La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (nos 2167, 2207).
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de trente heures.
Les groupes disposent respectivement des temps de parole suivants : le groupe UMP, huit heures trente ; le groupe SRC, onze heures vingt-cinq ; le groupe GDR, cinq heures quarante-cinq ; le groupe NC, quatre heures vingt. Les députés non inscrits disposent d'un temps de cinquante minutes.
En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.
Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont, en tout état de cause, qu'indicatifs.
La parole est à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le 13 octobre dernier, il y a donc trois mois, je vous présentais ici même le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés.
J'avais alors souligné que ce projet constituait la dernière étape de l'ajustement de la carte électorale commencé voilà maintenant près de deux ans, qui doit entrer en vigueur lors du prochain renouvellement général de votre Assemblée. Celle-ci, particulièrement concernée par ses dispositions, qui portent toutes sur l'élection de ses membres, y a consacré quatre séances de débat avant de l'adopter à une large majorité de 302 voix contre 215, le mardi 20 octobre dernier.
Le passage du texte au Sénat était juridiquement nécessaire pour que l'ordonnance, qui reste pour l'instant un acte administratif, acquière force de loi. Il devait alors être rapide : la tradition veut en effet qu'une assemblée parlementaire ne s'immisce pas dans les questions touchant les membres de l'autre assemblée, comme cela avait d'ailleurs été rappelé au Sénat lors de la discussion de la loi d'habilitation.
Vous savez l'incident qui s'est produit au Sénat...
…lors du vote au scrutin public d'un amendement supprimant l'article unique du projet de loi de ratification, et je ne reviens pas sur les circonstances troublantes – je les qualifie effectivement ainsi – de son déroulement.
Je remarque cependant que le Sénat, qui était appelé à voter mais qui ne devait pas débattre s'il s'était conformé à une tradition républicaine bien établie, a débattu, ce qui est une première et vous oblige par là même à le faire à nouveau. Vous êtes ainsi conduits malgré vous, mesdames et messieurs les députés, à vous prononcer une seconde fois, avant que le Sénat ne l'examine à nouveau à son tour, sur un texte concernant la délimitation de vos circonscriptions électorales, que vous aviez pourtant approuvé de façon expresse et à une confortable majorité.
Cette situation est totalement inédite, du moins sous la Ve République.
Ni votre assemblée ni le Sénat n'avaient examiné le texte qui, en 1958, avait arrêté la première délimitation des circonscriptions d'élection des députés, restée en vigueur pendant 28 ans et sept élections législatives, car il s'agissait d'une ordonnance prise en application de l'article 92 de la Constitution, lié à la mise en place des institutions. En 1986, le projet de loi tendant à la délimitation de nouvelles circonscriptions à la suite du rétablissement du scrutin majoritaire avait été considéré comme adopté par votre assemblée, en première comme en seconde lecture, et le Sénat lui avait opposé la question préalable, après avoir estimé qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur les modalités d'élection des députés ; la loi du 24 novembre 1986, qui fixe le tracé de vos circonscriptions depuis cinq élections générales, n'avait donc pas du tout été discutée au Sénat.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, il me semble nécessaire de souligner ici combien les sénateurs ont ainsi créé, à l'égard de votre assemblée, un véritable précédent, dont les conséquences pour l'avenir sont loin d'être négligeables. Qu'on le veuille ou non, la représentation nationale s'en trouve insécurisée. Que se passerait-il en effet en cas de dissolution de votre assemblée, contrainte de renouveler ses membres dans des circonscriptions non remodelées, malgré l'intervention de maintenant quatre recensements généraux depuis leur dernière délimitation en 1986, et donc illégales, comme l'a rappelé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel ? Oui, je pose la question.
Qu'adviendrait-il aussi des députés qui seraient élus, en cas d'élection législative partielle, dans telle ou telle de ces circonscriptions non conformes au principe d'égalité du suffrage figurant à l'article 3 de notre Constitution, et qui feraient l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel, qui a lui-même demandé que ces circonscriptions soient modifiées « aussitôt après les élections législatives de juin 2007 » ?
Sur un autre plan, celui de l'équilibre entre les deux chambres, est-il certain que l'Assemblée nationale puisse à son tour s'ingérer dans le redéploiement ou la création de sièges de sénateurs ? Poser la question, c'est un peu y répondre ; je ne suis en tout cas pas très optimiste sur ce point.
Certains ont ainsi voulu, si je puis dire, refaire le match. En laissant le Sénat venir en quelque sorte sur votre terrain, empiéter sur votre choix et donc s'ériger en arbitre, voire en censeur, de vos conditions d'élection, ont-ils conscience de la dérive ainsi provoquée, qui ne sert pas l'Assemblée nationale, seule chambre, rappelons-le, élue au suffrage universel direct ?
Mesdames et messieurs les députés, il faut bien mesurer ce qui est en train de se passer : une forme de jurisprudence vient d'être créée, qui dessert l'Assemblée nationale, ainsi privée de la possibilité de s'exprimer définitivement sur la délimitation des circonscriptions de ses propres membres car votre vote en seconde lecture, qui n'aurait normalement pas eu à intervenir, restera de surcroît subordonné, bien entendu, à la position du Sénat, puisqu'il ne vous a pas été demandé de vous prononcer sous le régime de la procédure accélérée. Autrement dit, dans cette affaire, l'Assemblée nationale n'a pas le dernier mot.
Je vous pose la question : le président François Mitterrand et son Premier ministre, pour prendre cet exemple, avaient-ils consulté aussi longuement le Sénat en 1985 avant de modifier radicalement le mode de scrutin applicable à votre propre élection et de créer 90 sièges supplémentaires dans votre assemblée, avant, par conséquent, de procéder à une redistribution totale de la carte électorale législative de notre pays ?
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, il me semble inutile, dans ces conditions, de vous redire ce dont je vous ai déjà fait part le 13 octobre dernier, car je n'ai évidemment rien à y retrancher, ni à y ajouter. Chacun a parfaitement en mémoire les arguments qui ont été donnés ici en faveur de la ratification de l'ordonnance ; aussi, il ne serait pas convenable de vous les répéter. Ils figurent d'ailleurs en bonne place dans le compte rendu de vos débats, publiés intégralement au Journal officiel. Je ne vous ferai pas l'injure de les répéter.
Vous aviez répondu à la question que je vous posais alors en adoptant, sans le modifier, le projet de loi qui vous était soumis, lors du vote que j'évoquais il y a un instant.
Je vous invite aujourd'hui à prendre la même position : le Gouvernement vous propose en effet – c'est l'objet de son amendement n° 1 – de redonner à l'article unique du projet de loi la rédaction qui était la sienne avant l'adoption, par la commission des lois, de l'amendement relatif à la délimitation des 1ère et 3ème circonscriptions de la Moselle, présenté par l'une de vos collègues. En dehors des considérations données dans l'exposé des motifs de cet amendement gouvernemental, trois raisons essentielles me paraissent justifier son adoption.
Premièrement, il y aurait un léger paradoxe – c'est une litote – à laisser subsister un amendement présenté par un parlementaire directement concerné par son contenu, puisqu'il vise son propre secteur d'élection : vous êtes chargés, mesdames et messieurs les députés, de faire la loi et d'exprimer par là même, selon la formule consacrée, « la volonté générale ». Vous avez d'ailleurs introduit dans le code général des collectivités territoriales une disposition rendant illégales « les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet ».
Comment pourriez-vous voter une disposition, proposée par l'un de vos membres, qui peut affecter directement les conditions de son élection future ?
Comme si le redécoupage n'avait pas été fait par les députés de la majorité !
Deuxièmement, compte tenu de l'objet de la réforme à accomplir, qui vous concerne directement, et de l'extraordinaire difficulté des questions à résoudre, il vous a été proposé, et vous l'avez accepté, le recours à la procédure des ordonnances : ce faisant, nous nous inscrivons parfaitement dans la tradition de la Ve République, cette procédure ayant été employée en 1958 comme en 1986. Or le redécoupage, que vous avez habilité le Gouvernement à faire en votre nom, forme un ensemble cohérent, qui ne doit pas être remis en cause, même partiellement. C'est ce qu'une majorité très nette de votre assemblée a estimé en première lecture, en se prononçant en faveur du texte proposé par le Gouvernement, sans le modifier : le rejet du projet de loi par le Sénat, à la suite d'une erreur purement matérielle, ne saurait justifier la réouverture d'un débat sur la délimitation des circonscriptions arrêtée dans l'ordonnance dont la ratification vous est proposée.
Troisièmement, cette délimitation a été effectuée sur la base des chiffres de population authentifiés par le décret du 30 décembre 2008 et donnant les résultats du recensement général effectué depuis 2003 dans les départements de métropole et d'outre-mer. C'est ce que vous avez prévu à l'article 2 de la loi d'habilitation du 13 janvier 2009, dont la rédaction est on ne peut plus claire : « la population des départements est celle authentifiée par le premier décret publié en application de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ». Il s'agit d'une des conditions de légalité de l'ordonnance. Or est intervenu depuis lors un nouveau recensement dont les résultats viennent d'être authentifiés par le décret du 30 décembre 2009 et qui est donc le second publié en application de cette fameuse loi relative à la démocratie de proximité, que vous avez votée en 2002. Comment pourriez-vous modifier aujourd'hui certains des choix effectués dans l'ordonnance du 29 juillet 2009, qu'il s'agisse de la mise à jour de la répartition du nombre de sièges entre les départements ou de celle de la délimitation des circonscriptions législatives dans chaque département, sans tenir compte de ces nouveaux chiffres ? Comment pourriez-vous donc le faire sans recommencer entièrement les opérations que, par la même loi d'habilitation, vous nous avez demandé de mettre en oeuvre « sur des bases essentiellement démographiques » ?
Ce nouveau recensement, je l'indique tout de suite de façon à ne pas y revenir lors de la discussion, ne modifie en aucune façon les résultats auxquels nous sommes parvenus, résultats qui sont ceux de calculs effectués à la date de l'ordonnance, soit le 29 juillet 2009. Et vous n'allez évidemment pas être conduits, du fait de cette méthode de recensement glissant, due à la loi Jospin-Vaillant de février 2002, à refaire l'exercice chaque année. Car ce serait dans cette logique que vous vous inscririez et cela créerait une insécurité générale et permanente des élus au sein de l'Assemblée nationale. Le président de votre commission des lois, M. Warsmann, a d'ailleurs proposé une solution, que j'avais moi-même envisagée en octobre dernier, permettant d'éviter une automaticité de ces modifications, impossible en pratique, compte tenu de la difficulté et de l'ampleur de la tâche.
Contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, je veux le souligner dès à présent, ce nouveau recensement ne remet aucunement en cause le nombre de sièges affectés à chaque département. Et ce, tout simplement parce que la population totale du pays a augmenté d'une année sur l'autre. Ce second recensement, s'il devait constituer la base d'un nouveau découpage, se ferait donc avec un montant de la tranche égal à environ 126 000 habitants, et non plus 125 000, comme c'est le cas aujourd'hui. Les résultats du calcul, nous l'avons évidemment vérifié, seraient les mêmes, pour tous les départements, je dis bien tous les départements, sans aucune exception, y compris pour ceux où les sièges supprimés ou créés l'étaient à la marge : je pense au Puy-de-Dôme…
…ou à la Seine-Saint-Denis, à l'Hérault ou à la Haute-Garonne. Rien de tout cela ne serait remis en cause.
Mesdames et messieurs les députés, c'est une appréciation globale de l'ordonnance que vous devez une seconde fois porter en vous prononçant dans cette nouvelle lecture, qui n'aurait pas dû intervenir…
…sur le projet de loi de ratification qui vous est soumis par le Gouvernement.
Il vous est simplement demandé de confirmer que cette ordonnance respecte bien les exigences de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relatives à l'élection de l'Assemblée nationale « sur des bases essentiellement démographiques, selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage ».
La parole est à M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons à partir d'aujourd'hui, en seconde lecture, le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés.
Les étapes précédentes sont bien connues de tous. Je les rappellerai donc très brièvement.
En premier lieu, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a fixé à 577 le nombre maximum de députés et institué une commission indépendante chargée d'émettre un avis sur les opérations de répartition des sièges et de délimitation des circonscriptions.
En second lieu, le Parlement a adopté une loi organique et une loi ordinaire, datées du 13 janvier 2009. La loi organique fixe à 577 le nombre de députés composant l'Assemblée nationale. La loi ordinaire habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance la répartition des sièges de députés et la délimitation des circonscriptions législatives, inchangées respectivement depuis 1985 et 1986, Pour l'essentiel, cette loi d'habilitation avait été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009.
Puis, est intervenue une troisième étape : l'ordonnance a été prise le 29 juillet 2009. Elle modifie en premier lieu le tableau de répartition qui fixe le nombre de députés pour chacun des départements et chacune des collectivités d'outre-mer. La nouvelle version du tableau de répartition permet de prendre en compte la création de onze circonscriptions pour les députés représentant les Français de l'étranger et procède à une modification du nombre de sièges attribués dans quarante-deux départements, ainsi que dans quatre collectivités d'outre-mer, en raison des évolutions démographiques intervenues entre le recensement de 1982, qui avait servi de base à la distribution des sièges de députés opérée en 1985 et la population au 1er janvier 2006.
En second lieu, l'ordonnance modifie les tableaux n° 1 et 1 bis annexés au code électoral, qui fixent les limites des circonscriptions législatives respectivement dans les départements et dans les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ; elle crée un nouveau tableau, n° 1 ter, qui délimite les circonscriptions des députés représentant les Français établis hors de France.
La quatrième étape, dans laquelle nous sommes toujours, est celle de la ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009. Le projet de loi déposé à cet effet a été adopté sans modification par notre Assemblée le 20 octobre 2009, mais il a été rejeté par le Sénat, dans les conditions que l'on sait, le 14 décembre 2009. Il nous revient donc de nous prononcer à nouveau en deuxième lecture,
À ce stade, trois principes doivent, selon moi, guider notre examen.
Il faut d'abord terminer rapidement ce processus. La nouvelle répartition des sièges et le nouveau découpage électoral sont indispensables, compte tenu des évolutions démographiques, si l'on veut respecter l'égalité devant le suffrage. C'est donc une exigence constitutionnelle qui ne peut plus être différée, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans ses observations du 29 mai 2008 relatives aux élections des 10 et 17 juin 2007.
Ensuite, il ne serait pas conforme à l'esprit de l'article 38 de la Constitution que l'Assemblée nationale refasse, en totalité ou partiellement, le travail de répartition et de délimitation accompli par le Gouvernement. En adoptant la loi d'habilitation du 13 janvier 2009, nous avons fait le choix de ne pas procéder nous-mêmes, au risque de manquer d'objectivité, à une opération qui concerne au premier chef chacune et chacun d'entre nous. Cette sage décision a été explicitement validée par le Conseil constitutionnel lorsqu'il a écarté le recours formé contre la loi d'habilitation et expressément indiqué que la procédure des ordonnances était parfaitement utilisable dans ce domaine.
En revanche, il appartient au Parlement de s'assurer à l'occasion de la ratification que toutes les règles de procédure et de fond définies par la loi d'habilitation et le Conseil constitutionnel sont respectées par l'ordonnance.
S'agissant d'abord de la procédure, vous noterez que la commission indépendante mise en place en avril 2009 et présidée par M. Yves Guéna a été consultée à deux reprises, une première fois sur l'ensemble des départements, une seconde fois sur sept d'entre eux pour lesquels le Gouvernement avait fait de nouvelles propositions. Le projet a ensuite été soumis au Conseil d'État.
S'agissant ensuite des règles de fond, toutes visent à mettre en oeuvre le principe consacré par le Conseil constitutionnel, selon lequel « l'Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct, doit être élue sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions législatives respectant au mieux l'égalité devant le suffrage ».
Force est de constater que l'ordonnance soumise à notre ratification respecte effectivement ces règles de fond, qui sont au nombre de trois.
Premièrement, la population prise en compte pour répartir les sièges et délimiter les circonscriptions est celle authentifiée par le premier décret, publié en application du VIII de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, à savoir le décret n° 2008-1 477 du 30 décembre 2008.
Deuxièmement, à quelques rares exceptions près, justifiées par des raisons géographiques ou démographiques, les circonscriptions sont constituées par un territoire continu et l'unité des communes et cantons est respectée dès lors que leur population est inférieure, respectivement, à 5000 et 40 000 habitants.
Troisièmement, enfin, la population d'aucune circonscription ne s'écarte de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département ou de la collectivité d'outre-mer considérée.
Toutes les conditions de forme et de fond posées par le Parlement ayant été respectées, l'Assemblée nationale devra donc, confirmant le vote émis en première lecture, ratifier l'ordonnance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Bruno Le Roux.
Monsieur le secrétaire d'État, alors que nous nous réunissons aujourd'hui pour la première fois depuis ce début d'année, vous me permettrez de vous adresser, ainsi qu'à vos collaborateurs, mes meilleurs voeux. Je sais que les collectivités locales devaient être l'objet d'un débat, mais je ne suis pas sûr que vous ayez imaginé, à la fin de l'année 2009, que nous nous retrouverions à l'Assemblée pour discuter à nouveau du présent texte.
Vous souhaitez que cette année 2010 soit utile à la démocratie. Pour qu'elle soit plus utile que 2009, il faudrait que nous travaillions encore beaucoup. Vous l'avez compris, je consacrerai mon propos à démontrer qu'il est nécessaire de recommencer le travail qui a conduit à une mauvaise ordonnance, donc à une mauvaise loi de ratification. Le débat que nous allons avoir durant ces prochains jours, monsieur le secrétaire d'État, n'est pas une simple réplique de celui que nous avons eu ici même il y a quelques semaines. Des attitudes se sont fait jour, des choses ont changé, des événements se sont produits.
La preuve a d'abord été faite, lors du débat en première lecture, que vous n'attendiez absolument rien de la représentation nationale,…
…si ce n'est qu'elle entérine vos propositions sans amender et quasiment même sans discuter ! À cette occasion, le Gouvernement a une nouvelle fois montré le peu de considération qu'il porte à la réflexion de notre assemblée. Nous avions des propositions alternatives à vous soumettre, vous n'avez souhaité ni y répondre ni même les entendre. Votre seule tactique, qui n'était même pas une stratégie, tendait à banaliser cette discussion pour ne pas faire apparaître le caractère partisan de ce découpage. Peine perdue d'ailleurs, puisque tous les observateurs – dont la presse – qui se sont intéressés à ce redécoupage ont mis en exergue son caractère partisan s'agissant de nombreux départements.
Après cette première lecture, votre texte a été rejeté par le Sénat le 14 décembre dernier. Là encore, vous pouvez banaliser, minimiser, voire critiquer le Sénat. Toutefois, cette procédure n'est jamais anodine. Elle marque le manque de soutien dont vous avez disposé face à une opposition fondée à critiquer et rejointe sur de nombreux points par des membres de votre majorité. Le malaise était donc profond et causa l'accident : le rejet du texte, ce qui vous oblige à nous présenter de nouveau cette mauvaise ordonnance.
Enfin, ce texte a été amendé par la commission des lois. Je dois reconnaître que l'argumentation très juste et très fine de Mmes Zimmermann et Filippetti a très largement convaincu les membres de la commission.
Elle aurait d'ailleurs pu être déclinée sur de nombreux autres départements.
Contre votre avis, monsieur le secrétaire d'État, ce qui peut sembler normal – car c'est en fin de compte votre copie que nous critiquions – mais également contre celui du rapporteur – ce qui est plus étonnant, compte tenu de la qualité de la démonstration de nos collègues – une mesure a été adoptée, qui proposait un meilleur redécoupage, évitait de tirer des bureaux de vote ici pour les placer là et respectait les entités géographiques. J'ai été étonné que ce meilleur découpage ne vous saute pas aux yeux, monsieur le rapporteur ! J'ai alors eu le sentiment que vous n'étiez simplement là que pour donner raison au secrétaire d'État.
Or votre finesse et votre métier, qui vous pousse à une extrême précision, auraient dû vous conduire à reconnaître devant la commission des lois que, oui, il était envisageable d'effectuer un meilleur découpage, au moins sur ce département.
La commission a donc adopté cet amendement, montrant en cela qu'il était possible de perfectionner ce texte. Je souhaite qu'il en soit de même en séance publique lorsque nous vous proposerons d'améliorer sensiblement les découpages sur de nombreux départements.
Pour vous, après la réunion de la commission des lois, le malaise était consommé. Les fêtes de fin d'année, vous l'espériez alors, allaient vous délivrer pour quelques jours d'une spirale d'échec.
Tel ne fut pas le cas : le recensement publié le dernier jour de l'année 2009 a rendu caduques vos bases démographiques, nécessitant donc un réexamen total de toute la procédure. Je fais allusion ici à une nouvelle loi d'habilitation fondée sur de nouveaux chiffres et de nouvelles procédures de découpage. En effet, le travail que vous nous proposez aujourd'hui méconnaît les nouvelles exigences constitutionnelles selon lesquelles l'Assemblée nationale désignée au suffrage universel direct doit être élue sur des bases essentiellement démographiques. De plus – et cela ne vous a pas échappé – le Conseil constitutionnel ajoute une exigence supplémentaire, considérant que la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions doivent respecter « au mieux » l'égalité devant le suffrage. « Au mieux », ces deux mots totalement nouveaux dans la décision du Conseil constitutionnel vont nous conduire à appréhender différemment le texte qui nous est soumis. En effet, sauf à ce que cette évolution jurisprudentielle soit privée de tout « effet utile », cette décision révèle une élévation substantielle des exigences constitutionnelles en matière de redécoupage.
Tout porte à croire que le juge constitutionnel fera une interprétation stricte…
… des « impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de cette règle fondamentale ».
Cette évolution jurisprudentielle se traduit surtout par la nécessité de fonder le redécoupage des circonscriptions sur les données démographiques les plus pertinentes. L'appréciation du juge constitutionnel se fondera donc logiquement sur les chiffres les plus récents pour juger du respect du principe d'égalité. Le Gouvernement aurait ainsi dû ajuster son projet de redécoupage au vu des nouvelles données démographiques disponibles afin qu'il respecte « au mieux » – je reprends l'expression du Conseil constitutionnel – l'égalité devant le suffrage.
Telles sont les quatre raisons qui vous offraient, monsieur le secrétaire d'État, l'opportunité d'une séance de rattrapage. Or vous nous présentez un texte identique, avec le même caractère partisan, donc sans aucune évolution, et sans avoir pris la mesure du mécontentement qu'il suscite sur de nombreux territoires.
En cette semaine de rentrée, le calendrier de nos débats est cruel pour le Gouvernement. Je profite de l'arrivée de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement pour élargir quelque peu mon propos. Vous découpez les circonscriptions législatives. Et vous nous présenterez, la semaine prochaine, un autre texte dans lequel, pour mettre en place ce conseiller territorial ambigu, vous réduisez les mandats, vous supprimez les élus, vous appauvrissez et portez atteinte aux collectivités locales, vous découpez les cantons…
Rien que cela !
Heureusement que M. Fillon vient de reculer sur l'idée saugrenue de désigner à l'Assemblée nationale deux futurs députés européens !
Je pense que vous avez sûrement compris, monsieur le secrétaire d'État, que la coupe était pleine et qu'elle pouvait déborder, ce qui est malheureusement déjà le cas !
Pourquoi tant d'énergie dépensée à ces réformes des modes de scrutin quand les priorités devraient être ailleurs ? Je le sais, depuis 2004 – et les réactions de la majorité le prouvent –, il y a trop de régions et de départements à gauche !
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !
Croyez-vous donc si peu aux prochains résultats électoraux de la majorité ? Pourquoi chercher dans de mauvais textes ce que les électeurs ne semblent pas vouloir vous accorder ?
Et, pour l'instant, vous ne reculez devant rien ! Contrairement à ce que nous sommes nombreux à penser dans cet hémicycle – et pas simplement sur les bancs de l'opposition, car beaucoup de voix de la majorité s'élèvent dans ce sens – vous avez en effet la certitude que le mode de scrutin à un tour, contraire à toutes nos traditions électorales, est aujourd'hui le mieux adapté en tout cas pour l'UMP. Donc, il n'y a aucune raison de réfléchir davantage et d'engager une concertation. Si c'est bon pour l'UMP, c'est forcément ce qu'il faut faire !
Il semblerait cependant à en croire un hebdomadaire paraissant le mercredi que le Président de la République reculerait enfin sur ce mode de scrutin incompréhensible et antidémocratique. M. le ministre chargé des relations avec le Parlement nous le confirmera peut-être. Nous attendons avec impatience d'en savoir plus. Si le Président de la République envisage un tel recul, nous sommes prêts à entrer dans une large concertation afin d'envisager une autre solution.
En attendant, monsieur le secrétaire d'État, vous découpez ! Ici, souvent pour favoriser l'UMP, là, quelquefois pour vous offrir un alibi de gauche – cela a été souvent le cas lors de cette discussion –…
… ailleurs, parfois, pour accéder aux demandes de mise à mort « politique » de l'Élysée contre un élu trop courtisan.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Juste les initiales !
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez conduit ce redécoupage avec une écoute attentive et une certaine bonhomie, même s'il y a peu de résultats quant à nos propositions. Mais tout cela fait que nous ne souhaitons pas que vous soit confié, demain, le redécoupage général des cantons de notre pays qui viendrait forcément compléter la réforme du conseiller territorial que vous nous préparez aujourd'hui. Ce n'est pas un manque de confiance, c'est simplement la reconnaissance de ce don qui vous permet, par quelques déplacements qui tiennent de la magie électorale, de modifier les caractéristiques des circonscriptions sans que jamais, au résultat final, cela ne vous désavantage.
J'ai même l'impression qu'il n'y a que la gauche qui paie sa place au spectacle. Nous payons la place au spectacle, vous modifiez les limites et jamais cela ne désavantage la majorité !
Nous avons tout de même réussi, parce que plusieurs mois se sont écoulés, à comprendre vos tours de magie comme celui qui consiste, par exemple, à mettre plus de voix de gauche dans une circonscription pour qu'il y en ait moins dans d'autres. Ce principe est simple et répond à vos intérêts, car il rend plus difficile l'alternance dans plusieurs dizaines de circonscriptions.
Le tour est joué ! Applaudissements nourris sur presque tous les bancs de la majorité, sifflets dans l'opposition et consternation des démocrates qui rêvent de moeurs républicaines plus justes et plus apaisées !
Monsieur le secrétaire d'État, avec un grand professionnalisme – et, je veux en témoigner ici, dans une relation qui fut des plus agréables – vous avez donc conduit un travail qui ne peut être jugé que dans sa globalité et qui est malheureusement totalement conforme à la demande que vous avez reçue : c'est-à-dire partisan et de nature à assurer à l'UMP un matelas électoral destiné à rendre plus difficile l'alternance politique dans notre pays.
De tout cela, je souhaite faire la démonstration ici une nouvelle fois, car il va de soi qu'une loi ne saurait, dans le respect de la Constitution, ratifier une ordonnance qui, elle-même, lui serait contraire. C'est donc sur l'ordonnance que portent les griefs d'inconstitutionnalité que je vais détailler et dont la loi n'est bien entendu affectée que par voie de conséquence.
Ces griefs portent, premièrement, sur les vices de procédure qui ont entaché l'adoption de l'ordonnance, deuxièmement, sur l'ensemble du découpage, troisièmement sur l'attribution d'un siège de député aux collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, quatrièmement sur le recul du « droit équitable à l'alternance », cinquièmement sur le découpage d'un certain nombre de départements.
Pour ce qui est d'abord de la procédure, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a prévu l'intervention de la commission dite de l'article 25. Cette dernière a donc tenu de multiples réunions et a rendu des avis sur le projet initial puis sur les modifications dont il a fait l'objet.
Toutefois, on découvre dans l'excellent rapport de M. de La Verpillière, que le découpage a été modifié à nouveau dans trois départements sans que la commission de l'article 25 ait eu à en connaître et que, suite à l'avis du Conseil d'État, il a évolué dans neuf autres départements sans que la commission n'ait eu non plus à en connaître. Le constat, dans sa simplicité, est implacable : douze départements feraient l'objet d'un découpage sur lequel la commission n'a pas été appelée à émettre un avis.
Le fait que les modifications apportées iraient dans le sens souhaité par la commission ne saurait faire perdre à celle-ci le droit de se prononcer à nouveau. Il n'en irait différemment que si ladite commission avait énoncé des recommandations précises que vous auriez scrupuleusement suivies, monsieur le secrétaire d'État. Puisque tel n'est pas le cas, on ne saurait se satisfaire d'intentions prétendument partagées avec elle sans procéder à la vérification nécessaire qui devait prendre la forme d'un nouvel avis public.
Si, alors que les articles 38 et 39 prévoyaient déjà un avis du Conseil d'État, le constituant a estimé nécessaire de créer la commission prévue à l'article 25, c'est bien parce qu'il entendait assigner à celle-ci un rôle différent. Dès lors, le fait que des modifications lui aient été imposées par le Conseil d'État ne dispensait nullement le Gouvernement de soumettre à nouveau les conséquences de ces modifications à l'examen de la commission. Cela demandait une navette entre les deux organes consultatifs prévus par la Constitution. Elle n'était pas forcément commode, mais elle était nécessaire, et le léger inconvénient que son organisation présentait ne pouvait être considéré comme un obstacle sérieux à l'application de dispositions constitutionnelles claires et précises. Au demeurant, le nombre limité de départements concernés aurait permis de rendre facilement ce nouvel avis, surtout si, comme l'affirme le Gouvernement, les intentions de la commission ont été fidèlement prises en compte. Reste que si le constituant a institué cette commission, c'est qu'il n'entendait pas se satisfaire de l'affichage par un gouvernement, quel qu'il soit, de la pureté de ses intentions.
Les règles constitutionnelles sont claires. D'une part, l'avis de la commission est requis sur tout projet délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ; d'autre part, l'avis du Conseil d'État est requis sur tout projet de loi ou d'ordonnance. En conséquence, ce n'est que lorsque ces deux institutions ont été consultées sur l'intégralité de ce qui figurera dans le texte en cause que les exigences constitutionnelles seront satisfaites. Si des navettes sont indispensables à cette fin, c'est que la Constitution elle-même les impose.
J'insiste sur une circonstance particulière. Ce découpage est le premier depuis la révision de 2008. Monsieur le secrétaire d'État, en appliquant pour la première fois le dernier alinéa de l'article 25, persister, parce que vous jugez que le manquement est véniel, dans une interprétation trop peu rigoureuse de ce nouveau mécanisme institutionnel, d'une part l'affaiblirait alors qu'il est déjà bien plus faible que ce que l'on pouvait espérer, d'autre part créerait un précédent qui contraindrait tôt ou tard soit à revenir sur la jurisprudence soit à accepter une application laxiste d'une procédure que le constituant a voulu protectrice et qui cesserait alors de l'être.
Il est donc absolument certain que le redécoupage dans douze départements sera censuré par le Conseil constitutionnel car vous n'avez pas respecté la nécessité de la navette entre la commission prévue à l'article 25 et le Conseil d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'en viens maintenant aux raisons pour lesquelles votre découpage lui-même sera jugé anticonstitutionnel. Ce n'est pas de façon fortuite que j'évoque le découpage et non le redécoupage…
…dont il est fréquemment question.
Le Conseil constitutionnel a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de ce nouveau découpage. Il l'a jugé impératif dans ses observations du 29 mai 2008 sur les élections législatives de 2007. Encore ne le faisait-il dans ce cas que pour des motifs démographiques dont il soulignait l'importance. Depuis sont intervenus en plus ces changements substantiels qu'ont été la création de sièges de députés représentant les Français de l'étranger, l'institution de la commission prévue à l'article 25 ainsi que, par la décision du 8 janvier 2009, la suppression de l'habitude ancienne de maintenir deux députés au moins dans tous les départements.
Pour toutes ces raisons, il ne pouvait être question de procéder à un simple ravaudage de la carte des circonscriptions. L'obligation pesait sur le Gouvernement d'adopter une ordonnance procédant à un redécoupage intégral tirant toutes les conséquences de la nouvelle situation démographique et constitutionnelle. Il le devait d'autant plus que, dans sa décision du 8 janvier, le Conseil constitutionnel s'était, à juste titre, montré plus exigeant en déduisant des articles 1er, 3 et 24 de la Constitution que l'égalité devant le suffrage devait être respecté « au mieux ».
Nul ne lui fera l'injure de penser que c'est fortuitement ou gratuitement qu'il a ajouté « au mieux » ! Or ce « au mieux », monsieur le secrétaire d'État, vous ne le respectez pas, et cela dès le choix de la méthode de répartition.
S'agissant en effet des règles d'attribution du nombre de députés à chaque département ou territoire, le Gouvernement a choisi de recourir de nouveau à la méthode dite des tranches.
Or, bientôt un siècle après la publication de l'ouvrage majeur du mathématicien français Sainte-Laguë, le constat est unanime : sa méthode, bien connue et couramment pratiquée, est la plus juste et la seule qui n'introduise aucun biais systématique.
Ainsi, en demeurer à la méthode des tranches ramènerait les sciences juridiques et politiques au niveau où étaient les sciences exactes à la fin du XIXe siècle ! On frémit à l'idée d'un tel obscurantisme dont le champ démocratique se ferait aujourd'hui l'apanage.
Il faut savoir évoluer quand les quotients évoluent, quand la population évolue. La méthode que vous nous proposez est, à notre époque, obscurantiste car d'autres produisent des résultats bien meilleurs.
Je n'ignore pas, monsieur le rapporteur que, selon le commentaire publié dans les Cahiers du Conseil Constitutionnel, ce dernier « n'a entendu écarter par principe aucune méthode de répartition, notamment la méthode de répartition par tranches évoquée au cours des débats parlementaires. »
Mais, dans ce même commentaire, il est aussi précisé que le Conseil « a entendu cependant signifier que l'égalité devant le suffrage constitue une exigence qui doit être respectée à tous les stades des opérations d'adaptation de la carte électorale ». Par nature, cela vaut, bien entendu, dès le choix de la méthode de répartition.
Il en résulte que si le Conseil Constitutionnel n'avait nulle raison d'écarter la méthode des tranches « par principe », dès lors qu'elle pouvait aboutir à des résultats très proches de ceux qu'eût donné l'utilisation d'une méthode plus sûre, il ne l'avait pas pour autant validée par avance, attendant légitimement de prendre connaissance de la répartition proposée pour voir si elle respectait effectivement l'exigence de l'égalité de suffrage.
Tel n'est manifestement pas le cas et il existe des écarts significatifs entre le découpage proposé et ce qu'il aurait dû ou pu être.
Et la seule justification, outre le poids des traditions, semble être dans vos propos lors du débat d'habilitation : « Mais nous ne sommes pas à la recherche du meilleur système de répartition. » Cela est très discutable, car la répartition par département permet de bien plus grands écarts par rapport à la réalité démographique que la délimitation des circonscriptions.
La méthode choisie est d'ailleurs employée exclusivement en France et n'est reconnue nulle part ailleurs ! Elle est dite de la « tranche commencée » car dès qu'un département a plus de 125 000 d'habitants, on lui accorde un siège supplémentaire. Ce diviseur de 125 000 habitants, choisi par le gouvernement, s'écarte de 11 % de la « circonscription idéale » qui est de 113 000 habitants.
Ce mécanisme bien connu a pour effet de favoriser les petits départements qui « encaissent » mieux l'augmentation du diviseur.
Je vous fais grâce de la répétition des exemples que j'avais donnés en première lecture sur les écarts entre les cinquante départements les plus peuplés et les cinquante départements les moins peuplés selon qu'on recourt à la méthode Adams ou à la méthode de Sainte-Laguë. Avec cette dernière, on atteint une égalité quasi parfaite entre les départements, tandis qu'avec l'autre, les écarts se creusent dans des proportions insoutenables en démocratie.
En comparant la distribution strictement proportionnelle et théorique des sièges, avec les décimales, et la distribution Marleix, on peut quantifier le « vol » et classer les départements et territoires en fonction de celui-ci.
Cela n'échappera pas au Conseil constitutionnel : les cinq départements les plus peuplés, le Nord, Paris, la Seine-Saint-Denis, les Bouches-du-Rhône et la Seine-Maritime se sont fait voler de manière certaine d'un siège avec la méthode que vous avez adoptée.
Les quatre suivants, la Loire-Atlantique, le Pas-de-Calais, le Rhône et le Var ont perdu aussi au moins un siège.
Et au profit de quels départements a eu lieu ce casse électoral ? Voyons ceux dont la population est faible et auxquels vous avez affecté un nombre de circonscriptions bien éloigné de celui que donnerait le diviseur moyen.
Hormis Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, dont la situation se justifie à mes yeux par leur insularité et leur éloignement d'autres territoires français, on peut relever plusieurs cas intéressants. Ainsi si les Hautes-Alpes, la Corse-du-Sud et le Territoire de Belfort n'avaient qu'un siège au lieu de deux dans le découpage Marleix, chacun formerait une circonscription unique dont la population serait encore inférieure à celle de la circonscription métropolitaine la plus peuplée, la sixième de Seine-Maritime. Cela montre que la répartition que vous avez faite et profondément injuste.
Le Jura conserve ses trois députés pour 2,28 « sièges théoriques ». Vaut-t-il mieux avoir trois circonscriptions d'en moyenne 85 800 habitants, soit un écart de -24,1 % par rapport à la moyenne nationale ou deux circonscriptions d'en moyenne 128 700 habitants, soit un écart de + 13,9 % par rapport à la moyenne nationale ? On voit bien que la méthode que vous avez choisie conduit à des écarts beaucoup plus forts.
J'aurais pu tenir le même raisonnement avec le Cantal – je vous l'épargne, monsieur le secrétaire d'État, en cette période de bons voeux – ou pour quelques autres départements. Je tiens la démonstration pour le Cantal à votre disposition si vous le souhaitez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous allez me répondre que le Gouvernement puis le Parlement ont dû choisir entre plusieurs méthodes concurrentes. Vous vous réfugierez aussi sûrement derrière le fait que le Conseil constitutionnel « ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ».
Mais justement, il n'est plus guère question d'appréciation depuis que le Conseil constitutionnel a considéré, cette année même, que le découpage devait respecter « au mieux » l'égalité de suffrage : le fait qu'un découpage, toutes choses égales par ailleurs, respecte cette exigence mieux qu'un autre relève d'un simple constat, lequel conduit alors à préférer le premier tandis que le second, celui que vous avez proposé, devient, de fait, contraire à la Constitution.
Fût-ce avec cent ans de retard, l'occasion se présente enfin d'adopter la méthode dont on sait qu'elle est la plus juste, la plus objective et la plus impartiale. La Constitution, telle qu'interprétée par le Conseil constitutionnel, impose que cette occasion soit saisie.
Elle impose du même coup que soit intégralement rejeté le découpage qui n'a pas assuré au mieux l'égalité devant le suffrage dans la répartition des sièges entre les départements. En raison de ce second motif, dans quelque temps votre projet de redécoupage sera intégralement rejeté par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mon troisième point porte sur les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Il résulte de l'ordonnance ratifiée par la loi déférée au Conseil que la Guadeloupe conserverait quatre députés auxquels s'ajouterait un siège pour les électeurs de Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
En 2007, le Conseil constitutionnel avait sagement indiqué que la création de sièges pour les deux îles dont le statut changeait ne serait conforme à la Constitution qu'autant qu'elle tendrait à ce « que soient corrigées les disparités démographiques affectant actuellement l'ensemble des circonscriptions législatives au plan national, y compris celles de Guadeloupe » et avait énoncé une réserve formelle à ce sujet.
Loin d'avoir souscrit par avance à la création d'un voire deux sièges au profit de ces communautés, il avait donc fixé un rendez-vous dont l'heure est aujourd'hui arrivée. Saint-Barthélemy compte 8 398 habitants, Saint-Martin, 35 692, soit un total de 44 090 habitants. Au regard de la géographie antillaise, le critère de l'éloignement particulier auquel fait allusion le Conseil constitutionnel est absent puisqu'elles sont très proches de la Guadeloupe avec laquelle elles entretiennent des relations nombreuses et quotidiennes. La circonscription ainsi créée ne représenterait que 35 % de la population correspondant à la moyenne nationale des circonscriptions, et environ 40 % de la population de la Guadeloupe pourtant voisine.
De surcroît, l'addition des populations de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin s'élève à 451 809 habitants, soit une somme inférieure à celle qui devrait donner automatiquement droit à quatre députés. Partant, cela interdit, monsieur le secrétaire d'État, qu'il puisse y en avoir cinq !
Je ne m'arrêterai qu'un instant sur l'objection selon laquelle la Guadeloupe est un département relevant de l'article 73 de la Constitution tandis que les deux îles voisines relèvent de son article 74. Premièrement, cette différence, qui existe depuis 2003, n'a eu aucune conséquence sur le renouvellement général de 2007. La différence de statut constitutionnel n'a donc aucune importance à cet égard.
Deuxièmement, une telle différence pourrait n'être que passagère puisque la Guadeloupe pourrait être prochainement consultée sur un passage à l'article 74. Certes, deux autres départements, la Guyane et la Martinique, viennent de montrer que ce passage n'était pas automatique, mais cette perspective demeure ouverte pour la Guadeloupe. Troisièmement, le Conseil n'a pas manqué de rappeler que tous les députés, sans exception, représenteront au Parlement la nation tout entière et non la population de leur circonscription d'élection. En conséquence, les situations locales sont sans pertinence au regard de l'attribution des sièges.
Quant à l'argument de texte que l'on prétendrait tirer du code électoral en faisant valoir que l'article L. 125 distingue les sièges attribués aux départements d'une part, et ceux qui le sont aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution d'autre part, il est inconsistant. En effet, cette distinction, qui résulte d'une loi ordinaire, ne saurait faire obstacle à l'application du principe constitutionnel d'égalité devant le suffrage.
Pour toutes ces raisons, il y a un troisième motif de rejet du projet de loi de ratification de l'ordonnance en ce que vous avez prévu l'attribution d'un siège à Saint-Barthélemy et Saint-Martin et, par voie de conséquence, à rejeter le découpage de la Guadeloupe qui devrait être refait pour y intégrer les deux îles voisines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'en viens au quatrième point. Je n'en suis pas à la fin de mon intervention (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe SRC) : il me reste tant de départements à détailler.
Je souhaite aborder, plus rapidement qu'en première lecture, ce que nous appelons « le droit équitable à l'alternance ». Je vais donc maintenant examiner les effets de votre découpage appliqué au scrutin de 2007. Cette démonstration ravit toujours le rapporteur, qui s'exclame qu'elle n'est pas juste. Il n'a pourtant pas profité des deux derniers mois pour fournir une autre analyse politique de ce que donnent les résultats de 2007 avec le redécoupage proposé par le secrétaire d'État.
J'avais, lors de la première lecture, détaillé la méthode qui permet d'arriver à des résultats… toujours très intéressants. Malheureusement, ceux-ci n'ont pas changé ! Sur les trente-trois circonscriptions qui disparaissent, le rapport est-il équilibré entre la droite et la gauche ? Vous n'étiez pas là, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, quand j'ai détaillé cela, mais je vais le redire : sur les trente-trois qui disparaissent, vingt-trois touchent la gauche et dix seulement la droite. Ce n'est donc pas un équilibre qui était recherché, vous en conviendrez. Sur les trente-trois circonscriptions nouvelles, neuf seulement auraient donné un député de gauche et vingt-quatre un député de droite.
Chers collègues de la majorité, je suis sûr qu'à une autre époque, vous vous seriez insurgés contre de tels résultats complètement déséquilibrés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le résultat : un seul gagnant, l'UMP, avec vingt sièges de plus, et des sièges en moins pour tous les autres groupes !
De tels résultats aussi partisans sont globalement incompréhensibles. Malheureusement, cela devient totalement compréhensible quand on regarde, département par département, les choix qui ont été faits, la façon dont le découpage a été conçu. On ne peut pas procéder à cette étude sans mettre en exergue le fait que la somme de ces découpages trop partisans conduit à un déséquilibre démocratique qui devrait être rejeté sur tous les bancs car ce dispositif vise à détruire le lien de confiance entre la population, via un mode de scrutin, et la représentation nationale, c'est-à-dire la représentation de l'intérêt général. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Nous aurions donc souhaité que la commission de contrôle inscrive dans ses travaux une exigence nouvelle : la garantie du droit des citoyens à choisir sans entrave une majorité politique. J'aurais souhaité que notre rapporteur, dans ses travaux préparatoires, se donne la peine de s'assurer que la majorité électorale du pays telle qu'elle se forme au second tour des élections législatives soit en mesure d'acquérir une majorité de sièges à l'Assemblée, constituant ainsi la majorité parlementaire nécessaire au bon fonctionnement des institutions. Vous le savez, une telle demande n'est pas d'opportunité politique : de tels travaux préparatoires auraient bénéficié à quiconque peut emporter une majorité car son succès n'aurait alors pu être contesté lors des élections législatives postérieures à la redéfinition des circonscriptions.
Je ne vais pas revenir sur la démonstration détaillée que je vous ai épargnée il y a quelques minutes, mais je redis qu'à l'issue de votre redécoupage et sans qu'il vous soit possible de démontrer le contraire, la gauche, avec 50 % des voix, n'obtiendrait plus que 260 sièges sur 577, contre 317 à la droite avec le même nombre d'électeurs. Avec ce redécoupage, il y aurait une différence de cinquante-sept sièges alors que les résultats électoraux seraient identiques ! Il s'agit là non pas d'une anomalie majeure dans notre démocratie,…
…mais d'un scandale démocratique contre lequel le Conseil constitutionnel ne pourra, une nouvelle fois, que constater qu'il convient de refaire le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je ne dis rien !
Enfin, j'en viens au cinquième point.
La première lecture avait donné lieu à des considérations générales. Je vous avais senti frustré, monsieur le secrétaire d'État, que nous n'entrions pas dans le détail de quelques départements qui caractérisent le professionnalisme qui est le vôtre. Je n'ai donc pas pu résister à la tentation de constater la violation des règles constitutionnelles que je viens de rappeler dans beaucoup trop de départements et dans les circonscriptions dans lesquelles seront élus les députés représentant les Français de l'étranger. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Avant d'étudier quelques-uns de ces cas, je rappelle, d'une part, qu'ils ne doivent pas être examinés seulement en eux-mêmes mais aussi par référence à d'autres découpages possibles qui respecteraient mieux l'égalité devant le suffrage, d'autre part, que vous ne sauriez demain vous réfugier derrière une appréciation qui relèverait du seul pouvoir du Parlement puisqu'il s'agit de constats purement objectifs.
De plus, vous le savez, la jurisprudence constitutionnelle a, dès 1986, fixé la règle absolue selon laquelle l'écart maximum de population des circonscriptions par rapport à la moyenne départementale ne saurait excéder 20 %. C'est déjà beaucoup, c'est énorme ! En effet, cela peut aboutir, arithmétiquement et à partir d'une moyenne de 100, à accepter qu'une circonscription située à 120 compte 50 % d'habitants de plus qu'une autre située à quatre-vingts. Sans doute cela est-il souvent discutable mais parfois inévitable, et c'est la raison pour laquelle a été déterminée cette fourchette. Mais le Gouvernement et vous, monsieur le secrétaire d'État, vous l'interprétez comme une latitude qui vous serait consentie pour en faire l'usage de votre choix : dès lors qu'il demeure dans ces limites démographiques, vous pourriez concevoir votre puzzle…
…exactement comme bon vous semble. Mais non, tel n'est pas le cas, ou plutôt absolument plus du tout le cas depuis la décision du Conseil constitutionnel.
Vous pouviez peut-être avant procédé ainsi, mais aujourd'hui, le Conseil constitutionnel vous enjoint de respecter « au mieux », selon ses propres termes, l'équilibre démographique. Cela signifie que l'on ne saurait se satisfaire du non-franchissement, ce qui est bien le minimum, des écarts extrêmes de plus ou moins 20 %. La Constitution exige aujourd'hui beaucoup plus que le respect de ces limites : elle impose des écarts minimums. Vous n'avez malheureusement pas procédé ainsi.
Si !
On en est à plus ou moins 10 % !
J'ai cité les départements où la diminution des écarts vous avantageait, mais il y en a d'autres où je vais vous montrer que vous avez fait tout le contraire, laissant persister des écarts pour ne pas gêner un certain nombre d'amis de votre majorité.
De la même manière, les autres règles, s'agissant notamment de la préservation de l'intégrité de toute commune dont la population est inférieure à 5 000 habitants ainsi que de tout canton constitué par un territoire continu dont la population est inférieure à 40 000 habitants, ne valent pas licence de diviser arbitrairement les communes de plus de 5 000 habitants non plus que les cantons de plus de 40 000. Si de telles divisions sont parfois nécessaires, elles ne sont admissibles qu'à la mesure de cette nécessité. C'est d'ailleurs ce sur quoi le Conseil constitutionnel avait tenu à insister par avance, dans le considérant n° 26 de sa décision de janvier 2009, en précisant « qu'en conséquence, la faculté de ne pas constituer une circonscription en un territoire continu, celle de ne pas respecter certaines limites communales ou cantonales lorsque les conditions précitées le permettent, ainsi que la mise en oeuvre de l'écart maximum mentionné au quatrième alinéa du 1° du II de l'article 2 doivent être réservées à des cas exceptionnels et dûment justifiés […]». C'est donc à la lumière de ces nouvelles exigences que je souhaite aborder les cas suivants.
Monsieur de La Verpillière, à tout rapporteur tout honneur, je vais commencer par le département de l'Ain. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) L'évolution démographique vous conduit, monsieur le secrétaire d'État, à créer un siège dans ce département. Mais pour cela, vous avez choisi de diviser artificiellement l'agglomération de Bourg-en-Bresse sans pour autant parvenir à l'équilibre démographique le plus satisfaisant. En effet, alors que le canton de Péronnas, qui appartient à la communauté d'agglomération de Bourg-en~Bresse et entretient avec cette dernière des liens très étroits en a cependant été dissocié, des communes étrangères à cette communauté d'agglomération ont été rattachées, pour des motifs exclusivement politiques, à la première circonscription. Cela devient inconstitutionnel lorsqu'il apparaît que le résultat de cette anomalie est de produire des écarts de population de presque 7 % entre la circonscription la plus peuplée et la moins peuplée, alors que ces mêmes écarts, corrigés de l'anomalie que je viens d'évoquer, auraient été ramenés à 5 %.
Sans ces transferts de cantons uniquement politiques, l'écart aurait donc été moindre. Vous créez un écart supérieur de deux points par une manoeuvre politique.
Je vous le dis, monsieur le secrétaire d'État : si vous ne modifiez pas aujourd'hui ce découpage, il a toutes les chances d'être censuré !
S'agissant de l'Aude, ce département compte trois circonscriptions qui connaissent des déséquilibres importants qu'il convient de supprimer. Ce n'est pourtant pas ce à quoi aboutit le découpage gouvernemental qui, par un mécanisme totalement artificiel, laisse encore subsister des écarts par rapport à la moyenne départementale qui sont très proches de ce qu'ils eussent été en résultant d'un découpage naturel. On voit bien, encore une fois, que le fait de vouloir triturer n'a pas permis d'améliorer les écarts.
Passons maintenant au Calvados. (« Ah ! » plusieurs les bancs du groupe SRC.) Dans ce département, où les évolutions démographiques rendaient indispensables des réajustements, le Gouvernement, comme bien souvent, en a choisi d'artificiels sans que cela se traduise par des résultats optimaux en matière d'équilibre démographique.
C'est ainsi que les communes de Lisieux et de Caen sont réparties entre plusieurs circonscriptions. De même, c'est sans la moindre utilité réelle que le canton de Lisieux I a été scindé entre les troisième et quatrième circonscriptions.
Alors qu'un découpage alternatif aboutissait à six circonscriptions toutes équilibrées, les écarts maximums de population s'élevant à moins de 4 %, le choix du Gouvernement les situe entre plus 8 % (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) et moins 5 %. C'est sensiblement moins satisfaisant, et anticonstitutionnel au titre de la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel que j'ai rappelée.
Parlons du Gard. Une nouvelle circonscription a été créée dans ce département, qui passe donc de cinq à six députés. La chose promettait d'être d'autant plus aisée à réaliser qu'aucun canton n'atteint 40 000 habitants, ce qui facilite grandement un découpage équilibré. Pourtant, le résultat se caractérise par un écart de plus de 28 000 habitants entre la circonscription la plus peuplée et la moins peuplée, la seconde étant ainsi surreprésentée par rapport à la première de 28 %.
Bien sûr, cet écart demeure dans la fourchette de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale, mais ce pourcentage n'est qu'un maximum toléré dans le cas où des spécificités locales ne permettent pas de faire mieux. En revanche, en l'absence de telles particularités comme dans le cas du Gard, la règle selon laquelle l'équilibre doit être respecté « au mieux » doit s'appliquer.
Or, une autre proposition dont nous vous avons fait part fait apparaître, toutes choses égales par ailleurs, un écart de seulement 20 000 habitants – ce qui est mieux que 28 000 habitants – entre la première et la deuxième circonscription, ramenant à 19,56 % la surreprésentation de la première : on passe de 28 % à 19,56 %, ce qui est une amélioration significative, selon les critères du Conseil constitutionnel.
Comme si cela ne suffisait pas, sept cantons sont déplacés entre les circonscriptions qui existaient au préalable, sans aucune justification démographique. C'est ainsi que la quatrième circonscription qui se trouvait presque exactement à la moyenne départementale intégrerait un canton supplémentaire de 18 000 habitants et en perdrait trois de 20 000 habitants.
Allez comprendre pourquoi on enlève ici trois cantons de 20 000 habitants pour en rajouter un autre de 18 000 habitants, alors que cela produit à peu près le même résultat au final ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La motivation n'est autre que politique : il faut regarder les résultats produits par ces cantons pour connaître ceux qui sont attendus dans chacune des circonscriptions.
Enfin, la ville de Nîmes elle-même est répartie entre deux circonscriptions découpées d'une manière géographiquement, historiquement et sociologiquement absurde…
…qui ne trouve de cohérence que dans la volonté de favoriser un camp politique. En effet, alors que les cantons de Nîmes I et de Nîmes VI sont en continuité géographique, celui de Nîmes III, situé à l'est de la ville, en est séparé. Ils forment pourtant ensemble la première circonscription, tandis que la deuxième, étalée du nord au sud de la ville, hérite d'un tracé tout aussi discutable.
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, la commission de contrôle s'en était émue dans son premier avis et je m'étonne qu'elle n'ait pas cru bon d'y revenir ensuite, alors que rien n'avait changé. S'il fallait un gage de l'indépendance de la commission… Quand on lui soumet une deuxième fois un projet qu'elle a critiqué, elle ne dit plus rien. Cela donne des indications sur la façon dont certaines pressions ont été exercées.
À tous ces titres, le découpage du département du Gard, qui est loin de servir au mieux l'équilibre démographique, qui déplace des cantons dans un but exclusivement politique et qui ne respecte pas la continuité territoriale, doit être revu, sinon il sera très certainement censuré, suivant les nouvelles exigences du Conseil constitutionnel.
Quelques mots sur la Haute-Garonne. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Les dix circonscriptions de ce département présentent des déséquilibres dont la commission n'a pas manqué de s'émouvoir, contrairement au Gouvernement qui les a pourtant maintenus.
C'est ainsi que sept cantons ont été scindés, sans que cela, et pour cause, soit « dûment justifié », ni même d'ailleurs, que la moindre justification soit esquissée.
Or, cette multiplication d'artifices conduit néanmoins à d'importants écarts de population par rapport à la moyenne départementale : le taux se situe entre 5 et 10 % pour trois circonscriptions ; il atteint même 15,25 % dans la circonscription la plus peuplée.
Cela est d'autant moins acceptable qu'une proposition alternative démontre qu'il était possible de réaliser un découpage beaucoup plus équilibré pour toutes les circonscriptions, ne faisant apparaître que des écarts maximum de 7 % par rapport à la moyenne départementale.
Votre projet scinde sept cantons en deux et l'un des écarts dépasse 15 % ; dans une proposition alternative l'écart maximum se situe à 7 %. Cette dernière sera bien entendue soumise à nos débats, puis au Conseil constitutionnel. N'avoir pas retenu cette seconde formule, qui était d'évidence, est clairement contraire aux principes constitutionnels.
Ils sont tous socialistes !
Ils sont tous socialistes, mais vous avez fait en sorte que votre découpage vous permette éventuellement de prendre l'un des deux nouveaux sièges. Je vous reproche de faire un découpage qui ne respecte pas les principes constitutionnels.
Les résultats que généreront les élections suivantes, je ne m'en occupe que très peu, monsieur le secrétaire d'État. C'est la clarté des règles constitutionnelles qui m'importe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Venons-en l'Hérault, un département auquel vous êtes attaché, monsieur Marleix. Votre illustre prédécesseur, l'américain Elbrige Gerry – qui a donné son nom au gerrymandering – avait dessiné une célèbre salamandre, étudiée dans tous les cours de sciences politiques. Pour ce département du littoral qu'est l'Hérault, vous avez préféré l'étoile de mer, à moins qu'il ne s'agisse d'une chauve-souris à queue longue, si l'on en juge par la photo. En tout cas, le schéma de ce département montre une figure assez improbable en matière de redécoupage.
Premièrement, l'on doit constater deux fractionnements sans autre explication que politique : le canton de Frontignan est amputé de la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, et celui de Lunel perd sept communes ne regroupant que 7 102 habitants. Malgré ces prélèvements chirurgicaux, l'égalité démographique demeure sensiblement moins satisfaisante qu'elle aurait pu l'être et le Gouvernement a joué à une espèce de bonneteau avec onze cantons qui mutent sans nécessité autre qu'occulte, d'une circonscription à un autre.
À la première circonscription actuelle, il est retiré deux cantons et ajouté deux autres, tous peuplés de 25 000 à 30 000 habitants. Encore une fois, on parvient au même résultat, mais en bougeant les cantons sans que soit enregistré le moindre progrès en matière d'équilibre démographique, mais avec des dividendes escomptés en termes politiques pour la majorité actuelle.
Deuxièmement, le découpage de Montpellier serait divertissant s'il n'était à ce point choquant. Représentatif d'un non sens géographique et social, il aboutit à un tracé aberrant par sa forme, tandis que les cantons qui ne sont pas au coeur même de la ville sont soigneusement rattachés aux circonscriptions extérieures, plus rurales, dans lesquelles ils se fondent.
Ainsi, le découpage antérieur est-il bouleversé sans nécessité, en maintenant des écarts démographiques superflus et en fractionnant arbitrairement deux cantons, ce qui constitue autant de motifs de censure, au regard des nouveaux critères définis par le Conseil constitutionnel.
Examinons le cas de l'Isère qui gagne une circonscription. C'est dans le nord-est du département que l'évolution démographique a conduit à la dessiner. Cependant, à cette fin, le Gouvernement a éclaté deux cantons, ceux de Roussillon et Vizille, ce qu'aucune exigence ni géographique ni démographique ne commandait.
Première conséquence : la cinquième circonscription hérite d'une fraction du canton scindé de Vizille, se retrouvant avec une population sensiblement plus élevée que la moyenne départementale dont elle était pourtant très proche. Deuxième conséquence : la septième circonscription se voit dotée d'un tracé singulier, tout en longueur, qui la distingue de façon pour le moins suspecte de ses voisines.
Or, tout ceci est d'autant plus troublant qu'aucun gain substantiel n'est accompli, même au prix de ces acrobaties, en termes d'équilibre démographique puisque la population des troisième et cinquième circonscriptions serait supérieure de plus de 10 % à la moyenne départementale, tandis que la population de la sixième serait inférieure de plus de 11 % à cette même moyenne.
S'il n'est pas modifié, le découpage de ce département encourt évidemment la censure, notamment parce que des scissions de cantons ne sont pas dûment justifiées.
Prenons le Loiret. Voyez, je ne m'intéresse pas qu'aux départements qui ne comptent que des députés de gauche ! Je travaille ici sur un département qui n'a que des députés de la majorité.
Dans ce département, l'existence d'une deuxième circonscription hypertrophiée avait conduit la commission à souhaiter que le canton d'Orléans-Carmes fût transféré à la sixième, laquelle pouvait perdre celui de Lorris au profit de la troisième.
Loin de retenir cette solution de bon sens préconisée par la commission, le Gouvernement a préféré bâtir un Lego incohérent.
D'une part, le canton de Fleury-Les-Aubray, gare de la ville d'Orléans située dans la continuité de celle-ci, a été basculé dans la circonscription rurale où elle retrouve les cantons de la Beauce. D'autre part, l'agglomération nouvelle, qui forme le canton d'Orléans-La-Source, est dissociée du reste de la ville, versé dans la sixième circonscription.
Comme souvent, on pourrait se borner à ne voir là que des bizarreries géographiques qui n'ont d'explications que partisanes. Comme souvent aussi, cette orientation inacceptable s'aggrave encore de ce qu'elle crée des déséquilibres géographiques superflus et, partant, inconstitutionnels.
La Mayenne. Comme l'avait souligné la commission, un rééquilibrage important était nécessaire entre les première et deuxième circonscriptions. Pourtant, on a commencé par apporter à la troisième circonscription le canton de Loiron, traditionnellement orienté en faveur de la majorité actuelle, pour le substituer à celui de Laval nord-est, plus réfractaire.
Surtout, l'occasion était donnée d'attribuer un siège à l'agglomération dont l'unité serait ainsi respectée, et de découper deux circonscriptions plus rurales, l'une et l'autre homogènes.
Cette proposition aurait aisément abouti à un équilibre démographique satisfaisant – un écart de seulement 3 000 habitants entre les deux circonscriptions les plus et moins peuplées –, mais vous avez préféré réaffecter quatre cantons, sans autre logique que purement politique, donc purement condamnable.
J'en viens maintenant à la Meurthe-et-Moselle. Comptant actuellement 725 302 habitants, ce département perd un siège. On s'attendait à ce que la troisième circonscription, très déficitaire, fût supprimée pour que ses cantons renforcent ses voisines. Il n'en fut rien, pour des raisons que seule mon ingénuité naturelle peut rendre mystérieuses.
Je ne vois pas du tout pourquoi la troisième circonscription n'a pas été supprimée ! Au contraire, c'est la deuxième circonscription, pourtant très proche de la nouvelle moyenne départementale, que l'on a choisi de dépecer.
S'en trouve particulièrement affecté le canton de Tomblaine. Celui-ci compte douze communes qu'une logique de bassin fait tourner vers l'agglomération nancéenne. Les quatre plus importantes font partie de la communauté urbaine du Grand Nancy. On y trouve, outre l'aéroport, le stade de football de l'équipe professionnelle de l'AS Nancy Lorraine, une piscine du Grand Nancy et bien d'autres infrastructures.
Dès lors, faire basculer ce canton vers la quatrième circonscription, le Lunévillois, est naturellement perçu par la population comme une aberration qui n'a d'autre objet que partisan. En outre, on peut rappeler pour l'anecdote que vous aviez, monsieur le secrétaire d'État, pris l'engagement qu'aucun député-maire ne verrait sa commune quitter sa circonscription. C'est pourtant très exactement ce qui se produirait avec le redécoupage prévu en Meurthe-et-Moselle.
On l'aura compris, l'essentiel est ailleurs. Il est dans le fait que, tout en maintenant des écarts de population importants entre les circonscriptions et, partant, sans pouvoir se prévaloir d'un progrès sur ce plan, le découpage scinderait inutilement des territoires géographiquement, sociologiquement, économiquement et historiquement homogènes.
C'est l'une des nombreuses définitions que l'on pourrait donner du terme charcutage. La censure est donc certaine concernant ce département, si vous ne changez rien.
Quelques mots sur la Moselle, un département que nous avons été conduits à examiner plus particulièrement en commission des lois. Si vous avez usé de la hache ou du scalpel dans d'autres départements, c'est au laser que vous avez opéré votre microchirurgie particulière en Moselle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Certes, il fallait procéder à l'ablation d'un siège, ce qui n'est jamais aisé. L'opération a d'ailleurs raté, en raison de l'adoption très légitime, d'un amendement par notre commission des lois. Tout à l'heure, il a été injustement contré par un amendement du Gouvernement, mais nous aurons l'occasion d'y revenir en séance, madame Zimmermann.
En Moselle, on s'attendait à ce que votre travail se fît dans le sud et l'est du département, moins peuplés, mais votre projet préféra s'attaquer au nord, à la démographie beaucoup plus dynamique et, surtout, aux sympathies majoritaires pour l'opposition affirmées.
La commission de contrôle puis le Conseil d'État s'en sont étonnés, sans que cela vous fît sourciller. Le résultat est déroutant. Trois cantons sont scindés : Metz I, Metz III, et Yutz. Ce dernier se trouve amputé de la commune de Terville dont la taille modeste – 6 000 habitants – pourra fournir un appoint bienvenu dans la circonscription voisine. Une partie de Metz III volera au secours du député de la majorité élu dans la circonscription de Metz I.
Enfin, plus étrange encore et cas unique semble-t-il, ce sont des bureaux de vote et non, comme à l'accoutumée, des communes qui permutent d'une circonscription à une autre.
Ces bureaux de vote ne recensant, par définition, que des électeurs, l'on ignore donc les chiffres des populations ainsi contraintes au nomadisme.
Rappelons que l'aptitude à dissocier des ensembles n'est pas conçue pour la commodité de ceux qui l'exerce, mais seulement pour permettre que soient réglées des difficultés particulières qui ne pourraient l'être autrement.
Si ces tracés capricieux étaient le prix à payer pour un découpage harmonieux et démographiquement équilibré, ils ne cesseraient pas d'être troublants mais pourraient au moins se prévaloir de ces qualités. Or, bien loin de cela, la cinquième circonscription demeure inchangée alors qu'elle présente un écart de population de - 13,03 % par rapport à la moyenne départementale, et la neuvième de + 11 %.
Cumuler à ce point la volonté partisane et la maladresse géographique n'est certes pas respecter « au mieux l'égalité devant le suffrage » que commande le Conseil constitutionnel.
Quelques mots sur la Nièvre. Là encore, il suffit de contempler la carte du découpage de ce département pour en saisir l'artifice. En effet, on y découvre une circonscription que sa forme en « L » rend déjà suspecte.
On constate ensuite qu'au choix d'une circonscription rurale et d'une autre plus urbaine, intégrant l'ensemble de l'agglomération de Nevers, on a préféré amputer celle-ci de l'un de ses cantons pour le transférer dans l'autre circonscription. Cette option est d'autant moins compréhensible – sauf politiquement, bien sûr – que le découpage naturel eût abouti à un équilibre géographique et démographique bien plus satisfaisant. Mais l'on devrait revenir sur cet artifice en séance, comme le confirment d'ailleurs les signes d'approbation de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
Non, pas du tout ! Ce découpage est d'ailleurs au profit d'un député socialiste.
Dire qu'un découpage se fait au profit de tel ou tel député révèle votre façon d'envisager les choses : le découpage, monsieur le ministre, ne saurait reposer sur les profits que peuvent en tirer la majorité ou l'opposition !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quel aveu ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Il s'agit de respecter les principes posés par le Conseil constitutionnel.
S'agissant du Pas-de-Calais, le Gouvernement, bien qu'il s'y soit repris à plusieurs fois, a reçu un avis défavorable de la commission, avis qui s'explique par l'entêtement des auteurs du redécoupage à maintenir des choix démographiquement irrationnels. Ainsi en va-t-il du canton de Norrent-Fontes, maintenu dans la sixième circonscription alors que sa place naturelle, du point de vue géographique et social, est dans la neuvième. Résultat : cette dernière accuse un écart de population de 15 % par rapport à la moyenne départementale, contre 1,37 % si on y avait intégré ledit canton ; c'était là une proposition simple, qui ne manquera pas de sauter aux yeux du juge constitutionnel.
Monsieur le président, cela fait plus d'une heure que M. Le Roux parle ! (« Monsieur le président ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Par ailleurs, le tracé des septième, huitième, neuvième, dixième, onzième et douzième circonscriptions disloque délibérément le bassin houiller et le dénature complètement.
Troisièmement, l'amplitude, par rapport à la moyenne départementale, oscille entre plus 9 % et moins 6 %, alors qu'une proposition alternative montre qu'il était aisé, non seulement de faire sensiblement mieux, mais aussi de le faire dans le respect des solidarités géographiques, historiques, économiques et sociales de ce grand département ouvrier.
Quelques mots sur le Puy-de-Dôme (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), département où la moyenne d'habitants par siège sera la plus élevée de France. Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'État, qu'au regard du nouveau recensement, le nombre de députés attribués au Puy-de-Dôme, à la Seine-Saint-Denis et à la Seine-Maritime resterait constant ; mais je le conteste, car la croissance démographique fragilise la méthode de répartition que vous avez choisie, comme je l'ai déjà démontré.
Dans le Puy-de-Dôme, disais-je, la moyenne d'habitants par siège sera la plus élevée de France, de sorte que la première et la quatrième circonscription, les plus peuplées dans le découpage gouvernemental, se situeront respectivement à 20,55 % et 21,05 % au-dessus de la moyenne nationale ; surtout, elles excèderont de presque 10 % la moyenne départementale, tandis que la troisième circonscription, elle, présentera un nombre d'habitants inférieur de 18 % à cette même moyenne. (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP.)
Pourtant, les aménagements simples et logiques que fait apparaître une proposition alternative eussent permis de ramener les écarts maximaux à plus 6,52 % et moins 11 %. C'est donc eux qu'il convient d'adopter pour respecter au mieux l'équilibre démographique ; faute de quoi le texte sera, si l'on se réfère à la jurisprudence de Conseil constitutionnel, censuré par celui-ci.
En Saône-et-Loire, et ce n'est pas M. Mathus qui me démentira, le résultat est particulièrement choquant. La géographie et la démographie dictaient en effet un découpage naturel, qui aboutissait à un équilibre presque miraculeux : trois circonscriptions de 110 000 habitants, une autre à 112 000 et une autre encore à 105 000, avec des écarts situés entre plus 2,7 % et moins 4 %. Au lieu de cela, le Gouvernement a choisi, sans qu'aucune considération d'intérêt général ne puisse le motiver, de faire des échanges arbitraires de cantons, d'en associer de disparates et tout juste contigus, de sorte que, en fin de compte, les écarts par rapport à la moyenne départementale se situent entre plus 15 % et moins 10,2 % : qu'on juge de la différence entre le découpage naturel et celui-ci ! C'est bien la preuve, s'il en fallait encore une, que les objectifs du redécoupage ne sont pas démographiques.
On ne me pardonnerait pas d'oublier la Seine-Maritime. Le Gouvernement a exploité sans vergogne et sans nécessité des souplesses qui ne peuvent être tolérées qu'au profit d'exigences d'intérêt général. C'est ainsi qu'une circonscription présente un écart de population, par rapport à la moyenne départementale, de moins 15,37 %, tandis que deux autres sont à plus 17,40 %, et une, même, à plus 19,35 % !
Au passage, on note que la ville de Rouen est inutilement amputée de ses quartiers de renouvellement urbain, que le découpage du Havre est tout à fait artificiel, tandis que l'une des rares circonscriptions située dans la nouvelle moyenne départementale fait quand même l'objet d'un échange de cantons, ce que rien d'avouable n'explique. Or la proposition alternative montre que l'on pouvait ramener ces écarts considérables à des proportions nettement plus raisonnables et moins systématiques. Pour ne pas l'avoir fait, le texte s'expose, là encore, à la censure.
Quant au département de la Seine-et-Marne, il passe de neuf à onze sièges.
Un profond renouvellement du découpage n'a donc rien de surprenant. Ce qui est surprenant, en revanche, c'est la nécessité, selon les auteurs de l'ordonnance, de scinder trois cantons – Thorigny-sur-Marne, Dammartin-en-Goële et Lagny-sur-Marne – sans même parvenir à un équilibre démographique satisfaisant. Les écarts par rapport à la moyenne s'établiraient en effet à moins 16,77 % pour la circonscription la moins peuplée et à plus 15,13 % pour la plus peuplée. Dans notre contre-proposition, ces écarts se situent à plus ou moins 8 % par rapport à la moyenne départementale, toutes choses égales par ailleurs. « Peut mieux faire » est une annotation classique chez les enseignants, monsieur le secrétaire d'État, mais c'est aussi devenu une cause récurrente de censure constitutionnelle de votre travail, et c'est ce que l'on peut dire à propos du redécoupage en Seine-et-Marne.
Dans la Somme,…
…vous avez réussi le tour de force de priver Abbeville de sa façade maritime ; les deux villes les plus importantes du département seront réunies dans la même circonscription, alors qu'elles sont distantes de 45 kilomètres ; enfin, des cantons très éloignés les uns des autres voteront désormais ensemble : voilà quelques-unes des étrangetés de ce découpage aux contours très tourmentés.
Bien sûr, ces étrangetés s'expliquent par des intérêts partisans, mais ce sont précisément de tels intérêts qu'il faut exclure en cette matière. Vos choix sont d'autant moins acceptables qu'une proposition alternative, incomparablement plus simple et parfaitement équilibrée du point de vue démographique, était disponible. Le texte, qui ne l'a pas retenue, sera censuré pour cette raison.
Quant au département du Tarn, il perd un siège. Le nouveau découpage laisse subsister des écarts par rapport à la moyenne départementale sensiblement plus importants que nécessaire, puisqu'ils vont de moins 9 % à plus 6 %.
La proposition que j'ai présentée avec Thierry Carcenac, Jacques Valax et des députés d'autres groupes reprend celle de la commission, et respecte les bassins de vie du département, autour d'Albi et Carmaux, de Castres et Mazamet ; elle aboutit aussi à un équilibre démographique pleinement satisfaisant, puisque les écarts maximaux par rapport à la moyenne départementale tombent à moins 1,38 % et plus 2,36 %. Ce simple constat vaut condamnation de votre projet pour le Tarn.
Pour la Seine-Saint-Denis, enfin, la commission a rappelé que votre projet laisse subsister un déséquilibre géographique beaucoup trop important. Alors que des circonscriptions accusent des écarts très sensibles par rapport à la moyenne départementale, vous préférez, monsieur le secrétaire d'État, en charcuter d'autres qui, pourtant, sont situées dans la moyenne départementale, comme celle de Daniel Goldberg. Un tel redécoupage est anti-constitutionnel au regard des critères du Conseil constitutionnel : nous verrons ce que celui-ci en pensera. C'est la proposition de la commission qu'il faudrait retenir.
Je conclus avec les Français établis hors de France. Les écarts de population sont ici considérables, puisqu'ils vont de plus 38 % pour l'Amérique du Nord à moins 30 % pour l'Amérique du Sud, moins 30 % pour l'Asie et l'Océanie, et moins 17 % pour la péninsule ibérique et Monaco. (Interruptions et mouvements d'impatience sur les bancs du groupe UMP.)
Le temps programmé permet d'utiliser librement son temps de parole, mes chers collègues.
Il est normal que vous m'ayez compris, monsieur Cinieri ; néanmoins, puisque vous n'étiez pas là tout à l'heure, je vais recommencer.
Le redécoupage du Gouvernement entraîne, par rapport aux résultats de 2007, une différence de vingt sièges en faveur de l'UMP : je conçois donc, mon cher collègue, que vous ne souhaitiez pas que je continue à montrer en quoi il est partisan et déséquilibré ; c'est d'ailleurs pourquoi il vous plaît, mais c'est bien toute la question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mon temps de parole me donne la possibilité de vous expliquer que le projet de redécoupage est tout à votre profit :…
…nous ne l'acceptons pas, et j'irai au bout de ma démonstration, quoi qu'il vous en coûte ! Il me reste au moins dix minutes de temps de parole, mais la buvette est ouverte ; cela devrait suffire à vous calmer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne m'adressais qu'à M. Cinieri, mes chers collègues ; mais je puis me répéter pour chacun d'entre vous.
La commission, disais-je, s'est émue des dispositions relatives aux Français de l'étranger, d'autant plus que les libertés déjà prises avec la continuité géographique auraient permis, moyennant un petit effort, de mieux assurer le rééquilibrage de ces circonscriptions.
Voilà donc, monsieur le secrétaire d'État, pour ces quelques exemples. Lors de la première lecture, je vous avais épargné les cas particuliers ; mais il n'était pas possible, aujourd'hui, de passer sous silence les conséquences du texte – pour autant qu'il demeure inchangé – qui sera soumis au Conseil constitutionnel.
J'ajoute que des critères permettaient d'éliminer le risque d'arbitraire et de partialité dans la délimitation des nouvelles circonscriptions. Ainsi, il aurait fallu établir une égalité démographique aussi précise que possible ; or, dans de nombreux cas, votre projet fait un usage excessif des marges de variation.
Vous auriez pu prévoir des circonscriptions plus contiguës, moins éclatées. Un critère important est le nombre de cantons et de communes divisés. Lorsqu'un canton est divisé, le respect de l'impartialité oblige à vérifier si cette division est le seul moyen de parvenir à l'égalité démographique ; or j'ai démontré qu'il existait d'autres moyens pour cela.
Pour conclure ce propos dont vous me pardonnerez la longueur – j'avais annoncé une heure quinze, et j'en suis à une heure douze –, il ne fait aucun doute que, sur les cinq points que j'ai évoqués, le texte encourt la censure du Conseil constitutionnel. Cependant, monsieur le secrétaire d'État, cette censure n'est pas ce que nous cherchons : nous voulons un redécoupage équilibré et non partisan. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C'est pourquoi nous vous proposons que 2010 soit une année utile ; nous vous proposons de faire voter par notre assemblée une nouvelle loi d'habilitation, après celle du 13 janvier dernier ; nous vous proposons d'engager une réelle concertation entre tous les partis politiques, et de faire en sorte que les avis de la commission, loin d'être réduits à de simples recommandations, constituent la base de propositions équilibrées.
Si votre ordonnance n'est pas modifiée, monsieur le secrétaire d'État, nous la défèrerons demain au Conseil constitutionnel.
Nous ne nous en satisferons toutefois pas car nous espérons encore que vous prendrez conscience de ce qu'un découpage électoral trop partisan nuit à la démocratie.
Or celui que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, nuit gravement à notre démocratie. (Les députés des groupes SRC et GDR se lèvent et applaudissent. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement.
Je souhaite faire part, au nom de mon groupe,…
…d'une grave inquiétude avant que vous ne répondiez à Bruno Le Roux, monsieur le secrétaire d'État, qui vient, d'une façon brillante (Rires sur les bancs du groupe UMP),…
…de démontrer les risques d'inconstitutionnalité du redécoupage électoral que vous proposez. Si, malgré les arguments de M. Le Roux, l'Assemblée vote cette version du redécoupage, nous saisirons le Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Reste que si j'exprime un sentiment d'inquiétude, c'est parce que l'un de vos collègues, monsieur le secrétaire d'État, et pas n'importe lequel puisqu'il s'agit de M. Devedjian, a lancé, dans un entretien accordé au journal Le Monde, une attaque en règle contre le Conseil constitutionnel tout en s'en prenant avec virulence à son président.
Je n'ai pas à prendre partie, ici, dans cette querelle.
En ce qui nous concerne, lorsque nous saisissons le Conseil constitutionnel, certaines de ses décisions nous conviennent, d'autres nous déçoivent, mais nous n'avons jamais mis en cause cette institution indépendante, nécessaire au fonctionnement de notre démocratie.
Si des menaces, des pressions sont exercées sur le Conseil alors qu'il va être très souvent amené à se prononcer – notamment par nos soins –, il y a de quoi se montrer particulièrement inquiets quant à l'avenir.
C'est maintenant qu'il fallait que je m'exprime sur cette question, après l'intervention très argumentée de Bruno Le Roux sur laquelle se fondera notre recours devant le Conseil constitutionnel.
Je souhaite que vous nous rassuriez, monsieur le secrétaire d'État. Les propos de M. Devedjian contre le Conseil constitutionnel n'engagent-ils que lui-même ou bien engagent-ils tout le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je fais remarquer à M. Ayrault qu'il ne s'agissait pas d'un rappel au règlement. (Approbation sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président Ayrault, M. Devedjian s'est exprimé à titre personnel et n'engageait donc pas le Gouvernement.
Pour le reste, j'ai déjà largement répondu à l'argumentation développée – brillamment d'ailleurs – par Bruno Le Roux. Je me suis exprimé pendant plus d'une demi-heure en début de séance et vous n'avez pas daigné être présent. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
J'en suis désolé, mais je ne m'exprimerai donc plus.
Monsieur le secrétaire d'État vient de nous reprocher de ne pas être arrivés au début de la séance. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je rappelle donc – M. Marleix l'ignore peut-être – que, ce soir, le président de l'Assemblée a convié les députés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
Le président Accoyer a convié les députés à un dîner républicain. Comme nous sommes républicains, nous avons participé à ce dîner au cours duquel le président a redéfini certaines règles de travail de l'Assemblée et je regrette que des députés ici présents ce soir n'y aient pas assisté ou bien qu'ils se soient faits sourds. Ils auraient compris, sinon, qu'il est des mesures qu'on ne peut pas accepter parce qu'elles portent en elles une remise en cause du suffrage universel donc de la démocratie.
Monsieur le secrétaire d'État, sachez que si nous n'étions pas là, c'était pour répondre avec courtoisie à l'invitation du président de l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Néri, vous connaissez trop bien le règlement pour que je n'aie pas besoin de vous rappeler que vous n'avez même pas fait référence à l'article sur lequel vous fondiez votre intervention. Il ne s'agissait donc pas d'un rappel au règlement.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
Monsieur le secrétaire d'État, j'étais bien présent en début de séance ; je vous ai écouté mais je n'ai trouvé aucun argument de fond dans votre intervention. Vous avez commencé par tenter d'opposer deux institutions de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat, ce qui ne vous grandit pas.
Quand une autre institution de la République, le Conseil constitutionnel, est remise en cause par un ministre, vous vous contentez de déclarez qu'il s'exprimait à titre personnel.
M. Valls m'a devancé : quand un ministre est en désaccord avec le Gouvernement auquel il appartient, il en démissionne. Or c'est tout de même le Conseil constitutionnel qu'un ministre se permet de critiquer.
Cette institution, juste avant les fêtes de Noël, nous a d'ailleurs adressé un signe : la majorité ferait bien d'écouter ce qui se dit sur les bancs de l'opposition, ce qui éviterait au Conseil d'avoir à vous censurer, comme ce fut le cas pour la taxe carbone. Si vous nous aviez écoutés, vous n'auriez pas voté ce texte.
Ainsi, à la tribune il y a quelques instants, il vous a été démontré de façon très précise que vous devriez voter cette motion de rejet préalable afin d'éviter une nouvelle censure par le Conseil constitutionnel.
Il s'agit pour nous de démontrer que l'Assemblée est majeure, qu'elle n'est pas composée de députés disciplinés, soumis, mais de députés capables d'écouter les arguments…
Il y a bien longtemps que la soumission n'existe plus au PCF ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous devriez venir prendre des leçons auprès du Parti communiste pour apprendre ce qu'est la démocratie et la liberté d'expression ! J'espère que vous la retrouverez un jour sur vos bancs ; en attendant, ne donnez pas de leçons ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La démonstration de M. Le Roux était si excellente que le groupe GDR va voter cette motion de renvoi.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez tenté de démontrer qu'un député ne pouvait se prononcer sur une circonscription qui présente pour lui un intérêt potentiel. Vous avez évoqué le principe selon lequel on ne peut être juge et partie.
Cela signifierait que les médecins qui siègent sur ces bancs ne pourraient plus s'exprimer sur des lois concernant la santé, que les avocats députés ne pourraient plus participer à l'examen de textes portant sur le droit.
Ce n'est pas ce que j'ai dit !
Si, c'est bien ce que vous avez tenté de nous démontrer. Vous avez fait valoir que des circonscriptions étaient la propriété privée de certains, propriété que vous entendez leur garantir.
Or notre collègue Bruno Le Roux a montré qu'il revenait au peuple de choisir et non à vous de charcuter les circonscriptions pour garder votre majorité. Nous voterons donc la motion de renvoi. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez rappelé, à juste titre d'ailleurs, que vous vous êtes livré à cet exercice de redécoupage électoral sur les instructions du Conseil constitutionnel qui demandait qu'on modifie les limites des circonscriptions en tenant compte essentiellement de l'évolution démographique.
Je suis étonné que l'on puisse se référer au Conseil constitutionnel dans un premier temps, et qu'un ministre de la République mette ensuite en cause ce même Conseil.
J'ai bien compris, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'avez pas voulu soutenir votre collègue. Doit-on l'interpréter comme un flottement dans les rangs du Gouvernement ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous en sommes peut-être là.
Ce texte était l'occasion d'engager une véritable concertation. Or, monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas beaucoup de chance en ce moment, non plus que votre gouvernement : vous avez été retoqués par le Conseil constitutionnel, ce qui, je le comprends, vous donne un peu mauvais esprit vis-à-vis de cette institution.
Ensuite, en ce qui concerne le texte que nous sommes en train d'examiner, vous avez été de nouveau retoqué par le Sénat. Cela fait beaucoup en seulement quelques jours. On peut donc s'interroger sur le fait de savoir si ce pays est encore gouverné selon les lois de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis également étonné par le fait que, alors que M. Le Roux, et vous l'avez très rapidement évoqué, vient de défendre avec brio et précision la motion de rejet préalable, vous affirmez ne pas vouloir répondre au prétexte que vous l'auriez déjà fait. C'est tout de même faramineux ! Vous avez répondu avant que l'on ne vous pose des questions ! C'est extraordinaire ! Voilà une conception de la vie démocratique à laquelle personne n'était encore habitué. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Il faudrait vous persuader, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'allez pas passer votre temps à essayer de nous amadouer avec de beaux sourires et quelques hochements de tête. Il vous faudra bien répondre à nos questions précises. Si vous ne le voulez pas, le Conseil constitutionnel jugera.
Ce soir, nous avons donné une chance supplémentaire à M. Marleix. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il a échoué à l'écrit de son examen et nous lui proposons un oral de rattrapage. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais à chaque fois qu'on lui tend une perche, il en fait une gaffe. Ressaisissez-vous donc, monsieur le secrétaire d'État ! Nous sommes là pour vous aider. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Offrez-nous autre chose qu'un ensemble de turpitudes et, dans quelques cas, votre gratitude.
Ne pensez pas que nous nous contenterons d'accepter ce que vous nous proposez dans la béatitude.
Sachez que nous allons vous demander de répondre à nos questions et, si vous ne voulez pas le faire dès à présent, vous y serez bien obligé dans la suite du débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Le Roux a posé des questions précises et vous aussi, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, vous devriez nous apporter des réponses. C'est le respect de la représentation nationale qui est en cause. Si vous ne voulez pas nous répondre, cela signifie que vous n'avez pas de réponses.
Pour toutes ces raisons, nous demandons à la représentation nationale de voter la motion présentée par notre collègue Bruno Le Roux. Il en va de la défense de la République et de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Je fais ce rappel au règlement sur le fondement de l'article 58.
Ayant eu un doute, j'ai relu le règlement de notre assemblée pour savoir si le Gouvernement avait le droit d'intervenir dans cette discussion. Il me semblait qu'il pouvait le faire au titre de l'article 91, alinéa 5, sur la motion de rejet. Il me semble d'ailleurs qu'il peut le faire à tout moment de notre discussion. Pourtant, j'ai eu un doute, parce que, monsieur le secrétaire d'État, quand vous êtes arrivé tout à l'heure dans l'hémicycle, vous avez tenu sur le Sénat des propos qui n'étaient pas forcément agréables, et qui pouvaient donc être partagées ici par une large majorité, bien que le Sénat ait fait oeuvre utile en renvoyant le texte devant notre assemblée. Surtout, vous nous avez indiqué que vous n'aviez rien à ajouter par rapport à ce que vous aviez dit en première lecture, car selon vous, vous aviez déjà tout dit.
Or, monsieur le secrétaire d'État, en première lecture, je n'avais avancé aucun des arguments que je viens de présenter en défendant cette motion. Je n'ai invoqué que des arguments nouveaux, afin que vous preniez un peu de plaisir à la discussion, et qu'elle ne soit pas exactement celle que nous avions eue il y a maintenant quelques semaines. Nous regrettons qu'à des arguments qui ne semblent pas sans fondement, puisqu'ils démontrent que les règles constitutionnelles n'ont pas été respectées, il n'ait pas été répondu. Je souhaitais, sans aller plus loin, que cela soit bien acté au compte rendu de nos débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Et moi, je souhaite qu'il soit bien acté au compte rendu de nos débats que ce n'était pas un rappel au règlement.
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
Monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, vous voilà obligé de revenir devant nous, en urgence, pour défendre votre charcutage des circonscriptions. Vous y êtes contraint par un vote du Sénat. C'est une première dans l'histoire.
Cela, nous dit-on, est dû à « l'inexpérience » d'un sénateur de l'Union centriste. Pourquoi pas ? Cependant, ce type d'accident se répète souvent ces derniers temps : ainsi un collègue de notre assemblée, siégeant sur vos bancs, lors d'un vote, s'est, paraît-il, de même trompé de bouton. Les réactions de certains membres du Gouvernement peuvent laisser penser que le Conseil Constitutionnel se serait aussi trompé sur la taxe carbone.
Cela fait beaucoup d'accidents récents au sein de nos institutions, que vous dirigez.
Or, en y regardant de près, que constatons-nous ? Les accidents de parcours parlementaires de vos projets se renouvellent. Les thématiques que le pouvoir veut imposer au débat dans la société, à l'image de celui portant sur l'identité nationale, plutôt propre à faire ressurgir les vieux démons qu'à assurer la sécurité de nos concitoyens, qu'ils sont en droit d'exiger ; et de celui concernant la possible pandémie de la grippe H1N1, pour laquelle il faut bien sûr prendre le maximum de précautions, mais à l'occasion de laquelle vous avez avant tout surfé sur la peur et usé d'un problème de santé publique pour servir aussi les intérêts des laboratoires pharmaceutiques, n'apparaissent que pour ce qu'elles sont : de basses manoeuvres honteuses. Cette expérience sur la grippe H1N1 appelle d'ailleurs que l'on se penche d'urgence sur la création d'un service public du médicament afin d'éviter les dérives que l'on connaît aujourd'hui.
Le rapport, c'est la globalité. Écoutez attentivement, et vous allez voir que tout est lié.
Le pouvoir sarkozyste mène une course de vitesse face à une défiance populaire rarement atteinte dans notre pays.
Le rythme effréné des lois portées par Nicolas Sarkozy devant notre assemblée a pour but d'étouffer la protestation des femmes et des hommes victimes de sa politique, pour être sûr que le débat citoyen n'ait pas lieu.
Quant à nous, les élus, la précipitation des textes soumis à notre examen, s'enchaînant les uns aux autres, restreint l'espace de temps nécessaire que chaque loi mériterait pourtant afin que nous les examinions avec toute l'attention indispensable. C'est un moyen pour réduire la controverse, l'opposition, et faire passer vos mesures en force. Les leurres d'un coté, la précipitation de l'autre, et le peuple n'a plus ni le temps ni l'espace pour réagir.
Ce pouvoir ne gagnera pas ! Certains sentent-ils le mécontentement populaire ? Certains pensent-ils que cette pression populaire qui gronde doit être entendue ? Certains constatent-ils l'aggravation du fossé entre le peuple et le Président de la République ? Certains commencent-ils à voir que les élus du peuple, nationaux, territoriaux, locaux, sont victimes de son goût exacerbé du pouvoir absolu ? Certains perçoivent-ils que l'espace du débat politique en général et législatif en particulier se réduit au profit de l'exécutif présidentiel ?
Ainsi, ce serait grâce à « l'inexpérience » d'un sénateur de votre majorité que nous sommes à nouveau appelés à discuter de votre charcutage électoral concernant la représentation nationale. Plutôt que d'invoquer cette « inexpérience », comme votre majorité l'a fait, ne serait-il pas possible de penser que votre projet concernant la démocratie parlementaire et la politique générale de votre gouvernement sont en fait à rejeter ? Cette idée ne vous a-t-elle pas effleuré ? La question vous est posée, ainsi qu'à votre majorité.
Je ne vais pas répéter mon discours d'octobre dernier, que vous aviez écouté avec attention, monsieur le secrétaire d'État, mais je demande à nouveau le renvoi en commission de ce texte, comme la loi nous y autorise et je maintiens les trois raisons qui justifiaient ma demande de renvoi en commission. Elles demeurent intactes.
La première tient au fait que votre découpage de la carte électorale confortera de fortes inégalités entre les départements, entre les circonscriptions d'un même département, et que les votes des citoyens n'auront pas tous le même poids.
Nous constatons toujours que la loi d'habilitation, votée par la majorité à votre initiative, en est responsable dans son essence et dans les marges qu'elle vous a laissées. Les inégalités fortes subsisteraient donc après votre découpage entre les départements. Maints exemples ont été cités par de nombreux membres de notre commission, que vos réponses n'ont pas convaincus. Ce qui domine, encore une fois, ce sont les inégalités qui demeurent, qui pèsent de fait sur la légitimité de la représentation nationale.
L'affirmation de nos collègues socialistes selon laquelle il faudrait à la gauche, dans sa diversité, 51,4 % pour obtenir une majorité démontre l'orientation exacte de ce redécoupage. D'autres partis politiques, des associations citoyennes ont fait le même constat.
Votre réponse, hier comme aujourd'hui, ne peut donc manquer de surprendre. Vous dites que « cela s'appuie sur le second tour de 2007, alors que des députés ont été élus dès le premier tour ». Le fait que cela concerne davantage de députés de droite que de députés de gauche, monsieur le secrétaire d'État, montre que vous n'êtes pas impartial.
Au final, en fonction des objectifs propres du Gouvernement, vous avez joué avec les rapports des préfets, tantôt en les appliquant, tantôt en les ignorant. Cherchez l'erreur, cherchez l'intérêt !
Si le découpage que vous nous proposez n'était pas renvoyé à nouveau en commission, le principe selon lequel la voix de chaque citoyen pèse le même poids serait bafoué, la représentation nationale faussée et inéquitable, et notre démocratie entachée de nouvelles injustices.
Un exemple de remise en cause de notre démocratie : le Grand Paris et l'Île-de-France.
La visée prioritaire de Nicolas Sarkozy d'asseoir son pouvoir à Paris et dans sa grande région l'a poussé à « quelques égarements » sur lesquels je ne reviendrai pas. Si tous les élus s'accordent à reconnaître qu'il y a besoin de coopération démocratique dans la région Île-de-France, votre collègue Christian Blanc, secrétaire d'Etat, a développé ce projet sans aucune concertation avec les élus de ce territoire.
La seconde raison tient à la concomitance de ce découpage avec l'annonce d'une refonte majeure de nos institutions territoriales, de leur mode de scrutin, qui, à terme, pourrait influer sur la représentation du Congrès de la République.
C'est dans la même philosophie que vous voulez réformer à marche forcée le tissu des collectivités qui maillent nos territoires. Pour justifier ce choix, vous le caricaturez en le traitant de « mille-feuille administratif ». Or il s'agit de différents niveaux d'expression de la démocratie.
Ainsi, serait créée une « super institution » régionale dont nous savons déjà qu'elle aura vocation à faire dépérir nos communes et nos départements.
Il y a débat, à juste titre, après que le Président de la République a supprimé la taxe professionnelle, suppression dont M. Juppé jugeait qu'elle priverait les communes de ressources.
La troisième raison, c'est la nécessité d'un renouvellement profond de notre République, avec, notamment, la proportionnelle à toutes les élections et de nouveaux droits démocratiques. Sur chacun de ces éléments, je développerai des arguments complémentaires à mon intervention d'octobre dernier.
Avant cela, permettez-moi de souligner que les déclarations faites sur tous les tons, par vous-même et les membres de votre majorité, qu'une deuxième lecture à l'Assemblée nationale ne changera rien au projet de loi, ne sont acceptables ni sur la forme ni sur le fond. Peut-on à ce point dédaigner notre institution ? Peut-on à ce point négliger les élus représentant le peuple français ? Peut-on à ce point mépriser le peuple lui-même, dont nous sommes les dépositaires ?
Il est vrai que l'autoritarisme est la marque de ce pouvoir. Votre projet, initié par Nicolas Sarkozy, en est la preuve. Votre découpage est profondément injuste et empreint d'inégalités.
Quand vous déclarez, monsieur le secrétaire d'État, à propos du découpage des circonscriptions, que le seul critère retenu pour accomplir votre tâche fut le critère démographique, serait-ce donc un pur hasard que vous ayez choisi de faire disparaître la sixième circonscription actuelle de Seine-Maritime, en l'occurrence celle où je suis député, alors qu'elle compte exactement 115 816 habitants, et qu'elle pouvait être, dans ce département, quasiment la seule qui correspondait à la moyenne départementale ?
Est-ce un pur hasard si, dans ce même département, vous avez supprimé aussi la onzième circonscription actuelle, qui compte 100 616 habitants, pour en faire la nouvelle sixième circonscription, avec plus de 146 000 habitants, devenant ainsi la plus peuplée de France et qui, de plus, s'étendra sur 100 kilomètres pour assurer l'élection de votre candidat ?
Est-ce un pur hasard quand une circonscription des Hautes-Alpes comprendra 60 000 habitants alors que la nouvelle sixième de Seine-Maritime, que je viens de citer, en comprendra presque trois fois plus ?
Où est donc la cohérence de vos propos ?
Vos calculs sont sans équivoque : pour vous, la voix de chaque citoyen n'a pas le même poids selon le lieu où il se situe, ou selon sa sensibilité politique !
Est-ce un pur hasard aussi quand les chiffres démontrent que vingt-trois des trente-trois circonscriptions appelées à disparaître sont à gauche, dix à droite ?
Est-ce un pur hasard encore quand des parlementaires de Moselle, appartenant d'ailleurs à votre majorité, découvrent que les chiffres retenus pour le détricotage des circonscriptions sont erronés, de l'aveu même du ministère de l'intérieur ? Et il s'agit non pas d'une différence de quelques habitants, mais d'un écart de 2 000 habitants.
Je me pose donc légitimement la question : est-ce un cas isolé ou doit-on y voir un tripatouillage des chiffres, en plus du découpage électoral ? Peut-être est-ce encore une erreur de la part d'un fonctionnaire « inexpérimenté » ?
Une citation illustre bien la situation : « Partout où le hasard semble jouer à la surface, il est toujours sous l'empire de lois internes cachées et il ne s'agit que de les découvrir ». Cette citation de Friedrich Engels date du XIXe siècle. Elle est pourtant bien d'actualité.
Votre redécoupage électoral n'est que partisan ; cela a été démontré à l'instant par notre collègue Bruno Le Roux.
Pour affaiblir la représentation nationale de l'opposition, vous utilisez la réduction du nombre de sièges nationaux alors que la population a fortement augmenté et vous créez onze sièges des Français à l'étranger, dont nous savons qu'ils votent majoritairement à droite.
Vous allez même jusqu'à créer une circonscription des Français résidant au Liechtenstein et en Suisse, alors qu'ils sont nombreux à ne pas remplir la condition de citoyenneté prévue à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – que l'on peut voir graver dans le bronze dans la cour de l'Assemblée : payer l'impôt.
En revanche, aux Français nés à l'étranger, qui ont acquis la nationalité française depuis des dizaines d'années et pour certains dès leur naissance même, vous refusez le renouvellement de leur carte d'identité ou de leur passeport, ou vous leur opposez des difficultés administratives telles que leur quotidien s'en trouve perturbé.
Pourquoi une telle disparité ? L'égalité de chacune et de chacun n'est donc que fictive.
Alors, quand vous présentez la limitation constitutionnelle du nombre de députés comme une avancée démocratique, il faut être sérieux. Monsieur le secrétaire d'État, votre discours a des relents populistes.
Depuis son arrivée au pouvoir, Nicolas Sarkozy a une obsession : contrôler le peuple en affaiblissant les forces combatives de la représentation nationale. Il rêve, avec ces dames et ces messieurs invités au Fouquet's et sur les plus superbes yachts et villas de milliardaires, ou dans les palais royaux, de mettre la France sous sa tutelle. Cependant au fil du temps, cela pose problème dans les consciences, y compris chez certains élus de votre majorité.
C'est pourquoi ce débat en deuxième lecture est un moment charnière pour conforter la représentation populaire contre les appauvrissements centralistes et autoritaires.
Il ne peut y avoir de démocratie sans République sociale, comme il ne peut y avoir de démocratie sociale sans démocratie politique.
Il n'existe pas d'autre alternative que de revenir aux fondamentaux de notre République inscrits dans la Constitution : la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants ou par voie référendaire, moyen d'expression que vous récusez d'ailleurs autant que possible ou dont vous détournez l'expression par les électeurs.
La souveraineté nationale pose un principe clair, net et précis : la République est le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Visiblement, M. Sarkozy semble l'oublier, comme il oublie que la devise de notre République est « Liberté, égalité, fraternité » et que l'article 1er de la Constitution proclame que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
Indivisible, parce qu'aucune partie du peuple ni aucun individu ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale. Seul le peuple l'exerce directement ou par la voie de ses représentants, en l'occurrence ses députés.
Laïque, parce que chaque individu dispose de la liberté de ses opinions et de sa foi.
Consacrée par la loi de 1905, la laïcité est une valeur fondatrice et un principe essentiel de la République. Elle est en grande partie entrée dans l'État par son école. La République et l'école se sont construites l'une avec l'autre. Comment s'étonner, dans ces conditions, que l'école, ciment de la nation, soit si fortement impliquée chaque fois que le principe de laïcité est interrogé dans l'ensemble de notre société ?
La laïcité est néanmoins confrontée au développement de revendications culturelles et religieuses, souvent d'ordre identitaire, dans lesquelles le contexte social et la crise encouragent et accentuent les discriminations.
L'État français participe à ce mal être avec le débat hypocrite sur l'identité nationale et la casse de nos services publics garants de l'égalité pour tous. Le pouvoir est coupable d'organiser la misère, terreau où se multiplient les plus faibles et les plus vulnérables, dont n'hésitent pas à se servir des personnes peu scrupuleuses, utilisant les religions à des fins plus financières qu'idéologiques.
Démocratique, enfin : ce mot implique le respect des libertés fondamentales et la désignation des différents pouvoirs au suffrage universel égal – un électeur une voix –, ce que vous occultez.
Le caractère social de la République résulte du principe d'égalité et contribue à la cohésion sociale et à la qualité de vie des plus démunis.
Que reste-t-il de nos grands principes républicains qui ont fait la fierté de la France, sa force dans le monde ?
Nicolas Sarkozy déclarait récemment, à propos de la crise, « qu'elle fut atténuée dans notre pays, grâce au système social à la française ». Ce qui reste de notre système social, ou plutôt ce qui a échappé à vos attaques contre lui ou ce que les mobilisations populaires ont empêché de casser – d'où d'ailleurs votre énergie à en finir avec le droit de grève, à casser tous les statuts de la fonction publique et le droit du travail, à instaurer le service minimum dans les écoles, les transports – a sans doute participé à atténuer chez nous le marasme économique et social des politiques libérales du système capitaliste. Néanmoins, du fait des coupes claires dans notre système social, qui garantissait et sécurisait un minimum la vie quotidienne de nos concitoyens, celui-ci n'était plus assez fort pour protéger les plus fragiles, classes moyennes comprises.
Ainsi, avec la crise engendrée par votre politique, se sont développées de nouvelles inégalités, de la souffrance pour une majorité. La seule cause se trouve dans les dérives du Président de la République, plus enclin à protéger les intérêts privés des riches que l'intérêt général et les biens communs de la nation.
Qui écrase notre République ? La droite ! Qui instaure et vote des lois en faveur des plus riches sur le dos des classes moyennes, des travailleurs, des chômeurs et même des retraités ? La droite ! Qui accompagne les délocalisations, les licenciements ? La droite ! Qui installe la précarité, la mal-vie ? La droite ! Qui supprime par milliers les personnels de l'éducation nationale, de la santé, et tant d'autres ? (« La droite ! » sur les bancs du groupe SRC.) Qui veut toucher l'indépendance de la justice en supprimant le juge d'instruction ? (« La droite ! » sur les mêmes bancs.)
Qui asphyxie les collectivités territoriales ? (« La droite ! » sur les bancs du groupe SRC.) Qui veut faire payer les pollués à la place des pollueurs ? (« La droite ! » sur les mêmes bancs.) Qui fait des lois « sensation » sans aucune réelle application – le logement par exemple ? (« La droite ! » sur les mêmes bancs.)
Qui est le plus grand prédateur de l'homme et de son environnement ? Le capitalisme !
Votre préoccupation mérite débat, chers collègues. Cela dit, ce mur-là est tombé. D'autres sont encore debout ou en train d'être érigés. Vous devriez vous battre pour les faire tomber : le mur de Jérusalem, le mur de sable au Maroc. Faites les donc tomber, ces murs-là !
Où avez-vous vu cela ? Le communisme a pollué autant que le capitalisme. Tout le productivisme a pollué, qu'il soit capitaliste ou communiste.
Pour l'instant, nous sommes sur la démocratie : l'élection des députés, la représentation nationale. C'est cela le sujet.
Revenons un instant sur le logement. Quelle hypocrisie en ce domaine ! Chaque année, dès les premiers froids, comme si c'était exceptionnel, comme si la société découvrait la condition des sans-domicile-fixe, la souffrance de celles et ceux qui dorment dans des cartons sur les trottoirs, au nombre desquels on trouve des salariés pauvres, on nous serine de belles paroles. Les actes, eux, ne suivent pas.
Nous parlons de démocratie et de représentation nationale : une loi a été votée ici ; le Président de la République avait affirmé que, dans les deux ans qui suivraient son élection, plus personne ne dormirait sur le trottoir. Démonstration est faite que, malgré une déclaration du Président de la République et une loi, rien ne se fait dans ce pays. La droite, qui veut se garantir, à travers la présente loi, une majorité stable et durable, ne règle donc pas les problèmes des Français. Cela doit être rappelé dans ce contexte de charcutage électoral.
C'est encore la droite qui veut museler le peuple avec ce découpage des circonscriptions.
En inversant le calendrier électoral, Jacques Chirac et Lionel Jospin (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) avaient préparé le terrain pour installer la bipolarisation, gommant ainsi les diversités politiques des partis et, de fait, celles des citoyens. Cela a conduit à ce que le scrutin présidentiel précède toujours celui des législatives.
Ce système pousse à la présidentialisation puisque la bipolarisation du Parlement réduit le champ du législatif. Notre assemblée ne devient qu'un auxiliaire du Président de la République, ce dont vous nous faites régulièrement la démonstration, chers collègues. J'exprime là, je crois, un sentiment que certains parmi vous ne peuvent se permettre de manifester : autrement dit, je dis tout haut ce que vous pensez tout bas.
Alors que la France est de plus en plus diverse, sa représentation nationale devient de plus en plus uniforme. Il y a donc un problème que vous voulez aggraver.
C'est toujours la droite qui veut aller encore plus loin avec la réforme des collectivités territoriales dont nous aurions dû déjà débattre dans notre assemblée. Et ne me dites pas que je suis hors sujet.
Si !
Au contraire, qu'il s'agisse de nos circonscriptions ou de nos collectivités territoriales, ces réformes sont soeurs jumelles, puisqu'elles ont en commun d'installer le bipartisme durablement à tous les niveaux de nos institutions.
Néanmoins, comme le climat ne vous est pas favorable pour ce genre d'exercice à l'approche d'échéances électorales, vous avez reporté votre projet concernant les collectivités territoriales en mai. Vous ne me ferez pas croire au hasard sur ce coup-là ! C'est dire combien la levée de bouclier risque d'être puissante, combien la censure vous fait peur. Et pour cause ! Cette réforme atteint le summum en matière d'attaque contre nos institutions.
En première étape, vous créez les conseillers territoriaux, réduisant de moitié les élus régionaux et départementaux, avant de les faire disparaître définitivement. Que faut-il comprendre de cette nouvelle réforme ?
Il est à prévoir que les communes composant les métropoles viendront, à terme, à disparaître également, effaçant ainsi des échelons démocratiques de proximité au profit d'une entité écrasante, éloignée des citoyens, qui se verra attribuer les pouvoirs conférés aux maires, aux présidents de département et de région.
Avec la fin de la compétence générale, le regroupement des départements et des régions, la volonté de coller à l'Europe des régions avec la constitution des agglomérations puis des métropoles, et la fin du financement par l'élimination de la taxe professionnelle, principale source de revenu liée à l'établissement des industries locales, c'est tout l'édifice républicain issu de la Révolution française qui est remis en cause.
La liste des transferts de compétences que vous souhaitez attribuer aux métropoles est impressionnante : développement économique, urbanisme, habitat, transports, éducation, infrastructures, sécurité, eau, assainissement, culture. Quant à l'action sociale et à toutes les formes de solidarité, vous les abandonnez aux départements. Pour le Gouvernement, ces prérogatives sont quantité négligeable.
Pour être sûr de la manoeuvre, vous refusez obstinément le scrutin à la proportionnelle pour toutes les élections, essence même de la souveraineté des citoyens. Pour les conseillers territoriaux, vous choisissez d'en faire élire 80 % au scrutin uninominal majoritaire à un tour, les 20 % restants l'étant selon une répartition des suffrages obtenus à l'échelon des départements par des listes. Ainsi, vous niez la pluralité des partis politiques et la parité, pour laquelle nous avons été nombreux à nous battre. Cette méthode permet d'obtenir une majorité de 80 % des sièges avec seulement 30 % des voix. Il faut le redire.
Quels que soient, par ailleurs, vos découpages, le mode de scrutin vise à garantir une majorité dans le cadre de la bipolarisation, gommant ainsi les diversités politiques des partis, mais aussi, de fait, celles des citoyens. Mon collègue Michel Vaxès l'a fort bien expliqué devant nous en novembre 2008 : le mode de scrutin à la proportionnelle est le seul susceptible d'assurer une juste représentation de nos concitoyens dans leur diversité. Le pluralisme, la représentation de la jeunesse, des femmes, un renouvellement régulier des élus seraient en effet facilités par l'instauration de la proportionnelle à l'occasion de chaque élection, quelle que soit sa nature.
Prévoir un mode de scrutin proportionnel pour l'élection des députés répondrait parfaitement au principe posé par le dernier alinéa du nouvel article 4 de la Constitution : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation ». Voilà le meilleur moyen de respecter la République et ses citoyens.
Mais non, vous vous acharnez à triturer, à disloquer. Cette réforme des collectivités territoriales, vous l'avez façonnée toujours avec le même objectif : réduire le nombre d'élus pour effacer toute contestation au sein de nos institutions, tout contre-pouvoir de décision au plus proche des citoyens, afin de concentrer les pouvoirs vers le haut.
Est-ce d'une nouvelle forme de monarchie – ou pire – qu'il s'agit ? Le processus que vous mettez en place va à l'encontre des valeurs de la République, comme toutes les mesures gouvernementales, dont la liste est si longue qu'elle frôle l'indécence.
Ce charcutage est une offense au peuple français. Nous le condamnons, aujourd'hui comme hier, car il maintient les inégalités entre les citoyens, entre les territoires. Notre République, le peuple, méritent mieux. C'est pourquoi la France a besoin d'une République modernisée, démocratisée. Il est temps de lui donner un nouveau souffle, de donner à la France une VIe République.
Les citoyens ont besoin d'une République moderne qui les respecte en leur accordant de nouveaux droits dans leur vie privée, professionnelle et politique ; une République démocratique où les pouvoirs ne soient plus concentrés au plus haut de l'État, mais au contraire développés à tous les niveaux, à l'échelle de tous les territoires, du local au national, rompant ainsi avec les dérives marchandes, les tentations autoritaires ou la gouvernance des experts ; une République où la logique des droits humains, économiques, sociaux, politiques ou culturels, collectifs ou individuels prime sur celle de la rentabilité financière ou de la compétence supposée de quelques-uns ; une République reposant sur le socle des droits fondamentaux relevant d'une responsabilité publique et nationale, ce qui suppose le développement de services publics échappant aux règles de la concurrence et obéissant aux principes d'égalité, de responsabilité et d'efficacité. C'est de cette République-là que les Françaises et les Français ont besoin.
Nous ne nous contentons pas de contester votre découpage sur la forme ; nous contestons sur le fond les inégalités de votre système. Les femmes et les hommes attachés à la démocratie ont en tête les beaux discours de Nicolas Sarkozy sur le thème de l'immoralité du capitalisme. En réalité, ce n'est pas ce qu'il veut corriger : il veut assujettir notre démocratie aux besoins d'un capitalisme qu'il prétend moraliser.
Est ce possible ? Non : le capitalisme est immoral par nature. Il a donc choisi de faire taire la protestation, de mutiler la représentation nationale avec une priorité : « tout changer pour que rien ne change dans ce monde ».
Pour être sûr que rien ne change, le Président a trouvé la parade : détourner tout ce qui relève de la démocratie, à l'image du traité de Lisbonne passé en force, niant le « non » des Français lors du référendum sur la Constitution européenne. Ce fut aussi le cas avec le nouveau règlement de notre assemblée, censé donner plus de pouvoirs aux élus de la nation, alors qu'il les affaiblit. C'est encore le cas avec ce redécoupage de nos circonscriptions et la réforme des collectivités territoriales, puisque vous avez prévu pour l'un et pour l'autre que la gauche en soit victime, afin de vous garantir une majorité avec une petite minorité.
Nous ne pouvons tolérer que vous fassiez fi des diversités politiques, de la pluralité de l'opinion des citoyens.
Aujourd'hui, personne ne peut contester que votre texte sur les circonscriptions, comme votre projet sur les collectivités territoriales, va démanteler de fond en comble nos institutions républicaines.
Nicolas Sarkozy tourne le dos à l'architecture même de la République. Sa conception de la représentation nationale, du rôle et de la place des élus du peuple, suscite l'indignation, l'hostilité et appelle au rassemblement et à la résistance.
Le groupe pluraliste de la Gauche démocrate et républicaine représenté par le parti communiste français, le parti de gauche, les verts, les ultramarins, ne peut partager une telle philosophie. C'est pourquoi nous demandons un renvoi en commission de votre texte, conforme au précédent qui renie les valeurs de la République et de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Nous en arrivons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe SRC.
Je constate une nouvelle fois que le Gouvernement ne souhaite pas répondre aux arguments de la motion qui vient d'être défendue. Elle a pourtant une certaine pertinence et M. Lecoq a eu raison d'élargir le propos.
Depuis quelques mois, quelques années, beaucoup de modes de scrutin ont été modifiés – en Corse dernièrement, en Polynésie – quand cela vous servait ou lorsque vous pensiez que cela pouvait vous servir ; tel sera le cas demain de la création d'un conseiller territorial avec un mode de scrutin qui n'a encore jamais été utilisé dans notre pays.
Bien entendu, le renvoi en commission ne permettrait pas de remédier à tous les problèmes que suscite le texte qui nous est aujourd'hui soumis. Pour cela, il faudrait déposer une nouvelle loi d'habilitation et recommencer le travail, ce que nous obligera très certainement à faire le Conseil constitutionnel.
Le renvoi en commission pourrait permettre de fixer des règles qui puissent s'appliquer au champ démocratique lorsqu'il est question de l'égalité de suffrage, du droit de suffrage de nos concitoyens et des changements qui apparaissent, bien trop souvent, comme étant des changements de circonstances.
J'accepte de dire que chacun, quel que soit le banc de l'hémicycle sur lequel il siège, doit balayer devant sa porte lorsque l'on parle de changement de mode de scrutin de circonstance. En effet, personne n'est à l'abri de se voir reprocher un certain nombre de choses.
Le renvoi en commission aurait la pertinence de fixer demain un cadre allant plus loin qu'une commission – article 25 – s'agissant de l'élection des députés et des sénateurs, de fixer des règles communes, des règles républicaines, pour ne pas avoir, à chaque moment où une majorité se sent en danger des modifications de mode de scrutin, des modifications de circonscriptions, toutes choses qui changent les règles du jeu, insécurisent le droit de suffrage de nos concitoyens et, de ce fait, entraînent un recul par rapport à la vivification de la démocratie, un recul par rapport à l'investissement, une contestation des procédures mises en place.
M. Lecoq a raison de dire que tout est injustice dans la politique menée, mais que l'injustice la plus forte est peut-être celle qui ne se voit pas. Aujourd'hui, l'injustice sociale se voit dans notre pays. Ce que vous faites depuis plusieurs mois montre que l'injustice démocratique est présente aujourd'hui et fondée dans chacun des actes de ce Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de renvoi en commission.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la farce du découpage n'est pas terminée. L'apprenti dépasserait-il le maître ? Nous nous trouvons dans une situation inédite sous la Ve République. Nous sommes saisis d'une nouvelle répartition des sièges de députés et d'un redécoupage de leurs circonscriptions qui nous rappellent étrangement l'opération effectuée en 1986. Avec qui ? Souvenez-vous ! Cherchez des noms ! Je vous répondrai.
Le rejet du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 29 juillet 2009 par le Sénat en a surpris plus d'un. Une erreur de bouton ! Bizarre, bizarre !
Néanmoins le Gouvernement et la majorité veulent absolument passer en force pour le faire adopter. On aurait pu espérer que le vote des sénateurs mette un terme à ce texte partisan. Pas du tout ! L'UMP s'arc-boute sur ses certitudes et n'entend surtout pas abandonner ce projet qui lui octroie un privilège électoral.
Tout a déjà été dit sur le fond et la forme de la réforme.
On nous explique que les conditions posées par la nouvelle Constitution sont respectées, c'est-à-dire la consultation d'une commission spécialement constituée ainsi que du Conseil d'État. On nous explique que le texte répond aux conditions posées par la loi d'habilitation du 13 janvier 2009. On nous explique que les circonscriptions englobent les cantons en entier sauf exceptions, que la population d'une circonscription ne s'écarte pas de plus de 20 % de la moyenne départementale, que le redécoupage tient compte de la population au 1er janvier 2006.
En résumé, tout irait bien dans le meilleur des mondes, selon l'UMP.
Or la nouvelle Constitution a été votée par l'UMP. La loi d'habilitation a été votée par l'UMP. Les membres de la commission consultative ont été nommés par l'UMP.
Vous avez entièrement rédigé le tableau des circonscriptions, monsieur Marleix, en concertation, il est vrai, avec les députés UMP. Vous êtes aussi secrétaire national de l'UMP chargé des élections, si je ne m'abuse. Ne trouvez-vous pas qu'il y a un mélange des genres ?
Nous ne sommes pas naïfs. Il n'y a rien d'étonnant à ce que l'on se retrouve avec un redécoupage pour l'UMP car fait par l'UMP. Tout cela est connu. Il ne s'agit pas de révélations.
Le seul hic dans la mécanique UMP est donc le vote négatif du Sénat. J'ai lu attentivement le compte rendu des débats qui s'y sont déroulés. J'ai eu l'impression que la droite avait décidé de passer en force, au mépris des règles de la Haute assemblée. On a assisté à une tentative de coup de force, prolongement naturel de la fermeture totale de la majorité sur ce texte.
Un tel sujet devrait pourtant être consensuel et d'ordre technique. Vous en avez fait un texte politique, hautement symbolique de votre conception de la démocratie et de l'État. Même les recommandations du Conseil d'État, conseiller juridique du Gouvernement, ont été écartées, au motif qu'elles étaient trop perfectionnistes. Cette attitude de mépris concerne d'ailleurs toute la représentation nationale, qui est simplement priée d'entériner l'ordonnance du Gouvernement. Seul le Gouvernement et son chef suprême, Nicolas Sarkozy ont raison.
Qui peut encore sincèrement évoquer le renforcement des pouvoirs du Parlement ? Dans l'État sarkozyste, la loi est la volonté d'un seul au bénéfice d'un camp !
Tout cela, malheureusement, n'est pas nouveau. Malgré tout, nous avons encore la possibilité de le dénoncer dans cet hémicycle : il nous reste encore un peu de temps de parole du temps programmé. Il reste environ cinq heures au groupe GDR.
Nous débattons, car c'est la République qui l'exige et parce que c'est la démocratie qui est en jeu.
Ce projet de loi, je le répète, favorise outrageusement les députés UMP. Après le bouclier fiscal pour les plus riches, il s'agit d'un bouclier électoral. Le mobile du rééquilibrage des populations des circonscriptions était louable. Le crime est désormais connu de tous.
Quels seront les effets de ce redécoupage ? Pour le savoir il suffit d'appliquer aux nouvelles circonscriptions les votes exprimés en 2007. Les résultats sont là : l'UMP gagnerait vingt sièges par le simple effet du redécoupage. Elle raflerait d'ailleurs la mise, seule, n'en déplaise au Nouveau Centre. La gauche compterait quatorze députés de moins : onze chez les socialistes et trois chez les députés du groupe GDR.
Sur les trente-trois circonscriptions qui seraient créées, neuf donneraient un député de gauche et vingt-quatre un député de droite. Sur les trente-trois circonscriptions qui seraient supprimées, vingt-trois concernent la gauche et dix seulement la droite, alors qu'elle détient plus de sièges.
Les députés non concernés par le redécoupage sont soixante-treize au groupe SRC, soit 35 % du groupe. Ils sont neuf au groupe GDR, soit 35 % du groupe. Mais ils sont cent quarante au groupe UMP, soit 45 % de l'effectif de ce groupe.
Le pourcentage des députés « protégés » bondit de dix points quand il s'agit de l'UMP. Le fameux charcutage que nous connaissons touche, on le voit, surtout la gauche. C'est une vérité incontestable.
Au rythme de ce processus, nous pourrions arriver à une situation dans laquelle les décideurs politiques élus par nos concitoyens seraient minoritaires en nombre de voix recueillies. C'est ce qui s'était passé aux États-Unis lors de la première élection de Georges Bush. Bien que minoritaire dans les urnes, celui-ci avait néanmoins été déclaré Président, du fait du système électoral.
Aussi étrange que cela paraisse, on peut imaginer une telle situation en France, la majorité des électeurs ne déterminant pas la politique menée.
Nul besoin ici d'invoquer la thèse marxiste de l'« État bourgeois », thèse selon laquelle, comme vous le savez seul le patronat tire les ficelles !
J'ai entendu tout à l'heure que, avec le redécoupage, il faudrait exactement 51,4 % des voix aux législatives pour que la gauche parvienne à obtenir une majorité.
De plus, avec la nouvelle carte électorale, une circonscription des Hautes-Alpes pourra compter 60 000 habitants, alors qu'une circonscription de Seine-Maritime en comptera 146 000 : un Normand pèsera donc deux fois moins qu'un Haut-Alpin.
Je ne connais pas la situation pour le Cantal, monsieur le secrétaire d'État.
C'est déjà le cas.
En tout cas, on voit bien que nous sommes loin de l'égalité des citoyens devant le scrutin universel.
Les voix des citoyens seront toujours inégales, en contradiction avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et malgré tous les combats révolutionnaires du peuple français.
Je veux également insister sur un autre point à propos duquel nous nous distinguons quelque peu de nos collègues du groupe socialiste.
Il faut bien comprendre que les inégalités électorales ne feront que perdurer. Notre assemblée souffre d'un manque criant de représentativité. Grâce au scrutin uninominal, l'UMP et le PS raflent 90 % des sièges, alors qu'ils sont loin de représenter 90 % des voix de nos concitoyens au premier tour.
Notre loi électorale continuera donc à instaurer la bipolarisation. Celle-ci gomme la diversité politique de nos concitoyens et étouffe les plus petits partis. Il n'est donc pas farfelu de réfléchir à l'introduction d'une représentation proportionnelle, qui, seule, reflète la diversité.
À titre personnel, je dois avouer que je suis très attaché au lien direct qu'entretiennent les électeurs avec leurs élus.
Aussi nous faudrait-il réfléchir à un système qui respecte le lien territorial et garantisse en même temps la juste représentation des opinions politiques. Ce sont des questions complexes. De nombreuses configurations sont possibles.
Monsieur Marleix, vous qui voulez mettre en place un système mixte au niveau territorial, pourquoi refusez-vous cette idée au niveau national ? Chiche !
Vous allez donc le voter !
Nous ne tomberons certes pas d'accord aujourd'hui sur la meilleure règle électorale. Je me devais néanmoins d'évoquer cette question tant la négation de la diversité est pour beaucoup dans la crise de la politique. Je me devais aussi de signaler que la réforme de la carte électorale et des sièges de députés n'est certes pas bonne, mais qu'elle ne constitue pas non plus une révolution.
Elle est à resituer dans le contexte d'un État UMP qui contrôle tout, qui verrouille tout et qui s'attaque maintenant à la démocratie locale.
En plus de la casse des acquis sociaux et du pouvoir d'achat pour satisfaire les appétits du grand patronat, le Gouvernement en vient à détruire l'organisation territoriale de la France, des communes et des départements.
Toute résistance à la politique élyséenne est insupportable, qu'elle provienne des territoires ou du Conseil constitutionnel. Le tripatouillage des circonscriptions n'est qu'un exemple de plus d'une politique qui vise à assurer la mainmise totale de l'UMP sur la France, une tentative de mainmise sur tous les pouvoirs, qui se poursuit à travers le fricotage actuel du mode d'élection des futurs conseillers territoriaux pour lesquels il est prévu une élection à un seul tour. Quand bien même l'UMP n'obtiendrait pas la majorité absolue des voix, elle voudrait s'octroyer un maximum de sièges. Tout se tient dans les projets du Gouvernement.
Chers collègues, nous nous opposons fermement à ce projet de loi de ratification, replâtrage partisan d'un système inique qui favorise à outrance l'UMP. En revanche, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche sont disponibles pour revivifier notre démocratie à bout de souffle. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues,…
On vous a assez entendus, chers collègues, laissez-nous nous exprimer !
Après que le Sénat a, il y a quelques semaines, rejeté ce projet de loi dans des circonstances sur lesquelles je ne reviendrai pas, il appartient aujourd'hui à notre assemblée de se prononcer à nouveau sur ce texte.
Certes, l'objet de ce projet de loi n'a rien d'anodin puisqu'il permet de modifier la répartition sur notre territoire des sièges de député ainsi que la délimitation des circonscriptions législatives.
Cependant, allons au-delà des polémiques stériles et des instrumentalisations politiciennes que cette seconde lecture ne manque pas de susciter. Au-delà des suspicions et contestations qui ont toujours entaché ce type d'exercice que la majorité de l'Assemblée soit de droite ou de gauche, je veux rappeler que ce redécoupage électoral fera date pour l'avenir, tant le niveau de garanties qui l'a encadré est sans précédent dans l'histoire des institutions de la Ve République.
Laissez-nous parler, cher collègue. On vient de vous écouter pendant trois heures sans vous interrompre !
Voici en effet plus d'un an, le Congrès a choisi de graver dans notre marbre constitutionnel le principe selon lequel toute modification de la carte électorale doit désormais faire l'objet de l'examen approfondi par une commission indépendante se prononçant par un avis public.
Cette innovation, mes chers collègues, c'est cette majorité qui l'a permise, car nous sommes convaincus qu'à travers la question de la carte électorale, c'est l'impartialité de nos institutions et, par là même, la crédibilité de notre démocratie qui sont en question.
Pour autant, était-il vraiment nécessaire de procéder aujourd'hui au redécoupage de nos circonscriptions législatives ?
Qu'on en juge : le tracé des circonscriptions actuelles date de 1986 sur la base de données démographiques remontant à 1982.
Qui peut ici prétendre qu'en près de trente ans la société française n'a pas été traversée par des évolutions démographiques majeures, aujourd'hui à l'origine de disparités significatives et parfois même choquantes dans le poids démographique de chaque circonscription ?
Aussi, c'est bien sur la base du principe constitutionnel de l'égalité de tous les citoyens devant le suffrage universel que le Conseil constitutionnel a, dès 2005 et dans la perspective des élections de 2007, invité le Gouvernement à procéder à une révision du tracé des circonscriptions législatives. Au fond, mes chers collègues, il s'agit bien aujourd'hui, d'abord et avant tout, de satisfaire à une exigence constitutionnelle, bien peu contestable dans son principe.
Il n'en demeure pas moins que, au-delà d'une simple ratification d'ordonnance, le débat qui nous occupe aujourd'hui, en impliquant de manière directe la composition de notre assemblée, touche à certains des fondements de notre démocratie.
Parlementaires, nous sommes, à la lecture du troisième article de la Constitution, les représentants élus du peuple ; ceux, avec le Président de la République à travers qui s'exerce la souveraineté nationale. Députés, nous sommes les élus du suffrage universel direct et, à ce titre, notre assemblée est celle où chacun de nos concitoyens doit pouvoir se sentir également représenté.
Pourtant, chacun le sait, nous ne sommes pas élus selon un mode de scrutin proportionnel, garant d'une juste représentation de chacun des courants de pensée traversant notre société,…
Nous avons ainsi été élus dans un territoire, dans une circonscription parmi 577 et chacun de nous est ici un député de la République tout entière envoyé sur les bancs de l'Assemblée nationale par les électeurs de sa circonscription.
Toutefois si nous sommes tous à égale hauteur dépositaires de la souveraineté nationale, nous sommes également les interlocuteurs privilégiés de la population de notre circonscription, responsables devant elle des décisions de notre assemblée tout entière.
La carte électorale porte par conséquent elle aussi la marque de cette double exigence. Elle doit permettre que la désignation des membres de l'Assemblée nationale s'effectue sur des bases essentiellement démographiques, mais les contours de nos circonscriptions épousent le plus souvent ceux des cantons de manière à ce que chacune constitue un ensemble géographiquement ou historiquement cohérent.
Le Gouvernement, je tiens à le souligner, a souhaité que le processus d'élaboration de cette ordonnance soit le plus transparent possible ; il a ainsi consulté les préfets, écouté les principaux concernés et pris en compte les recommandations du Conseil d'État comme de la commission Guéna.
Pour prendre l'exemple du département de la Somme, nous regrettons que le découpage proposé par le Gouvernement n'ait pas été suivi par la commission Guéna et le Conseil d'État. On constate que, sans pour autant gagner en termes d'équilibre démographique au sein de ce département, la configuration retenue pose des problèmes de délimitation d'un point de vue tant humain que géographique. Le bassin de vie d'Abbeville a été brisé par une séparation artificielle de la ville et de son environnement.
Pour sa part, le Gouvernement, dans le respect du cadre posé par l'habilitation législative, a fait des choix qu'il revient à présent au législateur d'apprécier. Au final, le texte de l'ordonnance est conforme aux propositions de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution dans quatorze départements, partiellement conforme dans neuf autres. Dans treize départements, les propositions de la commission n'ont pas été retenues.
Mes chers collègues, dans deux cas, en Loire-Atlantique et dans le Tarn, où le Gouvernement a choisi de s'écarter des propositions de la commission Guéna, nous ne partageons pas son analyse. C'est pourquoi, pour le cas du Tarn, nous vous présenterons, ainsi que nous l'avions fait en première lecture, un amendement proposant un découpage à nos yeux plus opportun et plus en lien avec la réalité locale.
Si, de manière générale, nous approuvons et saluons la manière avec laquelle le Gouvernement a procédé à la modification de la carte électorale, nous entendons également que cette ratification soit pour le législateur l'occasion d'user de son pouvoir général d'appréciation ainsi que le Gouvernement lui-même en a usé au cours de la procédure.
Mes chers collègues, à ces réserves près, le groupe Nouveau Centre confirmera à l'occasion de cette seconde lecture son soutien à ce projet de loi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce nouveau débat sur la ratification de l'ordonnance relative à la répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés est induit non, comme certains se plaisent à le sous-entendre, par une supposée opposition de nos collègues sénateurs, mais beaucoup plus simplement en raison d'une erreur matérielle (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.). C'est, en effet, un regrettable accident de vote sénatorial (Mêmes mouvements) qui nous conduits à répéter les arguments que nous avions exposés ici même en octobre dernier.
Comme je vous l'ai exposé le 13 octobre dernier, ce texte est nécessaire, juste et rédigé en toute transparence. Je ne reviendrai pas sur ces caractéristiques qui sont toujours d'actualité. Il importe de rappeler que ce texte constitue l'aboutissement d'un long travail de près de dix-huit mois…
…conduit par M. Marleix avec beaucoup de pugnacité et d'efficacité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je tiens à souligner la qualité de son travail, rigoureux, courageux et équilibré. Ce texte suit scrupuleusement, ne vous en déplaise, la mission qui avait été assignée au Gouvernement lors de l'adoption de la loi d'habilitation du 13 janvier 2009. Quatre objectifs avaient été fixés : prendre en compte de manière homogène les chiffres du dernier recensement ; procéder à la modification de la répartition des sièges entre les départements et les collectivités d'outre-mer ; délimiter les circonscriptions dans les départements et collectivités d'outre-mer où le nombre de sièges a été modifié et, enfin, créer les sièges destinés à la représentation des Français établis hors de France tels qu'ils résultent de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Force est de constater que ces objectifs ont été atteints.
Il s'agit pour nous aujourd'hui de ratifier, en adoptant ce texte, le travail produit par le Gouvernement.
Je ne reviendrai pas non plus sur le courage qu'il a fallu au Gouvernement (Rires sur les bancs du groupe SRC) pour s'atteler à ce sujet très technique souvent dénoncé à tort par l'opposition et contesté aussi par les députés de la majorité dont la circonscription est supprimée ou modifiée. C'est bien le signe de la neutralité des principes qui ont présidé à ce redécoupage électoral. Aucun gouvernement depuis plus de vingt ans ne s'était attelé à cette question, ignorant par là même les évolutions de la démographie et les observations réitérées du Conseil constitutionnel. Néanmoins, il m'apparaît important de revenir sur la méthode pertinente suivie par le Gouvernement.
L'ensemble de son processus d'élaboration a été concerté, encadré et contrôlé. Contrairement aux propos et aux arguments que l'opposition a soutenus, ce travail s'est appuyé sur une réelle concertation de l'ensemble des organisations politiques de notre pays. M. le secrétaire d'État l'a rappelé, l'ensemble des partis politiques a été consulté à plusieurs reprises. Il ne s'agissait pas pour le Gouvernement de changer les règles dans l'année de l'élection comme cela a pu être le cas dans le passé, notamment pour les élections législatives de 1986 avec l'introduction d'une part de représentation proportionnelle. Vous vous en souvenez sans doute.
Par ailleurs, ce redécoupage a été encadré par le travail d'une commission de contrôle indépendante…
Je ne reviendrai pas sur l'intégrité et la compétence de ses membres dont l'indépendance ne saurait être remise en cause. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous pouvez remettre en cause leur indépendance, mais vos propos ne reposent que sur des arguments politiciens…
…et non sur l'expérience, la compétence des personnalités dont certaines étaient proches de vous qui ont siégé au sein de cette commission.
Il s'agit d'un texte qui a été validé par le Conseil d'État en toute indépendance. Loin des intérêts personnels, ce projet respecte les exigences de nos dispositions constitutionnelles relatives aux critères de répartition sur des bases essentiellement démographiques tout en garantissant la continuité des circonscriptions et l'unité des cantons.
J'entends, ici ou là, des voix empreintes de démagogie qui s'opposent, protestent ou contestent. Pour toute réponse, je les invite à relire le texte de manière objective et en ne songeant qu'à l'intérêt général. Dès lors, vous ne pourrez et nous ne pourrons que constater que ce texte traduit un équilibre visant à assurer l'égalité de tous les citoyens devant le suffrage.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, le groupe UMP soutiendra avec détermination le texte qui nous est soumis par M. le secrétaire d'État, que je remercie pour la qualité de son travail. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le secrétaire d'État, afin de prendre en considération l'évolution de notre pays, votre gouvernement s'est lancé dans une vaste entreprise de redécoupage des circonscriptions législatives. Il s'agissait, vous l'avez dit, d'une obligation, liée aux mutations démographiques et aux différents mouvements de population. Il était justifié de tenir compte de ces changements.
À La Réunion, cela s'est traduit par la proposition de créer deux nouvelles circonscriptions, ce qui relève de la pure logique, étant donné l'importante augmentation de notre population. Toutefois, si un réajustement des délimitations de nos circonscriptions apparaissait nécessaire, la manière dont vous avez procédé s'apparente davantage à la vaste opération de charcutage que nous n'avons cessé de dénoncer depuis de nombreux mois.
Parmi les vertus dont vous vous parez, monsieur le secrétaire d'État, vous évoquez le courage politique nécessaire pour conduire une telle entreprise. Je vous accorde bien volontiers cette qualité : il vous fallait en effet faire montre d'un authentique courage pour procéder à une opération si orientée et si partisane. Néanmoins les seules vertus dont vous auriez dû faire preuve sont la rigueur, l'honnêteté et cet esprit républicain unanimement loué au cours des derniers jours.
À mi-mandat, alors qu'aux « couacs » permanents de votre majorité succèdent des camouflets répétés et que vous ne pouvez que constater l'effritement de votre électorat, vous tentez, de la pire des manières, de fausser les règles de désignation des parlementaires pour ne pas sombrer en 2012. Voilà en quoi vos agissements peuvent sembler courageux.
Cette opération courageuse, donc, mais pathétique, ne trompera pas les Français : alors que plus des deux tiers des circonscriptions supprimées sont actuellement détenues par la gauche, ce serait mépriser la clairvoyance et le bon sens de nos compatriotes que d'espérer leur faire croire que l'acrobatique découpage des circonscriptions de l'étranger – je parle de l'unique circonscription qui va de la Russie à la Nouvelle-Zélande – ne vise pas à sanctuariser des bastions que vous imaginez éternellement de droite.
Ce projet de loi bafoue tous les principes d'équilibre démographique et de continuité territoriale.
Vous avez eu à coeur, dites-vous, de respecter le principe de la continuité du territoire et les limites cantonales. Pourtant, vous proposez, sans concertation aucune, des découpages qui nient la réalité locale de certains territoires. La notion de continuité territoriale est liée à de multiples facteurs : bassins d'emploi, d'administration, de santé, de consommation. Les réalités géographiques sont souvent bien différentes des frontières imposées. Permettez-moi de remarquer, mes chers collègues, que cette manière de procéder entretient un rapport de filiation directe avec le découpage des frontières africaines par les pouvoirs colonisateurs à la fin du xixe siècle.
Votre courage consiste donc à oser une vaste opération de charcutage pour conserver le pouvoir.
À La Réunion – presque un confetti géographique, je n'ose dire géopolitique, de l'Afrique –, la quatrième circonscription, dont j'ai la responsabilité, fournit un merveilleux exemple de la manière dont vous avez procédé. Elle repose actuellement sur un savant équilibre entre des zones urbaines et une zone rurale appelée le Sud sauvage, qui comprend les communes de Petite-Île, Saint-Joseph – dont je suis le maire –, Saint-Philippe, prolongée par Sainte-Rose à l'Est, et Saint-Pierre. Les problèmes de développement rural se posent dans les mêmes termes pour l'ensemble de la microrégion ; les synergies et les actions communes sont nombreuses. Vous proposez pourtant d'en retirer deux cantons : Sainte-Rose et Saint-Philippe.
Or, si Saint-Philippe appartient pleinement au Sud sauvage, Sainte-Rose est une commune de l'Est. Ces deux communes sont naturellement séparées par les coulées volcaniques du piton de la Fournaise, lesquelles viennent fréquemment couper la seule route qui relie Sainte-Rose au reste de la quatrième circonscription, au lieu-dit du Grand-Brûlé.
Lors du précédent découpage de 1986, lors duquel vous officiiez déjà comme apprenti de l'artisan charcutier Charles Pasqua…
…, vous aviez intégré Sainte-Rose, commune de l'Est, à la circonscription du Sud, la quatrième. Il s'agissait déjà à l'époque d'un non-sens, étant donné la configuration géographique des lieux.
Cette manipulation avait alors pu porter ses fruits politiciens : lors des législatives de 1993, les deux circonscriptions du Sud et de l'Est, la quatrième et la cinquième, furent remportées par le RPR et l'UDF. Mais vingt ans après, en dépit de cette manoeuvre, ces deux circonscriptions sont repassées à gauche.
Au lieu de réparer cette erreur en délimitant des circonscriptions correspondant à un territoire homogène, vous vous apprêtez désormais à reproduire la même manoeuvre en sens inverse, en catapultant la commune de Saint-Philippe dans l'Est pour faciliter la candidature du président de 1'UMP dans la quatrième circonscription. Permettez-moi, pour résumer, de parodier Devos, monsieur le secrétaire d'État : un non-sens pris en sens inverse reste un non-sens ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Ainsi, votre appréciation de la continuité territoriale s'illustrera à merveille lorsque, en raison des fréquentes coulées volcaniques, le député de la cinquième circonscription de l'Est devra, pendant six mois au moins, passer par deux circonscriptions du Sud pour se rendre dans cette commune nouvellement catapultée dans sa circonscription.
Je n'irai pas plus loin dans les détails. Monsieur le secrétaire d'État, un découpage électoral méprisant à ce point la réalité territoriale ne pourra qu'être sanctionné par les Réunionnais, qui ne sont pas dupes de la manipulation politicienne que vous orchestrez tous les vingt ans pour corriger le rejet grandissant de votre politique.
Ce simple exemple, comme tous ceux qui ont été exposés et qui concernent nombre d'entre nous – bien souvent des élus socialistes incarnant une nouvelle génération –, nous prouve que votre opération de charcutage est plus caricaturale encore que ce que l'on pouvait craindre de pire.
Monsieur le secrétaire d'État, votre projet est destiné à modifier les règles pour obtenir un avantage de départ dans les scrutins législatifs. Au jeu, cela s'appelle de la triche.
Pour ma part, je me contenterai de qualifier ce procédé d'atteinte à la démocratie. L'exercice auquel vous venez de vous livrer, et que traduit le présent projet de loi, en fournit, hélas, une brillante illustration qui ne vous honore pas.
Le seul courage que je vous reconnais consiste donc à oser tricher et piétiner l'intérêt général, au vu et au su de tous les Français, pour vous approprier le pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Prochaine séance, mercredi 13 janvier, à quinze heures :
Questions au Gouvernement.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 13 janvier 2010, à zéro heure quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma