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Intervention de Maxime Bono

Réunion du 21 septembre 2009 à 15h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaxime Bono :

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, la motion de renvoi en commission que je défends aujourd'hui devant vous n'est pas un simple acte de procédure, un moment convenu de notre travail parlementaire.

Elle se justifie, bien sûr, par le contenu à parfaire du texte qui nous est présenté. Elle se justifie plus encore par le contexte économique et idéologique qui entourait la directive de 1991 – la directive 91440 –, à la source du texte que vous soumettez à notre appréciation. Le contexte était alors bien différent de celui que nous connaissons actuellement.

Car mes chers collègues, de quoi s'agit-il ?

Ce texte vise, pour l'essentiel, à transposer en droit interne plusieurs dispositions européennes afin d'accompagner, en premier lieu, l'ouverture à la concurrence des services internationaux de voyageurs à compter du 13 décembre 2009. Il tend également à créer les conditions de développement des opérateurs ferroviaires de proximité, et à instituer une autorité indépendante chargée de la régulation. Il inclut enfin diverses dispositions, dont certaines relatives au transport aérien : notre collègue Jean-Luc Pérat les évoquera lors de la discussion générale. Pour ma part, je limiterai mon propos à l'analyse des dispositions relatives au transport ferroviaire.

Le projet de loi, nous dira-t-on, est une simple transposition technique, peut-être même a minima, de directives adoptées dans le cadre des différents « paquets ferroviaires » ; mais c'est bien là, précisément, que le bât blesse. Il s'agit en effet de transposer des directives idéologiquement datées, profondément marquées du sceau de la dérégulation systématique des moyens de transport, laquelle était en vogue dans le courant des années quatre-vingt-dix.

Qu'on ne s'y trompe pas : le texte de base que constitue la directive 91440 a pu avoir des effets positifs, voire très positifs. Les progrès de l'interopérabilité, par exemple, sont certainement à mettre à son crédit, au moins en partie. Le titre même de ce texte qui prétend traiter de la « régulation des transports ferroviaires » aurait pu laisser penser que le balancier était allé trop loin, que l'on allait procéder à une lecture nouvelle de l'architecture mise en place ; il pouvait laisser croire à une ambition de revisiter la loi du 13 février 1997. Hélas, il n'en est rien ! Malgré ce titre rassurant, les dispositions proposées, loin d'être parées des vertus de la régulation, auraient sans doute été qualifiées naguère de dérégulatrices. En effet, comme la directive qu'il est chargé de transcrire, ce texte reste marqué par la croyance que seule l'ouverture à la concurrence est de nature à développer le transport ferroviaire, croyance que vous me permettrez de ne pas partager.

Mes chers collègues, force est de constater que, depuis le début des années quatre-vingt-dix, bien des choses ont changé. Tout d'abord, personne ne peut nier l'extraordinaire essor du transport de voyageurs par voie ferrée, tant sur les grandes lignes et les lignes internationales que sur les lignes régionales. Personne non plus ne peut nier que la concurrence n'y est pour rien.

En matière de transports internationaux, la voie de la coopération entre les opérateurs a parfaitement fonctionné ; elle a fait ses preuves, produit des résultats, et, en particulier, atteint une qualité de service que nul ne conteste. Faut-il donc à tout prix lui préférer l'ouverture à la concurrence, alors que nous tous, dans cette enceinte, connaissons la brutalité que celle-ci entraîne parfois ? L'Eurostar entre Paris et Londres ou Londres et Bruxelles donne entière satisfaction ; le Thalys entre Paris, Bruxelles, Amsterdam et Cologne également ; Alleo et Lyria sont aussi des exemples de coopération réussie, qui prouvent à l'envi que la concurrence n'est pas, loin s'en faut, la seule façon de développer les échanges internationaux.

L'exemple de l'accroissement fabuleux des transports régionaux plaide aussi en ce sens. Dotés de matériels neufs, confortables et performants, dans lesquels les régions ont d'ailleurs investi massivement, les TER connaissent un succès considérable. En région Poitou-Charentes, la fréquentation a ainsi bondi de plus de 50 %, pour atteindre à ce jour plus de 7 000 voyageurs journaliers et 13 000 utilisateurs réguliers. Il est vrai aussi que l'offre a considérablement augmenté ; et je vous laisse imaginer les sommes que la région Poitou-Charentes, comme désormais bien d'autres régions de France, consacre à ce réseau, bien au-delà des moyens qui lui ont été transférés à cette fin.

L'exemple des TER est des plus éloquents ; il prouve sans conteste que, en matière ferroviaire, la condition du succès n'est pas la libéralisation tous azimuts ni l'ouverture forcenée à la concurrence, mais, bien an contraire, une implication forte des pouvoirs publics. Néanmoins ce n'est pas, à l'évidence, le choix que vous nous proposez. Au contraire, et j'y reviendrai, le texte vise à désengager les pouvoirs publics des efforts de modernisation du réseau et des matériels en tentant d'associer des partenaires privés ; or on peut craindre fortement que ces derniers n'aient eux-mêmes d'autre choix que de solliciter des collectivités locales déjà exsangues, alors que la réforme du financement de ces dernières prévoit de trancher le lien fiscal qui les unit aux acteurs économiques de leur territoire.

Quelle sera, dans ces conditions, la plus-value pour l'usager de l'ouverture à la concurrence des lignes internationales ? Certes, l'offre s'en trouvera augmentée. Mais sera-t-elle pour autant améliorée ? Plus exactement, il est plus que probable que cette augmentation de l'offre ne se traduira pas par une augmentation équivalente et immédiate du transfert des flux routiers vers le rail. Dès lors, il y a fort à parier que les parts de marché acquises par les nouveaux opérateurs ne se feront qu'au seul détriment de la SNCF.

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