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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 21 septembre 2009 à 15h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

… pour lever toute suspicion sur l'objectif que vous vous êtes fixé.

Les usagers ont besoin que soit constitué un pôle de service public de transport régional, associant RATP, SNCF et RFF, qui seraient partenaires d'un STIF renforcé, doté de moyens et de ressources, et élargi à des représentants des usagers et des salariés : tout le contraire de ce qui est prévu aujourd'hui.

Pourtant, l'exemple de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire en 2006 devrait nous amener à adopter un dispositif différent de celui qui est proposé. En effet, il en est résulté un désastre pour l'environnement, avec une diminution de la part du rail dans le transport de marchandises, alors que les impératifs environnementaux, sur lesquels vous dissertez sans limites, devraient, au contraire, conduire à un transfert massif de la route vers le rail.

Ainsi, la conséquence directe du plan Fret, c'est plus d'un million de camions supplémentaires sur les routes. Cette privatisation rampante a aussi provoqué la suppression de milliers d'emplois, la fermeture de 262 gares où était assurée l'activité de transport par wagon isolé, et la suppression des dessertes jugées trop peu rentables. Rien qu'en 2009, la SNCF devrait supprimer 2 600 postes, parmi lesquels pas moins de 1 400 pour le seul secteur du fret.

Alors que, dans les pays engagés dans ce processus, les résultats sont catastrophiques, tant sur le plan de la qualité et de la sécurité que sur celui de l'emploi et de l'environnement, vous persistez à vouloir nous précipiter dans cet abîme, sans tenir compte de la réalité.

Je reviens à l'Île-de-France où ces derniers critères prennent un caractère particulier. La saturation routière atteint en effet ses limites, en grande partie en raison du choix du « tout routier » pour le transport des marchandises. Dans cette région, comme au niveau national d'ailleurs, il n'y a pas un seul jour où un accident ou un incident lié à un camion ne provoque des perturbations particulièrement dures pour les Franciliens qui, par manque de transports publics ou en raison de leur inefficacité, ce qui est un autre problème, utilisent quotidiennement un véhicule personnel dans leur déplacement de leur lieu d'habitation vers leur lieu de travail. Pour cette raison, entre autres, la question du fret concerne aussi tous les citoyens.

Il est donc indispensable de relancer une véritable stratégie du ferroutage, tant nationale que régionale. Il est évident qu'une telle politique nécessite des investissements et la prise en compte des coûts de fonctionnement découlant de ces investissements, qui, au niveau national, supposent une intervention spécifique de l'État.

Ce choix est inévitable si l'on veut renverser la vapeur, d'autant que le premier bilan que l'on peut tirer de l'ouverture à la concurrence, si chère aux tenants des privatisations et du libéralisme, n'a pas été synonyme de développement ou de nouveau dynamisme, puisque la part du fret ferroviaire dans le marché des transports des marchandises est passée de 14,84 % en 2003 à 11,41 % en 2008.

Seule la constitution de pôles publics peut apporter les bonnes réponses à la fois sociales, économiques et environnementales à la question du transport des marchandises. Néanmoins, force est de constater que ce n'est pas le chemin qui a été pris, et que ce n'est pas non plus ce qui se profile dans vos projets.

Les représentants syndicaux ont dressé un bilan négatif du démantèlement de la SNCF et de la multiplication de ses filiales dont la politique est surtout fondée sur des critères de flexibilité, de polyvalence ou de précarité des personnels. Cette politique a déjà eu pour conséquence la suppression de milliers d'emplois.

Aujourd'hui, il est nécessaire et urgent de faire du fret ferroviaire un axe central du transport des marchandises. Il faut donc lui reconnaître un caractère d'intérêt général, porté et financé par l'État, et lui consacrer des investissements à la mesure de ceux consentis pour les TGV ou la régionalisation pour les activités voyageurs SNCF.

Nul doute qu'à partir de ce principe de base il faudra aller plus loin dans la réflexion, tant il est vrai que le transport de marchandises est un ensemble complexe logistique, de l'expéditeur au réceptionnaire. Le ferroviaire est un des éléments d'un maillage intelligent, un segment incontournable des transports de marchandises.

Les entreprises publiques de transports ne doivent pas être sacrifiées sur l'autel de la concurrence. Si elles ne remplissent pas toujours les services que les usagers sont en droit d'attendre, c'est principalement parce qu'elles ne disposent plus des moyens suffisants du fait des politiques que vous avez menées et que vous menez toujours. Or la mise en concurrence va fragiliser encore un peu plus leur situation en instaurant une néfaste course aux profits, au détriment de la qualité du service, de la sécurité et de l'environnement.

Ce n'est pas la mise en place d'une autorité de régulation qui y changera quelque chose. Sur ce point aussi, les exemples étrangers sont édifiants. La multiplication des autorités dites « indépendantes », dotées de pouvoirs exorbitants de plus en plus nombreux, conduit à un abandon de la responsabilité politique au profit du pouvoir des « experts ». Outre que l'indépendance de ces autorités peut être mise à mal par le jeu des lobbies, leur mode de désignation ne leur confère pas de légitimité démocratique. Ainsi, le pouvoir réglementaire que vous allez confier à la Commission de régulation des activités ferroviaires va conduire à une situation juridique pour le moins malsaine. En effet, cette autorité sera juge des règlements qu'elle aura elle-même imposé, y compris dans le domaine de la sécurité.

Évidemment, vous argumenterez en faveur de cette réforme en invoquant une « obligation européenne ». Tout d'abord, n'oublions jamais que le vote négatif du peuple français lors du référendum de mai 2005 – résultat que vous avez réussi à balayer d'un revers de manche – reposait essentiellement sur un rejet de la logique de privatisation et sur l'attachement aux services publics. Quant à l'« obligation européenne », vos gouvernements en ont été les promoteurs au sein de l'Union, et vous avez même souvent joué les leaders en la matière.

Toutefois, rien n'est figé dans la mesure où il ne s'agit en rien d'une obligation juridique incontournable. Il est toujours possible, devant une impasse, de renégocier un dossier. La France et l'Allemagne n'ont-elles pas obtenu une suspension du pacte de stabilité ? Alors, nous demandons, avant toute décision, et c'est la moindre des choses, qu'un bilan soit tiré de la libéralisation des transports ferroviaires et des privatisations qui en ont résulté.

En fait, vous allez même plus loin que les directives avec la volonté de créer des opérateurs locaux, ou encore celle de mettre en place une nouvelle structure appelée « Exploitation nationale des chemins de fer français », indépendante de la SNCF. Vous cherchez ainsi à dépecer cette entreprise pour mieux en privatiser les morceaux.

J'ai commencé mon intervention en vous parlant d'environnement ; je conclurai sur cette question.

L'urgence climatique est chaque jour plus présente. En livrant le transport public ferroviaire au privé, au jeu de la concurrence et à la jungle des profits sans limites, vous privez le pays des moyens d'agir vite et en profondeur. Vous tournez le dos à l'indispensable effort qu'il faut mettre en oeuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans les transports, comme pour l'ensemble des activités, nous avons besoin d'outils performants pour enrayer la crise climatique et mettre en oeuvre une véritable planification écologique des besoins. La SNCF et RFF sont ces outils. Démanteler les transports publics est une grave faute ; vous en porterez la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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