La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Jacques Kossowski, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Hier, le Parlement s'est réuni à Versailles et, pour la première fois depuis 1848, le Président de la République a pu exposer à la représentation nationale ses choix stratégiques forts, tant pour ce qui est de la politique européenne que pour ce qui concerne le projet économique et social de la France, confrontée à une crise mondiale sans précédent.
Durant son intervention, le Président s'est employé à dépasser le clivage droite-gauche en appelant de ses voeux une démocratie apaisée. Il a aussi invoqué l'héritage du Conseil national de la Résistance et des Trente glorieuses (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC) pour inviter la classe politique, les partenaires sociaux et la société civile à inventer la France de demain. Avec le volontarisme qui le caractérise, le chef de l'État a ainsi ouvert de nombreux chantiers auxquels nous, députés, serons parties prenantes. Il a tracé les grandes priorités de sa politique et a souhaité associer largement les parlementaires à leur mise en oeuvre.
Je pense à la réforme des retraites, des finances publiques, à celle des collectivités territoriales, ou encore à la préservation de l'environnement, avec la révolution verte initiée par le Grenelle. Il a également souhaité que le Parlement oeuvre en faveur de la liberté et de la dignité des femmes en se saisissant de la question du port de la burqa. Enfin, il a également évoqué le grand débat national devant conduire à la définition de priorités gouvernementales financées par un emprunt d'État : naturellement, le rôle de l'Assemblée nationale sera d'être active dans ce débat pour définir les priorités.
Monsieur le Premier ministre, au lendemain de cette très importante intervention, pouvez-vous nous donner votre sentiment sur les grandes orientations annoncées par le Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, M. le Premier ministre, après ses entretiens avec le Président ce matin, est occupé cet après-midi à quelques consultations ; il vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Devant le Congrès réuni hier à Versailles, le Président de la République a exprimé une véritable volonté de compréhension, de diagnostic, d'humilité. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il a ainsi développé une idée assez simple : il ne s'agit pas d'une banale crise financière ou économique à court terme qui se résorberait d'un coup comme par magie, la vie du monde occidentale, dont la France, reprenant son cours tout à fait normalement. Il s'agit d'une crise de valeurs, d'une crise de sens : c'est la crise d'un modèle hérité du XXe siècle, modèle qui a permis quelques progrès, mais qui est objectivement à bout de souffle.
Le diagnostic posé, le Président propose une hiérarchie des investissements : investissement humain, investissement sur la formation et sur la jeunesse, priorité donnée à quelques points particuliers, notamment la recherche fondamentale. Ces programmes d'investissement, il entend les partager avec la représentation nationale et les forces vives de la nation d'ici à Noël. Il veut que la France du XXIe siècle ait un potentiel de compétitivité robuste, grâce évidemment à la croissance verte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
J'aurais aimé poser ma question au Président de la République, pour comprendre la logique de sa proposition d'un grand emprunt.
Jusqu'à présent, le Président de la République nous avait expliqué qu'il fallait dépenser moins, pour emprunter moins et payer moins d'impôts. Pourtant, depuis mai 2007, la France n'a jamais autant emprunté, ni accru sa dette. Tant le niveau d'emprunt que celui de la dette ont atteint un record absolu.
Or, que nous propose le Président de la République ? Emprunter plus, pour dépenser plus et, à l'avenir, payer plus d'impôts pour rembourser !
Il reprend ainsi une proposition qu'il aurait lui-même jugée absurde lorsque vous la faisiez, monsieur le président de l'Assemblée nationale, en octobre dernier.
Le mot « absurde » est sévère. Pour ma part, je dirais plutôt incompréhensible, car nous empruntons déjà beaucoup tous les jours, mais peu pour investir. Toutes les dépenses budgétaires et fiscales nouvelles, depuis mai 2007, ont été financées par des emprunts supplémentaires : le bouclier fiscal, le paquet fiscal, la baisse de la TVA sur la restauration, la future réforme de la taxe professionnelle. Tout est financé par une aggravation du déficit, et donc par l'augmentation de la dette et des emprunts.
Incompréhensible également, parce qu'un emprunt souscrit auprès du grand public coûte toujours plus cher à l'État, et donc au contribuable. Ainsi, une étude publiée en 1997 par Bercy montre que l'emprunt Balladur-Sarkozy a coûté trois à quatre milliards d'euros de plus qu'un emprunt ordinaire.
Quelle est donc la logique de cette décision ? Pouvez-vous nous rappeler le montant de l'emprunt déjà engagé depuis le début de cette année ? L'augmentation de la dette depuis mai 2007 ? En fait, ne s'agit-il pas d'un moyen facile mais coûteux de reporter la facture à l'après 2012 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, la logique de cette décision, annoncée hier par le Président de la République, est tout simplement une logique de bonne gestion. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Avec quoi finance-t-on de nouveaux investissements ? Qu'il s'agisse des ménages, des entreprises ou de l'État, lorsqu'on investit dans l'avenir, de manière durable, on finance par la dette. C'est classique.
Au nouveau gouvernement, le Président de la République a confié une nouvelle analyse, une nouvelle méthode.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. L'emprunt, une nouvelle méthode !
La nouvelle méthode consistera, en associant l'ensemble du Parlement et des partenaires sociaux, à identifier nos priorités d'investissement, afin de développer le potentiel de croissance de notre économie. Lorsque nous aurons identifié les priorités d'investissement, celles dont la rentabilité à court terme n'est pas évidente – le numérique, la connaissance –, nous pourrons alors calibrer le volume d'endettement nécessaire.
C'est précisément à cet effort que nous sommes invités par le Président de la République : travailler ensemble, pendant une durée de trois mois, à l'identification de ces priorités, et calibrer la dette qui sera nécessaire pour la financer.
Il ne s'agit pas de s'effaroucher et de faire de la dette un épouvantail. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il s'agit d'identifier ce à quoi elle correspond. La dette qui finance les dépenses de fonctionnement n'est pas une bonne dette. Celle qui finance les dépenses d'investissement, celle qui sert à renforcer l'actif public de la France, est une dette utile.
Le Président de la République a appelé à financer cette dette par un emprunt national. C'est évidemment un geste politique, pour engager l'ensemble du pays autour de la définition des priorités stratégiques, à laquelle, je l'espère, vous contribuerez dans le cadre d'une démarche participative. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Emprunt national
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur Roy, je vous invite à lire l'article 71 du règlement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, hier, dans sa déclaration devant le Congrès, le Président de la République a confié au futur gouvernement une mission de réflexion sur les priorités nationales et sur le lancement d'un emprunt pour les financer.
Madame la ministre, les centristes ont toujours, à temps et à contretemps, rappelé qu'il était nécessaire d'équilibrer les budgets de fonctionnement…
…de 1'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, et que l'emprunt n'était légitime que pour financer une partie des investissements publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Le Président de la République a d'ailleurs rappelé, dans son intervention, la nécessité « de porter le fer dans les dépenses de fonctionnement qui s'avéreront inutiles ou non prioritaires, et de protéger les dépenses d'investissement pour protéger notre avenir ». Il est allé, en disant cela, dans le sens de nos demandes constantes.
Certains ont émis une double critique à l'égard de cette proposition : le fait qu'elle va encore aggraver une dette publique déjà excessive, et le risque que le coût de cet emprunt national soit supérieur à celui d'un emprunt classique.
Aussi pourriez-vous, madame la ministre, nous confirmer les trois points suivants. D'abord, que le produit de cet emprunt national sera bien consacré exclusivement à des investissements supplémentaires, créateurs de richesse. Ensuite, que les déficits de fonctionnement de 1'État et de la sécurité sociale seront réduits, dès le budget 2010, par rapport à ceux de 2009. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Enfin, que les modalités de rémunération de cet emprunt tireront les leçons des expériences passées, afin qu'il ne coûte pas plus cher que les emprunts classiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, vous m'avez posé trois questions concernant tant les priorités d'investissement que leur financement par l'emprunt.
En ce qui concerne les priorités d'investissement, vous avez eu raison de mettre l'accent sur la méthode qui sera utilisée. Le Président de la République nous a donné trois mois pour consulter, de la manière la plus large possible, l'ensemble des députés et des sénateurs, ainsi que les partenaires sociaux et toutes les forces productives de notre pays, qu'elles soient manuelles, intellectuelles, dédiées à la recherche, à la réflexion ou à la production.
Voilà la méthode prescrite. Dans quel but ? Dans celui d'identifier les priorités nationales qui vont modeler l'avenir de notre pays, lui permettre de conserver une longueur d'avance en matière de compétitivité et de garder son rang dans l'économie mondiale.
Nous savons que cela nécessite des dépenses de long terme, dont la rentabilité n'est pas toujours facile à apprécier, dans des domaines que j'ai déjà cités tout à l'heure : l'économie de la connaissance, le réseau numérique, l'infrastructure de manière générale. Pour ces dépenses, l'emprunt est parfaitement adapté.
Cet emprunt national – qui sera levé soit directement auprès des Français qui le souhaitent, soit sur le marché – sera consacré au financement des priorités nationales que seront les investissements ainsi identifiés.
À cette réponse, qui me paraît déjà claire, j'en ajoute une seconde, monsieur le député : nous nous attaquerons ensemble – le Président de la République a exprimé son souhait d'y associer encore les parlementaires – à toutes les autres dépenses, notamment celles de fonctionnement, afin que tout euro public dépensé le soit à bon escient et non en vain. Il s'agira bien de passer en revue tous les comités, l'ensemble des dépenses, et d'identifier celles qui ne sont pas particulièrement efficaces.
C'est dans cet esprit que j'engage la représentation nationale à participer à ces travaux. Je sais que le groupe centriste aura à coeur d'y participer. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Tout ça pour ça… Oui, c'est vraiment la première réaction que l'on peut avoir après le discours du Président de la République. Dans ces quarante-cinq minutes de peu d'intérêt, je voudrais relever quelques énormités. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Celle-ci, entre autres : « La crise nous rend plus libres d'imaginer un monde plus libre. » Les milliers de salariés licenciés, les chômeurs et précaires apprécieront ! Ou encore celle-ci : « Les actionnaires méritent rémunération ; les salariés méritent considération. » Que sont devenues les envolées lyriques sur la répartition de la valeur ajoutée ? Ces quelques mots en disent plus qu'un long discours sur la conception de la société et des rapports sociaux voulue par le Président de la République. Ils résument à eux seuls son programme : tout pour les riches ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Finies, les grandes déclarations sur le pouvoir d'achat ; il n'y a d'ailleurs pas de coup de pouce pour le SMIC, la seule augmentation se résume à dix centimes de l'heure… Quelle largesse ! Pour la troisième année consécutive, ceux qui perçoivent des bas salaires devront attendre des jours meilleurs pour améliorer leurs fins de mois.
Il est cynique de citer le Conseil national de la Résistance et, dans le même temps, de tordre le coup à toutes les avancées sociales fondamentales qu'il avait permises : retraite, sécurité sociale, droit au travail et au repos, garantie du pouvoir d'achat et sécurité de l'emploi. (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP.) Lisez le texte du discours, chers collègues de la majorité : nous venons de le recevoir !
Dans ce même discours, le Président a encore répété qu'il fallait produire plus pour consommer plus. Cette vieille recette productiviste me fait pousser un cri d'alarme, et je ne doute pas que M. le ministre de l'écologie l'entendra : pitié pour la planète ! Elle n'en peut plus ! À cet égard, le discours du Président de la République est parfaitement cohérent : exploitation des salariés, exploitation de la planète.
Monsieur le Premier ministre, puisque vous devez réfléchir aux priorités nationales – dixit le Président –, allez-vous enfin prendre en compte l'urgence sociale et l'urgence écologique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Vous le savez pertinemment, madame Billard : la France est, comme les autres pays occidentaux, confrontée à une crise qui dépasse les seuls enjeux financiers : le Président de la République l'a rappelé hier. Cette crise, qui touche à la conception même de notre modèle économique, nécessite la mobilisation de toute la société française et européenne.
Connaissant votre implication sur ces sujets, madame Billard, je suis un peu étonné que vous feigniez d'ignorer que notre Parlement est celui qui a adopté les engagements les plus forts pour l'environnement : je pense notamment au programme d'investissements de plus de 440 milliards d'euros pour assurer la mutation écologique, programme voté dans le cadre de lois budgétaires triennales et de mesures fiscales.
Les plus grands cabinets du monde, tels le Boston consulting group, nous classent, dans leurs comparaisons internationales, parmi les pays industriels les plus en pointe pour cette mutation. Que cela vous dérange est une chose, mais, au fond du fond, restez fidèle à vous-même, madame Billard : continuez de soutenir cette mutation, quitte à faire semblant, lors des questions au Gouvernement, de marquer un peu votre différence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Éric Straumann, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, la disparition, le lundi 1er juin, de l'Airbus A330 qui assurait le vol Air France 447 reliant Rio à Paris avec deux cent vingt-huit personnes à bord, est la pire catastrophe de l'histoire de cette compagnie aérienne. Parmi les deux cent vingt-huit victimes, on dénombre deux cent seize passagers, douze membres d'équipage, et l'on recense soixante-douze de nos compatriotes.
Les causes de cet accident demeurent toujours inexpliquées, et l'on fonde beaucoup d'espoir sur la découverte des boites noires. Les recherches, qui ont permis de découvrir une centaine de débris de l'appareil, se poursuivent dans une zone située à plus de 1 000 kilomètres des côtes brésiliennes. Onze des cinquante corps recueillis au cours des recherches menées dans l'océan Atlantique ont été identifiés grâce aux empreintes digitales et aux dossiers dentaires.
Les familles vivent depuis cette catastrophe une situation insoutenable. Elles se demandent si elles pourront récupérer la dépouille de leurs proches et organiser leur travail de deuil. La cérémonie du 3 juin dernier en la cathédrale Notre-Dame de Paris a eu un effet apaisant pour tous ceux que ce drame a touchés. Elle aura également permis aux plus hautes autorités de l'État de rendre hommage, au nom de tous les Français, aux victimes de cette tragédie.
Quelque mille huit cents proches se sont manifestés auprès de la compagnie. Après avoir connu une grande détresse psychologique au moment de l'annonce de la perte de l'appareil, ces familles sont aujourd'hui confrontées à des difficultés administratives. Les pouvoirs publics se doivent de les assister, car elles n'ont pas toujours la force de surmonter les inévitables procédures auxquelles elles sont confrontées.
Monsieur le secrétaire d'État, comment le Gouvernement peut-il assister les parents des victimes de ce drame, afin qu'à la douleur ne s'ajoute pas le désarroi face à la complexité des démarches auprès de la justice et de tous organismes publics et privés concernés ?
Ne pourrait-on imaginer un guichet unique, qui centraliserait l'ensemble des dossiers et les dirigerait vers les autorités compétentes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le député, Jean-Louis Borloo et moi-même avons reçu la semaine dernière, pendant plus de quatre heures, les familles de nos compatriotes victimes de l'accident, ainsi que les ambassadeurs ou consuls généraux des pays qui avaient des ressortissants à bord de l'avion. Leur détresse est évidemment immense, et la première façon d'y répondre est de les informer avec simplicité.
La compagnie Air France a bien sûr un devoir d'information, de même que les pouvoirs publics ; mais, à la demande du Premier ministre, Jean-Louis Borloo et moi-même avons néanmoins mis en place un guichet unique avec l'ambassadeur de France, M. Vandoorne, qui était en poste au Venezuela lors du drame ayant touché certains de nos compatriotes antillais – François Baroin et d'autres dans cet hémicycle s'en souviennent. Cet ambassadeur avait alors fait preuve de beaucoup d'humilité ; aussi a-t-il été choisi pour ses qualités humaines. Les familles ont son numéro de portable et une adresse e-mail particulière : que ce soit sur les problèmes d'indemnisation, la tutelle pour les enfants orphelins, les déclarations de décès à remplir sous l'autorité du procureur ou le devenir des corps, chacune d'elles peut donc poser à M. Vandoorne, qui s'est récemment rendu au Brésil, toutes les questions qu'elle souhaite. Jean-Louis Borloo et moi suivons ses réponses quotidiennement.
S'agissant de l'enquête, le Bureau d'enquête et d'analyse a également une adresse e-mail dédiée aux familles, afin de les tenir totalement informées. Ce matin, une information laissant entendre qu'on avait retrouvé les boîtes noires nous a tous donné de l'espoir ; c'était malheureusement une fausse nouvelle. Il nous reste quelques jours pour retrouver ces enregistreurs et connaître la vérité. Les recherches se poursuivent avec tous les moyens nécessaires : le Président de la République y tient. En attendant, faisons attention à ce qui se dit, ne serait-ce que pour ne pas répéter ce qui s'est produit après l'accident d'hélicoptère de dimanche dernier, qui a endeuillé nos amis de l'Isère et de l'Ain : on a lu dans la presse que les corps avaient été décapités, et ce n'était pas vrai. Prenons garde collectivement, de même que nos médias, à ne pas diffuser de fausses nouvelles comme à ne pas créer de faux espoirs. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui considérait, répondant à Didier Migaud, qu'il n'y avait pas lieu de s'affoler à propos de la dette, et, répondant à la question suivante, que tout euro public devait être dépensé à bon escient – ce que, sans doute, nul ne contestera. Mais êtes-vous bien sûre, madame Lagarde, que votre politique a appliqué ce principe ? La dette ne devrait-elle pas, au contraire, vous inquiéter pour de bon ? Tous, nous appliquons dans nos communes, dans nos collectivités, le principe qui commande de ne financer par l'emprunt, par le déficit, que des investissements. Est-ce vraiment ce que vous avez fait dans le passé ?
Il n'y a qu'en 2000 et en 2001 que le déficit public a financé les investissements d'avenir – c'est-à-dire l'investissement public et les dépenses de recherche et développement. Depuis 2002, son explosion n'a financé que des dépenses courantes et des allégements d'impôts, et encore ces allégements étaient-ils destinés aux plus riches, comme dans le cas du bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le déficit atteint aujourd'hui 150 milliards d'euros. Chaque jour ouvrable, l'État emprunte un demi-milliard pour boucler ses fins de mois ou pour faire des cadeaux fiscaux, à crédit, qui seront payés par les générations futures.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et les 35 heures ?
Pis encore, l'État emprunte même, depuis 2008, pour payer les intérêts de sa dette.
L'emprunt Sarkozy – tel sera peut-être son nom – n'est qu'un habillage destiné à dissimuler la dérive dramatique de nos finances publiques. Quand allez-vous en finir avec les écrans de fumée et parler un langage de vérité aux Français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ce que nous propose le Président de la République est parfaitement logique : il s'agit dans un premier temps d'analyser notre déficit, puis d'investir et d'économiser. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avons un déficit à trois étages. La première partie, que vous avez-vous aussi contribué à développer au fil des ans, est constituée par un déficit conjoncturel, destiné à assurer les dépenses de fonctionnement. (« C'est laborieux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous devrons bien évidemment lutter contre ce déficit.
Il y a ensuite ce que j'appellerai le déficit de crise, qui nous a permis de lutter contre la crise économique dont la France a été victime, comme tous les pays, mais dont elle se sort plutôt mieux que les autres.
Enfin, nous proposons de financer le troisième déficit par de l'endettement à long terme, pour des investissements de long terme.
Tels sont les trois types de déficit qu'a identifiés le Président de la République : contre le premier, nous devons impérativement lutter en éliminant les dépenses inutiles (« Lesquelles ? » sur les bancs du groupe SRC) ; le deuxième se résorbera avec la crise, quand la croissance reviendra ; nous consentons au troisième, puisqu'il s'agit de le financer par l'emprunt et de préparer l'avenir de la France.
D'autre part, le Président de la République nous appelle à une double démarche. Nous devons, avec le Parlement, examiner toutes les dépenses pour vérifier que chaque euro est dépensé à bon escient, et j'espère que vous participerez à ce travail. Nous devons aussi, toujours avec le Parlement, identifier les priorités et les financer, car elles représentent l'avenir de la France, son potentiel de croissance.
Mesdames et messieurs les députés, si vous ne participez pas à cet effort, vous prendrez, à vos dépens, le risque de vous retrouver en marge de l'avenir de la France. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, ma question, à laquelle je veux associer Michel Hunault et mes collègues du Nouveau Centre, s'adresse à M. Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse.
Hier, à Versailles, le Président de la République a évoqué l'ardente nécessité de venir en aide à nos jeunes compatriotes, trop souvent exclus du monde du travail et bien souvent démunis de ressources.
Le groupe Nouveau Centre reste très attaché à cette question essentielle, car les jeunes de seize à vingt-cinq ans sont, de toute évidence, les premières victimes de la crise économique sans précédent que nous traversons.
À l'heure où la commission de concertation sur la jeunesse, que vous présidez, entre dans sa dernière ligne droite, pourriez-vous préciser les mesures concrètes que le Gouvernement entend prendre pour l'emploi des jeunes ? Quelle aide spécifique envisagez-vous de mettre en place pour les jeunes sans emploi et sans formation ? Qu'en est-il de la création d'une dotation d'autonomie pour favoriser leur insertion professionnelle ? Enfin, le Gouvernement prévoit-il d'étendre le revenu de solidarité active aux moins de vingt-cinq ans qui travaillent depuis un an ?
Les députés du Nouveau Centre seront particulièrement attentifs à votre réponse, car il y a urgence à agir. Les jeunes d'aujourd'hui feront la France de demain, et il est de notre devoir de répondre à leurs attentes pour leur redonner espoir en l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.
Monsieur le député, vous posez la question des jeunes face à la crise et face à l'avenir. Deux modes d'action ont été privilégiés. Il y a quelques semaines, le Président de la République a annoncé des mesures contre la crise. Laurent Wauquiez et moi-même les avons déjà mises en oeuvre, car il faut agir vite, sans délai, de la manière la plus simple et la plus efficace : nous avons institué des primes pour les employeurs recrutant des jeunes en contrat de professionnalisation ou d'apprentissage, en contrat aidé dans les secteurs marchand et non marchand, ou transformant des stages en contrats à durée indéterminée.
Au-delà des clivages, j'en appelle à la mobilisation de chacun. Ce sont les employeurs qui ont demandé ces mesures : c'est maintenant qu'il faut les mobiliser, dans chaque circonscription, dans chaque bassin d'emploi, dès aujourd'hui, à la rentrée, dans les mois qui vont suivre. Les jeunes ne doivent pas, dans cette crise, payer le prix le plus élevé.
Par ailleurs, nous devons remettre debout certaines politiques de la jeunesse. En ce moment même se réunit la commission de concertation sur la jeunesse, qui rassemble l'ensemble des acteurs, les réseaux des missions locales, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, les organismes qui représentent les jeunes, et qui va peut-être conclure ses travaux pour tracer de nouvelles lignes directrices. Nous agirons en deux temps. Dans un premier temps, nous essaierons d'obtenir un consensus sur les propositions ; dans un second temps, nous tâcherons de faire en sorte qu'elles soient récupérées par le Gouvernement, par vous-mêmes.
Ainsi, je pense que nous proposerons qu'il puisse y avoir des débats réguliers au Parlement. Savez-vous qu'il n'y a plus été débattu de la politique de la jeunesse depuis 1994, et qu'il ne s'agissait pas de fonder une nouvelle politique de la jeunesse, mais d'enterrer le contrat d'insertion professionnelle. Il ne serait peut-être pas anormal que, périodiquement, le Parlement travaille sur ce sujet.
Enfin, il faut un système de soutien aux ressources qui ne se contente pas de prendre acte du faible taux d'activité des jeunes, mais qui augmente ce taux d'activité et leur qualification. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauches.
Madame la ministre de l'économie et de l'emploi, les déclarations du Président de la République sont quelquefois en contradiction avec l'action même de sa majorité et de son gouvernement. Je souhaite ici en apporter un exemple.
Hier, à Versailles, le Président affirmait : « Tout licencié économique doit pouvoir garder son salaire et recevoir une formation pendant un an ». Or, il y a moins de deux mois, le groupe socialiste avait présenté deux dispositions urgentes – Alain Vidalies en était le rapporteur – destinées à protéger les salariés victimes de la crise. Nous proposions de généraliser à tous les licenciements économiques – au lieu de le réserver à certains, comme le Gouvernement le fait – le dispositif du contrat de transition professionnelle et, compte tenu de l'ampleur inégalée de la crise, de porter sa durée à deux ans.
Nous proposions aussi de prolonger de six mois l'indemnisation de salariés, souvent victimes, hélas ! de votre loi sur les heures supplémentaires, inscrits au chômage à l'issue d'un contrat à durée déterminée ou d'une mission d'intérim. À l'occasion de ce débat, des artifices de procédure furent utilisés, certains pour la première fois, dans le but de couper court à la discussion. Vous-même, madame la ministre de l'économie de l'emploi n'avez pas daigné y assister... Et pourtant, à cette occasion comme en toutes autres circonstances, nous n'avons de cesse de présenter des propositions précises et utiles aux Français.
Après les déclarations du Président de la République, pouvons-nous annoncer aux nombreuses personnes licenciées dans nos circonscriptions que vous allez rapidement accepter de discuter ces propositions et donc les inscrire à l'ordre du jour prioritaire de notre assemblée ? Monsieur le Président de la République, madame la ministre de l'économie et de l'emploi, ne jouez pas avec la détresse et les drames qu'entraîne aujourd'hui le chômage dans notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur Le Roux, les déclarations du Président de la République hier venaient dans le prolongement d'un travail de fond, réalisé avec les partenaires sociaux depuis plus de six mois. Je voudrais rapidement revenir sur quelques-uns de ses éléments.
En ce qui concerne l'activité partielle, en liaison avec Mme Lagarde, nous avons fait en sorte que des salariés jusqu'alors indemnisés à hauteur de 50 % du salaire brut perçoivent désormais 90 % de leur salaire net.
Sur l'assurance chômage également, un gros travail a été réalisé avec les partenaires sociaux. Un dispositif plus équitable a permis d'indemniser 200 000 chômeurs supplémentaires, qui n'étaient pas pris en compte auparavant.
Amélioration enfin des dispositifs de reclassement que vous connaissez, monsieur Le Roux. En France, les travailleurs licenciés avaient affaire à un système très compliqué : non seulement on perdait son emploi, mais aucun dispositif n'existait pour aider à rebondir ou à se reclasser – je pense notamment aux salariés des PME. Cette majorité et ce Gouvernement ont mis en place non seulement l'extension du contrat de transition professionnelle, mais aussi la convention de reclassement personnalisée.
Vous parlez de contradictions…
Je ne peux d'abord que me réjouir de voir l'opposition reconnaître, pour une fois, qu'un dispositif proposé par le Président de la République est une chose positive. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Rappelez-vous que le contrat de transition professionnelle a été proposé par Jean-Louis Borloo et étendu par cette majorité !
Enfin, monsieur Le Roux, si la disposition dont vous parliez n'a pas pu être débattue dans cet hémicycle – j'étais pour ma part présent au banc du Gouvernement –, c'est pour une raison toute simple : elle a été recalé par la commission des finances dont le président n'est autre que M. Migaud, issu de vos rangs ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Et si je puis me permettre, à contradiction, contradiction et demie : qui a voté contre l'extension du CTP aux nouveaux bassins en décembre dernier ? Les députés socialistes ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il y a parfois des contradictions cachées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le secrétaire d'État, je vous rappelle que le président de la commission des finances agit par délégation du Président de l'Assemblée nationale, et qu'il ne fait qu'appliquer la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est àM. Bernard Perrut. pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question, à laquelle je souhaite associer Mme Bérengère Poletti, s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Les jeunes sont les premières victimes du chômage dans cette période de crise, en particulier ceux qui entrent cette année sur le marché du travail et qui, du fait du ralentissement économique, se heurtent à de sérieuses difficultés pour accéder à un premier emploi. En effet, beaucoup d'entreprises gèlent leurs embauches.
Cette situation est évidemment inquiétante pour les jeunes, qui veulent pouvoir vivre du fruit de leur travail et pour leurs familles, qui les soutiennent souvent financièrement. C'est aussi un risque pour notre pays, parce que les jeunes sont un atout essentiel en matière de compétitivité. Le Président de la République a présenté, il y a deux mois, un plan ambitieux en direction des jeunes, avec une préoccupation : éviter les fausses solutions à court terme ou la construction de nouvelles procédures trop complexes. Il a aussi affirmé deux principes : d'abord s'appuyer sur ce qui fonctionne en matière d'emploi des jeunes, notamment l'alternance ; et travailler ensuite avec l'ensemble des acteurs – missions locales, acteurs économiques, partenaires sociaux, collectivités locales.
Monsieur le secrétaire d'État à qui s'adressent les mesures annoncées par le Président de la République ? Où en sommes-nous quant à leur mise en oeuvre effective ? Je pense notamment aux contrats aidés. Vous avez en effet signé, il y a quelques jours, le premier contrat d'accompagnement passerelle en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Perrut, en matière d'emploi des jeunes on voit du côté droit de l'hémicycle une attitude constructive, mais du côté gauche, c'est bien différent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En matière d'emploi des jeunes, vous avez raison, nous sommes lancés dans une course contre la montre. Elle nécessite un peu plus de mobilisation constructive de l'ensemble des élus.
Au mois de septembre, les jeunes qui auront fini leurs études et qui rechercheront un emploi risquent de se trouver en grande difficulté. Le Président de la République a annoncé un train de mesures sur ce point.
Le travail réalisé avec Christine Lagarde et Martin Hirsch a consisté à adopter, le plus rapidement possible, tous les décrets afin de nous doter des outils opérationnels, pour que, dès la rentrée, nous puissions accompagner, le mieux possible, les jeunes dans cette période difficile. Nous avons essayé de nous appuyer sur des mesures simples et efficaces – ainsi l'alternance et l'apprentissage. Nous avons essayé de mieux accompagner les petites entreprises de moins de cinquante salariés quand elles prennent des apprentis.
Je pense également aux formations qui doivent être consacrées aujourd'hui à des jeunes bloqués dans une impasse, afin de leur permettre de rebondir et de lutter contre le décrochage scolaire.
Monsieur Perrut, vous avez été le premier maire à signer un contrat passerelle, un contrat aidé dans le secteur marchand et non marchand, permettant ainsi d'éviter que nos jeunes se retrouvent sans emploi et que leurs diplômes soient dévalorisés.
Sur le terrain, comme nous l'avons fait à Villefranche, la semaine dernière et comme nous le ferons cette semaine à Marcq-en-Baroeul chez Bernard Gérard, nous nous attachons à mobiliser l'ensemble des partenaires, pour travailler avec les entreprises, avec les régions, avec les responsables de l'alternance et de l'apprentissage, avec tous les élus locaux. Il s'agit de faire en sorte que chacun s'approprie ses outils, pour que nous puissions, dans les deux mois qui viennent, mettre le plus de dispositifs sur la table. Notre but est de faire en sorte que nos jeunes ne restent pas sur le bord de la route durant cette période et que cette génération ne soit pas sacrifiée par la crise. Je vous remercie, monsieur Perrut, d'avoir su montrer la voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Sylvie Andrieux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Le 25 septembre 2008, lors d'un discours à Toulon, le Président de la République annonçait qu'il était « temps de mettre un terme aux parachutes dorés », que le laisser-faire, le marché qui a toujours raison, c'était « fini », que la « moralisation du capitalisme financier » était la priorité.
Hier, lors de sa déclaration devant le Congrès à Versailles, il dénonçait à nouveau les parachutes dorés et les gains mirobolants des spéculateurs.
Mais, en dépit de ces belles paroles, Gérard Le Fur quitte la direction générale de Sanofi-Aventis avec un chèque de 2,7 millions d'euros (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), Thierry Morin part de Valeo avec, en poche, 3,2 millions d'euros. (Mêmes mouvements.) Avant eux, Patricia Russo avait perçu 6 millions d'euros d'indemnités de la part d'Alcatel-Lucent. Quant à Antoine Zacharias, il a été débarqué de Vinci avec un parachute doré de 12,9 millions d'euros. (« Olé ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Depuis plus d'un an, ce ne sont qu'incantations et promesses pour mettre prétendument fin aux parachutes dorés. Mais, lorsque les socialistes déposent une proposition de loi limitant les indemnités de départ des grands patrons, le Gouvernement et sa majorité la rejettent d'un revers de main.
Ma question est simple : madame la ministre, quand allez-vous enfin passer des discours aux actes et proposer des mesures concrètes contre les parachutes dorés, insupportables aux Françaises et aux Français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, qu'avons-nous fait, qu'avez-vous fait ? (« Qu'avez-vous fait pendant sept ans ? » sur les bancs du groupe SRC.) Par la loi du 4 août 2007, la majorité a encadré les indemnités de départ, en subordonnant le paiement de toute indemnité à la performance réelle, appréciée par le conseil d'administration et votée par l'assemblée générale. Voilà ce que nous avons fait.
Le Gouvernement a demandé à l'ensemble des organisations représentatives du patronat de mettre en place un guide des bonnes pratiques. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le « code AFEP-MEDEF » prévoit notamment le plafonnement de la rémunération des dirigeants dès lors qu'il y a des menaces de licenciement ou de chômage partiel important, le plafonnement de leurs indemnités de départ et l'interdiction du cumul d'un contrat de travail avec un mandat social.
Qu'avons-nous fait ensemble ? La majorité a voté la loi du 20 avril 2009 qui prévoit un certain nombre d'encadrements. Je vais vous les citer, étant précisé que le Gouvernement a publié un décret d'application le 30 mars et un autre le 20 avril pour s'assurer que le dispositif sera applicable.
Les stock-options et actions gratuites sont interdites. Les rémunérations variables, quand elles ne sont pas la contrepartie de performances, et en particulier de performances boursières, sont également interdites, ainsi que les rémunérations variables ou les indemnités de départ lorsque l'entreprise procède à des licenciements de grande ampleur. Il en va de même des nouvelles retraites chapeaux ou de l'adjonction de nouveaux membres dans les retraites chapeaux en place.
Voilà les mesures qui ont été prises à l'égard de toutes les sociétés qui font appel public à l'épargne.
Voilà ce que nous avons fait. Qu'avez-vous fait ? Nous attendons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question, plus consensuelle, s'adresse à Mme la ministre de la santé. J'y associe notre collègue Jean-Sébastien Vialatte, que je sais sensible à ce sujet.
En novembre 2008, j'ai déposé une proposition de loi visant à reconnaître le don de vie comme grande cause nationale 2009, et nombre de nos collègues l'ont cosignée. Suite à cette démarche, le Premier ministre a déclaré « grande cause nationale 2009 » le don d'organes, de sang, de plaquettes, de plasma et de moelle osseuse.
Hier a eu lieu, dans ce cadre, la journée nationale du don d'organes, belle occasion de rappeler l'importance vitale d'une véritable mobilisation. La situation de la France reste en effet à améliorer. Certes, l'activité de prélèvement et de greffe d'organes se maintient en 2008 par rapport à 2007, mais sans répondre à tous les besoins. Le nombre de patients en attente de greffe ne cesse d'augmenter. L'an passé, plus de 4 600 malades ont été greffés, mais 13 000 sont restés en attente, et plus de 220 patients sont morts, faute de greffons. Les besoins sont tels que la hausse de l'activité, qu'il faut certes saluer, ne suffit pas à satisfaire les demandes.
De nombreuses associations, qui militent en faveur du don d'organes, ont un rôle central. Je pense aussi à l'Agence de la biomédecine et à l'Établissement français du sang. Mais la question centrale est d'aider à réfléchir au don d'organes de son vivant, à faire son choix – donner ou non après sa mort – et à le partager avec son entourage.
Madame la ministre, vous vous êtes rendue avec le Premier ministre, en mars dernier, dans le service de greffe de moelle osseuse de l'hôpital parisien Saint-Louis. Nous savons combien vous êtes mobilisée sur le sujet. Vous encouragez et soutenez tous les efforts susceptibles de développer le don d'organes, ainsi que le don de sang, de plaquettes et de moelle osseuse, tous gestes qui peuvent sauver des vies.
En ce jour où vous venez de clôturer les états généraux de la bioéthique, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est aujourd'hui des efforts faits pour soutenir cet enjeu vital qu'est le don d'organes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le député, il est vrai que le don d'organes est une grande question de santé publique. Elle a été évoquée ce matin lors de la conclusion des états généraux de la bioéthique, auxquels vous assistiez. J'en profite pour remercier votre collègue Jean Leonetti (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), qui présidait le comité de pilotage de ces états généraux et qui a admirablement accompli cette tâche.
Nous avons besoin de plus en plus de dons d'organes en raison des progrès de la médecine, de l'avancement des pathologies et du vieillissement de la population. Il nous faut donc avancer dans plusieurs directions.
Nous devons d'abord augmenter le nombre de donneurs. Nous menons en ce sens une campagne active auprès des hôpitaux. Nous voulons aussi, par un référentiel de bonnes pratiques, améliorer les prélèvements d'organes sur les personnes décédées à cause d'un arrêt cardiaque. Nous voulons également éviter de perdre des greffons, ce qui est intolérable étant donné les besoins. Nous voulons améliorer les bonnes pratiques dans ce cadre, avec une plateforme nationale d'attribution des greffons et une meilleure orientation de ceux-ci.
Nous voulons également inciter nos compatriotes à donner leurs organes et à en autoriser le prélèvement sur leurs proches – ce que 30 % des gens continuent de refuser.
Vous avez raison de rappeler que nous nous sommes rendus ensemble à l'hôpital Saint-Louis, dans le service créé par le professeur Dausset, qui vient de nous quitter et dont je salue la mémoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Vous-même, monsieur le député, avez été à l'origine de la campagne « Don d'organes, don de vie ». Je vous en remercie et je veux inciter nos concitoyens à donner leurs organes et à autoriser le prélèvement sur leurs proches. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Odile Saugues, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, demain, à Clermont-Ferrand, ils seront là, les « Bibs », tous les Bibs, comme ils étaient venus le 15 mai pour dire aux actionnaires de Michelin leur amertume d'un chômage partiel mal indemnisé et leur inquiétude de la perspective d'un plan social, en dépit de l'annonce d'un bénéfice net de 357 millions d'euros en 2008. Ils furent repoussés par les CRS amenés en nombre, la direction démentant alors tout plan social. Cynisme de la même direction qui, un mois plus tard, le 17 juin, annonce 1 093 suppressions de postes suivies de 1 800, précisant qu'il ne s'agit pas de répondre à la crise, mais bien, selon ses propres termes, « de muscler l'Ouest pour progresser à l'Est », reconnaissant dans la foulée un investissement de 1 milliard d'euros en Inde sur dix ans ! Cynisme dans la présentation « soft » de départs volontaires, quand on sait que le site de Clermont-Ferrand, de 1982 à 2009, a vu réduire le nombre de ses salariés de 32 000 à moins de 12 000 et ses usines se transformer peu à peu en musées. C'est une véritable hémorragie de substance industrielle en continu et les 3 000 postes qui disparaîtront dans les prochaines années s'ajouteront aux 18 000 emplois industriels détruits en France en ce début d'année 2009. Ainsi, 700 000 emplois pourraient être détruits cette année dans le secteur privé, portant le chômage à plus de 10 %.
Hier, à Versailles, devant le Parlement, le Président de la République affirmait que « la réindustrialisation est un investissement. L'idée d'une France sans usines et sans ouvriers est une idée folle ».
Monsieur le secrétaire d'État, les ouvriers Michelin de tous les sites de France attendent du Gouvernement une réponse politique. Que comptez-vous faire pour concrétiser les propos du Président de la République et répondre à l'angoisse des salariés qui, à défaut de bénéficier d'un parachute doré, devront survivre de leurs retraites dans un contexte social de plus en plus hostile ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Madame la députée, vous le savez, vous qui comptez, dans votre région, plusieurs établissements dans le domaine des pneumatiques, le marché des pneumatiques subit de plein fouet la crise. En effet, comme je l'ai indiqué la semaine dernière, sur le marché de la « première monte », en recul de 40 %. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez beau le nier, madame : le marché des pneumatiques est à moins 40 % aujourd'hui !
Le marché du renouvellement des pneumatiques est encore inférieur, ce que l'on ne peut que regretter. Mais réagir à la crise, c'est aussi regarder la réalité en face. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans ce cadre, Michelin, numéro un mondial du pneumatique, et qui emploie 25 000 personnes en France, vient d'annoncer un plan de réorganisation et d'investissement dans notre pays. Je tiens à le souligner.
L'annonce de suppressions d'emplois dans l'industrie française n'est naturellement jamais une bonne nouvelle. Toutefois, dans le cas de Michelin, cette annonce est assortie d'un investissement important à Clermont-Ferrand de 100 millions d'euros dans un centre d'innovation, qui permettra au groupe de rester compétitif. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je note également qu'il n'y aura aucun licenciement sec, mais un accompagnement social de la part du groupe Michelin. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est un point important dans la mesure où il y aura un plan d'anticipation de départs naturels et un plan de mobilité interne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le Gouvernement est très vigilant sur ce dossier, puisqu'il veillera à ce qu'il y ait un plan de réindustrialisation. En effet, conformément à la loi, le groupe Michelin est soumis à une obligation de revitalisation. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Madame la députée, il ne s'agit pas, sur ce dossier, de stigmatiser les acteurs économiques, mais de regarder la réalité en face et de tout faire pour miser sur l'avenir de notre industrie en privilégiant les dépenses de recherche et d'innovation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Bardet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et concerne une récente décision du Conseil d'État.
Ce dernier vient de permettre à un automobiliste de continuer à conduire, pour raisons professionnelles, alors qu'il avait perdu tous ses points.
Depuis 1986, le nombre de morts sur les routes a été divisé par quatre, passant de près de 20 000 tués à moins de 5 000. Les raisons de cette diminution ne sont pas univoques, mais sont liées aux politiques de prévention et de répression de tous les gouvernements depuis plus de vingt ans. Ces mesures n'ont pas pour but de harceler les automobilistes ou de rapporter de l'argent, mais de sauver des vies.
La récente décision du Conseil d'État semble pour le moins surprenante, car elle va à rencontre de cette politique en privilégiant l'intérêt particulier au détriment de l'intérêt général. La question se pose de savoir s'il est moins dangereux de faire des infractions au code de la route ou moins grave de tuer quelqu'un au volant de sa voiture, quand on est professionnel ou quand on est un simple utilisateur…
Les associations de victimes que j'ai reçues, avec mon collègue Armand Jung, coprésident avec moi du groupe d'études parlementaire sur la sécurité routière, apprécieront, d'autant qu'elles déplorent déjà que les sanctions prévues par la loi ne soient pas appliquées.
Ma question est donc simple, madame la ministre : alors même que le bilan du permis à points apparaît positif, puisque le nombre de retraits en 2008 est stable par rapport à 2007, cette décision du Conseil d'État ne remet-elle pas en cause la politique du Gouvernement dans le domaine de la sécurité routière ?
Autorisez-moi un parallèle : en tant que professionnel de santé, à combien de fautes ai-je droit avant d'être interdit d'exercer ?
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur Bardet, le dispositif du permis de conduire à points a prouvé son efficacité, vous l'avez rappelé. La décision du Conseil d'État, que vous venez d'évoquer, ne le remet pas en cause.
Le retrait de points vise d'abord à alerter l'automobiliste et à faire en sorte qu'il change son comportement.
Le retrait du permis n'intervient qu'à défaut, si je puis dire.
La décision du Conseil d'État intervient dans deux circonstances très particulières. La première, c'est que le permis de conduire est totalement lié à l'exercice de la profession : autrement dit, sans permis, pas de travail. La seconde, c'est que le conducteur avait, en l'espèce, perdu ses douze points en onze infractions successives – situation très particulière, qui correspond à moins d'une centaine de cas sur un total de 100 000 retraits de permis chaque année.
Dans ces conditions, monsieur le député, il n'est pas question de revoir le système : l'abandonner conduirait à donner à l'ensemble des conducteurs un signal qui les inciterait à relâcher leur comportement. Or le Gouvernement ne veut pas d'un tel relâchement. Aujourd'hui, on enregistre encore chaque jour douze morts dans des accidents de la route. Ce sont douze vies interrompues, ce sont douze familles totalement désemparées. Cela mérite effectivement que nous continuions à être vigilants. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne l'attentat de Karachi qui, il y a sept ans, a coûté la vie à onze salariés de DCNS, plongeant à tout jamais dans la détresse des veuves et des orphelins.
Le respect que nous devons à la mémoire de ces salariés disparus, à leurs familles, à leurs camarades blessés à tout jamais dans leur chair, nous dicte un devoir et un seul : accéder à la vérité.
La semaine dernière, au terme d'une rencontre à Cherbourg entre les juges anti-terroristes et les familles, a été évoquée par voie de presse la thèse d'un attentat commis en représailles, sur fond de commissions occultes et de financement de campagnes électorales.
Nous ne savons rien de la véracité de cette thèse, pas plus que nous ne sommes capables d'établir la fiabilité de la thèse terroriste, mais connaître la vérité est plus que jamais urgent, et nous devons absolument la rechercher.
C'est pourquoi il serait particulièrement indigne d'instrumentaliser telle thèse plutôt que telle autre, compte tenu des souffrances accumulées, qui ont brisé des familles.
C'est pourquoi aussi l'on ne peut que s'étonner que le Président de la République, à Bruxelles, ait balayé d'un revers de main le travail des juges, dont l'indépendance suppose qu'à aucun moment l'exécutif, et notamment sa plus haute personnalité, n'intervienne au moment où une instruction est en cours. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est pourquoi, enfin, nous demandons la création d'une mission d'information parlementaire.
Je voudrais poser deux questions simples. Le Président de la République recevra-t-il les familles, comme il s'y est engagé l'an dernier, pour leur dire ce qu'il sait de cette affaire et de ses récents développements ? Y a-t-il, dans l'appareil d'État, des informations concernant cette affaire et, si elles sont couvertes par le secret défense, êtes-vous prêt à les déclassifier pour faciliter le travail de la justice ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le député, l'odieux attentat du 8 mai 2002 a fait onze morts et douze blessés chez nos concitoyens. Les familles des victimes, mais aussi la France tout entière, ont besoin que l'on fasse toute la vérité sur ce dossier.
Une information judiciaire a été ouverte dès le 27 mai 2002. Elle est couverte par le secret de l'instruction et l'enquête est menée en toute indépendance.
L'enquête pakistanaise a conduit à l'interpellation et à la condamnation de nombreux suspects. Plusieurs condamnations à mort ont été prononcées puis annulées par une haute cour au Pakistan.
L'instruction française ne néglige aucune piste.
Après une réunion avec les juges d'instruction, les parties civiles ont évoqué un éventuel contentieux entre la France et le Pakistan.
Selon le parquet, le dossier ne contient à ce jour aucun élément objectif permettant de soutenir cette thèse.
Les juges d'instruction bénéficient de tous les moyens d'enquête, y compris en matière de coopération judiciaire internationale. Ils pourront donc réaliser toutes les enquêtes qu'ils souhaitent.
Le Gouvernement souhaite que toute la lumière soit faite dans ce dossier. Le Président de la République a reçu le 4 avril 2008 les familles des victimes pour leur témoigner la solidarité nationale. Les juges d'instruction les ont reçues à deux reprises pour faire un point sur l'état d'avancement de l'enquête. Soyez assuré, monsieur le député, que tout sera mis en oeuvre pour que la vérité soit enfin obtenue. Nous le devons aussi aux familles des victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur.
Madame la ministre, la lutte contre la délinquance est, vous le savez, un combat quotidien et incessant, de la part du Gouvernement d'abord et, ensuite, de l'ensemble des services de police sur notre territoire. C'est aussi le combat que mènent bon nombre de maires et, en particulier, ceux des quartiers sensibles.
Cette lutte repose sur deux piliers indissociables : la répression et la prévention.
En 2006, votre prédécesseur, l'actuel Président de la République, avait repris, comme base pour l'élaboration du premier projet de loi sur la prévention de la délinquance, vingt-quatre propositions que je lui avais remises. Quatre séries de préconisations se dégageaient.
Premier thème, l'impérieuse nécessité d'agir le plus précocement possible. Ce fut l'objet de la loi de 2007 sur la protection infantile et l'aide personnalisée dans la lutte contre l'échec scolaire en 2008.
Deuxième thème, la nécessité de voir le maire piloter cette politique de prévention et fédérer ainsi l'ensemble des acteurs.
Troisième thème, la responsabilisation les familles avec, entre autres, la création d'un conseil des droits et des devoirs des familles.
Enfin, la création d'un guichet unique, dénommé Escale, regroupant l'ensemble de ces dispositifs. Cela a d'ailleurs été le cas dans ma ville de Villiers-sur-Marne. Les résultats sont pour le moins probants, avec une baisse de la délinquance de plus de 27 %, ce qui démontre bien que, lorsqu'on applique ces dispositifs, cela fonctionne.
En dépit de l'éventail législatif préventif à notre disposition, l'augmentation d'une délinquance au sein de la cellule familiale nous oblige à aller plus loin et à prévoir des mesures complémentaires, à l'égard, notamment, des adolescents et de leurs parents.
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Les violences intrafamiliales, monsieur le député, sont aujourd'hui davantage déclarées et suivies, sans doute en partie grâce au dispositif auquel vous avez contribué. Il faut s'en réjouir. Cela dit, elles ne sont pas toutes déclarées, et elles sont en augmentation, notamment à l'encontre des personnes âgées. C'est pourquoi j'ai souhaité mettre en place un dispositif plus précis et plus adapté : les brigades de protection des familles.
Elles seront composées notamment à partir des services chargés de la protection de l'enfance et des services chargés de la lutte contre les violences conjugales, dont les compétences seront élargies, et incluront de nouveaux personnels, notamment des travailleurs sociaux et des référents sur les violences conjugales.
Au total, 200 brigades seront créées en zone de police, et une au moins par département en zone de gendarmerie. À Paris, chacun des arrondissements disposera d'un pôle de protection des familles. J'ai d'ailleurs visité il y a quelques jours celui qui se met en place dans le 13e arrondissement.
C'est effectivement ensemble, en associant les mairies, les associations et les travailleurs sociaux, que nous pourrons aller plus loin, déceler plus vite les violences intrafamiliales, intervenir préalablement et, éventuellement, sanctionner. C'est un problème dramatique, et je remercie la représentation nationale de son aide en la matière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Brigades de protection des familles
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Annick Le Loch, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Nous voici parvenus au terme de l'examen de ce projet de loi. Vous me permettrez à cette occasion de dire un mot sur la méthode qui a prévalu à l'examen de celui-ci, mais aussi sur le fond du texte.
Sur la méthode, tout d'abord, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de nos débats, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes, pour de nombreuses dispositions de ce texte, mis devant le fait accompli.
La méthode employée n'est pas la bonne. Le Gouvernement déforme le rôle du législateur. La loi ne devrait pas être le simple enregistrement a posteriori d'annonces présidentielles ou la validation d'engagements ministériels. Ce projet de loi contient certes des dispositions utiles et positives, nous avons eu l'occasion de le dire – je pense notamment aux chèques-vacances ou au classement hôtelier –, mais il est aussi un nouveau coup porté au Parlement, un signe supplémentaire de son abaissement au lendemain du Congrès de Versailles.
Abaissement lorsque le Gouvernement crée une Agence nationale de développement touristique alors même que la structure a déjà réuni son conseil d'administration, que son président et son directeur sont connus.
Abaissement encore lorsqu'il annonce l'entrée en vigueur au 1er juillet de la TVA à 5,5 % pour la restauration ou le passage à la cinquième étoile pour de nombreux hôtels avant même que l'Assemblée nationale n'en débatte.
Le problème de méthode s'illustre enfin avec vos cavaliers législatifs sur les motos-taxis ou sur les stades reconnus d'intérêt général.
Sur le fond ensuite. Dans la crise économique, le tourisme est pour la France un levier de croissance important sans doute. Aussi, les députés du groupe SRC ont-ils appuyé tous les efforts faits pour développer et moderniser nos services touristiques. Le projet de loi contient en effet de bonnes dispositions, que le débat parlementaire a permis de préciser et d'améliorer. Je pense à la réactualisation du référentiel du classement hôtelier ou à la création d'Atout France, dont on peut attendre qu'elle mette en oeuvre une politique publique du tourisme mieux coordonnée et plus lisible. Je trouve bonne également l'idée de créer une commission indépendante chargée de l'instruction des dossiers d'immatriculation des agences de voyage, dissociée de l'immatriculation en elle-même qui est réservée à l'État. On ne peut enfin que se féliciter de l'extension des chèques-vacances aux entreprises de moins de cinquante salariés.
Mais, sur bien d'autres aspects, vous auriez pu mieux faire, monsieur le secrétaire d'État. Par exemple, en ce qui concerne la protection des consommateurs, il est regrettable que vous ayez choisi de limiter le dédommagement des voyageurs lésés lors d'un voyage à forfait, ou encore que vous ayez refusé que le Gouvernement remette au Parlement un rapport visant à contrôler que l'Agence dispose bien des moyens suffisants à l'exercice de ses très nombreuses missions. Quant aux chantiers autour du tourisme social et de leurs centres de vacances, autour des résidences de tourisme, ils ont très peu été abordés.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, comment ne pas dire un mot de la baisse de la TVA à 5,5 % ? Le moment était-il vraiment le bon pour prendre une telle mesure ? Était-il opportun, en pleine crise des finances publiques, d'accepter la perte, chaque année, de presque 3 milliards d'euros de recettes fiscales, sans qu'aucune compensation budgétaire ne soit prévue ? Vous nous dites que nous critiquons aujourd'hui une mesure à laquelle nous étions favorables hier.
C'est vrai ! Mais, parce que la situation économique n'est en rien comparable, cette mesure ne s'imposait pas.
Surtout, pas de cette manière, au détour d'un cavalier législatif, voté à la va-vite. Vous faites une erreur sur le moment choisi et sur la méthode. Le moment, parce que nous sommes en pleine crise des finances publiques. La méthode, parce qu'au lieu de faire de la baisse de la TVA la contrepartie d'améliorations des conditions salariales ou d'un effort sur les prix, vous avez commencé par annoncer la baisse de la TVA à 5,5 %, à fixer la date à laquelle la mesure serait effective, avant de vous tourner vers les restaurateurs en leur demandant de s'engager pour l'avenir sous la forme d'un simple contrat d'avenir et non d'une négociation de branche, comme nous l'aurions souhaité.
Parce que ce texte se traduit par un indéniable effort de modernisation de nos services touristiques et par des avancées positives, mais parce qu'il contient aussi de nombreuses imprécisions, incohérences et lacunes – la baisse de la TVA l'illustre bien –, le groupe SRC s'abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au terme de l'examen de ce projet de loi sur la modernisation des services touristiques, force est de constater que l'ensemble des objections que notre groupe a exprimées sont restées lettres mortes.
Nous regrettons en premier lieu la profonde dérégulation des politiques publiques du tourisme que ce texte impose. Non seulement c'est un groupement d'intérêt économique, l'Agence de développement touristique de la France, qui remplace l'État impartial et reprend toutes ses attributions, mais, en plus, les membres de la commission d'Atout France seront directement nommés par arrêté, sans garde-fous, sans garanties sur leur indépendance !
Du reste, monsieur le secrétaire d'État chargé du tourisme, vous ne vous êtes pas seulement réservé le droit de désigner les membres de cette commission. C'est également vous qui, par simple arrêté, pourrez décerner un label d'exception aux quelques établissements hôteliers qui vous sembleront mériter une distinction particulière.
Le ministre des sports, quant à lui, au détour d'une « chevauchée fantastique », s'est arrogé le droit de choisir les stades privés dont les coffres pourront recevoir l'argent public.
On voit que les politiques du tourisme sont dérégulées, puisque l'État marchande ses compétences, tout en concentrant de nouveaux pouvoirs entre les mains des ministres, à l'image de princes décidant seuls et ne devant rendre de compte à personne, sinon sans doute au roi Soleil.
Ce projet de loi s'est beaucoup focalisé sur les classements, en retirant aux services administratifs de l'État leur pouvoir d'évaluation. Tout est confié au secteur privé : ce sont des organismes évaluateurs à but lucratif qui décerneront aux établissements touristiques les bons et les mauvais points. Autant dire que l'objectivité et la fiabilité des classements, qui supposaient un respect scrupuleux de normes sanitaires, de confort ou d'accessibilité, vont en prendre un coup. D'autant plus qu'aucun contrôle n'est prévu pour garantir la neutralité de ces organismes.
Au passage, le Gouvernement fait une opération de réaffichage avec son amendement introduisant la TVA à taux réduit pour la restauration. Les contreparties demandées aux restaurateurs en échange de ce cadeau fiscal de 3 milliards d'euros prêtent à sourire : il leur est suggéré par exemple de baisser le prix de sept produits au choix. Ce seront évidemment les moins onéreux qui verront leur prix diminuer faiblement, de façon que la mesure bénéficie le moins possible aux consommateurs. En fait, le contrat d'avenir, s'il affiche quelques voeux pieux et quelques bonnes intentions, ne comporte ni contrôle ni sanction. En clair, l'État n'a aucun moyen de garantir que les minuscules contreparties gentiment demandées auront une chance de donner des résultats concrets. Quant aux négociations salariales, elles arriveront après.
Autre ajout de dernière minute, le fameux cavalier du Gouvernement sur les grands stades, qui pourront être désormais réputés d'intérêt général par décision impérieuse de sa majesté le ministre des sports, paladin d'un jour au service du veau d'or. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Un cas d'école de texte législatif dicté par des intérêts privés ! Un cavalier qui non seulement facilite les expropriations, mais engage aussi les collectivités territoriales à entrer dans le plan de financement de ces équipements privés et les oblige à prendre en charge ce qui n'est pas rentable, comme les transports et voies d'accès conduisant aux gradins. Les sirènes de l'argent chantent fort quand il s'agit d'aider un secteur qui en a tant besoin : le « foot fric », le sport de haut niveau qui brasse et distribue déjà des millions d'euros. Belle priorité de ce Gouvernement, à l'heure où notre pays vit au rythme de 3 000 chômeurs de plus par jour !
Certes, l'article 13 ter, où il est question de l'intérêt général, semble ne porter que sur le projet OL Land. Mais, au détour de ce cavalier déshonorant pour notre assemblée, le Gouvernement balaye au galop la logique sportive actuelle – investissement public et maîtrise publique, avec possibilité de mettre en place un partenariat privé –, logique qui s'applique à l'ensemble des infrastructures sportives sur tout le territoire. Il impose sans débat de fond une logique de financement privé permettant un juteux retour sur investissement.
Pour ce qui est, enfin, du volet prétendument social de ce projet de loi, il est réduit à la portion congrue. Déplaçons des centaines de millions d'euros pour enrichir les actionnaires du « foot business », mais, pour le tourisme social, rural ou associatif, limitons-nous à l'extension, certes louable, du chèque-vacances aux entreprises de moins de cinquante salariés !
Je termine, monsieur le président.
N'aidons surtout pas les Français à partir en vacances ! L'unique amendement que notre groupe a pu faire adopter porte sur la nécessaire définition de conditions de ressources à l'attribution de chèques-vacances, puisque celles-ci étaient supprimées dans le texte qui nous était soumis.
C'est donc un projet de loi totalement unilatéral sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui. Les députés communistes, républicains et du parti de gauche, comme l'ensemble du groupe GDR, voteront tout naturellement contre ce texte profondément libéral et dérégulateur, qui ignore superbement la majorité de nos concitoyens, ceux pour qui l'époque actuelle est loin de rimer avec palaces cinq étoiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin public.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe du Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui est soumis à nos suffrages cet après-midi concerne le destin de 82 millions de personnes appelées à dynamiser notre économie, mais il s'agit également de travailler en faveur de l'emploi puisque pas moins de 2 millions d'emplois non délocalisables sont impliqués dans ce secteur du tourisme.
Je voudrais tout d'abord saluer le travail et la particulière connaissance du sujet du rapporteur, Jean-Louis Léonard.
Je voudrais également saluer le rôle que le secrétaire d'État a tenu dans l'étude de ce texte et souligner la qualité de ses arguments qu'il a pris le temps d'exposer à chaque proposition d'amendement.
Je souhaite ensuite revenir sur les principales dispositions de ce projet de loi qui balaie beaucoup de sujets parce que le tourisme touche lui-même beaucoup de domaines à travers le territoire national.
La baisse de la TVA à 5,5 %, dont l'idée avait été retenue et travaillée au plus haut niveau européen par deux Présidents de la République successifs, est une décision très importante qui représente un réel effort du pays en direction des restaurateurs, puisqu'elle coûte au budget plus de 2,4 milliards d'euros.
Il s'agit de soutenir une filière en proie à de réelles difficultés. Il s'agit aussi de soutenir la création d'emplois puisque 40 000 emplois sont induits à travers ce dispositif. Il s'agit enfin d'améliorer le niveau d'équipements dans les restaurants.
À ce propos, le groupe Nouveau Centre demande que cette disposition fasse l'objet, le moment venu, d'une évaluation, notamment en termes de créations d'emplois, et propose la constitution d'un groupe de suivi qui comprenne des parlementaires appartenant à tous les groupes de l'Assemblée nationale.
La création d'une cinquième étoile, qui situe notre offre touristique dans une dynamique internationale, doit être saluée, de même que la création d'une agence de développement touristique, Atout France, qui permettra, à partir d'un établissement unique, de coordonner et de donner une cohérence nationale et locale à notre politique touristique.
Je voudrais également souligner les dispositions qui permettront de réglementer le statut des immeubles à temps partagé.
Par ailleurs, le tourisme rural et le tourisme social, contrairement à ce qui a été dit par l'orateur précédent, ne sont pas non plus oubliés. En effet, le tourisme rural sera accompagné dans sa nécessaire mise aux normes et le tourisme social sera renforcé par l'accès des salariés des petites et moyennes entreprises aux chèques-vacances, mesure qui touchera plus de 8 millions de salariés. Ainsi, ce sont des salariés, des jeunes, des handicapés, qui seront concernés par les chèques-vacances.
Enfin, je voudrais dire un mot sur le chapitre V et l'article 13 ter, qui confère la possibilité au ministre des sports de dresser une liste de grands stades et d'équipements sportifs à vocation d'intérêt général. Cette mesure me semble nécessaire parce que les enjeux sont à la fois sportifs et touristiques, quoi qu'on en dise. Elle peut concerner des propriétés privées ou des propriétés publiques et elle offre aux collectivités territoriales qui le souhaitent la possibilité d'accompagner des financements. Une métropole, un département ou une région, pourra, grâce à cette loi, abonder en termes de financement des projets à portée d'intérêt général.
Parce que cette bonne loi tombe à point nommé et qu'elle a été portée avec énergie, parce que nous entamons une nouvelle saison touristique et que, pour dynamiser le tourisme, il faut être résolument aux côtés de tous les acteurs de la filière, le groupe Nouveau Centre votera ce texte, et appelle les députés de bonne foi à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UMP votera ce projet de loi pour quatre raisons.
Tout d'abord, il s'agit d'un texte concerté. Je me souviens d'avoir participé aux assises du tourisme, organisées par M. le secrétaire d'État en juin 2008. Depuis cette date, un dialogue en profondeur s'est engagé avec les professionnels du tourisme, qui a abouti à ce texte. Je salue à cet égard le travail de notre rapporteur, qui a multiplié les auditions. Tous les parlementaires qui le souhaitaient, quel que soit leur groupe, y ont été associés, ce qui n'est pas toujours le cas. Je lui sais gré d'avoir permis aux professionnels comme aux parlementaires de bénéficier d'une telle écoute.
Ensuite, ce texte est équilibré. Attentif aux préoccupations des opérateurs économiques, qui avaient besoin que leur cadre juridique soit mis en conformité avec le droit européen et prenne en compte les nouvelles technologies, il renforce également les droits des consommateurs, permettant un accès plus large aux vacances.
En troisième lieu, ce texte modernise les services touristiques, qui, en France, ne devaient pas être les oubliés de la réforme. Rappelons certaines avancées importantes et attendues : la réforme du classement hôtelier, ainsi que celle de l'organisation et de la vente de voyages et de séjours, la création de l'agence Atout France ou encore la modernisation des règles applicables aux chèques-vacances.
Enfin, ce texte a été enrichi par l'Assemblée nationale, après l'avoir été par le Sénat. Les dispositions adoptées en matière de TVA sont importantes. Pour honorer l'engagement qui avait été pris, le Président de la République a su convaincre nos partenaires européens. Contrairement à ce qu'a prétendu l'un de nos collègues, la mesure arrive à point nommé, au moment où le tourisme et la restauration souffrent de la crise. Le contrat d'avenir proposé aux professionnels se traduira sans aucun doute par une amélioration de la rémunération du personnel employé dans la restauration, par une baisse des prix et par des embauches.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 464
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue 159
Pour l'adoption 290
Contre 26
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 1739).
La parole est à M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la ministre de la santé et des sports, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est réunie avec succès, le 17 juin 2009, au Sénat, pour proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Modernisation des établissements de santé, accès de tous à une offre de soins de qualité sur l'ensemble du territoire, prévention placée au coeur de la santé publique, refonte globale du pilotage territorial du système de santé, tels étaient les quatre grands axes du projet de loi ambitieux qui nous a été présenté par Mme Roselyne Bachelot et Mme Valérie Létard, il y a déjà quelques mois.
Sur chacun de ces points, la durée exceptionnelle de nos travaux, tant en commission qu'en séance publique, comme l'ampleur des modifications apportées au texte, démontrent, si cela était nécessaire, la forte implication des parlementaires décidés à apporter à nos concitoyens, en transcendant parfois les lignes de clivages politiques habituelles, une réponse à la hauteur des défis qui les préoccupent, afin de réduire les inégalités, de garantir la qualité des soins, bref, de construire un système moderne et efficient de santé.
Alors que le projet de loi initial ne comportait que trente-trois articles, l'Assemblée nationale, par l'adoption de 523 amendements, avait plus que triplé le nombre des articles du projet en portant celui-ci à cent un.
Le Sénat y a également apporté, dès le stade de l'examen en commission, profitant de la nouveauté constitutionnelle qui fait désormais du texte de la commission la base de l'examen en séance publique, de nouveaux enrichissements, en portant à cent quarante-huit le nombre d'articles du projet de loi.
Si des commentateurs extérieurs avaient, d'une façon hâtive et pas toujours bienveillante, parlé d'une dénaturation du texte initial, notamment en matière de gouvernance des établissements de santé, j'ai constaté au contraire que, sur les principaux équilibres, le texte auquel le Sénat était parvenu n'était en aucune façon inconciliable avec la philosophie initiale du projet de loi.
Absolument !
Il faut se féliciter qu'aient été prises en compte les inquiétudes qui se sont exprimées, parfois tardivement, au sein de la communauté médicale pour rééquilibrer la gouvernance des établissements de santé en faveur de cette dernière, et qu'aient pu parallèlement être utilement intégrées des dispositions importantes reprenant notamment les conclusions du rapport du professeur Marescaux sur l'avenir des centres hospitaliers universitaires, dont l'Assemblée nationale ne disposait pas encore lors de l'examen du texte.
C'est donc tout naturellement que la commission mixte paritaire, qui s'est déroulée dans d'excellentes conditions, a permis de revenir au texte de l'Assemblée ou à des solutions de compromis pour les 127 articles qui restaient encore en discussion. Les principaux points de divergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat ont ainsi pu être surmontés au terme de longues heures de débats constructifs.
Sur le titre Ier, relatif aux établissements de santé, je citerai les principales avancées opérées par la commission mixte paritaire. À mon initiative, les pôles de santé ont été ajoutés à la liste des acteurs et professionnels de santé susceptibles d'assurer une mission de service public.
Excellente initiative !
Le dispositif de non-concurrence au profit du secteur public hospitalier, sur lequel je reconnais que j'étais plutôt initialement réservé, a été conservé mais mieux encadré, afin de le limiter aux praticiens hospitaliers ayant exercé au moins cinq ans dans le secteur public, durée nécessaire pour se constituer une clientèle.
Le président du conseil de surveillance des établissements publics de santé pourra désormais être élu, comme le prévoyait d'ailleurs le texte adopté en première lecture par notre assemblée, non seulement au sein du collège des représentants de collectivités locales, mais également au sein du collège des personnalités qualifiées. Le président du conseil de surveillance continuera, sans nul doute, à être le plus souvent un élu local, mais le compromis adopté en commission mixte paritaire permet de ne pas se priver de la compétence et de l'expérience d'une personnalité de qualité qui pourrait apporter beaucoup à la gestion de l'hôpital.
Les modalités de participation du directeur aux séances du conseil de surveillance, restreintes de façon excessive par le Sénat, ont été rétablies pour prévoir sa présence systématique.
L'implication du directeur des établissements de santé a été renforcée en matière d'élaboration du projet médical et de la coordination de la politique médicale.
Enfin, la certification des comptes des établissements publics de santé pourra désormais être assurée non seulement par des commissaires aux comptes, mais également par la Cour des comptes.
Sur le titre II, la CMP a permis de trouver un juste équilibre entre avantages offerts et engagements imposés aux étudiants qui bénéficieront de bourses d'études moyennant un engagement d'exercice dans ce qu'il est convenu d'appeler des « déserts médicaux ».
La CMP a également jugé plus sage de reporter à un prochain texte, par exemple un PLFSS, le choix de la réponse à apporter aux problèmes soulevés par les médecins exerçant des « spécialités à risque » comme la chirurgie ou la gynécologie obstétrique, qui craignent d'être confrontés à des actions récursoires de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des infections iatrogènes, pour des condamnations d'un montant important. Considérant que la question devait faire l'objet de travaux plus approfondis, reposant notamment sur une évaluation des dispositifs existants, la CMP a supprimé l'article concerné dans le texte du Sénat, à l'initiative de votre rapporteur.
Surtout, en adoptant un amendement présenté par nos collègues Yves Bur, Jean-Pierre Door et Jean-Luc Préel, la CMP a pris une mesure résolue pour lutter contre les dépassements d'honoraires, en ouvrant la voie à la création d'un secteur optionnel, qui est à l'étude depuis déjà cinq ans.
S'agissant du titre III consacré à la santé publique, le Sénat n'avait pas profondément modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale. À une exception près, toutefois, puisqu'il avait supprimé la quasi-totalité des dispositions relatives à la lutte contre l'obésité. Or la CMP a suivi votre rapporteur : elle a réintroduit dans le code de la santé publique le principe de lutte contre l'obésité.
Concernant la lutte contre l'alcool, le Sénat avait très peu modifié le dispositif adopté par l'Assemblé. Outre l'adoption conforme de l'article réglementant la publicité sur Internet, le Sénat n'avait quasiment pas amendé l'article 23, relatif à l'interdiction de vente d'alcool aux mineurs. Sur l'article 24, il n'avait pas touché à l'équilibre atteint concernant la vente au forfait, mais il avait apporté quelques modifications au dispositif sur la vente dans les stations services ; la CMP a souhaité revenir au dispositif de l'Assemblée nationale.
S'agissant, enfin, du titre IV, la CMP a réintroduit dans le texte certaines dispositions adoptées sur la proposition du président Méhaignerie, ou à mon initiative, qui ne se trouvaient plus dans le texte du Sénat. Je fais allusion, notamment, aux dispositions qui établissent la compétence de l'ARS en matière de démographie médicale, et à celles qui demandent une réflexion approfondie sur les moyens d'une véritable politique de réduction des inégalités de santé – voilà au moins deux sujets sur lesquels nos concitoyens attendent une action déterminée des pouvoirs publics. Je fais également allusion à la disposition qui permet, à titre expérimental, de confier la présidence du conseil de surveillance de l'ARS à une personnalité qualifiée – pourquoi pas un élu ? Dans une réforme qui fait une large place à l'État, au point que certains craignaient une « étatisation » du système de santé, une telle mesure serait bienvenue.
S'agissant de la représentation des professionnels de santé libéraux, le Sénat avait modifié les dispositions adoptées par l'Assemblée à l'initiative de notre collègue Jacques Domergue, qui prévoyaient la composition en trois collèges de l'union régionale représentant les médecins libéraux, avec un collège pour les généralistes, un collège pour les chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens, et un dernier collège pour les autres spécialistes. La création d'un collège dédié aux spécialistes exerçant en plateau technique lourd vise à faciliter la prise en compte des problèmes très spécifiques de ces praticiens. Le Sénat avait renvoyé à un décret le soin de fixer le nombre et la composition de ces collèges ; la CMP a jugé préférable de revenir au texte de l'Assemblée.
Le Sénat n'avait pas touché à l'équilibre général de l'article 28, en particulier concernant l'articulation des schémas d'organisation sociale et médico-sociale ou la procédure d'appel à projets. En revanche, il avait ajouté au texte un certain nombre de dispositions, souvent techniques, que la CMP a retenues.
Elle a néanmoins modifié le texte du Sénat sur deux points importants. Concernant l'instauration d'un service minimum dans les établissements sociaux et médico-sociaux, la CMP a adopté, à l'initiative de votre rapporteur, un amendement prévoyant la transmission d'un rapport au Parlement sur ce point avant le 30 juin 2010 afin, d'une part, qu'une véritable concertation soit menée avec les partenaires sociaux et, d'autre part, qu'un examen approfondi des contraintes constitutionnelles puisse avoir lieu. Elle a aussi traité d'un autre point difficile : la création d'un statut spécifique pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux privés d'intérêt collectif, réservé aux établissements à but non lucratif. La CMP a souhaité élargir ce nouveau statut, dont l'élaboration a probablement manqué de concertation, aux établissements à but lucratif ayant passé une convention d'aide sociale.
Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, ces observations faites, j'invite naturellement l'Assemblée nationale à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire afin que soit rapidement mise en oeuvre, pour le plus grand bénéfice des patients, la grande réforme de l'hôpital et de l'organisation territoriale de la santé dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à Mme Marisol Touraine.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un long processus –trop long même pour certains – qui nous laisse pourtant dans la bouche un goût un peu amer.
Nous avons en effet le sentiment que la procédure suivie a eu pour objectif – en tout cas, ce fut son résultat – d'esquiver complètement le débat sur les sujets de fond. Je le sais, vous m'opposerez les statistiques relatives aux nombres d'heures de débats dans cet hémicycle. Il n'empêche que le recours systématique à la procédure d'urgence finit par poser un véritable problème démocratique et constitutionnel.
Que le Gouvernement ait systématiquement recours à la procédure d'urgence revient à vider complètement de son sens la procédure, prévue par la Constitution, de la double lecture par chacune des assemblées. Pourquoi existe-t-elle, si le Gouvernement peut systématiquement s'en dispenser sans porter atteinte à la qualité et à la nature des débats ? Il y a tout de même une forme de contradiction de la part du Gouvernement qui, d'un côté, déplore avec la majorité le déluge de textes législatifs et la volonté permanente de réglementer et de légiférer, et, d'un autre côté, justifie la procédure d'urgence par la nécessité de toujours faire adopter davantage de textes.
Dans le cas particulier du projet de loi HPST, à la suite d'importantes manifestations contre son texte, le Gouvernement a expliqué que la discussion au Sénat pouvait faire évoluer certaines dispositions : le Sénat est devenu – ce qui est fort bien par ailleurs – le lieu de nouveaux compromis.
Le Gouvernement a ainsi présenté au Sénat des amendements qui ont donné un tour différent à votre projet de loi. Dès lors, de deux choses l'une : ou bien ces amendements modifient la portée du texte dans le sens souhaité par les personnes qui ont manifesté, et il est normal que les députés puissent en débattre et examiner la nouvelle configuration du projet de loi ; ou bien, de compromis il n'y a point, vos concessions étant marginales, et vous devez revendiquer le maintien de l'architecture de l'hôpital public que vous aviez initialement présentée.
En tout état de cause, la semaine dernière, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons été très étonnés – pour ne pas dire davantage – de voir apparaître sous la signature du rapporteur des amendements qui avaient précisément pour objet de revenir sur la répartition des pouvoirs entre les médecins et la direction hospitalière qui avait été élaborée au Sénat. Nous sommes parvenus à empêcher la manoeuvre, mais vous allez probablement lui permettre de trouver un aboutissement heureux, puisque nous venons d'apprendre que vous présentez, comme vous en avez le droit, un amendement qui revient à dire clairement que la commission médicale d'établissement doit être soumise à la direction administrative.
D'égalité, il n'est donc plus question : il faut à nouveau parler de soumission et d'inféodation. Tous ceux qui se sont fiés au compromis élaboré au Sénat comprendront, hélas ! qu'ils ont été pris au piège d'un marché de dupes. À elle seule, cette disposition justifie que l'on saisisse le Conseil constitutionnel, car la procédure adoptée ne fut pas de nature à garantir un examen satisfaisant du projet de loi.
Au-delà de la procédure, ce texte – et c'est encore plus grave – est assurément une occasion manquée. En effet, les attentes extrêmement importantes qu'il avait suscitées ont été déçues. Si je laisse de côté le problème du financement de l'assurance maladie – puisque nous débattrons, lors de l'examen du prochain PLFSS, de la manière dont vous envisagez sa consolidation –, les questions qui se posent, dans notre pays, s'agissant de la santé sont les suivantes : comment articuler le rôle de l'hôpital public et celui de la médecine libérale ? Quelle place l'hôpital public doit-il tenir dans notre pays et notre système de santé ? Comment faire travailler ensemble des hôpitaux de proximité et des centres hospitalo-universitaires ? Faut-il considérer que le service public de santé est à ce point banalisé qu'il peut être assumé sans contreparties ni garanties par des établissements privés, comme le prévoit votre texte ? Comment assurer l'égalité d'accès aux soins tout en reconnaissant le caractère libéral des professions de santé ? Comment faire de la prévention un des piliers de notre politique de santé ? On pourrait multiplier ces questions auxquelles votre texte n'apporte pas de réponse. Pis, il fragilise les instruments dont nous disposons pour garantir un système de santé solidaire.
À ce propos, je souhaiterais insister sur deux points. Le premier concerne la gouvernance de l'hôpital. Si nous sommes extrêmement mécontents de la manière dont vous avez engagé le débat sur cette question, ce n'est pas parce que nous sommes désireux de sauvegarder je ne sais quel pouvoir médical : il ne s'agit pas, pour nous, de voler au secours de spécialistes de renom du système hospitalier public, qui, du reste, ne nous l'ont pas demandé. Non, le véritable enjeu de cette nouvelle gouvernance, c'est la place que les préoccupations financières laisseront à la prise en compte des besoins sanitaires.
Car, vous ne cessez de le répéter, madame la ministre : au bout du bout, il faut que l'hôpital ait un patron et que celui-ci soit son directeur administratif. Ce ne sont donc pas les besoins de santé de la population qui s'imposeront en cas de conflit entre le projet médical et les considérations de gestion, mais ces dernières. Ce point est inacceptable. Sans revenir sur l'ensemble des dispositions de la loi, je rappelle également que le saucissonnage des missions de service public, l'abandon de pans entiers des missions hospitalières aux établissements privés sans aucune contrepartie et les communautés hospitalières de territoire – qui, si elles sont un bon élément dans leur principe, vont aboutir à la mise en commun des moyens – ne sont évidemment pas satisfaisants.
Par ailleurs, quel est la signification d'un contrat signé entre le représentant d'un établissement et son supérieur hiérarchique, le directeur de l'Agence régionale de santé, lequel est à même de lui imposer une orientation et de le licencier ? Il s'agit là, nous semble-t-il, d'une remise en cause de la liberté contractuelle. Or, celle-ci étant reconnue par notre Constitution, votre dispositif pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel.
Le second point sur lequel je souhaite insister concerne l'égalité de l'accès aux soins, qui est, aujourd'hui, la préoccupation majeure. Après les déremboursements et les franchises médicales, sur lesquelles vous ne voulez pas revenir, vous avez décidé d'abandonner les patients face à l'escalade des dépassements d'honoraires. En effet, dans un certain nombre de territoires, trouver un médecin qui vous soigne au tarif de la sécurité sociale devient difficile. Certes, ce n'est pas le cas partout. Mais, dans les régions qui ne sont pas gagnées par la désertification médicale, les médecins augmentent leurs tarifs, de sorte que les Français sont confrontés soit à une absence d'offre médicale de proximité, soit à une offre relativement importante, mais à un coût qu'ils peinent à assumer.
Madame la ministre, vous n'avez pas fait preuve du courage nécessaire pour décider que les dépassements d'honoraires devaient être encadrés. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je regrette que vous ayez jugé utile de renvoyer à la négociation conventionnelle la décision de limiter ces dépassements à l'avenir. Les médecins sont-ils vraiment les mieux à même de définir le juste niveau de leur rémunération ? Compte tenu du conflit qui existe nécessairement, en la matière, entre les intérêts particuliers et l'intérêt général, c'est au législateur qu'il revenait d'intervenir. Je regrette que vous n'ayez pas tranché en ce sens.
Nous déplorons également que vous n'ayez pas souhaité lutter plus rapidement et plus fortement contre les déserts médicaux. Les médecins veulent travailler différemment et les jeunes générations ont des attentes nouvelles auxquelles il faut apporter des réponses si nous voulons qu'ils continuent à s'installer dans les zones rurales ou dans les zones urbaines difficiles. Or vous n'avez pas entendu notre message, lequel consistait à proposer une révision des études médicales en imposant des stages en médecine libérale, une incitation au travail de groupe dans les zones difficiles, un soutien incitatif des médecins, ainsi que, si cela était nécessaire, à imposer des contraintes pour l'installation dans les zones les plus denses, où ce ne sont pas les médecins qui manquent, mais l'équité et l'égalité d'accès au système de santé.
Votre projet de loi ratifie l'inégalité qui se creuse, d'une part, entre les territoires et, d'autre part, entre les Français dans leur capacité à accéder à des soins de qualité. C'est pourquoi il nous paraît porteur d'un bien funeste pronostic pour l'avenir de notre système de santé.
J'aurais pu évoquer également les questions de santé publique, sur lesquelles le texte est muet, et l'administration à l'ancienne que vous proposez pour les agences régionales de santé. Mais je conclurai en rappelant que les Français veulent être bien soignés, en confiance, d'où qu'ils viennent et où qu'ils habitent. Or ils ont le sentiment de devoir de plus en plus souvent retarder des soins ou y renoncer. Quant à l'accès à l'hôpital, qui paraissait une évidence, il devient aujourd'hui un parcours du combattant. Il y va donc de la survie et de la pérennité de notre dispositif de sécurité sociale et de notre système de santé solidaire, lesquels sont remis en cause par votre frilosité et l'insuffisance des mesures que vous proposez pour faire face aux défis que nous avons à relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, vous ne vous étonnerez pas que je vous appelle à rejeter l'exception d'irrecevabilité.
Je ne reviendrai pas sur l'analyse de la procédure qui vient d'être faite ; elle me paraît particulièrement inadaptée. Tout le monde s'accorde à reconnaître que nous avons eu un débat prolongé et approfondi, aussi bien en séance publique qu'au sein des commissions de l'Assemblée et du Sénat, lequel a inauguré une nouvelle procédure. L'ensemble de la représentation nationale a été, me semble-t-il, complètement éclairée, et on ne peut pas dire que le débat a manqué d'épaisseur et de profondeur.
Sur le fond, madame Touraine, vous dénoncez un certain nombre de difficultés dont souffrent nos concitoyens. Je partage votre diagnostic, mais c'est précisément la raison pour laquelle nous voulons remédier aux difficultés d'accès à la médecine de premier recours, grâce à une politique extrêmement ambitieuse. Vous avez indiqué très justement que notre hôpital était sans doute l'un des meilleurs du monde, mais ses dépenses sont également les plus élevées du monde. Et pourtant, il souffre de fractures qu'il convient de réduire.
Nous entendons mener une politique de santé publique ambitieuse, dont le socle est formé de mesures d'interdiction contenues dans le texte législatif, complétées par des mesures de prévention et d'informations.
Par ailleurs, nous rénovons profondément l'administration sanitaire de notre pays, qui est sans doute la plus centralisée et la plus régalienne. J'ai ainsi voulu installer une démocratie sanitaire et donner aux acteurs locaux, tout en préservant bien entendu les responsabilités de l'État et de l'assurance maladie, le droit d'infléchir fortement notre système de santé. Je remercie les parlementaires qui l'ont compris et qui m'ont soutenue tout au long de ce débat, en particulier votre rapporteur, Jean-Marie Rolland, et je vous invite à ne pas voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux faire un bref rappel au règlement au sujet de l'organisation de nos travaux, monsieur le président. L'ordre du jour prévoit que nous passions, après les explications de vote et le vote sur l'exception d'irrecevabilité, à la question préalable, puis à la discussion générale. Il est normal qu'il en soit ainsi pour un projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires – qui, pour les raisons que l'on connaît, a fait l'objet d'une seule lecture dans chacune des deux assemblées avant d'être soumis à la commission mixte paritaire. À l'issue de la CMP, nous avons beaucoup de choses à dire sur ce texte.
Dans ces conditions, notre débat ne sera évidemment pas terminé à dix-sept heures trente, alors que la commission des affaires sociales se réunit précisément à ce moment pour commencer l'examen de la proposition de loi sur le travail du dimanche. Nous nous trouvons donc dans une situation difficile, deux textes aussi importants l'un que l'autre et relevant de la même commission étant examinés au même moment. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous sommes attachés au travail en commission comme au travail en séance publique. Par conséquent, monsieur le président, je vous demande de bien vouloir consulter M. le président de la commission des affaires sociales afin qu'il soit décidé, soit de repousser le début des travaux de la commission sur le travail du dimanche, soit de suspendre la séance publique pour nous permettre d'assister à la réunion de la commission. En tout état de cause, nous ne pouvons pas être à deux endroits en même temps, et il est regrettable, pour ne pas dire inacceptable, que nous soyons confrontés à cette situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
En tout état de cause, il est bien évident que nous n'allons pas suspendre la séance.
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Jacques Domergue, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers confrères (Rires et exclamations sur tous les bancs) – mes chers collègues, voulais-je dire –, ce que vient de dire M. Mallot ne fait qu'apporter de l'eau à notre moulin : il faut s'efforcer d'accélérer les débats plutôt que de les prolonger. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est scandaleux !
Les procédures que vous utilisez ne font qu'entraver le travail parlementaire, et je m'étonne que vous entendiez jouer les ordonnateurs de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Un tel texte, madame Touraine, aurait pu nous rassembler sur la base du constat que nous faisons tous, celui des problèmes de santé publique que rencontre notre pays. Or, en dépit de ce constat commun, ce sont les divergences qui prennent le pas.
D'abord, vous critiquez la méthode, en disant que la procédure d'urgence empêche le débat parlementaire d'avoir lieu.
Ce texte, dont nous avons commencé à débattre en novembre 2008 dans le cadre des travaux de la commission, est arrivé en février devant notre assemblée,…
…où il a donné lieu à des débats nourris, intenses et assidus des deux côtés de l'hémicycle.
Il me semble qu'en cette occasion, tout le monde a eu la possibilité de s'exprimer, au sein de notre assemblée comme au Sénat, et il ne me paraît pas justifié de qualifier de non démocratique la méthode utilisée au seul motif que l'urgence a été décrétée. Je pense que nous avons eu largement le temps de partager, d'échanger, de voter, et que nous allons aboutir à un texte équilibré puisque débattu à l'Assemblée, au Sénat et en commission mixte paritaire – qui a accompli un travail exemplaire.
Par ailleurs, vous ne reconnaissez pas le fait que ce texte constitue une vraie réforme de fond. La loi HPST est partie du constat que les besoins sanitaires doivent primer et conditionner l'organisation sanitaire de notre pays. Si elle est considérée comme l'une des meilleures au monde, cette organisation doit néanmoins être adaptée pour répondre aux vrais problèmes de santé publique, qu'il s'agisse de l'organisation de l'hôpital public, des déserts médicaux, des dépassements d'honoraires ou des filières de soins – tous ces sujets étant traités par la loi.
Vous ne voulez pas reconnaître que nous avons abordé le problème de l'accessibilité aux soins. Or les SROS ambulatoires constituent une réponse à l'organisation de la médecine ambulatoire ; les contrats santé-solidarité montrent à quel point nous avons pris conscience de l'existence de zones désertifiées ayant besoin d'apports de professionnels ; enfin, l'amendement voté en commission mixte paritaire sur les dépassements d'honoraires montre bien à quel point nous sommes soucieux de l'accessibilité aux soins du système de santé pour tous nos compatriotes.
Je ne m'explique pas que vous cherchiez à faire voter cette exception d'irrecevabilité. Pour sa part, le groupe UMP ne vous suivra pas dans cette démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelle est cette loi qui fait figurer le mot « hôpital » dans son titre pour ensuite le faire disparaître comme s'il s'agissait d'un gros mot à bannir, laissant la place, par une confusion savamment entretenue entre public et privé, au privé pour venir picorer çà et là dans les missions de service public, ne laissant au secteur public que les missions difficiles et non rentables, comme les urgences, et pour tout viatique la caporalisation des établissements publics ?
Quelle est cette loi où le mot « patient » ne rime qu'avec patience et longueur de temps ? Patience car rien ne vient encadrer sérieusement le secteur 2 ; longueur de temps avant que l'on ne voie apparaître une initiative réelle visant à encadrer les dépassements d'honoraires. Ainsi, le citoyen serait là pour participer au financement, notamment celui du salaire des médecins qui, eux, voient leur rémunération s'élever, tout en ayant de moins en moins de devoirs en contrepartie. Les obligations qui pèsent sur les médecins se transforment pas à pas en ardentes obligations, puis en simples indications. Jusqu'à quand fera-t-on vivre un tel système qui, au bout du compte, aggrave les déserts médicaux ?
Quelle est cette loi dont le titre comporte le mot « santé », alors que les initiatives émanant de l'Assemblée – voire les dispositions comprises initialement dans le projet de loi – en faveur de la santé sont toutes passées à la trappe ? M. le président de la commission, d'ordinaire si attentif aux résultats et aux conclusions de nos missions, pourrait-il nous dire ce qu'il en est de la mission relative à l'obésité conduite par notre collègue Valérie Boyer ? Tous les amendements qu'elle a proposés sur ce projet de loi ont été repoussés. Que devient le rapport de Catherine Lemorton sur les médicaments lorsque, en contradiction avec ses conclusions, on autorise les fondations des industries pharmaceutiques à placer sous leur coupe la formation permanente des médecins et l'éducation à la santé ?
Enfin, quelle est cette loi qui comporte dans son titre le mot « territoires » mais qui, débat après débat, n'a eu de cesse de raboter le projet de loi pour le débarrasser de toutes les initiatives qu'il comportait au sujet de la localisation des médecins ; qui n'accepte aucun amendement visant à définir un égal accès sur tous les territoires pour tous les patients ; qui ne contient aucune disposition de nature à lutter contre les déserts médicaux ?
Cette loi – la vôtre, puisque vous refusez qu'elle soit aussi la nôtre, alors que nous avons, nous aussi, participé aux débats de manière large et constructive – fait litière de la démocratisation sanitaire. Si la responsabilité est nécessaire lorsqu'il s'agit de la dépense maladie, elle doit être portée par tous, et non par une seule technostructure où seul l'État exercerait un contrôle sur l'État, les autres acteurs de la démocratie sanitaire, en particulier les élus locaux, s'en trouvant écartés. Mais puisque vous l'avez voulue vôtre, vous serez comptable des effets néfastes de cette loi en matière de santé et de déserts médicaux.
Vous vous êtes encore rendue coupable d'un déni à l'égard de l'Assemblée nationale, madame la ministre, puisque vous avez présenté vos amendements relatifs aux centres hospitaliers universitaires au seul Sénat, ne permettant pas à notre assemblée d'en débattre. J'estime, comme Marisol Touraine, qu'à force de présenter les textes en urgence, on finit par trébucher sur la démocratie et le respect de nos institutions, à commencer par l'Assemblée nationale, car il n'est pas normal que nous n'ayons pas débattu des dispositions relatives aux centres hospitaliers universitaires.
Telles sont les raisons – du moins quelques-unes d'entre elles – qui me poussent à vous demander de voter l'exception d'irrecevabilité présentée par notre collègue Marisol Touraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je suis tout à fait d'accord avec les observations qu'a faites M. Mallot : nous ne pouvons pas nous trouver à deux endroits à la fois. Nous avons déjà raté, à seize heures quinze, l'audition commune à la commission des finances, de l'économie générale et du plan et à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, ouverte à la presse, de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques pour 2010. Si cela n'est pas intéressant pour les questions de santé ! À dix-sept heures trente, nous ne pourrons pas non plus participer à la réunion de la commission des affaires culturelles pour débattre des dérogations au principe du repos dominical que le Gouvernement a l'intention d'instaurer. Il y a quelque chose qui ne va pas – c'est le moins que l'on puisse dire – dans l'organisation de nos travaux.
Pour ce qui est du fond, vous ne serez pas étonnés d'apprendre que nous soutenons cette exception d'irrecevabilité. Nous sommes en désaccord avec la méthode utilisée qui, une fois de plus, montre le peu de considération accordée à l'Assemblée nationale. Par ailleurs, vous nous parlez de décentralisation de la politique de santé publique, alors que les mesures mises en oeuvre – je pense en particulier à la création des ARS – s'apparentent plutôt à une étatisation.
Et alors ? Ça ne vous plaît pas, l'étatisation ?
Dois-je vous rappeler qui désigne les directeurs des ARS – dont le champ vient, par ailleurs, de se voir élargi à l'ensemble du secteur médico-social ?
Ce projet ne permet pas de prendre en compte les besoins réels en matière de santé au niveau de la région. Il ne s'agit pas, pour vous, de procéder à une décentralisation, mais d'avoir la mainmise sur les crédits afin de les affecter comme vous l'entendez. Plusieurs exemples montrent que lorsque vous devez choisir entre un établissement public et un privé, vous prenez systématiquement position en faveur du privé ! Quant à la démocratie sanitaire, la belle affaire ! En réalité, comme le dit le Président de la République, il y a un patron dans l'hôpital, et tout le monde doit lui obéir.
Enfin, vous vous employez à démanteler le service public au profit des établissements privés, en chargeant l'hôpital public de toutes les missions d'intérêt général exigeant de gros efforts financiers, tandis que le privé ne garde que ce qui est rentable.
Pour toutes ces raisons, le débat nous paraît devoir être approfondi. C'est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rarement réforme de l'hôpital aura suscité autant de mobilisation contre elle. Personnels hospitaliers, médecins, associations d'usagers, militants du secteur médico-social : ce texte ne satisfait ni ne convainc personne. Pourtant, vous persistez dans votre obstination à le faire adopter, et l'on comprend pourquoi : il parachève et donne sa cohérence à l'entreprise de démantèlement de notre système sanitaire accessible à tous initiée par vos prédécesseurs. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il suscite autant d'oppositions.
Vous avez déclaré l'urgence sur ce texte, ce qui prive les députés d'une seconde lecture. C'est très regrettable pour la démocratie en général et plus particulièrement sur un texte de cette importance.
Certes, notre organisation sanitaire mérite d'être revisitée et adaptée aux besoins nouveaux ainsi qu'aux conditions d'exercice de la médecine moderne. Nos concitoyens se heurtent à nombre de difficultés que ce texte aurait dû s'attacher à surmonter.
Ces difficultés, vous les connaissez :
Une insuffisance criante en matière de prévention et d'éducation à la santé, alors que nous assistons notamment à la montée de nouveaux fléaux tels que l'obésité ;
Un accès aux soins de plus en plus problématique, en particulier du fait des déremboursements, des franchises et des dépassements d'honoraires sans limite ;
Une pénurie de soignants, accentuée dans certaines régions ou certaines villes par la fermeture des hôpitaux et maternités de proximité, ce qui, évidemment, augmente les charges de transport de patients que vous jugez précisément trop onéreuses et que vous voulez maintenant réduire ;
Une permanence des soins de moins en moins bien assurée, ce qui retentit notamment sur les urgences hospitalières, à la fois débordées et en difficulté pour prendre en charge correctement les urgences vitales ;
Un déficit financier chronique des hôpitaux public qui conduit nombre d'entre eux à l'asphyxie.
Face à tout cela, quelles réponses ce texte apporte-t-il ?
En matière de prévention, il ne dit pas un mot sur l'éducation à la santé – la santé scolaire ou la santé au travail – ni sur les pesticides ou les antennes-relais, et se garde bien de fâcher l'industrie agroalimentaire en s'attaquant à la « malbouffe ».
Il ne prévoit aucune limitation des dépassements d'honoraires, qui constituent pourtant un des principaux obstacles à l'accès aux soins.
Quant aux quelques points positifs, que j'avais tenu à saluer lors de l'examen de ce texte en première lecture à l'Assemblée nationale, le Sénat les a supprimés.
Vous avez ainsi reculé sur la lutte contre les refus de soins, en supprimant l'inversion de la charge de la preuve et la possibilité de réaliser des testings. Vous avez également reculé concernant les zones sous-médicalisées. Dans les deux cas, vous avez cédé aux pressions des plus libéraux des syndicats de médecins. Il faudra pourtant bien, un jour, que vous ayez le courage d'aborder avec eux les obligations liées à leur métier, au service des patients et de l'ensemble de la collectivité qui a financé leur formation et qui, avec la sécurité sociale, assure la solvabilité de leurs patients.
La grande majorité des médecins libéraux assume ces obligations, mais au nom du dogme de l'exercice libéral, vous refusez de vous attaquer à la minorité dont les conduites inqualifiables rejaillissent sur l'ensemble de la profession, qu'il s'agisse de la discrimination à l'encontre des bénéficiaires de la CMU, de l'aide médicale d'État, ou encore du refus d'assurer la permanence des soins, partie intégrante du métier de médecin.
Dans le secteur médico-social, ce texte supprime les comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale – les CROSMS –, seule instance transversale de concertation couvrant les différents aspects de l'action sociale et médico-sociale. Vous créez une procédure systématique d'appel à projets qui va inévitablement favoriser les grands opérateurs et les projets formatés, « clefs en main », au détriment des projets innovants partant des besoins constatés sur le terrain.
Concernant le secteur hospitalier, votre objectif est de réduire encore le nombre d'établissements publics de santé dans le pays et, ce faisant, la charge que leur financement représente pour l'État.
Dans ce but, vous mettez en place, avec ce texte, tous les outils vous permettant d'imposer vos choix. Même l'organisation régionale de la santé, qui aurait pu être une bonne chose, est conçue, du fait du fonctionnement des ARS tel que défini par le texte, comme une instance centralisatrice et autoritaire.
Avec à leur tête un directeur aux pouvoirs exorbitants, qui sera nommé et révoqué par le conseil des ministres, les ARS ne sont rien d'autre que l'instrument dont s'est doté l'État pour décider envers et contre tout.
Dans la même logique, vous organisez une concurrence généralisée entre les établissements publics et privés, ces derniers partant avec un avantage certain puisqu'ils ne sont lestés par aucune obligation de service public, et entre les établissements publics eux-mêmes.
Cette mise en concurrence a commencé avec l'instauration de la tarification à l'activité et de la convergence tarifaire qui entend financer de la même façon hôpitaux publics et cliniques privées. Avec ce projet de loi, cette distinction n'existera même plus puisque l'on parlera dorénavant, et indistinctement, d'établissements de santé. Une différence subsiste pourtant et elle est de taille : les premiers sont soumis à des obligations de service public qui n'incombent pas aux secondes.
Toujours dans le but affiché de favoriser la concurrence, ce projet de loi organise également la vente à la découpe des missions de service public, ce qui devrait permettre aux cliniques privées d'en remplir certaines, celles, tout naturellement, qui sont les plus intéressantes pour leur développement, comme l'accueil et la formation des internes.
Sous l'autorité d'un directeur aux pouvoirs renforcés, que les sénateurs n'ont que légèrement atténués, l'hôpital sera dorénavant géré comme une entreprise. Le directeur se verra ainsi contraint d'appliquer des impératifs d'équilibre financier et de rentabilité qui s'imposeront à toute décision, quelle qu'en soit la nécessité.
Le directeur de l'hôpital sera lui-même sous les ordres du directeur de l'agence régionale de santé, lui-même nommé directement en conseil des ministres. Cette structure hiérarchique empreinte d'autoritarisme est la condition nécessaire pour que votre politique de rigueur budgétaire et de maîtrise comptable des dépenses de santé ne rencontre pas trop de résistance.
Tout cela est conforme, en tous points, à l'esprit du traité de Lisbonne, qui prône le démantèlement des services publics au nom de la concurrence « libre et non faussée ».
On peut au passage s'interroger sur la concurrence qui subsistera quand il n'y aura plus que quelques grands opérateurs pour se partager ce qui sera devenu un marché, le marché de la santé. La Générale de santé, cotée en bourse, est en bonne voie avec quelques autres…
Ce projet de loi constitue donc une nouvelle étape décisive vers la privatisation du service public hospitalier. Assez rapidement, il devrait connaître des applications concrètes que l'on peut facilement imaginer.
Il pourra ainsi permettre la nomination, à la tête d'un hôpital public, d'un manager qui ne sera pas un fonctionnaire issu de l'école de santé publique de Rennes, mais qui pourrait être, par exemple, un ancien directeur de supermarché plus connu pour ses qualités d'entrepreneur que pour son dévouement au service du public et sa connaissance des problématiques de la santé.
Si les sénateurs ont limité ses pouvoirs, c'est cependant toujours lui qui aura le dernier mot face aux médecins. Ainsi pourra-t-il, contre l'avis de la CME et du conseil de surveillance, qui remplace le conseil d'administration, prendre des décisions qui ne manqueront pas d'affecter le fonctionnement de l'hôpital et la façon dont il remplit ses missions de service public. Il pourra, par exemple, décider de fermer certains services qu'il juge insuffisamment rentables, comme la gériatrie ou la diabétologie.
Certains sur ma droite parlent de caricature : messieurs, je vous rappelle que ce texte supprime l'obligation pour les directeurs d'hôpitaux de sortir de l'école publique de santé de Rennes. Tous les managers pourront donc poser leur candidature. Je n'ai rien dit d'autre. Je ne caricature pas : je reprends les dispositions contenues dans votre texte. Ayez au moins le courage de les assumer !
Votre projet ne contient aucune mesure pour revaloriser les conditions d'exercice et les rémunérations des médecins hospitaliers. Mais vous autorisez les directeurs à embaucher sous contrat des médecins dont les salaires pourront être très supérieurs à ceux des praticiens exerçant depuis longtemps à l'hôpital. Ainsi, aux disparités salariales déjà importantes entre les hôpitaux publics et les cliniques privées, vous ajoutez des disparités entre praticiens au sein même de l'hôpital public.
Quoi que vous en disiez, toutes ces dispositions sont convergentes. Elles portent en germe la disqualification de l'hôpital public face au privé et, ce faisant, l'instauration de graves inégalités d'accès à des soins de qualité pour tous. Inégalités d'autant plus graves que vous avez refusé notre amendement tendant à encadrer les dépassements d'honoraires.
Vous le voyez, mes chers collègues, non seulement ce texte ne résout aucun des problèmes auxquels nous sommes confrontés, mais il porte un coup très grave à l'hôpital public, véritable pilier de notre système de santé, à la fois en termes de soins de qualité, de formation des soignants et de recherche. Réfléchissez bien avant de le voter.
Voilà toutes les raisons pour lesquelles je vous demande de voter la question préalable.
Je ne demanderai évidemment pas à l'Assemblée nationale de voter la question préalable.
Madame Fraysse, je vous assure de mon entière détermination à sauvegarder le statut public de l'hôpital public. Dans chacune des dispositions que j'ai fait prendre à travers ce projet de loi, j'ai voulu préserver ce statut public de l'hôpital public. J'ai voulu aussi lui donner les moyens d'affronter les défis qui étaient les siens. J'ai voulu médicaliser la direction de l'hôpital, avec un directoire à dominante médicale, avec un vice-président du directoire, président de la CME. J'ai voulu lui permettre d'opérer les coopérations absolument nécessaires à la qualité des soins. C'était indispensable pour les hôpitaux mais aussi pour les malades qui y sont soignés car ces derniers votent avec leurs pieds quand ils ont le sentiment de ne pas être bien soignés dans un établissement.
Il faut donc opérer la gradation des soins, tout en respectant le formidable maillage de notre pays s'agissant de l'hôpital. Nous avons le maillage le plus resserré du monde : je veux le sauvegarder. Je n'ai fermé aucun hôpital et je n'en fermerai aucun.
Avec tous les lits qui ont été fermés, vous ne pouvez pas dire que vous n'avez pas fermé d'hôpitaux !
Mais je veux opérer une gradation des soins pour faire en sorte que nos compatriotes soient bien soignés.
J'ai aussi voulu rendre l'hôpital public plus attractif, car il lui faut attirer du personnel de qualité.
J'ai donné à l'hôpital public tous les moyens nécessaires, car il est le pilier de notre système de santé. L'immobilisme et l'absence de solutions ne nous permettront pas de le sauvegarder, madame Fraysse, et c'est la raison pour laquelle, mesdames et messieurs les députés, je vous invite à ne pas voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en venons aux explications de vote.
Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Jean-Pierre Door.
Madame Fraysse, je vous ai écouté sagement. Beaucoup a été dit sur ce projet de loi, parfois tout et son contraire, souvent loin de ce qui est effectivement inscrit dans le texte. Les propositions qu'il comporte sont en revanche superbement ignorées par les uns ou les autres. Vous-même n'avez pas échappé à une forme de caricature, alors que ce texte, comme toutes les grandes réformes, comporte de profonds changements.
Vous avez ainsi oublié de rappeler que ce projet de loi est l'aboutissement d'un large processus de concertation, auquel nous avons nous-mêmes participé aux côtés des professionnels de santé et des représentants des usagers. Vous oubliez également de rappeler que toutes les mesures que comporte ce texte n'ont qu'un seul objectif : préserver la qualité et la sécurité des soins. C'est là le projet que nous défendons pour notre système de santé.
Non, comme l'a rappelé Mme la ministre, l'hôpital ne sera jamais une entreprise ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mais nous devons donner à la communauté hospitalière les moyens d'exercer sa tâche en garantissant les valeurs et les missions du service public. C'est la raison pour laquelle l'hôpital et sa gouvernance doivent être modernisés. Cette loi est donc nécessaire pour préserver notre système de santé et nous ne pouvons voter cette question préalable.
Pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, la parole est à Mme Michèle Delaunay.
Vous vous en doutez, non seulement nous comprenons les inquiétudes de Mme Fraysse, mais nous les faisons entièrement nôtres.
En premier lieu, pour des raisons de méthode. J'ai beau être une députée nouvellement élue, il me semble que la manière dont s'est déroulée la discussion sur ce texte est un exemple de ce qui ne devrait pas se produire. En effet, nous avons commencé par débattre de ce projet de loi alors que, parallèlement, la commission Marescaux travaillait sur les CHU et qu'elle n'avait pas encore rendu ses conclusions. Par ailleurs, nous avons vu, à la fin de nos débats, des amendements retirés au milieu de la nuit pour être remplacés par d'autres. Enfin, à la suite du mouvement de contestation douce qui s'est développé, le Sénat a discuté d'un texte tout autre que celui dont les députés avaient débattu pendant plus de cent heures, ceux-ci s'en trouvant écartés. Sur un sujet aussi important et dans un contexte où la crise sociale se révèle plus grave que la crise financière, ces pratiques nous laissent une impression désagréable.
En second lieu, nous dénonçons la perméabilité qu'instaure le texte entre le service public et le secteur privé, au détriment du premier, comme l'a si bien exprimé Mme Fraysse. Il est question de transférer aux établissements privés des missions de service public, et ceci sans aucune concertation, sans qu'aucun critère ait été défini et sans aucune contrepartie.
Nous nous inquiétons enfin à propos de la gouvernance. Je viens d'entendre que l'hôpital n'était pas une entreprise.
Ce n'est pas une entreprise, mais le rapport du Haut Conseil dit que c'est aussi une entreprise !
Comment se fait-il alors que l'organigramme hospitalier et l'organigramme des ARS soient calqués sur ceux d'une entreprise, avec conseil de surveillance et directoire ? Je n'y vois aucun hasard, pas plus qu'il n'y a de hasard dans le fait de choisir les directeurs d'hôpitaux dans des secteurs qui relèvent de la gestion et non du soin ou du service public.
Pour toutes ces raisons, nous voterons sans réserve cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, madame la ministre, au terme d'un véritable marathon parlementaire, nous allons voter enfin, après de longs débats, un texte dont l'objectif est de réformer le système de santé français. Certains des aspects de ce texte ont d'abord été mal compris, et le Sénat et l'Assemblée nationale n'ont pas d'emblée adopté des positions conformes, mais la CMP s'est efforcée de parvenir à un équilibre et de répondre aux questions qui lui étaient posées.
Nous partageons tous ici une même analyse : le système de santé français doit être réformé. Chacun des titres du projet de loi correspond à l'un des axes de cette réforme : l'hôpital public, la coordination des soins ou la médecine ambulatoire. Tous ici, nous réclamions les ARS, à droite comme à gauche.
Nous souhaitions tous la mise en place d'un système de coordination qui permette de mettre un terme à l'opposition entre médecine ambulatoire, médecine hospitalière et soins de suite pour les personnes âgées, sans parler de la médecine préventive, qui prend de plus en plus d'importance et fera l'objet d'un texte spécifique.
En mettant en place ces ARS et en votant les textes qui permettent l'articulation de tous les secteurs sanitaires, nous allons enfin véritablement réguler le système de santé. Cette régulation était indispensable car, comme l'a souligné Maxime Gremetz, les comptes publics sont aujourd'hui dans le rouge et, si nous n'évitons pas les doublons et les dépenses inutiles, si nous n'optimisons pas les 11 % de PIB que le pays investit dans la santé, la situation ne s'améliorera pas.
La réforme de la médecine hospitalière a fait l'objet de nombreux débats ; entre les tenants d'un directeur omnipotent et ceux qui défendaient la présence des médecins dans les organes de direction, il y avait de la place pour un consensus.
Certes, c'est au directeur qu'il reviendra in fine de trancher les litiges mais, comme l'a dit Mme la ministre, nous avons renforcé la présence médicale au sein des directoires et accentué le poids de la commission médicale d'établissement. S'il n'y a pas d'hôpital sans médecins, il ne peut non plus y avoir d'hôpital sans organisation administrative.
Tout ceci se fait dans l'intérêt du malade, ce qui justifie notre réforme.
Vous continuerez à prétendre que l'on ne respecte pas les médecins. Mais le médecin a toute sa place dans le système sanitaire hospitalier, de même que le directeur, dont il est essentiel, je vous le redis, madame la ministre, de diversifier le profil et le recrutement. Il est ainsi important de nommer à la tête des établissements hospitalo-universitaires des personnalités ayant une bonne connaissance des structures publiques hospitalières mais ayant également l'expérience des structures privées. Il faut en finir avec l'opposition systématique entre l'hôpital public et les établissements privés : c'est de complémentarité dont nous avons besoin.
Il faut aussi avoir pour les directeurs des systèmes hospitalo-universitaires les mêmes exigences que pour les médecins et imposer qu'ils aient fait des stages à l'étranger. C'est en effet en s'inspirant de ce qui se fait à l'étranger que l'hôpital public s'améliorera et qu'il gagnera en attractivité – puisqu'il y a bel et bien un problème d'attractivité de l'hôpital public.
Si l'hôpital est aujourd'hui en crise, c'est parce qu'il est en proie à une désorganisation qui n'incite pas les professionnels à y exercer et qui, parfois, dissuade malheureusement jusqu'aux malades de s'y rendre. Plus que tout, l'hôpital public a donc besoin d'organisation. Cela passe par les pôles, qui vont permettre de regrouper les compétences autour des pathologies, dans l'intérêt des malades pour une meilleure efficacité du système.
Quant à la médecine de ville, elle doit bénéficier de la même coordination et viser la même efficacité que la médecine hospitalière. Dans cette perspective, la mise en place des SROS ambulatoires est une avancée importante. Elle va permettre de répondre au problème des déserts sanitaires, des filières médicales et de l'accès aux soins.
Nous mettons beaucoup d'espoir dans les responsables des agences régionales d'hospitalisation, qui auront en charge cette organisation sanitaire, en collaboration avec les responsables médicaux, pour que la couverture du territoire et la permanence des soins soient assurées, dans le respect de l'éthique médicale et des tarifs médicaux.
Un mot ici sur les dépassements d'honoraires. À écouter les débats que nous avons eus sur ces bancs, on aurait pu croire que les dépassements d'honoraires étaient exorbitants sur l'ensemble du territoire. Certes il y a eu des excès, mais ils ne sont pas la règle. La création d'un troisième collège pour les spécialités en difficulté va permettre d'assurer une meilleure représentativité des professions les plus tendues, les plus pénibles et les moins valorisées, celles dont les jeunes ont tendance à se détourner. Le troisième collège apportera aux professions en difficulté la représentativité et le respect auxquels elles ont droit.
Sans ce troisième collège, nous étions confrontés à un problème de santé publique, et nous avons bien fait, mes chers collègues, d'être à l'écoute des professionnels. Ces professions en effet sont indispensables à notre système de soins, que nous voulons efficace, pérenne et adapté aux exigences de santé publique de nos concitoyens.
Je regrette certaines incohérences entendues aujourd'hui sur les bancs de l'opposition. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) D'un côté, vous nous accusez d'étatiser le système, et de l'autre, M. Gremetz dit que nous privatisons l'hôpital. Comment peut-on à la fois étatiser et privatiser ? Soyez cohérents !
Nous sommes tout à fait cohérents ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je pense que ce texte est aujourd'hui équilibré et tient compte des complémentarités indispensables à notre système de soins. Nous avons besoin d'un système apaisé, dans lequel les professionnels se retrouvent, et où ils peuvent exercer dans l'intérêt des malades.
Et les nominations en conseil des ministres ? Ce n'est pas exactement un signe de décentralisation !
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je tiens à vous féliciter du travail qui a été effectué. Je tiens également à féliciter mes collègues, sur tous les bancs : il était grand temps que nous arrivions au terme de cette discussion et que, grâce à l'équilibre atteint par une sage commission mixte paritaire, nous puissions présenter à tous nos collègues un texte qui sera voté, je l'espère, le plus largement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je risque de ternir un peu l'ambiance…
Ayant suivi plus particulièrement le titre III du projet de loi pour le groupe socialiste, radical et citoyen, je ne peux que vous exprimer ma profonde déception, tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, nous avons pu constater que le Gouvernement a, une nouvelle fois, oublié le rôle de la représentation nationale – élue, je vous le rappelle, au suffrage universel direct.
Face à un texte d'une telle ampleur, il eût été logique de débattre une seconde fois, car le Sénat a apporté au projet de profondes modifications. Les arguments mis en avant par le Gouvernement pour justifier cette situation – l'urgence de la mise en place de cette réforme, le temps « gigantesque » déjà consacré à l'examen du texte – ne nous ont pas convaincus.
Je dois aussi constater les multiples contradictions et revirements de position qui ont émaillé les débats au niveau gouvernemental. À un engagement de la ministre répondait un discours du Président de la République, à une précision du Premier Ministre répondait un démenti du porte-parole : cette cacophonie dans la gestion des débats a empêché toute sérénité dans les échanges et toute confiance dans les engagements pris. Le flou qui s'en est suivi a été décrié par toutes les associations de patients, par les professionnels du monde de la santé, par les parlementaires – et même par des membres éminents de la majorité.
J'en viens maintenant au fond, madame la ministre. Hélas, il n'est guère plus enthousiasmant.
S'agit-il de la conséquence des atermoiements évoqués précédemment ou de la pression de certains lobbies ? Toujours est-il que l'ensemble du titre III se trouve aujourd'hui bien en deçà des espoirs que nous aurions pu nourrir en écoutant vos déclarations, madame la ministre.
Aux lacunes originelles de ce texte – absence de politique ambitieuse de lutte contre l'obésité, recul face au lobby agroalimentaire, absence de propositions pour lutter contre les polyaddictions, absence de politiques de prévention alors que des annonces avaient été faites dans le plan « Santé des jeunes » présenté en février 2008 – sont venus s'ajouter des reniements, au Sénat puis en commission mixte paritaire.
C'est le cas pour l'alcool : accepter la publicité sur Internet pour des boissons alcoolisées, même s'il est précisé que les sites dédiés au sport et à la jeunesse seront exclus, permettra immanquablement aux grands alcooliers, tapis au fond des bois, de toucher un public jeune particulièrement présent sur la Toile.
Quant à l'éducation thérapeutique, quelle déception, madame la ministre ! Vous savez combien j'y étais attachée. Nous avions réussi à l'encadrer quelque peu, même si tout n'était pas comme nous le souhaitions ; elle est aujourd'hui réduite à l'observance des traitements, ce que nous voulions éviter. Rien de moins étonnant, puisque vous avez accepté au Sénat, à la demande des industries pharmaceutiques qui – je les cite – « ne voulaient pas être des payeurs aveugles de cette éducation thérapeutique », de revoir entièrement la copie de l'Assemblée nationale.
Madame la ministre, qu'une fondation oeuvre pour la santé de toutes et de tous et pour la prévention publique, rien de plus louable. Mais si cette fondation est financée par un acteur ayant des intérêts financiers dans ce domaine, n'est-on pas face à ce que l'on nomme un conflit d'intérêts ? Ce texte n'avait-il donc d'autre ambition que d'offrir aux lobbies pharmaceutiques ou agroalimentaires la possibilité de pénétrer un peu plus le marché de la nutrition et de la santé ? Madame la ministre, vous êtes bien loin aujourd'hui de l'objectif que vous vous étiez fixé : garantir une véritable politique de prévention et de santé publique pour nos concitoyens.
Alors, mes chers collègues, évitons à ce texte le ridicule qui l'attend dans quelques semaines, en exprimant dès aujourd'hui notre désaccord quant à son existence et à son application – avant que la rue en sommeil ne se réveille ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous sommes arrivés au terme d'un large débat, qui intéresse l'ensemble des Françaises et des Français, puisqu'il touche à l'avenir de notre système de santé.
En quelques mois, voilà scellé le destin de l'hôpital public, socle de notre système social de santé. Quel est l'objectif réel de ce projet ? Tout le monde s'accorde sur le besoin de réforme. Personne ne propose d'en rester au statu quo : il y a des besoins nouveaux, des besoins grandissants, des modifications. Il faut donc réformer.
C'est ensuite que nous divergeons totalement : le Gouvernement agit en fonction d'un dogme libéral dont les recettes sont appliquées uniformément à tous les secteurs de la société – institutions, collectivités territoriales, logement, et maintenant santé : tout est passé au crible de la rationalisation, de la simplification, de la fusion, de la privatisation. Mais votre croyance en l'efficacité sans faille du guichet unique risque bientôt, malheureusement, de montrer ses limites. Ce n'est pas en appliquant une simple logique comptable que nous résoudrons les dysfonctionnements de notre système de santé.
Mais bien sûr, là aussi, nos points de vue divergent. À la mise en concurrence et à l'exigence de rentabilité que vous introduisez, nous opposons la solidarité, l'égalité d'accès aux soins et le renforcement de la mission de service public des hôpitaux.
La restructuration du système de santé par le biais des agences régionales de santé offre l'illustration parfaite de l'orthodoxie libérale que vous appliquez. Il faut croire que nous ne partageons pas la même définition de la décentralisation – quelqu'un se demandait tout à l'heure comment on pouvait à la fois décentraliser et étatiser : je vais vous l'expliquer. Il faut mettre quelqu'un en haut pour décentraliser en bas, en gardant les mêmes organismes décisionnaires. C'est cela, l'étatisation – c'est ce que vous critiquiez dans les pays de l'Est, par exemple, et que je critiquais moi-même. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il faut un service public démocratisé, autogéré, voilà la vérité ! Dans votre texte, le directeur de l'ARS a au contraire tous les pouvoirs, tous les droits ; le patron, dans l'hôpital, exécute les ordres. C'est de la centralisation pyramidale pure et simple.
Dans sa déclinaison financière, vous vous servez de la décentralisation pour accompagner le désengagement de l'État. Il s'agit donc de déconcentration, et non de décentralisation.
Ainsi, pour pallier l'éclatement des structures décisionnelles aujourd'hui partagées entre sept organismes, vous confiez l'organisation des activités de santé aux nouvelles agences régionales de santé. Tout le monde était d'accord sur le principe d'une structure disposant d'une vue d'ensemble. Mais quel sera en réalité le rôle de l'ARS ? Vous placez à sa tête une direction dotée de pouvoirs exorbitants, véritable courroie de transmission – c'est ce que je veux vous expliquer, car vous semblez avoir du mal – des politiques publiques du pouvoir central, et ce au mépris des acteurs locaux – collectivités territoriales, caisses de sécurité sociale, professionnels de la santé.
L'hôpital a besoin de plus de moyens. Or, votre projet de loi s'évertue à lui couper les ailes. En effet, pour que le budget des hôpitaux puisse être revu à la baisse, vous proposez la « convergence » – doux euphémisme pour ce que nous appelons, pour notre part, la mise en concurrence. La « convergence » reviendrait selon vous à aligner les tarifs du privé sur ceux du public.
Il y a 37 % d'écart !
Mais vous oubliez que la mission de service public que remplit l'hôpital n'est pas celle des cliniques privées dont le principal objet est, comme pour n'importe quelle entreprise privée, de prospérer – financièrement, bien entendu. Vous oubliez également que la majorité des actes effectués à l'hôpital ne sont pas programmés, et sont donc plus coûteux. Enfin, vous passez sous silence le fait que les tarifs des hôpitaux, à la différence de ceux des cliniques, intègrent la rémunération des praticiens. Comparaison n'est pas raison.
Je voudrais éclairer mon propos, qui doit paraître bien théorique.
Pas du tout, c'est très clair !
Quand une clinique privée fait 2 000 accouchements par an, elle ne salarie qu'une seule sage-femme, car chaque parturiente arrive à la clinique avec sa sage-femme libérale, son gynécologue et son anesthésiste également libéraux, et si l'accouchement présente un risque de complication, on transporte rapidement la patiente vers l'hôpital le plus proche.
Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
Pour réaliser le même nombre d'accouchements, la maternité du centre hospitalier de Saint-Denis salarie trois sages femmes, une gynécologue, un anesthésiste, une infirmière de bloc et un aide opératoire. Voilà la grande différence entre le privé et le service public hospitalier ; voilà pourquoi l'hôpital public est plus cher et doit donc être financé davantage. Ce n'est pas mystérieux.
L'hôpital public soigne donc tous les patients – ou bien devrais-je dire : « soignait » ? Mettre l'hôpital public à la même enseigne que le secteur privé reviendra à remettre en cause le principe républicain d'égal accès de tous aux soins dans de bonnes conditions. On connaît déjà les effets pervers de la tarification à l'activité, qui pousse peu à peu les gestionnaires du secteur de la santé à privilégier les actes rentables et à se débarrasser de ceux qui ne rapportent pas. On connaît aussi les dérives discriminatoires à l'encontre des bénéficiaires de la couverture médicale universelle – 50 % des médecins spécialistes parisiens, 22 % en France, leur opposeraient un refus de soins. Jusqu'à présent, on regrettait ces discriminations, surtout chez les médecins libéraux. Mais il y a fort à craindre qu'elles ne s'étendent désormais à l'hôpital public.
En créant un nouveau statut contractuel pour les médecins hospitaliers, le projet de loi pose évidemment de grands problèmes à la médecine publique.
Quand on regarde les chiffres – je ne vais pas les citer, car je n'ai pas le temps…
Je ne voudrais pas abuser du temps qui m'est imparti, mais j'ai ces chiffres et je vous les donnerai, évidemment.
En comparant ce qui est comparable, on s'aperçoit que les cliniques privées sont nettement privilégiées. Votre projet de loi – qui partait, me semble-t-il, d'un bon sentiment – ne résout pas, tant s'en faut, les problèmes posés, et en particulier la question de la liberté pour chacun de disposer d'un accès libre et gratuit à la santé. Au contraire, il va encore aggraver les choses.
Pour conclure, madame la ministre, quand je vous entends dire que vous n'avez pas fermé un seul hôpital,…
Mais c'est vrai !
…peut-être cela veut-il dire que les ARH ont déjà le pouvoir de le faire sans vous consulter et sans que vous le sachiez. En ce cas, c'est encore pire que ce que je pensais. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Président, madame la ministre, chers collègues, la CMP ayant abouti à un accord, nous arrivons au terme du débat législatif. Il reste à attendre les nombreux décrets, en espérant qu'ils sortiront tous rapidement sans omettre certains articles, ni dénaturer la loi comme cela arrive parfois.
Cette loi, madame la ministre, était très attendue. Son but, partagé par tous, est d'assurer un système de santé excellent, l'égal accès de tous sur l'ensemble du territoire à des soins de qualité. J'avais insisté longuement au cours des débats pour que l'accès aux soins soit possible à des tarifs opposables, c'est-à-dire remboursés par l'assurance maladie sans dépassements d'honoraires, et le Président de la République semble en avoir fait une priorité au congrès de la mutualité.
L'amendement que j'avais fait voter à l'Assemblée a connu un certain succès médiatique. Curieusement, les internes semblent très soucieux de pouvoir pratiquer des dépassements d'honoraires lorsqu'ils s'installeront dans quelques années. Vous avez déclaré que cette question relevait de la convention, mais le secteur optionnel prévu dès 2004 est toujours en panne cinq ans plus tard. Quant à la convention, son avenir est incertain. Il s'agit pourtant d'un sujet crucial qui intéresse au plus haut point l'ensemble de nos concitoyens.
C'est pourquoi, avec Yves Bur ici présent, j'ai déposé en CMP un amendement, qui a été accepté, tendant à donner aux partenaires conventionnels une date limite, le 15 octobre, pour conclure. Passé ce délai, un arrêté ministériel réglerait le problème. Pour ma part, je souhaite un secteur optionnel attractif concernant l'ensemble des spécialistes. Madame la ministre, je vous pose la question : êtes-vous disposée à prendre ledit arrêté en cas d'échec de la convention, ou souhaitez-vous que nous légiférions à l'occasion du PLFSS 2010 ?
Cette loi, votre loi, était très attendue, disais-je. Elle comporte des avancées, mais ne règle pas tous les problèmes. De plus, elle est très jacobine, centralisatrice et donc, de mon point de vue, déresponsabilisante.
Parmi les avancées, il y a la création des agences régionales de santé. Défendant cette idée depuis longtemps, je ne peux que m'en réjouir. Il convient en effet de revenir sur l'un des défauts majeurs de notre système de santé : la séparation absurde entre la prévention et le soin, la ville et l'hôpital, le sanitaire et le médico-social. Mettre en place un responsable unique de la santé au niveau régional est donc une bonne chose.
Cependant, de nombreux problèmes ne sont pas résolus, et je crains qu'ils ne conduisent, demain, à remettre en cause cette bonne idée.
Tout d'abord, s'agissant de la coordination nationale devenue le conseil national de pilotage, il aurait été logique de prévoir d'emblée une agence nationale. L'instance de coordination, en raison du maintien des trois directions du ministère de la santé, du ministère des comptes sociaux et de la CNAM, risque d'aboutir à une triple commande inopérante. Au minimum, il aurait été souhaitable que les directives données aux ARS passent par le filtre du secrétaire général.
De plus, la non-fongibilité des enveloppes, c'est-à-dire le maintien des sous-objectifs et des crédits fléchés, ne laissera aucune liberté d'arbitrage aux ARS, ce qui est particulièrement regrettable. Je souhaite que les sous-objectifs soient rapidement remplacés par des enveloppes régionales, calculées à partir de critères objectifs. J'ajoute que le maintien du préfet de région comme président du conseil de surveillance conduira inévitablement à des conflits inutiles.
Enfin, je regrette que vous n'ayez pas renforcé les conférences régionales de santé. Elles doivent devenir le lieu du débat sur la santé, veillant à la prise en compte des besoins, à l'adéquation de l'offre aux besoins, et s'appuyant sur les observatoires régionaux de santé. Elles doivent permettre également de responsabiliser les acteurs de la santé en les associant à la gestion.
Vous comprenez donc, madame la ministre, que, si j'approuve la création des ARS, je regrette la persistance de ces problèmes, qui risquent de conduire, demain, à remettre en cause cette bonne idée.
L'autre volet important de votre projet concerne les établissements de santé.
Je rappelle que nous bénéficions, en France, d'un double réseau d'établissements, financé par la collectivité nationale. L'émulation doit pouvoir conduire à une amélioration de la qualité. Le texte définit les missions de service public. Les établissements privés pourront en exercer en passant des contrats, notamment pour l'accueil des urgences et la formation. Il conviendra donc de faire respecter ces contrats par les établissements. Le texte renforce le rôle de leurs conférences médicales : c'est nécessaire, mais il faudra sans doute aller plus loin.
Pour les hôpitaux, le texte prévoit deux mesures essentielles : le renforcement du rôle du directeur et la création des communautés hospitalières de territoire. À cet égard, le projet de loi a été heureusement rééquilibré par le Sénat. Promouvoir un vrai patron à l'hôpital, pourquoi pas ? En réalité, cependant, le vrai patron ne sera pas le directeur de l'établissement, mais le directeur de l'ARS, qui décidera même de la part variable de la rémunération du directeur. Ce dernier devra donc avoir l'échine particulièrement souple. Il convient, bien sûr, de veiller à l'efficience, mais l'hôpital, comme le projet médical, doit répondre aux besoins de santé de la population.
Dans la rédaction originelle, c'était le directeur qui arrêtait le projet médical. À l'Assemblée, vous avez refusé les amendements rééquilibrant les pouvoirs. Au Sénat, vous avez finalement accepté que le projet médical soit élaboré par le directeur et le président de la CME, et approuvé par le directoire, faisant curieusement de celui-ci une nouvelle structure décisionnelle plutôt qu'une équipe autour du directeur – encore qu'un amendement du Gouvernement revienne dans une certaine mesure sur cette disposition. Le conseil de surveillance se trouve également, comme nous le souhaitions, quelque peu renforcé, mais ses pouvoirs demeurent très limités et les élus ne seront pas en position de responsabilité.
Je me félicite des contrats qui seront proposés aux praticiens, tout en regrettant qu'ils soient trop limités alors qu'ils devraient devenir la règle, afin que la rémunération soit fonction de l'engagement des intéressés, de la pénibilité de leur travail et de leurs responsabilités. Je salue également l'article interdisant la concurrence des praticiens démissionnaires.
Quant à l'AP-HP, elle revient presque dans le droit commun, à la suite d'un amendement que j'avais déposé. Mais le Sénat l'autorise à présenter un état prévisionnel des recettes et dépenses en déséquilibre. Dès lors, pourquoi, madame la ministre, ne pas étendre cette possibilité à l'ensemble des établissements ? Je l'ai proposé en CMP : cela a fait sourire, mais ce serait une procédure intéressante.
La création des communautés hospitalières est une excellente idée. Elles permettront une mutualisation des compétences et des investissements. Mais pourquoi un établissement ne peut-il adhérer qu'à une seule communauté ? J'aurais préféré un fonctionnement en réseau. Il est à noter que la communauté dite intégrée, correspondant à une fusion, a disparu du texte.
Le volet « santé publique » est très limité, dans l'attente d'une loi de santé publique, mais il comporte des mesures intéressantes concernant l'éducation thérapeutique, qui vise à rendre le patient acteur de sa santé, concernant aussi l'alcool, avec l'interdiction des open bars, de la vente aux mineurs et de la vente sur autoroute. Mais pourquoi avoir autorisé, dans un texte sur la santé, la promotion de l'alcool sur Internet ? Le Sénat avait supprimé les articles sur l'obésité ; en CMP, nous en avons repris un, en rappelant qu'il s'agit d'un grave problème de santé publique. Madame la ministre, quand discuterons-nous la loi actualisant celle de 2004 ?
Le dernier volet important a trait à la médecine de ville. Trois préoccupations majeures de nos concitoyens et des élus devaient être traitées : la démographie des professionnels de santé et leur répartition sur le territoire ; l'accessibilité des soins à des tarifs remboursables, compte tenu des dépassements d'honoraires ; la permanence des soins et des urgences.
Sur le premier point, des mesures incitatives existent déjà, mais elles sont récentes et n'ont pas été évaluées. Vous avez clairement rejeté les mesures coercitives. Celles-ci sont tentantes, mais pourraient s'avérer contreproductives, d'autant que l'âge moyen d'installation est aujourd'hui de trente-neuf ans, soit douze ans après la thèse, les jeunes préférant le salariat ou le statut de remplaçant. Le projet de loi comporte quelques mesures intéressantes : la régionalisation des formations, le développement de la filière universitaire pour les généralistes, les bourses pour les étudiants s'engageant à s'installer en zones sous-dotées, la volonté d'aider les maisons de santé avec un projet médical. La CMP a réintroduit le contrat solidarité que le Sénat avait supprimé, mais cette disposition n'entrera en pratique qu'en 2013. Pourtant, il y a urgence, madame la ministre. C'est pourquoi il convient d'appliquer rapidement les mesures prévues, notamment le développement des maisons médicales pluridisciplinaires. Il faut également s'engager avec volontarisme vers le transfert de tâches et la formation d'infirmières cliniciennes, car ce qui compte, ce n'est pas le nombre de médecins, mais le temps médical réel disponible. Il est urgent également de rendre effectif le stage obligatoire en médecine générale, tant en zone urbaine qu'en zone rurale.
Pour améliorer la qualité des soins, il est indispensable de revoir la formation initiale, de rendre enfin obligatoires – et de financer – la formation continue et l'évaluation des pratiques, désormais appelée développement professionnel continu.
Le texte comporte encore de nombreuses dispositions sur lesquelles je ne peux, faute de temps, revenir. Je souhaite cependant rappeler que le médecin de premier recours a été défini, tout en regrettant que n'ait pas été précisé l'accès direct aux spécialistes. Quant aux trois collèges électoraux dans les unions régionales des professions de santé, ils risquent d'entraîner une balkanisation accrue du corps médical, qui n'en a vraiment pas besoin. Par ailleurs, un article prévoit que soit fourni un devis indiquant le coût d'achat, l'origine et les matériaux des dispositifs médicaux, notamment des prothèses dentaires. J'espère qu'il ne restera pas lettre morte et que le décret sera pris sans tarder. J'ai quelques doutes à ce sujet, mais vous allez sûrement me rassurer dans quelques instants…
Pour conclure, je souligne encore une fois que cette loi était très attendue, car elle devait assurer l'égal accès de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire, à tarif opposable. Cette loi comporte des mesures intéressantes, notamment la création des ARS. Mais elle ne résoudra pas tous les problèmes, en particulier ceux liés aux dépassements d'honoraires, à la répartition des professionnels, à la démographie médicale et à la qualité des soins. Il convient d'attendre les nombreux décrets. Certains risquent de ne pas sortir, d'autres pourraient, comme cela arrive parfois, modifier l'esprit de la loi. Nous serons vigilants.
Ensuite, il faudra prochainement légiférer à nouveau pour la santé publique, mais aussi pour corriger et améliorer ce texte. Celui-ci demeure en effet très centralisateur, très jacobin. Je sais que vous ne partagez pas mon point de vue, madame la ministre, mais nous venons de partis différents, et vous savez que l'ancienne UDF était très décentralisatrice. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En ce sens, il a même été aggravé par le Sénat, qui n'a pas voulu que les ARS définissent une politique régionale de santé. Le rapporteur n'en a pas fait mention, mais la modification introduite par la CMP est à cet égard importante – sauf si, bien sûr, elle n'est pas appliquée.
Vous avez clairement établi une chaîne hiérarchique verticale contrôlée étroitement par l'État, refusant toute autonomie et donc toute responsabilité aux acteurs des hôpitaux ou des conférences régionales de santé. Avec le Nouveau Centre, je pense qu'il s'agit d'une grave erreur et que pour aboutir à l'efficience, il convient, au contraire, de placer chacun en position de responsabilité. C'est pourquoi, quelque peu déçu par ce texte,…
…et pensant qu'il ne résoudra pas les problèmes que nous connaissons, je ne peux l'approuver comme je l'aurais souhaité, et m'abstiendrai donc. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Tel est mon état d'esprit dans l'attente des décrets, et en souhaitant être, demain, surpris par le succès de ce projet de loi !
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous en arrivons donc à la conclusion d'un chemin parlementaire qui fut long et chaotique – c'est le moins que l'on puisse dire. Il a suscité l'incompréhension profonde de beaucoup de professionnels de santé, dans le monde hospitalier comme dans la médecine ambulatoire. Mais, avant d'aller plus loin, je ne peux m'empêcher de me souvenir que nous étions hier, à Versailles, pour célébrer, outre les ors du palais et ceux de la Présidence, une nouvelle architecture de la Constitution dont on nous disait qu'elle mettrait à l'honneur les droits du Parlement. Or, quand je vois le parcours de ce projet de loi, chers collègues de la majorité, je me dis que votre position n'est pas toujours facile : vous êtes censés aller vendre sur les marchés la nouvelle démocratie parlementaire et le renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement, alors que nous voyons, lecture après lecture, tout ce que vous avez dit – souvent avec nous – être contredit, nié, bafoué par l'action gouvernementale.
Il a prétendu à un moment parler au nom des professionnels de santé, alors même qu'il s'apprête à les abandonner après s'être longtemps targué de les défendre. À moins que ne survienne la surprise extraordinaire qu'évoquait notre collègue Préel,…
Quelle arrogance !
…le groupe UMP s'apprête à faire fi de la préoccupation qui était la sienne. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Pas tous, chers collègues, apparemment…
Chacun se souvient en effet d'échanges houleux en première lecture dans cet hémicycle, puis de débats pour le moins difficiles au Sénat, avec l'adoption d'amendements importants, voire structurels – nous pensons d'ailleurs qu'une telle manière de faire est d'une constitutionnalité douteuse –, qui ont modifié le texte au point que notre Assemblée n'a aujourd'hui rien à dire. De plus, la CMP, parfaitement éclairée et qui a réellement débattu, se voit censurer par un amendement du Gouvernement qui va, un peu plus encore, éloigner le texte de la réalité hospitalière et laisser plein d'amertume tous ces professionnels de santé qui s'engagent pourtant quotidiennement dans leur activité hospitalière.
Vous me direz que c'est important, mais je ne crois pas à l'avenir de cette loi, à son influence déterminante sur la gouvernance hospitalière. À l'évidence, elle n'aura pas non plus une influence considérable sur la santé publique – c'est le moins que l'on puisse dire, sans avoir besoin d'entrer dans les détails – ni sur l'accès aux soins, qui restera difficile financièrement, faute des moyens qui seraient nécessaires.
Mes chers collègues, vous allez sans doute – sauf miracle – adopter cette loi. Le système n'en sera pas mieux géré sur le plan administratif. Chacun a bien compris, après des mois et des mois de discussions qui ont d'ailleurs essentiellement concerné les différentes administrations de l'État et de la sécurité sociale, que nous avons abouti à une usine à gaz compliquée, difficile et chère à mettre en oeuvre – un millefeuille, dirait le Président de la République. Résultat : notre système sera de plus en plus opaque ; la participation des citoyens et des professionnels de santé sera de plus en plus lointaine ; le processus de décision sera plus que jamais étatique, centralisé et bureaucratique.
Tout cela ne serait pas grave, une simple occasion gâchée, n'était la situation budgétaire.
Je conclus, monsieur le président.
Tout à l'heure, lors d'une audition en commission, le président Séguin a avancé des chiffres abominables concernant les déficits publics, notamment celui de la sécurité sociale. Or, mes chers collègues, la baisse de la TVA sur la restauration va priver les caisses de l'État d'une somme équivalente à trois fois le déficit des hôpitaux publics de ce pays. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous faites le choix politique de baisser la TVA sur la restauration, et vous refusez que nos hôpitaux publics soient à l'équilibre. Voilà le sens, l'équilibre de votre politique !
Dans les mois et les années à venir, la réalité nous donnera l'occasion de reparler des problèmes de santé et d'accès aux soins car, à l'évidence, ce qui a été fait aujourd'hui ne durera pas et n'apportera aucune des solutions que nos concitoyens attendaient logiquement et légitimement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, cette loi n'apportera peut-être pas de réponse aux défis que doit relever notre système de santé et de protection sociale en général, mais elle restera dans les annales pour son parcours.
Dans son discours de Bletterans, le Président de la République avait donné sa conception de la gouvernance hospitalière : l'hôpital-entreprise, un patron à l'hôpital, une seule chaîne de commandement, l'efficacité et l'efficience. Nous avons déployé des efforts pour la combattre – même vous, monsieur Bur !
Je me souviens que vous aviez, avec M. Préel, fait adopter un amendement visant à renforcer les compétences du conseil de surveillance et de la commission médicale. Le Gouvernement l'a fait sauter, en pleine nuit, à la faveur d'une seconde délibération – mais je pense que Mme la ministre, en son for intérieur, ne le voulait pas.
Face à la réaction des blouses blanches – c'était la première fois que les professeurs de médecine manifestaient dans la rue, selon leurs propres dires –, le Président de la République a abandonné ses directives initiales pour se transformer en démineur, au moyen de la commission Soubie.
Reste notre grande inquiétude : les communautés hospitalières de territoire auraient pu être une grande idée, mais, dans le contexte actuel que vient d'exposer le Premier Président de la Cour des comptes devant la commission des finances – 30 milliards d'euros de déficit prévisible en 2010 pour le régime général –, elles visent en réalité à réduire les dépenses. Les déficits évoqués par M. Le Guen seront traités par la réduction de la dépense et par les plans sociaux.
Nous en reparlerons et nous jugerons sur les résultats !
En ce qui concerne l'organisation des soins, quel recul sur le testing, alors même que l'enquête menée par le Collectif interassociatif sur la santé et la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés vient de montrer l'importance des refus de soin, notamment chez les spécialistes de l'agglomération parisienne !
L'organisation des soins pâtira aussi du manque de moyens. Après les grandes envolées sur la médecine de premier recours et la filière universitaire de médecine générale, le Conseil national des universités vient de refuser de voter les créations de postes prévues pour l'année, tant leur nombre est dérisoire : huit postes d'enseignants associés pour l'ensemble du territoire, alors que le Syndicat national des enseignants de médecine générale estime qu'il faudrait en créer deux par faculté pendant plusieurs années.
Quel recul aussi en matière de santé publique ! Souvenons-nous des discussions que nous avons eues sur la lutte contre l'obésité. Tout cela pour aboutir à une charte signée quarante-huit heures avant le débat, en catimini, presque nuitamment elle aussi, avec les industries de l'agroalimentaire et de la publicité ! Nous avons assisté ensuite à ce spectacle pitoyable : Mme Boyer, qui avait présenté un amendement d'interdiction et des amendements positifs de lutte contre l'obésité, votant contre son propre amendement au prétexte de cette charte.
Voilà pourquoi, madame la ministre, nous sommes inquiets concernant le suivi de tous les problèmes de santé publique. Voilà pourquoi, madame la ministre, nous pensons aussi que vous devrez être très attentive à la façon dont certaines agences, l'AFSSA et l'AFSSET notamment, pourraient se rapprocher.
Lundi dernier, lors du débat sur le Grenelle de l'environnement, j'ai interrogé Mme Jouanno, secrétaire d'État à l'écologie, sur votre position quant au bisphénol.
Au vu des études récemment parues et des dispositions prises ailleurs, notamment aux États-Unis, concernant l'utilisation du bisphénol dans les contenants et l'alimentation des nourrissons et des enfants, Mme Jouanno a déclaré qu'elle vous avait demandé de faire rouvrir le dossier par l'AFSSA. Je saisis l'occasion qui m'est donnée de vous poser la question : quelle suite avez-vous donnée, madame la ministre, à cette demande de Mme Jouanno ?
En conclusion, cette loi concerne l'organisation des soins, mais pas la santé publique ; elle devra s'adapter à la pénurie, à l'autarcie, aux économies qui vont se déployer dans tous les domaines.
Madame la ministre, nous sommes inquiets pour l'avenir de notre système de santé, de notre système hospitalier et quant à la réponse que notre société doit donner à nos concitoyens en matière d'accès aux soins et de qualité des soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, c'est avec fierté que je vous retrouve aujourd'hui pour achever l'examen d'un texte fondamental pour notre système de santé.
Après des semaines d'un débat riche – un marathon, disait Jacques Domergue à l'instant –, toujours intense, souvent passionné, à l'Assemblée nationale puis au Sénat, et après le remarquable travail effectué par la commission mixte paritaire, nous pouvons nous réjouir d'être parvenus à un texte d'équilibre, un texte responsable.
La fierté que je ressens est celle d'une ministre dont l'action est entièrement guidée par une seule et même exigence : améliorer l'accès de tous nos concitoyens à des soins de qualité. Elle est également celle d'une ministre qui, pour avoir elle-même siégé sur les bancs de l'Assemblée nationale, mesure l'investissement et les exigences requis pour faire vivre un tel temps fort de la vie démocratique de notre pays.
Aussi voudrais-je profiter de cette nouvelle occasion qui m'est donnée de remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué, par la finesse de leurs analyses et aussi par leur pugnacité, à enrichir ce projet de loi.
Je veux remercier en particulier les présidents Pierre Méhaignerie et Patrick Ollier. Sous leur égide, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ont parfaitement su se saisir de l'enjeu majeur que représente ce projet de loi pour l'avenir de notre système de santé.
Je tiens à saluer le rôle déterminant de vos rapporteurs, Jean-Marie Rolland et André Flajolet, à qui je souhaite rendre un plein et sincère hommage. Avec sérieux, rigueur, brio et agilité, ils ont tout simplement accompli un travail exceptionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
En effet, comment ne pas rappeler, à ce stade de notre discussion, les apports déterminants des amendements de Jean-Marie Rolland sur la formation universitaire en médecine générale ou sur la géographie médicale ? Il a ouvert la voie, de manière concrète, à une profonde évolution de la prise en charge du premier recours dans notre pays. Comment ne pas rappeler non plus l'influence du rapport d'André Flajolet sur les titres III et IV ?
Je n'oublie pas, bien entendu, la contribution de tous les députés qui, sur tous les bancs, ont éclairé de leurs compétences notre discussion. Je salue avec considération l'apport de l'opposition, qui ne m'a pourtant pas ménagée…
Mais je pense surtout aux députés de la majorité dont l'apport au débat a été remarquable : Valérie Boyer, Bérengère Poletti, Marc Bernier, Jean Leonetti, Yves Bur, Jean-Pierre Door, Jacques Domergue, Élie Aboud, Olivier Jardé, Guy Lefrand, Paul Jeanneteau. Je suis désolée de ne pas les citer tous !
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Bernard Debré !
Que ceux que je n'ai pas cités me pardonnent ! Soyez tous remerciés de vos apports, car, sans l'apport de chacun, ce débat parlementaire aurait eu peu de sens.
Je voudrais adresser un remerciement tout particulier aux députés qui ont participé à la commission mixte paritaire, où ils ont su trouver un compromis respectant la volonté de chaque assemblée.
Le travail mené par la CMP était difficile, nécessitant beaucoup de finesse et d'esprit de synthèse. Il en est d'autant plus extraordinaire. Aujourd'hui, je veux, en toute sincérité, exprimer la gratitude du Gouvernement.
Sans reprendre dans le détail toutes les mesures d'un projet de loi d'envergure et que vous connaissez maintenant admirablement, j'aimerais vous rappeler tout ce que nous avons accompli ensemble et tout ce que nous apporterons à nos concitoyens.
Nos hôpitaux ont été modernisés. La gouvernance de l'hôpital a été rénovée et clarifiée, afin de donner à tous les acteurs les moyens d'exercer pleinement leurs missions. Les prises de décision en seront facilitées, tous les patients en bénéficieront, comme Jacques Domergue l'a expliqué.
Pour mieux répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, qui veulent bénéficier de parcours de soins fluides et de qualité, nous avons entendu également faciliter les coopérations hospitalières et mieux articuler le système hospitalier avec la médecine de ville et le secteur médico-social.
Le projet de loi permettra également de mieux répartir l'offre de soins sur le territoire, afin de lutter contre les déserts médicaux. Grâce à des mesures cohérentes, nous répondrons à l'exigence d'un accès aux soins pour tous, dans le respect de la liberté d'installation. Formation, offre de soins : rien n'a été oublié. Toujours, nous avons fait le pari de l'organisation et de la modernisation.
Parce que cette loi est une loi de prévention, il était bien naturel que le préventif, à côté du curatif, trouve une place accrue. Le titre relatif à la santé publique comporte des mesures fortes sur des déterminants de santé considérables comme le tabac ou l'alcool, et je ne partage pas l'analyse de Mme Lemorton sur ce point.
L'inscription de l'éducation thérapeutique dans le code de la santé publique est aussi une révolution culturelle qui instaure une nouvelle relation entre soignant et soigné. Le malade sera désormais acteur de sa propre santé.
Enfin, la création des agences régionales de santé parachève le décloisonnement de notre système de santé. Leur mission sera, en particulier, d'organiser l'offre de santé sur tout le territoire, au plus près de nos concitoyens. Je ne partage pas, à cet égard, l'analyse de M. Gremetz, car l'État garde la responsabilité de l'organisation de notre système de santé : je ne flancherai pas devant mes responsabilités. Tout le champ de la santé et de l'autonomie se trouve désormais investi.
Ce trop bref résumé dit-il assez la valeur et l'importance d'un texte innovant et pragmatique, que j'ai voulu ambitieux et responsable ? J'aimerais vous exprimer toute ma confiance dans cette réforme élaborée pour tous et avec tous. Pourtant, il subsiste une légère ambiguïté sur le mode de fonctionnement du directoire, ambiguïté relative à la manière dont celui-ci est consulté par le directeur dans l'exercice de ses compétences. Entendons-nous bien : lever cette ambiguïté ne remet absolument pas en cause l'équilibre trouvé entre les directeurs et les médecins. Cet équilibre a été parfaitement traité par la CMP.
La volonté du législateur, telle qu'elle s'est exprimée sur tous les bancs, est que le directoire soit, comme l'a rappelé Jean-Luc Préel, une instance collégiale, un lieu d'échange entre ses membres. C'est aussi l'avis du Gouvernement. Pour autant, il ne faut pas que cette instance ploie sous un fonctionnement trop formaliste. Or les experts juridiques consultés ces derniers jours par le Gouvernement nous indiquent que le texte issu de la CMP pourrait transformer le directoire en une instance consultative formelle, qui fonctionnerait avec des règles de quorum, des comptes rendus et des scrutins où chacun compterait ses voix, alors qu'il doit être une instance de discussion collégiale opérationnelle.
Les règles de fonctionnement du directoire doivent en effet faciliter les échanges nécessaires pour prendre en compte les différents points de vue. L'expression de ces points de vue est indispensable au regard de l'originalité de la structure hospitalière, mais le formalisme doit être proportionné. La rédaction initiale du Gouvernement – « après consultation » – n'évitait pas non plus cet écueil, je le concède bien volontiers. Si elle garantissait l'aspect collégial, elle ne garantissait pas la recherche de consensus positif. C'est pourquoi nous avons besoin d'une formulation plus satisfaisante.
L'amendement n° 1 que je vous proposerai, et que je considérerai avoir défendu, monsieur le président, est donc un amendement technique permettant de lever cette ambiguïté.
Il substitue un terme à un autre, tout en conservant le principe d'un travail pleinement collégial au sein du directoire. Il est donc cohérent avec les souhaits exprimés par les deux assemblées.
En conclusion, le présent texte consacre une réforme indispensable, adaptée aux besoins et aux attentes des Français, et destinée à accompagner notre société dans les défis qui se posent. Pour tout ce qu'il ne manquera pas d'apporter à nos concitoyens, nous pouvons donc en être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement dont je suis saisi.
Cet amendement, n° 1 , du Gouvernement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Depuis le début de l'examen du texte, la commission des affaires culturelles a toujours majoritairement soutenu le principe de l'équilibre des pouvoirs entre les médecins et le directeur.
Elle a toujours défendu l'idée que le directoire devait être un lieu de concertation et que la majorité de ses membres devaient appartenir au corps médical. L'Assemblée avait prévu que les représentants des enseignants et des chercheurs y siègent également ; cette disposition, renforcée au Sénat, a évidemment été adoptée en CMP.
Le premier vice-président du directoire est un médecin élu par ses pairs, puisqu'il s'agit du président de la commission médicale d'établissement. C'est sur cette instance que s'appuie le chef d'établissement. Nous ne souhaitions pas créer une autre instance ni une autre structure de délibération. Cet équilibre figurait à l'article 6 du texte issu de nos travaux, article relatif au rôle du directeur qui, après la mention : « Après consultation des autres membres du directoire, le président du directoire », énumérait l'ensemble des droits et des devoirs de ce dernier. Le Sénat a remplacé cette expression par la suivante : « Après avis du directoire, le président du directoire ».
Cette rédaction, sensiblement différente, introduit un formalisme lourd, dont le non-respect pourrait être sanctionné ; elle transforme le directoire en organe spécifique. Lors de la réunion de la CMP, j'ai donc souhaité, avec mes collègues de la majorité, revenir aux dispositions de l'Assemblée. Mais nous n'avons malheureusement pas été suivis. Aussi les arguments exposés par Mme la ministre rejoignent-ils les nôtres. Je vous propose donc d'adopter le présent amendement à l'article 6. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Je veux, mes chers collègues, remercier en votre nom Mme la ministre, car elle fait preuve d'une grande écoute. Après un dialogue riche tant au Sénat qu'à l'Assemblée, un rééquilibrage, fondé sur la position de cette dernière, a été trouvé en CMP. Si beaucoup d'entre nous n'ont pu y être présents, c'est parce qu'ils ont dû, au même moment, assister à l'audition de M. Séguin au sujet de la réforme du PLFSS…
…et examiner le texte relatif au travail le dimanche. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vous en prie, mes chers collègues, laissez M. le président de la commission poursuivre.
La suspension de séance a néanmoins montré l'attention que nous portions au texte dont nous discutons, lequel occupe la septième place, depuis 1980, au regard du travail fourni en séance publique et en commission.
Pour les patients, les hôpitaux et l'ensemble des professionnels du secteur médico-social, il est donc souhaitable, madame la ministre, que les conditions pratiques d'application de ce texte soient réunies au plus vite. Celui-ci aborde tant de thèmes que les citoyens, et notamment les professionnels concernés, ont du mal à s'y retrouver : donnons-leur les repères dont ils ont besoin. Mais je vous remercie une fois encore pour ce travail de coopération. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Une remarque de forme, pour commencer. Comme vient de le rappeler M. le président de la commission, nous avons passé beaucoup de temps sur le texte, tant à l'Assemblée qu'au Sénat et en CMP.
La disposition prévue par l'amendement avait déjà été proposée à notre assemblée lors de la deuxième délibération, à cinq heures du matin, après un mois de discussion. Or elle déséquilibre complètement les relations entre l'administration et la communauté soignante.
Nos collègues sénateurs ont proposé une rédaction sage, qui rééquilibre les pouvoirs au sein de l'hôpital et enterre la guerre stérile que vous voulez déclencher, madame la ministre, entre la communauté soignante et la communauté administrative. La commission mixte paritaire a entériné cette rédaction du Sénat.
Or, que je sache, les députés de l'opposition ne sont majoritaires, et pour cause, ni au Sénat ni en CMP ! Avec le présent amendement, le Gouvernement nous refait donc le coup de remplacer l'expression : « après avis du directoire » par l'expression : « après concertation avec le directoire ». Le terme « concertation » n'a en l'occurrence aucun sens, puisqu'il n'implique aucun avis. C'est là, madame la ministre, créer un déséquilibre injuste et préjudiciable à l'hôpital, car votre amendement laisse supposer que les médecins hospitaliers sont inconséquents ou irresponsables (« Mais non ! » sur quelques bancs du groupe UMP), et qu'ils sont en conflit permanent avec l'administration, ce qui est totalement faux.
L'ordonnance de 2005, qui avait créé les chefs de pôle, prévoyait que ceux-ci étaient nommés par une décision conjointe du directeur et du président de la commission médicale d'établissement. Or son application n'a absolument pas été évaluée. Nous sommes donc très défavorables à l'amendement, tant sur la forme que sur le fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Je veux également donner mon avis sur la forme et sur le fond.
Sur la forme, je m'étonne que cette disposition, acceptée sous une première forme en commission puis en séance avant d'être rejetée très tard dans la nuit, nous soit présentée dans une nouvelle rédaction. Le Sénat, dans sa sagesse, avait en effet adopté la première version. Les travaux de la commission mixte paritaire ont ensuite permis de trouver un consensus et un équilibre.
Je rappelle qu'il s'agit du fonctionnement du directoire, lequel est à juste titre présidé par le directeur de l'hôpital, assisté par des médecins. Or le directeur, qui nomme ces derniers, peut aussi les révoquer : son pouvoir est donc déjà considérable. C'est pourquoi nous souhaitions que le directoire émette un avis, sans que celui-ci soit nécessairement conforme – mais, apparemment, c'était déjà trop. Il me semble pourtant que le projet médical doit être élaboré par des médecins : que je sache, le directeur ne soigne personne.
Je perçois mal la distinction sémantique entre « avis » et « concertation », même si je subodore que le premier va trop loin aux yeux du Gouvernement et que la seconde ne porte guère à conséquences. Bref, non seulement le directeur nommera et révoquera les membres du directoire, mais il ne les écoutera guère. C'est dommage, madame la ministre : nous étions difficilement parvenus à un juste équilibre. Votre amendement le remet soudain en cause ; à titre personnel, je voterai donc contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cet amendement de dernière minute, présenté comme technique, ne l'est évidemment pas. Il ne modifiera pas, s'agissant du directoire, les dispositions de ce texte lourd de conséquences et dont nous contestons profondément la philosophie. Il traduit surtout l'embarras du Gouvernement face aux préoccupations des personnels soignants.
Vous prétendez défendre l'hôpital public, madame la ministre ; je suis sensible à ces déclarations et aimerais pouvoir les croire. Mais deux exemples les démentent. L'Assistance publique – Hôpitaux de Marseille s'est en effet vu attribuer 9 millions d'euros pour la modernisation de ses systèmes informatiques, pendant que le nouvel hôpital privé Euroméditerranée, issu de la fusion de deux cliniques, recevait 54 millions d'euros, soit la plus importante enveloppe de la région.
La presse, cette semaine, a rapporté un autre exemple : une clinique privée de l'Isère a obtenu une autorisation de scanner délivrée par vos soins, alors que l'hôpital le plus proche, qui pratique trente fois plus d'examens nécessitant ce type d'appareil, ne se voit pas offrir la même possibilité. Cerise sur le gâteau, l'autorisation a été donnée contre l'avis de l'ARH. Voilà comment le Gouvernement défend les hôpitaux privés. Je le répète, je suis sensible à vos propos, mais je ne peux pas les croire, car les faits sont têtus.
De même, madame la ministre, vous prétendez que vous ne fermez pas les hôpitaux publics. Si le député-maire d'Ivry était là, il bondirait : vous venez encore de fermer une maternité dans sa ville.
C'est un service !
Tout le monde le sait : les hôpitaux, les services, les lits ferment. Donnez-nous votre avis, mais pas de ces contrevérités que dément la réalité quotidienne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
…c'est-à-dire par la commission médicale d'établissement. La CMP était parvenue à un accord relativement équilibré : le directoire, qui est à majorité médicale, donnait son avis pour le projet médical. Aujourd'hui, vous remplacez le mot « avis » par le mot « concertation ».
Je n'ai pourtant pas l'impression qu'un avis puisse entamer le pouvoir de décision du directeur. Pour qu'un hôpital fonctionne dans l'intérêt des patients, il faut un accord entre toutes les parties. Il me semble qu'on arrive presque là à une obstination déraisonnable. C'est pour cette raison que les députés du groupe Nouveau Centre voteront contre cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Je suis étonnée qu'un observateur aussi fin que Bernard Debré commette une telle erreur : les deux amendements qu'il avait déposés modifiaient l'article 5 et l'article 8, alors que celui-ci est à l'article 6. Il ne remet donc nullement en cause l'équilibre obtenu. On est en pleine confusion législative. Nous apportons une simple précision technique sur les pouvoirs du directeur (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), le mot « avis » ayant une signification juridique bien précise. Une concertation est, bien entendu, menée au préalable, dans le cadre des pouvoirs du directeur. Mais l'analyse juridique nous a montré que cette précision était utile. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(L'amendement n° 1 est adopté.)
La langue française vient d'évoluer : désormais, « avis » et « concertation » sont synonymes !
Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, madame la ministre, au nom du groupe UMP, je me dois de conclure les débats sur ce projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires. Ce n'est pas une réforme de plus, encore moins une réforme de trop, mais une réforme indispensable, qui était très attendue. Adaptée aux besoins et aux attentes des Français, elle accompagnera notre société pour relever les défis de demain : vieillissement de la population, progrès techniques constants, évolution des modes de vie. Nous devons donc préparer l'avenir de notre système de santé.
Contrairement à nos collègues socialistes et du Nouveau Centre, c'est parce que nous voulons continuer à garantir partout et pour tous l'accès à des soins de qualité, que nous avons souhaité soutenir ce texte prospectif et de prévention. Pour tout ce que cette réforme ne manquera pas d'apporter aux Français, le groupe UMP peut être fier d'avoir travaillé à l'améliorer.
Ce projet de loi pragmatique entend adapter nos politiques de santé aux spécificités et aux besoins de chaque territoire grâce aux agences régionales de santé. Ce texte innovant va offrir aux professionnels de santé des outils qui leur permettront de relever les défis auxquels sont confrontés les patients d'abord, mais également les élus locaux. Ce projet de loi éthique et responsable va faire de la réduction des inégalités en santé une priorité absolue, en développant des actions de prévention, en organisant en particulier l'offre de soins de proximité. En un mot, c'est un projet de loi réaliste.
Je remercie le rapporteur Jean-Marie Rolland pour le travail qu'il a effectué pendant de nombreux mois. Je remercie les membres de la commission des affaires sociales qui ont passé des jours et des nuits auprès de vous, madame la ministre, à l'Assemblée nationale, et de nombreuses heures en commission mixte paritaire. Le groupe UMP votera donc ce texte, en souhaitant que les décrets d'application soient publiés sans tarder, pour que nous puissions adapter au plus vite notre système de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République, s'exprimant devant l'Organisation internationale du travail, le 15 juin dernier, a vivement dénoncé l'extension progressive de la sphère marchande à toutes les activités humaines. Prenant des accents d'humanité qu'on ne lui connaissait pas depuis la campagne présidentielle de 2007, il a défendu l'idée selon laquelle la santé, comme l'éducation, la culture ou le climat, ne sont pas des marchandises. Comme lundi à Versailles, c'est en tenue de camouflage qu'ont été présentés ces objectifs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous nous avez déjà habitués à ce double langage, défendant des thèses progressistes dans le propos et le libéralisme économique dans les actes. Sur ce point comme sur bien d'autres, Nicolas Sarkozy incarne davantage la continuité que la rupture. Et, si rupture il y a, c'est bien avec tous les acquis du mouvement social, et particulièrement ceux du programme du Conseil national de la Résistance.
Ainsi, le Gouvernement nous demande aujourd'hui d'adopter un projet de loi sur l'hôpital qui va exactement à l'encontre des belles déclarations du discours de l'OIT. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je comprends que vous soyez gênés lorsqu'on révèle ce qu'est vraiment votre politique !
Dans la logique du traité de Lisbonne, ce projet de loi soumet la santé aux règles du marché, dilue la notion de service public et cède les plus rentables de ses services au secteur privé, soumet les hôpitaux à des exigences de rentabilité financière. Plus généralement, c'est un texte qui place encore un peu plus hôpitaux publics et cliniques privées sur un pied d'égalité, gommant cette différence fondamentale qui n'est pas un détail. La raison d'être des cliniques est de dégager des profits pour leurs actionnaires, tandis que la raison d'être des hôpitaux est justement de remplir ces missions de service public pour répondre aux besoins de la population.
Mais la santé, madame la ministre, n'est pas une marchandise et n'a pas vocation à être financièrement rentable. Bien sûr, pour qui ne juge de l'utilité qu'en termes de rentabilité, et donc à l'aune de critères comptables, le droit à la santé, comme d'ailleurs à l'éducation, pose problème. Aussi, c'est sur l'approche fondamentale que nous divergeons. Vous considérez que l'hôpital a pour priorité d'équilibrer son budget, toutes les autres considérations – accès aux soins pour tous, réponse aux besoins – ayant obligation de se soumettre à cette première exigence d'ordre comptable, financière. (Marques d'impatience sur les bancs du groupe UMP.) Cette conception explique votre politique de suppression des établissements et services publics de santé pour laisser le champ libre au privé, quitte à réduire le droit à la santé pour tous. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Notre démarche est inverse. Nous réfléchissons en partant des besoins et de la réponse à apporter. Des soins accessibles, de qualité, pour tous : nous savons que le privé ne répondra pas à ces objectifs, car ce n'est pas sa raison d'être. Cela ne signifie pas que nous négligeons les questions financières et la bonne utilisation de la dépense publique. Cela veut dire que nous avons une autre conception de l'utilisation de la richesse nationale.
De ce point de vue, les récents travaux de l'INSEE sont intéressants (Nouvelles marques d'impatience sur les bancs du groupe UMP), puisqu'ils démontrent que les services publics, notamment celui de la santé, constituent… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
On ne pourra bientôt plus exprimer ses convictions dans cette assemblée !
Je me contenterai donc de dire que nous voterons avec conviction contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l'amendement adopté par l'Assemblée.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 302
Nombre de suffrages exprimés 296
Majorité absolue 149
Pour l'adoption 179
Contre 117
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures quarante-quatre.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Proposition de loi contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma