Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République, s'exprimant devant l'Organisation internationale du travail, le 15 juin dernier, a vivement dénoncé l'extension progressive de la sphère marchande à toutes les activités humaines. Prenant des accents d'humanité qu'on ne lui connaissait pas depuis la campagne présidentielle de 2007, il a défendu l'idée selon laquelle la santé, comme l'éducation, la culture ou le climat, ne sont pas des marchandises. Comme lundi à Versailles, c'est en tenue de camouflage qu'ont été présentés ces objectifs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous nous avez déjà habitués à ce double langage, défendant des thèses progressistes dans le propos et le libéralisme économique dans les actes. Sur ce point comme sur bien d'autres, Nicolas Sarkozy incarne davantage la continuité que la rupture. Et, si rupture il y a, c'est bien avec tous les acquis du mouvement social, et particulièrement ceux du programme du Conseil national de la Résistance.
Ainsi, le Gouvernement nous demande aujourd'hui d'adopter un projet de loi sur l'hôpital qui va exactement à l'encontre des belles déclarations du discours de l'OIT. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je comprends que vous soyez gênés lorsqu'on révèle ce qu'est vraiment votre politique !
Dans la logique du traité de Lisbonne, ce projet de loi soumet la santé aux règles du marché, dilue la notion de service public et cède les plus rentables de ses services au secteur privé, soumet les hôpitaux à des exigences de rentabilité financière. Plus généralement, c'est un texte qui place encore un peu plus hôpitaux publics et cliniques privées sur un pied d'égalité, gommant cette différence fondamentale qui n'est pas un détail. La raison d'être des cliniques est de dégager des profits pour leurs actionnaires, tandis que la raison d'être des hôpitaux est justement de remplir ces missions de service public pour répondre aux besoins de la population.
Mais la santé, madame la ministre, n'est pas une marchandise et n'a pas vocation à être financièrement rentable. Bien sûr, pour qui ne juge de l'utilité qu'en termes de rentabilité, et donc à l'aune de critères comptables, le droit à la santé, comme d'ailleurs à l'éducation, pose problème. Aussi, c'est sur l'approche fondamentale que nous divergeons. Vous considérez que l'hôpital a pour priorité d'équilibrer son budget, toutes les autres considérations – accès aux soins pour tous, réponse aux besoins – ayant obligation de se soumettre à cette première exigence d'ordre comptable, financière. (Marques d'impatience sur les bancs du groupe UMP.) Cette conception explique votre politique de suppression des établissements et services publics de santé pour laisser le champ libre au privé, quitte à réduire le droit à la santé pour tous. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Notre démarche est inverse. Nous réfléchissons en partant des besoins et de la réponse à apporter. Des soins accessibles, de qualité, pour tous : nous savons que le privé ne répondra pas à ces objectifs, car ce n'est pas sa raison d'être. Cela ne signifie pas que nous négligeons les questions financières et la bonne utilisation de la dépense publique. Cela veut dire que nous avons une autre conception de l'utilisation de la richesse nationale.
De ce point de vue, les récents travaux de l'INSEE sont intéressants (Nouvelles marques d'impatience sur les bancs du groupe UMP), puisqu'ils démontrent que les services publics, notamment celui de la santé, constituent… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)