existe aujourd'hui un rapport de un à six entre certaines circonscriptions. C'est le cas, par exemple, de la sixième circonscription du Var, dans lequel ont été élus deux de vos collègues en juin 2007 – ils appartiennent tous deux à la majorité ; les circonscriptions les plus peuplées ne sont pas forcément de gauche ! Avec l'ordonnance, ce rapport passe de 1 à 2,4. C'est une progression considérable, d'ailleurs relevée de façon objective par la presse non partisane.
De même, aucune circonscription ne s'écarte dans les départements de plus de 17,5 % par rapport à la moyenne départementale, alors qu'il y en avait sept dans le découpage de 1986. En outre, alors que 109 circonscriptions présentaient un écart à la moyenne départementale supérieur à 15 % en 1986, ce n'est plus le cas que de seize circonscriptions aujourd'hui.
Sur tous ces plans, le redécoupage améliore très sensiblement l'équilibre démographique de nos 577 circonscriptions législatives.
M. Jean-Jacques Candelier doit savoir que le vote au Sénat résultait d'une erreur purement accidentelle, qui aurait d'ailleurs pu être facilement rattrapée si la présidente de séance avait appliqué strictement les règles de fonctionnement de la Haute assemblée. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous n'avez pas à mettre en cause la présidence de la Haute assemblée !
On vous fera parvenir la vidéo d'enregistrement ! Je m'y engage.
M. Candelier a déploré les déséquilibres du nouveau découpage, mais il semble ignorer l'ampleur des écarts existants au moment de l'élection de l'actuelle Assemblée : le rapport est, je le rappelle, de un à six.
Il obtiendrait d'ailleurs des déséquilibres encore plus importants en tenant compte du nombre d'électeurs inscrits et non de la population.
Le député de la future circonscription unique de la Creuse sera élu par 110 000 électeurs, alors que nombre de ses collègues de Paris et de la région parisienne le seront par moins de 50 000 électeurs. J'appelle l'attention de l'Assemblée sur ce point, qui me paraît important pour la suite.
M. Lachaud a eu raison de souligner l'urgence de la réforme, rappelée à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel.
Je remercie M. Éric Ciotti…
…d'avoir, au nom du groupe UMP, souligné que l'ordonnance respectait scrupuleusement les critères fixés par la loi d'habilitation et par le Conseil constitutionnel. Jamais un découpage n'avait été entouré d'autant de garanties : auditions des parlementaires par les préfets – sauf pour ceux qui ont suivi les consignes de boycott lancées par Mme Aubry après le congrès de Reims –, examen par une commission indépendante dont les trois membres nommés avaient été auparavant soumis pour la première fois à une audition et à un vote de votre commission des lois, et examen complet par le Conseil d'État.
Comme M. Ciotti l'a également souligné, le progrès est également sensible en termes d'équilibre démographique : réduction des écarts, qui passent d'un rapport de un à six à un rapport de 1 à 2,4, et utilisation des marges avec parcimonie.
M. Philippe Folliot, vous avez, comme M. Carcenac, dénoncé par avance l'éventualité que le Gouvernement demande la réserve sur le vote du texte. Je ne peux que vous rappeler qu'il s'agit d'une prérogative constitutionnelle du Gouvernement.
Pour le reste, j'avoue ne pas avoir relevé beaucoup d'éléments nouveaux dans votre très longue argumentation – exhaustive, dirai-je – relative à votre département du Tarn. Vous avez déploré que votre lettre à la commission Guéna n'ait pas eu de réponse, mais cette remarque ne m'était visiblement pas destinée.
Vous m'avez, enfin, posé huit questions, dont certaines m'ont également été posées par votre collègue tarnais, M. Thierry Carcenac. Il me serait très simple d'y répondre, tous les éléments figurant dans l'argumentation du Gouvernement reprise par votre rapporteur dans son excellent rapport de première lecture.
J'y reviens d'un mot, pour vous dire, tout d'abord, que le rapport du préfet a été examiné comme l'ont été tous les rapports établis par les préfets, là où cette concertation a pu être menée, c'est-à-dire essentiellement avant le congrès de Reims, le boycottage ayant par la suite empêché les préfets de réaliser des auditions. De nombreux départements sont restés sans concertation au niveau préfectoral, à cause de ces consignes, suivies dans au moins une trentaine de départements.
La commission Guéna, ensuite, est une instance consultative. Elle n'est pas chargée de faire le découpage. Elle donne un avis sur les projets du Gouvernement, avis que celui-ci est libre de suivre ou de ne pas suivre.
Par ailleurs, les écarts de population présentés par le découpage retenu par le Gouvernement sont justifiés, notamment, par des tendances démographiques différentes à l'intérieur du département.
Castres est découpée, comme le sont beaucoup de villes d'importance comparable, à commencer par Albi. Je ne cite que les villes découpées dans les circonscriptions actuelles : Royan, Chartres, Alès, Bourgoin-Jallieu, Le Puy-en-Velay, Saumur et Creil.
Angles, petite commune de montagne – je vous réponds à mon tour de manière exhaustive – a de toute évidence davantage sa place avec les cantons de montagne de la première circonscription que dans l'actuelle quatrième circonscription.
Quant à la lettre du maire de Castres, président de la communauté d'agglomération Castres-Mazamet, elle a autant d'importance que les autres courriers émanant des élus du département, mais nous l'avons citée parce qu'elle est du principal élu concerné par le partage de la ville et qu'elle montre que notre projet ne suscite pas que des oppositions.
Le retour au découpage de 1958 était une possibilité, pas une obligation,…
…et la solution retenue par le Gouvernement n'est aucunement arbitraire.
Les deux pages figurant dans le rapport de M. Charles de La Verpillière le démontrent très clairement.
Quant au découpage de la ville de Castres, il tient compte des perspectives démographiques respectives de ses quatre cantons.
Les interventions de Mme Zimmermann, ainsi que les vôtres, Madame Filippetti, contenaient un certain nombre d'inexactitudes, et je souhaite rétablir les faits tels qu'ils sont.
Si la Moselle fait partie des treize départements sur lesquels le Gouvernement n'a pas suivi la commission, c'est à cause de trois circonscriptions extérieures à Metz, et non du fait des circonscriptions de Metz. La commission a émis pour celles-ci une simple suggestion dans son avis, et les suggestions n'ont pas été suivies dans d'autres départements. La commission a d'ailleurs précisé que le Gouvernement pourrait, je cite, « s'inspirer utilement de ces suggestions, dans l'immédiat ou pour l'avenir », en fonction notamment des évolutions démographiques.
Pour la même raison, la circonscription de Mme Zimmermann ne fait pas partie des vingt-trois circonscriptions où le Gouvernement s'est démarqué de la commission et du Conseil d'État : aucune de ces vingt-trois circonscriptions n'a fait l'objet d'une suggestion de la commission, pour la raison que je viens de rappeler.
Nous n'avons jamais transmis à la commission des chiffres erronés. Nous avons simplement joint aux dossiers des différents départements les chiffres fournis par l'INSEE pour les cantons entiers ainsi que des estimations des populations des cantons urbains partagés entre plusieurs circonscriptions. Nous étions sur ce point tributaires des travaux de l'INSEE, qui avait été saisi de nos demandes de calcul de ces populations bien avant la saisine de la commission, mais qui n'a pu y répondre qu'au début du mois de juillet.
Cette contrainte n'a pas concerné que le canton de Metz 3, contrairement à ce que Mme Zimmermann a affirmé, mais tous les cantons urbains partagés – villes de Vallauris, Toulouse, Strasbourg, Saint-Priest, Versailles – ainsi que plusieurs arrondissements de Paris.
Les chiffres définitifs fournis par l'INSEE ont évidemment été transmis au Conseil d'État, qui a ainsi pu vérifier dans chaque cas que la commission avait bien été en mesure de rendre un avis qui n'était aucunement biaisé par ces approximations. C'est en particulier le cas en Moselle, où, comme vous pourrez le lire dans l'amendement du Gouvernement, la commission mentionne des chiffres parfaitement exacts correspondant à sa suggestion, sans se référer du tout aux chiffres estimés dont elle disposait alors.
Enfin, les écarts de population des circonscriptions extérieures à Metz sont justifiés par le fait que ces circonscriptions coïncident avec des arrondissements administratifs, et ont donc une solide cohérence géographique, ce qui n'est évidemment pas le cas des circonscriptions messines.
M. Christian Hutin a regretté la disparition de sa circonscription. Je le regrette avec lui (Rires sur les bancs du groupe SRC),…
…comme je le fais pour les deux autres députés de votre département qui sont dans la même situation. Mais je ne doute pas qu'il trouvera dans les circonscriptions nouvelles, en Flandre, par exemple, un secteur d'élection lui permettant de défendre encore ses idées, qui n'ont d'ailleurs pas toujours été très éloignées des miennes, à une certaine époque.
J'ai très apprécié son intervention, à la fois intelligente et élégante. Il a su prendre beaucoup de hauteur.
M. Michel Raison a également pris de la hauteur, par rapport à ce que nous avons pu entendre à d'autres moments du débat. Il est vrai que son département perd également un siège, que sa circonscription – il est député UMP – est fusionnée avec une autre : il ne l'a pas dit hier, je le dis aujourd'hui. Je ne peux que regretter avec lui cette conséquence inéluctable de l'évolution démographique défavorable de la Haute-Saône.
L'intervention de M. Alain Néri, ceci soit dit sans méchanceté, contenait deux inexactitudes, que je souhaite rectifier.
Le canton de Billom pouvait être partagé entre deux circonscriptions, bien que sa population fût inférieure à 40 000 habitants. Il s'agit en effet d'un canton discontinu, la commune de Pérignat-sur-Allier étant séparée depuis l'origine des autres communes du canton, la loi d'habilitation nous permet de couper le canton en deux parties.
D'autre part, le nouveau recensement, s'il servait de base à une nouvelle répartition des sièges, ne redonnerait absolument pas au Puy-de-Dôme les six circonscriptions qu'il compte actuellement : avec 626 639 habitants au 1er janvier 2007, sa population augmente moins que celle de la France dans son ensemble, qui progresse de 0,66 %, et n'est donc pas suffisante pour représenter cinq fois le montant de la tranche, ce montant augmentant à due concurrence, soit environ 126 000 habitants au lieu de 125 000. Il ne faut pas oublier d'ailleurs que le nombre total de députés est plafonné à 577 et le restera, puisqu'il s'agit d'une disposition constitutionnelle votée à Versailles l'an dernier.
M. Michel Vergnier a déploré que la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier 2009 conduise à ne donner à son département, la Creuse, qu'un seul député. Je ne peux que l'approuver. M. Auclair, l'autre député de la Creuse, avait précédemment fait des interventions dans le même sens.
Le département de la Creuse, circonscription unique, constituera demain – il est important de le souligner – la circonscription de France contenant le plus grand nombre d'électeurs – près de 100 000 – et certainement l'une des plus étendues, avec plus de 5 500 mètres carrés. Mais la décision de la haute juridiction constitutionnelle s'impose à tous et, sans être cruel, je crois me souvenir que M. Vergnier, contrairement à M. Auclair, avait signé le recours de ses collègues socialistes à l'origine de cette décision.
Seule une révision constitutionnelle pourrait, comme il l'a souligné, permettre à son département, comme à celui de la Lozère, d'être toujours représenté par deux députés dans cette assemblée. Si une initiative est prise par les parlementaires, je m'engage, au nom du Gouvernement, à la soutenir.
Je souhaite maintenant revenir sur la notion de représentativité des députés, donc sur le nombre d'électeurs inscrits dans leurs circonscriptions respectives. Ce critère a d'ailleurs été le seul pris en compte pour répartir les sièges et délimiter les circonscriptions d'élection. Selon ce critère, et ceux qui ont évoqué les différences de population n'en ont curieusement pas parlé, la future circonscription de la Creuse – qui sera celle de M. Vergnier ou de M. Auclair, voire d'un autre candidat, je ne sais pas qui l'emportera – comptera plus de 100 000 électeurs alors qu'en Seine-Saint-Denis, une circonscription en compte 44 000 actuellement et que la sixième, celle de M. Bartolone, en comptera à peine 47 000 : il y aura donc plus de 100 000 inscrits pour élire le député dans un cas contre 47 000 dans l'autre.
L'Assemblée nationale est l'expression de la souveraineté nationale, donc des électeurs, monsieur Goldberg.
Si l'on suivait votre raisonnement, les moins de dix-huit ans ne devraient pas être représentés ! Vous expliquerez cela aux futurs électeurs, monsieur le secrétaire d'État !
J'en reviens à mon propos. On a eu beaucoup d'interventions de la part de députés de Paris, mais je rappelle que la dix-neuvième de Paris, celle de M. Vaillant – toujours membre du parti socialiste –, située au coeur de la capitale, en comptera moins de 49 000. Je sais qu'il n'y est pour rien, mais c'est un fait. De même, M. Caresche et M. Vaillant représenteront à eux deux fois moins d'électeurs que l'unique député de la Creuse. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il y a là une anomalie liée à la comptabilisation des étrangers dans la population prise en compte en matière électorale – j'y reviendrai à propos de l'intervention de M. Dosière. Il faudra bien un jour s'interroger sur la manière de mettre un terme à cette anomalie, génératrice de beaucoup plus d'inégalités que celles qui ont été dénoncées au cours de nos débats.
M. Kléber Mesquida a évoqué le département de l'Hérault. La forme du découpage de la ville de Montpellier est due, je le répète, au découpage cantonal de cette ville, décision dont je ne suis aucunement responsable.
Il a parlé à cet égard au nom de M. Vezinhet, mais je rappelle que ce découpage cantonal avait été suggéré par M. Vezhinet lui-même. En outre, celui-ci regretterait l'absence de pluralisme dans sa future circonscription : cela me semble tout de même très exagéré de prétendre que tous les électeurs de droite en auraient disparu !
M. Jacques Valax, quant à lui, a évoqué des questions très générales qui dépassent le cadre de ce débat. Je dois cependant, parce qu'elle est récurrente, lui répondre sur la question de l'intercommunalité. Les intercommunalités sont des établissements publics et non pas des collectivités locales, dont les limites sont fixées par des arrêtés préfectoraux, alors que les cantons relèvent du décret et que les circonscriptions sont délimitées par la loi. Le Parlement, dans la loi d'habilitation, avait fixé la contrainte du respect des limites cantonales, sauf quelques exceptions, mais il n'avait à juste titre rien prévu pour les limites des intercommunalités car il n'y a aucun rapport entre leur population et la population moyenne des circonscriptions. Au passage, j'indique que, dans le Tarn, 10 % des communes n'adhèrent toujours à aucune intercommunalité.
J'en viens à M. Jean-Jacques Urvoas.
Il a dit que nous n'avions pas suffisamment débattu ! Comme il n'est pas le premier à le prétendre, j'ai voulu vérifier : entre la loi d'habilitation et le projet de ratification, nous avons eu près d'une centaine d'heures de débats au sein des deux assemblées.
M. Urvoas et moi-même avons participé ensemble à nombre de réunions sur les Français de l'étranger. Il a posé des questions précises sur les circonscriptions concernées, questions qui appellent donc des réponses précises. Le nombre de sièges est de onze, et non pas de sept comme nous l'avions envisagé au départ, mais on doit cette modification au Conseil constitutionnel – M. Urvoas l'a reconnu –, donc à sa saisine par son groupe. Si lui et ses collègues ne l'avaient pas saisi, celui-ci n'aurait pas pu augmenter de quatre le nombre des députés des Français de l'étranger. Je confirme qu'un projet commun a été élaboré par les sénateurs des Français de l'étranger ; il m'a été transmis en leur nom par le sénateur Cointat, et le sénateur Yung, membre du groupe socialiste au Sénat, le connaît parfaitement. Un grand nombre des circonscriptions de ce projet se retrouvent dans l'ordonnance dont il vous est proposé la ratification, soit au moins sept sur onze.
L'Assemblée des Français de l'étranger n'avait pas à être consultée sur le découpage : aucune disposition ne l'imposait juridiquement au Gouvernement. Mais j'ai tenu à me rendre moi-même devant cette assemblée, et mes collaborateurs y sont allés aussi à de nombreuses reprises ; j'ai reçu plusieurs fois le collège de ses vice-présidents. Cette assemblée n'a donc pas à se plaindre d'une absence de concertation. Enfin, M. Urvoas a évoqué les écarts démographiques entre les onze circonscriptions que nous avons délimitées. C'est vrai, ils existent, mais il se trouve que, pour les Français de l'étranger, nous avons le chiffre des immatriculations chaque année, que nous connaissons donc les chiffres de 2007, de 2008, de 2009 et de 2010, lesquels montrent d'une façon très nette un resserrement des écarts, en particulier pour les deux circonscriptions d'Amérique et pour la circonscription d'Asie-Océanie. Il pourra bientôt le vérifier puisque ces chiffres seront communiqués à l'Assemblée des Français de l'étranger, qui se réunit chaque année au début du mois de mars.
M. Mathus m'a interpellé sur la procédure de concertation. Dois-je lui rappeler que je me suis toujours engagé à recevoir tous les parlementaires qui le souhaitaient, y compris bien entendu ceux de l'opposition ? J'ai d'ailleurs reçu M. Christophe Sirugue et M. Arnaud Montebourg. Ce n'est pas moi qui ai demandé aux députés socialistes de ne plus venir me voir, mais Mme Aubry, Première secrétaire du PS, après le congrès de Reims. Beaucoup lui ont désobéi, et j'en suis heureux.
D'autres ne l'ont pas fait, ce qui explique sans doute que je n'ai pas vu M. Mathus. Sur le fond, je lui rappelle que l'avis de la commission indépendante ne visait que le cas de la ville de Chalon-sur-Saône, et non l'ensemble du département. Il a voulu conclure son intervention sur le ton de la plaisanterie, mais ce genre de propos n'élève pas nos débats.
M. Dumas, député du Gard, a dit que la politique est le plus beau métier du monde. Certes, mais l'exercice des mandats politiques doit s'exercer dans le respect de l'égalité des suffrages. À cet égard, je ne vois pas en quoi la gauche peut se plaindre du découpage dans ce département. Il est justifié par la création d'une circonscription, elle-même justifiée par un essor démographique très important. Je prends date sur les prochains résultats dans ce département, car ici aussi, c'est un procès d'intention qui nous est fait.
J'ai vu que M. Pérat tenait compte des avis de la commission de l'article 25 de la Constitution quand ils l'arrangeaient, mais qu'il les critiquait quand ils ne lui convenaient pas. La commission a décidé de formuler des propositions ou de n'émettre que des observations selon les cas. C'est sa liberté et il ne nous appartient pas de la remettre en cause. Je précise, parce que M. Pérat ne l'a pas fait, que ce n'est pas sa circonscription qui disparaît, mais celle de sa voisine, Mme Christine Marin, députée UMP.
À Mme Génisson et à Mme Maquet, députées du Pas-de-Calais, je me permets de rappeler que la méthode de la tranche, qui correspond à notre tradition républicaine, a été validée, tout à fait solennellement cette fois, par le Conseil constitutionnel. Les gouvernements socialistes l'ont utilisée à maintes reprises – je pense à M. Joxe et à M. Fabius –, avec l'approbation du Président Mitterrand. Ce que ces deux députées remettent en cause relève de l'évolution démographique de leur département, moins rapide que dans d'autres. En outre, dois-je rappeler que le département du Pas-de-Calais est celui qui compte en France le plus de communes, et que l'arrondissement d'Arras, issu de la fusion des arrondissements d'Arras et de Saint-Paul-sur-Ternoise décidée en 1926 par le gouvernement Poincaré, est celui qui compte le plus grand nombre de communes ? Il ne s'agit donc pas d'une anomalie dans le découpage, mais d'une anomalie géographique et historique. Si nous avions pu la corriger, nous l'aurions fait. Cela n'a pas été possible…
…en raison de l'absence de justifications démographiques.
Monsieur Gilbert Mathon, vous avez fait beaucoup de critiques sur le découpage de la Somme, mais je vous rappelle que le projet est conforme à la fois à l'avis de la Commission nationale des magistrats et à celui du Conseil d'État.
Monsieur René Dosière, j'ai beaucoup apprécié la hauteur de vues de votre intervention. Celle-ci n'avait aucun rapport avec votre circonscription, et c'est bien. Vous avez évoqué une nouvelle fois, de façon fort pertinente, deux problèmes récurrents qui concernent l'outre-mer, plus précisément la Nouvelle-Calédonie et Mayotte. Vous savez que je partage une grande partie de vos préoccupations à cet égard.
S'agissant de Mayotte, nous avons beaucoup hésité sur l'attribution d'un second siège. Je me souviens parfaitement de l'amendement que vous aviez déposé visant à tenir compte de la population étrangère : le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée, il avait été adopté par le Parlement, puis censuré par le Conseil constitutionnel. Ensuite, nous avons remis au Conseil d'État notre projet,…
…qui ne prévoyait qu'un siège pour Mayotte, mais nous avons dû le modifier pour éviter son rejet global par le Conseil constitutionnel. La question de la prise en compte de la population étrangère se pose aussi dans d'autres parties du territoire national, et pas seulement en Guyane – je pense à certaines circonscriptions en région parisienne que je pourrais vous citer.
Monsieur Goldberg, c'est le Conseil constitutionnel qui a fait ce parallèle en indiquant que si on maintenait notre dispositif pour Mayotte, il faudrait aussi le mettre en application en métropole.
Je pense, monsieur Dosière, qu'il faut que nous réfléchissions collectivement à ce problème. Je me permets de suggérer à la commission des lois de mener une réflexion sur ce sujet, réflexion que vous avez déjà contribué à alimenter de très brillante façon. Le Gouvernement est très ouvert à des propositions de la commission des lois dans ce domaine.
Mais les problèmes d'état-civil sont spécifiques à Mayotte, monsieur le secrétaire d'État !
Je vous rappelle que j'ai dépêché, suite à votre précédente intervention sur ce sujet, une mission de l'inspection générale des services du ministère de l'intérieur pour qu'elle me remette un rapport très précis et très argumenté sur les problèmes d'état-civil, en particulier à Mayotte. J'attends qu'elle me le remette dans les meilleurs délais. Je vous rappelle aussi que le Président de la République se rendra prochainement à la Réunion et à Mayotte, et qu'il aura l'occasion d'aborder toutes les questions liées à la départementalisation, y compris bien entendu celle de l'état-civil. J'aurai alors de nouveaux éléments de réponse à vous apporter.
Concernant la Nouvelle-Calédonie, il est vrai qu'il y avait un décalage avec le recensement en métropole et avec celui de tous les autres DOM-TOM puisque même la Polynésie avait déjà fait l'objet d'un recensement. Mais, et c'est un point essentiel, il vient enfin d'être réalisé, parce que nous avons mis la pression. La population municipale serait inférieure de peu – vous l'avez dit – au seuil des 250 000 habitants, minimum nécessaire pour l'attribution d'un troisième siège. Le Gouvernement calédonien s'en est ému ; aussi l'INSEE va-t-elle envoyer une mission sur place pour expliquer ces résultats.
Compte tenu de l'importance de ce recensement, j'espère que l'INSEE ne commettra pas d'erreur comme ce fut le cas pour Metz. Nous faisons a priori confiance à cet institut de renommée internationale. L'enjeu est tel qu'il en va de la crédibilité de l'INSEE et de l'administration française. C'est une question d'honneur ; c'est une question politique. Il faut apporter une réponse claire aux Néo-Calédoniens et j'y veillerai de manière vigilante.
Comme vous, monsieur le député Dosière, j'attache beaucoup d'importance à cette diversification de la représentation de la Nouvelle-Calédonie. En l'état, nous n'y pouvons rien, mais soyez assuré que nous ferons tout pour que les choses évoluent et le plus rapidement possible.
Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
En vertu de l'article 58, alinéa 1, de notre règlement intérieur, je voulais répondre à une partie de l'intervention du secrétaire d'État, et lui rappeler le contenu de l'article 3 de notre Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ou par voie du référendum. »
Selon notre Constitution, c'est le peuple que nous représentons ici, dans toutes ses dimensions. C'est d'ailleurs à la suite que cette explication que notre Constitution définit qui sont les électeurs.
Dans votre intervention, monsieur le secrétaire d'État, vous avez dit qu'à l'Assemblée nationale nous ne devrions représenter que les seuls électeurs, et même les seuls votants.
Je n'ai pas dit cela de cette façon !
Cela signifie que vous faites une croix, comme vous l'avez dit au détour d'une phrase, sur les étrangers qui vivent dans notre pays et que nous représentons aussi d'une certaine manière et à propos de quelques sujets de préoccupations – nous votons même régulièrement des lois sur leurs conditions d'entrée et de séjour.
Vous faites une croix sur les mineurs, qui sont des citoyens français, et également sur les citoyens français inscrits sur les listes électorales qui ne votent pas pour telle ou telle raison.
Vos propos sont contraires à l'esprit qui guide notre assemblée. Chacun pourra les apprécier à l'aune du débat que le Gouvernement a initié sur l'identité nationale.
Votre intervention n'ayant rien à voir avec le déroulé de notre séance, vous comprendrez, monsieur Goldberg, qu'elle sera comptabilisée.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique du projet de loi.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
En application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve des votes sur tous les amendements et sur l'article unique.
Nous sommes jeudi, en fin de matinée, et le débat en cours devait durer jusqu'à la fin de la semaine. Une fois de plus, nous payons l'absentéisme des députés de la majorité qui ne sont pas présents en séance, sinon ce serait tellement facile de pouvoir voter. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Eh bien votons !
Des amendements ont pourtant été déposés, dont l'un émane même du Gouvernement !
Nous assistons à ce paradoxe : le Gouvernement demande la réserve sur son propre amendement. Cette pratique – de plus en plus habituelle – est absolument inadmissible.
Que le Gouvernement veuille se protéger, on peut le comprendre. Que, pour cela, on organise l'absentéisme des députés de la majorité, qui ne sont même pas présents en séance, un jeudi matin, pour affronter le débat, me semble tout à fait inadmissible.
Nous allons demander au président du groupe socialiste de saisir le président de l'Assemblée de cette situation, sans attendre.
Nous souhaitons pouvoir discuter sur le fond des amendements, car ce texte doit être amélioré. Nous souhaitons que ces amendements puissent être soumis au vote des parlementaires présents.
Monsieur le secrétaire d'État, finalement, la rumeur dont je faisais état hier soir était fondée, ce que je regrette.
En utilisant cette réserve de manière trop systématique – je dirai même abusive s'agissant de ce texte –, vous rendez un mauvais service au Parlement.
Certes, elle est prévue par la Constitution. Cependant, dans l'esprit des membres de la représentation nationale, elle doit être utilisée à bon escient, dans certaines circonstances exceptionnelles. Or son usage revient à une forme de négation des droits du Parlement.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur la comparaison entre différentes professions établie cette semaine par un hebdomadaire qui titre : « Êtes-vous payés à votre juste valeur ? »
Il s'agit en effet du Nouvel Observateur.
Un sondage effectué par la SOFRES indique que, parmi vingt-cinq professions ou fonctions citées, nos concitoyens classent en tête et dans l'ordre : les chercheurs, les médecins généralistes, les infirmiers.
Les députés arrivent en vingtième position, entre les caissières et les ouvriers. Le sondage a retenu trois critères : prestige, utilité, salaire. Seulement 20% de nos concitoyens considèrent que la profession de député est prestigieuse – je ne m'étendrai pas sur ce point.
Seulement 5% de nos concitoyens jugent que la fonction de député est utile, et cela doit d'autant plus nous interpeller que cette mauvaise opinion ne peut être que confortée par la décision que vous venez de prendre, monsieur le secrétaire d'État. À certains égards, vous apportez de l'eau au moulin de l'antiparlementarisme.
Je vous rappelle que, dans le cadre d'un rappel au règlement, les interventions sont de deux minutes. Merci de conclure, monsieur Folliot.
Pour conclure, je dirai que je regrette cette décision qui dessert la démocratie et la représentation nationale qui dispose d'un droit légitime et fondamental à amender un texte, à le faire évoluer et progresser.
Monsieur Folliot, vous interveniez bien sûr dans le cadre de l'article 58, alinéa 1, de notre règlement. Comme celle de M. Le Roux, votre intervention sera donc comptabilisée.
Mes chers collègues, je voudrais rappeler que la réserve est de droit. Je voudrais également constater qu'à ce moment du débat, les parlementaires sont aussi nombreux sur chacun des bancs de notre hémicycle.
Je regrette la décision prise par le Gouvernement, d'autant plus qu'un amendement gouvernemental aurait mérité d'être expliqué dans l'hémicycle, parce qu'il annulait l'amendement adopté par la commission des lois.
Nous en venons à l'examen des amendements.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour défendre l'amendement n°30 .
Si vous permettez, madame la présidente, je souhaiterais poser une question à M. le secrétaire d'État, afin de gagner un peu de temps.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien conscience que nous sommes dans un simulacre de débat. Votre décision de poser la réserve – comme vous nous l'aviez d'ailleurs annoncé dès la première minute de votre intervention en première lecture – montre bien que vous n'entendez accepter aucun amendement, rien qui provienne de la réflexion et du travail parlementaire.
Dès lors, vous pouvez toujours expliquer que le texte a fait l'objet d'une centaine d'heures de débats en commissions, au cours de diverses réunions, en séances à l'Assemblée nationale et au Sénat, si cette centaine d'heures ne permet pas de bouger quoi que ce soit par rapport au travail conduit dans votre cercle, avec vos amis, notamment les parlementaires UMP.
Si le travail a été conduit avec eux, c'est vrai qu'ils peuvent partir en week-end dès le jeudi matin. Pour les parlementaires UMP, le week-end commence dès le jeudi matin, madame la présidente. Telle est la réalité !
Monsieur le secrétaire d'État, je vous pose la question, lors de l'examen de ce premier amendement : êtes-vous prêt, sur un certain nombre d'entre eux – pas forcément sur celui-ci qui porte sur le recensement –, à entendre la voix des parlementaires, et donc à modifier votre projet, ou est-ce une fin de non recevoir, auquel cas nous en tirerions dès maintenant toutes les conclusions ?
C'était donc la présentation de l'amendement n°30 , monsieur Le Roux. Je vais donc demander l'avis de la commission…
Je peux les défendre tous si vous le prenez ainsi ! Cela va nous occuper une dizaine d'heures !
Monsieur Le Roux, vous êtes intervenu a priori à l'appel d'un amendement. Nous sommes bien d'accord ?
Madame la présidente, puisque le ministre ne veut pas répondre sur ce point, je vais défendre les 130 amendements.
Le premier amendement que nous défendons concerne le département de l'Ain, le premier de la liste, le 01. Cet amendement tend à faire préciser dans le code électoral qu'il ne peut être procédé à un redécoupage que sur la base des derniers chiffres du recensement publiés au Journal officiel, donc ceux du 31 décembre 2009.
Nous souhaitons que cette remarque générale figure dans le code électoral, pour que le Gouvernement ne puisse faire état de chiffres désormais faux pour procéder à ce redécoupage.
La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour donner l'avis de la commission des lois constitutionnelles, de le législation et de l'administration générale de la République, sur cet amendement.
Mon avis est défavorable.
En effet, la loi d'habilitation a imposé au Gouvernement de se référer au recensement publié par un décret du 30 décembre 2008. C'est ce qu'a fait le Gouvernement. D'ailleurs, lorsqu'il a pris son ordonnance, il n'y avait pas d'autre recensement connu.
Le Gouvernement ne pouvait donc pas se référer à un autre recensement, et la loi d'habilitation l'obligeait à prendre celui-là pour base.
J'émets donc un avis défavorable aux cent amendements du groupe socialiste qui ont trait au recensement.
Avis défavorable pour les mêmes excellentes raisons que celles données par M. le rapporteur.
Je mets donc aux voix… Pardon, le vote sur l'amendement n° 30 est réservé.
La parole est à M. Bruno Le Roux.
Vous aviez raison, madame la présidente : la logique, dans une assemblée parlementaire, est de faire voter sur un amendement défendu.
Le Gouvernement s'y refusant, je souhaite faire un rappel au règlement avant de présenter l'Aisne et tous départements suivants.
En première lecture, des propos ont été tenus sur la volonté du Gouvernement de ne modifier en aucune manière son projet.
Je souhaiterais savoir si nous continuons à discuter en espérant une hypothétique prise en compte de nos arguments. Dans ce cas, nous sommes présents et nous discuterons, car, pour nous, le week-end ne commence pas le jeudi matin.
En revanche, si le Gouvernement nous dit que ce débat est vain et qu'il est impossible de modifier, ne serait-ce qu'à la marge, le texte dans son ordonnance, nous considérerons qu'il y a bien un simulacre de débat et nous en tirerons toutes les conséquences.
Avant de vous donner la parole, M. le secrétaire d'État, vous me permettrez de dire, au nom de l'ensemble des députés, que le week-end ne commence pour personne le jeudi pas plus que n'importe quel autre jour de la semaine.
Je confirme les propos que j'avais tenus lors de l'examen du texte en première lecture : le Gouvernement n'acceptera pas d'amendement.
Voilà, une fois de plus la preuve du manque de respect à l'égard d'une assemblée parlementaire, de l'Assemblée nationale.
On peut essayer de faire croire qu'il y a eu un véritable débat. Le nombre d'heures ne suffit pas à mettre en exergue l'existence d'un véritable échange démocratique. À aucun moment il n'a été possible d'amender, d'améliorer ce projet de redécoupage, comme chacun, dans cet hémicycle, aurait dû l'exiger. Nombre d'exemples que nous avons pris montrent en effet que l'on aurait pu, sans avantager un tel ou un tel, améliorer la copie du Gouvernement du point de vue constitutionnel.
Le Gouvernement nous affirme qu'il est infaillible ; je crois pour ma part que l'infaillibilité n'existe pas, mais que les considérations partisanes sont bien réelles. Le refus du Gouvernement de modifier, ne fût-ce qu'à la marge, sa copie, nous conduit à penser que ce débat est un simulacre : on vient chercher une ratification partisane et, en réservant les votes, on organise l'absentéisme. C'est pourquoi nous ne défendrons pas nos amendements, qui, avec cette procédure, n'ont aucune chance d'être adoptés. Nous allons quitter l'hémicycle en nous en remettant, malgré nous, au jugement du Conseil constitutionnel afin qu'il sanctionne la copie partisane du Gouvernement.
J'ai bien noté, monsieur Le Roux, que les amendements déposés par le groupe SRC n'étaient pas défendus.
Nous en venons donc à l'amendement n° 1 du Gouvernement.
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État.
Je demande une suspension de séance de quelques minutes, madame la présidente. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Article unique
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à douze heures cinquante.)
La séance est reprise.
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'État, pour présenter l'amendement n° 1 .
Cet amendement a déjà été exposé. Il se justifie par un certain nombre de considérations développées dans l'exposé sommaire, auquel chacun peut se reporter.
En ce cas, je vais le lire.
L'Assemblée nationale s'est déjà prononcée à une large majorité, en première lecture, en faveur du texte proposé par le Gouvernement, sans le modifier : elle a ainsi estimé que le redécoupage, qu'elle avait habilité le Gouvernement à faire en son nom, formait un ensemble cohérent, qui ne devait pas être remis en cause, même partiellement.
Le rejet du projet de loi au Sénat étant le fruit d'une erreur purement matérielle et non d'une hostilité sur le fond, il ne saurait justifier la réouverture d'un débat sur la délimitation des circonscriptions arrêtée dans l'ordonnance dont le Gouvernement propose la ratification.
Deuxièmement, cette délimitation a été effectuée, conformément au 2° du II de l'article 2 de la loi d'habilitation du 13 janvier 2009, sur la base de chiffres de population authentifiés par le décret n° 2008-1477 du 30 décembre 2008, relatif aux populations de métropole, des départements d'outre-mer, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, alors qu'est intervenu depuis lors un nouveau recensement, dont les résultats viennent d'être authentifiés par le décret du 30 décembre 2009.
Troisièmement, l'amendement de Mme Zimmermann relatif au département de la Moselle est motivé par le fait que ce département est l'un de ceux pour lesquels le Gouvernement n'a pas suivi l'avis de la commission prévu par l'article 25 de la Constitution : en proposant de se conformer à cet avis en ce qui concerne seulement deux des trois circonscriptions de la ville de Metz, il oublie de mentionner que la commission a émis une simple suggestion les concernant, suggestion dont le Gouvernement pourrait « s'inspirer utilement, dans l'immédiat ou pour l'avenir » ; il omet par ailleurs de proposer toute modification des circonscriptions extérieures à Metz, et notamment des quatre circonscriptions pour lesquelles la commission avait fait des propositions alternatives.
Quatrièmement, l'amendement fait état de chiffres erronés sur lesquels la commission se serait prononcée : il convient de rappeler sur ce point que le Gouvernement ne disposant pas, à la date de la saisine de la commission, de certaines données démographiques correspondant à des fractions de cantons urbains, il a fourni à la commission des estimations, mentionnées comme telles dans les documents qu'il lui a transmis. Les chiffres définitifs des populations de ces fractions cantonales, fournis par les services de l'INSEE par une note en date du 2 juillet 2009, figuraient en revanche dans le dossier transmis au Conseil d'État.
La différence constatée pour la première circonscription de la Moselle est de 1 646 habitants – puisque cette dernière compte 121 298 habitants, et non 119 652 –, soit une différence de moins de 1,5 % par rapport à la moyenne départementale, seul référent à pendre en compte en l'espèce. La position de la commission, motivée uniquement par des considérations géographiques, aurait été identique si elle avait eu connaissance des chiffres définitifs : sa suggestion d'échanger les cantons de Metz 1 et d'une partie de celui de Metz 3 avait en effet pour conséquence, comme elle le relevait elle-même, de laisser « subsister des écarts démographiques non négligeables », écarts cités dans son avis et calculés sur des chiffres exacts et non pas estimés, puisqu'ils correspondent au simple ajout du canton de Rombas à la première circonscription et au statu quo pour la troisième.
Cinquième et dernier point : le Gouvernement a fourni à la représentation nationale les raisons détaillées – reprises dans le rapport adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale en première lecture – pour lesquelles il n'avait pas suivi l'avis de la commission pour le département de la Moselle, qu'il s'agisse de ses propositions tendant à réduire les écarts démographiques des circonscriptions extérieures à Metz ou de sa suggestion relative à la première et à la troisième circonscription, suggestion qui aurait eu pour effet d'aggraver les écarts entre leurs populations respectives.
La commission, saisie en application de l'article 88 du règlement, a émis un avis favorable sur cet amendement.
C'est une question de cohérence. En adoptant la loi du 13 janvier 2009, le Parlement a choisi de confier au Gouvernement le soin de procéder au découpage électoral, ce qui est l'objet de l'ordonnance que nous avons à ratifier.
La démonstration a par ailleurs été faite que les règles de fond et de forme fixées par la loi d'habilitation ont été respectées, y compris pour le département de la Moselle. Je propose donc à notre assemblée d'adopter cet amendement lorsqu'elle sera amenée à le voter.
Je suis choquée par cet amendement.
Je ne reviendrai pas sur mon propos de la discussion générale, mais, lorsque la commission a statué sur mon amendement, j'avais expliqué que les chiffres qui lui avaient été transmis étaient faux ; nul, je crois, ne peut contester ce point. À cette occasion, j'ai en effet adressé aux membres de la commission concernés les chiffres qui avaient été donnés s'agissant des bureaux de vote transférés vers le premier canton. Ils révélaient un écart de 2 000 habitants.
Avant d'être parlementaire, j'enseignais l'histoire-géographie ; j'ai donc une éthique : jamais je n'ai transmis de fausses données à mes élèves.
Je souhaite que l'on ne tire pas argument, aujourd'hui, de chiffres erronés qui ont pu être donnés à une commission indépendante. Celle-ci a officiellement donné son avis : tout le monde a donc pu se rendre compte que le découpage était un peu particulier. Qui plus est, les chiffres exacts révèlent un écart de population différent de celui initialement retenu dans l'ordonnance, en l'occurrence 9,6 % par rapport à la moyenne départementale. Ce dernier chiffre, sur lequel je m'étais appuyée, se situait tout à fait dans les normes exigées par le Conseil constitutionnel.
Or les chiffres exacts révèlent un écart de 16,5 % – puisque, au lieu de 15 000 habitants, le chiffre effectif est de 17 000. Je ne suis ni professeur de mathématiques ni polytechnicienne, mais un raisonnement simple permet de comprendre que la commission a statué sur de faux chiffres.
Pourquoi, par ailleurs, vouloir transformer ainsi cette circonscription, dont les contours correspondent à l'histoire de la ville de Metz ? Le lit de la Moselle a toujours été une délimitation, bien avant le redécoupage entre la première, la deuxième et la troisième circonscriptions et, auparavant, entre la première et la deuxième circonscriptions. Que le Gouvernement m'indique donc quel était son objectif en donnant ces chiffres et en proposant la délimitation qui donne naissance à ces nouvelles circonscriptions. Je crois sincèrement que, lorsque la commission des lois a statué, elle l'a fait en toute objectivité.
Je souhaiterais donc vraiment, monsieur le secrétaire d'État, que vous m'expliquiez cela. Cela dit, s'agissant des chiffres, je vous pardonne d'avoir sous-estimé le nombre des bureaux de vote retenus. Je n'incrimine même pas les conditions dans lesquelles l'Assemblée nationale s'est prononcée : elle a statué sur des données qui étaient les vôtres et que je respecte, car vous ignoriez la réalité de la situation. Aujourd'hui, nous avons cependant des indications précises.
Je ne vous demande même pas de prendre les chiffres donnés officiellement en décembre 2009. Je vous demande simplement, monsieur le secrétaire d'État, de reconnaître que des erreurs ont été commises. Sur le fondement de ce constat, l'amendement que j'ai déposé est tout à fait légitime.
La réponse à la question posée par ma collègue Marie-Jo Zimmermann est simple.
Pourquoi le Gouvernement a-t-il recouru à de faux chiffres pour justifier le redécoupage des circonscriptions de la ville de Metz et persisté dans cette attitude ? C'est que ce redécoupage est fait pour un seul député, aujourd'hui absent de cet hémicycle, alors que toute l'Assemblée nationale est maintenant mobilisée pour verrouiller sa circonscription de manière à éviter qu'il puisse le moins du monde être menacé en 2012. C'est pour lui que nous débattons aujourd'hui, c'est pour lui que le Gouvernement va s'asseoir sur l'adoption souveraine par la commission des lois, à une écrasante majorité, le 22 décembre dernier, de l'amendement déposé par Marie-Jo Zimmermann, plusieurs députés UMP votant en sa faveur avec la totalité des députés socialistes.
Pourquoi avons-nous, tous ensemble, soutenu cet amendement ? Pourquoi la commission des lois l'a-t-il adopté ? C'est que cet amendement rétablissait une certaine équité, ses auteurs refusant que l'on écrive les lois au profit d'un seul.
En quoi le découpage incriminé était-il effectué au profit du seul François Grosdidier ? Je vais refaire l'historique. Ma circonscription ayant été supprimée et dépecée, le canton de Rombas, qui en faisait partie, a été rattaché à la circonscription de Metz I, la circonscription de M. Grosdidier. Celui-ci n'a pas pu empêcher, quand même, qu'on lui rattache un canton de gauche, issu de la circonscription de gauche d'une députée de gauche qui allait devoir trouver en 2012 une nouvelle circonscription où se représenter, qui allait donc peut-être se présenter contre lui. Il fallait surtout éviter que le combat fût loyal. C'est pourquoi M. Grosdidier a annoncé par voie de presse qu'il allait faire revenir le Gouvernement sur l'avis exprimé par la commission sur le redécoupage. Il a également annoncé que le Gouvernement reviendrait sur la décision prise par la commission des lois. Il fallait qu'il puisse verrouiller sa circonscription, en compensant le rattachement du canton de Rombas par le dépeçage de la circonscription de Marie-Jo Zimmermann, par ce tripatouillage qui consiste à aller lui voler onze bureaux de vote qui votent à droite et à exfiltrer, en quelque sorte, le canton de Metz III, canton le plus à gauche de sa circonscription actuelle, dont le conseiller général est d'ailleurs l'actuel maire socialiste de Metz, Dominique Gros.
On voit donc bien la manoeuvre, flagrante, cousue de fil blanc. Malheureusement pour vous, monsieur le secrétaire d'État, la commission des lois, dans sa grande sagesse, a refusé ce putsch. (M. le secrétaire d'État s'esclaffe.) Elle a refusé, par son vote clair du 22 décembre dernier, que l'on s'asseye ainsi sur la souveraineté démocratique.
Cela ne vous suffit pas : il a fallu que vous reveniez aujourd'hui sur ce point. C'est pourquoi vous présentez un seul amendement, au milieu des amendements du groupe socialiste, dont vous ne voulez pas discuter. C'est pourquoi vous choisissez de recourir au vote bloqué. Comment allez-vous donc faire ? Vous refusez de soumettre à l'Assemblée nationale votre propre amendement. N'est-ce pas un terrible aveu d'impuissance ? N'est-ce pas reconnaître l'iniquité de ce projet de loi, que nous avons dénoncée au cours des heures de discussion parlementaire de ces deux lectures ? Vous la reconnaissez vous-même en refusant le vote sur votre propre amendement ! Vous refusez vous-même les modifications introduites par la révision constitutionnelle, permettant que la discussion en séance parte du texte adopté par la commission, intégrant, en l'occurrence, l'amendement de Marie-Jo Zimmermann.
Vous vous asseyez donc sur la souveraineté démocratique. Vous vous asseyez sur votre propre réforme constitutionnelle. Vous vous asseyez, monsieur le secrétaire d'État, sur votre propre majorité.
Je formulerai, madame la présidente, une remarque et un paradoxe.
Ma remarque s'adresse à M. le rapporteur. Il n'a évoqué que ce qui s'est passé en début de semaine. Je ferai observer que le texte soumis à notre discussion est le texte adopté par la commission, intégrant donc l'amendement déposé par Mme Zimmermann, puisque les amendements examinés au titre de l'article 88 du règlement ne font l'objet que d'un avis.
Certes, mais il aurait peut-être été utile de rappeler la manière dont s'est déroulé le débat en commission des lois qui a abouti à l'adoption de l'amendement et de rappeler le fait même de cette adoption. Je n'ai pas entendu ces rappels de manière très claire. Votre propos laissait donc à penser que nous étions déjà revenus sur le choix de la commission.
J'en viens au paradoxe. En début de semaine, à propos de la rentrée parlementaire, le grand quotidien du soir nous laissait entendre que le secrétaire d'État s'attendait à une censure du redécoupage des circonscriptions de quatre à cinq départements.
Le Monde, ce n'est pas la Bible !
Article pas très sérieux !
…montre que l'infaillibilité dont le Gouvernement prétend faire preuve aujourd'hui en annonçant qu'il n'examinera rien du tout est donc déjà battue en brèche par lui-même.
Je l'affirme ici : si le Gouvernement s'attend à ce que, s'agissant d'un certain nombre de départements, sa copie soit revue, parce qu'elle n'est pas honnête ou parce qu'elle aurait pu être meilleure, c'est nier l'aptitude de la représentation parlementaire à améliorer le texte que de refuser ici toute discussion sur le fond des amendements et toute prise en compte de ces derniers. Je voulais souligner ce paradoxe : il n'est pas normal de refuser la discussion au Parlement tout en disant s'attendre à une censure à propos d'un certain nombre de départements.
Je n'ai jamais dit cela !
Je démens catégoriquement ces assertions journalistiques.
Je ne vais utiliser qu'une toute petite partie des deux heures quarante-cinq minutes de temps de parole qui restent au groupe Nouveau Centre pour défendre cet amendement, mais je tiens à préciser, au préalable, qu'il ne s'agit pas d'un amendement personnel, mais d'un amendement déposé par tout le groupe.
Son objet est très simple. Il vise à revenir pour le département du Tarn à un découpage tel que celui proposé par la commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution, la « commission Guéna » dont nous avons longuement parlé.
Je ne reprendrai pas le détail des arguments justifiant, sur un plan démographique, économique, territorial et, bien sûr, historique, la nécessité de revoir le redécoupage des circonscriptions du département du Tarn.
Il est vrai que la situation a été jugée par beaucoup, siégeant sur divers bancs de cette assemblée, mais aussi par nombre d'observateurs, comme comptant parmi les exemples les plus caricaturaux, au niveau national, d'un redécoupage qui est fait en fonction non pas de motifs d'intérêt général mais seulement d'un intérêt partisan.
L'exposé sommaire des motifs de l'amendement développe de manière assez précise tous les éléments justifiant l'adoption, malheureusement impossible, de cet amendement. Je souscris, à ce sujet, aux propos qui viennent d'être tenus par notre collègue Bruno Le Roux. J'approuve également, s'agissant du département de la Moselle, ce qui a été dit par nos collègues Zimmermann et Filippetti. Même si je ne saurais établir un parallèle entre des situations qui ne sont pas comparables, force est de reconnaître que l'on retrouve certains éléments dans les deux cas.
Dans une intervention certes longue mais aussi très précise et très détaillée que j'ai faite hier, j'ai développé, monsieur le secrétaire d'État, un certain nombre d'arguments et fait référence à de nombreuses jurisprudences, de manière à éclairer la représentation nationale sur cette situation. Non seulement vous n'avez pas souhaité en tenir compte, mais, en outre, vous avez une fois de plus refusé de répondre précisément à mes interpellations.
À la fin de mon intervention, monsieur le secrétaire d'État, je vous ai posé huit questions précises. Vous n'avez répondu qu'à une seule d'entre elles.
Alors que vous aviez déclaré au corps préfectoral, le 22 janvier 2009, « votre point de vue constituera un élément essentiel des choix que je serai conduit à faire pour la suite », vous n'avez pas tenu compte des propositions du préfet du Tarn de l'époque, M. François Philizot, qui allaient dans le sens d'un retour au redécoupage de 1958. Je vous avais interrogé à ce propos, mais vous n'avez pas été en mesure de nous répondre quoi que ce soit. Vous ne nous avez pas expliqué pourquoi, s'agissant du département du Tarn, vous n'avez pas souhaité tenir compte des propositions du préfet.
S'agissant de ma deuxième question, le 13 septembre 2009, vous indiquiez que la commission prévue à l'article 25 de la Constitution était une institution de la République à l'autorité incontestable. Je vous ai donc demandé, monsieur le secrétaire d'État : pourquoi ne pas suivre, dès lors, l'avis d'une telle instance ? Si son autorité est incontestable, cela signifie que vous suivez ses avis. Si vous ne suivez pas ses avis, c'est que vous ne considérez pas son autorité comme incontestable. Vous ne m'avez pas répondu sur ce point non plus.
Je vous ai ensuite posé une troisième question. Quel est le motif d'intérêt général qui justifie un écart de près de 20 000 habitants entre la circonscription la plus peuplée et la circonscription la moins peuplée issues de votre redécoupage, alors que l'écart résultant de la proposition de la « commission Guéna » n'est que de 4 000 habitants ? En quoi votre proposition est-elle donc plus conforme à la décision 2008-573 DC du 8 janvier 2009 du Conseil constitutionnel, aux termes de laquelle la délimitation des circonscriptions législatives devait respecter au mieux l'égalité devant le suffrage ? Pour le dire très clairement, en quoi, monsieur le secrétaire d'État, un différentiel de 20 000 habitants entre deux circonscriptions d'un département assure-t-il mieux l'égalité des citoyens devant le suffrage qu'un redécoupage à l'issue duquel l'écart entre la circonscription la plus peuplée et la circonscription la moins peuplée n'est que de 4 000 habitants ?
Je n'évoque même pas la problématique des évolutions démographiques, que j'ai déjà développée et sur laquelle mes collègues Thierry Carcenac et Jacques Valax ont longuement insisté. La probabilité que l'écart soit très rapidement encore plus important et dépasse le seuil des 20 % est effectivement très forte.
Vous avez, en revanche, répondu – je vous rends hommage, monsieur le secrétaire d'État, car répondre à une question sur huit est mieux que ne répondre à aucune question – lorsque je vous ai demandé pourquoi vous retranchiez le canton d'Anglès à la circonscription Mazamet-Lavaur. Vous m'avez répondu : « C'est parce qu'Anglès est un canton de montagne. » Je prends acte de votre position, mais je considère qu'elle affaiblit singulièrement la cohérence globale de votre argument tendant à justifier le redécoupage. Vous dites également que nous avons deux blocs de deux circonscriptions, les actuelles 4ème et 2ème circonscriptions, que nous n'avons pas touchées puisque nous avons découpé les 1ère et 3ème circonscriptions, actuellement détenues par M. Valax et moi-même. En ne prenant pas la totalité des deux circonscriptions les plus peuplées, mais seulement une partie de l'une des deux, vous affaiblissez singulièrement la cohérence de votre position.
S'agissant de ma cinquième question, monsieur le secrétaire d'État, vous l'avez entièrement réécrite. Je vous demandais pourquoi vous n'aviez pas répondu à ma lettre du 29 juillet 2009, malgré mes interpellations en séance des 14 et 16 octobre derniers et d'hier soir. Vous m'avez objecté que ce n'était pas à vous de répondre à une lettre que j'avais adressée à M. Guéna, président de la Commission prévue à l'article 25 de la Constitution. Le président Guéna et la Commission ont répondu à ma question de manière simple et synthétique au travers de la proposition qu'ils ont faite et qui a été rendue publique. Ce point ne pose aucune difficulté. Mais je faisais allusion à un courrier que je vous ai adressé, que vous avez reconnu avoir reçu et auquel, je le regrette, vous n'avez jamais daigné répondre.
Ma sixième question portait sur le fait que, dans le rapport, vous mettiez en avant la position d'un seul élu local du département, le maire de Castres, en faisant fi des positions exprimées par une cinquantaine d'autres maires, sur quatre-vingts sollicités dans le sud et le sud-est du département du Tarn et pas moins de huit conseillers généraux. Votre réponse sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, est affligeante. Dire qu'un élu en vaut soixante est particulièrement choquant. Même si le maire de Castres est l'élu d'une commune démographiquement la plus importante du secteur, on ne peut tenir de tels propos. Cela me fait penser au mépris affiché par certains à l'égard de ceux que l'on appelle les « petits maires ». Parce qu'ils sont élus de petites communes, leur parole aurait moins d'intérêt que celle des élus de plus grandes communes ! C'est particulièrement choquant, surtout venant de vous, monsieur le secrétaire d'État, qui êtes en charge des collectivités locales. Cela étant, vous ne manquerez sans doute pas de corriger cette position.
Autre question à laquelle vous n'avez pas répondu : le 13 octobre dernier, vous déclariez à cette tribune que le retour au découpage de 1958 devrait être privilégié lorsque la démographie le permettrait. Au regard de tout ce qui a été démontré entre le meilleur équilibre démographique du découpage de 1958 pour le Tarn et l'avis exprimé par la quasi-totalité des élus du département, pourquoi ne pas avoir privilégié ce découpage ? Je suis au regret de constater que vous n'avez apporté aucune explication, si ce n'est des réponses stéréotypées, de portée générale, qui ne permettent en aucun cas de justifier ces éléments. Je ne peux que constater, une fois de plus, la contradiction entre vos propos à cette tribune et vos actes.
Ma dernière question concernait la cohérence de votre position à propos Castres. Couper cette ville en deux, c'est une première depuis la Révolution, Castres ayant toujours eu un seul député ! Mais au-delà du caractère incohérent de votre position, ne serait-ce que par rapport aux éléments qui justifient le choix de ce redécoupage de Castres et des quatre cantons, j'ai essayé de comprendre pourquoi vous aviez choisi de rattacher à la circonscription sud Mazamet-Lavaur le canton nord de Castres qui est le plus opposé géographiquement à Mazamet, et le canton ouest, et pourquoi, a contrario, vous aviez raccroché le canton sud de Castres à la circonscription d'Albi-Castres, alors que c'est celui qui, géographiquement est le plus éloigné d'Albi. Monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas répondu à cette question. En outre, je rappelle que le canton sud et le canton ouest faisaient un seul et même canton il y a plusieurs années et qu'il a été scindé en deux. Vous n'avez même pas respecté cette logique territoriale ! Bien entendu, nous savons tous que la réponse est strictement politique. Le canton nord a voté à 58 % pour Nicolas Sarkozy, le canton ouest à 54 % lors de la dernière élection présidentielle, et les cantons est et sud à 50 %. Seuls des critères politiques et électoraux ont justifié les éléments relatifs à ce redécoupage.
Monsieur le rapporteur, je ne reviendrai pas sur les éléments contenus dans le rapport. En première lecture, vous m'aviez répondu franchement que vous n'aviez fait que reprendre des éléments transmis par le Gouvernement, même si ceux-ci étaient partiels, voire erronés. Je regrette que vous n'ayez pas profité du temps qui vous était accordé pour corriger ces erreurs. Le rôle du Parlement n'a, hélas, pas été respecté, bien que sa mission soit précisément de corriger, d'amender et de faire évoluer positivement les textes. Monsieur le secrétaire d'État, vous devez agir de façon à éviter la censure du Conseil constitutionnel…
Monsieur Folliot, si vous voulez conclure dans quelques instants, je demanderai l'avis de la commission et du Gouvernement.
J'étais sur le point de conclure. Je vous rassure, madame la présidente, je n'utiliserai pas les deux heures quarante minutes de temps de parole qui me sont imparties.
Non, très peu ! Il doit me rester deux heures trente-cinq. Mais je n'épuiserai pas mon temps de parole, car ventre creux n'a pas d'oreille ! Vous conviendrez toutefois que le sujet est suffisamment important pour appeler l'attention de la représentation nationale.
Pour conclure, j'essaierai de vous convaincre, monsieur le secrétaire d'État, avec un dernier argument. En fin de compte, vous faites fausse route. Comme l'a dit précédemment l'un des orateurs, il eût été sage d'écouter la représentation nationale pour éviter le risque d'une censure du Conseil constitutionnel. Certes, le Parlement ne sort pas grandi de ce qui se passe, mais le Gouvernement ne sortira pas, lui non plus, grandi d'une censure du Conseil constitutionnel, d'autant que nous avons été nombreux, sur tous les bancs de cette assemblée, à appeler votre attention sur le caractère fondamentalement anticonstitutionnel de cette ordonnance, concernant notamment nombre de départements, dont celui du Tarn.
Défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, j'interviens à nouveau au sujet du découpage du département du Puy-de-Dôme, qui ne répond manifestement pas aux principes ni aux critères des découpages tels qu'ils ont été déterminés tant par des précédents que par la Constitution ou par des décisions du Conseil constitutionnel.
Ce n'est pas à vous que je vais rappeler la dernière décision rendue par cette haute juridiction, en date du 8 janvier 2009, concernant la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions, qui doivent respecter au mieux, selon les termes du Conseil constitutionnel, l'égalité devant le suffrage. Le Conseil a même précisé que si le législateur peut tenir compte d'impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de cette règle fondamentale, il ne saurait le faire que dans une mesure limitée.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, avec la disparition d'un siège dans le département du Puy-de-Dôme, la moyenne est très proche des 125 000 habitants, 124 693 précisément. C'est la moyenne la plus élevée de toutes les circonscriptions du territoire national.
Ayant pris connaissance des propositions qui allaient peut-être être formulées par M. le préfet, je vous ai écrit une première fois, le 5 mars 2009. Je n'ai jamais reçu de réponse. Je vous ai écrit une deuxième fois, le 20 mai 2009. Là encore, je n'ai pas eu de réponse. J'ai écrit à M. le ministre de l'intérieur le 21 juillet. Cette fois, vous m'avez répondu, ainsi que votre collègue de l'intérieur, sans toutefois répondre à mes deux précédents courriers.
Avec votre proposition, nous passons, dans le Puy-de-Dôme, de six circonscriptions à cinq. Le principe tel que défini par le Conseil constitutionnel comme devant respecter le mieux possible l'égalité devant le suffrage est-il respecté ? Dans votre proposition, monsieur le secrétaire d'État, la 1ère circonscription compte un nombre d'habitants qui relève du « jamais vu », 136 207, soit, par rapport à la moyenne départementale de 124 693, près de 10 % de plus.
La 2ème circonscription, celle de Riom, que je connais plus particulièrement, est inférieure à 12,4 %. Si l'on fait la comparaison entre la plus peuplée, avec environ 136 000 habitants, et la moins peuplée, celle de Riom, avec 109 000 habitants, on aboutit à un écart de 20 % entre ces deux circonscriptions. L'écart est énorme, car auparavant, la différence entre la circonscription la plus peuplée et la circonscription la moins peuplée était de 33 000 habitants. Nous en sommes encore aujourd'hui à 27 000 habitants, plus précisément à 26 964, soit un écart de 20 %.
Y a-t-il une justification à cet écart ? Aucune ! C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, je vous renvoie au courrier que je vous ai adressé le 20 mai, dans lequel, voulant aider vos services, je vous fais une proposition de redécoupage. Nous avions organisé une réunion avec mon collègue Alain Néri et, en un quart d'heure, nous étions parvenus à faire une proposition – il semble, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'en ayez pas pris connaissance – dans laquelle, entre la circonscription la moins peuplée et la circonscription la plus peuplée, il n'y avait qu'un écart de 2 400 habitants. La plus peuplée représentait 1 % de plus que la moyenne départementale, la moins peuplée 1 % de moins.
Écoutez ces chiffres, monsieur le secrétaire d'État. Circonscription n° 1 : 123 381 habitants ; circonscription n° 2 : 123 987 habitants ; circonscription n° 3 : 123 892 habitants ; circonscription n° 4 : 126 366 habitants ; circonscription n° 5 : 125 837 habitants. Au total, une différence de 2 474 habitants entre la circonscription la plus peuplée et la circonscription la moins peuplée.
Monsieur le secrétaire d'État, ne me dites pas, comme vous l'avez fait dans votre réponse en date du 2 octobre, alors que je vous avais écrit la première fois au mois de mars : « En outre la recherche de l'équilibre démographique ayant été privilégiée du fait des exigences du Conseil constitutionnel, il n'a pas toujours été possible de maintenir l'intégralité des bassins dans une même circonscription. » Ne dites pas cela, car c'est une erreur ! J'allais dire que c'est une malhonnêteté intellectuelle de faire cette réponse, dans la mesure où elle ne tient absolument pas compte des réalités.
Depuis le 20 mai, monsieur le secrétaire d'État, vous avez en votre possession une proposition de redécoupage permettant de respecter au mieux l'égalité des suffrages.
Il y a un autre élément sur lequel je voulais attirer votre attention. Compte tenu de la suppression de la deuxième circonscription du Puy-de-Dôme, celle de M. Néri, la plus peuplée des six circonscriptions du département avec 117 000 habitants, comment se fait-il que la circonscription de Riom, dont je suis l'élu, qui compte aujourd'hui 114 000 habitants, soit redécoupée de telle manière qu'elle ne comptera plus que 109 000 habitants, soit 5 400 de moins ? De qui se moque-t-on ?
La finalité que vous recherchez, nous le savons, est de faire basculer cette circonscription à droite.
Vous avez tout d'abord envisagé de lui adjoindre le canton de Rochefort-Montagne, fort connu au niveau national puisque c'est là où le président Giscard d'Estaing s'est fait réélire après son échec en 1981 à l'élection présidentielle. Je vous avais alors averti que si vous supprimiez le fief de M. Giscard d'Estaing, occupé par son fils, vous auriez certainement des nouvelles de l'ancien Président de la République.
Je n'ai jamais envisagé cela ! C'est n'importe quoi ! C'est du délire !
Mais vous avez reçu des ordres du Premier ministre et ce canton a été réattribué à M. Giscard d'Estaing, qui s'est empressé d'obtenir réparation, passant outre à vos observations.
Qu'avez-vous fait alors pour parvenir à réduire la population de la circonscription de Riom ? Vous avez retranché le canton d'Ennezat – que vous connaissez bien car l'aéroport d'Aulnat, que vous fréquentez, monsieur le secrétaire d'État, est situé à moins de 2 kilomètres – dont cinq communes sur dix jouxtent la ville de Riom. C'est à Riom que les habitants de ce canton, dépourvu de collège et de lycée, scolarisent leurs enfants. C'est à Riom encore qu'ils se rendent quand ils doivent aller au tribunal d'instance, au conseil des prud'hommes ou à l'ancienne ANPE. Et ce canton qui a donné à chaque élection plus de 57 % de ses voix au candidat de gauche, à quelle circonscription l'avez-vous rattaché ? À celle de Thiers-Ambert au bénéfice de notre collègue André Chassaigne. Pour faire basculer la circonscription de Riom à droite, il vous fallait en effet ôter le canton votant le plus à gauche et lui rattacher d'autres cantons votant traditionnellement à droite. Il n'y a aucune autre motivation dans votre projet de loi.
Lors de la première lecture, je vous avais indiqué, en toute honnêteté, que si vous me donniez une seule raison valable pour justifier cette modification, je retirerais mon amendement. Vous ne m'avez jamais répondu. « Nul, sinon Écho, ne répond à ma voix », dirai-je, reprenant Du Bellay. Vous ne nous opposez que le silence : le silence des coupables, le silence de ceux qui n'ont pas bonne conscience, le silence de ceux qui pratiquent le charcutage.
Je crois savoir que le 23 janvier prochain, vous êtes invité à la fête du cochon de Besse-en-Chandesse et j'y vois la récompense des talents de charcutier dont vous avez fait preuve.
Monsieur le secrétaire d'État, si vous réintégrez le canton d'Ennezat – 9 600 habitants – dans l'arrondissement de Riom, qui compte aujourd'hui 109 000 habitants, la population de ce dernier atteindra 119 000 habitants. Si vous retranchez ce même canton de la circonscription de Thiers-Ambert – 129 000 habitants –, vous aboutirez aussi à une population de 119 000 habitants, soit une égalité parfaite.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai déjà demandé de me citer une seule raison valable de refuser cette solution qui respecte au mieux l'égalité des suffrages. Vous n'avez rien pu dire, vous mettant en porte-à-faux avec les préconisations du Conseil constitutionnel. Je ne rappellerai pas sa jurisprudence, mais il est clair qu'en agissant de la sorte, vous privez les électeurs du canton d'Ennezat de la possibilité d'exprimer leurs suffrages régulièrement. Éloignés de 40 kilomètres de Thiers et de près de 70 kilomètres d'Ambert, je ne vois pas ce qu'ils ont à faire avec cette partie du département du Puy-de-Dôme.
Vous qui êtes auvergnat, monsieur le secrétaire d'État, vous êtes trop averti pour ignorer que la Limagne n'a rien à voir avec le Livradois-Forez. Historiquement, le canton est ancré aux portes de Riom et de Clermont-Ferrand. Il s'agit donc d'un charcutage particulièrement inadmissible.
C'est la raison pour laquelle, nous attendons avec confiance la décision rendue par le Conseil constitutionnel, car vous ne voulez rien changer.
Défavorable.
Je me fonde sur l'article 56, alinéa 2, de notre règlement. Monsieur le secrétaire d'État, certains silences valent parfois de longs discours. Votre absence de réponse aux questions précises que j'ai posées légitime nos arguments sur le caractère sommaire des justifications qui sont les vôtres s'agissant du redécoupage des circonscriptions dans le département du Tarn. Tous les éléments d'inconstitutionnalité que j'ai pu relever, avec d'autres orateurs, reçoivent confirmation à travers votre silence. Dont acte.
En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur l'amendement n° 1 et sur l'article unique du projet de loi, à l'exclusion de tout autre amendement.
Nous avons achevé l'examen de l'article unique du projet de loi.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote, par scrutin public, sur l'article unique du projet de loi auront lieu le mardi 19 janvier, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, mardi 19 janvier, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur le projet de loi relatif à la délimitation des circonscriptions électorales ;
Discussion du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma