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Séance en hémicycle du 17 novembre 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • dangereux
  • dangerosité
  • prison
  • récidive
  • rétention
  • sexuel
  • surveillance
  • sûreté
  • traitement

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Monsieur le Premier ministre, il faut entendre la grogne des maires. Elle n'émane pas d'un camp ou d'un autre ; elle ne dépend pas de la taille de la commune. Tous les maires, sans exception, sont inquiets, désappointés. Ils se sentent délaissés, méprisés, voire suspectés.

La non-venue du Président de la République à leur Congrès confirme leurs craintes. Parmi ces maires, beaucoup sont issus des territoires ruraux, lesquels n'en finissent pas de voir les services publics se réduire chaque jour davantage au nom de la rentabilité. Les assises qui vont se tenir dans quelques semaines ne rassurent pas les maires, car ils ont le sentiment qu'il s'agit d'une manoeuvre de diversion juste avant les élections régionales.

Les maires veulent que l'on prenne en compte ce qu'ils disent depuis longtemps. Ils veulent continuer à agir, et non subir. Or la réforme de la fiscalité ne va pas dans le sens qu'ils souhaitent. Ce qui prime en effet à leurs yeux, c'est la vie au quotidien de chaque citoyen de leur commune. Ils refusent d'avoir à choisir entre l'augmentation de l'impôt des familles et la diminution des services rendus à la population.

Ils demandaient une évaluation de la loi de 2005 ; rien n'a été fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Ils demandent aujourd'hui une évaluation de l'efficacité de la charte des services publics en milieu rural : que leur répondez-vous ? Pouvez-vous vous engager à mettre en place des mesures claires et pérennes qui garantiraient à chaque citoyen un égal accès aux droits, à savoir le droit à la santé, à l'éducation, aux déplacements, aux technologies modernes, à l'accès à la TNT, bref, le droit à la vie ? Monsieur le Premier ministre, les maires attendent des réponses précises. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Il est vrai, monsieur Vergnier, que les maires souhaitent être entendus, mais il n'est pas moins vrai que le Gouvernement les écoute et va à leur rencontre. (« Vous êtes sourds ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous avons ainsi, avec M. le ministre de l'intérieur et M. le secrétaire d'État chargé des collectivités territoriales, assisté à toutes les réunions des associations des maires. Ce matin encore, j'étais à Avranches pour évoquer leurs problèmes et entendre leurs désirs. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Les assises que le Gouvernement a lancées ne constituent pas une manoeuvre de diversion : elles sont destinées à écouter les maires et à connaître leurs besoins.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

C'est à partir de leurs réponses que nous bâtirons notre politique pour les territoires ruraux.

Une réunion a ainsi eu lieu hier à la DATAR, la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, au sujet du bilan de la charte des services publics en milieu rural. Il est vrai que celle-ci n'a pas tenu toutes ses promesses ; mais nous sommes prêts à relever le défi, à répondre aux demandes de service public des habitants des territoires ruraux, et nous le prouverons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Perben, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Depuis plusieurs années, la nécessité d'une réforme de la décentralisation ressort des nombreux travaux qui ont été réalisés ici et ailleurs. Le rapport Mauroy, le rapport Warsmann, que la commission des lois de l'Assemblée a adopté à l'unanimité, le rapport Richard ou le rapport Balladur concluent tous en faveur d'une amélioration de notre administration locale.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Nous sommes nombreux ici à avoir participé à ces travaux et à considérer que le statu quo n'est plus possible. C'est aussi, très largement, l'opinion des Français qui souhaitent la simplification d'un système qu'ils jugent, pour la plupart, opaque et incompréhensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Vingt-cinq ans après les lois de décentralisation, cette réforme légitime ne remet pas en cause les principes essentiels des libertés locales. (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.) Au contraire, en créant un élu territorial unique qui siégera à la région et au département, elle renforce la légitimité des élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Elle mettra un terme à la concurrence croissante que se livrent aujourd'hui les départements et les régions sur un même territoire.

En renforçant les intercommunalités, désormais élues au suffrage universel, cette réforme donne des moyens d'action supplémentaires aux communes (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), sans les priver de la maîtrise de leur avenir.

Au moment où se réunit le congrès des maires de France, je veux redire que cette amélioration de l'intercommunalité est une chance pour les communes, notamment pour les plus petites d'entre elles, qui ne peuvent agir que dans cette solidarité de proximité. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Cette réforme, qui ne sort pas de nulle part, mais qui est le fruit d'un long travail suscite des inquiétudes, entretenues par les caricatures.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Vous avez raison, monsieur le député, l'immobilisme n'est plus possible. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le projet permettra de renforcer les compétences des collectivités, de clarifier leur exercice, car ce millefeuille est devenu incompréhensible pour nos concitoyens. En même temps, de nouveaux pouvoirs seront accordés aux élus, ceux qui sont le plus près du terrain.

Les outils institutionnels et juridiques existent : création des métropoles, des pôles métropolitains, renforcement et rationalisation des intercommunalités, création de communes nouvelles, regroupement des départements en partenariat et des régions. Cela permettra de mieux répondre aux attentes des populations.

Vous évoquez la taxe professionnelle. Oui, il y a urgence à agir. Comme vous le savez, 2010 sera une année neutre, et les collectivités bénéficieront de nouvelles ressources en 2011. Cela signifie que le lien entre un territoire et ses entreprises sera conforté. Un mécanisme de péréquation sera mis en place pour compenser les écarts de ressources, au moyen d'une dotation budgétaire d'abord, et de trois fonds nationaux de garantie individuelle, un par niveau de collectivité.

Je précise enfin, à l'intention des maires, que la réforme ne touche pas aux compétences du bloc communal, car les communes et les intercommunalités sont l'échelon de proximité et constituent l'identité de nos territoires.

En réalité, vous l'avez compris, monsieur Perben, cette réforme est ambitieuse, utile, pragmatique et juste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse au ministre qui voudra bien me répondre. (Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Chacun le sait, le projet de réforme territoriale et l'annonce de la suppression de la taxe professionnelle sont massivement rejetés par les élus locaux, et plus particulièrement par les maires (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe UMP), réunis aujourd'hui en congrès à Paris. La colère gagne désormais aussi les populations, de plus en plus conscientes des conséquences à venir pour leur qualité de vie. Pourtant, votre gouvernement ne tarit pas d'éloges sur ce coup bas porté à notre République et au peuple de France.

Le Premier ministre répète à l'envi qu'il est scandaleux que les collectivités locales créent des emplois alors que l'État en supprime. Son objectif ne serait-il pas tout simplement de supprimer les services publics locaux et de livrer les plus rentables aux appétits marchands ?

Le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, M. Marleix, en rajoute en dénonçant les gaspillages des territoires, ces territoires dont le tort est de répondre aux besoins des habitants.

De son côté, la ministre de l'économie, Mme Lagarde, se réjouit bien sûr de la suppression « médéfienne » de la taxe professionnelle et assure dans le même temps qu'une subvention de l'État compensera à l'euro près, puisqu'il n'est bien évidemment pas question de supprimer quelque recette que ce soit.

Qui croire ? M. Fillon ? M. Marleix ? Mme Lagarde ? Quant au ministre de l'intérieur, il affirme vouloir avaler goulûment le millefeuille territorial. Mais, dans le même temps, il se délecte de cette nouvelle tarte juteuse que seraient les grandes métropoles pour les groupes financiers. Et M. Hortefeux affirme même, la main sur le coeur, ne vouloir imposer aucune suppression d'échelon territorial. Faut-il croire le ministre de l'intérieur ou M. Hortefeux ?

Par quel miracle cette usine à gaz pourrait-elle ne pas asphyxier les communes, notamment les plus petites d'entre elles, les communes rurales ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais vous rapporter les conclusions que j'ai tirées d'un déplacement que j'ai effectué hier après-midi, pour vous démontrer l'utilité d'une des réformes fondamentales que le Sénat, après l'Assemblée nationale, examine en ce moment.

Je me suis donc rendue dans les circonscriptions de Gérard Hamel, de Laure de la Raudière et de Philippe Vigier. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) J'y ai visité une entreprise, Sealed Air, qui emploie près de 1 000 salariés et paie 4 millions d'euros de taxe professionnelle. Lorsque la réforme qu'a votée votre assemblée sera appliquée, elle paiera 1,5 million de moins. C'est une entreprise qui est sous capitaux américains et qui prévoyait de faire des investissements supplémentaires. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous en prie, mes chers collègues, écoutez la réponse !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Grâce à la réduction de taxe professionnelle qui résultera de la réforme, les investisseurs ont décidé de localiser en France, et non pas en Pologne, les nouvelles machines qui serviront à développer l'activité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

C'est cela, la réforme que nous voulons faire. Elle permettra de localiser en France de l'activité, de maintenir de l'emploi. C'est le choix que fait ce gouvernement : celui de la valeur ajoutée sur le territoire français, avec une nouvelle contribution, qui sera payée par les entreprises, à toutes les collectivités territoriales. J'aurai, demain après-midi, l'occasion de m'exprimer devant les maires de France, et je rappellerai que le lien entre l'entreprise et le territoire sera maintenu. Toute entreprise nouvelle apportera de la fiscalité supplémentaire. C'est tout l'objet de la réforme : maintenir de l'emploi, développer l'activité et assurer le financement des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la justice, garde des sceaux.

Dans quelques instants, madame la garde des sceaux, nous allons discuter dans cet hémicycle du projet de loi tendant à lutter contre le risque de récidive criminelle, qui vise à compléter la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour trouble mental, laquelle a été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel. Celui-ci en a effectivement censuré deux dispositions.

À la demande du Président de la République, le Premier président de la Cour de cassation a formulé plusieurs propositions de nature à améliorer la lutte contre la récidive.

La loi du 25 février 2008 a instauré pour prévenir la récidive des crimes les plus graves deux nouvelles mesures de sûreté : la rétention de sûreté en milieu fermé et la surveillance de sûreté, pour sa part en milieu ouvert.

Le groupe parlementaire du Nouveau Centre s'est engagé à maintes reprises dans un combat, madame la garde des sceaux : celui de prendre en compte la dangerosité des détenus. J'ai moi-même déposé une proposition de loi en ce sens et, à l'occasion de la récente discussion de la loi pénitentiaire, j'ai, au nom de mon groupe, demandé un scrutin public sur la question de l'aménagement des peines pour les auteurs des crimes les plus graves, afin de prendre en compte la dangerosité des détenus et de remettre en cause l'automaticité des remises de peine.

Alors, madame la garde des sceaux, ma question sera simple : le Gouvernement est-il disposé à remettre en cause l'automaticité des remises de peines et à mieux tenir compte de la dangerosité des détenus, pour prévenir la récidive ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Hunault, je partage totalement votre souci d'une meilleure prise en compte de la personnalité des individus dans l'exécution des peines. Le droit actuel prend d'ailleurs en compte le fait de la récidive, puisqu'il diminue de moitié la possibilité de réduction automatique de peine pour les personnes qui sont en situation de récidive.

Pour autant, quel est l'intérêt des réductions automatiques de peine ? Pourquoi y en a-t-il ? Ce n'est pas pour réduire la durée de la détention, pour alléger, en quelque sorte, la peine ; c'est pour prendre en compte le comportement des personnes pendant leur incarcération. Ainsi, si elles se comportent mal, il n'y a pas de réduction. On veut, au contraire, encourager des attitudes et des mesures permettant de démontrer la volonté de la personne détenue de se réinsérer ou, lorsqu'un problème de cette nature se pose, de se soigner. Il y a en particulier, effectivement, une prise en compte du suivi médical, puisqu'une personne qui a accepté un suivi médical, notamment dans le cadre de la lutte contre la récidive sexuelle, verra sa peine maintenue en cas d'interruption de ce suivi.

Tel est le but du texte que nous allons examiner tout à l'heure. Je ne doute pas que nous réussissions alors, ensemble, à trouver le meilleur compromis entre la protection de la société et des victimes, d'une part, et notre souci constant de prévention de la récidive par un meilleur suivi médical et social et une meilleure réinsertion des détenus, d'autre part. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Hollande

Hier, s'est tenue une réunion de plusieurs milliers de conseillers généraux…

Debut de section - PermalienPhoto de Lucien Degauchy

Socialistes ! (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Hollande

…et, aujourd'hui, se rassemblent les maires de France de toutes les sensibilités. En définitive, ces élus expriment une double inquiétude, non pas pour eux-mêmes, non pas pour leur mandat, non pas pour les collectivités dont ils ont la charge (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) mais pour les citoyens et les territoires dont ils ont la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La première inquiétude, partagée bien au-delà de ces groupes, tient à la réforme de la taxe professionnelle, car celle-ci va amputer – chacun, ici, le sait – une partie des recettes des collectivités, car elle va réduire – chacun, ici, le sait – l'autonomie fiscale des collectivités, ce qui conduira nombre de communes et de départements à faire le choix soit de réduire les interventions soit d'augmenter les prélèvements, bref le choix de faire moins ou de faire payer plus.

La seconde inquiétude tient à la limitation des compétences des départements et des régions, qui va conduire à ne plus subventionner ni le sport ni la culture dans notre pays et à ne plus aider les communes de France, comme nous le faisons dans les départements et les régions.

Cette double inquiétude procède d'une double erreur…

Debut de section - PermalienPhoto de François Hollande

…qui a consisté à commencer à réformer la fiscalité locale avant de réforme les compétences des collectivités territoriales. La seconde erreur est une erreur de méthode et de conception qui a consisté à imposer plutôt qu'à choisir la concertation. Alors, je le demande, il n'est pas trop tard : si l'on veut vraiment faire une réforme, faisons une concertation, mais reconnaissons que, lorsque le Président de la République ne vient pas au Congrès des maires, il y a un problème. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

En écoutant les orateurs socialistes il y a quelques minutes alors que j'étais au Sénat, et en écoutant depuis le début de cette séance de questions d'actualité les orateurs de votre groupe, monsieur Hollande, j'observe une chose, et une chose simple : la critique, toujours la critique, encore la critique ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC. — Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Pas l'amorce d'une solution, pas l'esquisse d'une proposition, pas la volonté d'une réflexion !

La vérité, c'est que, oui, monsieur Hollande, nous avons engagé la concertation : j'ai reçu l'Association des régions de France, j'ai reçu l'Association des départements de France, j'ai reçu l'Association des maires de France, j'ai reçu l'Association des maires de grandes villes, qui est d'ailleurs plutôt favorable aux projets du Gouvernement. Je vous le dis : le statu quo n'est pas possible, cela ne peut pas continuer ! On ne peut pas faire comme si l'empilement des structures, la confusion des responsabilités et l'enchevêtrement des compétences étaient une fatalité ! Il n'est pas possible de se résigner à faire peser sur l'économie nationale, et donc sur l'emploi, un impôt qui pénalise les investissements et que votre chef de file avait effectivement qualifié d'« impôt imbécile ». Il n'est pas possible de laisser filer le nombre d'emplois publics dans les collectivités locales, qui en ont créé 36 000 en 2007 alors qu'il n'y avait pas de transferts de compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous le dis donc, monsieur Hollande ; n'essayez pas d'inquiéter inutilement les maires. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous en prie, mes chers collègues ! Écoutez la réponse du ministre !

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Le Président de la République l'a dit clairement, il l'a dit sans ambiguïté et je vous le confirme : les conseils généraux pourront toujours aider les collectivités rurales, auxquelles vous êtes attachés, comme moi, mais pas vous plus que moi. Les présidents de conseils généraux pourront toujours s'adresser aux maires des communes rurales en les aidant à réaliser les investissements d'intérêt public.

Cela sera dans le texte. Si vous ne l'avez pas vu, c'est que vous ne l'avez pas lu. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. — Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Éric Woerth, ministre du budget et des comptes publics.

L'État s'attache à gérer les finances publiques de manière dynamique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) en renforçant l'efficacité de chaque euro investi. L'argent public est rare. Il s'agit donc de le dépenser avec discernement, en offrant à nos concitoyens un service public de meilleure qualité. Ce qui est valable pour l'État doit l'être aussi pour les régions. Alors que s'ouvre aujourd'hui le Congrès des maires de France, qu'en est-il de la fiscalité des régions ? Plus de 35 % d'augmentation de la fiscalité locale entre 2004 et 2007 ! (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

C'est notamment ce qu'ont fait les régions socialistes. J'en citerai une au hasard : la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, qui n'est pas en reste, avec 62 % d'augmentation pendant cette période et 110 % depuis 1998. C'est quasiment le record en France ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le statu quo ne peut plus durer. Et si les collectivités réalisent une part importante des investissements, elles augmentent aussi des dépenses dont la légitimité n'est pas toujours flagrante. (« Estrosi ! Estrosi ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous en prie, mes chers collègues ! Un peu de calme !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Je pense en particulier aux dépenses de communication et de fonctionnement. (« Estrosi ! Estrosi ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Malheureusement, dans les collectivités détenues par votre majorité socialiste, les compensations de dépenses nouvelles se font par l'impôt, toujours par l'impôt.

Le statu quo ne peut effectivement plus durer. L'État a permis aux régions de moduler une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, et celles qui sont de votre bord, mes chers collègues socialistes, ont choisi d'augmenter la fiscalité sur l'essence et le gazole : 500 millions d'euros ont ainsi été prélevés par vos majorités dans la poche des contribuables. Cela ne peut pas durer ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Je tiens à dire à la gauche que les maires de France ne sont pas instrumentalisables. Ne cherchez pas à instrumentaliser les élus locaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je profite de la question de Thierry Mariani pour vous le dire : ce n'est pas parce que vous vous trompez sur les collectivités locales que nous devrions vous suivre !

Vous vous trompez, parce que vous augmentez la fiscalité de façon anormale, comme l'a rappelé Thierry Mariani. La fiscalité régionale a augmenté de 35 % entre 2004 et 2007. Dans votre région, monsieur le député Mariani, il y a eu 110 % d'augmentation de la fiscalité régionale. Ce n'est pas dû uniquement aux transferts de compétences, mais aussi à l'augmentation des dépenses de fonctionnement des conseils régionaux et des dépenses de personnel. Quand, dans les collectivités locales, le personnel a augmenté de plus de 350 000 personnes entre 2000 et 2007, quand les fonctionnaires publics territoriaux ont augmenté de 25 %, évidemment, les impôts ne peuvent qu'augmenter !

Pour ma part, j'appelle et j'incite les collectivités locales, quelles qu'elles soient, à modérer la hausse de leurs dépenses, d'abord en faisant ce que l'État fait lui-même…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

…en limitant l'augmentation de la dépense à l'inflation, en faisant en sorte qu'une révision générale des politiques publiques, dans les régions ou dans les départements, vous amène à mieux raisonner et à mieux réorganiser vos propres structures. Ce n'est qu'avec un dialogue constructif entre l'État et les collectivités locales que notre pays retrouvera un assainissement de ses finances publiques, et j'incite particulièrement les conseils régionaux à suivre cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Ma question s'adresse à M. le ministre du budget.

Alors que s'ouvre le congrès annuel des maires, le débat autour de la réforme des collectivités locales et, en particulier, les interrogations que suscite la réforme de la taxe professionnelle, mettent en avant la question de l'autonomie financière des communes, des départements et des régions.

L'autonomie financière des collectivités locales est l'un des principes forts de la décentralisation, à laquelle nous sommes tous attachés. Elle permet en effet de répondre aux attentes de nos concitoyens, de concrétiser leurs projets et d'engager des politiques innovantes.

Mais l'autonomie financière des collectivités locales s'accompagne d'un autre principe intangible sans lequel il ne peut exister de liberté locale pérenne : le principe de responsabilité. Celui-ci garantit que l'autonomie financière des collectivités s'inscrit dans une logique de gestion sérieuse des finances locales.

Or, la crise financière, parmi ses nombreux effets, a mis en évidence une atteinte grave à ce principe de responsabilité, quand des élus, en charge de leurs communes, départements ou régions, ont choisi de contracter des emprunts hautement spéculatifs, dans la perspective de générer de faibles taux d'intérêt et une baisse des frais financiers. Ils découvrent, aujourd'hui, que ces emprunts sont « toxiques », avec des taux d'intérêt qui s'envolent dans des proportions mettant en péril l'équilibre des finances des collectivités dont ils ont la charge.

Parfois, au risque de la contradiction, ceux-là mêmes qui invoquent le respect de l'autonomie financière dans le débat sur la réforme des collectivités locales vont jusqu'à demander à l'État de compenser les pertes que leurs collectivités subissent du fait de leur gestion hasardeuse.

Ma question est simple, monsieur le ministre : l'État compte-t-il donner suite à ces demandes, au risque de donner le sentiment d'encourager ceux qui ont joué avec l'argent public et la nécessaire sécurité due aux contribuables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Monsieur le député, vous venez de poser une double question, qui porte à la fois sur l'autonomie financière des collectivités locales et sur l'une des conséquences de ce pouvoir qui leur est donné : la liberté de gestion.

S'agissant des emprunts toxiques que vous avez évoqués, il est vrai que certains d'entre eux se révèlent, au fil du temps, extrêmement négatifs pour les collectivités, après avoir été plutôt positifs.

Le Gouvernement a pris conscience de ce problème. Il n'a pas capacité à remplacer les collectivités, mais il souhaite désormais les aider, les accompagner, à travers une mission qui a été confiée à l'Inspection générale des finances et une charte de bonne conduite bancaire qui est en voie d'élaboration sous la direction de M. Alain Marleix, secrétaire d'État chargé des collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Rousset, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Monsieur le président, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, j'entendais, à l'instant, M. Woerth parler de dialogue constructif. Or je note que, depuis de longs mois, les collectivités locales sont mises en cause, quelle que soit d'ailleurs leur sensibilité. Je tiens à rassurer mon collègue sur l'augmentation de la fiscalité des régions : entre 2003 et 2009, cette augmentation a été de 3 euros par habitant et par an (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Elle a été de 7,9 euros pour les départements et de 8,6 euros pour les communes.

Ce qui est grave, me semble-t-il, dans ce que nous vivons, c'est justement l'absence de débat, la mise en cause de la décentralisation, alors qu'elle a apporté, quelle que soit la sensibilité des élus locaux, un plus pour les lycées, les transports, les collèges, les crèches… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) A aucun moment, la décentralisation n'a été un recul ! Mais nous avons trouvé les services publics dans un état pitoyable et il a fallu faire un effort, quelle que soit notre sensibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

J'en veux aujourd'hui à ce discours, tenu évidemment à la veille des élections, qui d'un côté nous accuse d'augmenter la fiscalité et de recruter et, de l'autre, nous contraint, à la demande – agréable d'une certaine manière – de la ministre de la recherche, à apporter autant d'argent que l'État pour la réhabilitation du campus et, par la voix du ministre des transports, à consacrer autant d'argent que l'État aux transports ferrés, alors que tout notre système est aujourd'hui mis à mal !

Si les collectivités locales n'étaient pas là, mesdames, messieurs les ministres, ce seraient toute une partie des services publics et le plan de relance qui seraient ruinés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

La France a eu fort à faire pour se dégager de la gangue jacobine ! Pourquoi, mesdames et messieurs du Gouvernement, la replongez-vous dans cette sinistre centralisation qui est un recul démocratique pour notre pays ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président Rousset, je voudrais revenir sur certains de vos commentaires.

Nous souhaitons, bien sûr, la poursuite du dialogue et nous voulons, bien sûr, la concertation, le travail en commun ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

D'ailleurs, lorsqu'une entreprise – Ford Aquitaine pour ne pas la nommer – a rencontré des difficultés, nous nous sommes réunis avec Hubert Falco, avec le maire de Bordeaux et avec vous-même, autour de l'entreprise pour voir comment sauver l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela, c'est du travail de concertation ! C'est du travail que nous avons effectué ensemble et dont nous pouvons, ensemble, être fiers !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Concernant la taxe professionnelle, qui est un des dossiers sur lesquels nous travaillons, et la réforme des collectivités territoriales, nous avons, là aussi, engagé un travail de concertation (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et nous allons continuer. S'agissant de la taxe professionnelle, le travail commence au Sénat sous l'autorité de Brice Hortefeux. Nous ne cesserons pas d'avoir ce dialogue avec toutes les collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Tout le monde doit y gagner, parce qu'il faut que notre pays y gagne ! Notre économie doit mieux s'en sortir. Nous devons restaurer la capacité de la France à créer des emplois. Pour y parvenir, nous faisons, de toute évidence, le pari de la croissance. Nous faisons le pari de la valeur ajoutée sur le territoire. C'est bien avec ce seul objectif que nous allons poursuivre le débat avec l'Association des régions de France, l'Association des départements de France et l'Association des maires de France. Nous serons nombreux – le Premier ministre en tête –, cet après-midi, et beaucoup d'entre nous, demain, pour expliquer très précisément au Congrès des maires de France de quelle manière nous allons avancer ensemble pour le progrès du pays ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et du groupe NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Élie Aboud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Élie Aboud

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.

Madame la ministre, la campagne de vaccination contre le virus grippal H1N1 a débuté dans les établissements de santé le 20 octobre. Depuis, elle s'est élargie avec l'ouverture, le 12 novembre, de plus de 1000 centres, qui accueillent, en métropole et dans les territoires d'outre-mer, les personnes les plus exposées et les plus vulnérables.

Cette campagne de vaccination, d'une ampleur inégalée, est une chance pour chacun d'entre nous, car elle a débuté avant que l'épidémie ne survienne.

Les derniers éléments tendent à montrer que le virus poursuit très rapidement sa progression. Près de 200 cas graves ont été dénombrés à ce jour. La découverte de nouveaux cas en milieu scolaire a contraint à fermer cinquante et un établissements. Seize académies sont déjà touchées.

L'organisation retenue est celle d'une vaccination non obligatoire, sans avance de frais et, pour la très grande majorité de nos concitoyens, en centre de vaccination. Depuis quelques jours, dans le milieu médical, surtout chez nos amis médecins généralistes, nous entendons que cette organisation ne serait pas la bonne – en tout cas ne serait pas la meilleure – et qu'une vaccination en cabinet de ville aurait été plus adaptée.

Madame la ministre, vous le savez comme moi : l'adhésion de l'ensemble du monde soignant est absolument indispensable à la formation d'un bouclier face à ce fléau sanitaire potentiel.

Face à la complexité et la gravité de ce sujet, comment faire pour mutualiser au mieux nos moyens ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur le président, monsieur le député Élie Aboud, je veux d'abord redire ma confiance dans les capacités professionnelles des médecins généralistes qui sont, évidemment, tout à fait aptes à procéder à une vaccination antigrippale dans leur cabinet. Ce n'est pas la compétence des médecins qui est en jeu. Je n'ai aucune méfiance à leur encontre. C'est simplement une question logistique. En effet, ce vaccin présente un certain nombre de caractéristiques. Il sera livré sur une période de quatre mois qui nous impose un ordre de priorité.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Il est livré en flacons multidoses destinés à vacciner dix personnes. Comme tous les vaccins, il doit être conservé dans des conditions de froid bien précises. Une fois le flacon entamé, il doit être utilisé dans les vingt-quatre heures. À partir de ces déterminants, vous comprenez pourquoi la vaccination n'est possible que dans des centres dédiés. Puisqu'on ne peut pas aller individuellement acheter ce flacon chez son pharmacien, comment livrer 50 000 cabinets de médecins généralistes avec des moyens logistiques dont je ne dispose pas ? Comment s'assurer des bonnes conditions de conservation ? Une fois un flacon entamé, si le médecin ne s'en sert pas, par exemple parce qu'il ne travaille pas le lendemain, il devra le jeter. À partir de là, la seule organisation vaccinale possible était une organisation collective. Nous en avons discuté avec les médecins. Ils en étaient d'ailleurs tout à fait convaincus. Ils doivent, maintenant, et c'est leur rôle, rester mobilisés pour traiter les malades atteints par la grippe. Ils doivent convaincre leurs patients qu'ils doivent se faire vacciner. Nous pourrions, en décembre, dans des conditions ciblées, étendre la vaccination à certains cabinets libéraux. Maintenant, la balle est dans leur camp pour nous montrer qu'ils en ont la possibilité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Fourneyron

Tout d'abord, comment peut-on accuser les collectivités de gauche d'augmenter les impôts quand le champion de l'année est le ministre de l'industrie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre de l'intérieur, quelle ne fut pas notre indignation il y a quelques jours, à la lecture d'un communiqué de M. Marleix, secrétaire d'État aux collectivités territoriales. « La réforme territoriale représente une progression de la parité, elle va faciliter l'accès des femmes aux mandats locaux », disait-il en recevant les trois présidentes des délégations aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique. Était-ce de la provocation ? Plus c'est gros, mieux ça passe !

La vérité, c'est que la parité subira un recul sévère. Selon les projections réalisées, les conseillères territoriales occuperont seulement 20 % des sièges en 2014, quand il y a aujourd'hui 48 % de femmes dans les conseils régionaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Toutes les études d'impact, les vôtres aussi, montrent bien que les scrutins de liste favorisent la parité et que les scrutins uninominaux favorisent les candidats. Nicolas Sarkozy lui-même disait que le scrutin uninominal était d'une grande brutalité, donc d'une faible démocratie.

Votre seule réponse, que, j'espère, vous ne réitérerez pas aujourd'hui, consiste à dire que, désormais, la parité s'imposera pour les élections municipales dans toutes les communes à partir de 500 habitants. Mesdames, messieurs les élus, c'est notre lot de consolation. Quelle honte que cette mesure présentée comme compensatoire, qui équivaudrait à reléguer les femmes aux responsabilités les plus locales, pendant que les hommes dirigeraient les plus grands territoires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

D'abord, madame la députée, parce qu'elle est essentielle pour l'avenir de nos territoires, cette réforme mérite beaucoup mieux que des postures ou des caricatures. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

N'essayez pas de faire croire aux Français qu'elle entraînerait une régression sur un sujet aussi essentiel que celui de la parité. Cette préoccupation, n'en doutez pas une seule seconde, est partagée sur tous les bancs de l'Assemblée. Si l'opposition est unanime pour dire qu'elle ne veut plus jamais de scrutin majoritaire dans notre pays, dites-le !

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Telle n'est pas notre position. C'est la raison pour laquelle nous proposons, pour l'élection du conseiller territorial, un dispositif simple et clair. Il y aura un titulaire et un suppléant, avec obligation de refléter la parité. Si le titulaire est une femme, le suppléant sera un homme, et réciproquement.

Cela dit, comment pouvez-vous être aussi méprisants à l'égard des conseillers municipaux ?

Avec la réforme qui est engagée, il y aura, du fait de l'abaissement du seuil à 500 habitants, 80 000 élues féminines en plus. Oui, c'est cela le progrès de la parité. Il ne vous est pas possible aujourd'hui de le nier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales.

Samedi dernier, monsieur le ministre, une opération de publicité lancée par une société commerciale visant à distribuer des pochettes-surprises d'argent liquide et jouant sur la crédulité de la population, a attiré sur le Champ-de-Mars à Paris – ce Champ-de-Mars déjà bien négligé par la Ville de Paris, et qui devient un vrai champ de foire – une foule de plusieurs milliers de personnes.

Renonçant au dernier moment à son opération lancée par site internet, cette société a provoqué une quasi-émeute d'une rare violence. Certains casseurs se sont en effet livrés à des pillages en règle de commerçants et de passants, avec des coups, et à des dégradations intolérables. De nombreux témoignages de riverains agressés et choqués me sont parvenus. Vous imaginez leur stupeur et leur colère. Les forces de l'ordre ont pu rétablir fermement le calme, mais cette affaire désastreuse appelle une réflexion pour l'avenir,

Pouvez-vous nous dire d'abord combien d'individus ont effectivement été arrêtés et quelles seront les suites judiciaires de ces violences ?

Ensuite, la manifestation a-t-elle été déclarée ou autorisée ? Pouvait-elle être interdite parce que de nature à troubler l'ordre public ?

Enfin, comment les victimes, particuliers et commerçants, seront-elles indemnisées, et comment l'État et la Ville de Paris, représentée par le préfet de police, pourront-ils se retourner vers les responsables de ce désordre, quels qu'ils soient ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Samedi, au Champ-de-Mars, madame la députée, une société privée a souhaité se livrer à une opération de communication sous forme de distribution de bourses avec des sommes d'argent.

Cette initiative est naturellement immorale, parce que vouloir distribuer de l'argent dans la rue à des fins publicitaires a quelque chose de malsain, particulièrement à un moment où nombre de nos compatriotes sont touchées par la crise économique et financière mondiale.

Ayant décidé de procéder à cette distribution illégale, la société s'est retrouvée face à 7 000 personnes rassemblées sur le secteur, ce qui a suscité des troubles inadmissibles, mobilisant plusieurs centaines de policiers et conduisant à l'interpellation de neuf personnes, qui ont été immédiatement mises à la disposition de la justice et placées en garde à vue.

Face à cet événement, j'ai décidé le jour même (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

…de porter plainte au pénal devant le procureur de Paris contre la société qui a commis cette infraction.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

C'est la veille qu'il fallait faire quelque chose !

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

La plainte a été portée hier au procureur.

Je ne m'arrêterai pas là. D'abord, j'ai décidé de présenter la facture à cette société et n'hésiterai pas à aller devant le juge civil s'il le faut. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il n'est pas question que ce soit le contribuable qui soit la victime de telles opérations de marketing inadmissibles.

De plus, il faut en tirer les conséquences juridiques pour que de tels errements ne se reproduisent pas. Les sanctions pénales doivent être plus dissuasives. Aujourd'hui, c'est une peine contraventionnelle limitée à 150 euros. Je présenterai un amendement à la LOPSI au mois de février,…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ah ! La loi !

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

…afin que ce délit soit puni jusqu'à six mois de prison.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

L'annonce brutale de la suppression de la taxe professionnelle et la présentation en Conseil des ministres de quatre projets de loi sur la réforme des collectivités territoriales inquiètent les citoyens et les élus locaux quant à l'avenir de l'organisation territoriale et de la démocratie de proximité, au moment même où s'ouvre le Congrès des maires de France.

Cette réforme constitue en réalité l'acte I de la recentralisation. En effet, que dire du projet de suppression de la taxe professionnelle, annoncé sans concertation ni véritable compensation ? Que penser de la limitation de la clause de compétence générale ? Je n'évoque même pas la disposition visant à mettre fin aux financements croisés : d'un côté, le Gouvernement veut les interdire et, de l'autre, il y recourt largement pour financer des travaux d'infrastructure – la ligne LGV, par exemple.

Plus grave encore, cette réforme va mettre à mal le tissu associatif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les associations sportives, culturelles seront vos premières victimes, alors qu'elles jouent un rôle majeur dans la vie de nos communes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comment ne pas voir dans ces projets une tentative de reprise en main des collectivités, mettant fin à leur autonomie financière et réduisant leurs moyens d'action ? Ceci doublé d'une manoeuvre électoraliste assez grossière.

Ces textes sont démagogiques. L'idée est de faire des économies – en période de crise, l'argument est sensible – et l'on prévoit donc de diviser par deux le nombre d'élus locaux. Or je remarque qu'en matière de gestion des finances et d'endettement, le Gouvernement devrait plutôt s'inspirer des bonnes pratiques des collectivités, qui sont les premiers investisseurs publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

N'entendez-vous pas, monsieur le ministre, la colère des élus, de droite comme de gauche, vous demandant d'abandonner un projet anachronique, centralisateur et néfaste ?

Monsieur le ministre, que reste-t-il, selon vous, quand l'école, l'hôpital et le bureau de poste ont fermé, quand les services publics se sont désengagés ? Vers qui nos concitoyens se tournent-ils à ce moment-là ? Qui incarne notre République dans nos quartiers ? Je vous donne un premier élément de réponse : vous vous apprêtez à en sacrifier 3 000 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Voulez-vous bien écouter la réponse avant de manifester ?

Monsieur le ministre, vous avez seul la parole.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Merci, monsieur le président. Je ne suis pas sûr que cela dure. Nous allons voir.

Madame la députée, avant d'être ministre, je suis élu local.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Et c'est parce que je suis élu local que je soutiens cette loi (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), parce que c'est une loi qui achève la décentralisation… (Vives exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui, elle « l'achève » !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Heureusement qu'en disant des bêtises, je vous donne l'occasion de réagir !

Oui, cette loi est une loi de décentralisation ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Oui, elle renforce le pouvoir des élus ! Oui, le conseiller territorial sera un élu doté de vrais pouvoirs qui lui permettront de gérer les collectivités locales ! (Mêmes mouvements.)

S'agissant des relations avec les associations, il y aura naturellement dans le texte une disposition permettant aux collectivités, que ce soient les communes, les départements ou les régions, d'aider les associations à intervenir dans le domaine sportif et culturel, comme nous l'avons toujours fait et comme nous avons besoin de le faire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Charité !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Le Parlement sera associé à ces discussions. Nous ferons en sorte que toutes les associations puissent bien vivre et que les collectivités locales soient, comme d'habitude, à leurs côtés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

La France, madame la ministre de la santé et des sports, peut s'enorgueillir de posséder un système de santé qui permet aux paramédicaux et aux médecins de travailler ensemble, aux spécialistes et aux omnipraticiens d'assurer la santé de tous sur l'ensemble du territoire national, en métropole comme en outre-mer.

Or nous assistons à une évolution délicate et difficile, venue d'outre-Manche, qui crée une certaine confusion du fait de la judiciarisation de l'acte médical, au moment même où les progrès sont incessants depuis le XXe siècle et encore aujourd'hui.

Les gynécologues obstétriciens, qui assurent, aux côtés des sages-femmes, la majorité des accouchements de ce pays – 800 000 naissances environ par an – se trouvent confrontés à une problématique particulièrement douloureuse. L'inquiétude de la profession se manifeste par la grève des soins non urgents sur l'ensemble du territoire national.

Madame la ministre, l'augmentation des primes d'assurance et les risques liés à la judiciarisation de l'activité des professions médicales et des gynécologues obstétriciens appellent une réponse du Gouvernement. Un amendement a été voté la semaine dernière au Sénat ; il apporte une première réponse. Pouvez-vous nous indiquer les actions que votre gouvernement entend prendre face à ce douloureux problème ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Nicolas Dhuicq, j'ai parfaitement entendu les inquiétudes des gynécologues obstétriciens, qui se trouvent confrontés à des risques financiers de plus en plus élevés à la suite d'accidents liés à la naissance, et ce pendant une période très longue puisque la consolidation de l'estimation des séquelles dure jusqu'à l'âge de vingt-huit ans.

Comme vous l'avez signalé, un amendement déposé par M. Vasselle apporte un premier élément de réponse, en permettant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux de prendre en charge les dommages et intérêts survenant après le départ en retraite des gynécologues obstétriciens ou même après leur décès, puisque les dommages et intérêts sont transmissibles à leurs héritiers, qui risquent d'être ruinés. Mais nous n'apportons ainsi qu'une réponse partielle, et je veux aller plus loin.

Je souhaite tout d'abord, face à l'augmentation des primes d'assurance, étudier la façon dont l'assurance maladie pourrait, en fonction du marché des assurances, augmenter l'aide apportée aux gynécologues obstétriciens.

Mais nous irons beaucoup plus loin encore. Nous sommes en train d'étudier, avec le président Méhaignerie, dans le cadre de la commission mixte paritaire, les moyens d'aider les praticiens. J'ai décidé que le minimum de garantie serait porté de 3 millions à 6 millions par accident, et les sommes indemnisables de 10 millions à 12 millions par an. Je m'y suis engagée devant le Sénat. Nous allons poursuivre la discussion avant la CMP afin d'apporter aux praticiens une solution pleinement satisfaisante. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Monsieur le ministre de l'intérieur, dans tout le pays, les élus sont inquiets. Je fais partie de ceux qui ont travaillé, à la commission des finances, sur la taxe professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Il ne serait pas sérieux de prétendre que l'on n'a pas essayé de trouver des solutions. Mais il ne faut pas mentir, même quand on est sur les bancs du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Vous, les membres du Gouvernement, comme Mme Parisot pour le MEDEF, vous ne cessez de dire, dans les dépêches de cet après-midi, qu'il y a un « malentendu » dans la compréhension de la réforme de la taxe professionnelle et de la réforme territoriale.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. À cause de vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Mais ce n'est pas vrai ! Les élus, quelle que soit leur tendance, sont attachés à trois choses : un, l'existence d'un lien fiscal entre la création d'entreprises et leur territoire (« Le lien est là ! » sur les bancs du groupe UMP) ; deux, le moins de compensation possible de la part de l'État car s'il y a dotations, il y aura bien évidemment chaque année discussion sur la réactualisation de leur montant (applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR) ; trois, ils ne veulent pas que ce soit les impôts ménages qui permettent l'équilibre de leur budget ! (Mêmes mouvements.) Ce que je dis est vrai pour la commune, pour l'intercommunalité, pour le département et la région.

Vous n'avez pas le droit de mentir ! Or depuis quelques jours, vous ne faites que cela parce que vous prenez les élus locaux pour des imbéciles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous devez faire l'effort de discuter avec les associations d'élus, notamment sur la mise en oeuvre de l'article 2 de la loi de finances ! (Les députés du groupe SRC et plusieurs députés du groupe GDR se lèvent et applaudissent longuement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur Jean-Pierre Balligand, j'ai beaucoup de respect pour vous, pour Marc Laffineur, pour Gilles Carrez…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

…et pour un certain nombre d'autres députés qui, avec moi et mes équipes, ont travaillé pendant près de huit mois pour parvenir à un produit (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) : la réforme en profondeur d'une taxe professionnelle dont nous avons été nombreux à estimer qu'elle n'était pas bien calibrée et certainement pas propice à l'investissement ou à l'emploi dans notre pays. Nous en sommes d'accord. Sur vos suggestions, sur celles de Gilles Carrez et de Marc Laffineur, nous avons largement fait évoluer le texte. Il est vrai que nous n'avons pas donné suite à toutes les suggestions, parce c'est le projet du Gouvernement et qu'il arrive maintenant devant le Sénat.

Cela étant, monsieur Balligand, j'éprouve infiniment d'estime à votre égard, je reconnais le mérite de votre travail, et j'ai pour vous trop de respect pour vous laisser dire que nous avons menti. Nous n'avons pas menti. (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous avions promis la concertation, et nous avons tenu notre promesse. Nous avions promis le transfert de fiscalité au bénéfice de toutes les collectivités territoriales, un peu par la compensation et beaucoup par le transfert d'impôts, pour que toutes y retrouvent leur compte ; nous n'avons pas menti en disant qu'il n'y avait pas besoin de transférer sur les ménages la fiscalité allégée sur les entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

En effet, l'imposition sur les ménages peut parfaitement rester en l'état. Vous savez très bien que le manque à gagner pour les collectivités, qui correspond à ce que gagne les entreprises à cette réforme, est compensé par du transfert de fiscalité et par de la compensation en 2010, en 2011 et plus tard. Nous n'avons donc pas menti. Et nous servirons le pays en réformant ! (De nombreux députés des groupes UMP et Nouveau Centre se lèvent et applaudissent longuement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est àM. Pierre Cardo, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Monsieur le ministre, il y a quelques jours, une association caritative de Chanteloup-les-Vignes, dans ma circonscription, a interpellé le CCAS pour des secours d'urgence. Il lui fallait venir en aide à des familles étrangères, sans ressources, arrivées avec quatre-vingt-cinq enfants et installées dans un hôtel Formule 1, revendu récemment à un particulier. Ni la préfecture ni les services sociaux du département n'ont été prévenus. Seule une enquête de la ville a permis de découvrir que c'est la Coordination de l'accueil des familles demandeuses d'asile de Paris qui a assuré leur placement à la demande de la DASS de Paris et des services relevant de votre ministère.

Chanteloup est l'une des communes les plus pauvres de France. Elle assume pourtant fortement, comme d'autres, ses responsabilités en termes de solidarité nationale avec 75 % de sa population en logement social et l'accueil au fil des ans, imposé par l'État, de centaines de familles asiatiques, kurdes, maliennes, toujours nombreuses, mais jamais riches. La lutte contre les exclusions, la réussite éducative, l'insertion sociale et professionnelle sont le quotidien des acteurs de cette ville pour permettre à ces familles en quête de citoyenneté de se construire une identité. Aujourd'hui il leur est demandé de secourir ces familles, demandeuses ou déboutées du droit d'asile, et de scolariser ces enfants dont la plupart ne parlent pas le français. D'autres villes possédant déjà un fort pourcentage de familles en difficulté semblent concernées par des démarches similaires.

Je note qu'il est plus facile, pour l'État, d'imposer les plus démunis aux villes les plus défavorisées que d'imposer les 20 % de logements sociaux aux villes les mieux loties… (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comment peut-on accepter de telles pratiques d'une structure parisienne qui se décharge de sa mission sur la grande banlieue, sans étude préalable, ni concertation, ni suivi social ? Comment accepter cette concentration de familles dans un hôtel qui loue 90 % de ses chambres sans aucune mesure de sécurité ? Monsieur le ministre, trouvez-vous morale cette façon de procéder, et qu'envisagez-vous pour remédier à cette situation dangereuse pour les uns, injuste pour les autres, mais très juteuse pour certains ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Monsieur Pierre Cardo, je vous réponds très clairement que les faits que vous avez portés à ma connaissance il y a quelques jours et que vous venez de rappeler ne sont pas acceptables. Vous avez raison : il est inacceptable qu'une structure en charge de l'hébergement des demandeurs d'asile installe dans une commune, la vôtre en la circonstance, une centaine de familles sans préavis et sans concertation avec les élus locaux alors que ceux-ci sont responsables des services sociaux et du bon fonctionnement des établissements scolaires.

Comme cela n'est pas acceptable, j'en ai tiré les conséquences.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

La Coordination des familles demandeuses d'asile de Paris, la CAFDA, n'a pas correctement assuré sa mission. Ce dysfonctionnement vient après d'autres, ce qui m'a conduit à décider de transférer, au 1er janvier 2010, la mission de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile au SAMU social de Paris. Une grande attention sera désormais portée aux exigences que devront remplir les hôtels référencés par le SAMU social et à la nécessité d'une très étroite coordination et concertation avec les pouvoirs publics et les élus locaux. Ce qui vous est arrivé n'arrivera donc plus. J'en prends l'engagement devant vous.

Plus globalement, et sans vouloir atténuer notre responsabilité, vous savez que nous nous trouvons dans un contexte extrêmement tendu en matière d'hébergement des demandeurs d'asile du fait de la forte augmentation de la demande : plus 20 % l'année dernière, et encore plus 20 % depuis le début de cette année. Cela a entraîné la saturation du dispositif national d'accueil. Les places dans les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile – les CADA – sont actuellement occupées à un taux de 98,8 %, autrement dit quasiment à 100 %, et les places d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile ou les places d'hébergement d'urgence dite de droit commun sont toutes mobilisées et arrivent à saturation. C'est pourquoi nous allons augmenter le nombre de places dans les centres d'accueil : 1 000 places de plus par rapport aux 20 000 places dont nous disposons aujourd'hui. De plus, nous allons reconduire le dispositif Versini d'accueil et d'hébergement à Paris de ce public vulnérable.

Vous le voyez, monsieur Cardo, je m'efforce d'apporter des réponses à vos questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, la conférence des présidents réunie ce matin propose que le mercredi 8 décembre après-midi, après les questions au Gouvernement, l'Assemblée tienne un débat sur l'identité nationale (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

…et que la séance du soir soit consacrée à deux débats portant respectivement sur les services départementaux d'incendie et de secours et sur l'exécution des décisions de justice pénale.

La conférence propose également que le mercredi 9 décembre après-midi, après les questions au Gouvernement, se tiennent des débats portant respectivement sur le Conseil européen et sur la création d'une commission d'enquête demandée en application de l'article 141 alinéas 2 et 3 du règlement.

Pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2010 (nos 1946, 1967 à 1974).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier les deux ministres pour l'esprit de dialogue dont ils ont su faire preuve durant la discussion du projet de loi de finances pour 2010.

Le budget qui est aujourd'hui soumis au vote de notre assemblée est sérieux et prend en compte la dernière année du plan de relance. Aussi, le groupe Nouveau Centre le votera-t-il, et cela malgré les trois réserves que je vais développer quelque peu.

La première réserve concerne le caractère insoutenable, à terme, du niveau de nos déficits. Le groupe Nouveau Centre salue les efforts réalisés par le ministre du budget pour limiter la hausse des dépenses de l'État, mais il entend aussi rappeler trois choses.

D'abord, la dépense publique va atteindre un niveau historique en 2010, puisqu'elle va frôler les 56 % de la richesse nationale, ce qui est l'un des taux les plus élevés de tous les pays développés.

Ensuite, la seule reprise économique à partir de 2011 à un taux réaliste de 1,5 % n'est pas capable de résorber un déficit structurel évalué à environ 50 milliards d'euros, soit la moitié du déficit de l'année 2010 – 101 milliards hors plan de relance.

Enfin, le taux de croissance des dépenses de l'État est encore excessif, monsieur le ministre. Officiellement affiché à 1,2 % – c'est-à-dire égal au taux d'inflation prévu –, il atteint en réalité 2,7 % si l'on tient compte de trois facteurs : l'effet à moyen terme de la réforme de la taxe professionnelle, qui va coûter 4,2 milliards d'euros en année pleine ; la hausse des remboursements et des dégrèvements au profit des collectivités territoriales, d'un montant de 1,10 milliard d'euros ; la hausse des dépenses fiscales hors plan de relance, évaluée à 1,5 milliard d'euros en 2010.

D'ailleurs, la Commission européenne vient de demander à la France de ramener, dès 2013, son déficit public sous la limite autorisée dans l'Union européenne – soit 3 % du PIB. Ses recommandations vont dans le sens des demandes du groupe Nouveau Centre.

Ramener de 8,5 % à 3 % le niveau des déficits publics, revient à le réduire de 5,5 % en trois ans, c'est-à-dire un peu plus de 1,8 % par an. Mes chers collègues, ce taux représente 36 milliards d'euros d'efforts supplémentaires. En l'état actuel de la gestion des finances publiques, c'est hors de portée !

Selon le Nouveau Centre, il faut aller plus loin dans la politique budgétaire d'économies pour passer du zéro volume au zéro valeur,…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…ce qui suppose des économies supplémentaires de l'ordre de 5 milliards d'euros par an et la protection des recettes fiscales. En termes clairs : on ne peut plus baisser les impôts !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Ce serait difficile, il n'y en a plus, en tout cas pour les riches.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Nous avons proposé deux grandes mesures d'économie pour un montant de 5 milliards d'euros. D'abord, un coup de rabot global de 3,5 milliards d'euros sur les niches fiscales, qui représentent plus de 70 milliards d'euros.

C'est en grande partie pour cette raison que nous considérons que la fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail constitue une erreur de méthode qui nuit à la réflexion de fond sur l'ensemble des 469 niches fiscales. En effet, il est illusoire de s'attaquer à un dispositif fiscal en particulier. D'ailleurs, notre groupe se réjouit du fait que le ministre du budget ait lancé une étude globale sur les principales niches, confiée à l'inspection générale des finances, dont il présentera les résultats lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011.

Notre deuxième proposition d'économie – 1,1 milliard d'euros – porte sur les exonérations de charges sociales patronales dont bénéficient les grandes entreprises, à l'exception des secteurs automobile et aéronautique.

La deuxième réserve concerne le financement des collectivités territoriales, dont la taxe professionnelle n'est qu'un élément. Le groupe Nouveau Centre soutient la réforme de la taxe professionnelle, mais s'est battu sur trois principes.

Premier principe : le maintien du lien entre les entreprises et les collectivités territoriales, qui passe par la territorialisation de l'assiette de la cotisation complémentaire. Sur ce point, le Nouveau Centre a, en partie, été entendu. Cela étant, le texte voté en première lecture ne pousse pas la logique de la territorialisation à son terme. Pour ce faire, il faut encore l'améliorer sur trois points.

D'une part, il faut accroître la part de la cotisation complémentaire à destination du bloc communal – le taux de 20 % est insuffisant, il faut le porter entre 30 % et 40 %. Je sais que le Gouvernement n'y est pas hostile puisqu'il l'a expliqué en séance.

D'autre part, il faut resserrer le barème de la cotisation complémentaire qui va actuellement de 500 000 euros à 50 millions d'euros. Le Gouvernement prend un risque constitutionnel s'il ne réduit pas cet écart. Il prend aussi un vrai risque d'optimisation fiscale.

Enfin, le reversement aux collectivités territoriales de la part de contribution complémentaire qui leur revient doit être effectué sur la base d'un taux national unique de l'ordre de 1,3 %, afin d'éviter les effets de structure sur le tissu économique.

Deuxième principe : la création d'un double système de péréquation. Vous nous avez donné satisfaction sur ces deux points.

Troisième principe : la responsabilisation des élus locaux, qui passe par le maintien d'une autonomie fiscale locale. Sur ce point, le groupe a été entendu en ce qui concerne le bloc communal et les intercommunalités, mais pas sur les départements et les régions. Nous avons, à ce titre, fait une proposition résolument novatrice : l'affectation d'une part de CSG – seul impôt véritablement moderne et juste – aux départements et éventuellement aux régions. La création d'une telle taxe additionnelle à la CSG, avec une diminution corrélative du taux national, ne se traduirait par aucune augmentation de la pression fiscale.

Notre dernière réserve concerne la mise en oeuvre de la taxe carbone, dont nous approuvons le principe…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…mais dont nous souhaitons qu'elle soit véritablement incitative et juste.

En conclusion, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre votera ce budget sous ces trois réserves. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Nous commençons, en cette fin d'année, à sentir les premiers effets de la politique de relance conduite par le Gouvernement et soutenue par la majorité…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…et je voudrais insister sur deux nouvelles qui sont, dans ce contexte, relativement bonnes.

D'abord, l'emploi salarié s'est pratiquement stabilisé au troisième trimestre : seulement – mais encore – 5 500 emplois détruits, contre 85 400 au cours du deuxième trimestre. La comparaison de ces deux chiffres permet de noter l'amélioration significative de la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

La croissance nous a réservé la deuxième bonne nouvelle, monsieur Brard. Elle a été de nouveau été positive au troisième trimestre : plus 0,3 %, soit une légère croissance comparable à celle observée au deuxième trimestre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Dans ce contexte d'une reprise modeste, je voudrais souligner deux prises de position qui interviennent opportunément au moment où nous allons voter ce projet de loi de finances.

La première est celle du gouverneur de la Banque centrale européenne, cet après-midi. M. Trichet observe que la reprise est plus rapide que les prévisions ne l'annonçaient, tout en soulignant que l'indice de la production industrielle globale se situe actuellement au niveau de celui de 1998. Autrement dit, il constate que la crise a produit une chute de quinze points de croissance de la production industrielle en moins d'un an.

Mais le point fort de la prise de position du gouverneur de la BCE réside dans son appréciation des politiques de relance conduites par les gouvernements, et en particulier par le gouvernement français : réactives et efficaces, elles ont permis d'éviter, selon ses propres termes, une « dépression redoutable ».

Finalement, ces propos légitiment pleinement la stratégie du Gouvernement et de la majorité. De la part de celui qui fut, en d'autres temps, le pourfendeur d'une politique de déficit public au nom de la stabilité de l'euro, il s'agit incontestablement du plus beau compliment qui pouvait être fait au Gouvernement et à celle et celui qui ont la charge de conduire la politique budgétaire, pour avoir su tenir, au plus fort de la crise, et aujourd'hui encore, le cap d'une politique responsable, soutenant l'économie française tout en contrôlant strictement la dépense publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

En ce moment même, une seconde prise de position importante est exprimée par le Premier ministre devant les maires de France réunis, comme chaque année, en congrès. Il intervient, bien sûr, au sujet de la taxe professionnelle, réforme qui fut au coeur des débats politiques pendant toute la discussion de la loi de finances.

En effet, la suppression de cet impôt relevait d'un enjeu majeur de modernisation de notre fiscalité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…afin que cette dernière soit plus en phase avec la compétition fiscale mondiale, sur laquelle la crise financière eu un effet d'accélérateur sans précédent.

Alors que cette réforme est saluée par tous les entrepreneurs, certains élus manifestaient encore des inquiétudes quant à leurs futures ressources, il était donc légitime qu'ils s'expriment.

Je crois savoir que le Premier ministre est en train de formuler des propositions de nature à lever ces inquiétudes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…tout en confirmant la mise en oeuvre de la réforme au 1er janvier 2010.

Cette prise de position, dont chacun lira les détails tout à l'heure, me semblait autant nécessaire que juste : il fallait rassurer les élus sur leurs ressources futures sans revenir sur l'application de cette réforme dès 2010.

Au fond, l'un des grands enseignements de la crise est l'accélération de la mondialisation de l'économie. Alors même que le processus de décision reste national pour la plupart des États – parfois supranational, dans quelques cas et pour quelques décisions –, les effets économiques ne s'arrêtent plus aux frontières, et toutes les décisions prises par les institutions internationales convergent depuis plusieurs années vers une fluidité de l'ensemble des échanges, économiques, financiers, et même technologiques, sous certaines conditions.

Il appartient donc plus que jamais à chaque gouvernement de prendre la mesure des effets de cette mondialisation qui est, certes, une opportunité, mais qui exige une adaptation forte des règles à des principes qui évoluent en permanence.

L'une des grandes réussites du budget pour 2010 – c'était déjà le cas du budget pour 2009 – est d'avoir su conjuguer le soutien à une économie en état de choc et la poursuite de la réduction de la dépense publique et des réformes majeures pour préparer la France à retrouver le rang des plus grandes puissances mondiales.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera avec détermination et conviction…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…ce budget de sortie de crise et de poursuite des réformes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Avant de donner la parole à l'orateur suivant, je vais annoncer le scrutin public sur le vote de l'ensemble du projet de loi de finances pour 2010.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Mes chers collègues, avec la réforme du financement des collectivités locales, le Président de la République court le risque de se couper des élus locaux, ce qui, dans notre pays, n'est jamais bon.

Pourtant, nous savons que c'est grâce à ces derniers que sont effectués 75 % des investissements civils français. Pourtant ce sont eux que le Gouvernement a sollicités lorsqu'il a fallu mettre en oeuvre un plan de relance. Et nous savons aussi que ces élus locaux ne mesurent jamais le temps qu'ils consacrent au bien-être de leurs concitoyens et à l'avenir des territoires dont ils sont les élus.

Malgré tout cela, ils sont accusés par le Président de la République, et par certains membres du Gouvernement, d'être dépensiers, ce qui suppose véritablement, de la part du premier comme des seconds, un culot d'acier. C'est tout de même le Président de la République qui a organisé à Strasbourg un sommet de l'OTAN pour 16 millions d'euros ; c'est lui qui a organisé, pour cinq mille euros par convive, un banquet lors du sommet de l'Union pour la Méditerranée, projet aussi fumeux que dénué d'avenir ; et je ne parlerai pas des commodités en marbre à l'usage exclusif et unique de ce Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Ces accusateurs sont les mêmes qui mettent les finances publiques de notre pays dans un état qu'il n'a jamais connu, même en temps de guerre, accumulant les déficits de l'État et de la sécurité sociale dans des proportions qui rendent la dette de notre pays « incontrôlable », aux dires de la Cour des comptes.

Que ceux-là osent accuser les élus locaux d'être dépensiers suppose, je le répète, qu'ils aient un culot d'acier que nous dénonçons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Il me semble qu'il y a trois taches sur ce projet de loi de finances, dont le Président de la République, le Gouvernement de François Fillon et la majorité UMP devront s'expliquer devant le pays.

Il y a tout d'abord la tache de l'injustice fiscale. En maintenant le bouclier fiscal, qui a coûté 700 millions d'euros l'année dernière et qui a permis à deux cents contribuables de se faire restituer 150 millions d'euros, le Président de la République, le Gouvernement de François Fillon et la majorité UMP prennent le risque, dans un pays qui déteste les privilèges, de susciter une véritable colère. Or si l'on sait parfois pourquoi et comment la colère commence, on ne sait jamais où elle finit.

La gabegie financière constitue une deuxième tache sur ce budget.

Lorsqu'il était ministre délégué au budget, l'actuel président du groupe UMP a accepté, en deux minutes, un amendement dont le coût pour les finances publiques fut, ces deux dernières années, de plus de 20 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Nous avons demandé que cette niche fiscale, « la niche Copé », soit revue à l'occasion de cette loi de finances. Le Président de la République l'a refusé et, par voie de conséquence, sa majorité a fait le même choix. Chers collègues de l'UMP, si vous votez ce budget, vous acceptez de porter cette tache de la gabegie financière.

La troisième tache sur ce budget est celle de la honte.

Chers collègues de la majorité, en décidant, à l'initiative du président du groupe UMP, Jean-François Copé, de taxer les indemnités journalières des accidents du travail, vous courez le risque de voir vos actions – que nous devons respecter, même si nous ne sommes pas toujours en accord –, entachées par ce choix de la honte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cette « taxation Copé », car il faut bien l'appeler par le nom de celui qui en a eu l'idée, acceptée par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, rapportera 150 millions d'euros, à rapprocher des 700 millions d'euros du bouclier fiscal ou des 20 milliards de la « niche fiscale Copé ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Mes chers collègues de la majorité, en votant ce budget, vous acceptez de partager cette honte avec le président du groupe UMP comme avec le Président de la République. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Devant le pays, nous dénoncerons ces trois taches : celle de l'injustice fiscale, celle de la gabegie financière et celle de la honte ; la honte d'un pouvoir et d'une majorité complaisante avec les puissants mais dure avec les victimes. Nous ne voterons pas ce projet de budget. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à peine un an après le début de la crise financière, et au moment même où les prévisionnistes les plus optimistes, ou les plus naïfs, nous disent déceler les premiers signes timides d'une hypothétique reprise ; au moment même où la dette de l'État atteint un niveau record – comme le soulignait, à juste titre, Charles de Courson, il y a un instant –, le Gouvernement veut nous imposer un budget par lequel il s'obstine à poursuivre dans la voie de l'injustice fiscale.

Il faut toute l'adoration que ressent Jérôme Chartier envers le Gouvernement pour trouver des mérites à ce budget. En l'entendant, j'hésitais à le comparer à La Fontaine ou à La Rochefoucauld pour son côté moraliste, mais ses propos me font plutôt penser à Pierre Dac : pour résumer sa pensée, c'est moins grave que si cela avait été pire. (Sourires.) C'est un peu la philosophie gouvernementale.

Monsieur le ministre, en supprimant la taxe professionnelle, vous vous livrez cette année à une attaque en règle contre les communes, les départements et les régions. En supprimant la taxe professionnelle, vous privez la collectivité nationale de près de 6 milliards d'euros par an. Le projet de loi de finances pour 2010 est tout simplement celui de l'étranglement financier des collectivités territoriales. La taxe professionnelle représente en effet aujourd'hui 41 % des recettes fiscales des communes, 44 % de celles des départements et 64 % de celles des régions.

Or le Gouvernement n'est pas sans savoir que ces collectivités réalisent 73 % de l'investissement public, et que la taxe professionnelle finance près d'un quart des écoles, des crèches et des équipements sportifs. Le Gouvernement sait également que les collectivités locales emploient 1 700 000 personnes.

Pourquoi alors vous obstinez-vous, monsieur le ministre, à vouloir priver nos collectivités des moyens qui leur permettraient, tant bien que mal, d'assurer un minimum de solidarité, et donc de cohésion sociale, dans notre pays ? Je crains qu'au clientélisme en faveur des plus riches s'ajoute ici la croyance aveugle dans un dogme libéral qui voit dans l'impôt, quelle que soit l'utilité qu'il puisse objectivement avoir, une sorte d'essence du mal, comme aurait dit Mme Thatcher.

Dans votre déni de la réalité, vous allez même jusqu'à refuser, contre l'avis de votre propre majorité, l'instauration d'une surtaxe de 10 % sur les bénéfices des banques, dont tout le monde sait qu'elles réalisent à nouveau des profits considérables.

Alors que la crise aurait dû vous permettre de sortir de vos ornières idéologiques, vous vous obstinez à proposer un budget qui s'avère particulièrement irresponsable dans le contexte actuel.

Irresponsable, il l'est, à dire vrai, à plus d'un titre. Ainsi, au-delà des déclarations d'intention et de l'inflation communicationnelle dont le Président de la République détient le secret, le Gouvernement n'a toujours pas pris ses responsabilités en matière d'urgence climatique. Je pense, évidemment, à la contribution climat-énergie dite « taxe carbone », au sujet de laquelle le Président de la République avait déclaré que la France devait « montrer l'exemple ».

La réalité, vous la connaissez bien mes chers collègues : ce n'est pas seulement que la France a plus de vingt ans de retard par rapport à des pays comme la Suède, c'est que cette nouvelle taxe est une supercherie, aussi inefficace que socialement injuste. Les Espagnols, par exemple, n'ont pas attendu pour couvrir, le 8 novembre dernier, plus de 50 % de leur consommation électrique grâce aux énergies renouvelables.

On le voit, qu'il s'agisse de la fiscalité locale ou de la fiscalité dite écologique, votre projet de budget est dangereux.

En matière d'injustice fiscale, que dire de votre obstination à vouloir maintenir le bouclier fiscal en exonérant ainsi les plus aisés de nos concitoyens de l'effort de solidarité nationale ? Que dire de votre obstination à vouloir étrangler les services publics avec un total de 33 749 postes supprimés dans la fonction publique pour la seule année 2010 ?

Alors que sa majesté impériale avait déclaré à Toulon, en septembre 2008, que « nous ne pouvons plus attendre pour investir dans la formation et dans la recherche », le budget pour 2010 prévoit la suppression de 16 000 postes dans l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Contrairement aux engagements du Président de la République, une initiative étrange de M. Warsmann et M. Mallié a entraîné des coupes claires dans les crédits prévus pour certaines autorités administratives indépendantes. Alors que le Gouvernement s'était engagé à augmenter les crédits en question, il a été assez lâche pour s'en remettre à « la sagesse » d'une majorité de béni-oui-oui. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2010.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 565

Nombre de suffrages exprimés 563

Majorité absolue 282

Pour l'adoption 336

Contre 227

(Le projet de loi finances est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (nos 1327, 2007).

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de vingt-cinq heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe UMP, sept heures et cinq minutes ; le groupe SRC, neuf heures cinquante ; le groupe GDR quatre heures quarante-cinq et le groupe Nouveau Centre, trois heures vingt. Les députés non inscrits disposent d'un temps de quarante minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur. Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont, en tout état de cause, qu'indicatifs.

La parole est à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, en abordant la discussion de ce texte, qui a déjà été longuement examiné par la commission des lois, je tiens à saluer la qualité du travail accompli par celle-ci, en particulier par votre rapporteur, Jean-Paul Garraud. La qualité de la loi dépend en effet de celle du dialogue et de la coopération entre le Gouvernement et le Parlement. Celle-ci s'est déroulée dans un véritable climat de confiance – ce qui n'empêche pas les divergences –, de franchise et de responsabilité. Je crois que c'est un bon modèle.

Le projet de loi soumis à votre examen vise à amoindrir le risque de récidive en matière criminelle, qui est une des craintes de nos concitoyens, lesquels supportent mal que des personnes, après avoir été condamnées une ou plusieurs fois, recommencent à troubler leur tranquillité et leur sécurité.

Le texte a ainsi une double finalité. Premièrement, il vise à compléter la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour trouble mental, en tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008. Pour cela, il se fonde sur le rapport de M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation.

Deuxièmement, le projet de loi tend à renforcer la protection de nos concitoyens contre les criminels dangereux. Actuellement, l'incarcération est la première des réponses pénales contre les actes criminels graves. Pour autant, la prison n'est pas toujours une réponse suffisante, l'actualité nous l'a, hélas ! tragiquement rappelé. Il est insupportable pour tout le monde qu'une femme ait pu trouver la mort en croisant sur son chemin un violeur récidiviste à peine sorti de prison. Il est intolérable qu'un enfant de cinq ans ait pu se faire agresser par un violeur qui avait été auparavant condamné et incarcéré.

Nos concitoyens attendent de nous que nous garantissions leur sécurité ; ces attentes sont pour nous de véritables exigences. Face aux risques que font peser certains récidivistes, les Français attendent de l'État qu'il sache les protéger ; cela impose de la fermeté. La loi du 10 août 2007 a ainsi institué des peines plancher pour les multirécidivistes. Elle est actuellement pleinement appliquée. À ce jour, près de 14 000 condamnations en récidive ont donné lieu à une peine supérieure ou égale à la peine plancher.

Toutefois, pour lutter contre la récidive, la fermeté doit aller de pair avec des réponses adaptées. Certains criminels présentent un risque grave de récidive. Il nous faut donc réduire leur dangerosité, pour autrui mais aussi, parfois, pour eux-mêmes. C'est pourquoi il importe de renforcer le suivi des criminels dangereux : un suivi judiciaire, mais aussi médical et psychiatrique, un suivi en prison, mais aussi en dehors de la prison.

Le projet de loi consolide donc les mesures de sûreté prévues par la loi du 25 février 2008 et introduit de nouvelles dispositions, dont l'objectif est de garantir un meilleur suivi des criminels dangereux en dehors de la prison.

Pour consolider, sur la base du rapport Lamanda, les dispositions de la loi de 2008, nous entendons clarifier les conditions de placement en rétention de sûreté et renforcer l'efficacité des mesures de surveillance de sûreté.

Les conditions de placement en rétention de sûreté sont clarifiées au plan juridique, en réponse à la décision du Conseil constitutionnel. Il est ainsi prévu que ce placement suppose que l'intéressé ait été en mesure, pendant sa détention, de bénéficier d'une prise en charge médicale, sociale ou psychologique adaptée. L'État est donc soumis à une obligation en la matière. La mesure de rétention de sûreté n'interviendra que dans le cas où un renforcement des mesures de surveillance apparaîtra insuffisant pour prévenir la récidive. Cette décision pouvant donner lieu à contestation, l'aide juridique sera garantie aux personnes placées en rétention de sûreté, qui pourront ainsi bénéficier de l'assistance d'un avocat, puisqu'il s'agit d'une mesure restreignant leur liberté individuelle.

Deuxième objectif : renforcer l'efficacité des mesures de surveillance de sûreté en étendant les possibilités de placement sous une telle surveillance. La surveillance de sûreté pourra ainsi intervenir à l'issue d'une surveillance judiciaire ayant accompagné une libération anticipée. Elle sera également possible directement à la sortie de prison. Par ailleurs, si une personne est condamnée à une peine de prison pendant l'exécution des mesures de surveillance ou de rétention, ces mesures ne seront que suspendues ; elles reprendront automatiquement à l'issue de l'exécution de la peine. Enfin, des personnes remises en liberté dans l'attente d'une procédure de révision pourront également être placées sous surveillance de sûreté.

Mais la protection des citoyens contre les criminels dangereux ne saurait se limiter au temps de l'incarcération. C'est pourquoi je vous propose de nouvelles mesures nous permettant d'aller plus loin dans le suivi des criminels dangereux. En la matière, le texte vise trois objectifs : le renforcement du suivi médico-judiciaire des délinquants et criminels sexuels, le contrôle et la surveillance effectifs des criminels après leur libération et une meilleure protection des victimes.

S'agissant, tout d'abord, du suivi médico-judiciaire des délinquants et criminels sexuels, un traitement inhibiteur de la libido – improprement appelé castration chimique – peut d'ores et déjà être administré dans le cadre d'une injonction de soins : il nous faut renforcer l'effectivité de cette mesure. Si, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, le condamné est soumis à une injonction de soins, tout refus du traitement anti-libido pourra conduire à une réponse immédiate.

Le non-respect de l'injonction de soins pourra être sanctionné : par l'incarcération, si la personne exécute sa peine en milieu ouvert ou si elle est sous surveillance judiciaire ; par le placement en rétention de sûreté, si elle est sous surveillance de sûreté ; par le retrait de crédit de réduction ou l'interdiction de bénéficier de réduction supplémentaire de peine, si elle est détenue.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il s'agit de mesures immédiates et très précises.

Si des incidents graves ou une interruption de traitement interviennent, ils devront être signalés. Nous savons, en effet, que certains délinquants, qui se sont déclarés volontaires pour suivre ce traitement, peuvent être amenés à l'interrompre ou à le neutraliser en prenant des médicaments interférant avec les effets des inhibiteurs de la libido.

Pour donner aux juges les moyens de vérifier la réalité de la prise et du suivi du traitement, nous avons prévu de mettre en oeuvre un dispositif permettant la circulation de l'information. Un médecin traitant, chargé de prescrire et de suivre l'administration du traitement, rendra compte à un médecin coordonnateur, lequel aura l'obligation d'informer les juges de toute interruption ou contournement du traitement. Le médecin coordonnateur est donc soumis à l'obligation d'informer le juge de l'exécution de la mesure, et non du protocole médical suivi, qui relève du médecin traitant. La circulation de l'information est le seul moyen de renforcer la protection de tous. À ce propos, je tiens à préciser, puisque j'ai entendu certaines déclarations à ce sujet, que le juge comme le médecin sont astreints au secret professionnel et qu'ils le demeureront.

Ensuite, pour assurer le contrôle et la surveillance des criminels après leur libération, il nous faut améliorer l'information des acteurs concernés. Nous devons tout d'abord renforcer celle des services enquêteurs. En effet, la première des préventions contre la récidive, c'est de savoir où se trouvent les sortants de prison sur le territoire. Je suis donc favorable à ce que soient communiquées aux services de police et de gendarmerie l'identité et l'adresse des sortants de prison encourant un suivi socio-judiciaire.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est là une mesure simple et de bon sens, qui permet aux forces de sécurité d'assurer une surveillance ciblée constituant sans doute, à l'heure actuelle, le meilleur gage de prévention et de protection.

Pour renforcer l'efficacité du travail des policiers et des gendarmes, il faut également moderniser le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et – puisqu'il s'agit d'un facteur d'aggravation du risque – envisager une interconnexion de ce fichier avec celui des personnes recherchées.

Au-delà des services de police et de gendarmerie, le renforcement de l'information des magistrats doit améliorer le traitement judiciaire des criminels dangereux. Une meilleure connaissance du parcours individuel du condamné permet au juge de mieux en évaluer le profil et la dangerosité. Il n'est pas acceptable, par exemple, qu'un cas de cannibalisme ait pu se produire au centre pénitentiaire de Rouen parce que le juge n'était pas informé de l'état mental du détenu. Je souhaite que, pour chaque détenu présentant un certain nombre de facteurs, il soit créé un dossier unique de personnalité comprenant l'ensemble des expertises psychiatriques, psychologiques et enquêtes sociales réalisées dans le cadre d'une procédure pénale ou lors de l'exécution d'une mesure de sûreté. C'est, me semble-t-il, la moindre des choses que de fournir au juge l'ensemble des informations lui permettant de statuer en toute connaissance de cause sur une personne et de prendre à son égard les mesures qui s'imposent.

De même, il me paraît nécessaire – sur ce point comme sur de nombreux autres, ma position est en parfaite harmonie avec celle du rapporteur et de la commission – que les mesures de sûreté et les décisions de surveillance judiciaire soient inscrites au casier judiciaire, afin de permettre à l'autorité judiciaire d'avoir connaissance d'éléments indispensables lorsqu'elle doit poursuivre ou juger une personne.

La troisième finalité de la loi, en ce qui concerne les délinquants sexuels, est de mieux protéger les victimes contre les multirécidivistes. Je vous le dis parce que je l'ai profondément ressenti en parlant avec les victimes que j'ai rencontrées : il n'est pas tolérable qu'un criminel puisse, en sortant de prison, s'installer près des lieux où habite ou travaille la victime des faits qu'il a commis.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Lorsque cela se produit, c'est un véritable traumatisme pour les victimes de croiser – je ne parle même pas du harcèlement qui survient dans certains cas – celui qui leur a fait tant de mal.

Je souhaite donc que toute personne condamnée pour un crime sexuel et bénéficiant d'un aménagement de peine soit obligatoirement soumise à cette interdiction par le juge de l'application des peines,…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…sauf décision explicite et motivée du juge.

De même, dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un aménagement de peine, la juridiction de jugement ou d'application des peines doit pouvoir interdire à un condamné de paraître dans les lieux où travaille ou habite la victime. C'est exactement la même situation.

Enfin, il faut aussi qu'il y ait une sanction. On ne le sait pas toujours, mais aujourd'hui, quand les services de police ou de gendarmerie constatent la violation d'une interdiction de s'approcher de la victime, ils n'ont aucun moyen légal d'intervenir directement. Je souhaite – et j'ai cru comprendre que tel était également le souhait de la commission – qu'il leur soit permis d'interpeller l'intéressé et, si le juge de l'application des peines l'estime nécessaire, de le déférer éventuellement aux fins d'incarcération.

Mesdames et messieurs les députés, nous allons avoir l'occasion d'entrer davantage dans le détail des dispositions du texte durant la discussion qui va avoir lieu, mais je tiens à vous résumer la philosophie du projet de loi sur lequel nous avons déjà beaucoup travaillé ensemble. Il s'agit, premièrement, de compléter, rendre efficace et conforme à la demande du Conseil constitutionnel le texte que vous avez voté il y a dix-huit mois ; deuxièmement, de faire face à une réalité dont nous avons tous conscience, celle du risque de récidive d'un certain nombre de délinquants sexuels.

Protéger les Français, ce n'est pas se contenter de sanctionner le criminel une fois le crime commis. Si c'était le cas, combien faudrait-il de viols, de meurtres et d'agressions violentes pour assurer la sécurité de nos concitoyens, jusqu'à ce que tout le monde soit incarcéré ? La protection des Français doit aussi être préventive…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…– la prévention étant la meilleure défense – et proactive. Elle doit reposer sur une évaluation lucide et efficace des risques de récidive.

En adaptant le suivi médico-judiciaire, en mutualisant les informations et en assurant la tranquillité des victimes, nous franchirons une étape supplémentaire dans la prévention de la récidive, donc dans la réponse que nous devons apporter à nos concitoyens en matière de sécurité. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la sécurité est la première des libertés des Français, car elle est celle qui permet le réel exercice de toutes les autres.

Pour être efficaces, nous devons savoir sanctionner mais aussi prendre les mesures de prévention nécessaires. Je souhaite qu'à l'issue de notre discussion et du vote du texte et des amendements éventuels, nous parvenions à répondre à ce qui constitue une attente de nos concitoyens, donc une responsabilité pour chacune et chacun d'entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Monsieur le président, madame la ministre d'État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, impliqué depuis plusieurs années sur ce sujet de l'évaluation de la dangerosité, je suis particulièrement heureux de m'exprimer devant vous à l'occasion de ce projet de loi, qui marque, selon moi, l'aboutissement d'une évolution législative absolument indispensable.

Même si le meurtre abominable de Mme Hodeau est ancré dans nos mémoires, nous ne légiférons en aucune façon dans l'urgence ou sous le coup d'une émotion – au demeurant fort légitime, suite à ce tragique fait divers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

De nombreux travaux avaient déjà conclu, je le rappelle, à la nécessité d'étendre les mesures dites de sûreté à l'encontre des délinquants reconnus toujours dangereux à l'issue de leur peine : la commission santé-justice, présidée par le regretté Jean-François Burgelin ; la mission d'information parlementaire présidée par Pascal Clément ; la loi du 12 décembre 2005 sur la récidive ; le rapport « réponses à la dangerosité » que j'ai eu l'honneur de rendre au Premier ministre le 18 octobre 2006 ; la loi du 25 février 2008 et maintenant ce projet de loi, déposé en 2008 sur le bureau de l'Assemblée, largement amendé par votre rapporteur en totale concertation avec vous, madame la garde des sceaux.

Comprenez bien, mes chers collègues, que dans cette lutte que nous menons contre les récidivistes, il faut prendre toutes nos responsabilités et aller au bout de notre logique. Il est intolérable d'admettre en fait des « sorties sèches » de détenus ayant déjà commis des faits gravissimes et dont on sait qu'ils vont recommencer.

Pour éviter cela, la logique est simple et se décompose en deux temps. D'une part, à la culpabilité correspond la peine : l'individu est condamné en fonction de la gravité des faits qu'il a commis. Il doit être puni, mais cette sanction doit aussi lui être utile, son parcours en détention est individualisé, sa réinsertion constituant l'objectif final.

D'autre part, à la dangerosité correspond la mesure de sûreté, qui n'est pas la peine : bien qu'ayant purgé leur peine pour des faits graves, certains individus restent particulièrement dangereux. Lorsqu'il existe un risque élevé de récidive, il faut continuer de les surveiller, de les contrôler, de leur imposer des traitements médicaux, aussi longtemps que durera cette dangerosité. Il faut donc aussi individualiser la mesure de sûreté : c'est une nécessité qui répond à une vision juridique et pragmatique que de nombreux pays, notamment la Belgique, les Pays-Bas, ou le Canada, ont adopté depuis longtemps, sans que, concernant les pays européens, cela soit considéré contraire à la convention européenne des droits de l'homme.

Cette réflexion sur la dangerosité, que je mène depuis plusieurs années, m'a amené à constater un certain nombre de lacunes de notre législation, tant dans l'évaluation que dans le traitement de cette dangerosité. J'ai donc formulé en commission un certain nombre de propositions d'évolutions législatives, qui ont été adoptées par la commission des lois le 4 novembre dernier. Je présenterai brièvement les principales modifications apportées au projet de loi par notre commission.

Tout d'abord, un article 1er A a été ajouté, pour permettre que l'auteur d'une infraction entrant dans le champ d'application de la rétention et de la surveillance de sûreté, commise à l'encontre d'une personne majeure, en état de récidive légale mais sans autre circonstance aggravante, puisse faire l'objet d'une mesure de rétention ou de surveillance de sûreté. Il s'agissait d'une lacune de la loi du 25 février 2008, que notre commission a permis de combler.

Par ailleurs, à l'initiative de nos collègues Brigitte Barèges et Éric Ciotti, la commission a adopté un nouvel article 1er bis, qui porte d'un an à deux ans la durée du placement sous surveillance de sûreté. La durée actuelle d'un an pour le placement sous surveillance de sûreté a pour conséquence qu'il est quasiment nécessaire, pour pouvoir prolonger cette mesure, d'engager la procédure de renouvellement dès le placement initial en surveillance de sûreté. Une durée de deux ans réalise donc un meilleur équilibre entre la nature de la mesure de surveillance de sûreté – moins contraignante que la rétention de sûreté – et la longueur de la procédure de renouvellement.

L'article 4 a été complété pour abaisser de quinze ans à dix ans le seuil de peine prononcée permettant d'ordonner le placement sous surveillance de sûreté, à l'issue de la période de surveillance judiciaire, d'une personne entrant dans le champ d'application de la rétention et de la surveillance de sûreté, et qui présente encore une dangerosité reconnue. Cette modification est conforme à l'idée de gradation, qui doit prévaloir en matière de surveillance de sûreté : si un seuil élevé de peine prononcée – quinze ans – apparaît nécessaire pour permettre un placement direct sous le régime de la rétention de sûreté à l'issue de la peine, un seuil plus bas – que la commission a fixé à dix ans – doit être prévu pour le placement sous surveillance de sûreté d'une personne dont le risque de récidive apparaît élevé à l'issue de la période de surveillance judiciaire.

L'article 5 ter, inspiré par la même idée de gradation des mesures de sûreté, renforce les possibilités de contrôle à l'égard des personnes présentant une forte dangerosité après leur libération, en abaissant de dix ans à sept ans le seuil de peine prononcée permettant le placement sous surveillance judiciaire. Suite à la loi du 25 février 2008, la rétention de sûreté comportait la nécessité qu'ait été prononcée une peine de détention de quinze ans. En vertu du principe de gradation, la rétention de sûreté nécessite quinze ans, la surveillance de sûreté dix ans, et la surveillance judiciaire sept ans. Le champ d'application a été étendu.

La commission a également adopté un nouvel article 5 bis tendant à créer un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires. Il s'agit…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

D'un fichier, effectivement, le terme ne me fait pas peur.

C'est une disposition qui reprend d'ailleurs la préconisation n° 13 de mon rapport de 2006. Ce nouveau fichier aura donc pour objet de centraliser l'ensemble des informations relatives à la santé et à la personnalité obtenues pendant une procédure judiciaire ainsi que pendant l'exécution de peines ou de mesures de sûreté, afin de faciliter la connaissance de la personnalité et l'évaluation de la dangerosité des personnes poursuivies ou condamnées pour l'une des infractions pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. Pour mieux juger les individus, il faut mieux les connaître et faire en sorte que l'autorité judiciaire ait entre les mains tous les éléments et les expertises psychiatriques et médico-psychologiques.

L'article assortit la constitution et le fonctionnement de ce nouveau fichier de plusieurs garanties. Ainsi, un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, définira les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire. Il précisera notamment les conditions dans lesquelles les magistrats et experts peuvent consulter ce répertoire ou être destinataires des informations qui y figurent. La trace des interrogations et consultations sera conservée dans des conditions définies par ce même décret. Le décret fixera également la durée de conservation des informations inscrites dans le répertoire et les modalités de leur effacement.

Enfin, l'article prévoit l'effacement immédiat des données en cas de décision de classement sans suite – hormis les cas où cette décision est fondée sur une irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental –, de décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.

Un nouvel article 5 ter a été adopté afin d'améliorer l'efficacité des dispositions relatives à l'injonction de soins et à la surveillance judiciaire. Il clarifie et complète les règles relatives à l'injonction de soins applicables aux auteurs d'infractions de nature sexuelle, afin de renforcer l'efficacité et la cohérence de cette mesure tout en facilitant sa mise en oeuvre.

S'agissant de l'incitation au suivi de soins par les délinquants sexuels, cet article prévoit, dans le respect du principe du consentement aux soins, que la personne qui refuse de commencer ou de poursuivre le traitement médicamenteux prescrit s'exposera, selon sa situation, au retrait de ses réductions de peine, à la réincarcération ou au placement en rétention de sûreté – les incitations sont fortes. Il prévoit également que le refus de la personne de commencer ou de poursuivre le traitement médicamenteux anti-libido qui lui est prescrit par le médecin traitant devra être signalé par ce dernier à l'autorité judiciaire, directement ou par l'intermédiaire du médecin coordonnateur. La pluridisciplinarité de la démarche est ici essentielle : la médecine informe l'autorité judiciaire afin que celle-ci puisse prendre toutes les mesures qui s'imposent et que prévoit le texte.

La commission a adopté un article 5 quater tendant à rendre plus fréquente et plus effective, notamment en matière criminelle, l'interdiction pour un condamné de paraître, après sa libération, dans les lieux où réside ou travaille sa victime, ce qui permettra de renforcer la prise en compte des intérêts des victimes et de mieux prévenir tout acte de récidive. Pour les auteurs de crimes sexuels ou violents visés à l'article 706-47 du code de procédure pénale, le prononcé de l'interdiction de rencontrer la victime sera obligatoire, sauf décision spécialement motivée de la juridiction. L'autorité judiciaire dispose de la souveraineté nécessaire pour justifier cette décision.

Un nouvel article 5 quinquies a été adopté afin d'améliorer les procédures d'enregistrement et de contrôle des délinquants sexuels enregistrés au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, le FIJAIS. La fréquence à laquelle les personnes qui sont inscrites au FIJAIS doivent justifier de leur adresse est abaissée d'un an à six mois. La mise en oeuvre du régime de justification renforcé à l'encontre d'une personne condamnée pour un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement devient possible sans attendre le caractère définitif de cette condamnation. Enfin, la fréquence de la justification d'adresse auprès du commissariat ou de l'unité de gendarmerie pour les personnes soumises au régime de justification renforcé est abaissée de six à trois mois.

L'article 8 a été modifié pour compléter les informations figurant au casier judicaire en matière de mesures de sûreté. Les décisions d'irresponsabilité pénale seront inscrites au casier judiciaire non seulement lorsqu'une mesure de sûreté aura été prononcée, mais aussi lorsqu'une hospitalisation d'office aura été ordonnée. Les décisions de placement sous surveillance judiciaire, de rétention et de surveillance de sûreté, ainsi que les décisions prolongeant ou renouvelant ces mesures, feront également l'objet d'une inscription au casier judiciaire. Celui-ci doit comporter le maximum de renseignements.

Enfin, la commission a précisé dans un nouvel article 8 ter les conditions d'entrée en vigueur de la loi, en indiquant expressément que les dispositions sur la surveillance judiciaire et sur la surveillance de sûreté prévues par le présent texte sont immédiatement applicables dès son entrée en vigueur.

Ces dispositions, mes chers collègues, représentent à mes yeux un juste équilibre entre les impératifs de sécurité pour nos concitoyens, de fermeté et d'humanité pour les délinquants.

Rapporteur de la loi pénitentiaire, j'ai encouragé tous les aménagements de peine pour ceux qui s'inscrivaient réellement dans la voie de la réinsertion. Rapporteur du présent projet de loi, je souhaite encourager toutes les mesures de sûreté pour ceux qui représentent toujours de réels dangers pour nos concitoyens.

En 2006, j'écrivais ces quelques lignes en conclusion de mon rapport intitulé « Réponses à la dangerosité » : « Fondée sur la dangerosité et non sur la culpabilité, la mesure de sûreté en milieu ouvert ou en milieu fermé entourée d'un certain nombre de conditions et de garanties dans son prononcé et son exécution est une nécessité.

« Dépasser les clivages, décloisonner les compétences, faire évoluer les idées reçues, tout en respectant scrupuleusement nos principes constitutionnels et les exigences de la convention européenne des droits de l'homme, telles ont été les règles de conduite qui ont présidé à l'élaboration du présent rapport. Contenir la dangerosité n'est ni un projet modeste ni un projet médiocre. Vivre ensemble en sécurité est un véritable projet « politique », au sens noble du terme, autour duquel il doit être possible de rechercher et d'obtenir un consensus unanime. Nos concitoyens le réclament.

« Notre histoire législative et judiciaire est riche d'exemples que nous avons su diffuser à travers le monde, à commencer par les codes civil et pénal. Aujourd'hui, nous connaissons dans le domaine, objet de notre mission, un certain retard. À nous de le combler. »

Eh bien, mes chers collègues, à l'issue d'une évolution législative volontaire et courageuse, aujourd'hui, c'est exactement ce que nous allons faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Serge Blisko.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi est destiné à contourner la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008, qui avait censuré sur deux points importants la loi relative à la rétention de sûreté. Cette censure était fondée notamment sur le principe de non-rétroactivité de la loi pénale.

Suivant sa logique habituelle de communication politique, le Président de la République avait chargé le Premier président de la Cour de cassation de faire des propositions destinées à rendre plus immédiates la rétention de sûreté. Le rapport de M. Lamanda a donné lieu à un projet déposé par votre prédécesseure en novembre 2008. Ce projet de rectification de la loi de rétention de sûreté, que M. Garraud, notre rapporteur, a eu tout le temps de peaufiner, arrive un an plus tard en discussion à l'Assemblée en procédure dite accélérée, c'est-à-dire en urgence. Comprenne qui pourra cette urgence, et je ne me moque pas du travail de M. Garraud dont la compétence et la courtoisie sont reconnues par tous, en particulier par ceux qui ne partagent pas ses options. Néanmoins, il a eu le temps durant un an de réfléchir, d'auditionner, de relire ses rapports antérieurs.

Un mois avant l'ouverture du procès aux assises de Francis Evrard, le viol et le meurtre d'une femme en forêt de Rambouillet, commis par un récidiviste, donnait enfin l'occasion au Président de la République de brandir un thème qui lui est cher : la répression des crimes commis par des récidivistes, en particulier les crimes à connotation sexuelle. Le texte, oublié depuis un an, est ressorti, en urgence, dans un climat de surenchère. Madame la garde des sceaux, vous êtes contrainte, comme après chaque fait divers, d'assurer à l'opinion que tout sera mis en oeuvre pour que ces crimes n'arrivent plus jamais.

Hélas, malgré la succession de textes, ces crimes se reproduisent avec les mêmes types de criminels, les mêmes circonstances, contre les mêmes victimes, c'est-à-dire les plus fragiles, les plus naïves, celles qui ne peuvent se défendre – les enfants, les femmes, les personnes âgées. Nous partageons tous le désarroi des victimes, de leurs familles et de tous ceux qui ont eu à connaître ces meurtres épouvantables. Pour autant, les députés socialistes, radicaux de gauche et citoyens s'opposeront résolument à ce projet de loi pour trois raisons majeures : premièrement, cette loi de circonstance repose sur des fondements théoriques faux ; deuxièmement, c'est une loi dangereuse pour les libertés de chacun ; troisièmement, c'est une loi inutile, car elle ne fait qu'ajouter et complexifier des dispositifs existants et qui ne sont pas complètement utilisés.

Premièrement, une loi de circonstance aux fondements théoriques faux. Ce texte s'appuie sur la rétention de sûreté, dispositif récent que nous avons combattu parce qu'il découple la sanction de l'infraction, ce qui est un grave retour en arrière. Par ce biais, on assiste à une remise en cause des progrès accomplis depuis l'apparition des médicaments neuroleptiques et de la psychothérapie : on est loin de la psychiatrie d'enfermement de la première moitié du XXe siècle.

Par ailleurs, ce texte repose sur l'idée que l'on peut mesurer précisément la dangerosité d'un individu, ce qui est en réalité impossible. Actuellement, le risque de récidive peut être évalué par intuition, par expérience mais il est impossible d'évaluer scientifiquement la dangerosité.

Ah, cette fameuse dangerosité ! Concept flou, notion peu conforme au principe de légalité et très subjective, comme l'ont souligné les rares experts français en psychiatrie criminelle et légale. Le monde anglo-saxon l'a d'ailleurs abandonnée au profit du concept de « risque de violence » fondé sur une analyse statistique.

L'aboutissement de cette logique est l'élimination sociale de la personne potentiellement dangereuse, c'est-à-dire du criminel potentiellement récidiviste. Élimination sociale, bien entendu, car l'élimination physique a été heureusement abolie en 1981.

Ainsi, est apparu le mécanisme de la rétention de sûreté, « peine infinie » tout à fait contraire à nos principes fondamentaux d'individualisation de la peine et qui, surtout, s'applique à des faits non encore commis. Et voici que votre projet de loi, malgré la censure du Conseil constitutionnel, s'apprête à faciliter le placement en rétention de sûreté de toute personne mise sous surveillance de sûreté dès lors qu'elle ne respecte pas ses obligations.

C'est ainsi que vous contournez la double interdiction du Conseil constitutionnel : celle qui concerne la non-rétroactivité de la rétention de sûreté et celle de l'obligation pour la rétention de sûreté d'être l'ultime recours. Vous faites l'économie de la réflexion sur les soins qui peuvent – ou pourraient – être apportés, y compris en prison, dans le cadre de la peine et sur les modalités mêmes du suivi socio-judiciaire.

Récemment, le commissaire aux droits de l'homme au Conseil de l'Europe a mis en garde les autorités françaises vis-à-vis d'un dispositif qui laisse une place importante à l'arbitraire, notamment dans la détermination de la dangerosité.

Deuxièmement, c'est une loi dangereuse pour les libertés fondamentales de chacun. J'entends le démontrer article par article.

Loi dangereuse parce que, à l'article 1er A, elle étend le champ de la surveillance et de la rétention de sûreté, parce que dans son nouvel article 1er bis, elle fait passer la durée de la surveillance de sûreté de un an à deux ans, parce que dans l'article 2 bis, elle introduit une voie nouvelle de passage de la surveillance à la rétention de sûreté en faisant fi de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel du 21 février 2008, qui n'avait accepté le recours à la rétention de sûreté qu'à la condition de prouver que la personne condamnée avait pu bénéficier pendant l'exécution de sa peine d'une prise en charge et de soins adaptés aux troubles de la personnalité – c'est une sorte de court-circuit qui permet d'arriver plus vite à la rétention de sûreté.

Loi dangereuse encore, car elle banalise de façon préoccupante la rétention de sûreté dans l'article 4, qui abaisse de quinze à dix ans le seuil de peine permettant le placement sous surveillance de sûreté à l'issue d'une période de surveillance judiciaire d'une personne qui présente, comme l'écrit M. Garraud, une dangerosité reconnue. On retombe sur cette « dangerosité ». Mais quelle est-elle et comment la définit-on ? On ne sait pas !

Comment ne pas reprendre ce que disait la précédente garde des sceaux devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, le 11 décembre 2007 ? « Certains considèrent que le champ d'application du projet de loi est trop restreint, mais il faut avoir conscience qu'il s'agit d'un dispositif totalement nouveau, qui prévoit une mesure extrême qui va priver quelqu'un de sa liberté après sa peine, peut-être même de façon indéfinie. Le dispositif ne peut donc s'appliquer qu'aux atteintes les plus graves. S'il était trop large, il encourrait la censure du Conseil constitutionnel. »

En abaissant ainsi le seuil de la peine, on abaisse de fait le seuil à partir duquel la rétention de sûreté peut être prononcée, heurtant en cela la décision du Conseil constitutionnel, qui précise que la mesure de rétention de sûreté n'est acceptable, au regard du principe de nécessité que – selon le considérant n° 15 – « eu égard à l'extrême gravité des crimes visés et à l'importance de la peine prononcée par la cour d'assises », la peine de quinze ans étant expressément visée. Or vous en êtes aujourd'hui à dix ans !

Ce texte est dangereux pour les libertés, parce que l'article 5 ter introduit le caractère obligatoire du traitement médicamenteux anti-libido, la fameuse castration chimique. Certes, madame la garde des sceaux, vous avez abandonné l'idée selon laquelle ce traitement pourrait être administré de force. Pour autant, ne jouez pas sur les mots, chers collègues de la majorité : la perspective, pour une personne, d'être privée de sa liberté en cas de refus de traitement pose tout de même très largement la question de la liberté de choix.

Ce texte est dangereux, enfin, pour les libertés publiques. À cet égard, nous sommes extrêmement critiques sur l'article 5 bis, qui tend à créer un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires. Même si l'objectif peut apparaître louable, puisqu'il s'agit, vous l'avez dit, de mutualiser les informations concernant la santé et la personnalité d'une personne « poursuivie ou condamnée », la constitution de ce répertoire pose néanmoins de multiples problèmes. Le texte manque de clarté. Ce répertoire – ou plutôt ce fichier – n'est-il alimenté que pour une procédure en cours, ou bien reste-t-il consultable pour l'ensemble des procédures ? De façon générale, il ne paraît pas correspondre aux exigences du Conseil constitutionnel. Vous le savez, celui-ci rappelle toujours que la prévention des infractions et la liberté individuelle sont deux objectifs de valeur constitutionnelle qui doivent se combiner.

Le Conseil avait ainsi validé le fichier des délinquants sexuels en se fondant sur ce principe. En revanche, il avait censuré, dans les considérants 28 à 31 de la décision de février 2008, l'inscription des décisions d'irresponsabilité pénale dans le casier judiciaire en indiquant que cette inscription portait atteinte à la vie privée et ne répondait pas aux finalités du casier judiciaire.

Techniquement, les données du répertoire sont couvertes par le secret de l'enquête et de l'instruction, qui, je crois, existe toujours pour l'instant, madame la ministre. La centralisation et l'accès autorisé à d'autres personnes que les magistrats saisis du dossier porterait atteinte à ce secret, ainsi qu'au secret médical.

Je crois que les objectifs poursuivis de mutualisation, qui sont louables, pourraient être atteints autrement. Ainsi, ce nouveau fichier semble faire double emploi avec celui qui a été créé par le récent décret n° 2008-1129 du 4 novembre 2008, pris en application de la loi relative à la rétention de sûreté, qui prévoit déjà la constitution d'un dossier individuel dans lequel doivent être centralisés tous les documents utiles. Il s'agit là d'une redondance dangereuse pour les libertés.

Ce texte ne prévoit aucune des sécurités exigibles en matière de fichiers portant sur des données sensibles et le législateur ne saurait se défausser trop largement sur un décret en Conseil d'État qu'il ne prend pas suffisamment la peine d'encadrer. Nous reviendrons sur ce point plus en détail lors de l'examen de cet article.

En outre, la faisabilité juridique du répertoire n'est pas démontrée, monsieur Garraud, la Commission nationale de l'informatique et des libertés n'ayant pas été consultée préalablement. Quant à sa faisabilité financière, madame la ministre, elle est loin d'être acquise. J'ai cru comprendre que le budget de la justice pour 2010, que nous avons voté il y a quelques jours, ne prévoyait aucun crédit particulier !

Ce projet est dangereux,…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

…car il met à mal le secret médical. En effet, vous modifiez l'article 3711-3 du code de la santé publique en obligeant le médecin traitant à partager des données relevant du secret médical avec le juge d'application des peines, le médecin coordonnateur et le conseiller de probation.

Vous passez ainsi de la possibilité à l'obligation et ajoutez même l'expression « sans délai ». Vous prévoyez la rupture du lien de confiance entre le malade et le médecin, contrevenant ainsi à l'article R. 4127-4 du code de la santé publique, à l'article 4 du code de déontologie médicale et à l'article 226-13 du code pénal qui punit la trahison du secret médical.

Même la première loi sur la rétention de sûreté de 2008 n'avait pas osé remettre en cause ce secret comme vous le faites maintenant ! Elle avait seulement prévu des « échanges d'informations opérationnelles » entre l'administration pénitentiaire et les personnels soignants et ne souhaitait pas aller plus loin.

Ce texte est dangereux, encore, à cause de l'article 5 quater, qui étend l'interdiction de paraître pour le condamné, après sa libération, dans les lieux où réside et travaille la victime.

Sur le principe, pourquoi pas ? Mais vous ne devez pas ignorer les nombreuses difficultés d'application. Souhaitez-vous imposer à la victime, quinze ans après les faits, de déclarer sa nouvelle adresse, voire sa nouvelle identité si elle s'est mariée entre-temps et a changé de nom, au risque de rendre son agresseur destinataire de ces informations ? Si l'on dit, par exemple, à celui-ci qu'il ne doit pas passer rue de l'Université, il comprendra aisément que sa victime d'il y a quinze ans habite maintenant dans cette rue ! Il me semble qu'il manque de ce point de vue quelque chose à votre raisonnement.

Plus grave, il est prévu, en cas d'infraction à l'interdiction de paraître, de rendre possible l'arrestation de la personne par les services de police ou de gendarmerie à leur seule initiative, sans instruction d'un magistrat. Cela n'est pas acceptable. Sur quoi se fondera une retenue de vingt-quatre heures, en l'absence d'un mandat d'arrêt ? L'inconstitutionnalité est ici manifeste.

Paraissent également dangereuses, parce qu'imprécises et pleines de chausse-trappes, les dispositions relatives au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, à l'article 5 quinquies du projet de loi. Nous y reviendrons plus tard dans la discussion.

Et puisque le débat sur cette question a été relancé dans la presse, évoquons la proposition d'amendement – d'ailleurs adoptée très rapidement ce matin, dans les conditions prévues par l'article 88 du règlement – de cent quatre-vingts députés UMP, qui veulent créer un nouveau fichier municipal des condamnés ! (M. Noël Mamère s'exclame.)

On pourrait ironiser sur le fait que, au moment où les ressources des collectivités locales vont être soumises à une cure d'austérité à cause de la suppression abrupte de la taxe professionnelle, nos collègues inventent un nouveau fichier qui, par son importance – on enregistre plus de 100 000 sorties par an –, sa confidentialité, la charge émotive dont il est porteur et son coût, nécessiterait une organisation sécurisée et une maintenance très fine pour actualiser les données.

La troisième et dernière partie de mon propos aura pour but de vous expliquer, mes chers collègues, que ce projet de loi est inutile.

L'arsenal législatif prévu pour contrôler les criminels dangereux lors de leur sortie de prison, et ainsi limiter le risque de récidive – ce qui est un objectif louable –, s'est développé au fil des années. Des dispositions allant dans ce sens se complètent et se combinent entre elles.

Parlons d'abord de la libération conditionnelle. L'article 729 du code de procédure pénale dispose qu'elle tend à « la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive ». La loi du 17 juin 1998 a institué le suivi socio-judiciaire pour tenir compte de la spécificité de certains types de délinquance. Cette loi de 1998 a vu son champ élargi à deux reprises. La loi du 12 décembre 2005, vous l'avez dit, a étendu le suivi socio-judiciaire, non seulement aux infractions sexuelles, mais aussi à toutes les atteintes criminelles à la vie, aux enlèvements et séquestrations, aux actes de torture et de barbarie. Même la destruction volontaire de biens par explosif ou incendie y figure, ce qui est sans doute trop ! Enfin, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a étendu la peine de suivi socio-judiciaire aux actes de violence intra-conjugale, ce qui est sans doute une bonne chose.

La généralisation du suivi socio-judiciaire, après des débuts timides, touchait quelque 1 300 condamnés en 2007. Elle concerne surtout les crimes et délits sexuels sur mineurs. En effet, 96 % des personnes condamnées à une mesure de suivi socio-judiciaire en 2007 avaient commis une infraction sexuelle. La loi de 1998 a donc presque – quoique pas tout à fait, et j'expliquerai pourquoi – trouvé son régime de croisière. Il ne s'agit pas d'une mesure légère ou accessoire, car sa durée moyenne est actuellement de près de six ans.

Si l'application de ces dispositions, bien qu'elle monte en puissance, est encore modeste et se heurte à des difficultés importantes, c'est d'abord, comme vous le savez, mes chers collègues, en raison du manque de médecins coordonnateurs. Deux cent treize postes sont pourvus, alors que le minimum pour couvrir la France métropolitaine et l'outre-mer devrait être de cinq cents.

En 2009, quarante ressorts de TGI et dix-sept départements restent dépourvus de médecins coordonnateurs. M. Lamanda, dans son rapport, estimait que « les injonctions de soins ne peuvent être mises en place, de façon satisfaisante, dans plus de la moitié des juridictions. » Je vous signale, par exemple, que le Pas-de-Calais a accueilli son premier médecin coordonnateur au début de l'année 2009, onze ans après la création par la loi de cette fonction et cinq ans après l'affaire d'Outreau !

Pour assurer ce suivi et la réinsertion socioprofessionnelle des personnes sortant de prison, nous avons plus besoin de médecins, de conseillers de probation et de travailleurs sociaux que de surveillants et de maires détenteurs de fichiers dont nous ne saurons d'ailleurs que faire ! Mes chers collègues, il manque, selon une estimation réaliste, mille conseillers d'insertion et de probation pour que le travail de suivi post-pénal soit assuré.

Enfin, il s'agit de traiter sur le plan psychiatrique, pendant leur temps de détention – comme le réclame d'ailleurs le Conseil constitutionnel – les détenus susceptibles de faire l'objet d'une rétention de sûreté.

Vous le savez, de ce point de vue, la situation est très préoccupante. Selon notre collègue sénateur Nicolas About, le pourcentage de détenus présentant des troubles psychiatriques est évalué à 40 % de la population carcérale. En prison, le recours aux soins psychiatriques est dix fois supérieur à ce qui est observé dans la population générale. Ces informations sont reprises dans le rapport d'information de notre collègue Étienne Blanc, qui est tout à fait précis sur ces questions. Un quart des détenus sont atteints de troubles psychotiques, dont la schizophrénie, qui toucherait plus de 7 % de la population carcérale, soit environ huit fois plus que dans la population générale. Et il s'agit d'une population à haut risque, comme en témoigne le nombre dramatique de suicides en prison ou d'agressions sortant des canons habituels – vous évoquiez tout à l'heure, madame la garde des sceaux, l'épisode de cannibalisme à Rouen.

Face à cette marée de malades psychotiques, le dispositif des services médico-psychologiques régionaux, les SMPR, installés dans les établissements pénitentiaires et assurant les soins psychiatriques courants, est une bonne chose. Hélas ! il n'y a que vingt-six SMPR pour cent quatre-vingt-quatorze prisons. Cela est insuffisant, du fait de l'ampleur des besoins en prison, du manque de structures d'hospitalisation complète, des réticences des hôpitaux psychiatriques dits « civils » à recevoir des détenus en hospitalisation d'office et surtout du manque de psychiatres intervenant en milieu pénitentiaire. Seules les quatre unités pour malades difficiles – les UMD – procurent un cadre sécurisé pour accueillir ce type de public. Rendez-vous compte : il n'en existe que quatre en France ! Le nombre des détenus nécessitant une hospitalisation d'office en UMD a d'ailleurs augmenté de 50 % depuis trois ans.

Je vous rappelle également la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, qui avait prévu la mise en place d'unités hospitalières spécialement aménagées – les UHSA – pour l'hospitalisation complète des détenus atteints de troubles mentaux. Sept cents places devaient être créées dans dix-sept UHSA. Nous avons d'ailleurs la liste des hôpitaux psychiatriques où elles devaient être créées. Il s'agit d'unités fermées, dont la garde périmétrique doit être assurée par l'administration pénitentiaire. Elles répondent d'ailleurs à l'objectif de la règle pénitentiaire européenne 47-1. Sept ans après, aucune de ces dix-sept UHSA n'est ouverte ! La première, annoncée comme imminente depuis deux ans au sein de l'hôpital psychiatrique du Vinatier à Lyon, devrait ouvrir ses soixante places au printemps 2010 !

Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, ce que l'agitation présidentielle et les réunions interministérielles annoncées à grand fracas dissimulent aux yeux de nos concitoyens.

Pour prévenir la récidive, il faudrait commencer par faire ce qui a été décidé depuis dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Faute de quoi, nous n'avons que la chronique de la justice ordinaire, celle qui, faute de moyens, d'énergie, de liaisons, d'informatique, de personnels – bref, faute de tout et surtout de volonté – n'ouvre pas le dossier de M. Evrard à temps, ne lui trouve pas de structure quand il sort, lui donne un rendez-vous plusieurs semaines après et le laisse dans la nature sans contrôle, sans conseiller de probation et sans lien avec un psychiatre. Voilà la réalité d'aujourd'hui !

En conclusion, lutter contre la récidive criminelle, et en particulier contre la récidive des crimes sexuels, nécessite avant tout une prévention primaire, c'est-à-dire intervenant avant même que le premier acte soit commis. Il s'agit – cela dépasse votre département ministériel – de promouvoir des valeurs fondamentales comme le respect de l'intégrité physique et psychologique de l'autre. La lutte contre les agressions sexuelles passe par l'apprentissage du respect réciproque entre les hommes et les femmes, entre les garçons et les filles, mais aussi par la responsabilisation des adultes à l'égard des enfants. Nous devons, à cet égard, ouvrir un chantier nouveau et vaste.

Face à ce projet de loi, débattu en urgence et dans un climat de surenchère politicienne destinée à attirer les suffrages extrémistes ; face à un projet de loi aussi attentatoire aux libertés fondamentales, aussi flou dans ses objectifs que pauvre dans les moyens, je vous remercie, mes chers collègues, de voter le rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

À M. Blisko, que j'ai soigneusement écouté, je dirai que je trouve très bien que, les uns et les autres, nous prenions nos responsabilités dans la chaîne de la sécurité. Il serait très bien que les familles, que l'école, que les associations travaillent ensemble pour que chacun respecte mieux les femmes, respecte mieux l'autre. Et j'espère que cela se fera.

Mais, monsieur Blisko, si nous attendons que cela produise des résultats, je crains qu'il n'y ait encore des dizaines, voire des centaines de victimes. Notre responsabilité est-elle d'essayer de construire un monde idéal en fermant les yeux devant la réalité – la réalité des victimes de viols et d'agressions sexuelles ? Je ne le crois pas. Ce n'est pas ma conviction.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est exactement ce qu'a dit M. Blisko dans sa conclusion !

Alors, oui, il y a un travail à faire pour améliorer l'environnement d'éducation, et il y a certainement un travail à faire pour mettre en oeuvre dans leur totalité des dispositions existantes. Mais, même si l'on réussit, vous savez aussi bien que moi – et vous l'avez d'ailleurs reconnu dans votre texte – que d'autres mesures doivent être prises. Vous avez approuvé certaines des dispositions prévues par ce texte – à moitié, parfois.

J'ai d'ailleurs du mal à comprendre votre présentation : vous demandez que l'on ne discute pas du texte, alors même que vous dites que ce projet comporte des mesures que vous seriez prêts à approuver, et que certaines autres ne vous conviennent pas. Mais ce n'est pas l'objet d'une motion de rejet ! Ce n'est pas le cas, me direz-vous – nous connaissons bien ces motions de procédure, bien entendu. Mais vous ne défendez pas un rejet préalable du texte.

Sur le fond, vous dites que ce projet de loi aurait pour but de contourner la décision du Conseil constitutionnel : c'est exactement le contraire ! Je l'ai d'ailleurs dit : l'objet de la première partie du projet est justement de mettre en oeuvre la décision du Conseil, dont je vous rappelle qu'elle a validé le régime juridique de la rétention de sûreté.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il faudrait savoir : vous vous référez au Conseil constitutionnel quand cela vous arrange, et vous regrettez ses décisions quand elles vous dérangent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je crois, pour ma part, que le Conseil constitutionnel doit être respecté dans tous les cas de figure.

Monsieur Blisko, ce texte ne remet pas en cause la jurisprudence du Conseil ; il reprend au contraire ses exigences, notamment en ce qui concerne l'effectivité des mesures de soins pour permettre un placement en rétention de sûreté.

Contrairement à une autre de vos assertions, ce projet de loi ne remet pas du tout en cause la non-rétroactivité de la mesure de rétention de sûreté. Il n'en est nulle part question. Le projet de loi dans son ensemble vise, justement, à élargir la palette des réponses destinées à prévenir la récidive. Vous l'avez d'ailleurs reconnu vous-même : des mesures de suivi, notamment, nous permettent d'aller plus loin dans cette direction.

Ce n'est pas là, je crois, une loi de circonstance. Il faudrait choisir : soit c'est un texte qui attend depuis trop longtemps, comme vous nous le dites aussi, soit c'est un texte de circonstance – mais les deux ensemble, ce n'est pas possible ! Votre raisonnement présente quelques contradictions.

C'est au contraire un texte nécessaire. Le rôle de la loi est aussi de répondre à des besoins, à des exigences, à des aspirations. Ce n'est pas non plus une loi dangereuse pour les libertés publiques ; je connais bien les critiques habituelles en la matière. Vous savez, au fond de vous-même, qu'elles ne sont pas fondées. Il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit pas de mesures de prévention qui s'appliqueraient à tout le monde ; il s'agit de mesures de prévention de la récidive : elles s'adressent à des personnes qui ont déjà été condamnées, et qui, à ce titre, présentent un certain nombre de risques.

Vous voulez polémiquer sur l'intitulé et comparer le vocabulaire français, qui parle de « l'évaluation de la dangerosité », avec le vocabulaire britannique, qui parle de « l'évaluation des facteurs de risques ». Si ces analyses sont certainement très intéressantes d'un point de vue terminologique, la gravité du sujet implique, je crois, que nous nous attachions d'abord aux problèmes de fond.

C'est ce que j'invite l'Assemblée à faire en poursuivant la discussion du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Je ferai les mêmes observations que Mme la garde des sceaux.

Monsieur Blisko, vous et votre groupe avez un débat de retard ! Ce débat sur la rétention de sûreté, nous l'avons déjà eu – nous l'avons eu lorsque nous avons discuté de la loi du 25 février 2008, qui a mis en place le principe de la rétention de sûreté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous l'avons déjà eu plusieurs fois, ce débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Ce principe a été complètement validé par le Conseil constitutionnel !

Il est maintenant acquis, en droit français, qu'il y a des peines, mais aussi des mesures de sûreté – certaines en milieu ouvert, comme la surveillance de sûreté, d'autres en milieu fermé, comme la rétention de sûreté. Je l'ai dit en introduction.

Le présent projet ne contourne donc en rien la décision du Conseil constitutionnel : la loi sur la rétention de sûreté évoque d'ailleurs déjà la possibilité d'une révocation d'une surveillance de sûreté, qui pouvait conduire à une rétention de sûreté. Elle prévoit même qu'un individu en surveillance de sûreté pour des faits commis avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 février 2008 puisse être placé en rétention de sûreté si jamais il enfreint les obligations de sa surveillance de sûreté ! Ce que vous avez dit n'est donc, j'en suis désolé, pas exact.

Voilà quel est maintenant l'état du droit pénal français, même si je comprends que l'on puisse avoir un débat de principe ; ce débat est tout à fait légitime.

Je m'élève également contre l'idée que ce texte serait de circonstance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Nous ne légiférons en aucune façon sous le coup de l'émotion ! De l'émotion, nous en éprouvons tous, bien entendu, face à ces faits divers tragiques. Mais, monsieur Blisko, il ne faut pas se contenter de lamentations : il faut trouver des solutions – dans le respect, bien entendu, du droit, de la Convention européenne des droits de l'homme et de toutes les dispositions qui garantissent les droits et libertés de chacun.

Ce n'est pas une loi de circonstance ! J'ai rappelé les travaux qui ont été menés – je pense aux travaux de la commission « santé-justice » en 2004, à ceux de la mission parlementaire en 2005, à mon rapport sur la dangerosité en 2006, aux dispositions législatives que nous avons mises en places. Mais nous partions de loin, il faut le dire. Notre pays, qui est l'un des berceaux de la criminologie, et qui a de tout temps étudié ces questions, était très en retard par rapport à bon nombre d'autres pays, qui – disons les choses comme elles sont – ne sont pas des dictatures : le Canada, les Pays-Bas, la Belgique, l'Allemagne disposent de mesures analogues à celles-ci.

Je ne vois pas pourquoi le criminel dangereux français serait traité différemment du criminel dangereux canadien ! Cela n'a pas de sens.

Parmi ces supposées atteintes aux libertés, vous évoquez le fichier, nouveau, appelé RDCPJ – le répertoire de données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires. Écoutez : ces éléments sont portés à la connaissance des magistrats et des experts, et d'eux uniquement. Ce sont des expertises diligentées auparavant, concernant un individu particulier – un récidiviste est quelqu'un qui recommence : il est donc important que l'autorité judiciaire saisie des faits les plus récents ait entre les mains, pour mieux apprécier la personnalité de l'individu qui se trouve là, donc pour mieux le juger, les expertises pratiquées auparavant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Il faut avoir une vision pragmatique : quand un individu est présenté à l'autorité judiciaire – procureur de la République, juge d'instruction, tribunal, en comparution immédiate – il est auparavant placé en garde à vue. Celle-ci est, nous le savons, de durée variable – quarante-huit heures en général au maximum, sauf pour certaines infractions en lien avec le terrorisme ou la criminalité organisée. Pendant ce délai, il faut pratiquer des expertises de personnalité, et celles-ci sont, malheureusement, parfois succinctes : ce n'est pas en s'entretenant pendant une heure ou deux avec quelqu'un que l'on va faire le tour de sa personnalité.

Il faut bien aller rechercher dans le passé de ce récidiviste les expertises déjà pratiquées antérieurement. Il est tout à fait normal que l'autorité judiciaire dispose des éléments nécessaires pour juger une personne qui a déjà été poursuivie. C'est même dans l'intérêt de cette personne : si des expertises ont pu, dans le passé, lui être favorables, eh bien tant mieux ! Plutôt que de se fier à un expert qui va donner un avis en peu de temps, il vaut mieux se référer à d'autres expertises déjà diligentées.

Vous évoquez également la retenue de vingt-quatre heures, en la jugeant attentatoire aux libertés publiques. Mais enfin, il faut voir les choses comme elles sont ! Imaginons un individu condamné à quinze ans de réclusion criminelle parce qu'il a commis des faits graves contre son épouse. Ce sont malheureusement des choses qui arrivent. Quand il sortira de détention, il a l'interdiction d'aller rencontrer sa victime. S'il le fait quand même, il n'y a aujourd'hui aucun moyen légal de l'arrêter : il peut aller voir sa victime alors que cela lui est interdit – cette interdiction ne permet pas, par elle-même, d'arrêter l'individu et de l'amener à un juge.

Il est donc absolument indispensable de donner des moyens juridiques à la gendarmerie et à la police, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, pour simplement interpeller cette personne – pour éviter, peut-être, qu'elle ne commette l'irréparable ! Car s'il y va, il a peut-être des raisons d'y aller !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Il faut donc qu'il puisse être arrêté, puis présenté à l'autorité judiciaire. C'est, me semble-t-il, tout à fait indispensable.

Je m'élève donc tout à fait contre vos conclusions, selon lesquelles cette loi serait inutile. Nous nous opposons ici diamétralement : cette loi est au contraire tout à fait indispensable. Elle parachève une évolution courageuse de notre législation, en permettant de traiter, par des mesures de sûreté complémentaires de peines, et dans certaines conditions très précises, des individus qui demeurent dangereux.

C'est pour cela que j'émets évidemment un avis tout à fait défavorable à votre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Nous sommes d'accord avec M. Garraud lorsqu'il nous explique que nous sommes entrés dans une nouvelle phase – j'ai envie de dire une nouvelle ère, un nouveau monde – depuis que vous avez décidé que, dans ce pays, on peut être privé de liberté non pas pour ce que l'on a fait, mais pour ce que l'on est. C'est effectivement une révolution.

Nous avons depuis des années observé les tentations de M. Garraud – je salue sa constance. Mais ce qui est nouveau, ce ne sont pas les propositions de M. Garraud, que nous avons toujours considéré comme se situant, de ce point de vue-là, plutôt sur une position dure, voire extrémiste. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ce qui est nouveau, c'est que tous, Gouvernement et majorité, vous vous ralliiez à ces propositions, qui changent complètement l'appréciation que l'on peut faire du droit pénal.

Vous vous êtes lancés dans une surenchère permanente – au lieu de répondre aux événements : nous partagions certaines préoccupations et nous aurions pu réfléchir calmement. Madame la garde des sceaux, vous ne pouvez pas nier qu'il y a là une forme de réaction – naturelle – à des événements dramatiques. Mais ce qui est grave, c'est que – sur ces sujets qui nous préoccupent tous – vous n'expliquiez pas pourquoi cet événement est survenu.

C'est la vraie question ! Il est gênant, c'est vrai, de constater que quelqu'un a récidivé parce qu'il n'y avait aucun médecin pour le recevoir – il n'y avait pas assez de médecins –, parce qu'il n'avait pas été convoqué en temps utile. Vous savez que cette démonstration a été faite point par point sur le dossier Évrard : elle est connue de tous !

Il est trop facile de dire que, puisque la législation n'a pas fonctionné, il faut en inventer une autre. Mais sans moyens, le résultat sera exactement le même ! Et que ferez-vous ensuite ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Vous êtes entraînés dans une surenchère permanente, c'est bien là le problème. En quelques semaines, vous êtes passés d'une application à des personnes condamnées à quinze ans de prison à des personnes condamnées à dix ans. Maintenant, c'est sept ans. En quelques semaines, vous avez déjà élargi le champ d'application de ces mesures particulières – M. le rapporteur le reconnaît. Cela pose d'ailleurs un problème, madame la ministre. Nous verrons ce qu'en dira le Conseil constitutionnel, mais il avait enfermé son acceptation dans de telles règles que je ne suis pas sûr que cette extension corresponde aux prescriptions qu'il avait données.

Que se passera-t-il, demain, si le récidiviste qui commet un acte qui nous révulse aura été condamné à neuf ans ou six ans ? Il n'entrera pas dans le champ d'application de la loi et vous reviendrez pour nous proposer de voter un nouveau texte pour passer de six à cinq ans et puis, si cela ne suffit pas, la fois d'après, nous passerons de cinq à quatre ans. Voilà dans quelle voie nous sommes engagés.

Pourtant, vous savez très bien que le résultat sera le même parce que la problématique est ailleurs, même M. Garraud l'a reconnu. La population pénale compte 40 % de personnes reconnues malades psychiatriques, 8 % de psychotiques c'est-à-dire de gens qui, par définition, sont dans un état mental de dangerosité. Ce n'est pas une question pénale, c'est une question de santé publique, et ce n'est pas avec une répression accrue qu'on va soigner ces gens.

Vous vous êtes lancés dans cette course et je crains que les conditions de déroulement du débat parlementaire – mais le pire n'est jamais sûr – ne nous conduisent à d'énormes surprises. Vous devriez faire attention à ce qui va se passer après.

Enfin, vous voulez créer un fichier qui serait mis à la disposition des maires pour que ceux-ci connaissent l'adresse des délinquants qui encourent un suivi socio-judiciaire résidant dans leur commune. Je crois qu'il y a là une confusion des genres et je ne suis pas le seul à le dire, j'ai rencontré aujourd'hui un de vos collègues de la majorité, qui disait des choses très justes sur ce qui ressort de la compétence de la police et de la justice et ce qui ressort de la compétence du maire.

Que fera le maire de ce fichier ? Et s'il se passe quelque chose et qu'on mette en cause votre responsabilité, vous direz quoi ? Qu'il faut construire des casernes pour qu'on soit sûr de savoir où se trouvent les récidivistes ? Cela n'a aucun sens. Nous sommes dans une surenchère populiste qui ne correspond à rien et qui vous amènera, fait divers après fait divers, à des réponses de plus en plus répressives.

Ce que nous disons, nous, c'est que vous avez raté une occasion. Nous étions prêts à ce débat – cette préoccupation ne touche pas que vous – mais nous considérons que vous faites fausse route, en inventant de nouveaux concepts. Vous voulez obliger à un traitement médical mais vous savez bien que l'application de cette mesure posera d'énormes difficultés.

Dans votre propos préliminaire, madame la ministre, vous avez dit que ce texte ne faisait pas courir de risque puisque le juge et le médecin seraient tenus au secret professionnel. Le médecin probablement – encore que cela devient très compliqué, vous vous arrangerez avec eux –, mais le juge, ce n'est pas possible si on veut tirer les conséquences de l'information. S'il doit garder le secret professionnel, cela signifie qu'il ne peut rien en faire. Un tel raccourci intellectuel montre bien l'impasse dans laquelle vous vous êtes engagée.

Nous aurions souhaité débattre pour savoir ce qui n'avait pas fonctionné dans les situations qui nous révulsent tous. Si tout avait bien fonctionné mais que la loi s'avérait insuffisante, alors nous aurions pu engager la réflexion. Mais vous n'avez pas voulu avoir ce débat alors que, partout, il est écrit par des professionnels que justement il y a eu des dysfonctionnements.

Nous avions nous-mêmes organisé le suivi sociojudiciaire avec la loi de 1998 parce que nous étions persuadés que l'objectif de la réinsertion passait par ce suivi-là. Aujourd'hui, vous pensez qu'il n'y a que la répression.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Au fond, il nous semble que ce n'est ni la délinquance ni la récidive que vous combattez, c'est simplement une réponse destinée à l'opinion publique que vous apportez, qui vous mènera sur d'autres chemins de plus en plus dangereux à l'avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Évidemment, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine se retrouve totalement dans les arguments qui viennent d'être développés par notre collègue Vidalies.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Pour la simple raison que ce projet de loi, comme les trois précédents que vous avez présentés sur ces sujets, procède de ce que l'on peut appeler le populisme pénal. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous essayez d'instrumentaliser le Parlement en lui présentant une loi démagogique, populiste et idéologique. (Protestations sur les mêmes bancs.)

En fait, vous êtes en train de braconner sur les terres du Front national, qui ne s'y est pas trompé d'ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

En effet, madame la garde des sceaux, après nous avoir dit dans les médias qu'il fallait réfléchir sur la question de la castration physique, vous avez parlé de la castration chimique – pas à la tribune de l'Assemblée, sans doute parce que vous avez retrouvé la raison –, oubliant que de parler de castration n'est rien d'autre que de flirter avec ceux qui aujourd'hui réclament le rétablissement de la peine de mort. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

La castration, c'est une atteinte physique, une atteinte à la chair.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Et que représentent les agressions pour les victimes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce n'est pas le sens de la justice française où l'on paie sa dette et où l'on passe en prison pour se réinsérer, non pas pour subir des tortures dans sa chair. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Oui, madame la ministre, vous avez dit il y a quelque temps que la castration physique pouvait être un sujet de débat. Fort heureusement, à la veille de ce débat, vous avez déclaré dans la presse que mettre en oeuvre la castration physique serait une atteinte à nos principes. Vous avez retrouvé la raison. Mais pendant ce temps, qu'a dit le Front national ? Après la castration physique, il a parlé de « castration par la tête ». En clair, cela veut dire : « Oui, nous voulons le rétablissement de la peine de mort. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

À ce propos, je suis très fier du jury qui a été composé pour juger ce violeur, M. Évrard. Alors que l'avocat général avait parlé de « bête » – dans une justice démocratique, les hommes, y compris ceux qui commettent les pires viols, les pires crimes, doivent-ils être considérés encore comme des hommes ou comme des bêtes ? –, alors que, dis-je, l'avocat général avait demandé la perpétuité, le jury a rétabli l'humanité en demandant une peine de trente ans de prison, ce qui donne encore à la personne une chance de réinsertion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis le vote de la loi de 2008, nous avons toujours combattu le principe de la rétention de sûreté. Vous êtes en train, madame la ministre, de renverser la pyramide du droit dans notre pays. C'est une manière de miner nos principes démocratiques et notre pacte social puisque, avec la rétention de sûreté, on va enfermer des gens en fonction de leur dangerosité et non pas en fonction des actes qu'ils ont commis. C'est une atteinte aux principes fondamentaux, une atteinte à nos libertés.

Nous ne pouvons pas accepter que, pour des raisons purement électoralistes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…pour essayer de divertir l'opinion (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), alors même que vous avez présenté un budget de la justice de misère, que vous avez supprimé les centres médicaux régionaux de psychiatrie, que 350 juges d'application des peines seulement doivent s'occuper de 25 000 affaires, que vous n'avez pas mis en oeuvre la loi de 1998 sur le suivi socio-éducatif,…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…alors que vous avez supprimé tout ce qui pouvait aider à la réinsertion, alors que nous savons que la liberté conditionnelle permet d'éviter la récidive – avec la liberté conditionnelle, le nombre des récidives est finalement très faible –, vous nous proposez, je le montrerai dans quelques instants à la tribune, une loi populiste, une loi dangereuse, au nom de la protection des victimes. Nous sommes tous pour la protection des victimes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais la loi que vous nous présentez est une loi inique, une loi scandaleuse, une loi honteuse, que nous combattrons. C'est la raison pour laquelle le groupe GDR votera la motion de rejet préalable présentée par notre collègue Blisko. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Brigitte Barèges, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Barèges

Je voudrais ramener un peu de sérénité dans cette assemblée et rappeler l'enjeu du débat. Je crois que nous pourrions nous retrouver, des deux côtés de l'hémicycle, sur le constat que nous sommes face à un vrai problème de société.

Vous avez dit tout à l'heure que c'était une loi de circonstances. Malheureusement, c'est tous les jours que les actualités nous apprennent des faits divers du style de ceux qui ont été énoncés. Ce texte n'est pas une loi de circonstances, c'est une loi que nous devons adopter pour protéger notre société, qui devient de plus en plus violente, car les textes en vigueur présentent des lacunes très importantes.

En quoi consiste la sûreté judiciaire ? Quand des individus particulièrement dangereux ont purgé leur peine, quelle qu'elle soit, doit-on les laisser circuler, après une sortie de prison sèche pour reprendre un terme du rapporteur tout à l'heure, totalement libres comme des prédateurs à la recherche de nouvelles proies et de nouvelles victimes ?

La question qui a été partiellement tranchée par la loi du 25 février 2008, en instaurant la sûreté judiciaire, c'est d'instaurer non pas une nouvelle peine, mais une nouvelle évaluation du comportement dangereux de quelqu'un qui a purgé sa peine.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Barèges

De deux choses l'une : soit la personne a été soignée pendant le temps de sa détention, et, à ce moment-là, après évaluation, elle peut être remise en liberté sans aucune contrainte ; soit elle n'a pas été soignée, ou encore sa pathologie est telle que même si on la relâche, de toute façon il récidivera parce que c'est un être particulièrement dangereux. Nous ne sommes pas dans le monde de Rousseau. Nous savons tous qu'il existe des pervers sexuels, des pédophiles dangereux, des violeurs invétérés.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Barèges

Que faire face à ces individus ? Jusqu'à présent, nous ne pouvions rien faire. La loi du 25 février 2008 a instauré ce que l'on appelle la sûreté judiciaire. Ce n'est pas une nouvelle peine. Il s'agit simplement, avant de les relâcher, de les faire examiner par des experts, par une commission pluridisciplinaire, comprenant des psychiatres, des psychologues, et si leur remise en liberté peut présenter un danger pour la société, des magistrats se penchent à nouveau sur leur cas. C'est une juridiction régionale, composée de présidents de cour d'appel, qui statue sur la mesure de sûreté judiciaire. Soit on les met en sûreté judiciaire, c'est-à-dire dans un centre fermé de suivi socio-médico judiciaire, soit on prend des mesures de surveillance judiciaire, tels des bracelets électroniques. Voilà ce qu'a instauré la loi du 25 février 2008.

Malheureusement, ou heureusement, le Conseil constitutionnel a jugé – nous connaissons tous ce principe de notre droit pénal – que cette loi n'était pas rétroactive, qu'elle ne pouvait donc pas s'appliquer à des gens qui étaient déjà en train de purger leur peine. Concrètement, cela signifie que les mesures prises dans cette loi ne pourraient s'appliquer que dans douze ans et que pendant toute cette période, on devrait laisser circuler dans les rues des gens extrêmement dangereux. Le mérite de la loi que nous allons voter aujourd'hui, c'est de combler cette lacune en instaurant un système qui permet de pallier cette difficulté. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Ce n'est donc pas une loi de circonstances, c'est une loi tout à fait réaliste. Ce n'est pas une loi qui porte atteinte au principe de non rétroactivité puisque le dispositif que nous allons voter comblera la lacune – et je remercie d'ailleurs le rapporteur d'avoir accepté, comme Mme la ministre, que nous apportions des aménagements.

Je fais en effet partie de ceux qui ont demandé que cette peine de sûreté, qui, au départ, ne devait s'appliquer qu'à des gens condamnés à des peines de quinze ans de prison, concerne par exemple des personnes condamnées à des peines de dix ans. Des pédophiles dangereux, par exemple, peuvent n'être condamnés qu'à treize ans de prison – c'est peut-être beaucoup mais ce n'est pas suffisant pour bénéficier de la peine de sûreté judiciaire. Voilà pourquoi nous avons demandé un abaissement des seuils, et nous remercions la commission des lois de nous avoir entendus.

Nous débattrons aussi des libertés, auxquelles nous sommes attachés tout autant que vous. Ce n'est pas, comme vous l'avez dit tout à l'heure, du populisme, c'est au contraire votre laxisme idéologique qui nous fait du tort. En matière de libertés, nous devrions tous être d'accord, tous du même côté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Toute une série de mesures ont été prises pour encadrer les renseignements qui seront inscrits au casier judiciaire. Ces renseignements ne seront consultables que par des magistrats, mais ils sont nécessaires parce que le jour où, malheureusement, une personne récidivera malgré la loi que nous allons voter aujourd'hui – nous espérons qu'ils seront moins nombreux mais malheureusement il y en aura sans doute encore,…

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Barèges

…il faudra que les magistrats qui seront amenés à statuer à nouveau puissent consulter les dossiers précédents.

Nous avons tous des exemples dans notre passé professionnel de personnes qui ont été poursuivies, qui ensuite ont commis d'autres délits sous d'autres cieux et dont on n'a pas retrouvé les premiers dossiers. C'est bien dommage parce que le deuxième magistrat aurait pu être éclairé par les rapports des psychologues ou des psychiatres qui avaient déjà vu ces malfaiteurs. Il existe en effet une catégorie de délinquants, parce qu'ils sont malades mentaux, parce qu'ils souffrent de pathologies très graves, qui ne pourront jamais être mis hors d'état de nuire.

Nous voterons donc cette loi sans arrière-pensées : ce texte n'est pas inutile ; il comble, au contraire, des lacunes de notre droit. Ce n'est pas un texte de circonstances, ce n'est pas un texte dangereux pour les libertés. Voilà pourquoi, au nom du groupe UMP, je ne soutiendrai pas cette motion de procédure défendue par M. Blisko. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, j'invoquerai dix motifs à l'appui de cette motion de renvoi en commission du projet de loi sur la récidive criminelle.

Tout d'abord, le texte du Gouvernement est inutile et redondant. Un des principes des politiques publiques, en matière d'environnement, est le recyclage. Alors qu'une secrétaire d'État, Mme Jouanno, a été chargée par M. Bertrand de réfléchir à ce qu'est l'écologie de droite, le Gouvernement recycle à l'infini les mêmes thèmes éculés. La récidive en fait partie. Nous avons déjà débattu de la récidive des infractions pénales en examinant la loi Perben II, en 2004, puis la loi Clément, en 2005. Le ministre candidat devenu Président de la République a défendu ensuite sur la prévention de la délinquance un texte dans lequel la récidive était mise en exergue. Puis, avec Mme Dati, nous avons de nouveau abordé le thème en 2007, avant de voter la loi sur la rétention de sûreté du 25 février 2008.

Présenté à la suite d'un fait-divers tragique – l'assassinat par un récidiviste, il y a quelques semaines, de Marie-Christine Hodeau, âgée de quarante-deux ans –, ce texte n'est jamais que le onzième sur le sujet. Ce ne sera certainement pas le dernier : d'autres le suivront probablement en 2010 et 2011, pour répondre aux sondages que le Gouvernement commente abondamment, tout en refusant au Parlement la possibilité de créer une commission d'enquête sur leur financement et leur utilité. (« Hors sujet ! » sur les bancs du groupe UMP.) D'autres interviendront encore à la veille des élections présidentielles et législatives de 2012.

Le suivi judiciaire des récidivistes est devenu un des classiques du débat sécuritaire. À chaque fait divers, vous nous demandez de durcir les conditions de suivi des criminels sexuels, d'élargir le traitement de la castration chimique, bref de voter des mesures qui, pour la plupart, existent déjà. Mais celles-ci sont évidemment inapplicables : comment assurer un suivi efficace lorsqu'on baisse les crédits attribués à la justice et à ses auxiliaires socioéducatifs ? La France ne compte que 350 juges d'application des peines pour gérer 250 000 dossiers !

Par ce projet inutile, en total décalage avec la crise du système judiciaire français, vous prétendez répondre aux attentes d'une opinion troublée par un cas – un seul – survenu il y a quelques semaines. Malgré les dizaines d'heures que nous avons consacrées à la récidive, nous nous retrouvons une fois de plus dans cet hémicycle pour poursuivre une discussion sans fin. Nous aurions pourtant pu débattre de grands sujets, car les questions éthiques, morales, juridiques et politiques soulevées par la récidive sont essentielles dans une démocratie. À quel niveau la punition légitime s'exerce-t-elle ? Qui doit sanctionner un individu coupable de crimes aussi répugnants que le meurtre et le viol ? Comment protéger les individus contre eux-mêmes ? Peut-on le faire malgré eux ? L'État peut-il le faire au nom de la société ? Existe-t-il une obligation de soins pour le condamné ? Hélas, comme je l'ai déjà regretté devant vos prédécesseurs, nous n'aurons, madame la ministre, qu'une apparence de débat destinée à faire croire que l'État protége la population, alors qu'il ajoute à l'horreur du crime commis le spectacle de la confusion.

Une fois de plus, une fois de trop, je dois me répéter. En prononçant les mêmes paroles qu'il y a quelques mois, j'ai le sentiment que notre faux débat vise à mettre en orbite une pénalisation sans fin de la répression du délinquant sexuel. Celui-ci, violeur ou pédophile, est devenu l'incarnation de la bête immonde. Son seul droit désormais est d'être exposé à une peine capitale symbolique, depuis qu'a disparu la peine de mort. J'ai signalé tout à l'heure que le Président de la République et les membres du Gouvernement jouent un jeu dangereux en usant de mots particulièrement sensibles. Vous hésitez à la frontière du rétablissement de la peine de mort – quitte vous draper, l'instant d'après, dans votre vertu outragée pour nous expliquer que vous y êtes tout à fait opposée. Si tel est le cas, pourquoi laissez-vous des Le Pen et autres nervis de l'extrême droite appeler de leurs voeux une « castration par la tête » ? Le procédé sent l'hypocrisie. M. Vidalies a eu raison de déclarer que vous avez franchi une nouvelle frontière pénale, inadmissible à nos yeux, en allant rechercher l'électorat d'extrême droite qui vous a abandonné.

Le deuxième motif de renvoyer ce texte en commission tient au populisme pénal dont il est entaché. Vous procédez à un détournement de la loi en la soumettant à la tyrannie de l'émotion. Le rituel est désormais bien établi : tout fait divers appelle une nouvelle loi. Le meurtre de Nelly Cremel, le 2 juin 2005, a débouché sur la loi du 12 décembre 2005. L'enlèvement et le viol du petit Enis ont suscité celle du 10 août 2007 sur les peines planchers, qui prive de réduction de peine les délinquants sexuels refusant de se soumettre à des soins psychiatriques. Le cas de Francis Évrard, qui vient d'être jugé, a inspiré la loi du 25 février 2008 introduisant la possibilité d'un enfermement à vie.

Le texte en discussion démontre l'échec des précédentes lois sur la récidive et renforcera chez les victimes le sentiment que l'État est impuissant. Non contente de ne pas écouter les victimes, madame la ministre, vous jouez avec leur souffrance. La prochaine fois qu'un Francis Évrard commettra l'irréparable, vos déclarations d'aujourd'hui sur la castration physique aboutiront à une nouvelle loi. Vous concentrez les peurs de nos concitoyens sur le cas d'une poignée de déviants sexuels, alors que les maris violents et les parents maltraitant font beaucoup plus de victimes. En outre, vous supprimez la défenseure des enfants et vous vous abstenez de faire voter une grande loi contre les violences faites aux femmes. Il est tellement plus facile de diaboliser quelques personnes hors normes que d'appliquer des sanctions à Monsieur Tout-le-monde ! Pourtant, si la récidive est un problème, elle n'est pas le fait de quelques grands monstres, et tient le plus souvent à l'alcoolisme, à la toxicomanie, à la maladie mentale ou aux troubles de la personnalité. Mais vos lois ne traitent pas cette récidive banale, qui ne fait pas la une des journaux, alors qu'elle atteint des millions de Français.

La diabolisation des auteurs de crimes exceptionnels évite le vrai procès que les victimes des délinquants sexuels seraient en droit de vous intenter pour n'avoir pas, faute de moyens, fait notifier, donc appliquer, certaines décisions de justice. La justice de la République est défaillante quand le délinquant qui a effectué sa peine de prison doit être suivi individuellement. Il faut donc l'y maintenir à tout prix, mais il faut aussi dire la vérité aux Français : en cas de récidive, ceux qui ont failli ne sont ni les juges ni les médecins ni les psychiatres, mais vous, votre gouvernement, votre majorité, qui faites des lois sans prévoir leurs conséquences concrètes, notamment leur budgétisation.

Vous le savez si bien, madame la garde des sceaux, que vous avez eu récemment un différend significatif, après le meurtre de Marie-Christine Hodeau, avec le ministre de l'intérieur. Celui-ci a interpellé le juge de l'application des peines en proclamant que l'assassinat aurait pu être évité. Vous lui avez répondu qu'il y avait eu non un dysfonctionnement de la justice mais « une insuffisance des mesures de suivi » – ce qui signifie tout simplement que vous avez abdiqué toute volonté de faire suivre de manière pluridisciplinaire et individualisée un certain nombre de personnes libérées qui devraient pouvoir bénéficier d'un traitement. Allez-vous prendre enfin le temps d'évaluer votre politique fondée sur la dictature de l'émotion et sur le traitement médiatique de l'insécurité ?

La Voix du Nord a demandé à M. Jean-René Lecerf, sénateur UMP et rapporteur du texte au Sénat, s'il n'était pas gêné par l'inflation des textes qui trouvent leur genèse dans une affaire forte en terme d'émotions. « Si », a-t-il répondu, « et je suis partagé. On demande au législateur de réagir à des faits divers. Ça n'est pas une manière efficace de légiférer. D'un autre côté, il y a un vrai problème sur la récidive, et notamment les soins en milieu carcéral. Et sur ce point, il faut bien avancer. » M. Lecerf a entièrement raison. À quoi bon empiler des lois fondées sur l'émotion ou légiférer encore et encore, au risque de noyer les juges chargés de les appliquer ? Ce que l'État et la représentation nationale devraient faire, hors de toute logique électoraliste, c'est débattre dans le calme et la sérénité pour se donner les moyens d'appliquer les textes existant, car c'est là qu'est tout le problème.

Faute de moyens humains et matériels, la pénurie d'experts psychiatres ainsi que le manque de médecins coordinateurs et de travailleurs sociaux vouent des gens condamnés pour faits graves à n'être correctement soignés ni en prison ni à leur sortie. Les mesures législatives existantes sont déjà très nombreuses. Je pense notamment à la peine de surveillance judiciaire, qui impose aux délinquants une obligation de soins, ou à la surveillance électronique mobile, dont certains aspects techniques restent cependant à régler. Oui, il existe déjà un arsenal législatif important, ce qui m'incite à classer ce texte parmi les lois démagogiques.

Un troisième motif de renvoyer ce texte en commission tient au fait qu'il n'a encore été procédé à aucune évaluation sérieuse des textes sur la récidive. Si la loi doit protéger et si le débat sur la récidive se justifie, il faut raison garder et nous demander si nous avons progressé, de combien de cas nous discutons et si notre arsenal juridique ne prévoit pas déjà les moyens de faire autrement.

Au risque de choquer les familles qui ont été touchées dans leur chair, je rappellerai la stricte vérité des chiffres : le taux de récidive oscille entre 1 et 2 %. C'est dire que la récidive légale en matière criminelle est statistiquement extrêmement rare, contrairement à ce que pense l'opinion publique émue par des faits divers dramatiques.

Cinq ans après leur libération, le taux de retour en prison d'anciens détenus est de moins de 0,5 % pour les homicides et de 1 % pour les auteurs d'agressions sexuelles sur mineurs. N'est-ce pas la preuve que le Gouvernement procède à une instrumentalisation éhontée des statistiques ? Le taux de récidive constaté en l'espèce – 1 à 2 % – est bien inférieur à celui que l'on observe dans les autres catégories de crimes et de délits. De plus, comme l'a rappelé le criminologue Pierre Tournier dans un article paru le 26 mai 2008 dans La Croix, toutes les enquêtes montrent que le taux de récidive est deux fois moins élevé en cas de libération conditionnelle. Mais, si, en théorie, la loi prévoit des mesures d'assistance et de contrôle judiciaire pour aider les condamnés et prévenir la récidive, celles-ci ne peuvent, en pratique, être mises en place de façon satisfaisante.

Tous les spécialistes en conviennent : le manque de moyens et d'effectifs pour assurer le suivi des personnes condamnées devient alarmant. Au tribunal de Beauvais, la suppression pure et simple d'un poste de juge de l'application des peines a réduit de quatre à trois le nombre de juges en charge du suivi de 1 400 personnes libres et de plus de 1 000 détenus. J'aimerais que le Parlement, puisqu'il paraît que c'est un de ses nouveaux rôles, procède à une évaluation précise des lois qu'il a déjà votées sur la récidive avant de légiférer sur ordre de l'Élysée. Mais celles-ci sont à peine appliquées que vous en présentez une nouvelle.

Je vois un quatrième motif de renvoyer ce texte en commission : la façon dont il instrumentalise le Parlement. Le Gouvernement inaugure une nouvelle méthode en utilisant le Parlement comme faire-valoir et pour masquer sa volonté. Ce texte antérieur au fait divers évoqué précédemment aurait dû être soumis au Parlement quand Mme Dati était garde des sceaux. Mais, emporté dans le flot des annonces contradictoires et des contre-réformes, le Gouvernement ne l'a pas mis en discussion. Ne voulant pas donner l'impression qu'il répondait grossièrement aux attentes des panels sondés M. Patrick Buisson, il a utilisé les parlementaires de la majorité pour se livrer à une surenchère.

Ces provocations législatives que nous avons déjà entendues en commission des lois et dans la bouche de l'ineffable porte-parole de l'UMP, M. Lefebvre, feront les choux gras des médias et seront un utile contrepoint aux affaires répétées qui, de Clearstream à l'Angolagate, de l'EPAD à la Mairie de Paris, montrent l'ampleur du nettoyage à faire dans les écuries d'Augias de la droite française. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons donc eu droit à des amendements concernant la castration chimique, voire la castration physique, la durée des peines de surveillance de sûreté. Ils ont « alimenté le débat ». Disons plutôt qu'il s'agissait d'un écran de fumée derrière lequel le Gouvernement se cache aisément.

Le cinquième motif de renvoi en commission est que ce texte, comme ceux qui l'ont précédé, est un acte de défiance à l'égard de la magistrature, une injure aux juges qui font leur travail dans des conditions précaires. Les magistrats peuvent d'ores et déjà prononcer les peines que vous souhaitez instaurer. Les associations et les syndicats de magistrats ont refusé l'instauration des peines plancher. Vous les avez imposées ; ils les appliquent tout en sachant que ces peines aggravent les situations. Votre texte laisse sans cesse entendre que les juges sont laxistes et qu'ils n'appliquent pas la loi, ou bien mal, et qu'il suffit pour résoudre les problèmes de renforcer la durée des peines et d'obliger les magistrats à les appliquer. Ce texte n'est donc en fait qu'une série de modifications de l'échelle des peines, alors que plusieurs lois ont déjà été adoptées. Mais, comme le disait M. Vidalies, que ferez-vous quand un fait divers impliquera une personne ayant déjà été condamnée à une peine de moins de sept ans ? Abaisser encore le seuil que vous vous apprêtez aujourd'hui à ramener de dix à sept ans ? Depuis 2002, vous raisonnez à chaque fois de la sorte et cela ne marche pas. Ce ne sont pas les lois qui manquent, mais les moyens pour les appliquer, chaque fait divers le démontre !

Le sixième motif est que la notion de dangerosité est définie de façon très floue. Le rapport de la commission des lois reconnaît que l'évaluation de la dangerosité est complexe. Il distingue la dangerosité psychiatrique de la dangerosité criminologique et constate l'existence d'obstacles culturels à cette évaluation, à commencer par la formation d'experts sur cette question qui est pourtant à la base de votre projet de loi. Sans jamais définir le sens ni les contours de cette notion, on définit une catégorie de personnes dont il est établi d'emblée qu'elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité. On est ici non dans le domaine législatif, mais dans le domaine psychiatrique qui permet toutes les interprétations et qui peut servir à stigmatiser n'importe qui. D'autant que la dangerosité qu'on ne sait pas définir l'est quand même dans un instrument très défini et très concret : vous avez en effet subrepticement, dans un article additionnel après l'article 5, créé un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judicaires. Il permettra, dites-vous, de mieux connaître la personnalité et de mieux évaluer la dangerosité des personnes poursuivies et condamnées et qui relèvent d'un suivi sociojudicaire. L'interconnexion des fichiers est possible. La dangerosité fonctionne ici un peu comme dans le film Minority Report. On ne connaît pas l'avis de la CNIL sur ce fichier qu'on appelle répertoire par euphémisme et qui évoque tellement Edvige. L'affaire d'Outreau nous rappelle que ce ne sont pas quelques grands prédateurs sexuels du type Fourniret qui seront fichés mais des centaines de milliers de gens sur dénonciation, dans le cadre de conflits intrafamiliaux, de voisinage, liés à l'école ou au travail.

De même est gravement mis à mal ce principe simple sur lequel repose tout notre système judiciaire, à savoir qu'il n'y a pas de prison sans infraction. Or, avec ce texte, c'est après la peine que l'on maintient quelqu'un en prison, non pas au titre d'une infraction qu'on lui reproche ni d'une infraction pour laquelle il a été condamné, mais au titre d'une infraction virtuelle, d'un crime qu'il pourrait éventuellement commettre s'il était libre. C'est une dérive dangereuse. La justice repose sur des principes et le premier de ces principes, dans tout pays de liberté, c'est la présomption d'innocence. De même, lorsqu'un individu a réglé sa peine à la société, il doit être libre, ou il est nécessaire de prouver sa dangerosité réelle. Nous n'acceptons pas ces glissements successifs qui, à partir de la médiatisation extrême de quelques faits divers, transforment les principes mêmes sur lesquels repose notre justice. Vous êtes en train, en réalité, de renverser la pyramide républicaine.

Le septième motif de renvoi en commission, c'est la remise en cause de toute déontologie médicale. Il s'agit d'abord du secret médical. Comme l'indique le rapport Lamanda, « peu de psychiatres sont attirés par le milieu carcéral, pour des raisons tenant à la fois au statut qui leur est proposé et à l'ambiguïté de leur positionnement. En tant que médecins, ils sont tenus à une obligation de secret absolu qui parait difficilement compatible avec des objectifs de sécurité publique et le partage d'informations avec les autorités judiciaires et pénitentiaires ». C'est là une question d'éthique médicale imprescriptible. Il s'agit ensuite du consentement aux soins et du droit des patients. Il va falloir que vous répondiez clairement à cette question : est-ce sur la base du volontariat que vous proposez des traitements aux détenus ? Les lois de bioéthique du 29 juillet 1994 ont renforcé notablement le principe fondamental selon lequel tout acte médical doit être pratiqué avec le consentement du patient, qui doit donc être informé de la nature de l'acte et de ses risques, qui peut même demander un deuxième avis médical, qui doit disposer d'un délai de réflexion et qui peut en conséquence refuser un acte thérapeutique.

Le huitième motif de renvoi, c'est la banalisation de la notion de castration chimique. La formule même, dont vous faites abondamment état, n'est pas appropriée. Elle permet certes de flatter une partie de la population qui pense que mieux vaut la vengeance que la sanction et donc que la castration, assimilable à la torture, vaut mieux que le recours accru à des traitements médicamenteux. Vous semblez amusée, madame la garde des sceaux. N'oubliez pas que dans un rapport, une organisation internationale dit bien que la castration chimique est, au sens de la convention européenne des droits de l'homme, une forme de torture.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Mamère, c'est vous qui utilisez le terme. Je ne l'ai pas fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous pourrez me répondre ensuite, madame. Je ne me suis pas permis de vous interrompre lorsque vous vous êtes adressée à nous. Nous sommes le pouvoir législatif, vous représentez le pouvoir exécutif et vous êtes invitée ici.

Je récuse donc l'utilisation de ce terme car il permet de jouer sur les fantasmes et de préparer l'opinion à l'ultime dérive, celle de la castration physique.

À l'appui de ce huitième motif de renvoi en commission, citons de nouveau le rapport Lamanda, qui expose ce que vous omettez de dire sur la castration chimique : « Les prises en charge médicales des psychopathes, et plus particulièrement des auteurs de violences sexuelles, sont de deux ordres. À coté des médicaments psychotropes, il est aussi recouru à des traitements anti-androgènes qui, permettant à l'intéressé de mieux maîtriser ses pulsions et ses désirs sexuels, diminuent le risque de passage à l'acte.

« Ces médicaments, administrés régulièrement, diminuent l'activité stimulante de la testostérone sur certaines zones du cerveau et viennent ainsi compromettre, par des mécanismes différents, les actes sexuels masculins, la libido et la capacité d'érection. Ces traitements ont cependant des effets limités et temporaires. » Vous qui faites de la politique depuis longtemps, vous savez très bien que quand vous parlez de castration chimique, l'opinion comprend qu'elle est irréversible. Mais à la tribune de cette assemblée, vous n'avez pas osé reprendre cette formule. Vous avez parlé d'un traitement qui permettait d'inhiber la libido. Vous savez très bien qu'il s'agit de traitement réversible, et non irréversible, comme vous le laissez entendre lorsque vous parlez de castration chimique et lorsque vous avez osé évoquer le débat sur la castration physique. Fort heureusement, revenant sans doute à la raison, vous êtes revenue sur cette proposition scandaleuse d'ouvrir un tel débat indigne de notre démocratie.

Le rapport Lamanda le dit : « Ces traitements ont cependant des effets limités et temporaires. Leur efficacité n'est donc pas totale et ils ne peuvent se suffire à eux-mêmes. L'effet de ces substances est en outre réversible et s'interrompt avec l'arrêt de la prise du médicament.

« Enfin, comme pour tout traitement anti-androgène, l'administration de ces substances peut provoquer, en une année ou deux, une déminéralisation osseuse, de sorte qu'elle doit être accompagnée d'un suivi médical rigoureux, impliquant des radiographies périodiques. L'acétate de cyprotérone est de plus contre-indiqué chez les personnes souffrant de psychose ou d'épilepsie. Il peut aussi entraîner des effets secondaires, peu compatibles avec le traitement des troubles du comportement sexuel. »

Le rapport Lamanda conclut que « l'utilisation de ces médicaments ne peut donc être envisagée dans tous les cas, ni à très long terme ».

Il poursuit : « La seconde catégorie de prise en charge relève de la psychiatrie et de la psychologie. Elle regroupe les thérapies fondées sur un travail de type ou d'inspiration psychanalytique, et les thérapies cognitivo- comportementales. Il convient donc de ne pas nourrir trop d'illusions sur l'aptitude de ces traitements, pris isolément, à diminuer sensiblement le risque de récidive. »

Voilà ce que dit le rapport Lamanda, et vous ne cessez de nous répéter que votre projet de loi n'est que la traduction de ce rapport ! Apparemment, nous n'en avons pas fait la même lecture.

Pourtant, par démagogie, le débat public va tourner, nous le savons bien, autour de ces questions et évidemment déraper, car vous avez agité devant l'opinion la castration physique, qui n'est qu'un leurre : bien évidemment, on ne peut l'introduire dans la loi. C'est facile mais c'est malsain. Si vous mettez le doigt dans cet engrenage, les limites du droit et de la responsabilité éthique seront vite transgressées.

Neuvième motif de renvoi en commission : l'absence totale d'alternative à la castration et à l'augmentation des durées de la peine. Réduire les risques de récidive des délinquants sexuels passe par l'évaluation, le traitement et le suivi de ces derniers. Ils forment un groupe hétérogène qu'il faut évaluer et traiter en conséquence. Par exemple, les recherches menées au Canada ont démontré que les agresseurs d'hommes ou de femmes nécessitent des traitements différents. Il faut une approche cognitivo-comportementale dans les traitements permettant aux pédophiles de reconditionner leurs comportements sexuels déviants, de leur apprendre à maîtriser leurs pulsions. Si au lieu de mettre l'accent sur ces traitements complexes, on se borne à une surveillance de sûreté, on compromettra la réinsertion du délinquant. La dimension thérapeutique, en l'espèce, ne se limite pas aux remèdes de la médecine. Elle s'élargit à un ensemble de soins délivrés par une équipe pluridisciplinaire, dont la composition doit pouvoir varier selon les cas, en faisant appel aux compétences d'un psychiatre, d'un psychologue, d'un criminologue clinicien, d'un éducateur, d'un assistant social et d'un infirmier psychiatrique. Le suivi des personnes exécutant une peine hors de l'établissement carcéral – en cas de sursis avec mise à l'épreuve, de suivi socio-judiciaire, de surveillance judiciaire – se heurte au nombre insuffisant de médecins coordonnateurs. Sans ces médecins, dont le statut résulte de la loi du 17 juin 1998, l'injonction de soins ne peut être mise en oeuvre. Il est donc presque impossible d'appliquer un traitement médical efficace à un criminel pervers au sens psychiatrique du terme. Il apparaît, en l'état des données actuelles de la science, qu'il serait hasardeux de faire reposer les programmes de prévention de la récidive uniquement sur ce type de prise en charge médicale.

Nous préférerions mille fois avoir un débat sur ces sujets complexes que sur le délire de la castration physique qui sert en fait, comme l'ADN en son temps, à faire diversion à la question centrale de l'utilité réelle de la loi.

Dixième et dernier motif de renvoi en commission : les lois sur la récidive font de la prison un modèle unique de la peine, au détriment des peines alternatives ou des aménagements de peine. Ce texte est dangereux et va à rencontre d'une justice moderne et responsable. Toutes les études scientifiques montrent que la récidive est toujours plus importante chez ceux qui ont purgé en totalité leur peine de prison qu'après une peine alternative à la détention ou une sortie de détention anticipée et préparée. Les « peines plancher », expérimentées depuis une quinzaine d'années aux États-Unis et au Canada, n'ont pas eu les effets escomptés. Au vu de leur totale inefficacité dissuasive, de leur coût exorbitant pour les finances publiques, et de la désorganisation dont elles ont été la cause dans les administrations pénitentiaires des pays concernés, elles sont partout en voie de démantèlement : la Grande-Bretagne permet au juge d'y déroger très facilement, l'Australie et plusieurs États américains les ont supprimées par divers moyens. Nous savons que le premier foyer de récidive, c'est la prison. Elle est, dit le proverbe, l'école du crime. L'expérience le confirme. Ce texte va accroître la surpopulation carcérale. Il le fera d'autant plus que les juges ne pourront pas appliquer ces dispositions lors d'une procédure de comparution immédiate, laquelle est ordinairement privilégiée dans les cas de récidive. Le tribunal devra alors renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir sans juger l'affaire et une enquête de personnalité, confiée à un juge d'instruction ou reprise en préliminaire par le procureur, recherchera s'il existe des garanties de réinsertion.

Le projet de loi se traduira donc par un allongement spectaculaire des délais de jugement en matière pénale et un surencombrement ingérable des cabinets d'instruction.

Avec ce projet de loi, madame la garde des sceaux, vous vous transformez en incendiaire. Là où il faudrait de la concertation entre professionnels de divers métiers, vous produisez des textes qui masquent votre démission en matière de réinsertion, comme on l'a vu avec celui relatif aux prisons. Lutter contre le phénomène de la récidive suppose avant tout des moyens pour réussir la réinsertion, certainement pas la création de nouveaux foyers de délinquance là où il faudrait de la volonté politique.

Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut prévenir les crimes et les atteintes aux droit des victimes, tout en maintenant les libertés fondamentales. Mais lorsqu'on légifère trop vite, on ne peut mettre en place les outils nécessaires et les renforcer ; on est donc dans la fuite en avant, comme l'illustre ce texte mal ficelé, qui ne tient pas compte de la panoplie des lois et dispositifs déjà existants : vous ajoutez, à des fins idéologiques, une couche de texte inapplicable.

En réalité, le sens de votre projet, comme celui du débat relatif à l'identité nationale, c'est le Front national qui nous le révèle. Conséquent avec lui même et ne voulant pas faire l'objet d'une OPA inamicale sur son électorat, il demande la « castration de la tête » des pédophiles, donc le rétablissement de la peine de mort. Il révèle ainsi le message à peine voilé que vous adressez à l'électorat : nous ne punirons pas les délinquants sexuels, nous les éliminerons, nous les éradiquerons. Alors qu'il faudrait se pencher sur l'échec de l'institution judicaire et sur la signification de la récidive, vous faites le jeu des plus bas instincts et « surfez » allègrement sur eux. Votre texte n'est donc pas seulement inutile, il est dangereux pour la République.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de voter, avec le groupe de la gauche démocrate et républicaine, la présente motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Que d'outrance et de caricatures, monsieur Mamère ! Il est vrai que vous nous y avez habitués. Vous avez développé dix raisons de renvoyer le texte en commission. Pardon d'être un peu méchant, mais il en est peut-être une onzième : vous n'étiez en commission ni le 4 novembre dernier, lors de l'examen en profondeur du texte, ni ce matin. Vous n'avez donc manifestement pas analysé le projet de loi dans ses détails et dans les dispositions qui l'encadrent. En réalité, vous avez agité quelques peurs et manié des principes sur lesquels nous sommes au demeurant d'accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Je rappellerai plusieurs points, en évoquant, pour commencer, un cas très précis – puisque vous avez critiqué l'évaluation de la dangerosité. Tous les professionnels de la justice savent que, parfois, il n'existe aucune vraie solution pour traiter un individu notoirement dangereux : c'est là un vrai problème. Lorsque j'étais juge d'instruction, un individu, déjà condamné par deux fois à la réclusion à perpétuité, m'a ainsi été présenté pour une troisième affaire, laquelle lui a valu une nouvelle condamnation à la perpétuité.

Prenons un exemple qui, hélas, se produit parfois. Imaginons qu'un individu, condamné à dix ans de réclusion criminelle pour avoir porté atteinte à l'intégrité physique de sa femme, laisse entendre, voire déclare clairement, qu'il recommencera à sa sortie de prison. Le risque élevé de récidive n'échappe donc à personne ; dès lors, on supprime toute réduction de peine et toute possibilité de libération conditionnelle ; mais au terme de sa peine, cet individu doit finalement sortir, alors même qu'il a déclaré son intention de récidiver. La justice, bien sûr, a tout fait pour le maintenir à l'écart ; mais à quoi sert la prison si elle n'est qu'une mise à l'écart ? Que faire avec un tel individu ?

Je pense à l'histoire vraie d'un individu qui avait, par erreur, tué la soeur jumelle de sa femme : lors de sa détention, il n'a cessé de déplorer cette affreuse méprise, promettant de la rectifier en tuant sa femme... Que faire, en ce cas ? Je vous vois sourire, monsieur Mamère, mais il s'agit d'un cas réel ! Quelle solution préconisez-vous, à part clamer des principes et semer la confusion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Vous invoquez le faible taux de récidive, notamment en matière de crimes sexuels. Mais cet argument est dramatique ! Heureusement, en ce domaine, la récidive reste en effet assez rare. Mais elle existe ! Et il est de notre responsabilité d'y remédier ; or nous en avons les moyens. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai répondu à M. Blisko : ces moyens, que vous qualifiez d'ignominieux pour la République, ont été validés par la juridiction suprême, à savoir le Conseil constitutionnel. Ils existent aussi dans d'autres pays, comme le Canada, souvent cité comme exemple sur d'autres sujets. Pourquoi ce qui est valable au Canada ou ailleurs ne le serait-il pas dans notre pays ?

Par ailleurs le présent texte est totalement cohérent avec le projet de loi pénitentiaire, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur et grâce auquel a été mis en place un parcours individualisé en détention. Celui-ci permet bien sûr de surveiller la santé du détenu, mais aussi de donner toute son utilité à la détention, en rendant possibles des peines alternatives ou des aménagements de peine, aménagements que nous avons d'ailleurs encouragés pour les détenus réellement engagés dans un parcours de réinsertion : pour ceux-là, qui ne présentent plus de danger, les peines doivent en effet être aménagées afin de préparer une véritable réinsertion. Mais il incombe à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté d'évaluer la dangerosité d'un détenu, de sorte que l'individualisation de la peine joue dans les deux sens : pour les détenus qui refusé d'apprendre un métier, ou tout simplement le calcul et la langue française, pour ces détenus qui manifestent une véritable dangerosité, quelles sont les mesures possibles ? En l'état actuel de notre législation, celles prévues par la loi du 25 février 2008, et notamment le suivi socio-judiciaire : n'oubliez pas que, selon la loi de 1998 qui l'a créé, le suivi socio-judiciaire n'est pas une mesure de sûreté mais une peine, prononcée par une juridiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Ne confondons pas tout ! Ce que j'évoquais relève de la mesure de sûreté, laquelle prend le relais quand la peine est terminée. Elle est ouverte par la juridiction qui a jugé le prévenu et obéit, comme c'est normal, à des conditions restrictives, en rapport notamment avec la peine prononcée. La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté tire le signal d'alarme et la juridiction régionale de la rétention de sûreté prononce, dans le cadre d'un débat contradictoire – le détenu pouvant se faire assister d'un avocat – la mesure de sûreté, de sorte que l'on ne revient nullement sur la rétention de sûreté ni sur la loi du 25 février 2008. Reste que la surveillance de sûreté peut effectivement conduire à une rétention de sûreté, laquelle ne s'effectue pas en établissement pénitentiaire mais dans un centre socio-médico-judiciaire. Le rôle de ce dernier n'est pas seulement de priver l'individu de liberté, mais aussi de lui apporter une aide, qu'elle soit psychologique ou éducative, afin de ne pas perdre de vue l'objectif final : la réinsertion.

Mais l'objectif de réinsertion, je le répète, ne concerne pas seulement les détenus qui peuvent bénéficier des aménagements de peine : il s'adresse aussi aux individus jugés dangereux. Nous avons le courage, monsieur Mamère, d'aller au bout de cette logique, courage qu'au demeurant nous aurions pu avoir beaucoup plus tôt. Si j'ose le parallèle, il en allait de même avec les accidents de la circulation que, il y a quelques années, on estimait impossibles à réduire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Or sur ce sujet, Dieu merci, l'évolution est très favorable.

Bref, quelle victime potentielle sera épargnée grâce au texte que nous examinons ? Nous l'ignorons, comme nous ignorons qui a été épargné grâce au texte relatif à la sécurité routière. Mais nous devons prendre nos responsabilités, donc rejeter la présente motion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Dans sa démonstration, M. Garraud a évoqué certains crimes épouvantables ; mais il n'a pas montré en quoi le texte qui nous est proposé serait efficace pour les éviter. Puisque nous partons du travail effectué par le président Lamanda, je veux rappeler ce que celui-ci écrivait après avoir énuméré les mesures qui lui semblaient indispensables pour mieux lutter contre les criminels récidivistes : « Même si l'ensemble des propositions ainsi élaborées » – c'est-à-dire celles formulées par d'éminents spécialistes – « trouvait sa pleine application, tout risque ne disparaîtrait pas pour autant. Une société totalement délivrée du risque de la récidive criminelle, sauf à sombrer dans les dérives totalitaires, ne serait plus une société humaine. »

Telle est bien la difficulté que nous affrontons. Vous nous faites miroiter une pierre philosophale qui nous débarrasserait définitivement de la récidive, mais vous savez très bien qu'il ne s'agit que de gesticulations. Si nous pouvons en effet avancer vers de meilleures solutions pour diminuer les risques de récidive, aucun texte, comme vous le constaterez au prochain enfant violé ou assassiné, ne permettra de dépasser la nature humaine. Travaillons donc ensemble pour avancer ; mais, je le répète, le présent texte ne répond pas aux objections que nous formulons depuis longtemps.

En effet, il passe à côté de l'essentiel du problème. Vous ne parlez de récidive qu'à propos d'horribles criminels sexuels, mais vous oubliez que la grande majorité des crimes sexuels dont sont victimes les enfants sont incestueux. Comment, à l'intérieur de sa famille, protéger un enfant contre son père, son beau-père ou son oncle qui, durant des années, lui font subir des gestes incestueux ? Ce n'est pas la rétention de sûreté qui apportera la solution de ce problème, qui est le plus massif en matière de crimes sexuels.

Le rapport de M. Lamanda est beaucoup plus nuancé que ce que vous en avez retenu. Ainsi, il considère qu'il faut commencer par appliquer les lois existantes, qu'il faut dégager les moyens budgétaires nécessaires pour le suivi des criminels, développer la recherche criminologique pour mieux comprendre ce qui se passe dans leur tête, recruter des médecins coordinateurs. Les mesures à prendre peuvent être très simples : recruter des secrétaires greffiers, faire marcher l'informatique. Ce sont autant de raisons qui font que, trop souvent, les choses ne marchent pas.

Au lieu de faire le bilan des lois existantes et de se donner les moyens de les appliquer, vous préférez cette fuite en avant qui consiste à inventer sans cesse de nouvelles lois. M. Mamère a raison, c'est par un bilan que nous devons commencer. Retournons donc en commission, évaluons ce qui a déjà été fait, réfléchissons aux raisons pour lesquelles cela n'a pas marché : sans cela, nous serons incapables de proposer des solutions raisonnables, nous nous contenterons de gesticuler, nous aurons une gestion médiatique de ces horribles crimes. Qu'est-ce qui est préférable, avancer modestement vers la solution du problème qui se pose à nous ou répondre à l'opinion, donner des gages, faire des effets de manche devant les médias ? Ce n'est pas ainsi, nous le savons bien, que nous réglerons les problèmes.

Sans doute ce texte contient-il des mesures à étudier. Mais nous voyons bien que, si le problème est grave, sérieux, s'il peut nous paraître l'incarnation du mal absolu, ce n'est pas en ces termes que nous devons l'aborder. C'est pourquoi nous voterons le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Monsieur le rapporteur, je vous ai écouté avec une grande attention, comme je le fais toujours, et je dois dire que vous m'avez inquiété. J'avais l'impression d'être dans un prétoire – vous les avez fréquentés plus que moi, et c'est sans doute ce qui explique votre talent – où vous plaidiez la mort sociale. Si je vous comprends bien, il existerait des situations pour lesquelles aucune solution ne peut être trouvée. Pour ma part, je ne le crois pas. Cela, en tout cas, explique votre argumentation et c'est bien ce qui m'inquiète pour nos valeurs, notre République et nos civilisations. Si nous faisons un pas dans ce sens, certains – peut-être pas vous, mais d'autres – pourraient être conduits à en faire un autre, bien plus dangereux.

Je ne reviens pas sur ce qu'a dit Noël Mamère, mais il faut l'entendre avec attention. Ce projet de loi est la quatrième loi sur la récidive dont nous soyons saisis en quatre ans. Serait-ce que les trois précédentes étaient mal préparées ? Serait-ce qu'elles se sont révélées inefficaces ? La loi de 2008 n'est pas bien ancienne, mais déjà ses dispositions les plus répressives sont élargies, puisque vous proposez d'abaisser les seuils. Avec ce texte, vous alimentez une fois de plus la surenchère répressive, avant le prochain, qui suivra sans doute de peu un nouveau fait divers.

Ce texte s'inspire d'une doctrine, toujours la même, qui a déjà montré son inefficacité en matière de lutte contre la délinquance, laquelle, selon vos propres statistiques, ne cesse d'augmenter. Pourtant, depuis 2001, c'est le même schéma qui est privilégié : contrôler, surveiller, enfermer. Ce bégaiement répressif en matière de politique pénale ne réglera pas davantage les problèmes de la délinquance, qu'elle soit sexuelle ou non. La lutte contre la délinquance et la récidive ne peut se résumer à la surveillance, au contrôle et à l'enfermement. Elle dépend d'abord et principalement des moyens donnés aux services pénitentiaires, aux services de prévention, aux services médicaux, aux services sociaux, et, d'une façon générale, des moyens donnés à la société pour régler ce type de situation. Mais vous ne souhaitez pas que ce débat s'engage, car vous n'êtes pas disposés à donner ces moyens à la prévention de la récidive.

Cela exigerait que vous fassiez plus de cas des vingt propositions du rapport Lamanda que n'ont évoquées ni Mme la garde des sceaux ni M. le rapporteur. Vous en retenez trois dans votre texte. Les vingt autres me paraissent pourtant fondamentales, et il faudra bien que nous en discutions : j'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet dans la discussion générale.

Pour cette seule raison, à laquelle s'ajoutent tous les arguments qu'a développés notre collègue Noël Mamère, il serait nécessaire de poursuivre la réflexion. C'est pourquoi nous voterons la motion qu'il vient de défendre avec talent. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Brigitte Barèges, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Barèges

Il va de soi que je vous demande, au nom du groupe UMP, de rejeter la motion de renvoi en commission qu'a présentée M. Mamère, pour cause de populisme pénal. M. Mamère a égrené une dizaine de motifs, dont certains ne méritent même pas d'être évoqués. Je me bornerai à en reprendre quelques-uns.

Vous dites que nous jouons avec les victimes. Rien n'est plus faux. Vous dites que nous concentrons notre peur sur une poignée de délinquants sexuels et que nous oublions toutes les autres formes de récidive, celle des alcooliques, celle des hommes qui battent leur femme ou leurs enfants. Non, monsieur Mamère, nous ne les oublions pas, mais je me permets de vous rappeler que le texte que nous examinons concerne la « récidive criminelle » : ce dont nous traitons, c'est le problème de la récidive et d'une particulière dangerosité : la question est de savoir si l'on peut relâcher dans la nature des personnes particulièrement dangereuses, qui ont purgé leur peine mais risquent de rechercher, comme des prédateurs, de nouvelles victimes. Quand on sait l'importance de leur pathologie – et M. Blisko a cité à ce propos des chiffres effarants, selon lesquels un quart des détenus sont atteints de troubles psychotiques, ce qui est dix fois plus que dans la population générale –, on ne doit pas hésiter : j'ai choisi mon camp, c'est celui des victimes.

C'est donc aussi celui de l'action. Le temps de la réflexion est terminé. Faut-il renvoyer ce texte en commission pour recommencer à réfléchir, pour essayer de trouver d'autres solutions ? Comme vient de le dire Mme Pau-Langevin, il n'existe malheureusement pas de solution finale,…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Une « solution finale » ? De quoi parlez-vous donc ?

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Barèges

…de solution miracle. Il y aura toujours des criminels dangereux. Le problème est de savoir comment éviter qu'ils ne récidivent. C'est tout l'enjeu du texte.

Vous avez dit que nous faisions un nouveau texte pour très peu de récidives. Ne nous engageons pas dans une querelle de chiffres. Vous prétendez que cela représente entre 0 et 1 %. Hélas, le rapporteur l'a rappelé, pour la seule année 2008, l'autorité judiciaire a constaté 2,6 % de récidives en matière de viols – sans compter ceux qui ne sont pas dénoncés –, 4,5 % de récidives en matière de délits sexuels. En valeur absolue, cela représente quarante-trois viols et 467 délits sexuels, dont les auteurs ont déjà été condamnés pour des faits similaires. Quand bien même il n'y aurait qu'une seule personne risquant d'être victime d'une récidive, de la torture, du viol ou de la pédophilie, ce texte serait utile. C'est absolument insoutenable : derrière chaque cas, il y a un drame douloureux, que nous voulons éviter.

Sans doute, il n'y a pas de solution miracle, mais on ne peut se contenter de répéter que les moyens manquent, qu'il n'y a pas de solution, que l'on ne veut pas traiter les problèmes. Je suis contre le laxisme, je souhaite que l'on agisse, je suis pour les victimes, et c'est pourquoi je vous demande de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir ! Pourquoi n'avez-vous pas agi plus tôt ?

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit et j'essaierai d'être aussi synthétique que possible. Vous nous demandez, madame la ministre, monsieur le rapporteur, d'approuver un texte qui vient en complément de la rétention de sûreté et qui va mettre en place une surveillance de sûreté, dont la violation pourrait entraîner le placement en rétention de sûreté. Si nous sommes opposés à ce texte, ce n'est pas parce que nous n'avons pas conscience du problème de la dangerosité ou des difficultés de la lutte contre la récidive, mais pour plusieurs raisons : d'une part, il ne prend pas en compte le réel ; d'autre part, il agite des fantasmes ; enfin, il ne nous semble pas tourné vers l'avenir et vers la solution des difficultés.

Ce texte ne prend donc pas en compte le réel. Nous ne savons pas exactement, en effet, de quelle cohorte, de quel groupe de personnes nous parlons. Nous glissons des criminels dangereux condamnés à plus de quinze ans de prison, à d'autres types de délinquants ; nous assimilons tous les violeurs, tous les délinquants sexuels, aux criminels dangereux et à ceux qui sont visés par le texte. En tout état de cause, nous ne savons même pas exactement quelle est la population potentiellement visée par le texte.

S'il ne prend pas en compte le réel, c'est en second lieu parce qu'il s'articule autour de la notion de dangerosité, qui, selon les mots du rapporteur, pourrait être définie de façon scientifique. Or, si nous avons tous conscience que tel ou tel individu peut être dangereux, qu'il risque de récidiver, il est, dans le même temps, impossible à la science de dire que tel individu est potentiellement dangereux. Les méthodes sur lesquelles on s'appuie, dites « actuarielles », et qui entendent prédire des risques à partir de données statistiques, sont utilisées principalement par les compagnies d'assurances pour mesurer le risque de mortalité, d'incendie ou de maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Ces calculs se fondent sur des études de longue haleine, avec des cohortes nombreuses. Or nous ne disposons pas de ces études pour la France. C'est en vain que l'on invoque l'échelle de psychopathie de Hare ou le test VRAG : ils sont tous anglo-saxons et ne permettent pas de dire avec une certitude scientifique que telle ou telle personne est dangereuse.

Bien plus, nous ne disposons que d'études portant sur des cohortes de personnes étrangères – canadiennes, américaines, suédoises ou finlandaises –, puisque c'est à partir de ces populations qu'ont été élaborés les tests. Or – et je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés – la façon de commettre des crimes est toujours culturellement déterminée, c'est-à-dire que la délinquance américaine ou canadienne n'est pas la même que la délinquance française. De même, la façon de passer à l'acte n'est pas la même pour un délinquant américain ou canadien que pour un délinquant français. La supposée prédictivité de ces tests n'est donc absolument pas assurée, puisque nous les importons dans des systèmes qui ne sont, à l'origine, pas les leurs.

Ce que je vous dis là, je ne l'invente pas : c'est ce que dit le rapport Lamanda, selon lequel les études criminologiques ne sont pas suffisamment développées en France.

Votre texte ne prend pas non plus en compte le réel parce qu'il méconnaît les difficultés du suivi socio-judiciaire. Celui-ci, lors de son adoption en 1998, avait fait l'objet d'un consensus assez large. Tout le monde avait alors jugé intéressant de mettre en place des mesures de nature à éviter que la sortie de prison soit une « sortie sèche », que le suivi socio-judiciaire était le complément de la libération conditionnelle, qu'il s'agissait d'une peine acceptable – elle était prononcée par le tribunal et le condamné savait, au moment de sa condamnation, quel risque il courait en cas de violation – et que cela permettait d'exercer une surveillance à partir de l'injonction de soins prononcée à son encontre.

Ce suivi socio-judiciaire était aussi une révolution dans nos façons d'appréhender la peine et nécessitait des moyens importants. J'ai bien entendu, tout à l'heure, qu'on ne peut pas en permanence mettre en avant la question des moyens. Il faut néanmoins se poser un certain nombre de questions à ce propos. Le suivi socio-judiciaire suppose, notamment en ce qui concerne les condamnés atteints de pathologies relativement graves, la mise en place de médecins coordonnateurs. Ceux-ci sont au nombre de 213, alors qu'il en faudrait, nous dit-on, 500 pour que le système fonctionne bien. Votre prédécesseur, madame la garde des sceaux, nous avait promis que ce chiffre serait atteint sous peu ; elle n'est plus ministre de la justice, et les médecins coordonnateurs sont toujours 213. Cela signifie que nous ne nous sommes pas donné les moyens de mettre en place le suivi socio-judiciaire qui, de l'aveu de tous, permettrait de prévenir la récidive.

Je ne vous livre pas, ici encore, une réflexion personnelle. Cela ressort du rapport de notre collègue Blanc, qui a fait un travail très sérieux sur la prévention de la récidive et le traitement des détenus souffrant de pathologies diverses, qu'il s'agisse d'affections psychiatriques ou d'addictions, notamment l'addiction à l'alcool.

Vous ne prenez pas non plus suffisamment en compte le réel parce que vous ne faites qu'effleurer une question extrêmement difficile : celle de la relation entre la peine, la détention et le soin. Historiquement, la contention des individus dangereux se faisait, dans notre pays, par le biais de la psychiatrie et de l'hospitalisation d'office. La découverte, dans les années 1950, des neuroleptiques, qui permettaient d'abraser le délire et de faire cesser tous les symptômes délirants, a entraîné une révolution dans la façon de traiter les malades mentaux, laquelle a abouti à la création, dans les années 1960, du secteur psychiatrique et à l'ouverture des hôpitaux psychiatriques. En conséquence, on a fermé de multiples lits. Selon les estimations, leur nombre est ainsi passé de 120 000 à environ 40 000.

Les psychiatres se sont par ailleurs détournés de la contention et refusent aujourd'hui, dans leur immense majorité, de prendre en charge la gestion de ces individus qui pourraient être dangereux. Nous en sommes donc réduits, aujourd'hui, à incarcérer des gens qui sont principalement des malades.

Cette question est très difficile – je ne prétends pas le contraire, je ne prétends pas non plus que nous ayons, au bout de notre plume, une solution à proposer – mais vous ne la traitez pas, sinon en créant la mesure de sûreté. Nous devons vous concéder, monsieur le rapporteur, que vous faites preuve, sur le sujet, de constance et de cohérence intellectuelle, mais cela ne suffit pas, à notre sens, car vous ne traitez pas la question pour l'ensemble des personnes posant un problème. D'autres que celles condamnées à plus de 15 ans de prison seront effectivement des cas problématiques.

Mes collègues n'ont donc pas tort de déclarer que, demain, il faudra de nouveau légiférer parce qu'une personne condamnée à une peine de dix ans de prison aura posé beaucoup de problèmes. Après-demain, se posera la question des maris violents. Ne prenons pas même le cas du mari qui menace de tuer son épouse, tenons-nous-en au mari violent, celui que l'on trouve dans tous les tribunaux et dont on ne sait trop quoi faire lorsqu'il a purgé sa peine. Autrefois, il était contenu grâce à l'intervention psychiatrique ; aujourd'hui, il ne l'est plus. C'est effectivement une difficulté, mais on ne saurait la traiter uniquement, comme vous le faites, monsieur le rapporteur, au moyen d'une mesure de sûreté qui s'appliquerait à partir d'une certaine hauteur de peine.

Vous ne prenez pas non plus en compte le réel dans l'analyse des faits divers. Certes, ceux-ci suscitent une émotion partagée – personne ne peut rester insensible au spectacle de victimes injustement agressées ou de victimes mourant sous les coups d'un homme qui a déjà été condamné – mais les deux faits divers qui nous servent de base doivent être un peu mieux analysés. Peut-être gagnerait-on d'ailleurs, si l'on se fonde sur des faits divers, à connaître l'intégralité des dossiers au lieu de nous référer à des coupures de presse.

Sauf erreur de ma part, lorsque M. Evrard sort de prison, il n'y a pas de trou législatif.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Si !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

À sa sortie de prison, il aurait dû faire l'objet d'une surveillance judiciaire. Malheureusement, il sort de prison pendant l'été, période où le personnel suffisant n'est pas disponible : le juge d'application des peines n'est pas là, le médecin qu'il consulte juste avant de sortir ne connaît pas son dossier et lui prescrit du Viagra, idée peut-être médicalement justifiée mais criminologiquement très douteuse. En outre, les décrets d'application de la loi sur la surveillance judiciaire de décembre 2005 n'ont été pris qu'en août 2007, après la sortie de M. Evrard. Ce fait divers ne justifie donc pas la rétention de sûreté.

De même, s'agissant du crime horrible qui a abouti à la mort de Mme Hodeau, cette joggeuse qui courait dans la forêt de Milly-la-Forêt a rencontré son assassin par hasard. Il n'y avait aucun rapport entre le fait que cet assassin était revenu sur les lieux où habitait sa précédente victime et le fait qu'il croise Mme Hodeau. Encore une fois, le réel n'est pas pris en compte.

Deuxième argument, l'on recourt à propos de ces faits à des fantasmes tout à fait déplaisants. Le terme de castration est inacceptable. M. Mamère l'a dit : il ne s'agit pas d'une castration, il s'agit simplement d'un traitement réversible visant à la diminution de la libido. L'emploi du terme de castration permet toutes les dérives et la possibilité d'une castration physique sera très vite évoquée. Or il s'agit là de purs fantasmes : il ne s'agit pas de castration. D'ailleurs, ni la castration physique ni ce qu'on appelle la castration chimique ne prémunissent complètement contre les agressions, y compris les agressions sexuelles. Une partie de la sexualité se déroule dans la tête et non pas dans les organes sexuels, et l'agression peut être faite de différentes façons. (Exclamations sur divers bancs du groupe UMP.)

Ne manipulons donc pas les fantasmes. Ne recourons pas non plus au fantasme selon lequel tous les agresseurs sexuels seraient potentiellement extrêmement dangereux. La réalité sociologique de l'agression sexuelle se résume par cette maxime bien connue de ceux qui fréquentent les tribunaux : « On est volé par des inconnus mais on est violé et frappé par sa famille et ses amis. » (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Il ne faut pas se masquer cette réalité douloureuse en recourant à la figure du pédophile prédateur que l'on croiserait n'importe où.

Voilà pourquoi nous ne sommes pas favorables à votre projet, qui nous semble être un texte de circonstance, alors que le sujet mérite mieux. Je pense que le débat sera rouvert après les prochaines échéances électorales, celles de 2010. Ensuite, viendront celles de 2012, je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point, le plus consensuel de mon discours…

Quelques députés UMP. Il y a 2011 entre 2010 et 2012 !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Effectivement, nous en sommes d'accord, mais j'en viens au moins consensuel.

En 2012, nous aborderons, nous, la question…

Un député UMP. Avec qui ? Ségolène ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

…en insistant sur la nécessité de se préoccuper, tout d'abord, non pas de la récidive mais de la première infraction. Cela consiste à traiter la montée, chez certains individus, de ces pulsions qui mêlent l'agression et le sexuel. Avant d'être des agresseurs, ces individus sont des personnes en souffrance, à qui il faut répondre. Mettons donc en place le dispositif de santé adéquat.

Nous y répondrons également en réfléchissant à la psychiatrie. Cela consiste à faire d'une part que la psychiatrie prenne sa part dans la contention, et d'autre part qu'il y ait des avancées en matière de psychiatrie.

Nous affirmerons également que des études criminologiques qui nous permettent de progresser sur la question de la dangerosité, et de le faire autrement que nous le faisons aujourd'hui, sont nécessaires. Vous avez raison, monsieur le rapporteur : notre pays souffre, en la matière, d'un retard tel qu'il est aujourd'hui impossible de légiférer comme nous le faisons, en nous fondant sur une notion de dangerosité que nous ne pouvons apprécier qu'empiriquement, et non scientifiquement.

Dernier point, nous réfléchirons à la question du suivi socio-judiciaire, en nous donnant les moyens nécessaires. Brisons un peu le consensus : s'il faut augmenter les impôts pour mettre en place la psychiatrie nécessaire et créer les 800 postes qui manquent aujourd'hui, nous augmenterons les impôts, puisqu'il s'agit d'assurer un service public.

Par ailleurs, nous réfléchirons à la qualité du contrôle. Il faut passer d'une culture de l'enfermement à une culture du contrôle, augmenter le nombre des conseillers d'insertion et de probation et – pourquoi pas ? – affecter un certain nombre de surveillants à cette tâche, sous la responsabilité d'une autorité hiérarchique et selon des modalités qu'il sera forcément difficile de penser.

Voilà, me semble-t-il, le programme à partir duquel les électeurs trancheront. Je crois que, entre ceux qui sont du côté du fantasme sans prendre en compte le réel et ceux qui le prennent en compte, ils feront le bon choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma