Monsieur le secrétaire d'État, afin de prendre en considération l'évolution de notre pays, votre gouvernement s'est lancé dans une vaste entreprise de redécoupage des circonscriptions législatives. Il s'agissait, vous l'avez dit, d'une obligation, liée aux mutations démographiques et aux différents mouvements de population. Il était justifié de tenir compte de ces changements.
À La Réunion, cela s'est traduit par la proposition de créer deux nouvelles circonscriptions, ce qui relève de la pure logique, étant donné l'importante augmentation de notre population. Toutefois, si un réajustement des délimitations de nos circonscriptions apparaissait nécessaire, la manière dont vous avez procédé s'apparente davantage à la vaste opération de charcutage que nous n'avons cessé de dénoncer depuis de nombreux mois.
Parmi les vertus dont vous vous parez, monsieur le secrétaire d'État, vous évoquez le courage politique nécessaire pour conduire une telle entreprise. Je vous accorde bien volontiers cette qualité : il vous fallait en effet faire montre d'un authentique courage pour procéder à une opération si orientée et si partisane. Néanmoins les seules vertus dont vous auriez dû faire preuve sont la rigueur, l'honnêteté et cet esprit républicain unanimement loué au cours des derniers jours.
À mi-mandat, alors qu'aux « couacs » permanents de votre majorité succèdent des camouflets répétés et que vous ne pouvez que constater l'effritement de votre électorat, vous tentez, de la pire des manières, de fausser les règles de désignation des parlementaires pour ne pas sombrer en 2012. Voilà en quoi vos agissements peuvent sembler courageux.
Cette opération courageuse, donc, mais pathétique, ne trompera pas les Français : alors que plus des deux tiers des circonscriptions supprimées sont actuellement détenues par la gauche, ce serait mépriser la clairvoyance et le bon sens de nos compatriotes que d'espérer leur faire croire que l'acrobatique découpage des circonscriptions de l'étranger – je parle de l'unique circonscription qui va de la Russie à la Nouvelle-Zélande – ne vise pas à sanctuariser des bastions que vous imaginez éternellement de droite.
Ce projet de loi bafoue tous les principes d'équilibre démographique et de continuité territoriale.
Vous avez eu à coeur, dites-vous, de respecter le principe de la continuité du territoire et les limites cantonales. Pourtant, vous proposez, sans concertation aucune, des découpages qui nient la réalité locale de certains territoires. La notion de continuité territoriale est liée à de multiples facteurs : bassins d'emploi, d'administration, de santé, de consommation. Les réalités géographiques sont souvent bien différentes des frontières imposées. Permettez-moi de remarquer, mes chers collègues, que cette manière de procéder entretient un rapport de filiation directe avec le découpage des frontières africaines par les pouvoirs colonisateurs à la fin du xixe siècle.