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Intervention de Jean-Luc Pérat

Réunion du 21 septembre 2009 à 15h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Pérat :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés, et portant diverses dispositions relatives aux transports.

Mon intervention portera plus particulièrement sur deux dispositions de l'article 24 du projet de loi, adopté par notre commission. L'une concerne l'atteinte au droit de grève des personnels navigants, l'autre traite des modalités de décompte d'activité de ces mêmes personnels.

Auparavant, je veux évoquer l'article 24 bis consacré à la représentativité syndicale des personnels navigants techniques.

La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a modifié le cadre des relations professionnelles en leur donnant une véritable assise électorale, fondée sur les suffrages exprimés lors des élections des représentants du personnel. On peut être satisfait par ces modalités de la représentativité mais aussi par la création, dans le projet de loi, d'un collège électoral spécifique pour le personnel navigant technique.

Les syndicats représentatifs doivent satisfaire à des critères de représentativité en matière de respect des valeurs républicaines, d'indépendance, de transparence financière, d'ancienneté – au moins deux ans dans le champ géographique et professionnel de l'entreprise –, d'audience, d'influence caractérisée par l'activité et l'expérience – ce point aura toute son importance quand je traiterai de la place de la commission d'hygiène et des conditions de travail –, d'effectif des adhérents et de cotisations.

Les dispositions de l'article 24 bis, introduit dans le projet de loi par la commission, prévoient, à notre grande satisfaction, de transposer dans le code de l'aviation civile, pour le personnel navigant technique, des dispositions du code du travail applicable aux cadres. Le niveau élevé de responsabilité de ces personnels, ainsi que la capacité de jugement, d'analyse et d'initiative liée à cette fonction majeure et décisive imposent qu'ils bénéficient d'une représentativité propre ; nous pouvons nous en réjouir. L'amendement adopté par la commission a ainsi permis de rédiger un nouvel article qui convient tant aux pilotes de ligne et aux organisations syndicales qu'aux entreprises concernées.

Je veux maintenant interpeller M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur au sujet de l'article 24 du projet de loi.

Dans la rédaction adoptée par la commission, le deuxième alinéa de cet article précise que « le personnel navigant est tenu, sauf cas de force majeure ou impossibilité médicale, d'assurer son service programmé entre deux passages à l'une des bases d'affectation du personnel navigant de l'entreprise. » Certes, la commission a modifié le texte adopté par le Sénat. Cependant cette rédaction vise encore à restreindre le droit de grève des personnels navigants en créant une obligation de service entre deux passages à l'une de ses bases d'affection. On ne peut ni comprendre ni accepter qu'une disposition aussi grave, réglementant le droit de grève, puisse être présentée à la demande de la compagnie Air France, sans qu'aucune concertation préalable n'ait eu lieu entre tous les partenaires sociaux concernés.

Par ailleurs, alors que cette mesure ne peut se justifier par l'existence d'un service public dont il faudrait assurer la continuité, cette remise en cause du droit de grève pour une catégorie de personnel pose un problème de constitutionnalité. La suppression pure et simple de cette disposition nous paraît dès lors incontournable et logique.

En effet, sous couvert de permettre l'organisation du transport public aérien, cet alinéa a pour seule finalité la limitation du droit de grève. Le dispositif visé interdit l'exercice de ce droit lorsque l'avion fait escale sur un site qui n'est pas la base d'affectation du personnel navigant de l'entreprise. Par exemple, s'il est basé à Nantes, le personnel navigant d'une compagnie régionale, ne pourra pas exercer son droit de grève lors d'une escale à Marseille, si cette ville n'est pas une base d'affectation de la compagnie. Il devra, pour ce faire, attendre de rejoindre une base d'affectation. Le droit de grève ne peut être ainsi encadré sans discussion et sans concertation avec les organisations syndicales au détour d'un amendement déposé fortuitement au Sénat et modifié en commission à l'Assemblée.

Par ailleurs, selon le troisième alinéa de l'article 24, « pour les salariés mentionnés au premier alinéa du I – il s'agit toujours du personnel navigant –, il est admis, dans les conditions d'exploitation des entreprises de transport et de travail aériens, qu'à la durée légale du travail effectif, telle que définie au premier alinéa de l'article L. 3121-10 du code du travail, correspond un temps de travail exprimé en heures de vol d'une durée déterminée par décret en Conseil d'État par mois, trimestre ou année civils. Par exception à l'article L. 3121-22 du même code, les heures supplémentaires de vol donnent lieu à une majoration de 25 % portant sur les éléments de rémunération, à l'exclusion des remboursements de frais. »

Les modalités de décompte d'activité du personnel navigant étant, à ce jour, fixées par un texte réglementaire, nous comprenons l'objectif qu'affiche le Gouvernement en voulant transposer ces dispositions en normes législatives aux seules fins d'assurer la stabilité juridique du dispositif. Malheureusement, nous sommes dans l'obligation de dénoncer le fait qu'il ne s'agit pas d'une modification à droit constant, mais d'une remise en cause des mécanismes de décompte d'activité, qui rend possible, notamment, l'annualisation du temps de travail.

De plus, une telle rédaction créerait une exception à l'article L. 3121-22 pour les seuls personnels navigants. L'exclusion du bénéfice des dispositions législatives en matière de majoration des heures supplémentaires générerait une rupture d'égalité entre les salariés, ce qui poserait, encore une fois, une question de la constitutionnalité.

Nous demandons, en conséquence, que l'ensemble de l'activité du personnel navigant – activités au sol, formations, visites médicales, temps passé en simulateur – soit pris en compte par un équivalent en heures de vol, et que les dispositions de majoration des heures supplémentaires prévues par le code du travail soient applicables après adaptation par décret en Conseil d'État.

L'activité du personnel navigant a beaucoup évolué ces dernières années et elle évolue toujours. Si le vol continue d'y occuper une place prépondérante, force est néanmoins de constater que les activités au sol – préparation des vols, formation, visites médicales spécifiques, simulateurs et réserves – se multiplient, au nom, notamment, de la sécurité des vols. Dès lors, si la nécessité d'une correspondance, affirmée par la loi afin de rendre plus lisible l'articulation entre le code du travail et celui de l'aviation civile, n'est pas constatée, il est essentiel, pour le personnel navigant, qu'à l'article L. 3121-10 du code du travail corresponde un article du code de l'aviation civile qui prenne en compte l'ensemble des activités du personnel navigant sans les limiter strictement au vol.

En conclusion, je reviens quelques instants sur la sécurité et sur l'implication des personnels navigants dans la gestion de celle-ci. Certes, les accidents liés au trafic aérien demeurent nettement moins nombreux que pour les autres types de transport, notamment routiers. Pour que cette situation perdure, il faut maintenir l'obligation, pour les différentes compagnies aériennes, de réserver une place prépondérante à la commission d'hygiène et des conditions de travail, qui représente les personnels exerçant à bord, dont l'analyse, les observations, les suggestions ou l'opposition vont toujours dans le sens de la sécurité des passagers et des personnels. Nous devons rester vigilants et intransigeants face au lobbying de certaines compagnies et de leur direction, qui souhaiteraient minimiser le rôle et la fonction de cette commission. Sur ce point, notre responsabilité est engagée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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