Bis repetita placent, monsieur le secrétaire d'État ! Je ne m'étendrai pas sur les circonstances qui nous conduisent à examiner à nouveau, après son rejet par le Sénat, un texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.
Si ce texte a bien fait l'objet d'une erreur humaine, celle-ci ne vient pas du Sénat, mais du Gouvernement, qui veut imposer un projet que nombre de parlementaires de la majorité refusent eux-mêmes d'assumer. Nos débats en commission des lois l'ont montré avec suffisamment de clarté.
Monsieur le secrétaire d'État, le « déraillement » de votre texte au Sénat a eu le mérite de vous contraindre à mettre une nouvelle fois en lumière devant notre assemblée, donc devant les Français, les absurdités et les injustices d'un charcutage électoral effectué sans vergogne dans plusieurs départements au profit d'un seul et unique parti, l'UMP, et surtout de certains de ses membres.
Comme nous condamnons les lois pro domo, nous refusons de voir ainsi favoriser certains de vos députés au détriment d'autres, en particulier dans mon département. Nous refusons de voir encourager les plus dociles et châtier les récalcitrants en même temps que vous tentez d'empêcher l'opposition.
Je vais vous rappeler les distorsions qui résultent de votre projet de redécoupage et la manière irrespectueuse pour notre Assemblée dont vous avez mené jusqu'ici les débats. J'illustrerai ensuite mon propos avec un exemple – qui m'est cher – devenu l'archétype de l'iniquité de ce redécoupage, celui du département de la Moselle.
Mes chers collègues, utilisons aujourd'hui l'occasion qui nous est donnée de corriger les dérives de ce redécoupage, notamment en ce qui concerne les quarante-quatre départements où la délimitation des circonscriptions ne respecte pas les exigences constitutionnelles d'équilibre démographique.
D'ailleurs, pas plus que vous ne respectez la Constitution, monsieur le secrétaire d'État, ce qui vaudra au Gouvernement, nous l'espérons, un nouveau camouflet avec la censure prévisible de ce texte, pas davantage n'avez-vous respecté les propositions convergentes de la commission consultative du redécoupage électoral et du Conseil d'État ! Dans vingt-et-un cas au moins, vous êtes passé outre.
Je vous comprends, monsieur le secrétaire d'État : prendre en compte leurs remarques pertinentes n'aurait pas permis de mener tranquillement à bien vos finalités partisanes comme vous l'avez fait pour protéger en Moselle certains députés UMP que vous pensez en danger. Comme ma collègue Marie-Jo Zimmermann, j'illustrerai la dérive de ce projet de loi pro domo, au profit d'un seul, en rappelant que le lendemain même de la publication de l'avis de la commission de contrôle au Journal officiel, le samedi 27 juin 2009, le député de Metz 1, François Grosdidier, convoquait une conférence de presse pour faire la déclaration suivante : « Dès lundi, nous rectifierons les choses. Il est clair que le Gouvernement ne tiendra pas compte de la position de la commission. » Voici la preuve que ce projet de loi était fait, en ce qui concerne mon département en tout cas, au profit d'un seul.
Au passage, ce redécoupage rend plus inquiétants encore les projets à venir, notamment ceux concernant le mode de scrutin à un tour pour l'élection des conseillers territoriaux, dont les circonscriptions devront respecter les limites des nouvelles circonscriptions législatives.
Comment ne pas voir dans ces manoeuvres la fabrication d'un véritable bouclier électoral pour une majorité fragilisée par deux années de politiques iniques ?
Venons-en maintenant à l'attitude systématique du Gouvernement depuis le début de l'examen de ce texte. Monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez eu de cesse de communiquer sur le caractère prétendument transparent de la procédure. Dès lors, comment interpréter votre volonté permanente de mettre nos débats sous l'éteignoir ?
Je garde en mémoire les divers artifices de procédure utilisés dans cet hémicycle pour empêcher un véritable débat en première lecture. Pourquoi ne pas avoir laissé se dérouler normalement les discussions, au lieu d'utiliser la procédure prévue par l'article 44 de la Constitution pour imposer un vote bloqué, puis en reportant le vote à la semaine suivante, ce qui vidait le débat de tout son sens ?
Il est vrai que c'est désormais l'une des marques de fabrique de ce Gouvernement qui n'a de cesse de vider de leur contenu les droits attribués au Parlement en général et à l'opposition en particulier.
Je vois comme un avertissement dans le fait que certains députés de la majorité présents en séance aient, eux aussi, regretté votre manière de faire. Le Président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, lui-même, a eu l'occasion de déplorer dès le lendemain le fait que le Gouvernement utilise abusivement la procédure du vote bloqué. Pardonnez-moi les propos désagréables que je tiendrai à l'égard du Gouvernement, mais ils me semblent nécessaires pour dénoncer certaines pratiques. Je vous invite, monsieur le secrétaire d'État, à méditer cette maxime de La Rochefoucauld : « Flatter les princes pour les vertus qu'ils n'ont pas, c'est leur dire impunément des mensonges. »
Le principal vice de ce projet est de répondre, dans le cas de la Moselle, à l'intérêt d'un seul des députés de la majorité, celui de la circonscription de Metz 1, et non à des considérations d'intérêt général.
Alors que la démographie est en faveur du nord du département de la Moselle – plus dynamique – partagé entre la circonscription de mon collègue Michel Liebgott et la mienne, c'est là que vous avez sabré, en préservant les circonscriptions du sud et de l'est, pourtant beaucoup moins peuplées et moins dynamiques démographiquement.
C'est donc pour créer une martingale électorale que vous avez fourni des chiffes erronés à la commission de contrôle du redécoupage électoral. Voilà pour le mensonge.