Dans sa démonstration, M. Garraud a évoqué certains crimes épouvantables ; mais il n'a pas montré en quoi le texte qui nous est proposé serait efficace pour les éviter. Puisque nous partons du travail effectué par le président Lamanda, je veux rappeler ce que celui-ci écrivait après avoir énuméré les mesures qui lui semblaient indispensables pour mieux lutter contre les criminels récidivistes : « Même si l'ensemble des propositions ainsi élaborées » – c'est-à-dire celles formulées par d'éminents spécialistes – « trouvait sa pleine application, tout risque ne disparaîtrait pas pour autant. Une société totalement délivrée du risque de la récidive criminelle, sauf à sombrer dans les dérives totalitaires, ne serait plus une société humaine. »
Telle est bien la difficulté que nous affrontons. Vous nous faites miroiter une pierre philosophale qui nous débarrasserait définitivement de la récidive, mais vous savez très bien qu'il ne s'agit que de gesticulations. Si nous pouvons en effet avancer vers de meilleures solutions pour diminuer les risques de récidive, aucun texte, comme vous le constaterez au prochain enfant violé ou assassiné, ne permettra de dépasser la nature humaine. Travaillons donc ensemble pour avancer ; mais, je le répète, le présent texte ne répond pas aux objections que nous formulons depuis longtemps.
En effet, il passe à côté de l'essentiel du problème. Vous ne parlez de récidive qu'à propos d'horribles criminels sexuels, mais vous oubliez que la grande majorité des crimes sexuels dont sont victimes les enfants sont incestueux. Comment, à l'intérieur de sa famille, protéger un enfant contre son père, son beau-père ou son oncle qui, durant des années, lui font subir des gestes incestueux ? Ce n'est pas la rétention de sûreté qui apportera la solution de ce problème, qui est le plus massif en matière de crimes sexuels.
Le rapport de M. Lamanda est beaucoup plus nuancé que ce que vous en avez retenu. Ainsi, il considère qu'il faut commencer par appliquer les lois existantes, qu'il faut dégager les moyens budgétaires nécessaires pour le suivi des criminels, développer la recherche criminologique pour mieux comprendre ce qui se passe dans leur tête, recruter des médecins coordinateurs. Les mesures à prendre peuvent être très simples : recruter des secrétaires greffiers, faire marcher l'informatique. Ce sont autant de raisons qui font que, trop souvent, les choses ne marchent pas.
Au lieu de faire le bilan des lois existantes et de se donner les moyens de les appliquer, vous préférez cette fuite en avant qui consiste à inventer sans cesse de nouvelles lois. M. Mamère a raison, c'est par un bilan que nous devons commencer. Retournons donc en commission, évaluons ce qui a déjà été fait, réfléchissons aux raisons pour lesquelles cela n'a pas marché : sans cela, nous serons incapables de proposer des solutions raisonnables, nous nous contenterons de gesticuler, nous aurons une gestion médiatique de ces horribles crimes. Qu'est-ce qui est préférable, avancer modestement vers la solution du problème qui se pose à nous ou répondre à l'opinion, donner des gages, faire des effets de manche devant les médias ? Ce n'est pas ainsi, nous le savons bien, que nous réglerons les problèmes.
Sans doute ce texte contient-il des mesures à étudier. Mais nous voyons bien que, si le problème est grave, sérieux, s'il peut nous paraître l'incarnation du mal absolu, ce n'est pas en ces termes que nous devons l'aborder. C'est pourquoi nous voterons le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)