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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 21 septembre 2009 à 15h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte dont nous débattons aujourd'hui s'inscrit dans le cadre désormais bien connu d'une transposition en droit interne de dispositions communautaires. En l'espèce, cette transposition a tardé. Le moins que l'on puisse dire, en effet, c'est que les gouvernements successifs ne se sont pas précipités pour la réaliser. Or il eût été judicieux de profiter de ce retard pour prendre en compte les travaux du Grenelle de l'environnement, c'est-à-dire le processus qui l'a accompagné et les engagements qui ont été pris par le Gouvernement en faveur du rail, engagements qui, même s'ils sont assez vagues – notamment en matière de fret –, ont été inscrits dans la loi.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas écarter d'un revers de main les débats qui ont cours dans notre pays sur le développement local et les moyens donnés aux collectivités territoriales pour assumer celui-ci. Or, manifestement, le projet de loi est, dans ce domaine, très en deçà des ambitions affichées par le Grenelle, de sorte qu'il est réduit à la transposition mécanique des normes européennes, à un pur exercice d'ouverture à la concurrence. Comme si le Grenelle n'avait pas eu lieu, comme si nous n'avions pas connaissance des expériences de libéralisation menées dans les pays voisins, que ce soit en Allemagne, au Royaume-Uni, ou en Espagne.

En effet, pour le transport ferroviaire comme pour l'énergie – sujet sur lequel nous devrons poursuivre notre réflexion –, on s'aperçoit que, contrairement à ce que certains s'imaginaient et à ce que prétendaient les tenants des théories économiques en vogue, la concurrence ne profite ni au consommateur ni à un développement propre et durable, puisque les prix ne baissent pas et que, notamment au Royaume-Uni et en Espagne, l'hégémonie du transport routier n'a pas été réduite au profit du fret ferroviaire. Au reste, la Commission européenne le reconnaît elle-même dans les rapports qu'elle a consacrés à ce sujet. Vous aviez la possibilité de vous inscrire dans un cadre résolument novateur et volontariste en matière d'environnement ; vous ne l'avez pas fait. J'en prends deux exemples : le sort réservé au fret et les conditions de mise en place des lignes à grande vitesse.

Il y a quelques jours, le Gouvernement a annoncé un nouveau plan en faveur du fret. Pourtant, votre projet de loi est muet, ou presque, sur la manière dont vous entendez porter la part du fret à 25 % en 2012, conformément aux orientations du Grenelle, engagement au demeurant extrêmement vague et sans portée véritablement contraignante. Au reste, on s'aperçoit que, cette année, la part du fret ferroviaire a encore diminué de 30 % par rapport à l'année dernière. Dès lors, force est de constater que l'objectif inscrit dans le Grenelle sera très difficile à atteindre en 2012.

La situation est bien connue. Porté par une réglementation moins contraignante et, jusqu'à une période récente, par une faible sensibilité au caractère durable de l'activité économique, le transport routier a taillé des croupières au fret ferroviaire. Personne ne nie qu'il faut réagir et mettre en oeuvre une politique forte destinée à sauver ce dernier, mais la restructuration que vous proposez avec le SNCF s'appuie sur des principes éminemment contestables : diminution drastique du trafic organisé en wagon isolé et encouragement d'opérateurs ferroviaires de proximité, lesquels devraient être des opérateurs privés.

Depuis un certain nombre d'années, les plans se succèdent, mais tous actent la fermeture des 262 gares dans lesquelles était assurée l'activité de wagons de marchandises isolés et tiennent pour acquise la suppression de 70 % de cette activité. Depuis le temps que la SNCF a entrepris cette démarche, on aurait dû en voir les premiers effets. Or, ainsi que je l'ai indiqué, la part du fret ferroviaire ne cesse de diminuer.

Je laisserai de côté, même si ce n'est pas anecdotique, l'impact accablant de cette politique sur l'emploi, qui, de plus, est en pleine crise économique. Je ne m'étendrai pas davantage sur la politique d'aménagement du territoire qui sous-tend cette démarche, selon laquelle l'activité économique de notre pays doit être recentrée sur quelques axes. Cependant comment pouvez-vous justifier de tels choix après le Grenelle ? En effet, très concrètement, des milliers de camions – on parle d'un million pour la France entière – vont devoir prendre le relais. Dans un département comme le mien, celui de l'Indre-et-Loire, directement concerné par la fermeture de la gare de triage de Saint-Pierre-des-Corps, on a évalué à 20 000 par an le nombre de camions supplémentaires qui vont être nécessaires. Ce n'est pas rien !

Sans même évoquer les conséquences d'un tel choix pour la sécurité routière, comment expliquer aux Tourangeaux, et, plus largement, aux Français, l'augmentation des nuisances environnementales directes dont ils vont pâtir ? La SNCF elle-même reconnaît que la fin du wagon isolé va se traduire par l'augmentation du transport routier, de manière transitoire, nous dit-elle, tablant sur une période de trente mois, ce qui me laisse dubitative.

Je ne suis pas davantage convaincue par la martingale que le Gouvernement pense avoir trouvée avec les fameux opérateurs de proximité

Nous avons vécu, dans notre région, la tentative avortée de mise en place de Proxirail, et personne ne voit pourquoi des opérateurs privés se précipiteraient pour reprendre une activité dont l'État et la SNCF disent haut et fort qu'elle n'est pas rentable. Les opérateurs privés agissant en fonction d'une certaine rationalité économique, on voit bien la logique d'un système consistant à faire reposer sur les collectivités territoriales – conseils généraux et régionaux – la responsabilité de ces opérateurs : il va, en fait, leur être demandé de payer pour que des opérateurs privés puissent prendre le relais de la SNCF. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Je trouve assez préoccupant de vous voir mettre en place une politique consistant à ouvrir à la concurrence ce qui est rentable et à renvoyer aux conseils généraux et régionaux ce qui ne l'est pas.

Cela m'amène aux LGV, tout particulièrement à la ligne à grande vitesse Sud-Est-Atlantique.

Là encore, l'État a demandé le concours des collectivités territoriales pour un projet transnational.

À cet égard j'insiste sur la nécessité de mettre en place un dispositif de compensation en faveur des territoires traversés, qui en subiront les conséquences environnementales, mais aussi fiscales et économiques, sans rien y gagner directement. L'intérêt européen de cette ligne a été bien compris de tous et, si je prends l'exemple de la Touraine, les élus et les habitants ont progressivement admis un projet parfois très traumatisant localement. Des avancées ont d'ailleurs été faites, et je reconnais bien volontiers que M. Bussereau a toujours prêté une oreille attentive à mes suggestions, même si je regrette que tous les aménagements souhaitables, en particulier pour mieux limiter les nuisances acoustiques, n'aient pas été apportés.

Au-delà des aménagements locaux, je regrette également que le Gouvernement ait refusé, à l'occasion du vote du Grenelle 1, de faire évoluer la législation applicable en termes de mesure du bruit, ce qui aurait permis d'imposer des normes de construction plus strictes, donc plus protectrices des riverains. Quoi qu'il en soit, non seulement des habitants vont vivre dans des conditions dégradées, mais des communes vont être pénalisées en termes fiscaux ou économiques. Depuis des années, nous sommes nombreux à demander qu'une compensation soit apportée en faveur du développement local.

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