La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports.
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Madame la présidente, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui le projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports. Il s'agit d'un projet de loi diversifié, qui vous est soumis à un moment important – vous avez tous entendu les annonces que nous avons faites la semaine dernière en matière de fret ferroviaire – de l'histoire des transports ferroviaires en Europe.
Je voudrais d'emblée remercier les membres des deux commissions – l'histoire de votre Assemblée a voulu qu'elles soient toutes deux saisies. Respectivement présidées par MM. Ollier et Jacob, avec M. Paternotte comme rapporteur unique, elles ont accompli un travail remarquable sur ce texte. Nous avons particulièrement apprécié la qualité du travail et des très nombreuses auditions auxquelles a procédé M. Paternotte, ainsi que le soin minutieux qu'il a apporté à chaque mot, à chaque virgule même de ce texte. Je pourrais dire de même de la commission des finances et de son rapporteur, M. Mariton, que je remercie très sincèrement.
Ce texte, déjà ancien, a été examiné les 19 février et 9 mars derniers par le Sénat, qui l'a enrichi. Votre commission des affaires économiques, monsieur Ollier, s'en est saisie le 23 juin dernier. Là encore, nourri de vos réflexions, le projet a gagné en substance et en précision. C'est donc sur ce texte et ses amendements que nous débattrons.
Ce projet de loi comprend des dispositions ayant trait aux transports ferroviaires et guidés, aux transports routiers, aux transports aériens et aux transports maritimes. Il s'inscrit – je vous le disais – dans une période de mutations importantes des transports en France comme en Europe.
La Haute assemblée débat ces jours-ci du projet dit Grenelle II, alors que votre Assemblée a adopté la loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement en juillet dernier – qui a fait l'objet d'une publication au Journal Officiel dans la nuit – célèbre – du 4 août. Le respect des engagements pris dans cette loi nous conduit naturellement à faire évoluer nos institutions, notre gestion des infrastructures et, de manière plus générale, l'organisation de notre système de transports – à commencer par les transports ferroviaires.
Plutôt que de détailler l'ensemble des dispositions qui figurent dans ce texte, je souhaite m'attacher à ce qui me semble en être le fil conducteur : l'ouverture à la concurrence du secteur des transports et sa nécessaire régulation. Vous savez tous que, sous l'impulsion de l'Union européenne, cette ouverture a d'abord concerné le transport routier, puis le transport aérien. Elle s'est étendue au secteur du transport ferroviaire de marchandises il y a déjà plus de trois ans, le 31 mars 2006 ; à partir du 13 décembre prochain, elle concernera également les services ferroviaires internationaux de voyageurs.
Quels sont les avantages – ou les défauts éventuels – de la concurrence dans les transports ? Je préciserai avant toute chose qu'il n'est pas question de nous dissimuler derrière l'Union européenne au motif qu'elle nous imposerait une concurrence que nous serions contraints de subir. Au contraire : je crois que la concurrence présente des avantages pour le développement des transports au profit de ses clients, de ses chargeurs et de tous les voyageurs. Songez au transport aérien : pourquoi est-il devenu accessible à tous ou presque ? Pourquoi n'est-il plus réservé à la seule clientèle d'affaires ? C'est parce que la concurrence a incité les compagnies aériennes à élaborer des modes d'exploitation plus efficaces – les hubs, par exemple, qui offrent un large choix de destinations aux clients, ou le modèle low-cost, sans lequel le député-maire de La Rochelle sait que l'aéroport de cette ville, qui nous est cher, accueillerait un trafic bien moindre.
Le transport ferroviaire de fret a également bénéficié de l'ouverture à la concurrence. Certes, la crise économique l'a frappé ; pourtant, on oublie trop souvent qu'en Allemagne surtout, mais aussi en Grande-Bretagne – dont il était d'usage de se moquer sur certains bancs – ou encore en Espagne et aux Pays-Bas, la concurrence du transport de marchandises a entraîné une hausse sensible des trafics et un véritable report modal.
La France a connu une progression du trafic de fret moindre qu'en Allemagne ou ailleurs, qui a tout de même atteint 3,5 % entre 2006 et 2007, et même frôlé 10 % entre 2007 et 2008 au point qu'aujourd'hui, sept entreprises ferroviaires circulent sur le réseau ferré national. Contrairement à une opinion répandue, leur part de marché, importante, s'est encore développée : de 5 % en 2007, elle atteignait près de 10 % en 2008 et même près de 14 % en juillet dernier – c'est la dernière statistique dont nous disposons. De même, je suis persuadé que l'ouverture à la concurrence permettra de développer le transport international de voyageurs – de manière progressive, comme toujours – en suscitant la création de nouveaux services, de nouvelles activités et de nouveaux emplois.
Certains auraient souhaité que ce projet de loi étende l'ouverture à la concurrence aux transports ferroviaires régionaux de voyageurs – les TER. À titre personnel, je suis favorable à cette évolution. Je vous donnerai un exemple européen qui conforte cette opinion : la régionalisation ferroviaire en Allemagne a permis aux Länder, depuis 1993, de choisir leurs opérateurs ferroviaires par appel d'offres. Le bilan est très positif : plusieurs entreprises françaises ont gagné des marchés très importants dans le pays et, grâce à la concurrence, l'offre de trains par kilomètres est passée de 502 millions en 1994 à 633 millions en 2007. En outre, la Deutsche Bahn, opérateur historique, a poursuivi son développement dans ce contexte – et quel développement ! Enfin, l'ouverture a entraîné une réduction considérable des coûts facturés aux Länder, qui ont réinvesti cet argent dans le développement de l'offre du service public.
Je suis conscient des problèmes complexes que pose une telle évolution : je pense naturellement au devenir des personnels, ou encore à la propriété et à la mise à disposition des matériels roulants. C'est pourquoi le Gouvernement a demandé à votre collègue M. Francis Grignon, qui a rapporté le projet au Sénat, d'en étudier les modalités. Nous attendons ce rapport pour le premier trimestre de l'an prochain ; il nourrira le grand débat démocratique qui aura lieu à l'occasion des élections régionales. Il faudra ensuite procéder par expérimentation, conformément à la bonne vieille méthode éprouvée par le sénateur Haenel, comme cela avait été fait pour le transfert aux régions des mêmes services régionaux de voyageurs – dont je rappelle que personne ne le souhaitait au départ, et qu'il constitue aujourd'hui un succès remarquable.
En matière de transports, qui dit concurrence dit forcément régulation. Nous devons veiller à ce que l'ouverture à la concurrence s'effectue dans des conditions équilibrées et parfaitement transparentes. Pour cela, nous vous proposons un dispositif de régulation efficace : l'Autorité de régulation des activités ferroviaires.
Si vous acceptez sa création, cette autorité aura les attributions qui lui permettront de garantir à tous les opérateurs un accès équitable au réseau ferré, sans aucune discrimination. Elle disposera d'un pouvoir de régulation, mais aussi de larges pouvoirs d'investigation et de sanction. Elle instruira les plaintes des acteurs du secteur, et pourra naturellement prendre l'initiative d'enquêtes. Le droit de saisine de cette Autorité – qui prendra place aux côtés des grandes Autorités dont dispose déjà notre pays – sera largement ouvert aux acteurs du secteur, qu'il s'agisse des entreprises ferroviaires, des opérateurs de transport combiné ou des candidats autorisés. Elle se prononcera sur toute réclamation concernant un traitement inéquitable, une discrimination ou tout autre préjudice lié à l'accès au réseau ferroviaire. Elle pourra sanctionner les manquements par le biais de sanctions pécuniaires pouvant atteindre 3 % – c'est considérable ! – du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, voire jusqu'à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. Elle sera consultée sur tous les textes réglementaires ayant trait au transport ferroviaire, tels que ceux qui régissent les barèmes de péage. Le Sénat a souhaité qu'elle le soit également sur le document de référence du réseau. Enfin, elle sera une force de proposition en matière de réglementation.
Comment sera-t-elle organisée ? Son statut sera semblable à celui de la commission de régulation de l'énergie. Elle consistera en un collège de sept commissaires non révocables et nommés pour six ans, qu'assisteront des services administrés par un secrétaire général et comprenant des juristes, des experts en comptabilité et des économistes. J'estime que l'Autorité doit pouvoir compter sur une cinquantaine, voire une soixantaine de collaborateurs, et disposer d'un budget de 8 millions d'euros.
Le Sénat a conforté l'indépendance de cette structure en prévoyant qu'elle soit financée par une taxe spécifique prélevée sur les gestionnaires d'infrastructures. La commission des affaires économiques a précisé la rédaction de cette disposition pour la rendre applicable ; toutefois, je serai amené à vous proposer un amendement visant à ce que cette taxe soit plutôt prélevée sur les entreprises ferroviaires, comme celle qui alimente déjà l'établissement public de sécurité ferroviaire.
Vous pouvez donc le constater, mesdames et messieurs les députés : cette Autorité jouera un rôle de première importance dans le fonctionnement de notre système ferroviaire, dont elle contribuera à développer l'offre et à augmenter la fréquentation.
Cette nouvelle architecture n'exonère pas la puissance publique de ses responsabilités, y compris celle, fondamentale, qui consiste à veiller à ce que l'organisation du système ferroviaire favorise une concurrence sans discrimination. Le Sénat et votre commission du développement durable ont souligné deux éléments clefs en la matière : la gestion des sillons et la gestion des gares.
S'agissant de la gestion des sillons, un amendement du Sénat dispose de la création d'une direction de l'exploitation au sein de la SNCF. Ce service spécialisé, séparé du reste de l'entreprise, aura pour mission de gérer le trafic et la circulation sur le réseau ferroviaire national. Il regroupera 14 400 agents en charge de la production et de la gestion des sillons : horairistes, régulateurs ou encore agents de circulation – les aiguilleurs. Ces agents appartiendront toujours à la SNCF et ne changeront pas de statut. Toutefois, afin d'assurer son indépendance, cette structure disposera d'un budget propre et son directeur sera nommé par l'Etat. D'éventuelles évolutions réglementaires ou législatives permettront de garantir l'autonomie de gestion de ce service.
Votre commission, sur proposition de votre rapporteur, a voulu renforcer l'indépendance de cette direction en encadrant plus strictement les modalités de révocation anticipée du directeur de l'exploitation. Il vous a par ailleurs semblé nécessaire de mieux organiser la confidentialité des informations détenues par les agents de cette direction. Je partage ces préoccupations. En parallèle, RFF créera en son sein une plateforme commerciale. Forte d'une centaine de personnes, elle fera le lien avec les entreprises ferroviaires et répartira les capacités entre les plages-travaux – ou « blancs travaux », en jargon ferroviaire – et les entreprises clientes du réseau. Je souhaite que cette nouvelle organisation puisse être mise en place dès le mois de janvier prochain.
Monsieur le rapporteur, à votre initiative, la commission a également voté plusieurs amendements insistant sur l'importance d'une gestion transparente et parfaitement équitable des gares dans la concurrence entre opérateurs ferroviaires, dans l'esprit du rapport de votre collègue Fabienne Keller. Cela concerne non seulement les gares de voyageurs, mais aussi les gares de fret, dont vous avez souhaité que le transfert éventuel à RFF soit examiné.
La puissance publique garde également la responsabilité de veiller à la protection des consommateurs. Elle l'assume pleinement, en conservant son pouvoir d'approbation des tarifs ferroviaires ou par les missions plus traditionnelles confiées à la direction de la concurrence. Enfin, et je sais que les parlementaires y tiennent tout particulièrement, la puissance publique reste garante de l'équité territoriale au sein du territoire national.
J'aborderai maintenant l'ouverture à la concurrence dans les transports guidés. En matière de transports collectifs urbains, la concurrence existe aujourd'hui dans toutes les agglomérations régionales à l'exception de l'Île-de-France.
Au cours de notre discussion, et comme je l'ai indiqué la semaine dernière devant la commission du développement durable, je défendrai un amendement sur les adaptations nécessaires pour mettre l'organisation des transports franciliens en conformité avec le règlement européen relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route – dit règlement OSP.
Ce règlement pose trois principes essentiels.
Premièrement, lorsqu'une autorité organisatrice – locale ou nationale – décide d'octroyer à l'opérateur de son choix un droit exclusif ou une compensation financière en contrepartie d'obligations de service public, elle le fait dans le cadre d'un contrat de service public. C'est ce que nous faisons dans nos agglomérations et dans nos départements.
Deuxièmement, l'attribution de ce contrat doit se faire par la voie d'une mise en concurrence ouverte à tout opérateur, équitable et conforme aux principes de transparence et de non-discrimination – c'est aussi ce que nous faisons, les uns et les autres, sur le terrain.
Troisièmement, les contrats de service public doivent avoir une limitation de durée.
L'application de ces dispositions ne modifiera pas la situation applicable dans les agglomérations régionales. En Île-de-France en revanche, des adaptations législatives et réglementaires sont nécessaires. Le transport en Île-de-France est en effet régi par un texte ancien, l'ordonnance du 7 janvier 1959, qui octroie un certain nombre de droits exclusifs et sans limitation de durée à la RATP et qui n'impose aucune obligation de mise en concurrence préalable au STIF pour le choix d'un exploitant de service de transport public de voyageurs.
L'amendement que je défendrai a donc pour but de déterminer les conditions dans lesquelles le STIF attribuera des contrats de service public, à compter du 3 décembre 2009, aux exploitants des services de transport de voyageurs en Île-de-France. Cet amendement vise également à fixer l'échéance des droits actuels d'exploitation de la RATP dans les différents modes de transports…
Les syndicats de la RATP ne pensent pas la même chose, madame la députée ! L'échéance est fixée à 2039 pour les métros, à 2029 pour les tramways et à 2024 pour les bus. Allez dire aux syndicats de la RATP que, s'agissant de la protection de leur emploi, vous n'êtes pas d'accord ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous redéfinirons en conséquence les relations entre le STIF et la RATP et le partage des biens qui en découle. Il conviendra aussi de tirer les conséquences de cet amendement en termes de modalités de maîtrise d'ouvrage, de gestion de l'infrastructure et d'affectation patrimoniale des biens exploités par la RATP.
Pour ce qui est du transport routier, la question de la régulation de la concurrence ne se pose pas que dans le secteur des transports collectifs. La pratique du cabotage dans le transport routier de marchandises requiert également une régulation.
Alors que la crise affecte ce secteur d'activités – vous avez tous pu constater des fermetures d'entreprises dans vos départements –, depuis le 1er mai dernier, sept nouveaux pays de l'ex-Europe de l'Est sont autorisés à caboter en France. Nous avons obtenu du conseil des ministres des transports de l'Union européenne la possibilité d'encadrer cette pratique. Un amendement voté par le Sénat a traduit dans la loi française l'accord européen encadrant cette pratique. Cet encadrement était particulièrement nécessaire et attendu de la profession. Il stipule qu'à l'issue d'un transport international, les transporteurs étrangers ne pourront plus effectuer que trois opérations de cabotage dans un délai de sept jours. Les transporteurs contrevenants encourront une amende de 15 000 euros. La commission, sur proposition de son rapporteur, a souhaité que la responsabilité du chargeur qui contournerait sciemment la loi puisse être également engagée.
Une bonne régulation de la concurrence impose par ailleurs une harmonisation des règles au sein de l'Union européenne. C'est l'un des axes majeurs de notre politique en faveur du transport routier de marchandises. Aussi ne puis-je que me féliciter du vote par le Sénat de l'amendement qui rend plus efficace la poursuite des contrevenants, même quand ils franchissent les frontières.
S'agissant du transport routier de voyageurs par autocar, la commission a voté un amendement permettant la pratique accessoire du cabotage à l'occasion d'un service régulier international. La commission des finances souhaite aller plus loin en libéralisant largement les services réguliers intérieurs par autocar. Nous y reviendrons.
Parmi les autres mesures qui figurent dans ce projet de loi, je n'en citerai que quelques-unes.
Une disposition de l'article 2 du projet de loi donne de la souplesse dans la gestion des voies ferrées à faible trafic réservées au transport de marchandises. C'est une disposition essentielle de l'engagement que nous avons pris la semaine dernière, avec Jean-Louis Borloo, en faveur du fret ferroviaire. Il s'agit, comme dans tous les autres pays européens, aux États-Unis et au Canada, de favoriser l'émergence des opérateurs ferroviaires de proximité. Ces opérateurs apparaissent en effet comme la solution la plus pertinente pour proposer des services de transport de proximité dans des territoires au trafic peu dense ainsi que dans les ports. Cela permet de maintenir le trafic de marchandises par rail là où il pourrait disparaître. C'est, dans le port de Hambourg, par exemple, 50 % du trafic amené à la DB – la Deutsche Bahn – ou aux grands opérateurs ferroviaires qui arrive par des opérateurs ferroviaires de proximité. Nous pourrions faire la même chose avant la fin de l'année au Havre, monsieur Paul, à La Rochelle, monsieur Bono, ou ailleurs sur le territoire national.
L'article 24 transcrit dans la loi la définition du temps de travail du personnel navigant de l'aviation civile. Cette définition n'était jusqu'alors que d'ordre réglementaire, ce qui avait donné lieu à plusieurs contentieux. Le Sénat a complété cet article en y adjoignant la notion de mission, dont votre commission a donné une définition plus pertinente et elle a, sur proposition du rapporteur, traité de la délicate question de la représentation syndicale des personnels navigants, en offrant une solution conforme aux spécificités de leur métier.
Le paysage ferroviaire est en train de se modifier en profondeur. Il change, il se développe, il doit répondre à de nouveaux enjeux ; il s'ouvre intelligemment à la concurrence et à l'arrivée de nouveaux entrants ; il nous incite à faire évoluer nos institutions, notre gestion des infrastructures et, plus généralement, l'organisation de notre système de transports. Ce projet de loi est la déclinaison concrète du Grenelle de l'environnement, comme l'est le projet pour le fret sur lequel le Gouvernement s'est engagé la semaine dernière, sous l'autorité du Président de la République.
Au terme de mon propos, vous me permettrez de remercier les membres des commissions ainsi que leurs rapporteurs pour leur fructueux travail. Nous allons maintenant engager le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Yanick Paternotte, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 9 mars 2009, le Sénat adoptait, après déclaration d'urgence, le projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports.
Adopté par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale le 23 juin dernier, le texte qui vous est soumis aujourd'hui relève désormais de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Permettez-moi, avant de présenter les grandes lignes de ce projet, de remercier les présidents Patrick Ollier et Christian Jacob pour la confiance qu'ils m'ont témoignée en me confiant la charge de rapporteur de ce texte, parallèlement à celle de rapporteur du comité de suivi sur les questions ferroviaires.
Je tiens également à remercier les deux administrateurs, Aude Delvaux et Olivier Marty, qui m'ont accompagné dans la préparation de l'examen de ce texte.
Je rappelle que les travaux du comité de suivi ferroviaire que j'évoquais il y a quelques instants, en associant tous les groupes politiques de notre assemblée, ont débouché sur la publication, en juillet dernier, d'un rapport consacré à la relance du fret ferroviaire, dont sont issues bon nombre de propositions présentées par le Gouvernement la semaine dernière dans le cadre du plan « Fret d'avenir » – je pense notamment à la constitution d'un réseau de fret à grande vitesse entre les principaux aéroports internationaux ou à l'encouragement à l'émergence d'opérateurs ferroviaires de proximité, que vous avez évoqués à l'instant, monsieur le secrétaire d'État.
Las, l'encombrement du calendrier parlementaire, de la session ordinaire comme de la session extraordinaire de juillet, explique que ce texte n'ait pu être inscrit plus tôt à l'ordre du jour de la séance publique, et je le regrette. Son examen devenait plus qu'urgent, le délai d'entrée en vigueur de certaines dispositions essentielles étant fixé à la fin de cette année.
Ce texte comporte plusieurs articles relatifs aux transports routiers et à l'aérien sur lesquels je reviendrai, mais le coeur du texte concerne le transport ferroviaire.
Aux termes des paquets ferroviaires européens successifs, les infrastructures ferrées sont entrées dans le champ concurrentiel en 2001, le transport ferroviaire de fret est ouvert à la concurrence depuis le 1er avril 2006 et les services de transport international de voyageurs doivent l'être au plus tard le 1er janvier 2010, comme vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État. Nous le ferons le 13 décembre de cette année.
Cette ouverture impose l'institution d'un dispositif de régulation efficace, à même de garantir l'accès libre et non discriminatoire au réseau ferré national de tous les opérateurs, qu'il s'agisse d'entreprises ferroviaires historiques ou des PME ferroviaires que sont les opérateurs ferroviaires de proximité.
Au fil des enrichissements successifs du projet de loi initial par les parlementaires, l'autorité de régulation des activités ferroviaires – l'ARAF –, nouvelle autorité publique indépendante conçue sur le modèle de la CRE ou de l'ARCEP se voit confier de larges pouvoirs d'enquête et d'investigation, un pouvoir réglementaire supplétif et des pouvoirs de sanction en cas de manquements constatés aux règles de la libre concurrence.
Soucieux d'étendre les prérogatives de l'autorité dans le champ économique, les parlementaires ont souhaité que l'ARAF soit consultée sur tous les textes réglementaires relatifs aux transports ferroviaires, y compris les barèmes de péage – M. le secrétaire d'État l'a souligné. L'avis de l'ARAF pourra également être recueilli sur les tarifs des services de transport de voyageurs lorsque ceux-ci sont opérés en monopole.
Tirant profit d'une mission parlementaire effectuée à Berlin dans le cadre des travaux du comité de suivi sur le fret ferroviaire, je me suis attaché, au vu des comparaisons internationales, à ce que l'ARAF gagne en indépendance et se « muscle », pour s'imposer rapidement comme un acteur incontestable dans un domaine où les enjeux économiques et concurrentiels sont considérables.
Le projet de loi vise aussi à favoriser l'émergence d'opérateurs ferroviaires de proximité. Dans un objectif d'optimisation des moyens techniques et humains, ceux-ci pourront se voir confier par Réseau Ferré de France des missions de gestion de l'infrastructure sur les lignes à faible trafic réservées au fret. Sur ces lignes, ils assureront également des services de traction ferroviaire. Votre rapporteur a souhaité amplifier ce mouvement, en fixant la perspective d'un possible transfert des gares de fret à RFF avant la fin de l'année 2010, et le Gouvernement sera invité à remettre rapidement un rapport au Parlement à ce sujet.
J'en viens plus précisément aux dispositions du projet de loi relatives au transport ferroviaire. Le texte comporte 29 articles relatifs au transport ferroviaire : les articles 1er à 22 bis.
Composé de soixante-deux alinéas, l'article 1er a pour objet de préparer l'ouverture à la concurrence du réseau ferré national, de manière à mettre la France en conformité avec les obligations communautaires qui découlent des trois paquets ferroviaires successifs : les infrastructures en 2001, le fret en 2004, les voyageurs en 2006. Nous transposons, dans ce texte, le troisième paquet ferroviaire européen.
Il vise notamment à autoriser, à compter du 13 décembre 2009, le cabotage ferroviaire, lequel consiste, pour une entreprise ferroviaire assurant un service international de transport de voyageurs entre deux États membres différents, à effectuer une desserte intérieure. Parallèlement, il crée à la SNCF un service gestionnaire des trafics et des circulations, comme cela a été rappelé tout à l'heure.
En application d'une directive européenne, l'article 1er bis subordonne la conduite d'un train sur le réseau à la délivrance d'une licence. Je vous rassure, tout le monde a le droit de conduire les trains, mais nous contrôlons mieux la réglementation.
Issu d'un règlement européen de 2007, l'article 1er ter affirme les droits des voyageurs ferroviaires, notamment pour ce qui concerne les personnes en situation de handicap et l'indemnisation en cas de retard ou de perte de bagages. C'est la déclinaison de ce qui se fait dans le transport aérien.
L'article 2 décline des dispositions relatives à Réseau ferré de France. Il tend à faciliter les relations entre RFF et la SNCF, à favoriser la concertation entre parties prenantes en créant au sein de RFF un conseil de développement durable du réseau ferré national, et à adapter le réseau à l'entrée sur le marché d'opérateurs ferroviaires de proximité.
Introduit par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, l'article 2 bis vise à favoriser l'émergence d'opérateurs ferroviaires de proximité spécialisés dans le fret, en posant la perspective d'un transfert des gares de fret à RFF avant la fin de l'année 2010.
L'article 3 A pose le problème du remboursement de la dette de RFF. L'article 3 porte validation d'actes administratifs et l'article 3 bis rend plus dissuasives les sanctions encourues par les voyageurs faisant un usage intempestif du signal d'alarme.
Les articles 4 à 22 bis visent à créer et à préciser les missions de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, nouveau «gendarme ferroviaire » institué en applications de nos obligations communautaires pour garantir une concurrence libre et loyale sur le marché ferroviaire.
L'organisation et les modalités de fonctionnement de cette nouvelle autorité visent à lui donner rapidement la possibilité de s'affirmer comme un arbitre incontestable, chargé de prévenir les conflits entre opérateurs et de sanctionner les abus par des amendes non négligeables, comme vient de l'évoquer M. le secrétaire d'État. À cet effet, une ressource propre a été créée. Nous verrons tout à l'heure l'amendement du Gouvernement sur ce sujet.
Venons-en à présent aux dispositions du projet de loi relatives au transport routier ; il s'agit des articles 23, 23 bis et 23 ter aux titres IV et IV bis du texte de loi.
L'article 23 régularise des modifications contractuelles, afin de tenir compte de la convention signée à Lucques le 24 novembre 2006 entre la France et l'Italie, s'agissant du tunnel du Mont-Blanc, et afin d'allonger les concessions de l'autoroute Blanche et du tunnel de Sainte-Marie-aux Mines.
L'article 23 bis vise à mieux encadrer les possibilités de cabotage routier sur le territoire français. Il ne s'agit pas, comme j'ai pu le lire ou l'entendre «d'ouvrir », mais de contraindre. C'est ainsi qu'il convient de le comprendre. Il transpose, pour ce faire, des dispositions de l'accord politique du Conseil européen du 13 juin 2008 appelé communément le « paquet routier » qui fixe les possibilités de cabotage dans l'Union européenne.
Enfin, l'article 23 ter transpose en droit pénal français le règlement (CE) n° 5612006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, entré en vigueur, au niveau européen, le 11 avril 2007.
Les principaux apports des travaux de la commission au sein de ce chapitre sont la définition du régime d'autorisation de services réguliers routiers d'intérêt national et la fixation des règles applicables aux donneurs d'ordre.
S'agissant des dispositions du projet de loi relatives au transport aérien, le titre V comportait deux articles dans sa version initiale. L'article 24 est relatif à la durée du travail et au régime de travail du personnel navigant de l'aéronautique civile. Cet article a été enrichi au Sénat d'une définition de la notion de « mission » pour un équipage. M. le secrétaire d'État a rappelé que nous l'avons retoiletté. L'article 25, par coordination, supprime des dispositions du droit en vigueur rendues redondantes.
En outre, le Sénat a adopté trois amendements du Gouvernement portant articles additionnels : l'article 26 a pour objet de réformer le dispositif de sanctions aux infractions environnementales prononcées par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires et l'article 27, dont l'objet est d'adapter les dispositions du code de l'aviation civile aux exigences du règlement européen du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs, et l'article 28, visant à permettre la saisie conservatoire des aéronefs en cas d'aides d'État indûment perçues par des transporteurs aériens. Un pouvoir nouveau est conféré à l'ACNUSA, nous le verrons dans le coeur du débat.
La commission a apporté plusieurs modifications importantes à ce chapitre. Elle a supprimé la définition de la mission d'un équipage et lui a substitué un dispositif prévoyant que le personnel navigant est tenu d'assurer son service programmé entre deux passages à l'une des bases d'affectation du personnel navigant de l'entreprise. Par parallélisme avec les dispositions de la loi sur le dialogue social relatives aux cadres, la commission a adopté un amendement, très attendu, permettant la constitution d'un collège spécial des personnels navigants techniques, dès lors que le nombre de ces personnels est au moins égal à vingt-cinq au moment de la constitution ou du renouvellement des délégués du personnel, de la délégation unique du personnel ou des représentants du personnel au comité d'entreprise. La commission a élevé du niveau réglementaire au niveau législatif la notion de volume de protection environnementale que l'on appelle plus communément les VPE. Enfin, elle a permis à l'ACNUSA de requérir la saisie conservatoire, comme je viens de le rappeler.
Je me félicite de l'ensemble de ces mesures qui constituent une véritable avancée pour un secteur qui, je le rappelle, est aujourd'hui fort touché par la crise. En effet, les chiffres communiqués par les entreprises et parus dans la presse font état de bilans déficitaires.
Enfin, comme vous l'avez évoqué, monsieur le secrétaire d'État, le projet de loi comporte une disposition relative au transport maritime : l'article 29, qui crée ou recrée une école nationale supérieure maritime regroupant plusieurs établissements.
Je tiens à préciser que je ne suis pas resté insensible à deux séries de propositions émanant de certains de mes collègues. La première consiste à évaluer les conséquences de tous ordres de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire depuis trois ans. Cette demande émanait de tous les bancs. La seconde vise à expérimenter l'ouverture à la concurrence des transports régionaux de voyageurs – les TER – dans certaines régions volontaires bien avant l'échéance fixée par les textes communautaires au plus tard à 2019. Ce n'est pas pour autant à la minute, monsieur le secrétaire d'État. J'ai bien compris votre position et je la suis.
Le comité de suivi sur les questions ferroviaires recréé au sein de la commission du développement durable ne manquera pas de se saisir de ces deux thèmes de travail.
Pour terminer, je veux souligner que je déplore malgré tout un manque d'avancée sur deux points. Tout d'abord, j'ai des regrets en ce qui concerne l'Autorité de régulation. En effet, nous aurions dû nous inspirer totalement de l'évolution de la CRE qui est passée en dix ans de sept à neuf membres – et cela en 2006 – avec un président et deux vice-présidents à plein temps et non à temps partiel.
Si nous voulons que cette autorité trouve sa place dans le paysage entre l'Établissement public de sécurité ferroviaire, RFF et la SNCF, elle doit avoir, dès le départ, du muscle.
J'ai également des regrets sur le titre V relatif à l'aviation civile. Je déplore, même si je peux en comprendre les raisons, que, faute pour l'aéroport du Bourget de disposer d'un PEB, il n'existe pas de droit à l'insonorisation des riverains, à savoir les habitants du Val-d'Oise, de la Seine-Saint-Denis, voire des Hauts-de-Seine. Je trouve dommage que l'amendement que j'ai déposé en commission n'ait pas été jugé recevable.
Enfin, je souhaite que, dès que possible, le taux d'indemnisation des riverains de Roissy et du Bourget, aujourd'hui de 95 % du montant des travaux, puisse être poussé à 100 %, en particulier pour les riverains de Roissy. Cela n'aurait aucune conséquence pour les finances publiques puisque la collecte actuelle de TNSA autour de Roissy dépasse, en recettes, les besoins des riverains. À la rigueur nous pourrions plafonner le montant alloué par logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Hervé Mariton, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte porte un joli nom « ORTF » – organisation et régulation des transports ferroviaires –, c'est donc sûrement une proposition d'organisation d'avenir ! (Sourires.)
Plus sérieusement, ce texte est utile – c'est ainsi que nous l'avons analysé en commission des finances – pour améliorer l'efficacité des transports dans notre pays. C'est heureux pour la liberté de nos concitoyens, bon pour la compétitivité de notre économie et parfaitement cohérent avec notre ambition en termes de développement durable.
Or quand on fait les choses, il ne faut pas les faire à moitié. Nous avons pensé qu'il était alors essentiel de ne pas engager l'ouverture de la concurrence avec trop de restrictions. La concurrence sert les objectifs que je viens de préciser. Si on veut davantage de développement durable, si on veut une économie plus compétitive, si on veut que les citoyens se déplacent plus librement et plus efficacement, la concurrence peut, en général, permettre d'y parvenir.
Nous constatons que le texte va dans le bon sens, mais parfois avec quelques restrictions de pensées et d'actions. Il est alors fondamental d'apporter des précisions pour servir les objectifs, et ce en cohérence avec un certain nombre d'engagements communautaires.
L'Autorité de régulation, le rapporteur de la commission du développement durable vient de l'évoquer, doit pouvoir exercer pleinement ses compétences : on ne peut vouloir mettre en place une autorité de régulation et lui donner une capacité d'action trop étroite.
Il nous semble aussi que, pour que la concurrence puisse se dérouler efficacement, il est important qu'un certain nombre de points évoluent. Je pense aux gares. La commission des finances a ainsi adopté un amendement prévoyant une séparation comptable de la fonction « gare ». Chacun comprendra aisément que la gare est un lieu stratégique où la compétition peut se jouer. Il est essentiel que la confusion des genres entre la SNCF, opérateur, et la SNCF, gérant les gares, ne soit pas un obstacle à la concurrence. Dans un premier temps, il y aurait cette séparation comptable, mais, à dire vrai, je souhaiterais logiquement que l'on aille plus loin.
Toujours sur le terrain de la concurrence, vous allez nous présenter un amendement, monsieur le secrétaire d'État, concernant l'Ile-de-France et la RATP qui, s'agissant du métro, ouvre la concurrence en 2039. Vous vous hâtez avec mesure ! Sans doute faut-il respecter un certain nombre d'enjeux de la RATP. Mais pour les législateurs raisonnables et sans ambition excessive que nous sommes, 2039 paraît tout de même un horizon bien lointain !
La concurrence suppose aussi que l'ensemble des acteurs du système soit solide et bien installé. Je vise RFF en tant que gestionnaire d'infrastructures. Un amendement a été voté au Sénat dans une rédaction qui est apparue assez curieuse à la commission des finances, car il s'interrogeait sur l'éventualité, la faisabilité hypothétique du remboursement par RFF de cette dette. La commission des finances a – permettez-moi l'expression – un peu « musclé » cet amendement pour demander au Gouvernement de nous préciser exactement ce qu'il en sera du remboursement de la dette de RFF. Il nous paraît, s'agissant des établissements publics comme de l'État, que la dette doit être traitée plus sérieusement.
Nous proposons aussi d'élargir le champ des partenariats public-privé pour RFF, afin de renforcer RFF en tant qu'acteur d'infrastructures et de faciliter une meilleure concurrence sur ces infrastructures.
La commission des finances a aussi voté un amendement qui me paraît important sur le fond et dans l'esprit. Il concerne l'ouverture du transport par autocar. Nous vivons dans un pays superbe dont nous sommes les représentants, et nous en sommes fiers. Ce pays est exceptionnel et nous nous flattons volontiers d'un certain nombre d'exceptions. Toutefois, il en est parfois d'un peu curieuses qu'il convient peut-être de supprimer. Ainsi, il n'y a pas, en France, de transport par autocar – en particulier de transport interrégional – comme il en existe dans la plupart des pays de la planète. Voilà trois ans déjà, j'avais examiné cette question au nom de la commission des finances. Je m'étais déplacé pour étudier le fonctionnement du transport par autocar dans nombre de pays européens. C'est un transport souvent low cost. Il dessert, de plus, des destinations que d'autres modes de transport n'assurent pas toujours, ce qui répond à un authentique besoin des citoyens.
Pour mettre en avant les mérites du plan de développement du fret, le secrétaire d'État a très récemment souligné qu'il pourrait, dans certains cas, être légitime d'encourager le transport par autocar afin de libérer des sillons de fret. Monsieur le secrétaire d'État, votre analyse est impeccable. Il convient aujourd'hui de la traduire concrètement dans la loi. Je ne doute donc pas du soutien que vous apporterez à notre amendement.
On m'objecte parfois que le transport par autocar n'est pas « grenello-compatible ». Nous sommes là au coeur du sujet. En effet, soit le Grenelle de l'environnement est un objectif de fond, auquel nous avons tous souscrit, que nous voulons poursuivre et atteindre, et une analyse au fond est alors nécessaire ; soit le Grenelle de l'environnement est une sorte de gimmick, d'obligation idéologique et sémantique qui interdit toute forme de raisonnement, et nous serions alors assez mal engagés sur de nombreux sujets, y compris sur l'environnement.
D'un pur point de vue environnemental, il s'agit d'abord de libérer des sillons pour le fret, on ne pouvait le dire mieux que le secrétaire d'État ne l'a lui-même dit. Il arrive ensuite que, pour un transport par locomotive au gazole, soit émis en réalité beaucoup plus de CO2 qu'il n'en sera émis demain pour un transport par autocar. Il y a enfin une amélioration de service, un encouragement à l'usage du transport public, une substitution à la voiture individuelle pour des origines-destinations qu'aucun transport public n'assure aujourd'hui. Ainsi, lorsque l'on va d'une ville moyenne vers un pôle universitaire qui lui est extérieur, le transport par autocar est le meilleur moyen. J'avais essayé d'en mettre un en oeuvre dans la Drôme il y a quelques années mais, la loi étant ce qu'elle est, je n'y étais pas parvenu. On pourrait donner d'autres exemples.
La libéralisation du transport par autocar me paraît aujourd'hui régulée, et l'amendement très modeste que la commission des finances a voté donne à l'État un pouvoir de régulation appréciable. C'est, encore une fois, un mode de transport écologiquement bienvenu, intelligent et efficace.
Le Gouvernement aura la responsabilité de répondre à cette question. Soit on a une politique d'environnement avec de vrais objectifs et on est capable d'explorer des concepts originaux – ou vu comme tels en tout cas chez nous – soit on a une contrainte lexicale de vocabulaire absolue, ce qu'on appelle un gimmick, qui fait qu'on ne s'autorise aucune originalité, aucun raisonnement, même pour apporter un peu de progrès, et vous direz alors non à la commission des finances. Je pense, monsieur le secrétaire d'État, que vous pouvez adopter notre raisonnement, vous l'avez d'ailleurs fait il y a quelques jours.
Ce texte peut nous permettre de faire de grands progrès en matière de transport dans notre pays. Il faut simplement en mesurer totalement l'esprit et poursuivre dans le sens que je viens d'évoquer.
La parole est à M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le secrétaire d'État, de la grande disponibilité dont vous avez fait preuve dans nos deux commissions, la commission des affaires économiques et la commission du développement durable, et de l'attention que vous avez portée à toutes nos remarques, quels que soient les bancs d'où elles venaient. Un grand nombre d'entre elles ont été prises en compte.
Je vous remercie également, monsieur Ollier, de la manière dont a eu lieu la passation de pouvoirs. L'essentiel du travail sur ce texte a été effectué, en effet, par la commission des affaires économiques. La commission du développement durable a en quelque sorte récupéré un fruit mûr. Nous avons toujours bien travaillé ensemble : ce texte en fait une nouvelle démonstration.
Je veux souligner, monsieur le rapporteur, l'excellence de votre travail sur ce texte. Je crois que tous les parlementaires, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, le reconnaissent. Vous vous êtes impliqué totalement depuis de nombreux mois. Je crois qu'il n'y a pas une virgule ou un mot que vous ignoriez et, surtout, à chaque fois, vous avez eu à coeur d'apporter une contribution efficace et d'améliorer nettement le projet. Il est vrai qu'il était déjà bon au départ, monsieur le secrétaire d'État.
Je ne reviens pas sur son contenu, il a été évoqué par nos deux rapporteurs et par vous-même. Nous savons bien qu'il est essentiel de mettre en place une autorité de régulation des activités ferroviaires. Au moment où de nouveaux opérateurs vont entrer sur le marché, les règles de concurrence doivent être les plus claires, les plus limpides possible, et il ne doit pas y avoir de discussion sur ce sujet. C'est ce que nous avons eu à coeur de faire dans ce texte. Le marché sera, en effet, de plus en plus disputé, pour des raisons financières mais aussi pour des raisons d'aménagement du territoire parce que les deux sont liés.
L'autocar peut bien entendu avoir sa place, monsieur le rapporteur pour avis. Nous devons cependant – c'est l'orientation que nous avons choisie avec le Grenelle – aller vers des modes de transport moins émetteurs de gaz à effet de serre, et, objectivement, il y a plus de potentiel sur le rail que sur la route.
Nous aurons l'occasion de confronter nos arguments. Nous devons vraiment aujourd'hui faire ce transfert modal, c'est ce à quoi nous nous sommes engagés lors du Grenelle et c'est la ligne que nous allons continuer à tenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Daniel Paul.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est des textes symboliques d'une orientation politique. À coup sûr, celui que nous abordons aujourd'hui est de ceux-là.
Il y a soixante-quinze ans, naissait la SNCF. Issue de la fusion des entreprises qui l'avaient précédée, elle allait devenir cette grande entreprise publique, intégrée, disposant d'un large réseau couvrant le territoire national, de cheminots convaincus, au-delà de leur métier, de travailler à l'avenir du pays. Cette entreprise a été au coeur d'une politique industrielle et d'aménagement du territoire, à laquelle ont aussi contribué d'autres entreprises publiques comme EDF, GDF et tant d'autres issues du programme national de la Résistance.
Elles ont apporté la preuve que l'efficacité technologique et économique n'était en rien contradictoire avec l'amélioration des conditions de travail, de meilleures règles de sécurité, dans le même temps qu'elles préservaient ces secteurs névralgiques, ce que nous appelons aujourd'hui des « biens communs », des appétits des intérêts financiers privés,
Ainsi, la SNCF a su, avec des entreprises privées, et non des moindres, développer le TGV, en faire un atout à l'échelle du plus grand pays d'Europe qu'est la France, par son étendue, ouvrant la voie à la création d'un réseau européen à grande vitesse, avec des coopérations entre les réseaux nationaux.
Au moment où progressait l'idée de construction européenne, ces grandes entreprises de réseau, la SNCF, EDF, GDF, La Poste et France Télécom, étaient sans doute des outils pour bâtir une Europe de coopération, avec l'élaboration progressive de réseaux cohérents, transeuropéens, bénéficiant aux territoires, à leurs économies, aux populations. Sans nul doute, une telle Europe – et croyez-en quelqu'un qui a voté contre ce qui se passe actuellement – aurait eu un autre visage que celui qu'elle a aujourd'hui.
S'il est vrai, en effet, que les conditions industrielles ne sont plus celles de l'après-guerre, par exemple avec le fret produit par les différents bassins charbonniers de notre pays, nul doute que rien n'empêche l'adaptation de l'entreprise publique aux évolutions nécessaires. Ainsi, l'émergence du transport conteneurisé était une opportunité à saisir, y compris au niveau européen. Or vous venez d'indiquer, monsieur le secrétaire d'État, que, dans le premier port à conteneurs de France, ce ne serait plus la SNCF qui ferait le trafic sur les voies de port mais un opérateur ferroviaire de proximité.
En fait, les grands secteurs publics se sont retrouvés en contradiction avec les objectifs du capitalisme. L'heure n'était plus à la préservation de ces grandes entités publiques qui apportaient la preuve qu'une entreprise pouvait fonctionner et être efficace sans avoir pour finalité première de créer de la valeur pour ses actionnaires. L'heure était à une nouvelle étape du capitalisme, celle du capitalisme financier et mondialisé, recherchant le profit financier maximum et rapide, ainsi que de nouveaux lieux où des capitaux en mal de rentabilité pouvaient s'investir. L'heure était aussi à une offensive globale contre les salariés, les populations et les territoires, pour obtenir des réductions de coûts, abaisser les garanties sociales et permettre des transferts financiers massifs vers les grands groupes et leurs actionnaires.
Alors que ces grands secteurs publics étaient et sont toujours des atouts, c'est une tout autre conception qui a prévalu, celle qui, progressivement, a mis en cause les monopoles publics, préparé leur démantèlement, la déréglementation, le dogme de la concurrence libre et non faussée.
Tout à l'heure, dans votre intervention, je n'ai pas beaucoup entendu l'expression « entreprise publique ». Par contre, j'ai entendu souvent les mots « clients » et « concurrence ». C'est une évolution du vocabulaire sans doute.
C'est le XXIe siècle !
Ainsi, l'éclatement de la SNCF se poursuit : pas moins aujourd'hui de quarante-neuf filiales, dont « gares et connexions », dont la création a été annoncée le 7 avril dernier, tout cela dans le cadre d'un vaste projet, « destination 2012 », dont l'objet est de rationaliser l'organisation pour porter le bénéfice annuel à 2 milliards d'euros par an et préparer l'arrivée des trains privés. Cette balkanisation porte en germe le risque d'une véritable vente à la découpe.
Dans ce grand maelström, il serait faux de dire, comme vous le faites souvent, que les gouvernements français ont obéi à Bruxelles. En réalité, ils ont souvent précédé, prolongé et renforcé les directives. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui illustre parfaitement cette situation, ce qui justifie le dépôt de cette motion de procédure.
Vous usez et abusez aussi du terme de « modernisation », comme si « moderniser », c'était réduire les droits sociaux des salariés, les coûts de fonctionnement des entreprises publiques, et jamais contester la course au profit des grands groupes, qui tirent leurs profits du fonctionnement de ces grands services publics.
Alors que le Grenelle fait obligation d'engager des actions fortes pour réorienter le transport de fret vers des modes plus respectueux de l'environnement, dont le mode ferroviaire, votre plan de relance développe des actions favorables au transport routier. Vous avez privatisé les autoroutes, retirant à l'AFITF l'essentiel de ses ressources destinées précisément au développement des infrastructures de transports alternatifs.
Vous vous tournez alors vers les partenariats public-privé, et exigez des collectivités territoriales qu'elles mettent la main à la poche. L'exemple de ce qui s'est passé dans une région non loin de chez vous, Poitou-Charentes, illustre parfaitement cette évolution.
C'est chez moi !
Je ne voulais surtout pas donner le sentiment que vous étiez chez vous dans cette région ! (Sourires.)
Aux privés, vous offrez la possibilité de se positionner sur les secteurs les plus juteux en termes de péages, quand vous forcez la main des seconds qui ne pourront qu'intervenir au détriment d'autres investissements nécessaires sur leur territoire.
Pendant des années, la SNCF a dû, contrainte et forcée par le Gouvernement, prendre en charge des projets décidés par l'État, au détriment des moyens nécessaires à l'entretien des voies et d'un développement des moyens propres à répondre, par exemple, aux défis du fret, provoquant un endettement qui, même partagé entre SNCF et RFF, plombe littéralement les comptes des deux entreprises. Et les gouvernements successifs n'ont à ce jour jamais voulu effacer cette dette, contrairement à ce qui s'est fait en Allemagne.
Cette situation difficile a fragilisé l'entreprise publique, SNCF et RFF, au moment où il fallait faire face à de nouveaux défis, dont celui du fret, mais aussi celui de l'entretien et de l'amélioration des infrastructures, celui de la modernisation nécessaire des matériels roulants, des outils de signalisation, de contrôle et de triage. Je rejoins volontiers notre rapporteur quand il décrit l'état de vétusté dans lequel se trouvent un certain nombre de matériels dans notre pays.
Il n'est que de voir l'état de la ligne Paris-Rouen-Le Havre – je la connais, dans un sens comme dans l'autre – pour apprécier les dégâts causés par cette politique. Cette ligne relie pourtant la capitale et les deux ports de la Basse-Seine, qui constituent le premier ensemble portuaire de notre pays. Cela aurait dû justifier, et depuis longtemps, les mises à niveau nécessaires, tout comme les contournements fret, tout aussi indispensables.
Ce qui est cocasse, c'est que je vous ai demandé ici même, il y a quelques mois, de consentir des efforts sur cette ligne en matière de grande vitesse et que vous avez repoussé ma proposition. Je vous renvoie à l'amendement que j'avais proposé et à la réponse que vous y aviez apportée.
Il est intéressant de constater qu'un projet urbain, issu d'une volonté présidentielle, dans le cadre du Grand Paris, suffit pour débloquer ce qui était encore impossible il y a quelques mois, avec le projet de ligne à grande vitesse entre Paris et Le Havre. Cela non plus, monsieur le secrétaire d'État, n'est pas dû aux directives européennes ! Nous en reparlerons lors de votre venue au Havre, le 30 septembre ou le 1er octobre.
Le 15 octobre !
Je l'ai repoussée en raison des journée parlementaires du groupe socialiste, à la demande du président Fabius.
Vous êtes très attentif à certaines demandes…
On se retrouve devant des paradoxes apparents. D'une part, l'addition des orientations européennes et de la politique libérale de la France a conduit à un affaiblissement général de la SNCF ; d'autre part, les objectifs du Grenelle poussent à des transferts modaux vers des transports plus respectueux de l'environnement, parmi lesquels le ferroviaire tient une place à part.
Ainsi, les résultats 2009 enregistrent un net recul par rapport aux périodes antérieures ; un déficit de 600 millions serait constaté sur l'exercice. Cette réalité est utilisée pour lancer un message d'alerte : le fret ferroviaire est menacé si des mesures fortes, et même draconiennes, ne sont pas prises ! En clair, il faut réduire la voilure du fret ferroviaire, abandonner le wagon isolé, créer des opérateurs ferroviaires de proximité, filialiser le fret par secteur...
Le wagon isolé est identifié comme le principal foyer de pertes : il conviendrait donc de rompre avec les politiques précédentes, d'où la décision de fermer à ce trafic des centaines de gares, ce qui entraîne des situations inacceptables, comme celle de Portes-lès-Valence, où la direction de la SNCF refuse un contrat de 1 050 wagons par mois proposé par un grand groupe de la distribution s'installant pourtant dans cette commune.
Cette politique a jeté sur les routes près de deux millions de camions supplémentaires, pendant qu'elle conduisait à supprimer 10 000 postes de cheminots. Il est vrai que la SNCF étant le premier transporteur routier de France, le transfert est bien souvent interne au groupe, mais quelle est la cohérence avec les objectifs du Grenelle ?
C'est aussi la succession de plans annoncés comme devant résoudre les problèmes. Alors que le gouvernement de gauche avait, avec Jean-Claude Gayssot, initié une politique de volume conforme, avant l'heure, aux principes du Grenelle, et dont l'objectif était d'atteindre 100 milliards de tonnes par kilomètre en 2010, le plan Véron signe une rupture totale ; désormais, l'entreprise doit privilégier non plus une politique de volume mais une politique de marge, et s'adapter à la concurrence.
En 2006, cette ouverture à la concurrence devait permettre un report modal de la route vers le rail, sauf que, selon la SNCF, ses concurrents ont capté seulement 10 % des trafics perdus, et la part du ferroviaire est passée de 14 % à 11 %, avec, à la clé, une sous-utilisation des sillons et des matériels roulants, ainsi qu'une augmentation des péages, comme en Seine-Maritime – où vous allez vous rendre bientôt – pour la ligne Motteville-Montérolier-Buchy.
Et la casse continue avec l'abandon d'une grande partie du wagon isolé et la filialisation par produits. Ainsi, le réseau de wagon isolé, qui avait été drastiquement réduit à trois hubs et trente et une plateformes, disparaîtrait pour être remplacé par des relations de zone à zone entre onze plateformes seulement, alimentées par le développement d'opérateurs ferroviaires de proximité privés.
Ainsi, les pôles d'activités seraient filialisés pour augmenter la productivité de 15 %, et l'exemple de Combi Express est à cet égard éloquent.
Ainsi, c'est par la presse que nous avons eu confirmation, samedi dernier et aujourd'hui même, de la création de « trois à cinq filiales qui seront des opérateurs portuaires ou des sociétés spécialisées sur des secteurs géographiques ou économiques ».
Ainsi, notre collègue Candelier décrira ce qui se passe dans sa région du Nord-Pas-de-Calais. C'est toutefois l'ensemble de nos territoires qui sont concernés, comme le montrent les messages reçus de la quasi-totalité des régions de France, exprimant, par exemple, des inquiétudes quant à l'avenir du site du Bourget, où, entre 2002 et 2008, le nombre de wagons traités est passé de 800 000 à 500 000 par an, la différence n'allant pas essentiellement chez les concurrents ferroviaires, mais sur la route, avec la suppression de 300 emplois. D'autres situations illustrent cette politique, comme celle du site d'Hendaye et de Bayonne, menacé de soixante-cinq suppressions de postes, soit 40 % de l'effectif total. Et les personnels de nous alerter sur le fait que cela ne permettra plus de garantir le niveau nécessaire de sécurité. Je pourrais allonger la liste.
Comme je peux aussi rappeler les attentes des chargeurs. Leur demande, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'État, est légitime : que le fret qu'ils confient à l'opérateur ferroviaire public arrive dans les délais prévus. Non qu'il arrive deux ou trois heures en avance, mais qu'il n'arrive pas non plus avec une demi-journée de retard !
C'est la fiabilité qui est en cause. Or Fret SNCF avait pour objectif, malgré l'écrémage des effectifs de ses services, 90 % de trains avec moins d'une heure de retard pour les commandes passées à moins de trente et un jours. Cet objectif n'est pas atteint : aujourd'hui, le résultat ne dépasse pas 74 %, alors qu'il y a moins de trains et moins de circulation sur les lignes. Cette question de la qualité et de la fiabilité du service est centrale.
Alors comment ne pas s'interroger sur la poursuite de la désorganisation et la dégradation qu'elle entraîne, avec la perspective de 5 000 à 6 000 suppressions d'emplois ? Proclamer, comme le fait le directeur du fret à la SNCF, M. Blayau, qu'il faut se positionner sur les trafics dits rentables, revient tout simplement à laisser à d'autres le soin de transporter le fret ainsi abandonné – voire de ne pas le faire ! – à des concurrents non ferroviaires, c'est-à-dire essentiellement aux grands groupes routiers, parmi lesquels des filiales de la SNCF, des concurrents extérieurs, entreprises ferroviaires comparables à la SNCF ou non…
L'assouplissement des règles de gestion de l'infrastructure vise dans le même temps à faciliter l'intervention de ces acteurs privés, notamment des opérateurs ferroviaires de proximité. Ainsi, RFF pourrait confier par convention à toute personne publique ou privée, entreprise ferroviaire ou chargeur, des missions de gestion du trafic et des circulations, de fonctionnement et d'entretien des installations sur des lignes dites à faible trafic, répondant aux classifications de 7 à 9, réservées au transport de marchandises.
À cet égard, la question des voies ferrées portuaires est lourde d'enjeux. Nous en reparlerons lorsque vous vous rendrez au Havre, le 15 octobre. Sur les trente-deux passages à niveau critiques de Normandie, quatorze sont situés sur les 255 kilomètres de voies ferrées du port du Havre. Pourtant, l'hypothèse d'un transfert au privé n'est pas à écarter, avec les conséquences sur la sécurité que cela aurait, s'ajoutant aux conséquences sur l'emploi.
Proposition est même faite d'un transfert à RFF des gares de fret, y compris des voies de débord ainsi que des entrepôts, le tout avant le 31 décembre 2010. Et l'on peut craindre que l'arrivée sur ces réseaux de nouveaux gestionnaires d'infrastructures délégués – les GID – à la place de la SNCF contribuera toujours plus à favoriser les filiales ou les nouveaux entrants, au détriment de Fret SNCF.
Les enjeux environnementaux ont décidément bon dos !
Nous avons pris note de l'engagement de l'État de dépenser 7 milliards d'euros pour l'investissement ferroviaire, mais cela n'aura de résultat qu'à moyen et long termes et, soyons clairs et réalistes, cela ne suffira ni à rattraper les lourds retards accumulés ni à développer les nouvelles lignes nécessaires.
Notre demande est donc claire, et elle a été rappelée tout au long des discussions du Grenelle : si l'on veut respecter les engagements pris, la décision politique doit rejoindre l'enjeu sociétal et même humain.
Tous les pays européens ont injecté des milliards d'euros dans les banques au prétexte de les sauver face à la crise. De grands secteurs industriels sont toujours soutenus actuellement. Alors, si nous voulons être fidèles au Grenelle, dont les enjeux sont, vous le reconnaîtrez, monsieur le secrétaire d'État, au moins aussi importants, la priorité doit être déclarée pour le ferroviaire, en particulier pour le fret, et ce au niveau national mais aussi européen.
Oui, le fret ferroviaire doit être déclaré d'intérêt général, ce que vous refusez obstinément chaque fois que nous le demandons. Cela, Bruxelles ne vous empêche pourtant pas de le décider ! Oui, le fret ferroviaire doit recevoir les aides financières que nécessite cette situation difficile si l'on veut vraiment se conformer au Grenelle. Et si les investissements de RFF doivent être rentables économiquement, sans doute faut-il associer étroitement à cette notion de rentabilité celles d'efficacité environnementale et d'efficacité sociale.
L'avenir de Fret SNCF est un enjeu de société qui justifie que la SNCF et l'État ne soient pas seuls à décider.
Et nous savons tous ici que, dans ce domaine aussi, il y a les obligations nées de l'Europe et des réunions auxquels vous participez en tant que secrétaire d'État, et ce que vous leur ajoutez dans le cadre de votre politique, alors que vous pourriez non seulement faire valoir d'autres orientations dans la construction européenne, mais aussi mener une autre politique nationale, qui n'aggrave pas celle aujourd'hui imposée par les directives ou règlements européens.
Cela vaut aussi dans le cas des TER. Reconnaissons tous le succès de ce secteur ; les efforts des régions ont fait, comme on dit, « bouger les lignes » : le trafic et le nombre de voyageurs ont augmenté, l'ouverture de nouvelles lignes est à l'ordre du jour pour mieux répondre aux attentes des usagers, tout cela allant dans le sens du Grenelle et du bien public.
Rien aujourd'hui ne justifie ni ne fait obligation aux régions de soumettre les TER à la concurrence, ni même d'expérimenter dans ce domaine. C'est d'ailleurs ce que répondait le Gouvernement le 13 janvier 2008, par la bouche de Mme Kosciusko-Morizet, à notre collègue sénateur Haenel : « le règlement OSP ne remet pas en cause le monopole légal conféré à la SNCF par l'article 18 de la LOTI pour les services intérieurs de voyageurs sur le réseau ferré national ». Mme Kosciusko-Morizet ajoutait : « Ainsi, notamment, les autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs ne pourront se prévaloir du règlement OSP pour lancer des appels d'offres afin de confier des services de voyageurs à d'autres opérateurs que la SNCF. »
Pourtant, on sent des menaces, la SNCF alimentant elle-même cette idée, par l'intermédiaire de ses filiales, et certains responsables politiques de votre majorité se transformant en boutefeux : ainsi, notre collègue Mariton demande un calendrier d'ouverture à la concurrence des transports ferroviaires de voyageurs.
Votre texte était initialement justifié par l'obligation de mettre notre pays en conformité avec les directives européennes concernant l'ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs, et de répondre aux injonctions de la Commission européenne pour une plus grande transparence en matière d'accès au marché.
C'est le sens de la lettre de griefs qui vous a été adressée le 26 juin 2008 par la Commission. Elle portait sur trois points : l'exigence d'indépendance et de performance du système français de tarification ferroviaire ; les garanties d'indépendance à l'égard des opérateurs en matière de gestion des infrastructures ; la compétence et le fonctionnement de l'organisme français de contrôle ferroviaire qui ne répondent pas aux normes communautaires.
Vous connaissez notre demande – je remercie M. le rapporteur de l'avoir évoquée – qu'une évaluation précise de la libéralisation du secteur ferroviaire en Europe soit réalisée avant de poursuivre cette politique qui a déjà entraîné la suppression d'un million d'emplois de cheminots dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.
Mais, outre que vous appliquez avec zèle les décisions qui vont en ce sens, participant d'ailleurs activement à leur élaboration, la politique que vous menez et celle que vous faites mener par la SNCF vont, comme je l'ai montré depuis le début de mon intervention, au-delà des obligations européennes. De fait, votre projet de loi s'est « enrichi » d'articles qui n'ont plus rien à voir avec le texte d'origine. Il traite désormais la totalité des modes de transport et a pour principal objectif d'ouvrir le transport ferroviaire à la concurrence, d'empêcher toute entrave au jeu du marché et de supprimer à terme le statut de cheminot.
Ces projets sont dangereux ; ils impactent directement la sécurité des circulations et la régularité des trafics. Aujourd'hui, des interfaces nombreuses existent entre les différents intervenants ferroviaires ; les relations permanentes entre l'équipement, les agents d'escales voyageurs et fret, les tractionnaires et les agents en charge du trafic permettent de garantir la transmission des informations de sécurité, l'utilisation optimale du réseau et une gestion également optimale en cas d'aléas.
Mais il est décidé de créer au sein de la SNCF un service spécialisé qui exercera à compter du 1er janvier 2010, pour le compte de RFF et selon les objectifs et principes de gestion définis par ce dernier, les missions de gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national.
Le directeur sera nommé par décret du Premier ministre, sur proposition du ministre des transports et après avis de l'ARAF. Certes, il s'agit pour le moment d'une simple séparation comptable. Toutefois, cette création n'est pas du tout une obligation européenne : c'est un choix du Gouvernement, que rien ne justifie si ce n'est une finalisation à plus ou moins long terme. Les agents concernés garderaient leur statut, mais les nouveaux embauchés n'en bénéficieraient certainement pas, à l'exemple de ce qui se passe à la Deutsche Bahn et, dans une certaine mesure, dans les deux entreprises issues des PTT : La Poste et France Télécom – nous en connaissons les conséquences. Notre collègue Mariton précise, dans son rapport, que cette solution a l'avantage « d'individualiser les services en charge de la gestion des circulations en vue d'une éventuelle évolution ultérieure ». On ne saurait être plus clair, mais cette mesure, elle non plus, n'est pas imposée par Bruxelles : elle ne relève que de la volonté du Gouvernement, de sa majorité et sans doute de la SNCF elle-même.
La création de l'ARAF est la clé de voûte de la nouvelle organisation ferroviaire ; l'objectif est d'en faire le véritable régulateur du système. À l'origine du texte, elle était juridiquement intégrée à l'État, mais elle est maintenant dotée d'une personnalité juridique et de ressources propres, et on lui attribue de larges pouvoirs d'enquête et d'investigation, un pouvoir réglementaire supplétif et des pouvoirs de sanctions en cas de manquements constatés.
Ainsi, elle sera consultée sur tous les textes réglementaires relatifs aux transports ferroviaires, y compris sur les tarifs des services de transport de voyageurs lorsque ceux-ci seront opérés en monopole, elle contrôlera que l'accès au réseau s'effectue dans des conditions équitables, elle veillera au contrôle de l'indépendance du service gestionnaire des trafics et des circulations et s'assurera que les impératifs liés à la sécurité ferroviaire ne soient pas instrumentalisés en vue d'entraver la concurrence. Autant d'éléments qui justifient nos préoccupations quant aux rapports entre l'ARAF et l'Établissement public de sécurité ferroviaire. C'est pourquoi nous proposerons d'introduire dans votre projet de loi le principe de l'indépendance de l'EPSF à l'égard de l'ARAF, et de permettre aux représentants des organisations syndicales d'être nommées au sein de l'ARAF.
Je l'ai dit à plusieurs reprises : votre projet de loi outrepasse les obligations prévues par les autorités européennes, ce qui, compte tenu des enjeux que recouvre le secteur, ne nous paraît pas acceptable. Non pas que ces injonctions européennes soient, elles, acceptables, mais votre politique tend à les aggraver.
Il en est ainsi avec l'amendement que vous avez introduit, à la dernière minute,…
…lors d'une réunion de la commission du développement durable, mercredi dernier, à seize heures quinze, et dont la commission des affaires économiques n'a pas eu connaissance…
…– en tout cas, son président ne l'a pas évoqué, et je regrette qu'il ne soit plus ici pour en parler. S'il s'agissait d'une correction de dernière minute, provoquée par l'urgence, ce pourrait être acceptable – et encore !... Mais il s'agit d'un amendement majeur qui traite de la RATP, de ses infrastructures, de ses matériels roulants et de l'exploitation de ses lignes actuelles jusqu'à l'ouverture à la concurrence : l'exploitation des lignes de bus jusqu'en 2024, des lignes de tramway jusqu'en 2029 et celles du métro jusqu'en 2039 – notre collègue Hervé Mariton estime que cet échéancier est trop long et qu'il faut le réduire. Cet amendement traite également des missions respectives de la RATP et du STIF, et porte modification – excusez du peu ! – de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959, relative à l'organisation des transports de voyageurs dans la région parisienne. Or la procédure que vous avez choisie a empêché, en vertu du règlement, les députés d'amender ces nouvelles mesures.
Si, monsieur le secrétaire d'État. D'après les services de l'Assemblée auprès desquels je me suis enquis, jeudi et vendredi, de la méthode à suivre, il aurait fallu que je reprenne l'intégralité de votre amendement en changeant telle ou telle ligne pour pouvoir le modifier, ce qui revenait pour moi à dire que j'étais d'accord avec l'ouverture à la concurrence des transports en commun aux échéances que vous avez fixées. Il est vrai qu'en 2039, je ne serai plus là et vous non plus, mais nous sommes comptables de l'avenir de la région parisienne.
Les modifications que vous introduisez sont d'une ampleur qui justifierait une large concertation préalable, et sans l'engagement de la procédure d'urgence. Encore que quand un texte est examiné au Sénat en février, et à l'Assemblée en septembre, nous ne sommes plus dans l'urgence.
Rien ne vous empêche de faire preuve de sagesse et de retirer purement et simplement cet amendement pour que tous les acteurs concernés soient consultés et puissent au moins donner leur avis. Or le STIF n'a pas été entendu, ni la région Île-de-France, qui a tout de même son mot à dire. Je peux comprendre que vous ne soyez pas toujours d'accord avec cette région, mais ce n'est pas une raison pour omettre de lui demander son avis. Il en est de même pour la ville de Paris ou pour les syndicats de cheminots – je vous rappelle que la SNCF dispose de lignes situées à l'intérieur de la capitale. Ce n'est pas parce que le Président de la République a dit, lors d'un discours mémorable, au Bourget, qu'il fallait arrêter cette superposition des structures entre la SNCF et la RATP…
Ce n'est pas l'objet de l'amendement !
…qu'il ne faut pas en discuter ni examiner les conséquences d'une telle décision.
De plus, votre amendement modifie la répartition des prérogatives actuelles de la SNCF et de RFF, ce qui pose un véritable problème sur le fond – on connaît vos objectifs pour la région parisienne – et sur la méthode, car nos divergences n'empêchent pas que l'on puisse débattre de ce que vous voulez faire, c'est même pour vous un devoir. Il est vrai que le fond et la forme se rejoignent souvent, et nous en avons la preuve ici.
En effet, ma chère collègue.
Et que dire, monsieur le secrétaire d'État, de la façon dont vous vous comportez à i'égard du ST1F ? Il semble n'avoir été aucunement associé aux discussions qui ont pourtant dû se tenir sur ces questions.
Je terminerai en soulignant que la question des transports, du ferroviaire et de la RATP justifie une autre politique que celle que veut imposer l'Europe et que vous aggravez par vos initiatives comme par vos méthodes. Au moment où des enjeux environnementaux sont de plus en plus prégnants, où la crise du capitalisme financier et mondialisé montre toutes les tares du système que vous voulez pourtant développer, l'heure est vraiment à une autre politique qui préserve les atouts des entreprises publiques présentes sur le secteur et leur donne les moyens d'être toujours plus et mieux au service du développement des territoires et des populations. En allant au-delà des exigences, déjà contestables, des autorités européennes, vous aggravez la situation alors que vous devriez chercher à réduire l'impact négatif de leurs exigences. De plus, les méthodes de travail que vous imposez, à l'exemple de votre « amendement RATP », ne font que rendre votre politique et votre texte encore plus inacceptables.
Nous ne sommes pas partisans d'un statu quo dans le secteur des transports. Il ne répondrait pas aux enjeux actuels et nierait la capacité de nos entreprises à leur faire face. Nous sommes pour un grand pôle public des transports qui permette à notre pays une approche globale, cohérente, adaptée aux besoins et aux attentes, là où vous voulez, vous, l'application et l'élargissement de la concurrence. Nous estimons que ce secteur est tout à fait adapté à la présence d'entreprises publiques intégrées, là où vous voulez, vous, désintégrer celles qui existent pour ouvrir la voie aux intérêts privés. Nous pensons que les salariés, les usagers et les collectivités territoriales doivent avoir leur mot à dire sur la marche des entreprises en question, quelles qu'elles soient, et que le personnel doit disposer de garanties sociales fortes, là où vous faites le pari, et même plus, de réduire leurs statuts et leurs droits.
À l'évidence, ce que nous préconisons ne correspond pas à vos objectifs. Au bénéfice de ces considérations, je vous appelle à voter cette motion préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission du développement durable, mes chers collègues, nous venons d'entendre M. Daniel Paul faire preuve de son brio habituel. Mais si je salue la forme, je ne partage pas, bien évidemment, son point de vue sur le fond.
Tout d'abord, je rappelle que même si on a pris un peu de retard – du fait que le Gouvernement réforme énormément notre pays, qui en avait besoin –, il y a toujours urgence à transposer la législation européenne avant la fin de l'année. M. le secrétaire d'État et moi-même l'avons souligné tout à l'heure : il faut absolument qu'après la promulgation du projet de loi, les décrets soient pris pour que l'ouverture à la concurrence soit régulée dès le 13 décembre. La sagesse, c'est de prévoir une autorité de régulation forte et indépendante, et je ne doute pas que M. Paul et ses collègues du groupe communiste partage cette conviction. Toutes les améliorations apportées au dispositif actuel par ce texte visent à bien préparer l'ouverture à la concurrence car le pire, ce serait l'impréparation.
Par ailleurs, le projet de loi apporte nombre de clarifications, en particulier dans la répartition des rôles entre SNCF et RFF, et l'ARAF est là pour tenir son rôle non pas d'arbitre, mais de gendarme. Elle doit pouvoir sanctionner s'il y a des manquements, et prendre l'avis de l'Établissement public de sécurité ferroviaire. Monsieur Paul, je le redis : il n'est en aucun cas question que l'EPSR préempte l'autorité et le rôle de l'ARAF. N'inversons pas les rôles.
Au terme de votre rappel historique, vous avez dit, mon cher collègue, qu'il fallait moderniser. Dont acte. Vous avez rappelé que, dans le Grenelle de l'environnement, il s'agissait d'augmenter la part modale. C'est justement ce que le Gouvernement a présenté à travers le plan « Fret d'avenir ». S'agissant du règlement OSP – organisation des services publics de transport – et de la nécessaire évolution de la RATP, j'ai bien entendu vos regrets portant sur la rapidité des délais de mise en oeuvre. Mais, sur le fond, de quoi s'agit-il ? L'objectif est de remettre la région Île-de-France dans la norme des autres régions en adaptant la LOTI de 1982. Sur la forme, il s'agissait d'éviter que l'ordonnance de 1959 soit remplacée par une autre ordonnance, ce qui aurait été mal vécu sur tous les bancs. C'est l'honneur du Gouvernement et du groupe majoritaire que d'avoir contribué à ce que cette modification législative se fasse par voie parlementaire et non pas par voie d'ordonnance. Chrtistian Jacob et moi-même remercions le secrétaire d'État d'être venu s'expliquer devant la commission, ce qui est une première dans le cadre de notre nouveau règlement. C'est une revalorisation du travail du Parlement que d'avoir eu un tel débat en commission (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC),…
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est un euphémisme !
Un peu rapide, disais-je, mais préférable à toute autre voie.
Monsieur Paul, je connais votre engagement comme vous connaissez le mien, et on ne peut contester ni votre grande compétence sur ces sujets ni votre constance dans la défense du statut des cheminots. Mais bien défendre un secteur professionnel, c'est lui permettre d'évoluer avec son temps et d'éviter que la concurrence soit sauvage. Ce texte propose, à ce titre, une autorité de régulation qui régule vraiment le marché…
…en en assurant la liberté d'accès et en punissant durement les contrevenants.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de repousser la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur Paul, je ne vais pas vous reprocher vos convictions ni la vigueur avec laquelle vous avez présenté votre motion. Je vous ai bien écouté, cher collègue. Vous reprochez au secrétaire d'État et au Gouvernement d'user et d'abuser du terme de modernisation. Pour ma part, je suis convaincu que notre pays – y compris dans le domaine des transports – a besoin de modernisation.
Vous craignez le partenariat public-privé, alors qu'il devient nécessaire et même indispensable : l'État seul ne peut plus tout. Il faut tenir compte du monde qui nous entoure, et la France ne peut se replier sur elle-même. Sans agiter le chiffon rouge – si je peux m'exprimer ainsi –, nous devons nous préparer sereinement à l'ouverture à la concurrence. L'émulation et la concurrence sont saines pour peu qu'elles soient régulées et encadrées, ce qui est la mission de la commission dont la création est prévue par ce projet de loi.
Si nous devons encourager ce projet, c'est aussi parce qu'il fait appel au développement d'opérateurs ferroviaires de proximité, et je crois qu'il s'agit d'une nécessité. C'est pourquoi le groupe centriste que je représente ici repoussera votre motion, cher collègue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Françoise Branget, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, M. Paul considère qu'il est urgent d'attendre, afin de réfléchir sur les nouveaux dispositifs. Eh bien non ! Il est grand temps de bouger : les infrastructures ferroviaires sont entrées dans le champ concurrentiel en 2001 ; le transport de fret y est entré en 2006 ; les services de transport international de voyageurs doivent l'être, au plus tard, avant la fin de l'année.
N'y a-t-il pas urgence, neuf ans après la première mesure, de moderniser notre transport par le rail ? Laissons l'idéologie stérile de côté. Cette ouverture à la concurrence est une chance qui devrait favoriser le développement du chemin de fer sur le réseau national, conformément aux objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement.
Les voyageurs se verront proposer de nouvelles offres, tandis que la SNCF pourra développer une offre au niveau européen. Cette concurrence que vous refusez, monsieur Paul, sera au contraire propice au développement de nouvelles activités et à l'émergence de nouveaux acteurs.
Si nos infrastructures doivent rattraper des retards, le programme de sept milliards d'euros – sans précédent – répond aux nouveaux enjeux. Personne ne peut non plus nier l'urgence de réformer l'activité fret qui génère chaque année un déficit abyssal. Alors non, il n'est pas urgent d'attendre ! Notre groupe rejettera donc cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Le groupe SRC approuve tout ce qu'a dit Daniel Paul ; il lui rend hommage et votera naturellement en faveur de la motion de rejet préalable qu'il a présentée. Nous nous associons notamment à ce qu'il a exprimé, au nom de son groupe, à propos du paravent que constituent Bruxelles et le Grenelle, pour le Gouvernement. Eh bien non, nous n'avalerons pas toutes les couleuvres que le Gouvernement veut nous faire avaler !
Je profite de cette explication de vote pour dénoncer le fait que le Gouvernement tente de faire main basse sur l'Île-de-France, au mépris du droit des Franciliens à maîtriser leur destin et l'évolution de leur cadre de vie. Vous savez tous que les transports impriment un cadre de vie particulier ; les habitants ont donc le droit de maîtriser leur évolution.
C'était déjà vrai avec l'avant-projet de loi sur le Grand Paris, préparé par votre collègue Christian Blanc, monsieur Bussereau. Pour le moment, cet avant-projet est un sommet de centralisme étatique et technocratique, fleurant bon le temps de l'ORTF, comme dirait Hervé Mariton. Ce texte prétend priver les Franciliens et leurs maires – leurs représentants – du droit de maîtriser l'aménagement et l'évolution de leur cadre de vie, de leur coeur de ville, et de l'essentiel du territoire des communes d'Île-de-France. Le présent projet de loi et cet amendement présenté de manière très cavalière nous donnent une preuve supplémentaire de cette volonté.
Monsieur Bussereau, votre amendement est choquant tant sur la forme que sur le fond. S'agissant de la forme, rappelons encore que ce texte ORTF a été préparé par la Gouvernement – nous ne sommes pas en train d'examiner une proposition de loi. Il a été examiné au Sénat en février, après déclaration d'urgence. Des mois et des mois plus tard, et même des mois après que les commissions compétentes de l'Assemblée nationale se sont prononcées sur son contenu, soudain, à quelques jours de l'examen du texte en séance publique, le Gouvernement se réveille et découvre l'existence d'un règlement européen auquel il faudrait se conformer. Naturellement, ce n'est pas le cas.
Sur le fond, quel est le contenu de cet amendement ? Il est encore plus choquant que la manière très cavalière – quoi qu'en dise notre collègue Yanick Paternotte – dont le Gouvernement a informé l'Assemblée. Si cet amendement était adopté, le STIF serait privé de tous ses leviers d'action.
Qu'est-ce que le STIF, mes chers collègues ? C'est l'autorité régulatrice des transports en Île-de-France qui concernent douze millions de Franciliens. Imaginez le nombre de fonctions que maîtrise le STIF ! Le STIF serait donc privé de tous ses leviers ou de la quasi-intégralité d'entre eux, car cet amendement prévoit le transfert à la RATP de tout ce qui est actuellement financé et piloté, via ce syndicat, par les collectivités locales – la région Île-de-France en tête. Les Franciliens et leurs représentants perdraient ainsi leur pouvoir de décision sur l'essentiel du patrimoine et des investissements en matière de transport en Île-de-France, au profit d'une entreprise pilotée par l'État et face à laquelle nous n'aurions rien à dire.
La propriété des Franciliens serait transférée du STIF à la RATP pour financer quoi ? Pas des investissements de la RATP dans la région Île-de-France, afin de répondre aux aspirations légitimes des Franciliens, et appuyer les collectivités locales et la région dans le cadre du plan de mobilisation pour les transports de la région que l'État a mis beaucoup de temps à accepter de cofinancer. Ce transfert servirait à financer le développement à l'international de la RATP !
et Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, le temps de parole de Mme Mazetier est écoulé !
Au nom de quoi les contribuables franciliens seraient-ils ainsi spoliés et privés de leur capacité à maîtriser leur environnement, les transports dont ils ont besoin, l'urbanisme de demain ?
Monsieur le secrétaire d'État, n'essayez pas d'opposer les salariés de la RATP aux Franciliens, comme vous l'avez fait tout à l'heure ! Vous savez, les salariés et les retraités de la RATP sont des Franciliens. Ils ne sont pas opposés aux usagers franciliens, au contraire ! Vous les trouverez côte à côte pour défendre la légitimité de leurs droits.
Enfin, puisqu'il est beaucoup question de développement durable à propos de ce texte, rappelez-vous que le Grenelle de l'environnement et la notion même de développement durable prévoient des formes élémentaires de démocratie, de respect des représentants du peuple. Si vous vous obstinez à présenter et à faire adopter cet amendement, vous bafouerez la démocratie et les responsabilités – droits et devoirs – des collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Bien évidemment j'invite mes collègues à voter pour la motion présentée par Daniel Paul.
Cela étant, je voudrais revenir sur deux ou trois points, et répondre d'abord à Mme Branget qui a taxé M. Paul d'idéologue stérile. Excusez-moi, mais le terme « idéologie » n'est pas un gros mot. On peut avoir besoin de fabriquer des idées – peut-être vous plus que nous !
L'idéologie n'est pas une mauvaise chose en soi ; elle devient stérile quand elle fait fi de la réalité.
L'un de nos collègues a parlé du refus de modernisation, ce mot étant visiblement synonyme pour lui de privatisation et d'ouverture à la concurrence. Or quand on compare la situation de la France à celle d'autres pays dont les transports ont été ouverts à la concurrence ou privatisés, on se rend compte que la question de l'efficacité se pose de manière dramatique dans certains cas. Allez dire aux Britanniques ou aux Italiens que la privatisation du ferroviaire a été une très bonne chose pour les usagers comme pour les salariés, et qu'elle est source d'efficacité !
C'est vrai !
Mais oui, certainement ! Avez-vous déjà pris le train en Italie, monsieur Bussereau ?
Dans tous les pays !
C'est vraiment exceptionnel qu'un train arrive à l'heure en Italie, comme en Grande-Bretagne, sans parler des incidents ferroviaires que l'on a connus !
Vous avez vingt ans de retard !
Ce sont eux ! Allez prendre le train dans ces pays !
Deuxième argument développé : l'urgence d'attendre. M. Paul n'a jamais dit qu'il était urgent d'attendre ! M. Paul a mis le Gouvernement devant une contradiction majeure et qui vient d'être rappelée : ce texte a été examiné en février au Sénat, et on ne s'y serait pas pris autrement si on avait voulu organiser l'urgence ou la précipitation, afin d'éviter tout débat avec des partenaires normalement incontournables mais qui ont été contournés.
En ce qui concerne l'amendement présenté par le Gouvernement, aucun des partenaires n'a été effectivement consulté. Monsieur Bussereau, j'espère que vous savez que, vendredi dernier, à l'Assemblée nationale, le sujet a fait l'objet d'un petit échange avec un autre membre du Gouvernement, M. Blanc, qui rencontrait le bureau de Paris Métropole.
Nous lui avons fait comprendre qu'il devenait difficile de travailler en toute confiance avec ce gouvernement qui souffle le chaud et le froid. D'abord, le Gouvernement annonce un avant-projet sur le Grand Paris, illustrant le retour d'un État autoritaire. Quelques jours plus tard, le Premier ministre déclare qu'il a tenu compte des avis et des critiques des élus locaux, que le projet de loi ne prendrait pas cette forme-là, qu'il est favorable au copilotage. Quelques jours plus tard, retour d'un texte autoritaire, arrivant sans discussion et dans une urgence organisée !
Au moins pour toutes ces raisons – j'en évoquerai d'autres lors de mon intervention au cours de la discussion générale –, il semblerait logique de voter en faveur de la motion de M. Paul. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Maxime Bono.
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, la motion de renvoi en commission que je défends aujourd'hui devant vous n'est pas un simple acte de procédure, un moment convenu de notre travail parlementaire.
Elle se justifie, bien sûr, par le contenu à parfaire du texte qui nous est présenté. Elle se justifie plus encore par le contexte économique et idéologique qui entourait la directive de 1991 – la directive 91440 –, à la source du texte que vous soumettez à notre appréciation. Le contexte était alors bien différent de celui que nous connaissons actuellement.
Car mes chers collègues, de quoi s'agit-il ?
Ce texte vise, pour l'essentiel, à transposer en droit interne plusieurs dispositions européennes afin d'accompagner, en premier lieu, l'ouverture à la concurrence des services internationaux de voyageurs à compter du 13 décembre 2009. Il tend également à créer les conditions de développement des opérateurs ferroviaires de proximité, et à instituer une autorité indépendante chargée de la régulation. Il inclut enfin diverses dispositions, dont certaines relatives au transport aérien : notre collègue Jean-Luc Pérat les évoquera lors de la discussion générale. Pour ma part, je limiterai mon propos à l'analyse des dispositions relatives au transport ferroviaire.
Le projet de loi, nous dira-t-on, est une simple transposition technique, peut-être même a minima, de directives adoptées dans le cadre des différents « paquets ferroviaires » ; mais c'est bien là, précisément, que le bât blesse. Il s'agit en effet de transposer des directives idéologiquement datées, profondément marquées du sceau de la dérégulation systématique des moyens de transport, laquelle était en vogue dans le courant des années quatre-vingt-dix.
Qu'on ne s'y trompe pas : le texte de base que constitue la directive 91440 a pu avoir des effets positifs, voire très positifs. Les progrès de l'interopérabilité, par exemple, sont certainement à mettre à son crédit, au moins en partie. Le titre même de ce texte qui prétend traiter de la « régulation des transports ferroviaires » aurait pu laisser penser que le balancier était allé trop loin, que l'on allait procéder à une lecture nouvelle de l'architecture mise en place ; il pouvait laisser croire à une ambition de revisiter la loi du 13 février 1997. Hélas, il n'en est rien ! Malgré ce titre rassurant, les dispositions proposées, loin d'être parées des vertus de la régulation, auraient sans doute été qualifiées naguère de dérégulatrices. En effet, comme la directive qu'il est chargé de transcrire, ce texte reste marqué par la croyance que seule l'ouverture à la concurrence est de nature à développer le transport ferroviaire, croyance que vous me permettrez de ne pas partager.
Mes chers collègues, force est de constater que, depuis le début des années quatre-vingt-dix, bien des choses ont changé. Tout d'abord, personne ne peut nier l'extraordinaire essor du transport de voyageurs par voie ferrée, tant sur les grandes lignes et les lignes internationales que sur les lignes régionales. Personne non plus ne peut nier que la concurrence n'y est pour rien.
En matière de transports internationaux, la voie de la coopération entre les opérateurs a parfaitement fonctionné ; elle a fait ses preuves, produit des résultats, et, en particulier, atteint une qualité de service que nul ne conteste. Faut-il donc à tout prix lui préférer l'ouverture à la concurrence, alors que nous tous, dans cette enceinte, connaissons la brutalité que celle-ci entraîne parfois ? L'Eurostar entre Paris et Londres ou Londres et Bruxelles donne entière satisfaction ; le Thalys entre Paris, Bruxelles, Amsterdam et Cologne également ; Alleo et Lyria sont aussi des exemples de coopération réussie, qui prouvent à l'envi que la concurrence n'est pas, loin s'en faut, la seule façon de développer les échanges internationaux.
L'exemple de l'accroissement fabuleux des transports régionaux plaide aussi en ce sens. Dotés de matériels neufs, confortables et performants, dans lesquels les régions ont d'ailleurs investi massivement, les TER connaissent un succès considérable. En région Poitou-Charentes, la fréquentation a ainsi bondi de plus de 50 %, pour atteindre à ce jour plus de 7 000 voyageurs journaliers et 13 000 utilisateurs réguliers. Il est vrai aussi que l'offre a considérablement augmenté ; et je vous laisse imaginer les sommes que la région Poitou-Charentes, comme désormais bien d'autres régions de France, consacre à ce réseau, bien au-delà des moyens qui lui ont été transférés à cette fin.
L'exemple des TER est des plus éloquents ; il prouve sans conteste que, en matière ferroviaire, la condition du succès n'est pas la libéralisation tous azimuts ni l'ouverture forcenée à la concurrence, mais, bien an contraire, une implication forte des pouvoirs publics. Néanmoins ce n'est pas, à l'évidence, le choix que vous nous proposez. Au contraire, et j'y reviendrai, le texte vise à désengager les pouvoirs publics des efforts de modernisation du réseau et des matériels en tentant d'associer des partenaires privés ; or on peut craindre fortement que ces derniers n'aient eux-mêmes d'autre choix que de solliciter des collectivités locales déjà exsangues, alors que la réforme du financement de ces dernières prévoit de trancher le lien fiscal qui les unit aux acteurs économiques de leur territoire.
Quelle sera, dans ces conditions, la plus-value pour l'usager de l'ouverture à la concurrence des lignes internationales ? Certes, l'offre s'en trouvera augmentée. Mais sera-t-elle pour autant améliorée ? Plus exactement, il est plus que probable que cette augmentation de l'offre ne se traduira pas par une augmentation équivalente et immédiate du transfert des flux routiers vers le rail. Dès lors, il y a fort à parier que les parts de marché acquises par les nouveaux opérateurs ne se feront qu'au seul détriment de la SNCF.
Comment imaginer, en effet, que les concurrents ne se livreront pas à une forme d'écrémage sur les lignes les plus rentables, tout en se gardant bien de prendre des risques sur des lignes à moins fort potentiel ? Dégagés de toute autre obligation d'exploitation, ils seront très certainement en mesure de proposer des tarifs plus attractifs que ceux de la SNCF. Par conséquent, notre société nationale risque bien de se trouver confrontée à une forte perte de recettes sur ses lignes les plus rentables. Elle seule, en outre, conservera l'obligation d'assurer le transport international de voyageurs sur les lignes les moins rentables, ou encore de poursuivre l'exploitation déficitaire des trains Corail Intercités, que je persiste, pour ma part, à appeler « trains grandes lignes », tant leur rôle est déterminant pour l'aménagement du territoire.
Nous sommes bien loin, mes chers collègues, du mythe de la concurrence libre et non faussée si cher à certains d'entre vous ! Force est de constater que les arguments sont rares pour justifier cette marche forcée des transports ferroviaires vers l'ouverture à la concurrence, jamais remise en question depuis les années quatre-vingt-dix, et ce en dépit d'expériences bien peu convaincantes, notamment en Grande-Bretagne.
J'ajouterai que les nouvelles dispositions communautaires sur les aides d'État aux entreprises ferroviaires autorisent aujourd'hui tant de dérogations – aide à l'achat de matériel ferroviaire ou à leur renouvellement ; financement des infrastructures ; annulation de dettes ou correction d'externalités négatives – qu'il semble que l'exigence de libéralisation à laquelle vous souhaitez que nous nous soumettions soit bien édulcorée, tant elle est devenue difficile à défendre.
Ce texte, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, est bien d'un autre temps : un temps où certains pensaient que le marché pouvait à lui seul tout régenter. Vous-mêmes, d'ailleurs, chers collègues de la majorité, semblez désormais saisis par le doute et convenir des excès du passé, si j'en crois vos hésitations à accorder une nouvelle licence à un quatrième opérateur de télécoms et de 3G.
Le Président de la République s'est d'ailleurs exprimé très clairement sur ce sujet en déclarant : « Je suis assez sceptique et réservé sur le choix d'un quatrième opérateur de téléphonie mobile. Car le prix le plus bas n'est pas forcément le meilleur. » Cette déclaration doit ravir M. Martin Bouygues ainsi que les sociétés Orange et SFR ; toujours est-il qu'elle pourrait très bien, s'agissant du transport, s'appliquer à la SNCF. (Approbations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Plus récemment, le Président de la République a fait part d'un scepticisme encore accru à l'égard du marché en général.
Soulignant que la mesure du PIB ignorait largement la qualité des infrastructures et des services publics d'un pays, il a déclaré : « Derrière tout l'édifice de nos représentations statistiques et comptables, il y a aussi la religion du marché qui a toujours raison. Si le marché avait réponse à tout, cela se saurait. Si le marché ne se trompait jamais, cela se verrait. »
Je vous le dis, mes chers collègues : le texte proposé relève d'une idéologie qui n'est plus de saison, et le temps est sans doute venu de mettre en harmonie les paroles et les actes. Aussi me semble-t-il nécessaire de renvoyer ce texte en commission afin de le remanier profondément.
La loi du 13 février 1997 est en effet imparfaite. En séparant la gestion de l'infrastructure ferroviaire de celle de l'exploitation des services de transports, la loi française est allée beaucoup plus loin que l'Europe ne le demandait alors, puisque seule une séparation comptable était exigée. Pour éviter une dette maastrichtienne, RFF a été créé, mais la dette est restée. Or chacun s'accorde à reconnaître que l'endettement de RFF est la principale difficulté à la mise en oeuvre d'une politique d'investissement ferroviaire.
Ce texte ne propose aucune solution nouvelle pour le remboursement progressif de cette dette, qui s'élève aujourd'hui à près de 28 milliards d'euros. Vous avez, lors de la précédente législature, sacrifié à bas prix les sociétés d'autoroutes productrices d'importants revenus,…
…et privé l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, de toute possibilité de devenir un vecteur pérenne d'investissements.
Sans revenir sur ce funeste choix idéologique, comment ne pas se souvenir des conditions de cession avantageuses pour les acquéreurs de ce véritable bien national ? À telle enseigne que, quelque temps après, M. Antoine Zacharias avait poussé le cynisme jusqu'à justifier le versement de ses primes exorbitantes par la qualité de la négociation menée lors de l'acquisition des parts de sociétés autoroutières au profit de son groupe.
Mes chers collègues, à présent, le mal est fait ; et ce n'est hélas pas ce texte qui pourra y remédier. Pas plus, d'ailleurs, qu'il ne remédiera à la terrible complexité, si souvent paralysante, née de la séparation entre la gestion du réseau et l'exploitation des services de transport.
La loi oblige en effet RFF à déléguer l'essentiel de ses missions à la SNCF, laquelle serait censée, demain, devenir un opérateur ferroviaire banal. Dans la réalité, bien sûr, cela sera impossible, tant des relations commerciales intimes et souvent contraintes lient RFF et la SNCF. Comment résoudrez-vous cette contradiction que de nouveaux opérateurs ne cesseront de vous rappeler ? Certes, vous créez l'ARAF. Mais celle-ci ne traitera – sans doute imparfaitement, d'ailleurs – que des risques de conflit ; elle ne pourra en aucun cas démêler l'exceptionnelle complexité des relations entre les deux entités.
Notre collègue sénateur Hubert Haenel – qui, bien que je ne partage pas toujours ses conclusions, est un fin connaisseur du monde des transports – l'affirme : « Notre système ferroviaire issu de la réforme de 1997 n'est ni transparent ni performant. » Bien des rapports parlementaires ont traité du sujet ; tous s'accordent à reconnaître l'urgence du désendettement et de la simplification des relations entre RFF et la SNCF. Sur ces deux points, le texte reste muet.
Par voie d'amendement, au Sénat, vous avez bien eu le souci de répondre aux griefs de la commission au sujet des agents en charge de l'exploitation du réseau, c'est-à-dire de l'instruction des demandes et de l'octroi des sillons. Mais le texte ne règle pas, au fond, la complexité du système actuel ; peut-être même la renforce-t-il finalement quelque peu. La seule certitude, sans doute partagée sur tous les bancs de notre assemblée, est que l'organisation administrative nouvelle, la création de cette direction de l'exploitation au sein de la SNCF, sera sans doute modifiée dans un proche avenir.
Nous aurions pu saisir l'occasion de ce texte pour créer une holding regroupant RFF et la SNCF, à l'exemple de ce qui s'est fait en Allemagne, en Autriche et en Italie. Il est vrai que l'état calamiteux de nos finances publiques nous prive de toute perspective de règlement de la dette de RFF et limite singulièrement les ambitions du texte. La dette fonctionnera en effet, tant qu'elle existera, comme le principal verrou à toute évolution de l'architecture de notre système ferroviaire.
J'en viens au fret ferroviaire. Depuis 2006, celui-ci est ouvert à la concurrence. Nous n'avons cessé de demander une évaluation des conséquences de cette disposition nouvelle. Vous avez cité, monsieur le secrétaire d'État, les chiffres de pénétration des nouveaux opérateurs privés.
Non, des autres opérateurs que la SNCF : ils ne sont pas forcément privés.
Dont acte. Reste que, à défaut d'avoir obtenu ladite évaluation, nous pouvons constater que, loin d'avoir favorisé le transfert du transport de marchandises de la route vers le rail, c'est l'inverse qui s'est produit : le fret ferroviaire n'a cessé de perdre des parts de marché au profit du trafic routier. À l'évidence, le recours à la concurrence a donc été un échec. Le seul impact de l'ouverture du marché a été l'accroissement des pertes de trafic de la SNCF et sa décision concomitante d'abandonner les wagons isolés – wagons par ailleurs bien peu isolés puisqu'il peut s'agir de huit, dix wagons voire davantage, lesquels, souvent, jouent un rôle déterminant pour les entreprises et les territoires desservis.
Votre proposition relative aux opérateurs ferroviaires de proximité n'est certes pas sans intérêt ; mais comment imaginer que, sur quelque 4 000 kilomètres de lignes peu fréquentées, souvent délaissées et proches de l'abandon, puisse s'imposer un modèle économique sans argent public ? La plupart des opérateurs seront d'ailleurs des acteurs publics ou parapublics. Quant aux quelques acteurs privés qui prendront le risque d'intervenir, il est plus que probable qu'ils prévoiront de garantir leur équilibre d'exploitation par des apports de fonds publics.
On en arrivera ainsi à une situation des plus choquantes : le marché du transport ferroviaire international sera ouvert à des opérateurs privés, dans une perspective d'exploitation bénéficiaire tandis que les gares et lignes de frets seront abandonnées par la SNCF et proposées à des opérateurs – publics ou privés – qui n'auront d'autres choix que d'en financer le déficit.
Socialisation des pertes et privatisation des profits : je crains fort que votre texte ne parvienne pas à s'échapper de ce schéma, au demeurant fort classique.
Et je vous laisse imaginer qui sera appelé à maintenir la desserte de telle ou telle coopérative isolée en bout de ligne en milieu rural, ou encore de telle zone d'activité, installée grâce au volontarisme d'un département et dont l'entreprise moteur du développement se trouvera soudainement privée des quinze ou seize wagons dits isolés qui l'approvisionnaient mensuellement en matière première ! Qui prendra l'initiative de créer ces opérateurs ferroviaires de proximité – sinon les présidents de conseils généraux ou de conseils régionaux, afin de ne pas dégrader l'attractivité de leur territoire ?
Bien sûr, il nous sera proposé de passer contrat avec l'État, dans le cadre de diverses procédures, existantes ou à inventer. Mais, au bout du compte, ce sont bien, une fois de plus, les exécutifs locaux qui auront à se porter garants de l'attractivité et du développement de leur territoire. Et bien sûr, il leur appartiendra d'en financer le coût – au moins pour une bonne partie. Il faudra, de surcroît, que ces exécutifs locaux s'entourent d'experts à même de les accompagner, sinon dans la gestion des OFP, au moins dans leur montage, leur négociation et leur suivi.
Vous conviendrez, chers collègues, que, dans ces conditions, la récente critique formulée par M. le Premier ministre à l'encontre des collectivités locales, accusées de trop embaucher alors que l'État, lui, a cessé de remplacer ses fonctionnaires, me semble particulièrement injuste et, pour tout dire, de bien mauvais goût.
Enfin, comment pouvons-nous, aujourd'hui, légiférer efficacement sur le fret, alors que la politique de la SNCF en la matière, dont nous ne savons que ce que la presse veut bien nous en dire, ne sera rendue publique que le 23 septembre, soit quelques jours après la fin probable de nos travaux ? Sans doute la fin des wagons dits isolés sera-t-elle définitivement scellée, et la SNCF, munie du texte que nous examinons, pourra en confier la charge à qui voudra la prendre. Et il faudra bien que les collectivités locales s'y résolvent, faute de quoi la perte d'attractivité du territoire pourrait les pénaliser lourdement.
Quelle sera la part d'accompagnement, j'allais dire le chemin que la SNCF sera prête à faire en commun ? Le vote précipité de ces dispositions ne nous laissera d'autre possibilité que de subir le bon vouloir de l'actuel opérateur sur des lignes dont nous savons bien qu'elles sont peu rentables, et qu'elles n'entrent pas en concurrence avec la route, mais qui ont pour seule vocation de répondre aux légitimes soucis d'aménagement du territoire.
La SNCF, c'est vrai, s'est souvent comportée de façon malthusienne, et a souvent géré la disparition programmée des trafics de proximité. Mais ne l'accablons pas, car cela s'est toujours fait avec la complicité du pouvoir politique, souvent incapable de financer ses ambitions d'aménagement du territoire.
Si l'on veut que, demain, les opérateurs ferroviaires de proximité deviennent de puissants leviers de développement économique dans la perspective de développement durable que nous souhaitons tous, il faudra que la règle du jeu financière soit clairement établie entre l'État et les collectivités.
Je regrette que le texte n'esquisse pas au moins quelques pistes en la matière. En particulier, il aurait pu répondre à une demande ancienne de l'Association des régions de France, relative aux péages.
L'ARF souhaitait en effet que soit prévu un mécanisme de compensation pour les régions finançant des opérations d'investissement qui permettent de réduire les coûts d'entretien. Elle souhaitait également qu'un mécanisme de péréquation soit institué pour permettre le maintien de lignes à vocation d'aménagement du territoire. Or rien de cela n'est proposé dans ce texte qui comporte pourtant diverses dispositions relatives aux transports.
Au contraire, le texte intervient dans un contexte de fortes inquiétudes liées à la disparition de la taxe professionnelle. Cette disparition est certes souhaitée par nombre d'entre nous, mais la compensation semble bien loin d'être acquise – en tout cas autrement que par une compensation de l'État dont chacun d'entre nous, hélas, ne sait que trop ce qu'il en advient au fil du temps.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez, il y a quelques jours à peine, présenté un important amendement relatif à l'organisation des transports en Île-de-France. Bien sûr, à première lecture, cet amendement semble aller dans le bon sens : avec ses trois milliards de voyages, ses dix millions d'usagers quotidiens, ses 214 kilomètres de lignes de métro et ses 43 000 agents, la RATP mérite bien que de longs délais d'adaptation lui soient accordés. Vous avez prévu un délai de trente ans pour le métro – on ne pouvait laisser d'avantage –, vingt ans pour les tramways et quinze ans pour les autobus. Cela paraît le bon tempo.
Mais vous conviendrez que, sur des sujets de cette importance, un retour devant la commission permettrait un examen plus serein de ces dispositions extrêmement techniques.
Cet examen serein est d'autant plus nécessaire que M. le président de la région Île-de-France vient de nous faire connaître son profond désaccord avec les dispositions de cet amendement, dont il n'a eu connaissance que jeudi dernier. En effet, le transfert de l'ensemble des biens constitutifs de l'infrastructure gérée par la Régie, propriété du Syndicat des transports d'Île-de-France, se fera à titre gratuit au profit de la Régie. Or il s'agit là, dit le président Huchon, « d'un patrimoine public exceptionnel que les collectivités franciliennes ont financé pour une large part ».
Mais il ne s'agit pas seulement d'une querelle de copropriétaires. La véritable question est celle, une fois de plus, de l'endettement de la RATP, et de sa difficulté à investir.
Votre amendement pourrait très facilement être lu comme un tour de passe-passe : en la dotant d'un patrimoine important, en reconstituant ses actifs et son haut de bilan, on confère à la RATP une capacité nouvelle d'emprunt qui lui permettra d'intervenir sur les marchés internationaux.
Avoir une stratégie de développement à l'international n'est pas critiquable en soi. Mais est-il normal que celle-ci soit financée par le patrimoine public des collectivités d'Île-de-France – même pour une part – alors même qu'il leur est demandé d'investir plus que jamais il n'a été fait pour répondre aux besoins de transports des Franciliens ?
Ne serait-il pas logique, en raison de l'indispensable effort de modernisation, d'affirmer le caractère prioritaire des transports franciliens, et donc d'investir les profits des prochaines années – et au premier rang ceux des opérateurs – pour améliorer les conditions de transport des usagers de la région elle-même ?
Là encore, ce texte date. Il prône une politique de développement externe agressive de la RATP, en oubliant l'urgence que représentent désormais les investissements à faire pour améliorer les transports franciliens – efforts dont la RATP ne peut s'exonérer.
À lui seul, cet important sujet justifierait le vote de cette motion. Mais aussi, et dans un autre domaine, comment faut-il entendre la disparition subreptice, au hasard de ce texte, des dispositions particulières aux retraites, et tout spécialement la disparition du lien direct entre l'État et la SNCF s'agissant de ces mêmes retraites ?
Mes chers collègues, vous le voyez bien : au-delà de ce texte, qui peut être amélioré dans l'hémicycle, d'importantes évolutions sont désormais indispensables. Elles sont le produit tant de la crise environnementale que nous connaissons que des excès qui nous ont conduits dans la crise économique que nous subissons.
Ces évolutions indispensables rendent caduques les vieilles recettes des années quatre-vingt-dix dont s'inspire ce texte. Le vieux modèle d'une économie dérégulée, ouverte à la concurrence pour compenser l'incapacité des États à défendre et financer leurs ambitions et à assumer leurs responsabilités, a vécu.
Plus que jamais, le rôle des services publics apparaît régulateur : régulateur non seulement de la vie sociale, mais aussi de l'activité économique dont les services publics sont des acteurs à part entière.
La France, riche de sa tradition du service public, dispose d'un véritable moyen d'action qu'elle se doit de conforter et de moderniser. Pour avoir juridiquement élaboré en un siècle une véritable théorie du service public, elle se doit de la moderniser et de l'exporter – au lieu de capituler face au modèle du tout-concurrence, du tout-marché, qui, parce qu'il s'avère à la fois terriblement rapide dans ses effets et surtout terriblement myope, nous a menés aux catastrophes écologiques et économiques que nous connaissons ou sommes sur le point de connaître.
Le moment est venu de replacer l'intérêt général avant celui des consommateurs, d'imaginer des solutions durables au-delà de l'intérêt de court terme. Cela est particulièrement vrai en matière de transports, car le secteur pèse lourd en emploi mais aussi lourd en carbone et, souvent aussi, lourd en bien-être ou en difficultés dans le quotidien de nos concitoyens. C'est de son organisation que dépendra en grande partie l'attractivité future de nos territoires.
Visiblement, ce texte n'intègre pas le changement de modèle auquel nous devons à présent réfléchir. Je ne doute donc pas un seul instant que vous ne décidiez de son renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. le président de la commission du développement durable.
J'ai bien entendu tout à l'heure la critique que nous a adressée M. Daniel Paul : comment, ce texte, étudié au mois de mars en commission, étudié au Sénat, n'arrive que maintenant en séance publique ! Je crois que ce délai a permis aux parlementaires d'avoir tout loisir de l'étudier dans les moindres détails.
Votre demande de renvoi en commission – alors même que vous critiquiez la durée d'examen du texte – m'apparaît donc, non seulement injustifiée, mais incompréhensible.
Je note aussi, à la lecture du rapport de M. Yanick Paternotte, que c'est presque une centaine d'auditions qui ont été réalités. En matière de concertation, je crois qu'on a fait rarement autant ! Faut-il rappeler la mission parlementaire, conduite dans le cadre du comité de suivi et à laquelle plusieurs d'entre vous – notamment Bernard Lesterlin – ont participé ? Nous nous sommes en particulier rendus à Berlin et à Bruxelles. Cela nous a permis de rencontrer M. Savary, à l'époque vice-président de la commission des transports, qui était assez favorable à l'ouverture, tout comme d'ailleurs des députés allemands du SPD. La concertation a donc été la plus large possible sur ce texte.
Quant à l'ouverture à la concurrence, il faut tout d'abord rappeler que cette ouverture au marché se fait sur les seules lignes internationales : ne créons pas de confusion dans ce domaine. D'autre part, nous mettons en place l'Autorité de régulation, afin justement qu'on ne fasse pas n'importe quoi : si les objectifs financiers, économiques, sont indiscutables, les objectifs d'aménagement du territoire, comme de respect et d'accessibilité aux services de l'ensemble des territoires sont tout aussi importants.
Si l'on regarde ce qui s'est fait, on constate que, là où l'ouverture du marché a été bien encadrée, cette émulation a permis de débloquer l'offre alors que le monopole la figeait. Au-delà des nécessités communautaires, nous devons donc nous engager dans cette voie.
Vous avez évoqué, à juste titre, la nécessité d'une évaluation de l'ouverture à la concurrence. Vous avez été entendu sur ce point par notre rapporteur : la majorité et l'opposition, associées au sein du comité de suivi, réaliseront une évaluation.
J'ajoute – mais vous le savez, car vous êtes un trop bon connaisseur de ces sujets pour l'ignorer – que les difficultés du fret ferroviaire ne datent pas du 31 mars 2006. On peut remonter bien plus loin pour trouver le début des pertes de parts de marché.
Je voulais enfin revenir sur le dépôt de cet amendement gouvernemental. M. Paul s'est enflammé tout à l'heure en estimant que le Gouvernement tentait de faire voter cet amendement à la hussarde. Ce n'est pas vrai !
Non ! Tout d'abord, le Gouvernement aurait pu passer par des ordonnances. Nous nous y sommes opposés, car c'est n'est pas la tradition ; M. le secrétaire d'État aux transports a été très sensible à cet argument et estimé qu'un débat parlementaire était nécessaire.
Le Gouvernement n'a donc pas fait le choix de passer, comme en 1959, par les ordonnances.
Mais le Gouvernement aurait tout aussi bien pu déposer son amendement directement en séance – comme c'est souvent le cas. Ici, M. le secrétaire d'État a demandé à être auditionné et a présenté son amendement devant la commission avant que le délai de dépôts des amendements soit forclos !
L'amendement a été déposé le mercredi, et le délai était forclos le jeudi ! Il était donc tout à fait possible de déposer des amendements.
Le Gouvernement n'aurait pas pu agir de manière plus transparente.
Nous aurions très bien pu découvrir cet amendement aujourd'hui. Au contraire, nous en avons eu connaissance avant la séance, et nous en avons discuté. Tous les parlementaires, de la majorité comme de l'opposition, qui ont souhaité s'exprimer devant le secrétaire d'État, l'ont fait.
M. le secrétaire d'État est resté jusqu'au bout et a répondu soigneusement à chacune des questions posées. Reconnaissez-le !
Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous opposer à cette motion de renvoi en commission. Il y a eu débat, écoute et prise en compte par le Gouvernement des différentes remarques adressées par les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Remarquable !
Dans les explications de vote, la parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Nouveau Centre.
Je voudrais simplement indiquer à mon collègue Bono que le texte qui nous est présenté est également une réponse à une exigence européenne. Tout le monde le sait, certaines dispositions doivent entrer en vigueur à la fin de l'année.
Ce projet de loi tend à préparer, à organiser la concurrence. À cet égard, la création de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires permettra de réguler et d'encadrer les dispositions concernant la concurrence.
Par ailleurs, M. Bono justifie sa demande de renvoi en commission par son souhait de remanier le texte et d'en changer l'esprit. Pour notre part, je l'ai déjà indiqué au nom du groupe Nouveau Centre et apparentés, nous considérons, au contraire, que le texte va dans le bon sens et qu'il mérite d'être encouragé.
Je rappellerai, pour conclure, que ce projet de loi a été examiné par la commission des affaires économiques, avant d'être transmis à la commission du développement durable, ainsi que par la commission des finances et qu'il a été adopté au mois de mars par le Sénat. Que certains souhaitent changer l'esprit de ce projet de loi, je peux le comprendre, chacun a ses convictions et ces arguments sont défendables. Il n'en demeure pas moins que nous sommes prêts. Il faut avancer et passer à l'examen de ce texte.
Nous voterons donc contre cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Françoise Branget, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Tout changement, toute nouveauté est propice à l'interrogation, à l'inquiétude et à la contestation. Pour autant, l'autorité de régulation est un gage de transparence : elle pourra jouer un rôle d'observateur indépendant de l'économie ferroviaire.
C'est une ouverture intelligente. Tous les groupes politiques ont été associés au groupe de suivi sur les questions ferroviaires. Tous ont évoqué, avec lucidité, les difficultés de la SNCF notamment en matière de fret. Mais si les constats ont été nombreux, rares ont été les solutions proposées.
Aujourd'hui, cette ouverture à la concurrence est une opportunité pour des transports modernisés. Le groupe UMP y souscrit et votera contre cette motion de renvoi en commission présentée par M. Bono. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Nous allons bien sûr soutenir cette demande de renvoi en commission, cela ne vous étonnera pas, chers collègues. Non pas au nom d'une idéologie stérile, mais pour permettre le complément de travail que mérite ce texte, contrairement à ce que vient de dire M. Jacob.
Pourquoi la commission n'a-t-elle pas disposé d'une évaluation détaillée de l'ouverture à la concurrence dans le fret ? Il y a certes urgence puisque le délai est fixé au 1er janvier 2010 mais admettez que nous avions le temps de travailler depuis 2004, date à laquelle l'échéance a été connue. Notre collègue Paternotte lui-même réclame une évaluation du deuxième paquet, qui aurait amélioré notre vision pour ce troisième paquet.
Il faut noter aussi l'absence d'études d'impact. Pour aucune des lois qui nous sont présentées, nous ne disposons d'études d'impact alors que leur élaboration devait découler de la réforme constitutionnelle que vous avez adoptée. Quand donc ces études d'impact viendront-elles ?
Ce texte, relatif à « l'organisation et à la régulation des transports », a pour principale disposition la création de l'ARAF, vous l'avez souligné les uns et les autres. Mais il ne répond pas aux questions que de nombreux rapports et études posent. M. Bono en a évoqué un certain nombre sur lesquelles nous n'avons toujours pas de réponses : la simplification des relations entre RFF et la SNCF, l'apurement de la dette de RFF, la répartition des péages entre RFF et les régions, le fonctionnement et le financement des opérateurs de proximité. Nous n'avons toujours pas de réponses à toutes ces questions.
Surtout, ce projet de loi sur l'organisation des transports, dont le titre aurait pu être plus ambitieux, aurait dû être accompagné d'une loi de programmation. Il aurait fallu élaborer un schéma général du ferré en France, définir une politique ambitieuse d'aménagement du territoire. Il ne me semble pas, monsieur Jacob – mais je peux me tromper – que l'ARAF ait un rôle d'aménageur du territoire.
C'est l'autorité organisatrice des transports qui définit la politique en la matière. En l'occurrence, c'est l'État.
Enfin, dernier argument qui justifierait, à lui seul, le renvoi en commission, c'est le fait que l'amendement SNCF-STIF n'a pas été discuté en commission des affaires économiques, monsieur Paternotte. Je regrette que Patrick Ollier ne soit pas présent, il aurait certainement protesté sur la manière un peu légère dont nous avons été traités. L'amendement a été examiné en commission du développement durable mais pas en commission des affaires économiques. Je sais que vous êtes habitués aux mauvais coups des amendements subrepticement rajoutés mais je me permets de vous rappeler que ces méthodes vous reviennent parfois en boomerang…
Ce sujet relève pourtant plus de la commission des affaires économiques que de la commission du développement durable !
Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. le président de la commission du développement durable.
Je voudrais juste rappeler à Mme Coutelle que dans la répartition des compétencs des commissions, les transports relèvent intégralement de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et plus de la commission des affaires économiques.
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Branger a remis en cause tout à l'heure notre aspiration à la modernisation – Patrick Braouezec y a fait allusion. Nous ne sommes pas contre la modernisation, nous souhaitons même qu'elle aille très vite.
Reconnaissez que la modernisation des infrastructures du transport ferroviaire a pris quelque retard – ce n'est pas nous qui le disons, c'est internationalement reconnu. Il a manqué quelques milliards.
Reconnaissez aussi que, comme l'a dit notre collègue Bono, les orientations suivies depuis 1992 en matière de transport ferroviaire, selon la directive 91440 relative aux chemins de fer, se sont soldées par des échecs. On le voit partout. Face à la crise, tout le monde s'accorde à dire que l'existence de services publics, d'entreprises publiques a joué un rôle d'« amortisseur ». Cela expliquerait que la France ait mieux résisté que d'autres pays, où tout s'est cassé la figure rapidement, je pense en particulier à la Grande-Bretagne. Je connais un peu le réseau anglais pour l'utiliser assez régulièrement pour des raisons familiales. Je n'ai que très peu souvent emprunté des trains qui arrivent à l'heure. Vous me direz que, sur la ligne Paris-Le Havre, c'est souvent le départ et l'arrivée qui connaissent des retards – on pourrait parler de concurrence de ce point de vue, n'est-ce pas, monsieur le secrétaire d'État ?
Vous faites, chers collègues, du psittacisme parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Tels des perroquets, vous répétez à l'envi certains mots : « concurrence ! concurrence ! » « marché ! marché ! » « privatisation ! privatisation ! ».
Je souhaite que soit dressé un bilan réel et précis de la politique qui a été menée depuis plusieurs années dans le domaine de la construction européenne.
Si, au terme de cette étude, il s'avère que c'est bon pour les personnels, pour les usagers, pour le développement du territoire, pour les entreprises concernées, je voterai la libéralisation. En attendant, cela fait quinze ans qu'on vous demande ce bilan. Or vous ne l'avez jamais fait. Sans doute pensez-vous, comme nous, qu'il n'est pas terrible pour La Poste, pour la SNCF, ou d'autres secteurs encore. Sans doute avez-vous peur qu'une telle étude montre que la méthode suivie depuis quinze ans n'est pas la bonne.
Si tel était le cas, que feriez-vous ? Remettriez-vous en cause ce que vous avez décidé, allant même au-delà des demandes de la Commission européenne ?
Vous avez fait des comparaisons, monsieur le secrétaire d'État, avec ce qui se passe en Allemagne. Mais M. Blayau a dit, devant la commission, que la comparaison entre la France et l'Allemagne n'était pas pertinente parce que la France est beaucoup plus grande que l'Allemagne en termes de territoire et que le poumon industriel allemand est beaucoup plus resserré qu'en France. L'organisation des transports y est donc beaucoup plus facile, sans compter que leur organisation territoriale leur offre des opportunités que nous n'avons pas.
Que cela soit bien ou non, ce n'est pas le problème. C'est la réalité et, ici, comparaison n'est pas raison.
En fait, les conditions de sécurité constitueront votre variable d'ajustement. Je l'ai dit tout à l'heure, vous êtes en train de préparer un abaissement des conditions de sécurité pour ce qui concerne le transport de fret, de la même manière que vous préparez un abaissement des conditions sociales pour tous les salariés de la SNCF et des entreprises ferroviaires.
Concernant la RATP, je répète que, compte tenu de la façon dont ce texte a été préparé, l'amendement dit RATP aurait dû venir plus vite devant la commission du développement durable, mais également devant la commission des affaires économiques puisqu'un accord existait pour que les deux commissions soient saisies sur le fond.
Bien sûr ! C'est ce que nous a dit, la semaine dernière, M. Ollier, président de la commission des affaires économiques.
Il n'y a pas eu, contrairement à d'autres cas, de répartition des articles, certains étant examinés par une des commissions saisie pour avis tandis que les autres auraient été examinés par la commission saisie sur le fond. Les deux commissions ont travaillé sur le fond.
C'est une faute, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir procédé ainsi et je pense que ce n'est pas une faute fortuite. C'est une faute volontaire.
Les enjeux politiques, politiciens, qui inspirent cet amendement méconnaissent l'intérêt qu'il pourrait y avoir à une meilleure répartition des choses au sein de l'Île-de-France.
On n'agit pas comme ça, à l'esbroufe, un mercredi soir, en session extraordinaire, en prévenant trois jours avant.
Quand j'ai téléphoné au service de l'Assemblée le jeudi pour savoir comment il fallait procéder pour amender votre amendement, on m'a répondu que ce n'était pas possible, cet amendement n'étant pas intégré au texte.
Bien entendu, nous voterons la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Mes chers collègues, je vous propose quelques minutes de suspension de séance avant d'attaquer la discussion générale.
Motion de renvoi en commission
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à notre examen intervient alors que, le 1er janvier prochain, les services de transports internationaux de voyageurs seront tour à tour ouverts à la concurrence.
C'est un moment historique qui s'inscrit dans un processus progressif d'ouverture à la concurrence des transports ferroviaires, engagé depuis le début des années 90 par la France et l'Union européenne.
Après la séparation entre les activités d'exploitation et de gestion des infrastructures, après l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de fret, de manière partielle en 2003, puis de manière totale en 2006, cette nouvelle ouverture à 1a concurrence pour les transports internationaux de voyageurs s'apparente à un pas de plus vers l'arrivée de nouveaux opérateurs sur le territoire français.
Ce mouvement, qui revêt des aspects incontestablement positifs pour le développement du chemin de fer, peut même être considéré comme une chance, conformément aux objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement. Rappelons que l'ouverture du fret à la concurrence a permis une augmentation du trafic de fret de 3,5 % entre 2006 et 2007, puis de près de 10 % entre 2007 et 2008. De plus, le Grenelle prévoit une progression du fret ferroviaire de 25 % avant 2012, sans parler des emplois et de l'activité créés par l'arrivée de nouveaux opérateurs sur notre territoire.
Cependant, cette évolution positive ne constituera une avancée que si la libéralisation est suffisamment préparée et encadrée pour intervenir dans les meilleures conditions. C'est précisément ce qui nous réunit autour de ce texte.
N'oublions pas, cependant, que ce projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires est aussi le fruit d'une récente mise en demeure de la part de l'Union européenne.
Absolument !
En effet, par la voix de la Commission européenne, la France et vingt-quatre États membres de l'Union, ont été quelque peu rappelés à l'ordre au motif que la transposition des trois paquets ferroviaires lancés depuis 1991 est demeurée incomplète. En clair, nous n'étions pas tout à fait prêts pour l'ouverture à la concurrence.
Si l'on veut qu'elle s'effectue dans les meilleures conditions et qu'elle soit bénéfique à tous les acteurs européens, nationaux, locaux, publics ou privés, il faut préparer et anticiper cette ouverture. Afin de mieux éclairer la situation actuelle, donc l'essence et l'objet même du projet de loi, je rappellerai les trois griefs qui ont motivé la mise en demeure.
Celle-ci concerne tout d'abord « l'indépendance des fonctions essentielles ». La SNCF s'est en effet vu confier, par la loi de 1997 portant création du Réseau Ferré de France, la quasi-totalité des activités de gestion du réseau : octroi des autorisations d'utilisation du réseau, gestion de l'infrastructure et travaux. Or, bien que délégués à SNCF Infra, ces services ne sont pas, dans les faits, indépendants de la maison mère. En tant qu'utilisatrice du réseau national, la SNCF se trouve donc dans une position déséquilibrée face aux concurrents potentiels.
Par ailleurs, la mise en demeure remet en cause la tarification ferroviaire appliquée aux entreprises qui utilisent le réseau. Du fait que les redevances sont déterminées non par le gestionnaire du réseau mais par le secrétariat d'État aux transports, la tarification n'a pas été jugée indépendante.
Enfin, il n'existe pas en France d'autorité indépendante de contrôle et de régulation.
C'est le dernier point qui fait défaut selon la Commission européenne, et c'est à ce problème que le projet de loi veut apporter une solution.
Le principal apport du texte réside en effet dans la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, qui remplacera la Mission de contrôle des activités ferroviaires.
Son principal objet concerne les conditions d'accès au réseau. Les différents « paquets ferroviaires » imposent que l'autorité de régulation soit indépendante de tous les opérateurs mais aussi et surtout qu'elle soit attentive à la non-discrimination des opérateurs dans l'utilisation du réseau. Elle doit enfin être dotée d'un pouvoir de sanction.
Actuellement, la Mission de contrôle des activités ferroviaires ne remplit aucune de ces exigences. Elle est placée sous tutelle de la SNCF, entreprise publique, et du secrétariat d'État aux transports. En outre, elle ne dispose pas de pouvoirs coercitifs.
L'Autorité de régulation des activités ferroviaires pourra non seulement instruire les plaintes des différents acteurs du secteur, mais aussi prendre l'initiative d'enquêtes et d'investigations. Dotée d'un pouvoir de sanction, elle pourra également infliger une amende pouvant représenter jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires de l'opérateur.
Le texte permettra donc de répondre aux conditions posées par les « paquets ferroviaires », auxquelles la France s'est engagée à remplir au niveau tant communautaire que national.
La nouvelle autorité administrative indépendante aura pour tâche de veiller à ce que les entreprises ferroviaires susceptibles d'accéder au réseau ne fassent pas l'objet d'un traitement discriminatoire. Elle contrôlera aussi l'accès au service en gare, notamment l'information des voyageurs ou l'attribution de quais. Il est normal que certaines inquiétudes se soient manifestées dans l'opinion publique à ce sujet, l'attribution d'un sillon, d'un créneau horaire, ne suffisant pas à constituer une bonne circulation ferroviaire.
Je viens d'évoquer une inquiétude, mais le nouveau cadre de liberté en a suscité bien d'autres.
Le maillage du territoire, qui dépend directement de ce texte, me tient particulièrement à coeur. Je crois que l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires de transport international de voyageurs, le 1er janvier 2010, doit s'accompagner d'engagements pour l'avenir de notre maillage ferroviaire. Le développement des lignes à grande vitesse ne pourra suffire. Il faut veiller au réseau secondaire, car, si le TGV contribue largement au développement économique des régions, ce sont les lignes secondaires qui restent les meilleurs vecteurs de désenclavement.
Or, aujourd'hui, la situation du réseau secondaire se dégrade peu à peu. Dans nos circonscriptions, les usagers en font le constat quotidien. Nous autres, élus, connaissons la difficulté de conserver des lignes dans les régions particulièrement enclavées, et plus encore d'en créer de nouvelles.
Si la question des transports soulève tant d'inquiétudes, c'est qu'elle touche non seulement à la mobilité de nos concitoyens, mais aussi à l'accessibilité, à l'aménagement du territoire et aux enjeux environnementaux. Cependant, ne nous y trompons pas, le texte intervient alors que le paysage ferroviaire se modifie en profondeur avec la création prévue de 2 000 kilomètres de ligne à grande vitesse avant 2020. Les régions, quant à elles, développent largement les TER et mettent en place des plans de régénération ferroviaire. Je m'en félicite, mais je veux profiter de l'occasion pour souligner le besoin d'engagement, pour le dynamisme de nos régions, à l'heure où nous examinons ce projet de loi.
À ce titre, j'appelle votre attention sur un aspect particulier qui touche nos territoires et concerne de nombreux élus ruraux : le préjudice subi par les communes traversées par une ligne à grande vitesse.
Je sais, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, que nos propositions, débattues en commission des affaires économiques, n'ont pas reçu votre assentiment. Je rappelle cependant que, reprenant une proposition de loi de Marc Bernier, un amendement de Yannick Favennec, soutenu par plusieurs députés, a été défendu ardemment devant la commission par Fabienne Labrette-Ménager, Michel Piron, Yannick Favennec et Jean Dionis du Séjour.
Le sujet est important. Comme beaucoup de députés, je suis favorable à l'installation des lignes à grandes vitesses et conscient des atouts économiques, financiers, sociaux et environnementaux qu'elles représentent pour nos territoires. En outre, je ne remets pas en cause les priorités du Grenelle de l'environnement. Cependant, il ne faut pas oublier que les retombées fiscales, économiques et sociales ne bénéficient qu'aux collectivités qui accueillent les dessertes et qui profitent de l'attractivité des gares LGV, tandis que les communes, majoritairement rurales, simplement traversées par ces lignes, subissent des préjudices environnementaux – atteintes aux paysages, nuisances sonores –, économiques – déplacement de certaines entreprises, réduction des surfaces agricoles – et fiscaux – baisse des ressources de la taxe professionnelle, de la taxe d'habitation ou de la taxe foncière.
C'est pourquoi il serait légitime d'instaurer pour ces communes une compensation financière, de même qu'il existe des redevances versées aux communes traversées par des lignes à haute tension ou par des autoroutes. Je regrette donc que la commission ait rejeté les amendements qui allaient dans ce sens, proposés par mes collègues commissaires, notamment au motif qu'il existe déjà une taxe professionnelle sur les lignes de chemin de fer au bénéfice des communes traversées.
L'Association des communes traversées par la LGV Bretagne–Pays-de-Loire, qui regroupe cinquante-sept communes de la Sarthe, de la Mayenne et de L'Ille-et-Vilaine, a demandé aux services fiscaux ce qu'il en était précisément. Il apparaît que le montant de la taxe professionnelle s'élève – tenez-vous bien – à 185 euros par kilomètre.
Nous reviendrons sur ce problème, lorsque nous examinerons les articles, pour définir notamment le montant et les modalités de calcul de la redevance. Cela étant j'apporte un soutien entier à la proposition de nos collègues. Le dynamisme insufflé par le Grenelle de l'environnement doit bénéficier à tous les territoires. Il me semble que c'est respecter l'esprit de ce projet de loi que de défendre les communes, les villes et les villages délaissés.
Pour conclure sur la dimension locale du projet de loi, je me félicite que les futurs opérateurs ferroviaires de proximité puissent se voir confier par Réseau ferré de France, des missions de gestion de l'infrastructure à faible trafic, réservées au transport de marchandises.
J'en viens aux autres dispositions du texte.
Le projet de loi, qui s'attache à la législation en matière de transport routier, porte aussi sur les concessions routières des régions du Mont-Blanc et de Sainte-Marie-aux-Mines, ainsi que sur le cabotage. Concernant les concessions, je considère que leurs prolongations permettront d'amortir les investissements importants validés par l'État.
L'article 23 bis tend lui, à mieux encadrer les possibilités de cabotage routier. À cette fin, il transpose les termes de l'accord politique du Conseil européen du 13 juin 2008 fixant les possibilités de cabotage dans l'Union européenne. Les sanctions sont renforcées à l'encontre des donneurs d'ordre qui ne respecteront pas la réglementation, mais l'article permettra aussi à des opérateurs comme Eurolines de prévoir des arrêts sur le territoire national entre son point d'origine et sa destination finale, ce qui constitue une véritable avancée en matière de services offerts aux voyageurs.
Par ailleurs, le Sénat a adopté des amendements du Gouvernement portant des articles additionnels.
Je souligne l'importance de l'article 26, qui tend à réformer le dispositif de sanction aux infractions environnementales prononcées par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires.
Enfin, je me réjouis de la clarification du code du travail des personnels naviguant de l'aviation. Désormais, ceux-ci bénéficieront d'une plus grande sécurité juridique. De plus, la rémunération des heures supplémentaires sera mieux encadrée, ce qui représente pour les heures supplémentaires de vol, une majoration salariale de 25 %.
Ce projet de loi avant tout ferroviaire intervient alors que le Gouvernement a annoncé, mercredi dernier, un plan de 7 milliards d'euros consacré au développement du transport ferroviaire de marchandises, dans le cadre du « grand emprunt ». Parce qu'elles se situent dans la ligne du Grenelle de l'environnement, nous ne pouvons que soutenir les dynamiques respectives de cette action et de ce texte. Celui-ci prépare sereinement la France à l'ouverture à la concurrence et encourage le développement des opérateurs ferroviaires de proximité. Au nom du groupe Nouveau Centre et apparentés, nous ne pouvons que l'approuver et soutenir son adoption. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi intervient dans un contexte particulièrement favorable au fret ferroviaire, puisque le Président de la République a souhaité engager un programme sans précédent de 7 milliards d'euros en vue de la création d'un réseau d'autoroutes ferroviaires et d'un réseau de fret à grande vitesse.
Ce projet de loi permet l'actualisation, la clarification et la transposition du droit des transports ferroviaires, et contient diverses dispositions relatives au transport. Il prévoit notamment d'ouvrir le réseau ferroviaire aux services internationaux de transport de voyageurs à partir du 1er janvier 2010. Pour accompagner cette mesure, le texte crée une autorité administrative indépendante, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, véritable clé de voûte d'une nouvelle gouvernance de ce secteur.
Ainsi la réforme participera à la nécessaire restructuration de l'activité de fret de la SNCF, réforme primordiale tant pour l'entreprise que pour la tenue des engagements du Grenelle de l'environnement. L'une des priorités du Grenelle est en effet le report vers des modes de transport peu polluants et plus respectueux de l'environnement. Pour diminuer la production de CO2, il augmenter le transport combiné rail-route ou rail-fluvial.
Enfin, le texte comporte plusieurs dispositions relatives à d'autres modes de transports : extension des concessions routières relatives à l'exploitation du tunnel du Mont-Blanc, mesures concernant le transport routier de marchandises, réglementation du travail dans l'aviation civile, et dispositions portant sur la marine marchande.
Depuis 1991, l'Europe a engagé une dynamique de libéralisation du transport ferroviaire. Au-delà des règles techniques d'accompagnement de l'ouverture à la concurrence, les textes européens ont des conséquences au quotidien pour les entreprises ferroviaires et les voyageurs.
Ainsi, afin de garantir la transparence des comptes, les opérateurs de chemins de fer doivent disposer d'un budget et d'une comptabilité différents de ceux des Etats. L'infrastructure ferroviaire et l'exploitation des services de transports doivent faire l'objet d'une comptabilité distincte.
Les textes européens visent également à supprimer les disparités entre réglementations nationales en matière de sécurité, à aborder la question de la certification des conducteurs de train assurant le transport du fret et des voyageurs ou encore à harmoniser les droits et obligations des voyageurs dans les différents Etats membres
L'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire est aujourd'hui une réalité. Sur le marché du fret ferroviaire, les entreprises bénéficient d'un droit d'accès à l'ensemble du réseau. S'agissant des services ferroviaires de transport international de voyageurs, l'ouverture à la concurrence est prévue demain, au 1er janvier 2010.
La France entend respecter ses engagements et obligations communautaires et ce projet vise donc à transposer l'ensemble des textes applicables au secteur ferroviaire. Ce mouvement de libéralisation constitue une chance à l'échelle européenne tant pour la SNCF que pour les entreprises françaises.
L'article 1er, essentiel, précise les règles de libéralisation du fret, prévoit l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs et améliore les systèmes de répartition des capacités et de tarification des infrastructures ferroviaires.
Chaque Etat européen doit instituer un organisme de contrôle pour instruire les réclamations formulées par les opérateurs au sujet de leur droit d'accès au réseau.
Le titre III concerne cet organisme de contrôle. Nous allons créer l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, l'ARAF, pour garantir en particulier que les conditions d'accès au réseau ferroviaire par les entreprises ferroviaires n'entravent pas le développement de la concurrence. Cette autorité de régulation aura un véritable rôle d'observateur de l'économie ferroviaire et sera le gendarme qui permettra une concurrence loyale sur le réseau. Je salue les garanties apportées par le Gouvernement, notamment par vous, monsieur le secrétaire d'État, pour s'assurer de son impartialité, de sa transparence et de son efficacité.
Au-delà des dispositions techniques de transposition de textes européens, ce projet de loi à vocation à améliorer le quotidien des voyageurs.
Je souligne en particulier qu'un nouvel article, issu du Sénat, décline les dispositions du règlement sur les droits et les obligations des voyageurs. En tant qu'élue de terrain et de proximité, à l'écoute des associations, je suis heureuse de le voter. En effet, il couvre notamment le droit au transport pour les personnes handicapées, l'information sur les tarifs, la disponibilité des billets et des réservations ainsi que le droit d'indemnisation en cas de retard et de pertes de bagages.
J'ai surtout évoqué les dispositions relatives au transport ferroviaire. Cependant d'autres dispositions sont tout aussi attendues par les professionnels.
Ainsi plusieurs articles insérés par le Sénat concernent le transport routier de marchandises ou la marine marchande.
L'article 23 bis vise à mieux encadrer les possibilités de cabotage. routier en France pour permettre une meilleure rationalisation du transport international aux plans économique, énergétique et environnemental.
L'article 23 ter transpose en droit interne le règlement du Parlement européen relatif à l'harmonisation de certaines dispositions sociales dans le domaine des transports par la route.
En commission à l'Assemblée nationale, le texte a également été enrichi grâce aux connaissances et à l'expérience des rapporteurs. Chers Yanick Paternotte et Hervé Mariton et aussi cher Christian Jacob, vous avez mené un travail minutieux et technique ; je vous en remercie.
Le projet de loi que nous allons examiner est complet. Il permet à notre pays de respecter les normes européennes. Il organise et régule le transport ferroviaire de manière pragmatique et apporte des garanties supplémentaires aux voyageurs. Il inscrit résolument nos transports dans le XXIe siècle. C'est pourquoi, les députés du groupe UMP soutiendront ce texte avec enthousiasme et clairvoyance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, en dix ans, le trafic des camions internationaux a doublé en Europe. Le rail ne transporte plus que 6 % des voyageurs. Par le train, les marchandises circulent à 18 kmh, soit moins vite que le brise-glace qui ouvre la voie à la navigation en Baltique ! Les villes souffrent de congestion. Les routes et autoroutes sont encombrées.
On aurait attendu, dans le cadre d'un plan de relance concerté en Europe, de grands travaux dans le domaine des chemins de fer, et de grandes liaisons qui auraient renforcé l'unité et l'intégration européenne des nouveaux entrants. La connexion et l'extension de lignes européennes complétées d'un maillage dans chaque pays aurait été un signal fort pour assurer la circulation des biens et des personnes par des modes moins polluants et lutter contre le chômage grâce à de grands travaux soucieux de l'environnement.
C'est dans les années 90 que le constat du déclin du rail s'est imposé en Europe. Ce manque d'attractivité a suscité de longs débats au Parlement européen et au Conseil des ministres. La Commission a proposé le même remède que pour tous les réseaux : l'introduction de la concurrence.
Sa première directive de 1991 sur le développement du chemin de fer communautaire prévoyait la séparation du réseau et de l'exploitation, avec un droit d'accès très encadré. En France, cette directive a donné naissance, en 1997, à RFF, préparant ainsi l'introduction de la concurrence. Elle fut complétée par l'adoption, entre 1997 et 2001, des trois paquets ferroviaires, qui abordent tous les domaines du ferré – les réseaux, le fret, les voyageurs – et veulent trouver un équilibre entre le développement de la libéralisation, le renforcement de la sécurité et les droits des consommateurs.
Aujourd'hui, la transcription que vous proposez concerne le troisième paquet, qui touche au coeur du sujet, le transport de voyageurs, avec l'ouverture à la concurrence au 1er janvier 2010, c'est-à-dire demain. Toutefois, depuis les premiers débats, deux changements importants ont eu lieu.
D'abord, la crise économique qui touche tous les pays a asséché les finances publiques et remis en cause le marché, qui, parfois, se trompe, comme le dit le Président de la République.
Ensuite, un nouveau règlement, adopté le 23 octobre 2007 par le Parlement européen et le Conseil, modifie sérieusement les perspectives. Il s'agit du règlement OSP, l'obligation de service public développée dans le cadre de la réflexion sur les services d'intérêt économique général. Ce règlement a le mérite de poser la principale question que nous devons avoir avant d'examiner votre texte : « Comment concilier les règles de la concurrence avec le maintien du service public » ?
Nous commençons à avoir du recul sur la mise en concurrence de réseaux avec les télécoms, le gaz, l'électricité, le fret. Nous savons que les secteurs et services attrayants, rentables, attirent sans problème les opérateurs ; mais aussi que, dans les zones éloignées, moins denses, les zones « grises » ou « blanches », personne ne se précipite. Il y faut de l'argent public pour réparer, compenser.
Qui, sur ces bancs, n'a jamais fait d'intervention pour que, dans sa circonscription, les opérateurs de téléphonie mobile, ou de haut débit, desservent l'ensemble des habitants ?
Depuis les années 80, nous avons l'exemple même de ce qu'il ne faut pas mettre en oeuvre dans les transports ferrés, celui de l'Angleterre de Mme Thatcher. L'ouverture totale à la concurrence, la privatisation avec une desserte sans coordination, a laissé un goût amer aux usagers qui ont beaucoup souffert, au prix de la vie de certains d'entre eux, et peu gagné.
En effet les transports, le rail en particulier, ont besoin d'une autorité organisatrice nationale, régionale ou locale pour définir un schéma d'ensemble d'aménagement du territoire avec un maillage cohérent ; répondre aux besoins des habitants, y compris sur des lignes moins rentables ; équilibrer les comptes par péréquation entre les lignes.
Aussi, monsieur le ministre avant de commencer la discussion du projet, ferai-je deux remarques.
D'abord, pourquoi avoir attendu si tard pour entamer cette discussion ? Vous me faites l'effet de ces élèves qui n'écrivent leur devoir que sous la pression de l'agenda, la veille au soir !
Le 1er janvier 2010, c'est dans trois mois. Est- il raisonnable d'aborder un sujet de cette importance dans l'urgence ?
Ce texte n'est ni un texte secondaire ni un texte technique. Le scandale de l'amendement qui permet à l'église de scientologie d'échapper à la dissolution nous rappelle d'ailleurs qu'il n'y a pas de « petit texte » et que le diable est dans les détails. Pour faire du bon travail, il aurait fallu un calendrier moins serré.
Ma deuxième remarque est plus grave : cette transcription est, une nouvelle fois, une occasion manquée. Ce texte aurait dû permettre de discuter d'une organisation ferroviaire à la hauteur de nos ambitions. Lors du Grenelle de l'environnement, la discussion sur le rail avait montré les convergences et révélé de fortes attentes. Vous repoussiez alors la discussion à l'élaboration de ce texte. Nous attendons donc le schéma d'ensemble du réseau ferré français.
Le sénateur Haenel, dans son rapport remis au Premier ministre, demandait que, dans le cadre de ces échéances, le Gouvernement propose une grande loi de programmation ferroviaire, ouvrant ainsi la possibilité d'un véritable débat au Parlement sur la création de nouvelles lignes, le rôle des gares et pour savoir quelles dessertes conserver. J'en prends un exemple au hasard dans les lignes transversales : la ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges, que j'ai défendue avec d'autres à l'occasion du Grenelle, soulève de nombreuses incompréhensions, y compris chez les élus locaux. Elle serait plus lisible si elle s'inscrivait dès maintenant dans le schéma d'ensemble d'une transversale Ouest-Est de Nantes à Lyon par Poitiers, Limoges et Clermont Ferrand,
Le sujet est trop sérieux, les choix ou l'absence de choix trop lourds de conséquence, pour laisser l'impression que les décisions se prennent au gré des influences, voire de caprices politiques. Faire des annonces pour donner une image vertueuse, sans donner aux Français les plus éloignés des villes un autre choix que la voiture, est une supercherie.
Le troisième paquet sur les transports de voyageurs était l'occasion de ce débat, mais la France donne toujours le sentiment de transcrire les règles européennes, qu'elle contribue à écrire, en cachette, sans véritable débat, sans discussion dans le pays, sans en définir les enjeux.
Encore une occasion ratée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, alors même que l'encre du Grenelle 1 n'est pas complètement sèche et que le Grenelle 2 devrait peut-être enfin venir devant le Parlement dans les mois à venir, vous vous apprêtez à priver le pays d'un levier majeur en amorçant la privatisation du transport public ferroviaire de voyageurs. Comment, dès lors, espérer un transfert modal de la route vers le rail ?
Selon vous, l'ouverture à la concurrence devrait permettre de rendre aux usagers un meilleur service au meilleur prix. Les résultats prouvent aux usagers que c'est tout le contraire. Que ce soit pour l'eau, le téléphone, l'énergie, les transports, les prix s'envolent et le service rendu se détériore, pour ne pas parler des besoins en matière de réduction des gaz à effet de serre.
En revanche, les actionnaires peuvent se réjouir : ils achètent les services publics à la carte et à bas prix et font de confortables profits. Il est vrai qu'avant la vente, le contribuable est mis à contribution pour éviter tout risque et garantir que ces affaires seront très profitables.
Cette fois, c'est au tour du transport de voyageurs de subir l'ouverture à la concurrence. Certes, au départ, pour rassurer, seules les liaisons internationales sont concernées ; mais l'on sait ce qu'il advient quand on met le doigt dans un tel engrenage.
De fait, votre dernier coup de théâtre – un coup de Jarnac ont dit certains – est très significatif. Par un amendement vous cherchez à imposer en catimini une modification profonde de l'ordonnance de 1959 relative aux transports ferroviaires de voyageurs en Île-de-France. Sans concertation préalable, sans même que le Sénat se prononce, du fait de la procédure d'urgence, un règlement dit OSP devrait entrer en vigueur dès le 3 décembre prochain. Le capital du STIF serait transféré à la RATP, sans demander l'avis ni du syndicat, ni de la région, ni de la ville de Paris, ni des départements.
Vendredi à l'Assemblée, l'annonce de cette nouvelle, devant des élus de droite comme de gauche, a fait l'effet d'une bombe. Sans même parler du fond, la méthode est en cause. Dans la mesure où l'on peut vous créditer d'être de bonne foi, vous auriez tout intérêt à retirer cet amendement et à permettre que le débat ait lieu avec les principaux intéressés…
… pour lever toute suspicion sur l'objectif que vous vous êtes fixé.
Les usagers ont besoin que soit constitué un pôle de service public de transport régional, associant RATP, SNCF et RFF, qui seraient partenaires d'un STIF renforcé, doté de moyens et de ressources, et élargi à des représentants des usagers et des salariés : tout le contraire de ce qui est prévu aujourd'hui.
Pourtant, l'exemple de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire en 2006 devrait nous amener à adopter un dispositif différent de celui qui est proposé. En effet, il en est résulté un désastre pour l'environnement, avec une diminution de la part du rail dans le transport de marchandises, alors que les impératifs environnementaux, sur lesquels vous dissertez sans limites, devraient, au contraire, conduire à un transfert massif de la route vers le rail.
Ainsi, la conséquence directe du plan Fret, c'est plus d'un million de camions supplémentaires sur les routes. Cette privatisation rampante a aussi provoqué la suppression de milliers d'emplois, la fermeture de 262 gares où était assurée l'activité de transport par wagon isolé, et la suppression des dessertes jugées trop peu rentables. Rien qu'en 2009, la SNCF devrait supprimer 2 600 postes, parmi lesquels pas moins de 1 400 pour le seul secteur du fret.
Alors que, dans les pays engagés dans ce processus, les résultats sont catastrophiques, tant sur le plan de la qualité et de la sécurité que sur celui de l'emploi et de l'environnement, vous persistez à vouloir nous précipiter dans cet abîme, sans tenir compte de la réalité.
Je reviens à l'Île-de-France où ces derniers critères prennent un caractère particulier. La saturation routière atteint en effet ses limites, en grande partie en raison du choix du « tout routier » pour le transport des marchandises. Dans cette région, comme au niveau national d'ailleurs, il n'y a pas un seul jour où un accident ou un incident lié à un camion ne provoque des perturbations particulièrement dures pour les Franciliens qui, par manque de transports publics ou en raison de leur inefficacité, ce qui est un autre problème, utilisent quotidiennement un véhicule personnel dans leur déplacement de leur lieu d'habitation vers leur lieu de travail. Pour cette raison, entre autres, la question du fret concerne aussi tous les citoyens.
Il est donc indispensable de relancer une véritable stratégie du ferroutage, tant nationale que régionale. Il est évident qu'une telle politique nécessite des investissements et la prise en compte des coûts de fonctionnement découlant de ces investissements, qui, au niveau national, supposent une intervention spécifique de l'État.
Ce choix est inévitable si l'on veut renverser la vapeur, d'autant que le premier bilan que l'on peut tirer de l'ouverture à la concurrence, si chère aux tenants des privatisations et du libéralisme, n'a pas été synonyme de développement ou de nouveau dynamisme, puisque la part du fret ferroviaire dans le marché des transports des marchandises est passée de 14,84 % en 2003 à 11,41 % en 2008.
Seule la constitution de pôles publics peut apporter les bonnes réponses à la fois sociales, économiques et environnementales à la question du transport des marchandises. Néanmoins, force est de constater que ce n'est pas le chemin qui a été pris, et que ce n'est pas non plus ce qui se profile dans vos projets.
Les représentants syndicaux ont dressé un bilan négatif du démantèlement de la SNCF et de la multiplication de ses filiales dont la politique est surtout fondée sur des critères de flexibilité, de polyvalence ou de précarité des personnels. Cette politique a déjà eu pour conséquence la suppression de milliers d'emplois.
Aujourd'hui, il est nécessaire et urgent de faire du fret ferroviaire un axe central du transport des marchandises. Il faut donc lui reconnaître un caractère d'intérêt général, porté et financé par l'État, et lui consacrer des investissements à la mesure de ceux consentis pour les TGV ou la régionalisation pour les activités voyageurs SNCF.
Nul doute qu'à partir de ce principe de base il faudra aller plus loin dans la réflexion, tant il est vrai que le transport de marchandises est un ensemble complexe logistique, de l'expéditeur au réceptionnaire. Le ferroviaire est un des éléments d'un maillage intelligent, un segment incontournable des transports de marchandises.
Les entreprises publiques de transports ne doivent pas être sacrifiées sur l'autel de la concurrence. Si elles ne remplissent pas toujours les services que les usagers sont en droit d'attendre, c'est principalement parce qu'elles ne disposent plus des moyens suffisants du fait des politiques que vous avez menées et que vous menez toujours. Or la mise en concurrence va fragiliser encore un peu plus leur situation en instaurant une néfaste course aux profits, au détriment de la qualité du service, de la sécurité et de l'environnement.
Ce n'est pas la mise en place d'une autorité de régulation qui y changera quelque chose. Sur ce point aussi, les exemples étrangers sont édifiants. La multiplication des autorités dites « indépendantes », dotées de pouvoirs exorbitants de plus en plus nombreux, conduit à un abandon de la responsabilité politique au profit du pouvoir des « experts ». Outre que l'indépendance de ces autorités peut être mise à mal par le jeu des lobbies, leur mode de désignation ne leur confère pas de légitimité démocratique. Ainsi, le pouvoir réglementaire que vous allez confier à la Commission de régulation des activités ferroviaires va conduire à une situation juridique pour le moins malsaine. En effet, cette autorité sera juge des règlements qu'elle aura elle-même imposé, y compris dans le domaine de la sécurité.
Évidemment, vous argumenterez en faveur de cette réforme en invoquant une « obligation européenne ». Tout d'abord, n'oublions jamais que le vote négatif du peuple français lors du référendum de mai 2005 – résultat que vous avez réussi à balayer d'un revers de manche – reposait essentiellement sur un rejet de la logique de privatisation et sur l'attachement aux services publics. Quant à l'« obligation européenne », vos gouvernements en ont été les promoteurs au sein de l'Union, et vous avez même souvent joué les leaders en la matière.
Toutefois, rien n'est figé dans la mesure où il ne s'agit en rien d'une obligation juridique incontournable. Il est toujours possible, devant une impasse, de renégocier un dossier. La France et l'Allemagne n'ont-elles pas obtenu une suspension du pacte de stabilité ? Alors, nous demandons, avant toute décision, et c'est la moindre des choses, qu'un bilan soit tiré de la libéralisation des transports ferroviaires et des privatisations qui en ont résulté.
En fait, vous allez même plus loin que les directives avec la volonté de créer des opérateurs locaux, ou encore celle de mettre en place une nouvelle structure appelée « Exploitation nationale des chemins de fer français », indépendante de la SNCF. Vous cherchez ainsi à dépecer cette entreprise pour mieux en privatiser les morceaux.
J'ai commencé mon intervention en vous parlant d'environnement ; je conclurai sur cette question.
L'urgence climatique est chaque jour plus présente. En livrant le transport public ferroviaire au privé, au jeu de la concurrence et à la jungle des profits sans limites, vous privez le pays des moyens d'agir vite et en profondeur. Vous tournez le dos à l'indispensable effort qu'il faut mettre en oeuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans les transports, comme pour l'ensemble des activités, nous avons besoin d'outils performants pour enrayer la crise climatique et mettre en oeuvre une véritable planification écologique des besoins. La SNCF et RFF sont ces outils. Démanteler les transports publics est une grave faute ; vous en porterez la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés, et portant diverses dispositions relatives aux transports.
Mon intervention portera plus particulièrement sur deux dispositions de l'article 24 du projet de loi, adopté par notre commission. L'une concerne l'atteinte au droit de grève des personnels navigants, l'autre traite des modalités de décompte d'activité de ces mêmes personnels.
Auparavant, je veux évoquer l'article 24 bis consacré à la représentativité syndicale des personnels navigants techniques.
La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a modifié le cadre des relations professionnelles en leur donnant une véritable assise électorale, fondée sur les suffrages exprimés lors des élections des représentants du personnel. On peut être satisfait par ces modalités de la représentativité mais aussi par la création, dans le projet de loi, d'un collège électoral spécifique pour le personnel navigant technique.
Les syndicats représentatifs doivent satisfaire à des critères de représentativité en matière de respect des valeurs républicaines, d'indépendance, de transparence financière, d'ancienneté – au moins deux ans dans le champ géographique et professionnel de l'entreprise –, d'audience, d'influence caractérisée par l'activité et l'expérience – ce point aura toute son importance quand je traiterai de la place de la commission d'hygiène et des conditions de travail –, d'effectif des adhérents et de cotisations.
Les dispositions de l'article 24 bis, introduit dans le projet de loi par la commission, prévoient, à notre grande satisfaction, de transposer dans le code de l'aviation civile, pour le personnel navigant technique, des dispositions du code du travail applicable aux cadres. Le niveau élevé de responsabilité de ces personnels, ainsi que la capacité de jugement, d'analyse et d'initiative liée à cette fonction majeure et décisive imposent qu'ils bénéficient d'une représentativité propre ; nous pouvons nous en réjouir. L'amendement adopté par la commission a ainsi permis de rédiger un nouvel article qui convient tant aux pilotes de ligne et aux organisations syndicales qu'aux entreprises concernées.
Je veux maintenant interpeller M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur au sujet de l'article 24 du projet de loi.
Dans la rédaction adoptée par la commission, le deuxième alinéa de cet article précise que « le personnel navigant est tenu, sauf cas de force majeure ou impossibilité médicale, d'assurer son service programmé entre deux passages à l'une des bases d'affectation du personnel navigant de l'entreprise. » Certes, la commission a modifié le texte adopté par le Sénat. Cependant cette rédaction vise encore à restreindre le droit de grève des personnels navigants en créant une obligation de service entre deux passages à l'une de ses bases d'affection. On ne peut ni comprendre ni accepter qu'une disposition aussi grave, réglementant le droit de grève, puisse être présentée à la demande de la compagnie Air France, sans qu'aucune concertation préalable n'ait eu lieu entre tous les partenaires sociaux concernés.
Par ailleurs, alors que cette mesure ne peut se justifier par l'existence d'un service public dont il faudrait assurer la continuité, cette remise en cause du droit de grève pour une catégorie de personnel pose un problème de constitutionnalité. La suppression pure et simple de cette disposition nous paraît dès lors incontournable et logique.
En effet, sous couvert de permettre l'organisation du transport public aérien, cet alinéa a pour seule finalité la limitation du droit de grève. Le dispositif visé interdit l'exercice de ce droit lorsque l'avion fait escale sur un site qui n'est pas la base d'affectation du personnel navigant de l'entreprise. Par exemple, s'il est basé à Nantes, le personnel navigant d'une compagnie régionale, ne pourra pas exercer son droit de grève lors d'une escale à Marseille, si cette ville n'est pas une base d'affectation de la compagnie. Il devra, pour ce faire, attendre de rejoindre une base d'affectation. Le droit de grève ne peut être ainsi encadré sans discussion et sans concertation avec les organisations syndicales au détour d'un amendement déposé fortuitement au Sénat et modifié en commission à l'Assemblée.
Par ailleurs, selon le troisième alinéa de l'article 24, « pour les salariés mentionnés au premier alinéa du I – il s'agit toujours du personnel navigant –, il est admis, dans les conditions d'exploitation des entreprises de transport et de travail aériens, qu'à la durée légale du travail effectif, telle que définie au premier alinéa de l'article L. 3121-10 du code du travail, correspond un temps de travail exprimé en heures de vol d'une durée déterminée par décret en Conseil d'État par mois, trimestre ou année civils. Par exception à l'article L. 3121-22 du même code, les heures supplémentaires de vol donnent lieu à une majoration de 25 % portant sur les éléments de rémunération, à l'exclusion des remboursements de frais. »
Les modalités de décompte d'activité du personnel navigant étant, à ce jour, fixées par un texte réglementaire, nous comprenons l'objectif qu'affiche le Gouvernement en voulant transposer ces dispositions en normes législatives aux seules fins d'assurer la stabilité juridique du dispositif. Malheureusement, nous sommes dans l'obligation de dénoncer le fait qu'il ne s'agit pas d'une modification à droit constant, mais d'une remise en cause des mécanismes de décompte d'activité, qui rend possible, notamment, l'annualisation du temps de travail.
De plus, une telle rédaction créerait une exception à l'article L. 3121-22 pour les seuls personnels navigants. L'exclusion du bénéfice des dispositions législatives en matière de majoration des heures supplémentaires générerait une rupture d'égalité entre les salariés, ce qui poserait, encore une fois, une question de la constitutionnalité.
Nous demandons, en conséquence, que l'ensemble de l'activité du personnel navigant – activités au sol, formations, visites médicales, temps passé en simulateur – soit pris en compte par un équivalent en heures de vol, et que les dispositions de majoration des heures supplémentaires prévues par le code du travail soient applicables après adaptation par décret en Conseil d'État.
L'activité du personnel navigant a beaucoup évolué ces dernières années et elle évolue toujours. Si le vol continue d'y occuper une place prépondérante, force est néanmoins de constater que les activités au sol – préparation des vols, formation, visites médicales spécifiques, simulateurs et réserves – se multiplient, au nom, notamment, de la sécurité des vols. Dès lors, si la nécessité d'une correspondance, affirmée par la loi afin de rendre plus lisible l'articulation entre le code du travail et celui de l'aviation civile, n'est pas constatée, il est essentiel, pour le personnel navigant, qu'à l'article L. 3121-10 du code du travail corresponde un article du code de l'aviation civile qui prenne en compte l'ensemble des activités du personnel navigant sans les limiter strictement au vol.
En conclusion, je reviens quelques instants sur la sécurité et sur l'implication des personnels navigants dans la gestion de celle-ci. Certes, les accidents liés au trafic aérien demeurent nettement moins nombreux que pour les autres types de transport, notamment routiers. Pour que cette situation perdure, il faut maintenir l'obligation, pour les différentes compagnies aériennes, de réserver une place prépondérante à la commission d'hygiène et des conditions de travail, qui représente les personnels exerçant à bord, dont l'analyse, les observations, les suggestions ou l'opposition vont toujours dans le sens de la sécurité des passagers et des personnels. Nous devons rester vigilants et intransigeants face au lobbying de certaines compagnies et de leur direction, qui souhaiteraient minimiser le rôle et la fonction de cette commission. Sur ce point, notre responsabilité est engagée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons est essentiellement un exercice de mise en conformité de notre droit avec la législation européenne. Il s'agit en effet de s'exécuter face à une injonction de la Commission, exprimée sous la forme d'une mise en demeure qui décline un certain nombre de griefs à l'encontre de notre pays. Dès lors, notre rôle se borne à celui de transcripteur de directives, dans un domaine de compétence qui nous échappe largement depuis la mise en oeuvre du traité de Maastricht et qui relève de la co-décision et de ses aléas depuis le traité d'Amsterdam. Notre compétence propre n'est plus ici qu'interstitielle, limitée à quelques rares niches, là où le législateur européen a bien voulu laisser une petite marge d'appréciation au législateur national.
S'agissant du transport ferroviaire, nous avions été un certain nombre, au Parlement européen, à soutenir en son temps le Conseil et le calendrier raisonnable que ce dernier proposait en matière d'ouverture à la concurrence dans le cadre des paquets – l'expression est exquise (Sourires) – de directives ferroviaires, face à l'activisme et au tropisme hégémonique des rapporteurs du Parlement européen favorables à un basculement massif et précipité. Notre souci était que puissent s'exercer les effets féconds de la concurrence, mais que cette dernière puisse être suffisamment régulée pour éviter un certain nombre d'effets pervers – ruptures d'accès au ferroviaire, exclusions territoriales, concentration des transporteurs sur les lignes les plus rentables – susceptibles d'affecter lourdement notre conception de l'aménagement du territoire et du service public, qui, comme vous le savez, n'est pas unanimement partagée par nos partenaires.
Nos craintes d'hier, monsieur le secrétaire d'État, ne sont pas entièrement dissipées. Les pouvoirs dont disposeront les nouveaux organismes indépendants de régulation des activités ferroviaires seront-ils suffisants pour prévenir la marginalisation des zones périphériques au profit des seules liaisons les plus fréquentées ? Seront-ils suffisants pour prévenir le développement d'entreprises de transport ferré low cost susceptibles d'employer du personnel navigant à bas coût et de concurrencer ainsi de manière déloyale des entreprises nationales soumises à des législations sociales plus contraignantes ? Les précédents intervenus dans les domaines du transport aérien et du transport routier doivent nous faire réfléchir : ils ont montré les effets négatifs qu'une conception trop absolue de la concurrence peut avoir sur les secteurs concernés.
Nous avions réussi à obtenir, au niveau européen, que les services publics de transport de voyageurs ne soient pas soumis aux règles d'ouverture à la concurrence introduites par le troisième paquet ferroviaire. La balle est donc dans notre camp, en particulier en ce qui concerne les liaisons interrégionales reliant nos villes moyennes, ce registre essentiel qui se situe entre la grande vitesse et les TER. Ces liaisons peuvent accroître leur rentabilité et doivent disposer d'un financement pérenne. Je crois, monsieur le secrétaire d'État, que vous y travaillez activement avec votre collègue Michel Mercier.
Absolument !
Pouvez-vous nous indiquer les pistes qui ont retenu votre attention, notamment en termes de financement ?
En ce qui concerne le transport routier de marchandises, je me réjouis que le projet de loi vise à mieux encadrer la possibilité de cabotage routier en France, en la subordonnant notamment à la réalisation préalable d'un transport routier international. Cependant ne fallait-il pas aller plus loin et encadrer plus strictement l'activité des entreprises des nouveaux pays autorisés à caboter en France, qui travaillent avec des coûts sociaux et fiscaux très inférieurs à ceux de l'Europe de l'ouest ? Il est vrai que, là encore, le cadre européen est particulièrement contraignant, notamment avec la directive Services révisée ou directive McGreevy, à l'origine d'un véritable dumping social qui s'exerce à travers le principe du pays d'origine et affecte durement les entreprises françaises de transport routier.
Face à cette situation, monsieur le secrétaire d'État, vous avez réagi en utilisant les instruments qui restent à notre disposition. Vous avez ainsi saisi la Commission pour faire jouer la clause de sauvegarde et vous avez obtenu que la France puisse prendre des mesures restrictives concernant le cabotage, avec l'augmentation du nombre de contrôles effectués chaque année, portés à 20 000, et le doublement du montant de l'amende infligée en cas de cabotage irrégulier. Certes, cela ne remplace pas une bonne législation, mais cela a au moins le mérite d'envoyer un signal clair, et je ne peux que vous encourager à poursuivre dans cette voie.
Le transport routier de marchandises est un secteur particulièrement important pour beaucoup de nos régions, notamment nos régions périphériques de l'arc Atlantique. Ce secteur est durement touché par la crise et le ralentissement de l'activité. Il souffrait déjà, avant même l'ouverture du cabotage à sept nouveaux pays d'Europe du centre et de l'est, le 1er mai dernier, d'une surcapacité de l'offre. Nous devons prendre garde à ne pas l'exposer à des déséquilibres de concurrence, à des formes de concurrence déloyale qu'il ne serait pas en état de supporter.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte dont nous débattons aujourd'hui s'inscrit dans le cadre désormais bien connu d'une transposition en droit interne de dispositions communautaires. En l'espèce, cette transposition a tardé. Le moins que l'on puisse dire, en effet, c'est que les gouvernements successifs ne se sont pas précipités pour la réaliser. Or il eût été judicieux de profiter de ce retard pour prendre en compte les travaux du Grenelle de l'environnement, c'est-à-dire le processus qui l'a accompagné et les engagements qui ont été pris par le Gouvernement en faveur du rail, engagements qui, même s'ils sont assez vagues – notamment en matière de fret –, ont été inscrits dans la loi.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas écarter d'un revers de main les débats qui ont cours dans notre pays sur le développement local et les moyens donnés aux collectivités territoriales pour assumer celui-ci. Or, manifestement, le projet de loi est, dans ce domaine, très en deçà des ambitions affichées par le Grenelle, de sorte qu'il est réduit à la transposition mécanique des normes européennes, à un pur exercice d'ouverture à la concurrence. Comme si le Grenelle n'avait pas eu lieu, comme si nous n'avions pas connaissance des expériences de libéralisation menées dans les pays voisins, que ce soit en Allemagne, au Royaume-Uni, ou en Espagne.
En effet, pour le transport ferroviaire comme pour l'énergie – sujet sur lequel nous devrons poursuivre notre réflexion –, on s'aperçoit que, contrairement à ce que certains s'imaginaient et à ce que prétendaient les tenants des théories économiques en vogue, la concurrence ne profite ni au consommateur ni à un développement propre et durable, puisque les prix ne baissent pas et que, notamment au Royaume-Uni et en Espagne, l'hégémonie du transport routier n'a pas été réduite au profit du fret ferroviaire. Au reste, la Commission européenne le reconnaît elle-même dans les rapports qu'elle a consacrés à ce sujet. Vous aviez la possibilité de vous inscrire dans un cadre résolument novateur et volontariste en matière d'environnement ; vous ne l'avez pas fait. J'en prends deux exemples : le sort réservé au fret et les conditions de mise en place des lignes à grande vitesse.
Il y a quelques jours, le Gouvernement a annoncé un nouveau plan en faveur du fret. Pourtant, votre projet de loi est muet, ou presque, sur la manière dont vous entendez porter la part du fret à 25 % en 2012, conformément aux orientations du Grenelle, engagement au demeurant extrêmement vague et sans portée véritablement contraignante. Au reste, on s'aperçoit que, cette année, la part du fret ferroviaire a encore diminué de 30 % par rapport à l'année dernière. Dès lors, force est de constater que l'objectif inscrit dans le Grenelle sera très difficile à atteindre en 2012.
La situation est bien connue. Porté par une réglementation moins contraignante et, jusqu'à une période récente, par une faible sensibilité au caractère durable de l'activité économique, le transport routier a taillé des croupières au fret ferroviaire. Personne ne nie qu'il faut réagir et mettre en oeuvre une politique forte destinée à sauver ce dernier, mais la restructuration que vous proposez avec le SNCF s'appuie sur des principes éminemment contestables : diminution drastique du trafic organisé en wagon isolé et encouragement d'opérateurs ferroviaires de proximité, lesquels devraient être des opérateurs privés.
Depuis un certain nombre d'années, les plans se succèdent, mais tous actent la fermeture des 262 gares dans lesquelles était assurée l'activité de wagons de marchandises isolés et tiennent pour acquise la suppression de 70 % de cette activité. Depuis le temps que la SNCF a entrepris cette démarche, on aurait dû en voir les premiers effets. Or, ainsi que je l'ai indiqué, la part du fret ferroviaire ne cesse de diminuer.
Je laisserai de côté, même si ce n'est pas anecdotique, l'impact accablant de cette politique sur l'emploi, qui, de plus, est en pleine crise économique. Je ne m'étendrai pas davantage sur la politique d'aménagement du territoire qui sous-tend cette démarche, selon laquelle l'activité économique de notre pays doit être recentrée sur quelques axes. Cependant comment pouvez-vous justifier de tels choix après le Grenelle ? En effet, très concrètement, des milliers de camions – on parle d'un million pour la France entière – vont devoir prendre le relais. Dans un département comme le mien, celui de l'Indre-et-Loire, directement concerné par la fermeture de la gare de triage de Saint-Pierre-des-Corps, on a évalué à 20 000 par an le nombre de camions supplémentaires qui vont être nécessaires. Ce n'est pas rien !
Sans même évoquer les conséquences d'un tel choix pour la sécurité routière, comment expliquer aux Tourangeaux, et, plus largement, aux Français, l'augmentation des nuisances environnementales directes dont ils vont pâtir ? La SNCF elle-même reconnaît que la fin du wagon isolé va se traduire par l'augmentation du transport routier, de manière transitoire, nous dit-elle, tablant sur une période de trente mois, ce qui me laisse dubitative.
Je ne suis pas davantage convaincue par la martingale que le Gouvernement pense avoir trouvée avec les fameux opérateurs de proximité
Nous avons vécu, dans notre région, la tentative avortée de mise en place de Proxirail, et personne ne voit pourquoi des opérateurs privés se précipiteraient pour reprendre une activité dont l'État et la SNCF disent haut et fort qu'elle n'est pas rentable. Les opérateurs privés agissant en fonction d'une certaine rationalité économique, on voit bien la logique d'un système consistant à faire reposer sur les collectivités territoriales – conseils généraux et régionaux – la responsabilité de ces opérateurs : il va, en fait, leur être demandé de payer pour que des opérateurs privés puissent prendre le relais de la SNCF. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je trouve assez préoccupant de vous voir mettre en place une politique consistant à ouvrir à la concurrence ce qui est rentable et à renvoyer aux conseils généraux et régionaux ce qui ne l'est pas.
Cela m'amène aux LGV, tout particulièrement à la ligne à grande vitesse Sud-Est-Atlantique.
Là encore, l'État a demandé le concours des collectivités territoriales pour un projet transnational.
À cet égard j'insiste sur la nécessité de mettre en place un dispositif de compensation en faveur des territoires traversés, qui en subiront les conséquences environnementales, mais aussi fiscales et économiques, sans rien y gagner directement. L'intérêt européen de cette ligne a été bien compris de tous et, si je prends l'exemple de la Touraine, les élus et les habitants ont progressivement admis un projet parfois très traumatisant localement. Des avancées ont d'ailleurs été faites, et je reconnais bien volontiers que M. Bussereau a toujours prêté une oreille attentive à mes suggestions, même si je regrette que tous les aménagements souhaitables, en particulier pour mieux limiter les nuisances acoustiques, n'aient pas été apportés.
Au-delà des aménagements locaux, je regrette également que le Gouvernement ait refusé, à l'occasion du vote du Grenelle 1, de faire évoluer la législation applicable en termes de mesure du bruit, ce qui aurait permis d'imposer des normes de construction plus strictes, donc plus protectrices des riverains. Quoi qu'il en soit, non seulement des habitants vont vivre dans des conditions dégradées, mais des communes vont être pénalisées en termes fiscaux ou économiques. Depuis des années, nous sommes nombreux à demander qu'une compensation soit apportée en faveur du développement local.
On aurait pu imaginer que cela se fasse à travers le soutien de RFF ou, demain, des sociétés concessionnaires à des projets innovants – par exemple en matière de fret ou de renforcement des dessertes TER – mais cela n'a pas été le cas. On en vient donc à une solution plus classique, mais réelle, qui est celle d'une taxe versée par les sociétés concessionnaires aux communes traversées, comme c'est le cas pour les communes dont le territoire est traversé par une autoroute ou une ligne à haute tension. Nous avons donc déposé un amendement en ce sens, qui est rédigé d'une manière peu contraignante, article 40 oblige.
La concertation sur les conditions de mise en place des lignes à grande vitesse que le Grenelle de l'environnement a prévu d'instaurer pourra se saisir de cette question, mais le Gouvernement peut, lui, aller plus loin dès maintenant, en acceptant l'instauration d'une taxe. Les propos que vous avez tenus au Sénat, monsieur le secrétaire d'État, laissaient espérer une inflexion de la politique gouvernementale en la matière, le Gouvernement ayant jusqu'alors opposé une fin de non-recevoir aux demandes que je lui avais présentées.
Nous avons bon espoir que, à l'occasion de cette discussion, vous montriez dès maintenant que le Gouvernement ne se préoccupe pas simplement de transposer une directive d'inspiration très libérale, mais se préoccupe aussi du développement local et territorial et des conditions de vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion générale sur ce projet de loi est l'occasion d'aborder les questions de fond sur ce que doit devenir notre politique de transport, notamment ferroviaire, dans le double contexte de la crise économique et sociale que nous traversons et de la prise de conscience du poids du transport dans la menace qui pèse sur notre planète.
Les grandes orientations définies par le Grenelle 1 – qui fait quasiment consensus – doivent constituer notre ligne de conduite. Prétendre que notre marge de manoeuvre est restreinte par la procédure d'urgence – à laquelle rien ne vous obligeait à recourir, monsieur le secrétaire d'État – et par l'impératif d'harmonisation européenne des politiques de transport, est un double argument qui ne tient pas.
Vous avez déposé ce texte sur le bureau du Sénat le 10 septembre, de l'année 2008, et nous sommes fin septembre 2009 : bel exemple de renforcement du rôle du Parlement par une utilisation abusive de la procédure d'urgence ! Le passage en force de la loi HADOPI paraissait manifestement prioritaire au Gouvernement.
Quant à la Commission européenne, la fameuse mise en demeure qui motive la précipitation de ce projet de loi remonte au mois de juin de l'année dernière, faisant suite aux trois paquets ferroviaires de 2001, 2004 et 2007. En matière d'urgence, le Gouvernement actuel sait, comme on le voit, s'affranchir des contraintes quand il l'estime opportun. Pour ce qui est des Européens – la France et l'Allemagne en tête –, ils savent « suspendre » les exigences européennes telles que l'application du pacte de stabilité. Les politiques dogmatiques de libéralisation à tout crin, après un an de crise, ont démontré leur échec. La mise en concurrence ne règle rien en soi.
Précipitation, procédure inappropriée, prétexte de contraintes européennes, tout cela pour quoi ? Pour défendre le service public de transport ferroviaire qui fait la fierté de notre pays, même aux yeux des Américains ? Sûrement pas ! Pour défendre les cheminots ? Ce n'est pas ce qu'ils disent. Pour défendre la SNCF dont, faut-il le rappeler, l'État est actionnaire à 100 %, et qui est donc une entreprise remarquable placée sous votre autorité et votre responsabilité ? Rien de tel : les Allemands, nous l'avons vu avec M. le rapporteur, nous montrent que leurs gouvernements successifs, même avec les problèmes engendrés par la réunification, ont bien mieux défendu Deutsche Bahn AG dans l'environnement concurrentiel, en lui permettant de maîtriser le réseau, l'énergie, l'infrastructure, le personnel et même les gares, que vous vous apprêtez à brader à une entreprise certes respectable, mais au déficit tant structurel que pharaonique !
Non, si nous sommes réunis cet après-midi pour discuter de ce projet de loi prétendument urgent, c'est à cause de ce qui apparaît comme l'obsession du Président de la République à vouloir démanteler le service public – y compris là où il se montre plus performant que le marché – ; à vouloir remettre en cause les acquis sociaux des cheminots par l'éparpillement juridique de leur entreprise ; à vouloir préparer la privatisation rampante du chemin de fer, fût-ce au détriment de l'usager, voire de sa sécurité, comme ce fut le cas en d'autres temps libéraux en Grande-Bretagne.
Par petits bouts, difficiles à interpréter par l'opinion publique, vous grignotez ce qui a fait la fierté et la solidité de notre pays depuis des décennies, je veux parler du service public à la française. Pour être européen – je le suis autant que vous, comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État –, pour construire l'Europe innovante et protectrice, il ne faut pas brader tout cela. Notre modèle, dont la SNCF est l'un des joyaux, nous devons le vendre aux autres Européens : c'est le service public européen des transports qu'il fallait faire !
L'innovation technologique – avec le TGV dont nous sommes si fiers –, la stratégie d'investissement sur les infrastructures qui nécessite que l'on mobilise des milliards sur le long terme, l'harmonisation des mesures de sécurité, celle des statuts cheminots, qui ne connaissent pas les frontières, la mobilité des Européens dans leur nouvel espace enfin retrouvé, la stratégie de transfert modal en faveur du rail, la contribution de notre continent riche, donc pollueur, à l'effort de protection de la planète, la modification des comportements au détriment de la voiture et du camion et au bénéfice du rail, tant pour les voyageurs que pour le fret, le recours, enfin, aux transports publics plutôt qu'individuels, tout cela, c'est au niveau de l'Europe qu'il faut le concevoir, et vous le savez bien.
La concurrence, répétez-vous à l'envi ! Mais ce n'est pas cela qui va régler les problèmes. Et ne me répondez pas encore que vous le faites parce que le Président de la République l'a promis aux Français ! Il suffit de les interroger : demandent-ils la concurrence partout ? Non, ils veulent des trains qui partent à l'heure, qui soient confortables et qui les transportent dans la sécurité et la sérénité.
Oui, ils veulent moins de camions sur les routes ! Oui, ils veulent être des Européens et des citoyens du monde exemplaires, qui freinent le changement climatique et gaspillent moins d'énergie. En revanche, le profit potentiel des grands groupes concurrents de la SNCF n'est en rien leur fantasme.
Quand vous fermez les gares de fret près de chez eux, quand vous suspendez, par exemple, la ligne Ussel-Montluçon faute d'entretien – je parle en connaissance de cause –, quand vous laissez la deuxième ville d'Auvergne – ma ville, Montluçon –, reliée à la future gare TGV de Bourges par un tortillard circulant sur une voie unique non électrifiée, dont l'entretien fut longtemps délaissé, les Français ne vous comprennent plus.
Vous nous présentez un texte relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, mais sur le fond, que faites-vous ? Vous désorganisez l'existant, vous dérégulez pour laisser la place à une concurrence prétendument libre et non faussée, comme si n'importe quelle entreprise pouvait se payer un TGV.
Le troisième paquet voté par le Parlement européen en 2007 ne doit évidemment pas être transposé comme celui de la libéralisation du transport ferroviaire, mais bien comme celui de l'organisation et de la régulation, pour un service public de qualité à l'échelle de l'Europe. Il me semble, monsieur le secrétaire d'État, que c'est là ce qu'attendent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d'apparence très technique, ce projet de loi ne constitue ni plus moins qu'une nouvelle étape de la libéralisation du transport ferroviaire, dans la mesure où il entérine l'ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs. Or le service public des transports ferroviaires a toujours eu une place à part dans la réalisation d'un espace communautaire. Malheureusement, ce projet de loi ne tient pas compte de cette exception ferroviaire.
La réalisation d'un espace commun de transports ferroviaires européens est, par nature, très compliquée. Elle suppose un temps d'adaptation très long, comprend des contraintes techniques importantes, compte tenu de l'exigence et du coût de l'entretien des infrastructures et du matériel roulant, mais aussi des conditions de travail des personnels, qu'il ne faut pas oublier.
Je regrette donc fortement, avec mes collègues radicaux de gauche, que le texte qui nous est aujourd'hui soumis constitue la simple transposition en droit interne de dispositions introduites dans les années 90. Or, depuis, les objectifs de l'Union européenne ont profondément changé.
La « concurrence pour la concurrence » n'est plus un dogme si immuable. Rien que pour cette raison, ce texte est dépassé et inapproprié non seulement à la réalité européenne d'aujourd'hui, mais aussi à celle de notre pays, si l'on en croit les soudaines déclarations volontaristes et interventionnistes, aux accents keynésiens, de notre Président de la République. Voilà maintenant qu'il s'intéresse à la mesure du bonheur ! On est toutefois loin du bonheur, monsieur le secrétaire d'État, avec le texte que vous nous présentez aujourd'hui, particulièrement pour certaines catégories d'usagers, les grands oubliés de ce texte.
L'Europe s'est désormais engagée dans la bataille de l'environnement, dans la promotion de transports ferroviaires européens de qualité, attractifs pour les usagers et les entreprises, dans la promotion de l'intermodalité, extra et intra-urbaine, dans le rééquilibrage rail-route. Depuis, l'Europe, notamment la France, s'est engagée pour créer des emplois et promouvoir une croissance verte. Or le présent projet de loi ne tient pas compte de ces évolutions, puisqu'il est resté bloqué sur une transposition administrative a minima de l'ouverture à la concurrence, paquet par paquet. Il aurait pu être un texte majeur pour donner un nouvel élan à l'Europe des transports ferroviaires. Hélas, il n'en est rien : ce texte ne connaît que la concurrence !
Par ailleurs, le moins que l'on puisse dire, c'est que nous manquons d'une étude d'impact sérieuse sur les effets attendus de ce projet de loi sur l'ensemble de la politique des transports. Enfin, ce texte est aussi une occasion manquée, sur le plan tant environnemental que social, alors que le Grenelle de l'environnement fait son chemin.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux insister sur l'une des conséquences les plus graves d'un tel projet de loi, et sur la poursuite – la fuite en avant, devrais-je dire ! – de cette logique de libéralisation en matière de transports ferroviaires.
Nous, élus des territoires ruraux, ne le savons que trop : la perte de marchés peu rentables pour les opérateurs historiques va toujours de pair avec une « rationalisation » des plus petites lignes, voire avec leur fermeture. Elle va aussi de pair avec un moindre entretien de ces réseau, ce qui, en soi, constitue une menace pour la sécurité des usagers et des personnels. Une telle logique entraînera la fermeture de toujours plus de gares, la suppression de toujours plus d'arrêts ; en première ligne, toujours plus nombreux seront les territoires ruraux qui se trouveront coupés du monde. Leurs habitants n'auront plus qu'à regarder passer les trains, des trains qui ne s'arrêteront plus, et qu'il faudra aller rejoindre en faisant des heures de route en voiture.
À terme, tous ces facteurs induiront – et induisent déjà – une préférence pour la route, de même qu'ils produisent déjà des zones entièrement enclavées, que ne desservent plus les transports ferroviaires. C'est déjà le cas dans de très nombreuses régions françaises. Dans ces conditions, où est le progrès ? Où est l'aménagement du territoire ? Où est la prise en compte des territoires ruraux ? Pourquoi continuer à donner moins à ceux qui ont déjà moins, et ainsi accroître encore davantage les inégalités territoriales ?
Comment s'étonner ensuite, monsieur le secrétaire d'État, que des populations décident de se battre et de lutter ensemble pour maintenir des arrêts en gare ? C'est par exemple le cas dans le Lot où l'on lutte pour sauver les gares de Gourdon et de Souillac en leur permettant de conserver des arrêts en nombre suffisant, afin que des bassins de vie et d'emplois demeurent attractifs – au mieux – ou, au pire, ne s'enfoncent pas dans la crise…
Vous connaissez bien ce dossier, monsieur le secrétaire d'État : je n'ai cessé, depuis mon élection à l'Assemblée nationale, de vous alerter et de vous interpeller – ainsi que la SNCF, bien entendu – au sujet de ces deux gares. Vous m'avez entendue, monsieur le secrétaire d'État ; vous connaissez l'exaspération de la population lotoise, et vous savez aussi sa détermination, son engagement et sa volonté d'aboutir au rétablissement d'arrêts supplémentaires. Il y va de la qualité du service public.
Pourquoi faire adopter d'un côté des projets de loi comme celui d'aujourd'hui et, de l'autre, affronter le mécontentement et à l'exaspération des usagers et des populations ? Ainsi, sans le combat de l'association « Tous ensemble pour les gares de Gourdon et de Souillac » et le soutien des élus du Lot, les trains de la ligne Paris-Limoges-Toulouse ne s'arrêteraient plus dans les gares lotoises.
Les Lotois ne peuvent pas davantage se résoudre à ce que la gare de Cahors devienne, à terme, une simple gare de TER, avec toutes les conséquences que cela entraînera pour les collectivités territoriales.
Au-delà du caractère d'autant plus technique et complexe de ce projet de loi qu'il s'agit de transposer une directive européenne, la question du transport ferroviaire permet peut-être, plus que toute autre, d'établir un lien clair entre la politique nationale et ses effets ravageurs sur le terrain.
Aussi comprendrez-vous qu'il m'est impossible d'adopter un tel projet de loi, car il va à l'encontre des combats que je mène aux côtés de la population lotoise pour sauver nos gares et, au-delà, nos territoires, notre qualité de vie, notre avenir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
À tous ceux qui brandissent l'argument de la paupérisation ferroviaire de la France, je réponds ceci : au mois de juillet, le Gouvernement a lancé un appel d'offre pour la ligne Tours-Bordeaux qui traversera une partie de votre circonscription au sud de Monts, madame Touraine ; il a poursuivi le projet de ligne à grande vitesse entre Le Mans et Rennes, monsieur Benoit ; le 1er septembre, il a lancé la deuxième partie du TGV-Est ; enfin, il lancera, dans quelques semaines, le contournement de Nîmes et de Montpellier. Si l'on estime encore, dans les rangs de l'opposition, que le Gouvernement ne croit pas au train, dites-moi donc quel gouvernement précédent a agi de la sorte !
Quant à la Normandie, monsieur Paul, je précise que si j'ai retardé ma visite, c'est par courtoisie républicaine, à la demande bien légitime de M. Fabius qui m'a indiqué que les journées parlementaires du Parti socialiste doivent se dérouler le 1er octobre. J'y confirmerai néanmoins ce qu'a indiqué le Président de la République : la création d'une voie nouvelle qui desservira Rouen et Le Havre, pouvant un jour être prolongée vers la Basse-Normandie et disposant d'un tronc commun initial, à la sortie de Paris, qui permettra d'en désenclaver la banlieue ouest jusqu'à Mantes et d'améliorer la circulation vers Rouen et Le Havre.
Mmes Branget et Touraine, ainsi que M. Benoit, ont évoqué les lignes à grande vitesse et leur contribution au développement local. À cet égard je rappelle tout d'abord que si toutes les villes de France se battent pour être raccordées au réseau TGV, c'est parce qu'une ligne nouvelle constitue un formidable accélérateur de développement économique ; l'agglomération tourangelle que vous connaissez bien, madame Touraine, en a profité comme bien d'autres. Une telle ligne, en soi, apporte de la richesse.
Ensuite, le chantier de la ligne Tours-Bordeaux – le plus grand d'Europe ! – occupera 30 000 personnes et aura des retombées économiques considérables sur le terrain. Certes, il faut étudier comment les communes traversées peuvent profiter de ces retombées : M. Benoit m'interrogeait à ce sujet, comme certains orateurs du groupe UMP. À l'heure actuelle, il faut songer à la taxe professionnelle, sur le devenir de laquelle une réflexion est engagée.
La réforme en projet n'a pas encore été soumise à la délibération du conseil des ministres ni, a fortiori, à celle du Parlement. Sans doute les modifications concernant la SNCF pourraient-elles justifier des compensations : naturellement, je comprends bien que les maires de communes traversées par des trains roulant à plus de 300 kilomètres par heure, comme ceux dont la commune est traversée par une ligne à haute tension de RTE, souhaitent bénéficier d'une compensation, même s'ils ont parfois tendance à oublier que la richesse créée lors des travaux est souvent bien répartie. Vous savez cela mieux que quiconque, monsieur Mariton, vous qui avez bénéficié de la construction d'une gare nouvelle et pleine d'allant.
Sa construction n'est pas encore achevée, monsieur le secrétaire d'État ! (Sourires.)
Quid des autres liaisons, ont demandé Mme Orliac et M. Souchet, notamment sur le réseau Corail-Intercités. Ces lignes d'aménagement du territoire sont souvent déficitaires et disposent de matériels anciens. Peut-être faut-il envisager la création d'un fonds de péréquation alimenté par les bénéfices réalisés sur l'exploitation d'autres lignes, y compris à grande vitesse. C'est l'une des pistes auxquelles travaille le Gouvernement ; M. Mercier l'a évoqué récemment dans un entretien paru dans Les Échos. Un tel dispositif de péréquation satisferait le souhait de Mme Coutelle de maintenir un service public de qualité sur l'ensemble du territoire.
J'ajoute à l'attention de l'ensemble des parlementaires – mais la majorité le sait bien, qui a voté les lois de finances nous le permettant – que nous allons investir dans la modernisation de notre réseau à hauteur de 13,5 milliards d'euros environ. Je salue les efforts consentis par les régions – je pense à la région Midi-Pyrénées, par exemple – qui font un remarquable travail de rénovation. L'État, quant à lui, rénovera plus de 1 000 kilomètres de voies par an, contre à peine 450 avant 2004 : c'est une augmentation considérable ! L'effort est donc partagé par l'État, RFF, les régions et même, parfois, les départements. Je préside justement un conseil général qui participe à la rénovation du réseau ferré national sur son territoire, bien que ce ne soit pas dans ses attributions.
J'en viens à l'avenir du fret ferroviaire.
Ainsi que M. Borloo l'a souligné la semaine dernière : il faut accomplir en ce domaine la même révolution que celle qui nous a conduit du Corail au TGV. Songeons aux perspectives que le fret ferroviaire ouvre pour notre pays. Assis sur les bancs du Gouvernement ou sur ceux des députés, nous sommes tous ici des Européens de raison et parfois d'enthousiasme aussi, plus ou moins. Force est de constater que le grand espace européen de vingt-sept pays rend au fret ferroviaire une pertinence économique qu'il avait perdue dans une Europe scindée par le rideau de fer, où il fallait patienter de nombreuses heures avant de passer de l'Ouest à l'Est de l'Allemagne. Tout a bien changé depuis.
Je songe aussi aux États-Unis : il y a trente ans, toutes les compagnies américaines perdaient de l'argent ; aujourd'hui, elles comptent parmi les entreprises les plus profitables à la bourse de New York.
Non : parce qu'elles misent sur la distance. Avec l'ALENA, qui regroupe le Canada, les États-Unis et le Mexique, des trains de fret partent de Vancouver à destination de Mexico. En effet il est clair que le chemin de fer prend toute sa pertinence sur les grandes distances, et non sur des distances de cinquante ou cent kilomètres. Il est le plus pertinent dans la desserte des ports, pour des trafics de masse et sur des distances d'au moins 400 ou 500 kilomètres, même si les liaisons de courte distance ne sont pas à exclure.
Voilà qui justifie notre choix de privilégier les autoroutes ferroviaires, entre Perpignan et Bettembourg par exemple – liaison sur laquelle nous allons augmenter les fréquences – ou encore sur la côte atlantique, mais aussi d'encourager les opérateurs de proximité – M. Paternotte y tient beaucoup.
Je rappelle que, s'il reste du trafic en wagons isolés aux États-Unis et dans le reste de l'Europe, c'est souvent le fait non pas des compagnies nationales qui, y compris en Allemagne, ont cessé ce type de trafic, mais celui des opérateurs de proximité.
J'ai déjà rappelé ici même que 54 % du trafic du port de Hambourg en sortent par le fer, contre moins de 14 % au Havre. Hambourg rassemble en effet une cinquantaine d'opérateurs de proximité qui opèrent des wagons isolés, les « massifient » et les remettent aux grands opérateurs.
Voilà ce que nous souhaitons faire ! Ce n'est pas parce que Proxirail fut un échec, madame Touraine – bien que je le regrette, car tout le monde soutenait ce projet – que nous devons abandonner l'objectif de construire un tel réseau.
À l'inverse, le projet Carex, cher à M. Paternotte, consisterait à charger sur des TGV des conteneurs débarqués d'avion à Roissy pour les distribuer dans les capitales européennes. Cela éviterait à des avions de voler la nuit et de gêner les populations parisiennes ; nous développerons donc ce projet.
Vous le voyez, il ne s'agit pas d'une libéralisation, mais d'une montée en puissance. L'État construit des lignes TGV ; nous cherchons des solutions pour les trains Corail ; les régions développent les TER, et nous développons le fret. Si cela n'est pas croire au système ferroviaire, je ne sais pas ce que le Gouvernement doit inventer pour convaincre qu'il agit de manière positive. Quoi qu'il en soit, les anciennes méthodes ont bien fait la preuve qu'elles ne garantissaient pas le développement.
Il va de soi que tout devra être réalisé avec le souci d'assurer la sécurité. M. Braouezec a eu raison d'insister sur ce point : nous disposons d'un établissement public de sécurité ferroviaire, et les règles sont les mêmes pour les secteurs privé et public. J'ajoute que de nombreux conducteurs des entreprises privées sont d'anciens de la SNCF qui, compte tenu de l'âge relativement bas du départ en retraite des conducteurs, se retrouvent dans une société privée.
Je rappelle en outre que l'un des accidents que nous avons évité concernait un train conduit par un ancien roulant retraité de la SNCF, ex-délégué de la CGT.
C'est pourtant l'incident qui a été montré le plus, pour laisser croire que l'insécurité régnait au sein des entreprises privées. Je préfèrerais donc que l'on se garde d'insister sur ce point.
M. Pérat a évoqué la sécurité des vols en reprenant tous les points de l'article 24. J'y reviendrai lors de la discussion d'amendements, de même, monsieur Paternotte, que nous reviendrons sur le passage à 100 % du taux d'indemnisation.
Enfin, s'agissant de la route, je remercie M. Souchet d'avoir rappelé que nous nous sommes battus en faveur d'un « paquet routier » modifié par anticipation, comprenant de bonnes garanties de sauvegarde, même si nous aurions préféré que l'Europe nous autorise à bloquer temporairement l'entrée des sept nouveaux pays dans le dispositif de cabotage.
En somme, ce projet ne changera pas le monde, mais il nous permettra de mettre les règles européennes en application et de respecter des engagements concrets du Grenelle de l'environnement. Mon père, ma mère et mon grand-père travaillaient à la SNCF. C'est donc une entreprise à laquelle je suis profondément attaché. En d'autres temps, plutôt que d'entendre le discours de notre excellent collègue M. Gayssot, qui nous annonçait un doublement, voire un triplement du trafic, j'aurais voulu voir les gouvernements précédents consentir les mêmes efforts sur le terrain que ceux que nous accomplissons aujourd'hui pour développer le transport ferroviaire. Nous n'en serions pas alors à rectifier le tir de la sorte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.
La parole est à M. Daniel Paul, pour défendre l'amendement n° 70.
Voilà dix-huit ans que l'Union européenne a adopté la directive n° 91440, dont j'ai rappelé tout à l'heure qu'elle fut la première à prôner la libéralisation et la mise en concurrence en vue de favoriser le développement du secteur des transports à l'échelle européenne. De mon côté de l'hémicycle, nombreux sont ceux qui ont appelé à l'établissement d'un bilan objectif de cette politique.
Aujourd'hui, à l'exception de quelques pays, on constate que la part du transport ferroviaire a décru partout en Europe. Le fret a même atteint un niveau historiquement bas. Les premiers résultats de l'année, qui révèlent un net recul par rapport à la même période de l'an dernier, ont été évoqués : le fret SNCF a diminué de 30 %, celui de l'EPIC de 35 % ; le chiffre d'affaires atteint à peine 26 % pour la branche et 29 % pour l'EPIC. Les statistiques du trafic en wagons isolés, qui constitue les trois quarts du déficit de la SNCF, ont été largement commentées et utilisées comme arguments pour accentuer la libéralisation.
Pourtant, cette politique a montré ses limites. Par rapport à ses voisins, notre pays sous-utilise le réseau ferré dans une proportion estimée entre 15 et 20 %. C'est ce que disent tant le rapport de notre collègue Yanick Paternotte que l'audit sur l'état du réseau ferré national commis par l'École polytechnique fédérale de Lausannne. Les infrastructures sont dans l'état que nous savons.
Pourquoi, au contraire, ne pas déduire de ce constat que le développement du fret ferroviaire ne peut être que le fruit, comme nous sommes plusieurs à l'avoir dit cet après-midi, de choix politiques clairs et assumés, respectant les objectifs du développement durable ? En commission de suivi sur les questions ferroviaires, Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, s'était déclaré favorable à la production d'un rapport sur les effets de l'ouverture du fret à la concurrence. Tel est le sens de cet amendement.
Comme nous l'avons dit dans la discussion générale, nous avons, avec le président de la commission, garanti qu'une étude d'impact serait menée dans le cadre du comité de suivi du fret ferroviaire. Cela nous semble être intéressant pour les députés de toutes sensibilités.
L'ouverture à la concurrence a souvent été évoquée comme étant le mal absolu. J'ai cité, dans le rapport que j'ai rendu sur le fret ferroviaire, une déclaration logique de Didier Le Reste, le 14 janvier dernier, disant qu'il y avait une part de responsabilité relevant de la gestion interne de la société dans l'évolution. Il rappelait également qu'en 2000, nous étions à 56 milliards de tonnes-kilomètres, soit 20 % de parts pour le fret ferré. Ce n'est donc pas au moment de l'ouverture à la concurrence du 31 mars ou du 1er avril, selon les organisateurs ou la police. (Sourires.) En 2003, nous étions à 47 milliards de tonnes-kilomètres, soit moins de 15 % de parts. Patrick Braouezec a lui-même cité ce chiffre lors de la discussion générale. Enfin, en 2008, nous étions à 35 milliards de tonnes-kilomètres, soit 12 %. Il faut donc, à l'évidence, faire une évaluation objective sur une longue période.
Ayant écouté avec attention les différentes interventions, je tiens à rappelé que, en matière de fret, les logisticiens disent que nous ne sommes pas là pour opposer chemin de fer et camions. Nous sommes aujourd'hui dans le cadre d'une économie multimodale où tous les modes doivent être utilisés. Même si l'on peut le regretter, le camion est sans doute plus pertinent sur de courtes distances, de moins de 200 kilomètres. Le chemin de fer n'a une réalité économique, sociale et environnementale qu'au-delà de 200 kilomètres.
En revanche, il faut faire preuve d'imagination et changer le mode de transport. M. le secrétaire d'État a parlé d'un plan ambitieux : il ne s'agit pas d'un nouveau plan, comme je l'ai entendu dire lors de la discussion générale, mais d'une rupture dans le comportement et dans l'action. Il faut un peu plus d'imagination et j'aurai l'occasion, au cours du débat, de donner quelques pistes.
Quoi qu'il en soit, la commission est défavorable à votre amendement, monsieur Paul.
Également défavorable.
Je veux faire pièce au mensonge qui consiste à affirmer que les pays ayant ouvert leur système à la concurrence ont vu leur trafic diminuer.
Ces dernières années, le réseau britannique a gagné des parts de fret par rapport à la route. En Espagne aussi, qui n'était pas le meilleur exemple – bien qu'elle ait un réseau TGV remarquable –, ont été gagnées des parts de fret. Par conséquent, les pays qui ont modernisé et ouvert leur système, comme l'Allemagne, et qui ont su se doter de bons instruments de travail, ont gagné des parts de fret. La seule qui n'en ait pas gagné est, malheureusement, la SNCF. D'où la nécessité d'un engagement national sur le fret et l'obligation pour la SNCF de bouger.
Ces dernières années, la France était, malheureusement, le mauvais élève, mais, avec le Grenelle de l'environnement, nous voulons jouer à nouveau dans la cour des grands pour le report modal.
(L'amendement n° 70 n'est pas adopté.)
Je regrette que le nouveau règlement de l'Assemblée ne nous permette pas de répondre davantage.
L'amendement n° 92, avec la possibilité d'insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les directives européennes existantes et futures est dans la logique de l'amendement précédent. Il tend à faire primer l'intérêt général. Le contexte économique actuel, très préoccupant, traduit l'échec du modèle libéral et de la régulation du marché par la concurrence. Il faut en tenir compte.
Comme je l'ai souligné cet après-midi, si le bilan contradictoire que vous affirmez être nécessaire confirme nos craintes et nos analyses, êtes-vous prêt, monsieur le secrétaire d'État, à remettre en cause l'orientation libérale que vous pratiquez depuis plusieurs années ?
(L'amendement n° 92, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un amendement important.
Avec l'arrivée des opérateurs privés, la tentation peut être grande d'abaisser les normes sociales et de modifier les règles de fonctionnement dès lors que l'opérateur change, voire si l'opérateur précédent est confirmé, mais dans des conditions différentes.
J'ai sous les yeux le règlement européen du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route dont l'alinéa 16 indique : « Lorsque la conclusion d'un contrat de service public peut entraîner un changement d'opérateur de service public, les autorités compétentes devraient avoir la possibilité de demander à l'opérateur de service public choisi d'appliquer les dispositions de la directive 200123CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements. Ladite directive n'interdit pas aux États membres de maintenir les droits des travailleurs en cas de transfert autres que ceux couverts par la directive 200123CE, et de tenir compte, le cas échéant, des normes sociales établies par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales, les conventions collectives ou autres accords conclus entre partenaires sociaux.
L'alinéa 17 précise : « En vertu du principe de subsidiarité, les autorités compétentes peuvent établir des critères sociaux et qualitatifs afin de maintenir et d'élever les normes de qualité pour les obligations de service public, par exemple en ce qui concerne les conditions de travail minimales, les droits des voyageurs, les besoins des personnes à mobilité réduite ou la protection de l'environnement, la sécurité des passagers et des travailleurs ainsi que les obligations de conventions collectives et autres règles et accords concernant le lieu de travail et la protection sociale sur le lieu où le service est fourni. Afin de garantir des conditions de concurrence transparentes et comparables entre les opérateurs et de conjurer le risque de dumping social, les autorités compétentes devraient pouvoir imposer le respect de normes spécifiques sur le plan social et de la qualité du service. »
Vous m'avez conduit, monsieur le secrétaire d'État, à citer le règlement européen. Une fois n'est pas coutume, mais c'est pour la bonne cause ! (Sourires.) Je ne doute pas que vous pousserez à l'adoption de cet amendement.
(L'amendement n° 117, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement prévoit que six mois au plus tard après l'adoption de la loi, le Gouvernement remettra au Parlement une évaluation de la libéralisation du fret ferroviaire afin d'en mesurer les conséquences en termes de report modal.
Nous avions demandé cette évaluation avant que le projet de loi ne soit présenté. Malheureusement, elle n'a pas été faite. Nous pourrons peut-être voir, dans six mois, si les opérateurs ferroviaires se sont manifestés, le trafic qu'ils auront pu mettre en oeuvre et mesurer ainsi les premières tendances de la mise en oeuvre de la loi.
Défavorable.
J'ai déjà donné mes arguments sur des amendements de même nature, défendus par Daniel Paul. Nous avons tous ici la volonté, à travers le comité de suivi ferroviaire que Christian Jacob va relancer, de procéder à une évaluation et à un suivi. Tous les groupes y participent, ce qui me semble garantir l'objectivité des conclusions.
Défavorable.
Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, vous avez fait état de résultats sur le fret en Espagne, en Allemagne et dans d'autres pays. Pour ma part, je lis sur le site du Sénat, qui est parfois bien informé, à propos des premiers résultats de la libéralisation dans le fret, la phrase suivante : « Les États membres n'ont pas toujours été très rigoureux pour transposer les paquets ferroviaires. Le délai limite de la transposition était fixé au 15 mars 2003. » En juin 2008, la Commission a adressé des lettres à vingt-quatre États membres sur les vingt-sept pour non transposition ou transposition incorrecte correcte du premier paquet ferroviaire.
Il ne semble pas que ce soit la transposition du paquet ferroviaire qui ait pu donner ces bons résultats – si bons résultats il y a ? – en Espagne, en Allemagne ou ailleurs.
(L'amendement n° 24 n'est pas adopté.)
Cet amendement reprend à peu près les mêmes dispositions que le précédent, mais il vise, cette fois, à ce que l'on puisse mesurer les conséquences de la loi sur les résultats économiques des entreprises du secteur et l'impact en matière sociale.
Selon M. Paternotte il y aura, dans le cadre du comité de suivi, une étude d'impact et je ne mets pas en doute ses engagements. En effet, je le reconnais volontiers, un travail remarquable a été accompli dans le cadre du comité de suivi. Néanmoins qui peut le plus peut le moins, et je m'étonne que, souhaitant une étude d'impact et donnant satisfaction à nos demandes, monsieur le rapporteur, vous n'acceptiez pas ces amendements.
(L'amendement n° 25, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma