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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 17 novembre 2009 à 15h00
Réduction du risque de récidive criminelle — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Nous sommes d'accord avec M. Garraud lorsqu'il nous explique que nous sommes entrés dans une nouvelle phase – j'ai envie de dire une nouvelle ère, un nouveau monde – depuis que vous avez décidé que, dans ce pays, on peut être privé de liberté non pas pour ce que l'on a fait, mais pour ce que l'on est. C'est effectivement une révolution.

Nous avons depuis des années observé les tentations de M. Garraud – je salue sa constance. Mais ce qui est nouveau, ce ne sont pas les propositions de M. Garraud, que nous avons toujours considéré comme se situant, de ce point de vue-là, plutôt sur une position dure, voire extrémiste. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ce qui est nouveau, c'est que tous, Gouvernement et majorité, vous vous ralliiez à ces propositions, qui changent complètement l'appréciation que l'on peut faire du droit pénal.

Vous vous êtes lancés dans une surenchère permanente – au lieu de répondre aux événements : nous partagions certaines préoccupations et nous aurions pu réfléchir calmement. Madame la garde des sceaux, vous ne pouvez pas nier qu'il y a là une forme de réaction – naturelle – à des événements dramatiques. Mais ce qui est grave, c'est que – sur ces sujets qui nous préoccupent tous – vous n'expliquiez pas pourquoi cet événement est survenu.

C'est la vraie question ! Il est gênant, c'est vrai, de constater que quelqu'un a récidivé parce qu'il n'y avait aucun médecin pour le recevoir – il n'y avait pas assez de médecins –, parce qu'il n'avait pas été convoqué en temps utile. Vous savez que cette démonstration a été faite point par point sur le dossier Évrard : elle est connue de tous !

Il est trop facile de dire que, puisque la législation n'a pas fonctionné, il faut en inventer une autre. Mais sans moyens, le résultat sera exactement le même ! Et que ferez-vous ensuite ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Vous êtes entraînés dans une surenchère permanente, c'est bien là le problème. En quelques semaines, vous êtes passés d'une application à des personnes condamnées à quinze ans de prison à des personnes condamnées à dix ans. Maintenant, c'est sept ans. En quelques semaines, vous avez déjà élargi le champ d'application de ces mesures particulières – M. le rapporteur le reconnaît. Cela pose d'ailleurs un problème, madame la ministre. Nous verrons ce qu'en dira le Conseil constitutionnel, mais il avait enfermé son acceptation dans de telles règles que je ne suis pas sûr que cette extension corresponde aux prescriptions qu'il avait données.

Que se passera-t-il, demain, si le récidiviste qui commet un acte qui nous révulse aura été condamné à neuf ans ou six ans ? Il n'entrera pas dans le champ d'application de la loi et vous reviendrez pour nous proposer de voter un nouveau texte pour passer de six à cinq ans et puis, si cela ne suffit pas, la fois d'après, nous passerons de cinq à quatre ans. Voilà dans quelle voie nous sommes engagés.

Pourtant, vous savez très bien que le résultat sera le même parce que la problématique est ailleurs, même M. Garraud l'a reconnu. La population pénale compte 40 % de personnes reconnues malades psychiatriques, 8 % de psychotiques c'est-à-dire de gens qui, par définition, sont dans un état mental de dangerosité. Ce n'est pas une question pénale, c'est une question de santé publique, et ce n'est pas avec une répression accrue qu'on va soigner ces gens.

Vous vous êtes lancés dans cette course et je crains que les conditions de déroulement du débat parlementaire – mais le pire n'est jamais sûr – ne nous conduisent à d'énormes surprises. Vous devriez faire attention à ce qui va se passer après.

Enfin, vous voulez créer un fichier qui serait mis à la disposition des maires pour que ceux-ci connaissent l'adresse des délinquants qui encourent un suivi socio-judiciaire résidant dans leur commune. Je crois qu'il y a là une confusion des genres et je ne suis pas le seul à le dire, j'ai rencontré aujourd'hui un de vos collègues de la majorité, qui disait des choses très justes sur ce qui ressort de la compétence de la police et de la justice et ce qui ressort de la compétence du maire.

Que fera le maire de ce fichier ? Et s'il se passe quelque chose et qu'on mette en cause votre responsabilité, vous direz quoi ? Qu'il faut construire des casernes pour qu'on soit sûr de savoir où se trouvent les récidivistes ? Cela n'a aucun sens. Nous sommes dans une surenchère populiste qui ne correspond à rien et qui vous amènera, fait divers après fait divers, à des réponses de plus en plus répressives.

Ce que nous disons, nous, c'est que vous avez raté une occasion. Nous étions prêts à ce débat – cette préoccupation ne touche pas que vous – mais nous considérons que vous faites fausse route, en inventant de nouveaux concepts. Vous voulez obliger à un traitement médical mais vous savez bien que l'application de cette mesure posera d'énormes difficultés.

Dans votre propos préliminaire, madame la ministre, vous avez dit que ce texte ne faisait pas courir de risque puisque le juge et le médecin seraient tenus au secret professionnel. Le médecin probablement – encore que cela devient très compliqué, vous vous arrangerez avec eux –, mais le juge, ce n'est pas possible si on veut tirer les conséquences de l'information. S'il doit garder le secret professionnel, cela signifie qu'il ne peut rien en faire. Un tel raccourci intellectuel montre bien l'impasse dans laquelle vous vous êtes engagée.

Nous aurions souhaité débattre pour savoir ce qui n'avait pas fonctionné dans les situations qui nous révulsent tous. Si tout avait bien fonctionné mais que la loi s'avérait insuffisante, alors nous aurions pu engager la réflexion. Mais vous n'avez pas voulu avoir ce débat alors que, partout, il est écrit par des professionnels que justement il y a eu des dysfonctionnements.

Nous avions nous-mêmes organisé le suivi sociojudiciaire avec la loi de 1998 parce que nous étions persuadés que l'objectif de la réinsertion passait par ce suivi-là. Aujourd'hui, vous pensez qu'il n'y a que la répression.

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