Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit et j'essaierai d'être aussi synthétique que possible. Vous nous demandez, madame la ministre, monsieur le rapporteur, d'approuver un texte qui vient en complément de la rétention de sûreté et qui va mettre en place une surveillance de sûreté, dont la violation pourrait entraîner le placement en rétention de sûreté. Si nous sommes opposés à ce texte, ce n'est pas parce que nous n'avons pas conscience du problème de la dangerosité ou des difficultés de la lutte contre la récidive, mais pour plusieurs raisons : d'une part, il ne prend pas en compte le réel ; d'autre part, il agite des fantasmes ; enfin, il ne nous semble pas tourné vers l'avenir et vers la solution des difficultés.
Ce texte ne prend donc pas en compte le réel. Nous ne savons pas exactement, en effet, de quelle cohorte, de quel groupe de personnes nous parlons. Nous glissons des criminels dangereux condamnés à plus de quinze ans de prison, à d'autres types de délinquants ; nous assimilons tous les violeurs, tous les délinquants sexuels, aux criminels dangereux et à ceux qui sont visés par le texte. En tout état de cause, nous ne savons même pas exactement quelle est la population potentiellement visée par le texte.
S'il ne prend pas en compte le réel, c'est en second lieu parce qu'il s'articule autour de la notion de dangerosité, qui, selon les mots du rapporteur, pourrait être définie de façon scientifique. Or, si nous avons tous conscience que tel ou tel individu peut être dangereux, qu'il risque de récidiver, il est, dans le même temps, impossible à la science de dire que tel individu est potentiellement dangereux. Les méthodes sur lesquelles on s'appuie, dites « actuarielles », et qui entendent prédire des risques à partir de données statistiques, sont utilisées principalement par les compagnies d'assurances pour mesurer le risque de mortalité, d'incendie ou de maladie.