…lors du vote au scrutin public d'un amendement supprimant l'article unique du projet de loi de ratification, et je ne reviens pas sur les circonstances troublantes – je les qualifie effectivement ainsi – de son déroulement.
Je remarque cependant que le Sénat, qui était appelé à voter mais qui ne devait pas débattre s'il s'était conformé à une tradition républicaine bien établie, a débattu, ce qui est une première et vous oblige par là même à le faire à nouveau. Vous êtes ainsi conduits malgré vous, mesdames et messieurs les députés, à vous prononcer une seconde fois, avant que le Sénat ne l'examine à nouveau à son tour, sur un texte concernant la délimitation de vos circonscriptions électorales, que vous aviez pourtant approuvé de façon expresse et à une confortable majorité.
Cette situation est totalement inédite, du moins sous la Ve République.
Ni votre assemblée ni le Sénat n'avaient examiné le texte qui, en 1958, avait arrêté la première délimitation des circonscriptions d'élection des députés, restée en vigueur pendant 28 ans et sept élections législatives, car il s'agissait d'une ordonnance prise en application de l'article 92 de la Constitution, lié à la mise en place des institutions. En 1986, le projet de loi tendant à la délimitation de nouvelles circonscriptions à la suite du rétablissement du scrutin majoritaire avait été considéré comme adopté par votre assemblée, en première comme en seconde lecture, et le Sénat lui avait opposé la question préalable, après avoir estimé qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur les modalités d'élection des députés ; la loi du 24 novembre 1986, qui fixe le tracé de vos circonscriptions depuis cinq élections générales, n'avait donc pas du tout été discutée au Sénat.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, il me semble nécessaire de souligner ici combien les sénateurs ont ainsi créé, à l'égard de votre assemblée, un véritable précédent, dont les conséquences pour l'avenir sont loin d'être négligeables. Qu'on le veuille ou non, la représentation nationale s'en trouve insécurisée. Que se passerait-il en effet en cas de dissolution de votre assemblée, contrainte de renouveler ses membres dans des circonscriptions non remodelées, malgré l'intervention de maintenant quatre recensements généraux depuis leur dernière délimitation en 1986, et donc illégales, comme l'a rappelé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel ? Oui, je pose la question.
Qu'adviendrait-il aussi des députés qui seraient élus, en cas d'élection législative partielle, dans telle ou telle de ces circonscriptions non conformes au principe d'égalité du suffrage figurant à l'article 3 de notre Constitution, et qui feraient l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel, qui a lui-même demandé que ces circonscriptions soient modifiées « aussitôt après les élections législatives de juin 2007 » ?
Sur un autre plan, celui de l'équilibre entre les deux chambres, est-il certain que l'Assemblée nationale puisse à son tour s'ingérer dans le redéploiement ou la création de sièges de sénateurs ? Poser la question, c'est un peu y répondre ; je ne suis en tout cas pas très optimiste sur ce point.
Certains ont ainsi voulu, si je puis dire, refaire le match. En laissant le Sénat venir en quelque sorte sur votre terrain, empiéter sur votre choix et donc s'ériger en arbitre, voire en censeur, de vos conditions d'élection, ont-ils conscience de la dérive ainsi provoquée, qui ne sert pas l'Assemblée nationale, seule chambre, rappelons-le, élue au suffrage universel direct ?