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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 23 juin 2009 à 15h00
Réforme de l'hôpital — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Monsieur le Président, madame la ministre, chers collègues, la CMP ayant abouti à un accord, nous arrivons au terme du débat législatif. Il reste à attendre les nombreux décrets, en espérant qu'ils sortiront tous rapidement sans omettre certains articles, ni dénaturer la loi comme cela arrive parfois.

Cette loi, madame la ministre, était très attendue. Son but, partagé par tous, est d'assurer un système de santé excellent, l'égal accès de tous sur l'ensemble du territoire à des soins de qualité. J'avais insisté longuement au cours des débats pour que l'accès aux soins soit possible à des tarifs opposables, c'est-à-dire remboursés par l'assurance maladie sans dépassements d'honoraires, et le Président de la République semble en avoir fait une priorité au congrès de la mutualité.

L'amendement que j'avais fait voter à l'Assemblée a connu un certain succès médiatique. Curieusement, les internes semblent très soucieux de pouvoir pratiquer des dépassements d'honoraires lorsqu'ils s'installeront dans quelques années. Vous avez déclaré que cette question relevait de la convention, mais le secteur optionnel prévu dès 2004 est toujours en panne cinq ans plus tard. Quant à la convention, son avenir est incertain. Il s'agit pourtant d'un sujet crucial qui intéresse au plus haut point l'ensemble de nos concitoyens.

C'est pourquoi, avec Yves Bur ici présent, j'ai déposé en CMP un amendement, qui a été accepté, tendant à donner aux partenaires conventionnels une date limite, le 15 octobre, pour conclure. Passé ce délai, un arrêté ministériel réglerait le problème. Pour ma part, je souhaite un secteur optionnel attractif concernant l'ensemble des spécialistes. Madame la ministre, je vous pose la question : êtes-vous disposée à prendre ledit arrêté en cas d'échec de la convention, ou souhaitez-vous que nous légiférions à l'occasion du PLFSS 2010 ?

Cette loi, votre loi, était très attendue, disais-je. Elle comporte des avancées, mais ne règle pas tous les problèmes. De plus, elle est très jacobine, centralisatrice et donc, de mon point de vue, déresponsabilisante.

Parmi les avancées, il y a la création des agences régionales de santé. Défendant cette idée depuis longtemps, je ne peux que m'en réjouir. Il convient en effet de revenir sur l'un des défauts majeurs de notre système de santé : la séparation absurde entre la prévention et le soin, la ville et l'hôpital, le sanitaire et le médico-social. Mettre en place un responsable unique de la santé au niveau régional est donc une bonne chose.

Cependant, de nombreux problèmes ne sont pas résolus, et je crains qu'ils ne conduisent, demain, à remettre en cause cette bonne idée.

Tout d'abord, s'agissant de la coordination nationale devenue le conseil national de pilotage, il aurait été logique de prévoir d'emblée une agence nationale. L'instance de coordination, en raison du maintien des trois directions du ministère de la santé, du ministère des comptes sociaux et de la CNAM, risque d'aboutir à une triple commande inopérante. Au minimum, il aurait été souhaitable que les directives données aux ARS passent par le filtre du secrétaire général.

De plus, la non-fongibilité des enveloppes, c'est-à-dire le maintien des sous-objectifs et des crédits fléchés, ne laissera aucune liberté d'arbitrage aux ARS, ce qui est particulièrement regrettable. Je souhaite que les sous-objectifs soient rapidement remplacés par des enveloppes régionales, calculées à partir de critères objectifs. J'ajoute que le maintien du préfet de région comme président du conseil de surveillance conduira inévitablement à des conflits inutiles.

Enfin, je regrette que vous n'ayez pas renforcé les conférences régionales de santé. Elles doivent devenir le lieu du débat sur la santé, veillant à la prise en compte des besoins, à l'adéquation de l'offre aux besoins, et s'appuyant sur les observatoires régionaux de santé. Elles doivent permettre également de responsabiliser les acteurs de la santé en les associant à la gestion.

Vous comprenez donc, madame la ministre, que, si j'approuve la création des ARS, je regrette la persistance de ces problèmes, qui risquent de conduire, demain, à remettre en cause cette bonne idée.

L'autre volet important de votre projet concerne les établissements de santé.

Je rappelle que nous bénéficions, en France, d'un double réseau d'établissements, financé par la collectivité nationale. L'émulation doit pouvoir conduire à une amélioration de la qualité. Le texte définit les missions de service public. Les établissements privés pourront en exercer en passant des contrats, notamment pour l'accueil des urgences et la formation. Il conviendra donc de faire respecter ces contrats par les établissements. Le texte renforce le rôle de leurs conférences médicales : c'est nécessaire, mais il faudra sans doute aller plus loin.

Pour les hôpitaux, le texte prévoit deux mesures essentielles : le renforcement du rôle du directeur et la création des communautés hospitalières de territoire. À cet égard, le projet de loi a été heureusement rééquilibré par le Sénat. Promouvoir un vrai patron à l'hôpital, pourquoi pas ? En réalité, cependant, le vrai patron ne sera pas le directeur de l'établissement, mais le directeur de l'ARS, qui décidera même de la part variable de la rémunération du directeur. Ce dernier devra donc avoir l'échine particulièrement souple. Il convient, bien sûr, de veiller à l'efficience, mais l'hôpital, comme le projet médical, doit répondre aux besoins de santé de la population.

Dans la rédaction originelle, c'était le directeur qui arrêtait le projet médical. À l'Assemblée, vous avez refusé les amendements rééquilibrant les pouvoirs. Au Sénat, vous avez finalement accepté que le projet médical soit élaboré par le directeur et le président de la CME, et approuvé par le directoire, faisant curieusement de celui-ci une nouvelle structure décisionnelle plutôt qu'une équipe autour du directeur – encore qu'un amendement du Gouvernement revienne dans une certaine mesure sur cette disposition. Le conseil de surveillance se trouve également, comme nous le souhaitions, quelque peu renforcé, mais ses pouvoirs demeurent très limités et les élus ne seront pas en position de responsabilité.

Je me félicite des contrats qui seront proposés aux praticiens, tout en regrettant qu'ils soient trop limités alors qu'ils devraient devenir la règle, afin que la rémunération soit fonction de l'engagement des intéressés, de la pénibilité de leur travail et de leurs responsabilités. Je salue également l'article interdisant la concurrence des praticiens démissionnaires.

Quant à l'AP-HP, elle revient presque dans le droit commun, à la suite d'un amendement que j'avais déposé. Mais le Sénat l'autorise à présenter un état prévisionnel des recettes et dépenses en déséquilibre. Dès lors, pourquoi, madame la ministre, ne pas étendre cette possibilité à l'ensemble des établissements ? Je l'ai proposé en CMP : cela a fait sourire, mais ce serait une procédure intéressante.

La création des communautés hospitalières est une excellente idée. Elles permettront une mutualisation des compétences et des investissements. Mais pourquoi un établissement ne peut-il adhérer qu'à une seule communauté ? J'aurais préféré un fonctionnement en réseau. Il est à noter que la communauté dite intégrée, correspondant à une fusion, a disparu du texte.

Le volet « santé publique » est très limité, dans l'attente d'une loi de santé publique, mais il comporte des mesures intéressantes concernant l'éducation thérapeutique, qui vise à rendre le patient acteur de sa santé, concernant aussi l'alcool, avec l'interdiction des open bars, de la vente aux mineurs et de la vente sur autoroute. Mais pourquoi avoir autorisé, dans un texte sur la santé, la promotion de l'alcool sur Internet ? Le Sénat avait supprimé les articles sur l'obésité ; en CMP, nous en avons repris un, en rappelant qu'il s'agit d'un grave problème de santé publique. Madame la ministre, quand discuterons-nous la loi actualisant celle de 2004 ?

Le dernier volet important a trait à la médecine de ville. Trois préoccupations majeures de nos concitoyens et des élus devaient être traitées : la démographie des professionnels de santé et leur répartition sur le territoire ; l'accessibilité des soins à des tarifs remboursables, compte tenu des dépassements d'honoraires ; la permanence des soins et des urgences.

Sur le premier point, des mesures incitatives existent déjà, mais elles sont récentes et n'ont pas été évaluées. Vous avez clairement rejeté les mesures coercitives. Celles-ci sont tentantes, mais pourraient s'avérer contreproductives, d'autant que l'âge moyen d'installation est aujourd'hui de trente-neuf ans, soit douze ans après la thèse, les jeunes préférant le salariat ou le statut de remplaçant. Le projet de loi comporte quelques mesures intéressantes : la régionalisation des formations, le développement de la filière universitaire pour les généralistes, les bourses pour les étudiants s'engageant à s'installer en zones sous-dotées, la volonté d'aider les maisons de santé avec un projet médical. La CMP a réintroduit le contrat solidarité que le Sénat avait supprimé, mais cette disposition n'entrera en pratique qu'en 2013. Pourtant, il y a urgence, madame la ministre. C'est pourquoi il convient d'appliquer rapidement les mesures prévues, notamment le développement des maisons médicales pluridisciplinaires. Il faut également s'engager avec volontarisme vers le transfert de tâches et la formation d'infirmières cliniciennes, car ce qui compte, ce n'est pas le nombre de médecins, mais le temps médical réel disponible. Il est urgent également de rendre effectif le stage obligatoire en médecine générale, tant en zone urbaine qu'en zone rurale.

Pour améliorer la qualité des soins, il est indispensable de revoir la formation initiale, de rendre enfin obligatoires – et de financer – la formation continue et l'évaluation des pratiques, désormais appelée développement professionnel continu.

Le texte comporte encore de nombreuses dispositions sur lesquelles je ne peux, faute de temps, revenir. Je souhaite cependant rappeler que le médecin de premier recours a été défini, tout en regrettant que n'ait pas été précisé l'accès direct aux spécialistes. Quant aux trois collèges électoraux dans les unions régionales des professions de santé, ils risquent d'entraîner une balkanisation accrue du corps médical, qui n'en a vraiment pas besoin. Par ailleurs, un article prévoit que soit fourni un devis indiquant le coût d'achat, l'origine et les matériaux des dispositifs médicaux, notamment des prothèses dentaires. J'espère qu'il ne restera pas lettre morte et que le décret sera pris sans tarder. J'ai quelques doutes à ce sujet, mais vous allez sûrement me rassurer dans quelques instants…

Pour conclure, je souligne encore une fois que cette loi était très attendue, car elle devait assurer l'égal accès de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire, à tarif opposable. Cette loi comporte des mesures intéressantes, notamment la création des ARS. Mais elle ne résoudra pas tous les problèmes, en particulier ceux liés aux dépassements d'honoraires, à la répartition des professionnels, à la démographie médicale et à la qualité des soins. Il convient d'attendre les nombreux décrets. Certains risquent de ne pas sortir, d'autres pourraient, comme cela arrive parfois, modifier l'esprit de la loi. Nous serons vigilants.

Ensuite, il faudra prochainement légiférer à nouveau pour la santé publique, mais aussi pour corriger et améliorer ce texte. Celui-ci demeure en effet très centralisateur, très jacobin. Je sais que vous ne partagez pas mon point de vue, madame la ministre, mais nous venons de partis différents, et vous savez que l'ancienne UDF était très décentralisatrice. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En ce sens, il a même été aggravé par le Sénat, qui n'a pas voulu que les ARS définissent une politique régionale de santé. Le rapporteur n'en a pas fait mention, mais la modification introduite par la CMP est à cet égard importante – sauf si, bien sûr, elle n'est pas appliquée.

Vous avez clairement établi une chaîne hiérarchique verticale contrôlée étroitement par l'État, refusant toute autonomie et donc toute responsabilité aux acteurs des hôpitaux ou des conférences régionales de santé. Avec le Nouveau Centre, je pense qu'il s'agit d'une grave erreur et que pour aboutir à l'efficience, il convient, au contraire, de placer chacun en position de responsabilité. C'est pourquoi, quelque peu déçu par ce texte,…

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