Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, en dix ans, le trafic des camions internationaux a doublé en Europe. Le rail ne transporte plus que 6 % des voyageurs. Par le train, les marchandises circulent à 18 kmh, soit moins vite que le brise-glace qui ouvre la voie à la navigation en Baltique ! Les villes souffrent de congestion. Les routes et autoroutes sont encombrées.
On aurait attendu, dans le cadre d'un plan de relance concerté en Europe, de grands travaux dans le domaine des chemins de fer, et de grandes liaisons qui auraient renforcé l'unité et l'intégration européenne des nouveaux entrants. La connexion et l'extension de lignes européennes complétées d'un maillage dans chaque pays aurait été un signal fort pour assurer la circulation des biens et des personnes par des modes moins polluants et lutter contre le chômage grâce à de grands travaux soucieux de l'environnement.
C'est dans les années 90 que le constat du déclin du rail s'est imposé en Europe. Ce manque d'attractivité a suscité de longs débats au Parlement européen et au Conseil des ministres. La Commission a proposé le même remède que pour tous les réseaux : l'introduction de la concurrence.
Sa première directive de 1991 sur le développement du chemin de fer communautaire prévoyait la séparation du réseau et de l'exploitation, avec un droit d'accès très encadré. En France, cette directive a donné naissance, en 1997, à RFF, préparant ainsi l'introduction de la concurrence. Elle fut complétée par l'adoption, entre 1997 et 2001, des trois paquets ferroviaires, qui abordent tous les domaines du ferré – les réseaux, le fret, les voyageurs – et veulent trouver un équilibre entre le développement de la libéralisation, le renforcement de la sécurité et les droits des consommateurs.
Aujourd'hui, la transcription que vous proposez concerne le troisième paquet, qui touche au coeur du sujet, le transport de voyageurs, avec l'ouverture à la concurrence au 1er janvier 2010, c'est-à-dire demain. Toutefois, depuis les premiers débats, deux changements importants ont eu lieu.
D'abord, la crise économique qui touche tous les pays a asséché les finances publiques et remis en cause le marché, qui, parfois, se trompe, comme le dit le Président de la République.
Ensuite, un nouveau règlement, adopté le 23 octobre 2007 par le Parlement européen et le Conseil, modifie sérieusement les perspectives. Il s'agit du règlement OSP, l'obligation de service public développée dans le cadre de la réflexion sur les services d'intérêt économique général. Ce règlement a le mérite de poser la principale question que nous devons avoir avant d'examiner votre texte : « Comment concilier les règles de la concurrence avec le maintien du service public » ?
Nous commençons à avoir du recul sur la mise en concurrence de réseaux avec les télécoms, le gaz, l'électricité, le fret. Nous savons que les secteurs et services attrayants, rentables, attirent sans problème les opérateurs ; mais aussi que, dans les zones éloignées, moins denses, les zones « grises » ou « blanches », personne ne se précipite. Il y faut de l'argent public pour réparer, compenser.
Qui, sur ces bancs, n'a jamais fait d'intervention pour que, dans sa circonscription, les opérateurs de téléphonie mobile, ou de haut débit, desservent l'ensemble des habitants ?
Depuis les années 80, nous avons l'exemple même de ce qu'il ne faut pas mettre en oeuvre dans les transports ferrés, celui de l'Angleterre de Mme Thatcher. L'ouverture totale à la concurrence, la privatisation avec une desserte sans coordination, a laissé un goût amer aux usagers qui ont beaucoup souffert, au prix de la vie de certains d'entre eux, et peu gagné.
En effet les transports, le rail en particulier, ont besoin d'une autorité organisatrice nationale, régionale ou locale pour définir un schéma d'ensemble d'aménagement du territoire avec un maillage cohérent ; répondre aux besoins des habitants, y compris sur des lignes moins rentables ; équilibrer les comptes par péréquation entre les lignes.
Aussi, monsieur le ministre avant de commencer la discussion du projet, ferai-je deux remarques.
D'abord, pourquoi avoir attendu si tard pour entamer cette discussion ? Vous me faites l'effet de ces élèves qui n'écrivent leur devoir que sous la pression de l'agenda, la veille au soir !