Or, bientôt un siècle après la publication de l'ouvrage majeur du mathématicien français Sainte-Laguë, le constat est unanime : sa méthode, bien connue et couramment pratiquée, est la plus juste et la seule qui n'introduise aucun biais systématique.
Ainsi, en demeurer à la méthode des tranches ramènerait les sciences juridiques et politiques au niveau où étaient les sciences exactes à la fin du XIXe siècle ! On frémit à l'idée d'un tel obscurantisme dont le champ démocratique se ferait aujourd'hui l'apanage.
Il faut savoir évoluer quand les quotients évoluent, quand la population évolue. La méthode que vous nous proposez est, à notre époque, obscurantiste car d'autres produisent des résultats bien meilleurs.
Je n'ignore pas, monsieur le rapporteur que, selon le commentaire publié dans les Cahiers du Conseil Constitutionnel, ce dernier « n'a entendu écarter par principe aucune méthode de répartition, notamment la méthode de répartition par tranches évoquée au cours des débats parlementaires. »
Mais, dans ce même commentaire, il est aussi précisé que le Conseil « a entendu cependant signifier que l'égalité devant le suffrage constitue une exigence qui doit être respectée à tous les stades des opérations d'adaptation de la carte électorale ». Par nature, cela vaut, bien entendu, dès le choix de la méthode de répartition.
Il en résulte que si le Conseil Constitutionnel n'avait nulle raison d'écarter la méthode des tranches « par principe », dès lors qu'elle pouvait aboutir à des résultats très proches de ceux qu'eût donné l'utilisation d'une méthode plus sûre, il ne l'avait pas pour autant validée par avance, attendant légitimement de prendre connaissance de la répartition proposée pour voir si elle respectait effectivement l'exigence de l'égalité de suffrage.
Tel n'est manifestement pas le cas et il existe des écarts significatifs entre le découpage proposé et ce qu'il aurait dû ou pu être.
Et la seule justification, outre le poids des traditions, semble être dans vos propos lors du débat d'habilitation : « Mais nous ne sommes pas à la recherche du meilleur système de répartition. » Cela est très discutable, car la répartition par département permet de bien plus grands écarts par rapport à la réalité démographique que la délimitation des circonscriptions.
La méthode choisie est d'ailleurs employée exclusivement en France et n'est reconnue nulle part ailleurs ! Elle est dite de la « tranche commencée » car dès qu'un département a plus de 125 000 d'habitants, on lui accorde un siège supplémentaire. Ce diviseur de 125 000 habitants, choisi par le gouvernement, s'écarte de 11 % de la « circonscription idéale » qui est de 113 000 habitants.
Ce mécanisme bien connu a pour effet de favoriser les petits départements qui « encaissent » mieux l'augmentation du diviseur.