Avec la fin de la compétence générale, le regroupement des départements et des régions, la volonté de coller à l'Europe des régions avec la constitution des agglomérations puis des métropoles, et la fin du financement par l'élimination de la taxe professionnelle, principale source de revenu liée à l'établissement des industries locales, c'est tout l'édifice républicain issu de la Révolution française qui est remis en cause.
La liste des transferts de compétences que vous souhaitez attribuer aux métropoles est impressionnante : développement économique, urbanisme, habitat, transports, éducation, infrastructures, sécurité, eau, assainissement, culture. Quant à l'action sociale et à toutes les formes de solidarité, vous les abandonnez aux départements. Pour le Gouvernement, ces prérogatives sont quantité négligeable.
Pour être sûr de la manoeuvre, vous refusez obstinément le scrutin à la proportionnelle pour toutes les élections, essence même de la souveraineté des citoyens. Pour les conseillers territoriaux, vous choisissez d'en faire élire 80 % au scrutin uninominal majoritaire à un tour, les 20 % restants l'étant selon une répartition des suffrages obtenus à l'échelon des départements par des listes. Ainsi, vous niez la pluralité des partis politiques et la parité, pour laquelle nous avons été nombreux à nous battre. Cette méthode permet d'obtenir une majorité de 80 % des sièges avec seulement 30 % des voix. Il faut le redire.
Quels que soient, par ailleurs, vos découpages, le mode de scrutin vise à garantir une majorité dans le cadre de la bipolarisation, gommant ainsi les diversités politiques des partis, mais aussi, de fait, celles des citoyens. Mon collègue Michel Vaxès l'a fort bien expliqué devant nous en novembre 2008 : le mode de scrutin à la proportionnelle est le seul susceptible d'assurer une juste représentation de nos concitoyens dans leur diversité. Le pluralisme, la représentation de la jeunesse, des femmes, un renouvellement régulier des élus seraient en effet facilités par l'instauration de la proportionnelle à l'occasion de chaque élection, quelle que soit sa nature.
Prévoir un mode de scrutin proportionnel pour l'élection des députés répondrait parfaitement au principe posé par le dernier alinéa du nouvel article 4 de la Constitution : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation ». Voilà le meilleur moyen de respecter la République et ses citoyens.
Mais non, vous vous acharnez à triturer, à disloquer. Cette réforme des collectivités territoriales, vous l'avez façonnée toujours avec le même objectif : réduire le nombre d'élus pour effacer toute contestation au sein de nos institutions, tout contre-pouvoir de décision au plus proche des citoyens, afin de concentrer les pouvoirs vers le haut.
Est-ce d'une nouvelle forme de monarchie – ou pire – qu'il s'agit ? Le processus que vous mettez en place va à l'encontre des valeurs de la République, comme toutes les mesures gouvernementales, dont la liste est si longue qu'elle frôle l'indécence.
Ce charcutage est une offense au peuple français. Nous le condamnons, aujourd'hui comme hier, car il maintient les inégalités entre les citoyens, entre les territoires. Notre République, le peuple, méritent mieux. C'est pourquoi la France a besoin d'une République modernisée, démocratisée. Il est temps de lui donner un nouveau souffle, de donner à la France une VIe République.
Les citoyens ont besoin d'une République moderne qui les respecte en leur accordant de nouveaux droits dans leur vie privée, professionnelle et politique ; une République démocratique où les pouvoirs ne soient plus concentrés au plus haut de l'État, mais au contraire développés à tous les niveaux, à l'échelle de tous les territoires, du local au national, rompant ainsi avec les dérives marchandes, les tentations autoritaires ou la gouvernance des experts ; une République où la logique des droits humains, économiques, sociaux, politiques ou culturels, collectifs ou individuels prime sur celle de la rentabilité financière ou de la compétence supposée de quelques-uns ; une République reposant sur le socle des droits fondamentaux relevant d'une responsabilité publique et nationale, ce qui suppose le développement de services publics échappant aux règles de la concurrence et obéissant aux principes d'égalité, de responsabilité et d'efficacité. C'est de cette République-là que les Françaises et les Français ont besoin.
Nous ne nous contentons pas de contester votre découpage sur la forme ; nous contestons sur le fond les inégalités de votre système. Les femmes et les hommes attachés à la démocratie ont en tête les beaux discours de Nicolas Sarkozy sur le thème de l'immoralité du capitalisme. En réalité, ce n'est pas ce qu'il veut corriger : il veut assujettir notre démocratie aux besoins d'un capitalisme qu'il prétend moraliser.
Est ce possible ? Non : le capitalisme est immoral par nature. Il a donc choisi de faire taire la protestation, de mutiler la représentation nationale avec une priorité : « tout changer pour que rien ne change dans ce monde ».
Pour être sûr que rien ne change, le Président a trouvé la parade : détourner tout ce qui relève de la démocratie, à l'image du traité de Lisbonne passé en force, niant le « non » des Français lors du référendum sur la Constitution européenne. Ce fut aussi le cas avec le nouveau règlement de notre assemblée, censé donner plus de pouvoirs aux élus de la nation, alors qu'il les affaiblit. C'est encore le cas avec ce redécoupage de nos circonscriptions et la réforme des collectivités territoriales, puisque vous avez prévu pour l'un et pour l'autre que la gauche en soit victime, afin de vous garantir une majorité avec une petite minorité.
Nous ne pouvons tolérer que vous fassiez fi des diversités politiques, de la pluralité de l'opinion des citoyens.
Aujourd'hui, personne ne peut contester que votre texte sur les circonscriptions, comme votre projet sur les collectivités territoriales, va démanteler de fond en comble nos institutions républicaines.
Nicolas Sarkozy tourne le dos à l'architecture même de la République. Sa conception de la représentation nationale, du rôle et de la place des élus du peuple, suscite l'indignation, l'hostilité et appelle au rassemblement et à la résistance.
Le groupe pluraliste de la Gauche démocrate et républicaine représenté par le parti communiste français, le parti de gauche, les verts, les ultramarins, ne peut partager une telle philosophie. C'est pourquoi nous demandons un renvoi en commission de votre texte, conforme au précédent qui renie les valeurs de la République et de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)