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Intervention de Jean-Luc Pérat

Réunion du 14 janvier 2010 à 9h35
Délimitation des circonscriptions des députés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Pérat :

Mark Twain a écrit : « Dans la conduite des affaires de l'État, respectez les formalités, négligez la moralité ».

Concernant sa première injonction, les péripéties du texte qui nous occupe aujourd'hui, rejeté par le Sénat suite à l'adoption, par erreur nous dit-on, d'un amendement du groupe communiste, démontrent qu'il ne se trompait pas.

Quant à la sagacité de la seconde, l'application de ce découpage électoral partisan devrait malheureusement nous la révéler lors des prochains scrutins.

Certes, rectifier le découpage des circonscriptions législatives était indispensable. Nous n'en avons jamais disconvenu. Il aurait été injustifiable et inacceptable d'organiser en 2012 une élection des représentants de la nation sur la base d'un recensement vieux de plus de vingt ans.

Et certes, cet exercice n'est pas simple. Nous n'en disconvenons pas non plus. Le découpage parfait n'existe certainement pas.

Cependant, l'observation stricte des règles fixées par le législateur aurait pu et dû conduire à un résultat incontestable, gage d'une légitimité sans faille pour les prochaines législatures.

Las, la tentation d'user des ciseaux électoraux afin de faciliter la conservation future du pouvoir, monsieur le secrétaire d'État, vous qui êtes dans le même temps le spécialiste des questions électorales à l'UMP, était forte. Trop forte.

C'est sans doute pourquoi, dans de nombreux départements, tels que le Pas-de-Calais, la Moselle, Paris, et tant d'autres, les principes constitutionnels de découpage, notamment le respect du critère démographique, ont été bien mal appliqués.

Et c'est également la raison pour laquelle, dans d'autres départements, comme le Nord, au lieu de chercher à réduire les écarts de population par rapport à la moyenne, ou à respecter l'unité des territoires et des bassins de vie, c'est surtout la volonté de favoriser les uns par rapport aux autres qui a dominé.

C'est d'autant plus regrettable que vous disposiez, à la suite de la présentation de votre premier projet, d'une seconde chance d'assurer la légitimité de ce découpage. Il suffisait, comme cela se pratique d'ailleurs dans de nombreuses démocraties, que le Gouvernement se rallie sans exception à l'avis rendu par la commission prévue à l'article 25 de la Constitution, dite commission Guéna.

Il n'en a malheureusement rien été. Vous avez préféré faire un tri, ne retenant que quelques propositions, et pas les plus conséquentes du point de vue du rapport gauche-droite. Vous avez d'ailleurs été aidé en ce sens par la commission elle-même. En effet, je ne m'explique toujours pas pourquoi elle a décidé de créer une nuance, juridiquement indéfinie, entre des « propositions » et des « suggestions », sauf à vouloir faciliter ensuite la décision de passer les secondes par pertes et profits.

Le projet de découpage tel qu'il nous est proposé, lorsqu'on le compare aux suggestions formulées par la commission et non retenues, soulève trois critiques principales, de nature démographique, démocratique et territoriale.

Le cas de l'arrondissement d'Avesnes, territoire dont je suis élu, est symbolique de cette situation. Il me servira donc à illustrer ces trois points.

Du point de vue démographique, d'abord, le découpage de l'arrondissement d'Avesnes n'est pas, contrairement à la suggestion de la commission, la solution qui présente les écarts les plus faibles par rapport à la moyenne départementale. Au contraire, elle crée un monstre, la future troisième circonscription du Nord, totalisant plus de 143 000 habitants : la plus importante du département, la seconde de France.

Autant dire que l'égalité républicaine est mise à mal face à certains députés qui, ailleurs en métropole, seront élus par moitié moins de citoyens, comme en Lozère ou dans le Cantal. Et encore, je veux louer ici la sagacité du Conseil constitutionnel, qui a fait droit à la demande du groupe socialiste de mettre fin à ce minimum de deux députés par département.

Le biais démocratique découle d'ailleurs de ces déséquilibres démographiques. En effet, il faut préciser que les cantons de Maubeuge et de Trélon, qui formeront le gros de cette troisième circonscription, regroupent des populations qui présentent des indicateurs sociaux, économiques et sanitaires parmi les plus inquiétants de France. Comment, dès lors, ne pas relever ce qu'a de cynique la proposition de faire de cette population, déjà fortement défavorisée, l'une des moins équitablement représentée démocratiquement ? Un Mendois ou un Aurillacois vaudra deux Maubeugeois !

Quant aux territoires et aux bassins de vie, ils sont les autres grands perdants de ce projet. Certes, constitutionnellement, le député n'est pas l'élu d'un territoire, mais celui de la nation tout entière. Cependant, cette théorie est battue en brèche par la réalité de l'exercice du mandat de député. Et je ne connais aucun collègue, sur aucun banc de cette assemblée, qui me contredira sur ce point. Le député est bel et bien, dans les faits, l'élu d'un territoire, et il doit être identifié comme tel par les citoyens et par les acteurs de sa circonscription.

D'ailleurs, le choix de maintenir des unités territoriales départementalisées pour les élections législatives montre bien que cet aspect existe, et qu'il revêt même une importance centrale.

Pourtant, alors que l'arrondissement d'Avesnes se divise naturellement en deux territoires distincts aux chiffres de population comparables – à savoir le Val de Sambre au nord, espace urbanisé à vocation industrielle et tertiaire le long de la Sambre, et un territoire plus rural et à vocation artisanale au sud, regroupant l'essentiel du territoire du parc naturel régional de l'Avesnois –, l'arrêté ignore cette répartition nord-sud, lui préférant une répartition est-ouest sans aucune logique territoriale ou historique.

Quant à la ville d'Avesnes-sur-Helpe, 5 051 habitants, elle se retrouve écartelée entre deux circonscriptions. Certes, cela ne contrevient pas fondamentalement au principe posé par le Conseil constitutionnel de non-découpage des communes de moins de 5 000 habitants. Cependant, cette partition nouvelle contrevient à l'objectif affiché de réduire le nombre des petites communes écartelées.

Il est clair, face à ce saucissonnage, que nous ne pouvons que renouveler notre rejet de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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