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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 17 novembre 2009 à 15h00
Réduction du risque de récidive criminelle — Discussion d'un projet de loi après engagement de la procédure accélérée

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, en abordant la discussion de ce texte, qui a déjà été longuement examiné par la commission des lois, je tiens à saluer la qualité du travail accompli par celle-ci, en particulier par votre rapporteur, Jean-Paul Garraud. La qualité de la loi dépend en effet de celle du dialogue et de la coopération entre le Gouvernement et le Parlement. Celle-ci s'est déroulée dans un véritable climat de confiance – ce qui n'empêche pas les divergences –, de franchise et de responsabilité. Je crois que c'est un bon modèle.

Le projet de loi soumis à votre examen vise à amoindrir le risque de récidive en matière criminelle, qui est une des craintes de nos concitoyens, lesquels supportent mal que des personnes, après avoir été condamnées une ou plusieurs fois, recommencent à troubler leur tranquillité et leur sécurité.

Le texte a ainsi une double finalité. Premièrement, il vise à compléter la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour trouble mental, en tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008. Pour cela, il se fonde sur le rapport de M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation.

Deuxièmement, le projet de loi tend à renforcer la protection de nos concitoyens contre les criminels dangereux. Actuellement, l'incarcération est la première des réponses pénales contre les actes criminels graves. Pour autant, la prison n'est pas toujours une réponse suffisante, l'actualité nous l'a, hélas ! tragiquement rappelé. Il est insupportable pour tout le monde qu'une femme ait pu trouver la mort en croisant sur son chemin un violeur récidiviste à peine sorti de prison. Il est intolérable qu'un enfant de cinq ans ait pu se faire agresser par un violeur qui avait été auparavant condamné et incarcéré.

Nos concitoyens attendent de nous que nous garantissions leur sécurité ; ces attentes sont pour nous de véritables exigences. Face aux risques que font peser certains récidivistes, les Français attendent de l'État qu'il sache les protéger ; cela impose de la fermeté. La loi du 10 août 2007 a ainsi institué des peines plancher pour les multirécidivistes. Elle est actuellement pleinement appliquée. À ce jour, près de 14 000 condamnations en récidive ont donné lieu à une peine supérieure ou égale à la peine plancher.

Toutefois, pour lutter contre la récidive, la fermeté doit aller de pair avec des réponses adaptées. Certains criminels présentent un risque grave de récidive. Il nous faut donc réduire leur dangerosité, pour autrui mais aussi, parfois, pour eux-mêmes. C'est pourquoi il importe de renforcer le suivi des criminels dangereux : un suivi judiciaire, mais aussi médical et psychiatrique, un suivi en prison, mais aussi en dehors de la prison.

Le projet de loi consolide donc les mesures de sûreté prévues par la loi du 25 février 2008 et introduit de nouvelles dispositions, dont l'objectif est de garantir un meilleur suivi des criminels dangereux en dehors de la prison.

Pour consolider, sur la base du rapport Lamanda, les dispositions de la loi de 2008, nous entendons clarifier les conditions de placement en rétention de sûreté et renforcer l'efficacité des mesures de surveillance de sûreté.

Les conditions de placement en rétention de sûreté sont clarifiées au plan juridique, en réponse à la décision du Conseil constitutionnel. Il est ainsi prévu que ce placement suppose que l'intéressé ait été en mesure, pendant sa détention, de bénéficier d'une prise en charge médicale, sociale ou psychologique adaptée. L'État est donc soumis à une obligation en la matière. La mesure de rétention de sûreté n'interviendra que dans le cas où un renforcement des mesures de surveillance apparaîtra insuffisant pour prévenir la récidive. Cette décision pouvant donner lieu à contestation, l'aide juridique sera garantie aux personnes placées en rétention de sûreté, qui pourront ainsi bénéficier de l'assistance d'un avocat, puisqu'il s'agit d'une mesure restreignant leur liberté individuelle.

Deuxième objectif : renforcer l'efficacité des mesures de surveillance de sûreté en étendant les possibilités de placement sous une telle surveillance. La surveillance de sûreté pourra ainsi intervenir à l'issue d'une surveillance judiciaire ayant accompagné une libération anticipée. Elle sera également possible directement à la sortie de prison. Par ailleurs, si une personne est condamnée à une peine de prison pendant l'exécution des mesures de surveillance ou de rétention, ces mesures ne seront que suspendues ; elles reprendront automatiquement à l'issue de l'exécution de la peine. Enfin, des personnes remises en liberté dans l'attente d'une procédure de révision pourront également être placées sous surveillance de sûreté.

Mais la protection des citoyens contre les criminels dangereux ne saurait se limiter au temps de l'incarcération. C'est pourquoi je vous propose de nouvelles mesures nous permettant d'aller plus loin dans le suivi des criminels dangereux. En la matière, le texte vise trois objectifs : le renforcement du suivi médico-judiciaire des délinquants et criminels sexuels, le contrôle et la surveillance effectifs des criminels après leur libération et une meilleure protection des victimes.

S'agissant, tout d'abord, du suivi médico-judiciaire des délinquants et criminels sexuels, un traitement inhibiteur de la libido – improprement appelé castration chimique – peut d'ores et déjà être administré dans le cadre d'une injonction de soins : il nous faut renforcer l'effectivité de cette mesure. Si, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, le condamné est soumis à une injonction de soins, tout refus du traitement anti-libido pourra conduire à une réponse immédiate.

Le non-respect de l'injonction de soins pourra être sanctionné : par l'incarcération, si la personne exécute sa peine en milieu ouvert ou si elle est sous surveillance judiciaire ; par le placement en rétention de sûreté, si elle est sous surveillance de sûreté ; par le retrait de crédit de réduction ou l'interdiction de bénéficier de réduction supplémentaire de peine, si elle est détenue.

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