Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 16 septembre 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • détention
  • détenu
  • détenue
  • garde des sceaux
  • l'administration pénitentiaire
  • prison
  • pénitentiaire
  • réinsertion
  • surveillance

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence (nos 1506, 1899).

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 235 .

La parole est à M. Michel Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Le projet de loi initial ne comportait aucune disposition sur la question primordiale du « sens de la peine ». Il convient de souligner qu'il est pour le moins paradoxal de concevoir une « loi fondamentale sur le service public pénitentiaire » en faisant l'économie d'une réflexion sur une telle problématique.

Nous considérons qu'une nouvelle conception du sens de la peine aurait dû être un préalable indispensable à une réforme pénitentiaire ambitieuse. Il aura fallu attendre l'intervention des sénateurs pour qu'apparaisse l'article 1er A qui évoque, il est vrai bien succinctement, cette question.

Nous considérons, pour notre part, que l'objectif de réinsertion doit être la finalité prioritaire de la peine. Effectuer une peine n'a de sens, n'a d'intérêt pour la société que si le condamné est préparé à réintégrer celle-ci. La peine privative de liberté doit donc tendre avant tout à préparer le mieux possible la sortie de prison de la personne détenue. Mais cette privation de liberté ne doit être prévue que lorsque la gravité de l'infraction rend toute autre sanction ou mesure manifestement inadéquate.

Pensez-vous sincèrement que les détenus condamnés à une peine de deux ans d'emprisonnement, c'est-à-dire 94 % des condamnés, soient tous utilement privés de liberté ? Cela n'est pas notre avis, c'est pourquoi cet amendement vise à introduire dans la définition du sens de la peine ni plus ni moins que la recommandation n°(99) 22 du Conseil de l'Europe adoptée il y a dix ans de cela, en septembre 1999.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 235 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Cet amendement a été repoussé par la commission. Le Sénat a ajouté au texte du Gouvernement un article 1er A ayant pour objet de définir le sens de la peine. En commission des lois nous avons avancé sur le sujet puisque nous avons introduit la notion d'insertion. Nous avons également modifié la rédaction de la dernière ligne de l'article en précisant qu'il convenait de prévenir la commission de nouvelles infractions. Il est clairement indiqué que le régime d'exécution de la peine de privation de liberté doit concilier la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime.

Votre amendement est déjà satisfait, monsieur Vaxès. Vous demandez en effet que la privation de liberté soit considérée comme une mesure de dernier recours, ce qui est déjà prévu par l'article 32 tendant à compléter l'article 132-24 du code pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis que la commission. Une telle disposition relève effectivement du droit pénal et est prévue un peu plus loin dans le texte. Elle ne s'impose pas à cet endroit.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je soutiens l'amendement de fond soutenu par notre collègue Vaxès, car il remet en cause l'esprit et l'économie de ce projet de loi pénitentiaire axé sur la sécurité et l'enfermement, qui s'adosse sur des lois votées en 2002 et contribue à privilégier une politique sécuritaire répondant à la logique du résultat.

Cet amendement reprend une recommandation de l'Union européenne selon laquelle la prison ne doit pas être le but de la sanction et doit être utilisée en dernier recours. Nous ne demandons pas pour autant que tous ceux qui ont une dette à l'égard de la société soient libres et ne connaissent jamais la prison, mais nous souhaitons la mise en place d'une politique pénitentiaire permettant précisément d'éviter l'enfermement et préparant à la réinsertion. Un État de droit n'est en effet jamais aussi fort que lorsque la société respecte les droits des condamnés, car ceux-ci respectent alors la société en sortant de prison.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Puisque notre excellent collègue évoque la recommandation du Conseil de l'Europe de 1999, il ne doit pas ignorer que celui-ci en a fait deux autres en 2004 et 2006. Ne faites pas dire aux recommandations du Conseil de l'Europe ce qu'elles ne veulent pas dire !

Vous posez le principe selon lequel il faut tout faire pour éviter la prison, monsieur Vaxès, et vous êtes même allé au-delà en présentant l'amendement puisque vous avez évoqué d'emblée la problématique des deux ans d'emprisonnement. Nous sommes là au coeur du problème. Comme Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur vous l'ont rappelé, nous avons là un texte d'équilibre qui pose les principes en affirmant que la sanction est nécessaire. Vous attaquez d'emblée de jeu en disant qu'il faut éviter la prison. Or cette majorité vous dit clairement non ! Il doit y avoir une sanction. Des dispositions allant dans le sens des peines alternatives à l'emprisonnement sont prévues dans certaines conditions, mais ne commencez pas ce débat en voulant rendre exceptionnelle la peine de prison. Certes, vous avez clairement annoncé, dans la discussion générale, que vous vous opposeriez au texte, mais je trouve que vous attaquez très fort !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Nous sommes déjà privés de la possibilité de travailler en commission et maintenant nous ne pouvons plus travailler dans l'hémicycle ! C'est de l'abattage !

(L'amendement n° 235 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 126 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

L'article 1er A est le premier de ce projet de loi. M. le rapporteur vient d'évoquer des symboles. Cet amendement n'est pas symbolique, mais il rappelle certaines vérités. À quoi sert la peine privative de liberté ? Aussi bizarre que cela puisse paraître, pendant très longtemps la notion de sens de la peine ne figurait pas dans le code pénal. Elle a été introduite en 2005 dans l'article 132-24 du code pénal qui est en réalité l'intégralité du premier article ajouté par le Sénat. Nous vous proposons d'abonder ce qui est écrit et de rappeler le droit commun en détention – nous aurons ce débat très souvent. Les règles que respectent les personnes détenues ne sont pas assez de niveau législatif. Elles se présentent plutôt sous la forme de notes de service, de décrets, d'arrêtés ministériels, voire de circulaires.

Nous souhaitons respecter l'article 34 de la Constitution qui confie à la loi le soin de limiter la liberté dans les murs comme en dehors. Voilà pourquoi l'amendement n° 126 tend à préciser que les personnes détenues conservent tous les droits qui ne leur ont pas été retirés par la loi. C'est l'un des enjeux de ce débat : les détenus restent des citoyens, des personnes humaines à part entière dont les droits fondamentaux ne peuvent être méconnus – je reprends ce qu'a dit la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Ils sont tout autant des justiciables et des usagers. Cela affirme un principe.

Le rapporteur m'a dit en commission qu'il partageait mon point de vue, mais qu'une telle disposition n'était pas là au bon endroit et qu'elle devrait figurer à l'article 10. J'anticipe sa réponse, cela lui permettra corriger ce qu'il a dit. L'article 10 stipule que l'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits, mais je ne pense pas qu'il faille parler de l'administration pénitentiaire. Il faut affirmer un principe de droit commun : en prison on garde les mêmes droits qu'à l'extérieur, sauf, naturellement, la liberté d'aller et de venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Cet amendement a en effet été repoussé par la commission car il ne se trouve pas au bon endroit – vous m'avez devancé, monsieur Urvoas ! Nous sommes tout à fait d'accord sur le fond, à savoir l'extension des garanties des droits des détenus, qui est l'un des aspects majeurs de ce texte, mais c'est évidemment dans le chapitre III sur les dispositions relatives aux droits des personnes détenues, et en particulier à l'article 10, qu'il faut placer tout ce qui concerne ces garanties. Je précise d'ailleurs que, en tant que rapporteur, j'ai fait évoluer cet article dans le sens d'un plus grand respect du droit à la dignité des personnes détenues.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je veux rappeler que le principe des restrictions à certains droits et libertés est conforme à la jurisprudence de la convention européenne et de sauvegarde des droits de l'homme. Cela dit, cet amendement est ici mal placé. Je souhaite donc qu'il soit retiré, d'autant que nous en reparlerons plus tard.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Pour que chacun ait présentes à l'esprit les règles du débat, je rappelle que, au titre de l'article 56, alinéa 2, de notre règlement, « Le Président peut autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission. Lorsque l'avis du Gouvernement et celui de la commission sont identiques, un seul orateur peut être autorisé à répondre. »

Je donnerai donc généralement la parole à une personne défavorable à l'avis de la commission et du Gouvernement, et éventuellement à un orateur qui souhaite défendre la position inverse.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Un mot à ce propos, madame la présidente. Nous examinons dans le cadre de la procédure d'urgence un projet de loi considéré comme un texte fondamental. Or les dispositions de l'article 56 de notre règlement laissent peu de place à la discussion, qui, d'ailleurs, n'a pas vraiment eu lieu. La dernière réunion de la commission des lois, au cours de laquelle 800 amendements ont été examinés, a duré quatre heures et demie, ce qui ne nous a guère laissé le temps d'examiner les différentes propositions.

À l'appui de l'amendement n° 126 , je citerai l'étude publiée en novembre 2008 par la Commission nationale consultative des droits de l'homme et consacrée au projet de loi pénitentiaire. Puisque Mme la ministre d'État a fait référence à la Convention européenne, je la renvoie aux principes énoncés par le Conseil de l'Europe pour les règles pénitentiaires européennes. Ils stipulent que les « personnes privées de liberté conservent tous les droits qui ne leur ont pas été retirés selon la loi par la décision les condamnant à une peine d'emprisonnement ou les plaçant en détention provisoire », que « les restrictions imposées doivent être réduites au strict nécessaire et doivent être proportionnelles aux objectifs légitimes pour lesquels elles ont été imposées », que « la vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l'extérieur de la prison », et enfin que « la perte du droit à la liberté que subissent les détenus ne doit pas être comprise comme impliquant automatiquement le retrait de leurs droits politiques, civils, sociaux, économiques et culturels. » Ce sont pratiquement les termes du rapport Canivet, qui a été totalement oublié.

(L'amendement n° 126 n'est pas adopté.)

(L'article 1er A est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 596 portant article additionnel après l'article 1er A.

La parole est à Mme Jeanny Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Cet amendement vise à poser l'obligation de mettre en oeuvre tous les moyens appropriés pour une meilleure tenue des lieux de la détention. Dans sa mission de service public, l'État doit permettre la détention de tous les prisonniers dans des conditions respectueuses de la dignité humaine.

Pour avoir visité les prisons de mon département, comme mon statut de députée m'autorise à le faire, je peux affirmer que ni les détenus ni les surveillants n'y sont respectés dans leurs droits fondamentaux. Afin de régler de manière définitive une situation déplorable qui n'a que trop duré dans la plupart de nos prisons, il convient de mettre en place des outils permettant d'opérer le suivi des mesures arrêtées par la réforme.

Pour éviter que ne se reproduisent à l'avenir ces situations dénoncées par tous, qui sont une honte pour la République, je vous propose, par cet amendement, de restituer la garantie par la République française des droits fondamentaux dans tous les lieux de privation de liberté tant pour le personnel carcéral que pour les détenus, et d'évaluer l'action menée en ces lieux en matière de santé, d'encellulement, d'activité, de formation et de réinsertion sociale, en rendant publique périodiquement la diffusion de rapports.

L'état désastreux des lieux de privation de liberté est unanimement reconnu. L'adoption de l'amendement pourrait remédier à cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

La commission a rejeté l'amendement. Si nous sommes quasiment tous d'accord avec son contenu, puisqu'il s'agit d'un bref rappel des droits des détenus, je souligne que le projet de loi comporte près d'une centaine d'articles, et que la garantie des droits des détenus figure à l'article 10. Nous aurons donc ce débat ultérieurement. Pour aborder un sujet aussi important que les conditions d'incarcération, il importe de procéder avec ordre.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Les dispositions proposées figurent déjà dans d'autres articles de la loi.

Avis défavorable, à moins que Mme Marc ne retire l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mme Marc ne se montrant pas sensible à votre invitation, je mets l'amendement aux voix.

(L'amendement n° 596 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Étienne Pinte, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, hier soir, j'ai posé certaines questions…

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Je ne doute pas que l'examen de l'article 1er n'offre au Gouvernement la possibilité de remédier à cet oubli, puisque l'article porte notamment sur la nécessité de préparer l'insertion ou la réinsertion du détenu.

J'ai posé hier le problème du logement à la sortie de prison, qui doit impérativement être réglé en amont, faute de quoi un trop grand nombre de détenus se retrouvent à la rue. Je l'ai rappelé dans le rapport sur le logement social et sur l'hébergement d'urgence que j'ai remis au Premier ministre.

Quant aux relations des détenus avec leurs proches, notamment dans le cadre des visites, elles ne sauraient être réduites que dans des circonstances exceptionnelles, parce qu'elles participent elles aussi au lien avec le monde extérieur, que les détenus ont vocation à retrouver à l'issue de leur peine.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

L'article 1er énonce quelques principes incontestables sur le sens de la peine et les missions du service public pénitentiaire. Mais Mme la garde des sceaux déploie déjà des ruses pour en exonérer la puissance publique. L'une des plus choquantes est l'affirmation que la plupart des détenus ne seraient pas intéressés par l'encellulement individuel, alors qu'on leur propose en fait un choix illusoire, par lequel l'État se défausse.

Les conditions de formation, d'activité, de réinsertion, de ressources minimales, de détresse des malades mentaux et d'éloignement familial réduisant les visites relèvent d'une telle indigence que les attitudes qu'elles induisent ne peuvent être comprises que comme des appels au secours. Et que dire des fouilles au corps et des aménagements de peine ! Les conditions carcérales contredisent les principes affichés dans le texte, dont les déclinaisons pratiques relèvent davantage d'un esprit de vengeance que du sens de la justice. Les pétitions de principe du Gouvernement sont également démenties par la manière dont il présente la responsabilité de l'État.

Hier, le secrétaire d'État s'est dispensé de corriger certaines affirmations erronées, voire fallacieuses sur l'action des gardes des sceaux Mme Guigou et Mme Lebranchu entre 1997 et 2002. Ainsi, loin d'inscrire votre action dans la continuité de l'État, vous la limitez au balancier des alternances partisanes. C'est probablement que la justice, comme l'éducation, sont des domaines régaliens, dans lesquels s'affrontent nettement nos différences de conception de l'homme, de son devenir, des conditions de son émancipation et de la capacité de la société à s'élever au-dessus de ses peurs et de toute forme de rancoeur individuelle.

La perception que vous avez des Français dans ce domaine est profondément inexacte. Je n'ai pas le temps de rappeler votre politique de suppression des recettes des collectivités, qui limite leur possibilité de construire des écoles. Je ne peux donc pas vous renvoyer à Victor Hugo. Mais je vous assure que les Français sont infiniment plus généreux et plus mûrs que vous ne l'imaginez. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 236 .

La parole est à M. Michel Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Avec votre autorisation, madame la présidente, je défendrai en même temps l'amendement n° 237 , qui procède d'une même conception du rôle des services d'insertion et de probation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je commencerai cependant par une mise au point. Tout à l'heure, vous vous êtes manifestement adressée à moi en rappelant les règles qui régissent nos débats. Mais, au-delà de la règle, il y a l'interprétation qu'on en fait dans telle situation particulière.

Pouvais-je imaginer, en présentant l'amendement n° 235 , que le rapporteur allait citer l'article 32 ? Or celui-ci porte sur tout autre chose que sur des principes, quand il précise que « la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28. » C'est pourquoi je souhaitais aborder la question des principes à l'article 1er.

J'en viens aux amendements nos 236 et 237 .

Puisque le service public pénitentiaire ne se limite pas à l'exécution des peines dans les établissements pénitentiaires, ces amendements de précision visent à reconnaître l'importance des missions qu'il effectue avant, pendant et après l'exécution de la peine. Ils proposent donc d'ajouter que, s'il veille à l'exécution des décisions pénales, ce service les prépare, par des enquêtes rapides effectuées par les services pénitentiaires d'insertion et de probation, avant la comparution, et par diverses mesures intervenant avant la sentence. Il faut rappeler que le service public pénitentiaire mène des missions de service public extra muros par le biais de la probation, en faisant référence, dans le corps de l'article 1er, aux services d'insertion et de probation.

Si le pays compte plus de 60 000 détenus, les SPIP doivent également prendre en charge environ 125 000 personnes condamnées à d'autres peines comme les travaux d'intérêt général ou le sursis avec mise à l'épreuve. Ces amendements visent donc à valoriser le service public pénitentiaire et à favoriser les alternatives nécessaires à l'incarcération.

Je n'oublie pas, monsieur le rapporteur, vos propos devant la commission. Vous avez consulté le SNEPAP FSU, syndicat des personnels pénitentiaires, qui a rappelé le rôle fondamental des SPIP en matière d'aide à la décision des magistrats. Les connaissances des personnels d'insertion et de probation en matière d'individualisation des peines, ainsi que leur compétence en matière de diagnostic et d'évaluation des personnes sous main de justice, leur permettent de concourir à la recherche de la peine la plus adaptée. Ils peuvent ainsi apporter des éléments permettant d'éviter une incarcération ou de prononcer un aménagement de peine ab initio, comme l'a reconnu le rapport de l'Inspection générale des services judiciaires de mars 2009.

La prévention de la récidive, à laquelle le rapporteur est si attaché, commence par la détermination de la sanction la plus adaptée. Le rôle de préparation vient donc en complément de celui de l'exécution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Monsieur Vaxès, puisque vous avez cité l'article 32, j'aurais aimé que vous en rappeliez aussi le début, qui dispose qu'« en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours ».

Ce que j'ai dit reste donc valable.

Pour ce qui est de vos amendements, ils traduisent une confusion sur les missions, très importantes, du service public pénitentiaire : n'y entre pas la préparation des décisions pénales, travail qui revient aux greffes des juridictions. La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 236 .

Quant à l'amendement n° 237 , il est inutile de rappeler que, bien sûr, le service public pénitentiaire concerne le milieu ouvert comme le milieu fermé. L'avis de la commission est donc également défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Même avis que le rapporteur : ces précisions ne sont pas utiles.

J'en profite pour répondre aux questions qu'a posées tout à l'heure et hier soir M. Pinte, dont le rapport sur les conditions de sortie de prison a fait date. Il a insisté sur le logement. Dans ce domaine, je tiens à préciser que le Gouvernement a lancé une action pilote dans huit départements pour procurer des logements adaptés aux personnes sortant de prison. Mme la garde des sceaux a rencontré il y a quelques jours Martin Hirsch pour examiner les réponses que nous pouvions apporter sur cet aspect en ce qui concerne les plus jeunes, ainsi que sur le travail et l'insertion. Cette question nous tient très à coeur.

Il a aussi insisté sur le rôle des liens entre le détenu et sa famille pour contribuer à un bon état d'esprit et à préparer la sortie. Bien entendu, le rapport entre parents et enfants ne peut être mis en cause que de façon tout à fait exceptionnelle et motivée. Avec Mme la garde des sceaux, nous y veillerons.

Madame Taubira, j'ai trop d'estime pour vous pour revenir sur les présupposés idéologiques que vous nous avez imputés. Quant à l'humanité et à l'attention portée aux personnes concernées, je ne pense pas que nous ayons à nous renvoyer notre sensibilité à la face. S'agissant de la question précise des ressources, je mentionne un élément nouveau en faveur des plus humbles : nous avons introduit un article 13 qui prévoit une aide en nature et en numéraire pour les détenus en situation de précarité, ce qui va au-delà de la règle européenne n° 4 et traduit, je crois, notre état d'esprit. Mieux vaut donc travailler ensemble que nous donner des leçons.

(L'amendement n° 236 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 79 .

La parole est à M. Christian Vanneste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Si vous le permettez, je présenterai également l'amendement n° 80 , dont le sort dépend, de toute façon, du précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Ils touchent à un aspect essentiellement philosophique, que nous avons évoqué à plusieurs reprises, celui du sens et du symbole, dans la mesure où la justice est le domaine par excellence où, depuis Platon, la République prend toute sa valeur. Par l'amendement n° 79 , je veux rendre à la sécurité publique sa place, c'est-à-dire la plus haute dans le domaine de la justice. En commission, le rapporteur m'a dit que mon amendement était satisfait par l'article 1er A. Or celui-ci ne parle absolument pas de sécurité publique, mais de protection de la société, et avec des limites qui ne me satisfont pas : d'abord il s'agit de concilier la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime comme si tout cela était sur le même plan ; ensuite, la notion de protection de la société ne recouvre absolument pas la sécurité publique. Elle sous-entend en effet qu'il y a d'un côté la société, et de l'autre des individus qui pourraient chercher à lui porter atteinte. Elle fait de la société une « chose » à protéger.

Or la sécurité n'est pas une chose, c'est une valeur, et même l'une des premières valeurs républicaines. Référons-nous aux philosophes du XVIIIe siècle. Pour Montesquieu, la première des libertés pour un citoyen, c'est la sûreté, c'est-à-dire la sécurité, qui doit donc figurer en tête de la loi. Et Rousseau dans le Contrat social, nous dit qu'il consent à être puni, tout simplement pour ne pas risquer de devenir à son tour victime d'un agresseur. Sous cette notion de sécurité publique, il ne faut donc pas distinguer d'un côté la société et de l'autre ceux qui portent atteinte à ses valeurs : tous les individus sont à la fois des citoyens qui demandent qu'il y ait une justice et, potentiellement, des délinquants qui doivent subir cette justice pour que la société soit mieux protégée.

Dès lors, la sécurité publique doit figurer en tête. On ne peut, comme dans la deuxième phrase de l'article 1er, écrire que le service public pénitentiaire « contribue à l'insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique… ». Il faut dire dès la première phrase que « le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions pénales et à la sécurité publique ». C'est dans ce cadre que, ensuite, on doit reconnaître le droit des personnes et penser à prévenir la récidive. Dans le texte en l'état, on ne parle de la sécurité publique qu'en troisième position, comme si c'était un objet secondaire. C'est qu'on entend par là sécurité intérieure, laquelle n'est qu'un des éléments du service pénitentiaire. Le service pénitentiaire doit, effectivement, veiller à faire respecter les droits des personnes, prévenir la récidive, et assurer l'ordre…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

… y compris la sécurité des détenus : cela fait partie de la sécurité intérieure. Si je suis un peu long, madame la présidente…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Vanneste, je vous rassure, vous avez déjà disposé du temps nécessaire pour présenter vos deux amendements. Je vous remercie donc de conclure.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Pour conclure, mon amendement n° 80 consiste à remplacer sécurité « publique » par sécurité « intérieure ». N'inversez pas les valeurs, je vous prie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Nous en sommes tous d'accord, monsieur Vanneste, les questions de sécurité sont essentielles et nous en parlerons tout au long de ce débat. Moi-même, lors de la discussion générale, j'ai dit quelle était ma conception de la sanction et de sa valeur pédagogique. Mais en commission, je n'ai pas fait référence à l'article 1er A. J'ai fait référence, évidemment, à l'article 1er. Il y est dit très clairement que le service public pénitentiaire participe notamment « à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues. ».

En réalité, votre critique porte sur le fait que dans l'énumération de la deuxième phrase, on cite l'insertion avant la sécurité publique. Sur le plan juridique, cette position dans la phrase ne change strictement rien. Le service public pénitentiaire participe bien à la sécurité publique. D'ailleurs, l'article 4 bis porte que les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire sont une des forces dont dispose l'État pour assurer la sécurité intérieure. Celle-ci n'est donc nullement reléguée au second plan. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

La préoccupation de M. Vanneste est déjà satisfaite par le texte. L'ordre des mots, qui de toute façon n'a jamais de portée hiérarchique, a une certaine logique : empêcher la récidive participe à la sécurité publique.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

L'absence de récidive permet de garantir la sécurité publique, c'est ce qu'il faut faire comprendre à tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

M. Vanneste a, un peu laborieusement, fait appel aux philosophes du XVIIIe siècle, mais il en déforme la pensée. Il met en avant un concept extrêmement dangereux, en s'attaquant à l'insertion ou à la réinsertion des personnes détenues. D'abord, le texte dit clairement que l'emprisonnement est un maillon de la chaîne pénale. Ce sont les tribunaux, c'est le juge qui punit ; la prison n'est pas la punition, elle n'est que le lieu d'exécution d'une peine, et je ne vois pas pourquoi on devrait en faire un auxiliaire des forces de police. Certes, il faut en empêcher les évasions – et ce n'est pas facile en ce moment – mais il n'y a pas de raison de lui donner une fonction supplémentaire.

En revanche, je trouve très positif de rappeler avec force les missions d'insertion et de réinsertion de l'administration pénitentiaire. C'est une évidence, plus on facilitera l'insertion ou la réinsertion d'un détenu, moins il sera sujet à récidiver. C'est ce que dit le texte, et nous l'approuvons.

Monsieur Vanneste, vous avez de la prison et du rôle des forces de sécurité une conception extrêmement « lombrosienne » qui débouche sur une véritable logique d'élimination sociale. Je ne suis pas surpris que vous la mettiez en avant, avec votre talent pour la provocation, mais c'est extrêmement grave sur un plan philosophique et je croyais que nous en étions débarrassés depuis plus d'un siècle. La prison, comprenez-le, n'est pas un moyen de vengeance, mais simplement un mal nécessaire pour des gens qui ont rompu le contrat social, puisque vous citiez Rousseau.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Vous faites un contresens complet.

(L'amendement n° 79 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 253 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il est réconfortant de constater qu'un certain nombre de membres de la majorité viennent de voter contre l'amendement présenté par M. Vanneste. En effet, le malheur de ce gouvernement et du garde des sceaux est d'être pris en otage par la partie la plus conservatrice de la majorité, dont M. Vanneste est un des dignes représentants…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Mais, puisque vous citez Montesquieu, monsieur Vanneste, il a aussi écrit dans l'Esprit des lois sur la séparation des pouvoirs, et nous sommes ici pour la faire vivre. Si nous présentons des amendements sur le service public pénitentiaire, c'est que les modifications que ce texte prétend apporter à la loi de 1987 ne donnent pas de réel éclaircissement sur le sens de l'exécution de la peine. Comme l'a dit M. Blisko, la prison n'est que le lieu d'exécution d'une peine décidée par le juge, après débat contradictoire – et cette peine est individualisée, même si c'est un aspect que votre politique pénale a remis en cause, notamment avec les peines plancher et cette ignominie que constitue la rétention de sûreté.

Nous ne sommes pas ici pour donner des leçons de morale, mais pour procéder à des constats. Or il demeure dans ce texte une confusion entre l'insertion et la surveillance, et la prétendue séparation entre le milieu ouvert et le milieu fermé reste très artificielle.

Finalement, lorsque l'on regarde comment ce projet de loi s'articule, il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour constater que vous donnez raison à M. Vanneste. Ainsi, vous insistez pour instaurer encore un peu plus de sécurité. Nous avons même entendu quelques collègues se plaindre en commission des lois qu'il soit possible d'aménager les peines pour les détenus condamnés à moins de deux ans de prison ! Pour vous, la sécurité prime sur la réinsertion ; mais, avec cette logique, les détenus qui sortiront risquent de récidiver et de représenter un danger pour la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Monsieur Mamère, selon vous, nous serions « prisonniers » ; s'agissant du projet de loi pénitentiaire, le terme est sans doute mal choisi…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur Garraud, j'ai dit « otages » ; ce n'est pas pareil !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Vous souhaitez préciser dans l'article 1er que le service public pénitentiaire contribue à l'insertion ou la réinsertion « par des activités d'enseignement, de formation et de travail ». Cette préoccupation est pleinement légitime, toutefois, si nous devions énumérer toutes les voies possibles de l'insertion – dont le champ dépasse de beaucoup les seules activités que vous citez –, la liste serait nécessairement incomplète. Il convient donc de ne pas alourdir l'article 1er en adoptant une telle rédaction.

La commission émet un avis défavorable à votre amendement.

Par ailleurs, je ne répondrai pas à vos propos relatifs à la loi de rétention de sûreté. Je suis un peu à l'origine de ce texte,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

…et, en tant que rapporteur du projet de loi pénitentiaire, je trouve qu'il y a une grande cohérence entre ces deux réformes ; je m'en expliquerai un peu plus tard dans le débat.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Monsieur Mamère, le texte présenté par la majorité à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir est audacieux et équilibré. Il constitue d'ores et déjà un progrès ; il n'est, en aucun cas, réductible à je ne sais trop quelle dérive droitière ou gauchisante.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Ensemble, nous continuerons à l'améliorer.

Quant à votre amendement, monsieur Mamère, le Gouvernement émet un avis défavorable pour les raisons fort bien présentées par le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je défends l'amendement de M. Mamère, dont l'enjeu est symbolique.

Nous commençons seulement l'examen du projet de loi, et nous aborderons ultérieurement la question des droits, ou des prétendus droits. L'article 1er traite de la réinsertion, or le but de la prison est bien de faciliter la réinsertion des prisonniers et, à ce titre, l'enseignement, la formation et le travail seront utiles.

Je rappelle à notre collègue Vanneste, qui nous invitait à nous poser des questions philosophiques, que notre système carcéral a toujours hésité entre deux tentations. Son objet est-il de punir un acte ? Dans ce cas, nous devons aller au terme d'un raisonnement philosophique rigoureux. Kant proposait ainsi, in fine, de rétablir la loi du talion. Son objet est-il de punir un homme ? Dans ce cas, la période d'enfermement doit servir à la réinsertion ; elle doit être tournée vers l'avenir.

Il va de soi que, pour notre part, nous sommes partisans de cette dernière philosophie qui imprégnait d'ailleurs largement la réforme Amor. Toutefois, nous le constatons aujourd'hui, certains sont parfois tentés de revenir à la culture du cachot, selon laquelle la prison est un châtiment et une expiation.

Telle n'est pas notre conception. C'est la raison pour laquelle, à chaque fois que des amendements de cet acabit seront présentés, nous nous y opposerons avec la détermination que nous avons annoncée hier. Celle-ci se fonde sur la volonté de participer à l'élaboration d'un texte utile, ce que n'est malheureusement pas, en l'état, le projet de loi du Gouvernement.

(L'amendement n° 253 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 80 de M. Christian Vanneste, qui a déjà été présenté et sur lequel la commission et le Gouvernement ont donné un avis défavorable.

(L'amendement n° 80 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 237 de M. Michel Vaxès, qui a déjà été soutenu et sur lequel la commission et le Gouvernement ont donné un avis défavorable.

(L'amendement n° 237 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 238 et 256 .

La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 238 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Cet amendement vise à réinscrire dans l'article 1er de ce projet de loi que le service public pénitentiaire « garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne ». Nos collègues sénateurs avaient voté cette disposition, et nous ne souhaitons pas revenir sur cette décision.

Nous avons bien compris que le Gouvernement ne veut pas « brouiller son message de fermeté ». Mais, supprimer, dans l'article 1er du projet de loi, la garantie apportée aux détenus que leurs droits fondamentaux seront respectés s'apparente à une véritable provocation.

Certes, il est fait mention de cette garantie à l'article 2 bis du projet de loi, mais ce dernier article est relatif au contrôleur général des lieux de privation de liberté. Ainsi, la garantie du respect des droits les plus élémentaires de la personne humaine ne semble donc plus relever de l'administration pénitentiaire, mais du contrôleur général. Un tel glissement sémantique est lourd de signification.

En effet, l'institution pénitentiaire serait couverte pour tout ce qui concerne les atteintes aux droits de l'homme, du seul fait de l'existence du contrôleur général. Et peu importe que ce dernier soit seul pour contrôler 5 500 lieux de privation de liberté ; peu importe que lui soit refusé tout pouvoir de décision ou d'injonction !

Il est important d'inscrire dans notre projet de loi que le respect des droits fondamentaux de la personne relève des missions et de l'organisation du service public pénitentiaire. Il s'agit pour nous d'une question de principe et non d'un amendement subversif : nous voulons tout simplement mettre notre droit en stricte conformité avec le droit communautaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Noël Mamère pour soutenir l'amendement identique n° 256 .

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cet amendement vise à faire du détenu un sujet de droit dans l'esprit du rapport Canivet, remis en 2000 par le président de la Cour de cassation.

La majorité, après que le ministre de l'intérieur issu de ses rangs est devenu Président de la République, n'a eu de cesse, loi après loi, dans une espèce de diarrhée législative, de faire reculer tant les droits de la personne que nos libertés. Comme vient si bien de le dire notre collègue Urvoas, elle considère que la prison est un lieu de punition et d'expiation.

Nous ne pouvons pas accepter une telle idée. Elle est dangereuse pour la société et explique que les prisons et le système carcéral de notre pays soient dénoncés par toutes les institutions. Je citerai le dernier rapport du Comité européen pour la prévention de la torture qui a évoqué les « conditions indignes et humiliantes imposées aux détenus ».

Il ne s'agit pas de faire l'apologie de ceux qui ont contracté une dette envers la société, mais de constater qu'ils doivent pouvoir être réinsérés dans la collectivité. Un état de droit n'est jamais aussi grand que lorsqu'il affirme à la personne qu'il condamne : « je respecte vos droits ». Il engage alors cette dernière à respecter la société à l'issue de sa détention. Mais, dans le projet de loi qui nous est soumis, tel n'est pas le cas ; c'est pourquoi, conformément à la Convention du Conseil de l'Europe, et à la Convention européenne des droits de l'homme, nous rappelons la règle essentielle du respect des droits fondamentaux. Lorsqu'une personne qui a commis un délit ou un crime est emprisonnée, elle doit continuer d'être un citoyen et bénéficier des droits inhérents à ces derniers.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Ces amendements ont été rejetés par la commission.

Je ne répondrai pas aux provocations de M. Mamère, mais je précise qu'il n'y a aucune intention maléfique dans le fait d'avoir supprimé, dans l'article 1er, la garantie pour tout détenu « du respect des droits fondamentaux inhérents à la personne ». En effet, nous retrouverons cette garantie tout au long de nos débats puisqu'elle est affirmée à plusieurs reprises dans le projet de loi.

C'est le cas à l'article 2 bis, mais surtout à l'article 10 qui précise : « L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. » Il s'agit là d'une obligation positive que j'ai tenu à mettre à la charge de l'administration pénitentiaire.

Ne nous faites donc pas de mauvais procès !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles invoquées par le rapporteur.

Monsieur Vaxès, je vous précise que le contrôleur général des lieux de privation de liberté ne travaille pas seul mais qu'il est assisté par dix-sept collaborateurs.

Monsieur Mamère, en vous écoutant, j'ai parfois le sentiment que si nous parlons la même langue, nous ne parlons pas du même texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je ferai quelques observations afin de soutenir ces deux amendements.

Ce projet de loi pénitentiaire nous est présenté comme un texte fondamental qui révolutionnera l'application de la peine. Il est donc important, ne serait-ce que pour des raisons symboliques, d'affirmer, dès les premières lignes, que l'administration doit aussi garantir les droits de ceux qu'elle détient.

Cela est d'autant plus important que l'État français a déjà été condamné à plusieurs reprises par des tribunaux administratifs à indemniser des détenus en raison de leurs conditions de détentions. Il a donc été constaté judiciairement que les droits des détenus n'étaient pas garantis. Par ailleurs, la promiscuité qui règne en prison, ce que nul ne conteste, ne permet pas d'apporter cette garantie. Quant à la sécurité des détenus à l'intérieur des établissements pénitentiaires, elle n'est pas toujours assurée, et nous savons combien il est parfois difficile de protéger les détenus contre certaines violences.

L'inscription de la mention relative aux droits fondamentaux dans l'article 1er ne changera pas immédiatement la réalité ; elle est toutefois symboliquement utile, juste et nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je m'exprimerai contre les amendements.

Je ne remets pas en question leur finalité. En effet, monsieur Mamère, nous partageons la même exigence en matière de dignité de la personne privée de liberté. Cependant, il s'agit du septième amendement à l'article 1er défendu par l'opposition sur le sujet, alors que le rapporteur et la majorité répètent que le souhait exprimé est satisfait par la rédaction de l'article 10 du projet de loi pour lequel nous avons pris en compte l'exigence du respect de la dignité de la personne privée de liberté.

Ce débat s'engage très mal. Nous avons le sentiment que seule l'opposition serait préoccupée par la dignité des personnes privées de liberté. Il s'agit pourtant du fondement même et de l'objet de ce projet de loi. Vous évoquez systématiquement les textes européens ou les mécanismes de contrôle qui existent bien, mais, je le répète, nous partageons le même objectif, et il est satisfait grâce à l'article 10.

(Les amendements identiques nos 238 et 256 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 255 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cet amendement pose le problème des cellules ouvertes et du régime différentiel que vous avez l'intention de légaliser dans ce projet de loi – ce que nous combattrons.

Nous avons les uns et les autres visité des maisons d'arrêt ou des centres de détention. Avant-hier, je me suis rendu dans un centre de détention qui, sur un total de 651 cellules, compte 50 cellules fermées dans lesquelles les détenus passent près de vingt heures sur vingt-quatre, sans aucune activité culturelle, sportive ou professionnelle.

Pour ce qui concerne les personnes détenues dans des cellules ouvertes qui peuvent participer au « service général » ou à des activités de travail, le directeur du centre de détention constate que l'on ne propose pas assez de travaux dans les ateliers et qu'un certain nombre de détenus restent oisifs, alors même qu'ils devraient pouvoir profiter de ces activités pour préparer leur réinsertion.

Notre amendement vise à ce que les missions du service public pénitentiaire soient applicables de manière uniforme. Elles ne doivent plus relever du flou actuel. Il favorise en effet des pratiques très différentes, et donc des disparités entre les établissements, qui sont incompatibles avec le fait que l'administration pénitentiaire est un service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Cet amendement a été rejeté par la commission. Ainsi que je l'ai indiqué hier lors de mon intervention à la tribune, je suis le premier à dire que le détenu doit travailler. Du reste, le projet de loi crée une obligation d'activité. Il est en effet essentiel que le détenu ne reste pas oisif dans sa cellule, le travail étant le meilleur gage de sa réinsertion. J'ajoute que le texte prévoit que des expériences pilotes seront menées avec les collectivités territoriales, en particulier avec les régions, afin d'accroître le nombre des propositions faites aux détenus en matière de formation.

Mais votre amendement, monsieur Mamère, vise à imposer à l'administration pénitentiaire l'obligation de garantir l'accès au travail. Or on ne peut soumettre celle-ci à une telle obligation, dès lors que la proposition de travail dépend de la conjoncture économique. L'administration ne peut pas être tenue pour responsable des variations de l'activité économique nationale.

Néanmoins, toutes les mesures concernant le travail seront amplifiées, puisque, je le rappelle, le texte crée une obligation d'activité pour les détenus. Avis défavorable à l'amendement.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

L'accès au travail, à l'enseignement et aux activités physiques et culturelles fait partie des missions de réinsertion, et cela est déjà prévu par le texte. Si l'on allait plus loin, on prendrait des mesures qui ne correspondent ni à l'esprit du texte ni à la réalité. Or je ne veux pas que l'on vote des lois inapplicables parce qu'imposant des contraintes irréalistes, comme vient de l'expliquer le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Nous voulons donner des garanties aux détenus et fixer des orientations à l'administration pénitentiaire. Or, avec cet amendement, nous sommes au coeur de la mission de réinsertion qui incombe à l'administration. Pour qu'elle l'exécute de manière satisfaisante, il ne suffit pas de lui demander de proposer des activités aux détenus si cela est possible ; il faut lui donner des indications précises et utiles. Le temps de la peine doit être utilisé pour remettre le détenu sur le bon chemin, en lui donnant des habitudes de travail qui lui seront utiles lorsqu'il sortira. Si nous considérons que cette orientation nouvelle est importante, il faut l'inscrire expressément dans le texte, afin que l'administration pénitentiaire puisse s'y référer.

(L'amendement n° 255 n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je souhaiterais souligner une difficulté que me semble recéler l'article 2. Celui-ci définit en effet les fonctions qui doivent être assumées par l'administration pénitentiaire et celles qui peuvent être déléguées à des personnes de droit public ou privé. Or il semble que les fonctions actuelles du SPIP pourraient entrer dans la seconde catégorie. Ce serait une erreur importante, car les missions du SPIP, qui effectue le suivi des personnes exécutant leur peine en dehors de la prison, relèvent de fonctions régaliennes. Si elles pouvaient être déléguées, cela signifierait qu'elles n'ont plus de caractère régalien et ce serait donner en quelque sorte raison à l'aile droite de la majorité, qui est opposée aux aménagements de peine. J'insiste sur le fait que la délégation des missions du SPIP affaiblirait considérablement nos efforts en faveur de la définition d'une pénalité nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'article 2 définit les principes fondamentaux qui régissent l'organisation du service public pénitentiaire et confirme la possibilité de recourir à une gestion mixte pour tout ce qui ne concerne pas les missions régaliennes. Insistant sur cet aspect, notre rapporteur a précisé que cette méthode « a permis, sur de nombreux points de la gestion quotidienne des établissements, de réels progrès et des économies certaines ».

Cette observation mérite d'être commentée, car il ne faudrait pas laisser croire que la gestion privée serait la panacée. Je ne prendrai qu'un exemple, celui de la restauration, en vous citant quelques extraits de la lettre d'un détenu, très révélateurs de certaines situations : « Je tenais à vous informer de notre combat à la maison d'arrêt pour pouvoir nous alimenter correctement. Effectivement, la société qui gère les cantines, ainsi que leurs prix exorbitants, s'occupe également de l'élaboration des repas ainsi que de leur fabrication. Nous sommes dans une situation catastrophique. Beaucoup de détenus ont faim et, avec le temps, on perd du poids. Une altercation a même eu lieu entre un surveillant et un responsable de la société. Le premier lui a dit qu'il devrait avoir honte, qu'il n'oserait pas donner ça à son chien, compte tenu de l'odeur à l'ouverture des barquettes. Sur les bons de cantine, il n'y a ni viande, ni pâtisseries. Depuis que je suis ici, je n'ai jamais eu une seule fois de la viande. »

Je veux croire que ce témoignage reflète une situation extrême et rare. Mais il pose tout de même la question de savoir de quelles économies on parle. Sont-ce les économies faites sur le dos des détenus, comme on pourrait le penser à la lecture de nombreux témoignages sur leur vie quotidienne ? Nous avons, pour notre part, toujours protesté contre l'introduction progressive du privé dans la gestion du service public pénitentiaire. Il apparaît en effet qu'elle n'est pas en mesure de fournir des prestations de qualité aux détenus et qu'elle aggrave même leurs conditions de détention, déjà extrêmement préoccupantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous en venons à l'examen des amendements à l'article 2.

Je suis saisie d'un amendement n° 257 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ainsi que l'a indiqué notre collègue Raimbourg, le service pénitentiaire est une fonction régalienne, qui comprend la surveillance, le greffe et la direction, lesquels doivent être exercés par des agents du service public. Or nous savons – car ce point n'est pas précisé dans le texte – que tout ce qui concerne l'insertion et la probation risque d'être délégué au privé. En outre, le projet de loi minimise le rôle du juge d'application des peines au profit du SPIP, composé de personnels pénitentiaires, dont il ne fera que valider les décisions.

Cette privatisation rampante du secteur pénitentiaire suscite notre inquiétude. Ainsi, je rappelle qu'un certain nombre de centres de détention sont déjà construits par le privé, auquel sont également déléguées plusieurs activités, notamment l'alimentation des détenus.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, nous estimons qu'il faut, non pas imposer aux détenus une obligation de travailler, mais obliger l'administration pénitentiaire à leur proposer un certain nombre d'activités. J'ajoute que je fais une différence entre travail et formation et que, si le marché du travail est en crise, ce n'est pas le cas de celui de la formation, qui est une nécessité au regard de la réinsertion.

L'article 2 est donc inquiétant, car il est le signe d'une privatisation rampante du secteur pénitentiaire, ce qui serait encore plus dangereux pour notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Monsieur Mamère, puisque vous n'avez pas défendu l'amendement n° 257 , préférant faire le procès du privé, je vais le faire à votre place. Cet amendement vise à rédiger ainsi la fin de l'alinéa 1 de l'article 2 : « Les autres services de l'État et les collectivités territoriales y assurent les missions qui sont les leurs sur tout le territoire national. » Or, dans votre rédaction, vous oubliez de mentionner d'autres acteurs très importants de la mission de réinsertion du service public pénitentiaire – les associations et d'autres personnes de droit public et privé –, qui figurent précisément à l'article 2. Cet amendement a été rejeté par la commission. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Même avis que la commission. À M. Mamère et M. Raimbourg, qui s'interrogent sur le point de savoir si certaines fonctions du SPIP peuvent être déléguées, je souhaiterais répondre que c'est déjà le cas dans certaines circonstances. Je citerai deux exemples : certaines missions du contrôle judiciaire et les permanences d'orientation pénale sont déléguées à des associations. J'ignore si M. Mamère juge contraire à ce qu'il conviendrait de faire la pérennisation de ces délégations. Quoi qu'il en soit, nous pouvons tous témoigner, en tant qu'élus locaux, combien ces associations, qui font souvent un travail formidable, sont complémentaires des missions de service public, sans jamais se substituer aux missions primordiales des SPIP.

Par ailleurs, je répondrai à Mme Fraysse que 50 millions de repas sont délivrés chaque année et soumis au contrôle strict des services sanitaires. Que leur qualité ne soit pas toujours parfaite, nous le reconnaissons bien volontiers et nous savons qu'il existe une marge de progression dans ce domaine. Toutefois, croyez bien, madame Fraysse, que le respect des normes fait l'objet de la plus grande attention.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je souhaite m'exprimer contre l'amendement n° 257 . Monsieur Mamère, je vous invite à voter les budgets de la justice, qui, depuis sept ans, croissent, chaque année, de près de 5 %, ce qui permet à l'administration pénitentiaire de bénéficier d'une augmentation de 7 à 8 % de ses moyens.

On met en cause cette administration en lui reprochant de ne pas offrir aux détenus les moyens de travailler. Mais il y a 62 000 détenus pour 48 000 places : l'administration pénitentiaire fait avec les moyens dont elle dispose ! Les principes que vous défendez sont, certes, louables, monsieur Mamère. Mais la garde des sceaux vous a répondu en indiquant qu'elle se refusait à approuver des amendements inapplicables.

Le projet de loi prévoit d'associer, dans le cadre d'expérimentations, les régions à l'offre d'accès au travail. Vos amis président vingt régions sur vingt-deux. Nous verrons bien quelles sont celles qui participeront à cette expérimentation et qui faciliteront l'accès au travail dans le monde pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Nous ne contestons pas la qualité du travail effectué par les associations qui participent à la réinsertion des détenus. Nous disons simplement qu'il importe que la fonction régalienne du SPIP, chargé de l'exécution de la sanction – et non de l'insertion –, soit maintenue. Ce qui nous dérange, c'est que cette fonction puisse être déléguée au privé, car nous y voyons une atteinte symbolique qui affaiblit l'élaboration d'une nouvelle pénalité, à laquelle nous sommes très attachés.

(L'amendement n° 257 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 127 .

La parole est à Mme Laurence Dumont.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Nous souhaitons profiter de toutes les occasions qui nous seront données lors de ce débat pour insister sur une idée fondamentale, celle selon laquelle la privation de liberté doit se limiter à la privation de la liberté d'aller et venir, tous les autres droits devant être préservés en prison.

L'amendement n° 127 a pour objet d'inscrire ce principe dans le texte en précisant, afin d'éviter toute ambiguïté, que les dispositifs de droit commun s'appliquent en prison et que leur accès est garanti par l'administration pénitentiaire – qui s'en voit, dès lors, confier la responsabilité. Il lui appartient donc, dans la mesure où les droits relèvent aussi d'autres intervenants publics ou privés – collectivités locales, associations ayant vocation à intervenir – d'apporter toute diligence pour que le détenu puisse effectivement conserver les droits et prérogatives dont il n'a pas été privé par jugement.

Nous sommes tous tombés d'accord, à l'article 1er, sur la phrase : « Le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions pénales ». Cela implique, selon nous, qu'il ait à garantir que ce qui ne figure pas dans la décision pénale ne soit pas mis à mal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Cet amendement aurait pour effet, s'il était voté, de mettre à la charge de l'administration pénitentiaire la mission de garantir le fonctionnement d'autres administrations, ce qu'elle ne peut évidemment pas faire. Il est indispensable – et d'ailleurs fréquent – que des partenaires de l'administration pénitentiaire, notamment d'autres administrations, interviennent au sein de celle-ci en matière d'éducation, de formation, d'emploi, d'accès au droit. En revanche, imposer à l'administration pénitentiaire de contrôler les autres administrations intervenant dans les prisons nous semble juridiquement impossible. C'est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je suis défavorable à cet amendement car j'estime qu'il est inutile d'évoquer de manière générale, et donc imprécise, l'accès à des dispositifs qui se trouvent exposés de façon précise et détaillée ailleurs dans le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Contrairement à ce que vient de dire Mme la garde des sceaux, il nous paraît important de préciser de manière générale les principes garantis par le service public pénitentiaire, notamment le principe de l'encellulement individuel, qui figure à l'article 716 du code pénal.

L'un des amendements déposés par le rapporteur vise à remettre en cause le principe de droit commun de l'encellulement individuel, au motif que le choix du détenu est probablement de ne pas être seul dans sa cellule. Alors que nous en sommes aux prémices du débat sur ce sujet, je souhaite que nous recevions un complément d'information de la part de la garde des sceaux. Mme Dati avait pris – le 12 juin 2008, me semble-t-il – un décret selon lequel les détenus qui en feraient expressément la demande seraient placés dans une cellule individuelle ; une circulaire d'application fut également prise le 25 juin 2008. Avant que nous n'abordions cette question à l'article 49 du texte, je souhaite que nous puissions disposer d'une évaluation du décret et de la circulaire d'application, précisant dans quelle mesure les détenus ont pu mettre en oeuvre cette disposition durant l'année qui vient de s'écouler.

(L'amendement n° 127 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 239 .

La parole est à M. Michel Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Cet amendement concrétise la réflexion qu'ont faite précédemment M. Raimbourg et M. Mamère. Il est précisé, à l'alinéa 2 de l'article 2 du projet de loi, que seules les fonctions régaliennes de direction, de surveillance et de greffe des établissements pénitentiaires échappent à la possibilité d'être déléguées au privé. Les services pénitentiaires d'insertion et de probation ainsi que les fonctions de préparation, d'aménagement, de contrôle et de suivi des peines, ne bénéficient donc pas de la même garantie.

L'amendement n° 239 a pour objet d'inclure ces missions dans la liste de celles qui ne peuvent pas être déléguées. Nous considérons en effet qu'il n'est pas acceptable, dans l'esprit du texte, de considérer que l'exécution des peines, des mesures privatives et restrictives de libertés et de droits ne constituent pas des missions régaliennes de l'État, donc de la puissance publique.

Les associations concernées font un excellent travail, et je ne suis absolument pas convaincu du fait qu'elles refuseraient d'être intégrées dans les services publics, ce qui leur garantirait la pérennité des subventions qui leur sont accordées – alors que plusieurs d'entre elles sont fort inquiètes, à l'heure actuelle, de la manière dont évoluent les choses. C'est pourquoi je pense que cet amendement permettrait une plus grande cohérence et une plus grande sécurité juridique et financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

L'article 2 définit très clairement ce qui est régalien et ce qui ne l'est pas. Ainsi, les fonctions régaliennes de direction, de surveillance et de greffe des établissements pénitentiaire sont assurées par l'administration pénitentiaire. Les services pénitentiaires et de probation accomplissent un travail très important dans le cadre des missions qui leur sont confiées, notamment par l'autorité judiciaire. Affirmer, comme l'a fait M. Vaxès, que les partenaires participant aux missions de réinsertion devraient être intégrés à la part régalienne, est totalement inapproprié : cela revient à proposer que les associations soient nationalisées !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Non ! Qu'elles fassent partie du service public !

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Je ne pense pas que les associations concernées souhaiteraient être intégrées au service public : à mon avis, elles préfèrent conserver leur liberté.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Vous pouvez effectivement leur poser la question. Qu'il y ait des discussions sur le financement de missions nouvelles, c'est normal, mais je ne pense pas qu'elles aient l'intention de renoncer à leur caractère associatif.

S'agissant des SPIP évoqués tout à l'heure par M. Raimbourg, la question de savoir si leurs attributions doivent ou non relever des missions régaliennes ne me paraît pas opportune. Je vous ai donné tout à l'heure l'exemple d'associations qui sont déjà chargées de missions de contrôle judiciaire, de permanence et d'orientation pénale : le fait que ces missions importantes leur soient confiées ne semble pas poser de problèmes. Ne nous trompons pas de débat lorsque nous évoquons les missions régaliennes, sous peine de figer le dispositif qui fonctionne actuellement de manière satisfaisante aux yeux de l'administration, des associations – dont l'intervention repose en grande partie sur le bénévolat – et des personnes au service desquelles elles agissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Je suis surpris par la philosophie des trois ou quatre derniers amendements dont nous venons de débattre. Depuis un certain nombre d'années, nous voulons que le milieu pénitentiaire s'ouvre sur le monde extérieur. Nous voulons préparer la sortie des détenus en faisant en sorte qu'ils aient des contacts avec des personnalités, des associations du monde extérieur. Or, sous prétexte de compétence régalienne, nos collègues de l'opposition viennent de déposer trois ou quatre amendements qui auraient pour effet d'écarter l'intervention des associations et du monde extérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Je vais vous citer un seul exemple, monsieur Vaxès, celui des travaux d'intérêt général : comment pourrez-vous faire fonctionner les TIG sans vous appuyer sur des personnes privées, des entreprises, des associations qui suivent le détenu dans le cadre du travail d'intérêt général ? Vos amendements sont contraires au bon sens et à la réalité : il faut que la prison s'ouvre sur le monde extérieur pour préparer la sortie des détenus. C'est là tout le sens d'un texte parfaitement adapté à la réalité des choses. Vos amendements sont, au contraire, politiques et idéologiques, et ne correspondent pas à la réalité de l'incarcération.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Pour ma part, j'ai toujours pensé, monsieur Blanc, que l'idéologie était une très bonne et très belle chose en politique – mais c'est un autre débat.

Si nous souhaitons encadrer les choses, c'est parce que des fonctions essentielles telles que la santé des détenus, l'équilibre de l'alimentation, les conditions de sommeil et la prise en charge de la personne en général se trouvent d'ores et déjà confiées au privé. Je vais vous expliquer une chose très simple, que vous comprendrez aisément…

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Si c'est très simple, je devrais comprendre ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Confiée au privé, une mission a le même coût que lorsqu'elle est assumée par le service public. La seule différence est qu'une entreprise privée doit rémunérer son capital. Ceux d'entre nous qui ont visité récemment des établissements pénitentiaires savent très bien que, sur la quinzaine de cas que l'on connaît, la rémunération du capital se fait sur les services de santé, de restauration, d'entretien. De ce fait, les droits du détenu confié à l'administration pénitentiaire ne se trouvent peut-être pas aussi bien garantis qu'ils devraient l'être. C'est ce point qui nous pose problème.

Quand on voit que des surveillants de l'administration pénitentiaire sont au service d'un acteur privé entrepreneurial pour rendre tel ou tel type de service, cela pose une vraie question sur laquelle il faut s'interroger. On ne peut l'évacuer en affirmant que l'introduction du privé permet l'ouverture du détenu sur la société : en réalité, c'est avant tout l'intervention de sociétés qui, pour satisfaire leurs actionnaires, sont obligées de rémunérer leur capital sur la vie des détenus – ce dont les surveillants eux-mêmes pâtissent. Vous comprendrez donc qu'il est justifié que nous ayons quelques inquiétudes pour les détenus, pour les surveillants et pour l'équilibre général du système.

(L'amendement n° 239 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 258 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je veux dire à notre collègue Blanc qu'il ne faut pas se tromper de débat. Nous savons ce que sont les fonctions régaliennes du service public pénitentiaire : comme l'a précisé M. le rapporteur, il s'agit de la surveillance, du greffe, de la direction. Pour notre part, nous parlons de missions délégables ou non délégables, ce qui n'est pas exactement la même chose, vous en conviendrez. L'amendement que je propose vise à poser le principe selon lequel la direction des SPIP, ainsi que le contrôle et le suivi, y compris en probation, doivent faire partie des missions non délégables.

Nous ne remettons pas non plus en cause le travail des associations : nous savons bien que de nombreuses situations seraient bien pires sans l'intervention de ces associations. Ce que nous disons, c'est que les associations comme les entreprises privées ne doivent pas se trouver placées sous la seule responsabilité des agents de droit privé, mais sous le contrôle et la responsabilité d'agents de droit public. Nous nous souvenons que M. le ministre de l'immigration, devenu entre-temps ministre de l'intérieur, a cassé le monopole d'une grande association, respectée par tous, à savoir la CIMADE, auprès des centres de rétention, afin de rendre moins facile, donc de réduire, le suivi de la condition des personnes retenues. Nous serions nombreux à pouvoir dire, sur les bancs de la majorité comme de l'opposition, combien d'associations qui font un travail formidable dans les centres de détention et les maisons d'arrêt ont été obligées de mettre fin à leur action du fait de la suppression de leurs subventions – en réalité, elles ne plaisaient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Comme l'a dit notre collègue Vaxès, je pense qu'il convient de protéger ces associations, mais cela ne signifie pas que nous confondons la question des fonctions régaliennes et celle des missions délégables et non délégables. Les SPIP sont des agents de l'administration pénitentiaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

C'est terminé, monsieur Mamère.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Pour les mêmes raisons que celles que j'ai exposées au sujet des amendements précédents, j'émets un avis défavorable à cet amendement.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'a affirmé Mme Lebranchu, la santé des détenus n'est pas déléguée au privé, mais confiée aux établissements publics hospitaliers, dans les mêmes conditions que pour l'ensemble de la population.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment.

(L'amendement n° 258 n'est pas adopté.)

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur l'article 2 bis, je suis saisie d'un amendement n° 259 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il est défendu.

(L'amendement n° 259 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 128 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il s'agit d'aborder le rôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté, rôle dont chacun reconnaît aujourd'hui l'utilité. Un an après sa mise en place, le contrôleur fait une excellente impression, qu'il s'agisse de ses méthodes de travail ou de sa capacité de réaction et d'anticipation sur les problèmes de la détention.

Il n'en demeure pas moins que, dans la logique que nous défendions au moment de l'examen du texte portant création de ce contrôleur général des lieux de privation de liberté, nous estimons qu'il devrait être doté de ce que l'on appelle communément un pouvoir d'injonction.

Son pouvoir est un pouvoir d'indignation et d'alerte, mais non un pouvoir d'action. Or, si je sais qu'aujourd'hui le contrôleur général n'a pas explicitement demandé à bénéficier de ce pouvoir – nous avons eu ce débat en commission –, les échanges que nous avons eus depuis avec lui nous laissent cependant penser qu'il n'est pas aussi ferme sur cette position qu'ont voulu le laisser croire le ministre ou le rapporteur.

Nous continuons donc à proposer à la représentation nationale qu'il puisse agir ; car constater, c'est bien, alerter, c'est parfait, mais faire en sorte que les choses changent serait encore mieux.

Certaines autorités administratives indépendantes ne sont pas dotées du pouvoir d'injonction – je pense notamment à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui n'a comme seul pouvoir d'action que de publier des avis au Journal officiel ou des avis signalés au Journal officiel. Mais par qui sont lus ces avis ? Quelle contrainte représentent-ils pour l'administration ? Aucune.

Nous préférons donc les moyens d'actions du médiateur à ceux de la CNDS. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'aligner le statut du contrôleur général sur celui du médiateur en lui octroyant les mêmes pouvoirs d'injonction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Votre amendement vise à donner au contrôleur général des lieux de privation de liberté créé par la loi du 30 octobre 2007 un véritable pouvoir d'injonction. Mais, comme vous venez vous-même de le rappeler, monsieur Urvoas, le contrôleur général n'a nullement demandé cette extension de ses prérogatives, et les propos qu'il a tenus devant la commission ont au moins autant de poids que ce qui peut se dire à huis clos au sein du groupe socialiste…

Il faut rappeler que le travail du contrôleur général est essentiel. Il formule des observations, qui sont rendues publiques et dont il est naturellement tenu compte. Par ailleurs, le contrôleur général des lieux de privation de liberté n'est pas le seul à contrôler les établissements pénitentiaires. Les magistrats, les parlementaires, les autorités internationales et les différents comités liés aux établissements contrôlent aussi, à leur niveau, la vie des prisons. La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Les pouvoirs dont sont aujourd'hui dotés le contrôleur général et les contrôleurs sont déjà très coercitifs, et je les considère par ailleurs comme efficaces.

Je constate en effet depuis mon arrivée au ministère que le contrôleur général et ses collaborateurs font preuve d'une grande responsabilité dans l'exercice de leur fonction, et ce serait faire injure aux différents ministres de la justice que de penser qu'ils ne lisent pas les rapports qu'ils fournissent, établissement par établissement. Non seulement ces rapports sont lus mais ils obtiennent des réponses dans les délais exigés par le contrôleur ; soit l'on remédie immédiatement aux dysfonctionnements, soit l'on s'engage sur les délais dans lesquels il sera satisfait aux demandes.

Il faut donc remettre les choses à leur place. Le contrôleur des lieux de privation de liberté dispose d'ores et déjà de pouvoirs importants. Lorsqu'il constate une violation grave des droits fondamentaux, il réagit immédiatement, et je suis heureuse de vous dire que 80 % de ses préconisations ont été satisfaites par l'administration pénitentiaire.

Votre scepticisme n'est donc justifié ni par l'étendue des pouvoirs accordés au contrôleur général ni par la manière dont l'administration en tient compte. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons donner un avis favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je souhaite en effet soutenir l'amendement présenté par Jean-Jacques Urvoas.

Je doute que dans les 80 % de prescriptions du contrôleur général que vous affirmez avoir adoptées avec l'administration pénitentiaire figure la question des régimes différenciés, question sur laquelle il serait intéressant d'auditionner le contrôleur général.

Nous avons pu voir quels étaient les avantages et les limites de la CNDS, qui doit être saisie par des parlementaires et ne dispose pas du pouvoir d'injonction, quand bien même elle peut mettre le doigt sur des anomalies plus ou moins graves dans le fonctionnement des prisons.

Un autre exemple, toujours dans le domaine des libertés, nous est fourni par la CNIL, qui, elle non plus, n'a aucun pouvoir d'injonction et doit se limiter à des constats. Or à maintes reprises, nous avons ici examiné des lois qui passaient outre ses recommandations. La CNIL a été humiliée et ses avis piétinés.

Nous ne pouvons donc imaginer que la fonction de contrôleur général, par ailleurs idée généreuse qu'il faut soutenir, se limite à un pouvoir d'observation et de surveillance. En effet, un haut fonctionnaire de la qualité de celui qui a été choisi ne peut se contenter de rester un observateur impuissant. D'autant que, sans mettre en cause sa compétence, son équipe ne se compose que de dix-sept collaborateurs, ce qui n'est rien au regard des soixante-sept mille détenus. Nous vous demandons donc de faire un effort et de donner davantage de pouvoirs et de moyens au contrôleur général.

(L'amendement n° 128 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 129 .

La parole est à Mme Laurence Dumont.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Vous nous dites, madame la ministre, que 80 % des recommandations du contrôleur général ont été suivies d'effet. J'en conclus que ce n'est pas le cas pour les 20 % restants, et il serait intéressant que le Parlement soit régulièrement tenu informé des raisons pour lesquelles certaines recommandations du contrôleur n'ont pas été suivies. Je vous remercie par avance de bien vouloir nous éclairer sur ce point.

Pour ce qui concerne l'argument du rapporteur selon lequel le contrôleur des prisons n'a pas demandé de pouvoir d'injonction, est-ce que, si M. Delarue le demandait, la majorité et le Gouvernement seraient prêts à le lui accorder ?

J'en viens enfin à mon amendement. À défaut du pouvoir d'injonction, nous vous proposons de donner au contrôleur un pouvoir d'investigation. En effet, nous nous félicitons tous de la création de cette fonction, de la nomination de M. Delarue et de la manière dont il mène ses enquêtes – j'ai moi-même pu constater qu'il avait travaillé des journées entières au centre de détention de Caen –, du premier rapport remis et de la qualité de celui-ci. Nous dénonçons par ailleurs la faiblesse des moyens au regard des cinq mille lieux de privation de liberté qu'il est censé contrôler. Mais la question aujourd'hui est avant tout de savoir s'il ne serait pas temps d'élargir son pouvoir d'investigation au-delà de l'administration pénitentiaire, à tous les services de l'État et des collectivités locales, ainsi qu'aux associations qui interviennent dans le cadre de la détention.

On peut comprendre la prudence avec laquelle on a légiféré en 2007, mais à l'aune de la qualité du travail accompli par le contrôleur, nous pensons qu'il est temps d'élargir ses pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Goulard

Il n'a pas assez de moyens mais il faudrait élargir ses pouvoirs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Il est quand même extraordinaire d'adresser de tels reproches à la majorité qui a créé la fonction de contrôleur général en 2007. Ce fut un progrès incontestable !

Souvenez-vous de l'audition du contrôleur général des lieux de privation de liberté devant la commission, lorsqu'il est venu nous présenter son rapport et répondre à toutes nos questions. Il s'est exprimé en toute liberté. Son rapport est public, et son pouvoir se mesure également à l'impact qu'il peut avoir sur l'opinion publique. C'est par ailleurs une autorité indépendante, avec toutes les qualités que cela implique. Ce n'est pas une autorité judiciaire, qui pourrait imposer ses décisions.

En l'état actuel, le contrôleur général des lieux de privation de liberté remplit donc parfaitement son office, et le Gouvernement s'emploie à suivre toutes ses observations. L'avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Avis défavorable. La loi votée ici en 2007 prévoit que les autorités responsables du lieu de privation de liberté visité sont tenues de transmettre au contrôleur toutes les informations ou toutes les pièces utiles à sa mission. Il s'agit donc bien d'une investigation.

Pour répondre enfin à la question concernant les 20 % de recommandations non suivies, il s'agit dans l'essentiel des cas de problèmes de délais, comme celui qu'exige, par exemple, la réfection d'une cellule. Cela étant, je suis prête à présenter chaque année à la commission des lois un bilan de ce qui n'a pas été réalisé, en en expliquant les raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le rapporteur, nous ne faisons pas de critiques à la majorité concernant la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous ne nous étions d'ailleurs pas opposés à ce projet de loi rapporté par Philippe Goujon. Nous souhaitons au contraire parfaire l'oeuvre. Aujourd'hui, le contrôleur est jeune, il balbutie avec les moyens qu'il possède mais reçoit déjà un écho dans le milieu pénitentiaire et au-delà. J'ai moi-même eu le privilège de le voir répondre à une invitation que je lui avait lancée pour venir présenter à Quimper son premier rapport et trois cents personnes ont assisté à son intervention, preuve que l'opinion s'intéresse à lui.

Nous sommes donc tous d'accord ici pour vouloir que ce contrôleur ait une réelle efficacité. Il a déjà fait un certain nombre de remarques à l'administration pénitentiaire et aux autres administrations dont dépendent les lieux de privation de liberté comme les hôpitaux psychiatriques. Sur ces observations, le groupe SRC sera extrêmement attentif aux réponses que fourniront les administrations concernées.

(L'amendement n° 129 n'est pas adopté.)

(L'article 2 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de trois amendements, nos 260 , 262 et 261 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cet article 2 ter institue un conseil d'évaluation qui, dans chaque établissement pénitentiaire, doit évaluer les conditions de fonctionnement de l'établissement et proposer des mesures de nature à les améliorer. La composition et les modalités de fonctionnement de ce conseil sont déterminées par décret.

Pour notre part, nous proposons que, outre les modalités de fonctionnement du conseil, la loi précise qu'il ne se contente pas d'évaluer, mais qu'il a aussi une mission de surveillance, afin de contribuer à la garantie du respect des droits fondamentaux des détenus. Il pourrait ainsi permettre des changements dans les pratiques des centres de détention.

Il s'agit de préciser le périmètre et les attributions de ce conseil : contrairement à ce que l'on nous répondra sans doute, cette question ne relève pas du règlement, mais bien de la loi. Or cet article semble viser un effet placebo, ou en tout cas n'être inspiré que par une conception plutôt homéopathique de la notion de conseil.

On ne connaît d'ailleurs pas la composition de ce conseil. On pourrait imaginer que des personnalités extérieures à l'administration pénitentiaire – parlementaires ou personnalités qualifiées, par exemple – en fassent partie.

Il ne faudrait pas, en tout cas, qu'il n'ait qu'un rôle de spectateur impuissant : son rôle doit être un vrai rôle de surveillance et de prescription.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Je ne suis pas favorable à l'adjonction du terme « surveillance » dans les missions du conseil d'évaluation – qui est, je le signale, un nouvel organisme : c'est tout de même un progrès, qu'il faut reconnaître.

Ce conseil a pour mission de proposer toutes les mesures de nature à améliorer le fonctionnement de l'établissement. Il est donc une importante force de proposition.

Le terme de « surveillance » serait ici à la fois inadéquat et inutile. Il marquerait une sorte de défiance, notamment vis-à-vis du personnel pénitentiaire. De plus, et sans reprendre mes observations précédentes, il existe déjà toute une série d'autorités qui contrôlent le fonctionnement des établissements pénitentiaires : le contrôleur général des lieux de privation de liberté, la commission nationale de déontologie de la sécurité ou les parlementaires.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Comme l'a dit M. le rapporteur, le conseil d'évaluation, qui remplacera la commission de surveillance, aura justement pour vocation d'évaluer concrètement les conditions de fonctionnement de l'établissement ; il sera, le cas échéant, une instance de proposition pour remédier aux difficultés engendrées par le surencombrement.

Cette évaluation porte donc bien sur l'ensemble des modalités de fonctionnement de l'établissement : cela inclut les conditions de détention.

Je note enfin que les travaux du conseil d'évaluation n'ont pas vocation à être publiés, contrairement à d'autres que nous avons évoqués tout à l'heure – notamment ceux du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Avis défavorable, certes : le contraire serait une immense surprise ! Je serais très étonné que vous donniez un avis favorable à l'un de nos amendements d'ici à la fin de la discussion.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Est-ce que cela vous amènerait à voter le texte ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Merci de poursuivre sans engager de dialogue, monsieur Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Si vous reveniez sur la question de l'encellulement individuel pour en faire un principe, nous pourrions bien sûr examiner la loi d'une façon quelque peu différente. Mais ce texte comporte tant de dispositions contraires à l'esprit républicain qu'il nous serait de toute façon difficile de le voter – même avec quelques améliorations, qui ressembleraient plutôt à du bricolage sur un grand corps malade.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le rapporteur, lorsque nous demandons que ce conseil soit aussi un conseil de surveillance, il ne s'agit pas pour nous de jeter la suspicion sur l'administration pénitentiaire. Vous êtes juriste, et vous savez qu'il est difficile, dans un État de droit, d'être à la fois le contrôleur et le contrôlé. Nous l'avons vu dans bien d'autres secteurs d'activité – le nucléaire, entre autres. Il n'est donc pas sain que le contrôleur soit aussi le contrôlé.

Je relève de plus une contradiction dans votre réponse : vous dites que nous avons déjà la CNDS et le contrôleur général des lieux de privation de liberté. Dans ce cas, à quoi sert ce conseil d'évaluation ? Est-ce un machin de plus, destiné à donner le sentiment que quelqu'un s'occupe de ce qui se passe à l'intérieur des murs et se préoccupe de savoir si l'État de droit y est respecté ? Ou bien, comme disait l'un de vos prédécesseurs, qui fut juge comme vous, est-ce une opération d'enfumage ?

(Les amendements nos 260 , 262 et 261 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 551 .

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Cet amendement vise à inscrire dans la loi une mention spécifique pour les établissements qui reçoivent des mineurs.

Il convient de corriger une faute de frappe qui rend l'amendement incompréhensible et supprimer les mots : « est habilité à recevoir des mineurs. Il ».

Une évaluation particulière doit être réalisée en ce qui concerne les mineurs : cette question ne doit pas être traitée comme une annexe de celle des majeurs. Le conseil doit se préoccuper du fonctionnement, mais aussi des conditions de sortie : or les détenus mineurs sont souvent difficiles – plus difficiles même que les détenus majeurs – et il est important qu'il y ait, dans l'établissement, une vision d'ensemble des mesures qui permettent d'assurer leur suivi, notamment après la sortie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Le conseil d'évaluation se situe au niveau local, dans chaque établissement. Par ailleurs, des contrôles extérieurs et indépendants sont réalisés. Il ne faut donc pas tout mélanger.

En ce qui concerne plus spécialement l'amendement n° 551 , j'indique que le rôle du conseil d'évaluation n'est pas de mettre en oeuvre des actions publiques, ce que laisse entendre l'amendement.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

C'est d'autant plus vrai que les établissements mixtes et les établissements pour mineurs sont également concernés par ces conseils.

Même avis.

(L'amendement n° 551 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 131 et 263 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 131 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 263 .

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 131 et 263 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L'article 2 ter est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2 quater.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je saisis l'occasion de la discussion de cet article 2 quater, qui porte sur le médiateur de la République, pour interroger le Gouvernement sur un projet de loi organique adopté la semaine dernière en Conseil des ministres, et qui crée un défenseur des droits fondamentaux, prévoyant ainsi la disparition – ou peut-être la confusion – du Médiateur de la République, de la CNDS, et de la Défenseure des enfants.

Nous serons amenés à débattre de ce projet, qui suscite déjà dans notre groupe un certain nombre d'interrogations. Lors du débat constitutionnel, nous avions interrogé Mme la garde des sceaux de l'époque sur le périmètre des prérogatives du défenseur des droits fondamentaux, sans recueillir la moindre information : Mme Dati avait simplement annoncé que le contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui venait d'être créé, pourrait terminer son premier mandat.

Nous découvrons avec surprise, déception et inquiétude, la suppression de la Défenseure des enfants, qui joue évidemment un rôle très particulier, ne serait-ce que parce que les enfants connaissent son existence et son nom, par exemple au travers de publicités qu'elle fait paraître dans la presse enfantine. Lui substituer un défenseur des droits ne facilitera pas, je crois, la compréhension.

Il en va de même pour la CNDS, qui joue un rôle dont Mme la ministre d'État vient de reconnaître la pertinence. Nous ne pensons pas que le rassemblement de toutes ces autorités administratives indépendantes soit une bonne idée, et ce d'autant moins que les mauvais esprits – dont je ne suis pas – pourraient y voir une volonté de supprimer les contre-pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Comme M. Urvoas, je voudrais profiter de la discussion de cet article pour relayer l'inquiétude exprimée ce matin, notamment par Mme Versini et Mme Brisset, actuelle et ancienne défenseures des enfants. Nous assistons en effet à une sorte d'opération de globalisation des défenseurs des droits, ce qui apportera plus de confusion que de précision. Il est pourtant tout à l'honneur d'une grande démocratie de se doter de tels contre-pouvoirs.

Ainsi, la Commission nationale de déontologie de la sécurité sera supprimée. Or nous sommes nombreux ici, je crois, sur les bancs de l'opposition comme de la majorité, à l'avoir saisie pour des affaires qui traitent de la prison, mais aussi de la RATP, ou pour des affaires qui opposaient la police à des citoyens.

Sans souhaiter la multiplication des contre-pouvoirs, nous pensons qu'il y a là un recul pour nos libertés. J'imagine que M. Blanc, que je vois réagir, ne va pas remettre en cause l'idée que la Défenseure des enfants était une institution positive, utile, et qui a sauvé bien des enfants de situations dramatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Comme l'a dit avec talent hier notre collègue Raimbourg, vous êtes les premiers à voir dans les pédophiles une menace pour notre société. La Défenseure des enfants a aussi pour mission de protéger les enfants de tout ce qui peut porter atteinte à leur dignité et à leur intégrité.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous pensons que la suppression de cette institution est un recul, et nous voulons, très officiellement, très solennellement, soutenir le combat de Mme Versini et de Mme Brisset.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il est certaines choses que je ne peux laisser dire. Créer un Défenseur des droits, ce n'est pas chercher à affaiblir des organismes de contrôle, d'écoute, de défense. Il s'agit au contraire de créer une institution qui ait un véritable poids. Ce n'est pas forcément en créant une multitude de petits contre-pouvoirs, pour reprendre votre mot, que l'on exerce réellement un pouvoir de contrôle, mais plutôt en disposant d'une institution respectée, avec des moyens, avec une vision transversale, qui pourra se hisser à la hauteur des grandes institutions de défense des libertés et des droits individuels qui existent ailleurs dans le monde.

Tel est bien le fil conducteur de la réflexion en cours : en regroupant diverses institutions autour du Médiateur de la République, dans un grand ensemble qui disposera des moyens nécessaires – avec probablement des orientations ou des spécialisations –, nous pourrons créer une institution qui aura réellement la capacité de faire respecter l'ensemble des droits.

La volonté du Président de la République est bien de faire avancer les droits de l'homme et la défense des libertés dans notre pays. Ce que nous avons fait avec l'exception d'inconstitutionnalité – dont on parlait depuis des décennies et que personne n'avait osé mettre en oeuvre – va dans ce sens. La modification constitutionnelle, que vous n'avez pas votée, va aussi dans ce sens. Je rappelle d'ailleurs que vous vous étiez également abstenus sur la question du défenseur des droits.

Ce que nous voulons, c'est favoriser, d'une façon concrète et déterminée, tous les éléments qui permettent d'assurer une meilleure défense des libertés et des droits de l'homme. Être républicain, monsieur Mamère, c'est cela, ce n'est pas attaquer autrui. Nous, nous croyons en la République et nous mettons tout en oeuvre pour lui permettre de s'exprimer, y compris dans la vie quotidienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L'article 2 quater est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Dominique Raimbourg, inscrit sur l'article 2 quinquies.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je ferai deux brèves observations sur la question de l'observatoire.

Il me semble en effet qu'il convient d'articuler l'observatoire qui est créé avec l'Observatoire national de la délinquance de façon que personne ne travaille de son côté et ne produise des chiffres discordants. Cela permettrait également de réaliser des économies.

Par ailleurs, nous ne saurions jamais assez souligner la nécessité de disposer de chiffres pour pouvoir parler en connaissance de cause. Nous réagissons souvent à des images ou selon des fantasmes. Le nombre d'agresseurs sexuels, de récidivistes, doit être connu, et nous aurions intérêt à développer une recherche criminologique qui nous fait cruellement défaut. Bien souvent, lorsque l'on parle de la délinquance, ce n'est pas en s'appuyant sur la réalité, mais en faisant état de cas particuliers, de faits divers, sous le coup de l'émotion. Certes, ces faits divers sont bien réels, ils font partie de la vie, mais nos discours, nos réactions, nos réflexions et nos actions ne doivent pas reposer sur des éléments factuels incertains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement, n° 81 , tendant à supprimer l'article 2 quinquies.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Je ne voudrais pas jouer les gardiens du temple, mais alors que, tout à l'heure, je rappelais à mes collègues de la majorité nos valeurs, notamment celles de la sécurité publique, je voudrais maintenant, de façon beaucoup plus concrète, leur rappeler une règle que nous nous étions fixée, qui consiste à essayer de diminuer la dépense publique et de ne pas multiplier les charges publiques en créant de trop nombreux organismes.

Notre collègue Tardy s'est livré à une petite étude qui lui a permis de découvrir que nous avions créé, en quelques années, plus de 800 comités, observatoires et conseils divers. Or cet article propose la création d'un observatoire supplémentaire.

Je vous rappelle – et, en cela, je ne m'oppose pas à ce que vient de dire notre collègue Raimbourg – qu'il existe déjà un observatoire national de la délinquance, qui est rattaché à l'Institut national des études pour la sécurité, lequel institut représente quand même une dépense de plus de 5,5 millions d'euros. Je pense qu'il faut s'arrêter là, d'une part parce qu'il est possible de confier la mission en question à l'INES et à l'Observatoire de la délinquance, d'autre part, parce que j'aimerais que nous mettions en application la réforme constitutionnelle votée l'année dernière, c'est-à-dire que nous donnions plus de pouvoirs et de moyens au Parlement.

Dans ce sens, je ne serais pas hostile à ce qu'une mission parlementaire puisse étudier ce genre de question. Il existe bien une mission récurrente sur les sectes, je ne vois pas pourquoi nous ne créerions pas une mission récurrente sur la délinquance et, surtout, sur l'incarcération.

En attendant, je vous propose non pas de modifier l'article 2 quinquies, mais de le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Monsieur Vanneste, nous ne créons pas un nouvel observatoire. L'Observatoire national de la délinquance a été créé par décret. L'observatoire national dont nous parlons, qui serait chargé de collecter et d'analyser les données statistiques au niveau légal, serait intégré, si je puis dire, au travail fourni par l'Observatoire national de la délinquance. En réalité, ces deux observatoires n'en feraient qu'un.

J'indique par ailleurs à Dominique Raimbourg que, s'il me paraissait nécessaire de créer une nouvelle entité, chargée de mieux étudier les statistiques pour en disposer presque en temps réel, je voudrais que les études portent également sur la réitération et pas uniquement sur la récidive. Nous le savons tous, la récidive obéit à des règles légales strictes, et c'est tout à fait normal. Mais étudier les facteurs de la réitération est également très important.

Voilà la raison pour laquelle, monsieur Vanneste, j'ai émis un avis défavorable à votre amendement. Compte tenu de la précision que je viens de donner, peut-être pourriez-vous le retirer ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Vanneste, l'INES va être transformé, dès 2010, en Institut national des hautes études de sécurité et de justice. Il est vrai que, pour l'instant, l'Observatoire national de la délinquance n'a pas de compétences pour travailler sur les problèmes de la récidive ou, comme le rapporteur vient de le souligner très justement, de la réitération. Nous aurons donc bientôt un outil cohérent, qui permettra au Gouvernement et au Parlement d'avoir une vision plus large, pour apprécier le travail réalisé, faire des recommandations, voire décider de modifier la loi sur certains points.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

À l'occasion des travaux que mène la commission des lois sur l'exécution des peines, nous avons constaté deux lacunes.

La première concerne l'outil informatique qui permettrait de suivre convenablement l'exécution des peines. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le système Cassiopée connaît quelques difficultés et ne rend pas tous les services que nous en attendions en matière de suivi de l'exécution des décisions rendues par les juridictions pénales.

La seconde lacune porte sur le constat que nous faisons aujourd'hui s'agissant des 30 000 peines de prison non exécutées. Pourquoi un tel chiffre ? De quelles peines s'agit-il ? Quels condamnés, quelles juridictions, quels secteurs géographiques sont concernés ? Nous manquons d'un outil d'observation précis sur ce sujet-là.

C'est la raison pour laquelle je vous invite, au nom de nom groupe, à repousser cet amendement. Cet observatoire me paraît essentiel, et pour la sécurité publique et pour la crédibilité de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Je suis évidemment beaucoup plus satisfait par la réponse du rapporteur et par celle de Mme la ministre que par celle de mon collègue Étienne Blanc.

Intégrer, comme ils le proposent, la mission de collecte et d'analyse des données statistiques à un INES étendu à la fois à la sécurité et à la justice – donnant ainsi raison à mon premier amendement en montrant que la justice appartient à la sécurité publique – me semble une bonne démarche. Dès lors, je suis d'accord pour retirer mon amendement, qui me semble satisfait.

(L'amendement n °81 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 57 .

La parole est à M. Éric Ciotti.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Je propose d'ajouter une compétence à celles de l'observatoire qui vient d'être évoqué. Un élément statistique relatif au nombre de suicides par établissement devrait figurer dans le rapport annuel des décisions pénales qu'il doit publier. Plusieurs députés ont évoqué ce problème majeur hier soir. Un suicide tous les trois jours en moyenne dans les prisons françaises, c'est inacceptable, intolérable. C'est un des éléments de cette « honte » qu'évoquait le Président de la République au Congrès de Versailles en parlant de la situation de nos prisons.

Certes, il ne s'agit que d'un élément statistique, mais ce serait un symbole fort que d'inscrire dans les missions de l'observatoire notre volonté de nous attaquer à ce fléau. Je sais que Mme la ministre d'État la partage, elle nous l'a dit en commission. L'outil statistique nous permettrait d'identifier et de recenser les lieux présentant le plus grand nombre de difficultés, et donc le plus grand nombre de risques, de façon à y engager des actions concrètes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

La commission a émis un avis favorable et a adopté cet amendement. Je suis d'accord avec les observations qui ont été formulées par notre collègue Ciotti. Il est important que nous disposions d'informations sur le taux de suicides par établissement.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Comme l'a très bien dit l'auteur de l'amendement, le problème est réel et, face à de tels drames, il faut être complètement transparent – je l'ai dit dès mon arrivée au ministère. Des chiffres différents ont circulé. Je veux que tout soit dit sur les suicides et même, si possible, sur les tentatives de suicide. Ces chiffres doivent être rendus publics.

Je souhaite que l'administration réalise un bilan deux fois par an – il ne serait pas très utile d'en réaliser un trop souvent – et qu'elle le mette à la disposition de l'observatoire. Cet amendement ne me pose donc pas de problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Notre groupe votera cet amendement, qui va dans le bon sens. Les « suicides de société » sont un échec de la République, et nous sommes très préoccupés par ce qui se passe depuis quelques mois à France Télécom. Le problème des suicides en prison n'est pas moins important, et il est indispensable que nous puissions disposer de toutes les données pour pouvoir trouver des solutions. Si les chiffres dont je dispose sont bons, nous en sommes à quatre-vingt-deux suicides depuis le début de l'année, ce qui nous amène à un rythme annuel de 140, sans compter tous ceux qui tentent de se suicider et qu'on arrive à sauver.

Il faut en outre que nous ayons une vision globale. Il n'y a pas que les suicides des détenus, il y a ceux des membres du personnel : même s'ils sont un peu moins nombreux – on en compterait quatorze depuis le début de l'année –, la proportion est à peu près la même, les personnels de surveillance étant moins nombreux que les détenus. Quoi qu'il en soit, il faut prendre ce problème en compte.

L'amendement va dans le bon sens. C'est donc avec plaisir que, pour une fois, nous voterons une proposition émanant de la majorité.

(L'amendement n° 57 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

(L'article 2 quinquies, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 24 rectifié , portant article additionnel après l'article 2 quinquies.

La parole est à M. Patrick Lebreton, pour soutenir cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Lebreton

Avec mes collègues d'outre-mer, j'ai souhaité vous présenter cet amendement qui vise à ce que soit établi par le contrôleur général des lieux privatifs de liberté un rapport sur la situation de ces établissements dans les outre-mer.

En effet, madame la garde des sceaux, vous n'ignorez pas que les prisons d'outre-mer sont souvent citées comme des contre-exemples. Cela est dû, en premier lieu, par la surpopulation qui les caractérise. La maison d'arrêt de Saint-Pierre-de-la-Réunion, dans ma circonscription, compte ainsi 160 détenus pour une capacité de 121 places, dont vingt-quatre dorment dans des dortoirs, tandis que la maison d'arrêt de Majicavo à Mayotte connaît un taux d'occupation de près de 200 %. Les conditions sanitaires y sont en outre indignes de la France, notamment dans le centre de rétention de Mayotte, et l'insécurité y est importante.

Vous nous rejoindrez sûrement pour considérer que ces conditions ne permettent pas d'envisager une réinsertion efficace des anciens détenus. À ce titre, l'augmentation récente de la délinquance violente à la Réunion est très préoccupante : elle progresse de 21,88 % au mois d'août 2009 par rapport au mois d'août 2008. Cette situation, vous en conviendrez, n'est pas acceptable.

Je reconnais que des efforts ont été entrepris, comme l'illustre l'ouverture du centre de détention Domenjod en 2008. Néanmoins, la situation spécifique de nos territoires qui, le plus souvent, sont isolés, ne permet pas – comme c'est le cas en métropole et compte tenu de l'insularité – une mutualisation de la surpopulation entre des établissements de différents départements et commande une réflexion particulière et la mise en chantier d'actions significatives.

Un rapport objectif offrirait un panorama précis de la situation carcérale outre-mer et permettrait à l'État de planifier sur la durée des actions à conduire et les chantiers à mettre en oeuvre pour remédier au fléau de la surpopulation et de l'indignité des conditions de détention.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Je comprends et partage les motivations de cet amendement. La situation des établissements pénitentiaires en outre-mer est, en effet, très préoccupante. Il appartiendra à Mme la garde des sceaux de nous faire part de son avis.

Le fait que vous vouliez rendre obligatoire la visite des lieux de privation des libertés par le contrôleur général me conduit cependant à émettre un avis défavorable à votre amendement. Parce qu'il est une autorité indépendante, on ne peut obliger le contrôleur général à visiter tel ou tel établissement. Cela étant, je suis persuadé qu'il est tout à fait conscient de la situation, ce qui l'amènera à se déplacer outre-mer.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je partage très largement le constat dressé par M. Lebreton. Depuis des années, se pose, en effet, dans les départements et collectivités d'outre-mer un problème auquel nous devons apporter des réponses appropriées. De surcroît, la nécessité de disposer d'un plan spécifique est indéniable, j'en conviens également. En tant que ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, j'avais du reste alerté le ministère de la justice de l'époque sur ce point. Je n'ai plus qu'à consulter mes propres courriers ! (Sourires.)

Je vous rappelle, monsieur le député, que le contrôleur général des lieux de privation de liberté remet au Président de la République un rapport annuel qui est rendu public. Votre amendement est donc, me semble-t-il, satisfait.

Cela étant, je suis d'accord sur la nécessité d'un plan spécifique pour l'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Notre collègue Patrick Lebreton a, à juste titre, rappelé la situation catastrophique – il n'y a pas d'autre terme pour la qualifier – du centre de rétention de Mayotte. Tous les Français ont pu constater comment les détenus y étaient traités. Mayotte n'est pas un cas isolé. De nombreux autres centres de détention et de privation de liberté dans les départements et territoires d'outre-mer restent loin des préoccupations de la métropole : je pense en particulier aux conditions « cataclysmiques » de détention qui prévalent en Nouvelle-Calédonie. Je profite de l'occasion pour dénoncer avec vigueur le sort qui a été réservé à M. Gérard Jodar, syndicaliste du premier syndicat de Nouvelle-Calédonie, qui a été traité comme un délinquant et condamné à neuf mois de prison ferme pour des actions syndicales. On imagine ce qui aurait pu advenir aux salariés de Continental à la suite des dégradations qu'ils ont commises après avoir été trahis par leur patron et par le Gouvernement.

Outre la remise d'un rapport, je demande la convocation d'une mission parlementaire à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et dans l'ensemble des territoires d'outre-mer, afin que la représentation nationale puisse se faire une idée précise de la condition pénitentiaire dans ces territoires et collectivités.

(L'amendement n° 24 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 132 et 264 .

L'amendement n° 132 est-il défendu, monsieur Urvoas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 264 .

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Puisque vous me donnez la parole sur cet amendement, madame la présidente, j'en profite pour demander l'avis de Mme la garde des sceaux sur ma proposition de mission parlementaire dans les territoires d'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vous demande, monsieur Mamère, de présenter votre amendement n° 264 .

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il est défendu, madame la présidente.

(Les amendements identiques nos 132 et 264 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L'article 2 sexies est adopté.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Avec votre permission, madame la présidente, je souhaite répondre à M. Noël Mamère, qui a eu la courtoisie de s'adresser à moi.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je lui rappellerai, en premier lieu, que, en vertu de la séparation des pouvoirs, il n'avait pas à faire part de son appréciation d'un jugement qui a été prononcé et qu'il est tenu à le respecter.

En second lieu, je lui rappellerai, toujours en vertu de la séparation des pouvoirs à laquelle je suis attachée, qu'il n'appartient pas au Gouvernement de décider de la création d'une mission parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vous remercie de votre réponse, madame la garde des sceaux, que je compléterai en précisant que c'est à la conférence des présidents qu'il revient de prendre de telles décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 9 , tendant à introduire un article après l'article 2 sexies.

La parole est à M. Michel Hunault.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Par cet amendement que je défends au nom du Nouveau Centre, je vous fais une suggestion, madame la garde des sceaux. Ce projet de loi n'est qu'une étape visant à améliorer la situation dans les prisons françaises, situation que nous dénonçons unanimement. Nous espérons que les dispositions de ce projet permettront d'apporter des réponses très concrètes. Article après article, se dégagent de vraies questions, comme, à l'instant, la situation des prisons dans les territoires d'outre-mer. C'est pourquoi nous vous proposons de convoquer une conférence annuelle sur la situation des prisons, qui précéderait judicieusement l'examen par le Parlement des crédits de la justice. Elle permettrait de faire le point sur l'application des textes que nous votons, en mettant en avant les différents objectifs et leur application en lien avec les textes européens.

Cette proposition que je fais au nom de mes collègues du Nouveau Centre aurait le mérite d'associer l'ensemble des acteurs du monde pénitentiaire. Nous sommes aujourd'hui une quarantaine de parlementaires à évoquer ce projet de loi, pourtant essentiel. La réussite des objectifs dont nous débattons est conditionnée à la mobilisation de tous les acteurs concernés, l'administration pénitentiaire et tous ceux qui concourent à améliorer la situation dans les prisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Votre idée de conférence annuelle, monsieur Hunault, est intéressante. En revanche, l'inscrire dans la loi, c'est autre chose ! C'est au ministère qu'il appartient de prendre des initiatives dans ce domaine. De plus, votre proposition est satisfaite dans la mesure où, dans le cadre de la préparation du budget de la justice, les parlementaires sont amenés à donner des avis sur le budget de l'administration pénitentiaire.

Inscrire le principe d'une conférence annuelle dans la loi n'est donc souhaitable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

M. le rapporteur vient de suggérer que l'initiative d'une telle conférence annuelle pouvait être prise sans qu'elle soit inscrite dans la loi. L'objectif que vous poursuivez sera atteint en grande partie par la création, par décret, du conseil d'orientation pénitentiaire qui regroupera un nombre important d'acteurs qui concourent au service public pénitentiaire. En outre, il est également envisageable que Mme la garde des sceaux fasse un point annuel devant la commission des lois. Compte tenu de ces éléments de réponse, pourriez-vous, monsieur le député, retirer votre amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je prends acte des propos de M. le rapporteur, qui a exprimé son accord à l'objectif que je poursuis.

J'entends bien, monsieur le secrétaire d'État, mais il s'agit d'aller plus loin que le conseil d'orientation. Je n'ai aucune raison de douter de la parole du Gouvernement et du rapporteur. Associons l'ensemble des acteurs concernés par la situation dans les prisons et faisons un bilan de la législation. Cette loi n'aboutira que si chacun oeuvre à la réussite de ces objectifs.

Je retire mon amendement, madame la présidente.

(L'amendement n° 9 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 10 .

La parole est à M. Michel Hunault.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Dans le cadre de la discussion générale, nous nous sommes accordés, hier, pour dire qu'il fallait absolument modifier la situation dans les prisons françaises. Pour la quasi-totalité des détenus, l'emprisonnement consiste à être coincé dans une cellule et à avoir droit à une sortie d'une heure par jour.

Tout le monde s'accorde à dire que l'une des meilleures façons de lutter contre la récidive et de favoriser la réinsertion, c'est de permettre l'accès au travail et à la formation. La question est de savoir comment concrétiser un tel objectif.

Madame la garde des sceaux, je vous ai écoutée attentivement. Vous nous avez dit, hier soir, que vous refusiez de faire adopter des amendements qui ne pourraient pas être respectés. C'est pourquoi, au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre et de son président François Sauvadet, je propose que les régions, qui ont compétence en matière de formation professionnelle, soient autorisées à intégrer – à titre expérimental et sur la base du volontariat – des actions de formation des détenus dans leurs schémas de formation, et à passer en la matière, sous l'égide de l'État et de l'administration pénitentiaire, des conventions avec des organismes agréés. Nous ne pouvons nous contenter d'afficher des objectifs : nous devons nous donner les moyens de les concrétiser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

L'accès à la formation des détenus est un objectif prioritaire, essentiel, nous en convenons, monsieur Hunault. Votre demande est, du reste, satisfaite par l'article 3 et par le droit commun. Les actions en partenariat avec les régions sont intégrées aux schémas de formation. Les régions pourront passer toutes conventions utiles. Aux termes de l'article 3, des actions pourront être menées à titre expérimental. Par ailleurs, certaines régions, telle l'Aquitaine, sont dès à présent volontaires.

Dans ces conditions, peut-être M. Hunault pourrait-il retirer son amendement.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis que la commission : si M. Hunault me démontre que son amendement apporte des éléments supplémentaires, je veux bien l'accepter ; mais il me semble bien que le texte, tel qu'il est rédigé, répond à sa préoccupation, qui est du reste également la nôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je remercie le rapporteur et Mme la garde des sceaux.

Sur l'objectif, nous sommes d'accord. Je souhaitais plutôt une précision – peut-être sera-t-elle jugée inutile : le rapporteur ou Mme la garde des sceaux peuvent-ils me dire si les schémas de formation professionnelle des régions leur permettent d'agir au sein du monde carcéral ? Il ne faudrait pas en effet que, au titre du contrôle de légalité, on interdise à une région de signer des conventions avec des organismes de formation agréés qui y interviennent.

Si tel n'est pas le cas, et puisque Mme le garde des sceaux précise que mon amendement est satisfait par la loi, j'accepterai de le retirer.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Cette possibilité est prévue, sous la forme que vous décrivez, dans le cadre de l'expérimentation, qui concerne cinq régions. Rien ne s'y oppose donc.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Il suffit que la délibération permette cet ajout. Les programmes régionaux incluent déjà des stages ; la région que je connais le mieux, la Bretagne, a pour particularité d'y avoir nommément inclus la formation professionnelle des personnes en difficulté.

La difficulté propre aux détenus est l'impossibilité de se rendre dans l'organisme de formation, qui entraîne un surcoût, lié à la nécessité de faire venir des formateurs en prison. Cela peut être intégré sans problème dans les programmes régionaux de stages. La seule préoccupation dont les régions m'ont fait part est la suivante : ce surcoût important est-il pris en charge par le ministère de la justice par convention au cours de l'expérimentation ?

Vous le savez, les aides aux stages offertes par une région – qui s'étendent du reste à toute forme de reconversion professionnelle – concernent les seuls habitants de cette région. Lorsque des habitants d'une autre région viennent y suivre une formation professionnelle, c'est souvent cette seconde région qui, par convention, règle les frais. Il y a donc un véritable problème, puisque les établissements pénitentiaires ne sont pas réservés aux habitants de la région où ils se trouvent – fort heureusement, madame la ministre.

Le problème est donc financier. Si la ministre s'engage à ce que les conventions prévoient cette prise en charge, aucun autre problème ne se pose en droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je le retire : puisque Mme la garde des sceaux m'assure que ce que je propose est possible, j'en prends acte ; j'ai été convaincu par son explication. N'en profitons pas pour ouvrir un débat sur le financement des régions. (Sourires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(L'amendement n° 10 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 595 .

La parole est à Mme Jeanny Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Afin de favoriser la réinsertion des prisonniers, cette loi doit réserver une place importante à la formation. Nous proposons donc que l'État, par l'intermédiaire des chambres régionales des comptes, vérifie que la formation est assurée dans les centres de détention – ce qui n'est pas toujours le cas. En effet, la formation relève de la responsabilité de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Les chambres régionales des comptes n'ont pas pour rôle d'arbitrer quant à la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales. Votre amendement ne peut donc être satisfait. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Même avis, d'autant que les chambres régionales s'assurent naturellement par ailleurs du respect des engagements des collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Voilà qui répond presque entièrement à mon intervention. Je ne voudrais pas laisser croire à M. Garraud que je ne connais pas le rôle des chambres régionales des comptes ; il s'agit simplement de contrôler que le travail a bien été fait.

(L'amendement n° 595 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'amendement n° 133 de M. Jean-Jacques Urvoas est défendu.

(L'amendement n° 133 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 134 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cet amendement propose que les visites annuelles auxquelles les magistrats seront contraints soient suivies d'un rapport.

L'obligation pour les magistrats de se rendre dans les lieux de détention n'est pas nouvelle : la pratique existe et le code y faisait même déjà référence. On sait que les magistrats exercent une grande partie de leur activité dans les lieux de détention – même si la chancellerie réclame désormais de plus en plus de visioconférences pour faire des économies, bien que cela ne contribue guère à humaniser nos prisons.

Ce rapport permettra de prendre régulièrement connaissance de la situation réelle des prisons. En effet, la visite a beau être utile, si elle se borne à un passage, elle risque de se réduire à une louable intention, qui alourdira la charge de travail de magistrats déjà très sollicités. Mais, puisque ceux-ci sont contraints de visiter une fois par an chaque établissement pénitentiaire situé dans leur ressort territorial de compétence, il serait utile qu'il en existe une trace.

J'ajoute, comme je l'avais fait en commission, que les organisations syndicales de magistrats ont dû se battre pour que le projet de réforme de l'École nationale de la magistrature ne supprime pas le stage pénitentiaire des auditeurs de justice. Je salue leur effort, et je reconnais que le rapporteur a fait preuve de cohérence en proposant que tous les magistrats visés à l'article 3 bis se rendent une fois par an dans les lieux de détention.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

J'ai en effet harmonisé à l'article 3 bis toutes les visites des magistrats. Il était notamment curieux que le juge des libertés et de la détention, qui procède aux incarcérations, ne soit pas tenu de visiter les lieux de détention.

Je suis défavorable à l'amendement, car c'est au procureur général et au premier président qu'il appartient de recueillir les observations de tous les magistrats qui visitent les prisons, et aux chefs de cour de transmettre leur rapport au garde des sceaux – ce qu'ils font effectivement. Il serait inefficace de multiplier les rapports.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Même avis, d'autant que des garanties existent ; nous avons ainsi évoqué les différents organismes de contrôle. Si des dysfonctionnements apparaissent, il est toujours possible de saisir notamment le contrôleur général des lieux de privation de liberté. Et si l'on constate des faits laissant présumer une infraction pénale, ils sont portés sans délai à la connaissance du procureur.

(L'amendement n° 134 n'est pas adopté.)

(L'article 3 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 28 , tendant à introduire un article additionnel après l'article 3 bis.

La parole est à M. Philippe Goujon.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Cet amendement vise à développer la pratique de la visioconférence. Au risque de contredire notre collègue Urvoas, je ne vois pas en quoi les transfèrements et les extractions contribuent à humaniser les prisons. En revanche, ils consomment beaucoup de temps et monopolisent de nombreux fonctionnaires, d'autant plus que le dispositif actuel des escortes et transfèrements souffre d'une grande complexité, les transfèrements administratifs, les extractions médicales, les gardes à l'hôpital et les extractions ou translations judiciaires étant assurés chacun par des services différents.

Cet amendement, qui concerne uniquement les extractions judiciaires, part du constat que nombre d'entre elles pourraient être évitées par un recours accru à la visioconférence.

Il est vrai que, depuis 2002, plusieurs lois ont étendu le champ d'application de celle-ci, permettant une certaine généralisation de son utilisation ; mais, si la loi lui attribue un champ d'application assez ambitieux en matière judiciaire, la pratique est totalement disparate. Du reste, trop peu d'établissements sont équipés de tribunaux. Je souhaite que l'on fasse le point sur l'équipement et sur les différentes habitudes en usage.

Pour des raisons notamment budgétaires, la LOLF – pourquoi le cacher ? – a encouragé la justice à recourir à cette pratique. L'amendement vise à accélérer cette évolution favorable à la visioconférence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Je suis très favorable à l'extension du recours à la visioconférence. J'ai même déposé, à l'article 54, un amendement en ce sens, lequel a été voté en commission.

Mais le présent amendement, bien que compréhensible, va très loin – trop loin, à mon sens : il tend à faire de la visioconférence le principe et de la comparution en personne l'exception. J'émets donc un avis défavorable, si toutefois l'amendement n'est pas retiré.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je ne saurais dire à M. Goujon qu'il a tort, puisque je plaide depuis maintenant sept ans en faveur de la limitation des extractions, très consommatrices en personnel, et de leur remplacement par la visioconférence. Quant au fond, nous sommes donc d'accord.

Votre proposition se heurte en revanche à un autre principe qui m'est cher : n'inscrire dans la loi que ce que l'on sait pouvoir faire. En effet, l'on connaît certes aujourd'hui des améliorations sensibles, que je souligne d'autant plus volontiers que je n'en étais pas responsable jusqu'à une date récente : environ 60 % des nouveaux établissements sont équipés. Mais l'on est encore loin du compte, notamment du fait de l'ancienneté ou de la petite taille de certains établissements. Je crains qu'une disposition de ce type ne fournisse des arguments en faveur de l'annulation de certaines procédures.

Nous devrions donc faire de votre proposition un objectif à atteindre d'ici à quelques années. Nous nous efforcerons de faire le maximum, sous réserve des contraintes financières qui nous incombent ; la poursuite de cet objectif constituera l'une de mes priorités. Je préférerais que nous adoptions cette proposition lorsque nous aurons atteint un niveau qui permettra de l'appliquer à coup sûr au cours des années qui suivront. Il serait déraisonnable de le faire aujourd'hui, car elle est trop éloignée de la réalité.

Cela dit, inutile de vous répéter, monsieur le député, que je m'engage sans réserve à accélérer l'équipement en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Il est exact que notre rapporteur a permis l'extension de cette pratique utile. Je considère donc que nous nous donnons rendez-vous avec la garde des sceaux, dont je connais la conviction et la détermination à faire progresser ce dossier dès que les moyens techniques le permettront. J'espère que nous n'attendrons pas aussi longtemps que pour parvenir à l'encellulement individuel, si vous me permettez cette comparaison. Je sais votre engagement s'agissant de cette nécessité ; pour cette raison, et parce que vous avez vous-même fixé cet objectif, je retire mon amendement.

(L'amendement n° 28 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de trois amendements, nos 265 , 266 et 267 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Certes, la création d'un code de déontologie constitue un progrès. Toutefois, nous estimons qu'il est dangereux de vouloir l'appliquer à des personnels ne relevant pas du service public pénitentiaire, tels qu'ils sont désignés au second alinéa de l'article 2. Ceux-ci sont déjà soumis à d'autres codes de déontologie, propres à leurs fonctions.

D'autre part, compte tenu du fait que les personnels pénitentiaires sont en sous-effectif et qu'ils travaillent dans des conditions souvent très difficiles, il serait plus efficace de mettre en place des équipes pluridisciplinaires afin de les aider dans leurs relations avec les détenus et de faciliter leur travail d'accompagnement, car ces personnels ne sont pas simplement là pour surveiller. Les syndicats ont des propositions à formuler à ce sujet et il serait bon de les écouter.

Avant d'exiger de la part des personnels pénitentiaires de prêter serment, sans doute faudrait-il traiter la question de la surpopulation et des conditions de détention.

Par ailleurs, l'article 4 renvoie à des questions qui ne sont pas évoquées dans le texte, sans doute parce qu'elles sont trop compliquées, voire dangereuses : je veux parler du droit d'expression des personnels pénitentiaires. Bien sûr, nous ne remettons pas en cause la nécessité de la confidentialité, mais nous nous interrogeons sur cette conception très étriquée de la notion de loyauté qui empêche les personnels de s'exprimer sur le fonctionnement des centres de détention.

Nous sommes donc favorables à la création d'un code de déontologie pour les personnels pénitentiaires, mais à condition qu'elle s'accompagne d'une amélioration de leur statut et de leur droit d'expression. En revanche, nous sommes défavorables à ce qu'un même code de déontologie s'applique aux personnels ne relevant pas du service public pénitentiaire, lesquels sont déjà soumis à d'autres codes de déontologie.

Enfin, madame la garde des sceaux, comme vous le savez, la commission nationale consultative des droits de l'homme a demandé à être consultée avant que ce code ne soit appliqué, et j'aimerais avoir des précisions à ce sujet. Et, cette fois-ci, ce n'est pas la conférence des présidents qui a le pouvoir de répondre, mais le ministre d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

…a quand même fini par reconnaître que le code de déontologie constituait une avancée, ce dont je me félicite.

La rédaction de cet article est très claire et répond à ses interrogations. Le code de déontologie s'applique aux agents du service public pénitentiaire et aux « agents habilités en application du second alinéa de l'article 2 ». Par ailleurs, certains personnels intervenant dans les établissements pénitentiaires sont soumis à d'autres codes de déontologie.

Avis défavorable sur les amendements nos 265 , 266 et 267 .

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Je ne reviendrai pas sur la réponse de M. le rapporteur qui a été très claire. Mais je veux redire l'importance de l'article 4 en termes de reconnaissance et de valorisation du rôle des personnels pénitentiaires. Ceux-ci ne perçoivent pas le code de déontologie et la prestation de serment comme une remise en cause, mais comme la prise en compte de la complexité de leurs missions et des difficultés qu'ils rencontrent. Cela constitue une avancée remarquable. Ces amendements, s'ils étaient adoptés, ne feraient qu'obscurcir ce qui est très clair. Avis défavorable.

(Les amendements nos 265 à 267 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 135 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Lors des auditions auxquelles le groupe SRC a procédé, les syndicats ne semblent pas avoir beaucoup insisté sur ce point. Je ne suis pas certain que l'institution d'un code de déontologie constitue un si grand progrès et qu'il soit nécessaire de le faire figurer dans la loi – de nombreux codes de déontologie ont été établis sans faire l'objet de dispositions législatives. À cet égard, je note que, pour la majorité, qui a souvent repoussé les amendements de l'opposition au motif qu'ils ne relevaient pas du domaine législatif, cette notion est très malléable.

Si la loi prévoit d'établir un code de déontologie, nous vous suggérons qu'elle en précise aussi la vocation. La commission nationale consultative des droits de l'homme a demandé à examiner le texte du code et j'estime qu'il pourrait également être soumis aux parlementaires, tout particulièrement à la commission des lois, ce qui permettrait de lever quelques doutes. La question avait été évoquée au Sénat, mais la garde de sceaux n'y avait pas apporté de réponse. Espérons qu'elle le fera à présent.

Nous aimerions que la loi fixe les missions de service public des personnels ainsi que les conditions dans lesquelles les agents les accompliront.

Enfin, nous apprécierions que le Gouvernement, qui nous reproche de lui faire des procès d'intention, publie les décrets soumis au Conseil d'État, qui constitueront autant de déclinaisons de la loi pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Cet amendement, s'il était adopté, reviendrait à exclure du champ d'application du code de déontologie les agents de sociétés de gestion déléguée. J'émets donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Avis défavorable.

Qui peut se plaindre que ces novations importantes que sont le code de déontologie et la prestation de serment figurent dans la loi ? Il y a d'autant moins lieu de le faire que les précisions relatives au contenu du code et aux conditions de la prestation de serment ont vocation à figurer, elles, dans un décret.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Je fais confiance aux personnels pénitentiaires, notamment aux surveillants, et ce code répond à une demande que certains formulent depuis longtemps, même si un tel texte est difficile à établir, compte tenu de leurs conditions de travail.

Cela dit, je ne comprends pas la réponse du rapporteur selon laquelle cet amendement conduirait à exclure du champ d'application du code les personnes travaillant pour des sociétés de droit privé. Je ne vois pas où, dans le projet de loi, il est indiqué qu'elles sont concernées par les dispositions de l'article 4 et devraient prêter serment. Je demande donc au rapporteur de m'éclairer.

(L'amendement n° 135 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 268 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cet amendement va dans le sens des observations que Mme Lebranchu vient de formuler et me permet de revenir à la charge auprès de M. le rapporteur en ce qui concerne le code de déontologie.

Certes, il est simple de considérer que tous ceux qui participent à la vie des centres de détention doivent être pris en compte. Toutefois un même code de déontologie peut-il s'appliquer à un surveillant qui, selon le projet de loi, peut employer la force, et à un enseignant, qui n'est pas appelé à le faire ? Nous estimons que, si un code de déontologie doit s'appliquer aux personnels pénitentiaires, les autres personnels de droit public ou de droit privé amenés à contribuer à l'accompagnement des détenus doivent relever d'autres codes de déontologie, qui leur sont propres.

Par ailleurs, nous considérons que le code de déontologie doit comporter le principe du respect des droits fondamentaux, ce qui n'est pas prévu dans le projet de loi.

Enfin, j'irai aussi dans le sens de M. Urvoas : vos rejets sont très sélectifs. Quand nous demandons que certaines précisions figurent dans la loi, vous nous rétorquez qu'elles relèvent de règlements ou de décrets, pour lesquels nous ne serons même pas consultés – nous avons une certaine expérience de ces textes pris dans notre dos. Mais, pour ce qui du code de déontologie et du serment, vous considérez que de telles précisions doivent figurer dans la loi. S'agirait-il de faire croire à la partie la plus conservatrice du bon peuple de France que les personnels pénitentiaires ne respectent pas la déontologie et qu'il leur faudrait prêter serment ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Pour répondre à Mme Lebranchu et à M. Mamère, je précise que la suppression de la fin de l'alinéa 2 de l'article 4 revient à exclure de l'application du code de déontologie les agents de droit public ou privé bénéficiant d'une habilitation, tels qu'ils sont désignés au second alinéa de l'article 2.

Il faut bien comprendre que le code de déontologie ne comportera pas les mêmes règles pour ceux qui exercent les missions régaliennes de l'administration pénitentiaire et ceux qui exercent des fonctions de gestion déléguée à l'intérieur des établissements pénitentiaires. Ces deux catégories ne seront pas soumises aux mêmes règles, mais elles se verront appliquer le même code.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

En complément des explications très convaincantes de M. le rapporteur, je voudrais dire que je suis un peu surpris par les conseils d'objectivité prodigués par M. Mamère. Hier, il demandait que le règlement intérieur figure dans la loi. Aujourd'hui, il s'étonne que les principes mêmes du code puissent figurer dans la loi alors que les précisions seront renvoyées à des décrets. J'avoue avoir du mal à comprendre sa position.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

L'article 4 et les articles suivants donnent aux personnels du service pénitentiaire, autrement dit à nos surveillants de l'administration pénitentiaire, un statut et un code de déontologie. Que ces dispositions aient pu être prises par décret, peu importe. Ce qui me choque, c'est que ce code de déontologie, lourd de conséquences en termes de statut, s'applique aussi aux personnels d'une entreprise du bâtiment habilités à effectuer l'entretien d'un établissement.

Il ne s'agit pas d'un sujet mineur, madame la garde des sceaux.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

M. Bockel vient de vous répondre !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Madame la garde des sceaux, j'ai le droit ne pas comprendre la réponse qui m'a été faite.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Pas vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Ce code ne concerne-t-il que les personnels du service public ou s'appliquera-t-il à toutes personnes intervenant à l'intérieur de nos divers établissements ? C'est une question simple.

(L'amendement n° 268 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 136 .

La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Je voudrais tout d'abord faire une courte remarque sur la prestation de serment, à propos de laquelle je me suis entretenue avec des personnels de différents niveaux de l'administration pénitentiaire. Certains craignent que les personnels soumis à l'assermentation n'en tirent une trop grande autorité, qui rendrait impossible de réfuter leurs assertions, comme c'est le cas pour les officiers de police judiciaire. J'aimerais que l'on me réponde à ce sujet et que l'on me rassure.

J'en viens maintenant à l'amendement n° 136 . Comme vous le savez, les personnels du service public hospitalier sont soumis à un code de déontologie très large. Afin d'éviter toute ambiguïté, il convient de les exclure du code de déontologie « pénitentiaire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Madame Delaunay, le champ d'application de l'article 4 est très clair : les médecins ne sont pas concernés par ce code de déontologie « pénitentiaire ». Aussi, je vous invite à retirer cet amendement. À défaut, la commission y est défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Oui, madame la présidente.

(L'amendement n° 136 est retiré.)

(L'article 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 275 , portant article additionnel après l'article 4.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je souhaite revenir un instant sur la question du code de déontologie, puisque nous n'avons pas obtenu de réponse à ce sujet. Des associations, des enseignants seront soumis au même code de déontologie que les personnels pénitentiaires. Nous avons vraiment le sentiment que vous voulez transformer le milieu de l'encadrement pénitentiaire en une grande muette, comme cela existe dans l'armée, puisque l'on demandera à ceux qui n'appartiennent pas à l'administration pénitentiaire mais qui participent à la surveillance et à l'accompagnement des détenus de se taire. Cela ne correspond pas à l'esprit républicain qui doit nous animer.

J'en viens maintenant à l'amendement n° 275 , qui vise à répondre à la demande de la Commission nationale consultative des droits de l'homme de renforcer les compétences techniques des greffes pénitentiaires pour limiter les cas de détentions arbitraires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Vous parlez d'un renforcement des compétences techniques des greffes pénitentiaires. Or, avec cet amendement, vous proposez de remplacer les fonctions du greffe de l'établissement pénitentiaire par les services du parquet du tribunal de grande instance. En clair, vous mettez en cause le travail des greffes des établissements pénitentiaires et vous souhaitez le confier aux services du parquet du tribunal de grande instance. Je trouve cet amendement totalement stupéfiant et je m'y oppose catégoriquement.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Même avis. J'ajoute que la mission de contrôle du parquet existe par ailleurs.

(L'amendement n° 275 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Dominique Raimbourg, inscrit sur l'article 4 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Nous considérons que cet article, qui régit l'usage de la force, ne le réglemente pas suffisamment. Il s'agit là d'une question centrale, celle de l'application d'une violence légitime – la violence légale et d'État –, mais qui doit être très strictement encadrée. Voilà pourquoi nous présenterons des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 240 .

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je partage les préoccupations que vient d'exprimer M. Raimbourg.

L'alinéa 1 de l'article 4 bis précise que « les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire constituent […] l'une des forces dont dispose l'État pour assurer la sécurité intérieure ». Or cette formulation nous paraît particulièrement spécieuse. Faut-il considérer que ces personnels sont assimilables aux gendarmes ou aux CRS ? Les surveillants ont un rôle de surveillance, de bonne exécution des peines et de réinsertion, mais sans doute pas celui d'assurer la « sécurité intérieure », à moins qu'il ne s'agisse de la sécurité à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire, ce qui mériterait d'être précisé.

Je le répète, parce que les personnels de surveillance constituent la force dont dispose l'État pour surveiller, protéger, accompagner les détenus, assurer la meilleure exécution des peines et participer à la préparation à la réinsertion, nous pensons que la rédaction de cet alinéa n'est pas conforme à leurs missions. Voilà pourquoi nous en demandons la suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire assurent la sécurité intérieure. Ils font partie de la « chaîne » de sécurité. Lorsqu'ils procèdent à des transferts pénitentiaires ou luttent contre les évasions, ils font bien partie d'une force de sécurité intérieure. Ils exercent un rôle de sécurisation dans le cadre de leurs missions. On ne peut pas comparer la mission d'un gendarme ou d'un policier avec celle des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire. Ils n'ont pas les mêmes fonctions. En revanche, ils peuvent, sous certaines conditions, utiliser la force.

Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je rappelle que la loi de 1987 faisait déjà mention de la double mission du service public pénitentiaire, à savoir l'exécution des peines et le maintien de la sécurité publique. Apparemment, cela ne vous a pas posé de problème pendant vingt-deux ans. Rien n'est changé en la matière. Comme vient de l'indiquer le rapporteur, cette double mission est assurée par les agents de l'administration pénitentiaire, à l'intérieur et à l'extérieur de l'administration pénitentiaire. Je ne vois vraiment pas où est le problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Pour ma part, je n'avais pas réalisé que les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire étaient ainsi considérés. Toutefois, je le répète, je ne crois pas que les missions des personnels de surveillance aient grand-chose à voir avec la sécurité publique telle qu'on l'entend. Je regrette cette assimilation.

(L'amendement n° 240 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 241 .

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Nous nous réjouissons que le Sénat ait précisé les missions des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire et qu'un amendement d'un de nos collègues ait prévu que ces personnels doivent, outre leur participation à l'individualisation des peines et à la réinsertion des détenus, veiller au respect de l'intégrité physique des personnes privées de liberté.

En effet, le respect de l'intégrité physique est à la fois, pour les détenus, un droit fondamental et, pour les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire, une obligation essentielle qu'ils doivent faire respecter. Il s'agit donc bien d'une obligation fondamentale, distincte de la mission de sécurité dont elle ne saurait être un simple attribut. C'est pourquoi nous proposons la suppression des mots « Dans le cadre de leur mission de sécurité, » qui ne nous paraissent pas adaptés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

J'ai vraiment le sentiment que le mot « sécurité » vous pose problème, ce qui est curieux, car il est du devoir de l'État et de l'ensemble de ses agents d'assurer une mission de sécurité à l'égard des Français. Cette mission, les personnels de surveillance l'exercent doublement : en s'assurant effectivement que les personnes que le juge a décidé de placer en détention le restent bien et dans de bonnes conditions, et en participant à leur réinsertion. Je l'ai dit en début de séance, une réinsertion réussie, c'est une absence de récidive, c'est-à-dire davantage de sécurité. C'est à ce double titre que les personnels sont désormais considérés comme la troisième force de l'État en matière de sécurité intérieure.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Madame la ministre, par un artifice de langage, vous faites l'amalgame entre la surveillance et la sécurité. Et vous osez même nous dire que les personnels pénitentiaires sont là pour assurer la protection des Français. Je ne savais pas que leur statut était identique à celui de la police républicaine dans ses fonctions régaliennes de maintien de l'ordre public. Il est vrai que le mot de « sécurité » ne vous fait pas peur, puisqu'il inspire un certain nombre des lois dont nous débattons ici. Vous faites donc l'amalgame entre la mission de surveillance et d'accompagnement qui incombe à ces personnels pénitentiaires – lesquels, soit dit en passant, ne sont pas assez formés pour cela, comme ils le reconnaissent –, et la mission de sécurité qui n'entre pas dans leurs compétences et ne correspond pas à l'esprit du rôle qu'ils jouent dans les établissements de privation de liberté.

Il y a une différence idéologique entre ce que nous défendons et l'amalgame que vous faites entre surveillance et sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Cet amendement, comme ceux qui précèdent, est de l'ordre de l'aveu et rejoint tout à fait la préoccupation que j'ai exprimée en début de séance.

Nous avons gommé le mot « sécurité » dans le texte. Or il fallait le mettre en avant, car c'est un problème philosophique et non idéologique. Ne l'oubliez pas, la sécurité publique est une valeur que nous devons défendre, et c'est surtout l'un des quatre droits fondamentaux de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

La sécurité intérieure est remplie par un certain nombre de fonctionnaires qui ont des objectifs différents. Il est bien évident que les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire ont une mission de sécurité intérieure qui se remplit dans les prisons, pendant les transferts, mais aussi aux abords des établissements pénitentiaires. Cette mission a le même but que celle que poursuivent les gendarmes ou les policiers à l'extérieur : assurer la sécurité des citoyens, notamment en empêchant les délinquants et les condamnés de s'évader de prison. C'est la « chaîne de sécurité » que Mme la ministre a rappelée à plusieurs reprises. Je crois qu'il faut montrer, au contraire, à quel point c'est un honneur d'accomplir une mission aussi difficile.

(L'amendement n° 241 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 271 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cet amendement va dans le sens de ce que nous avons défendu jusqu'à présent.

En examinant ce texte, on s'aperçoit que le mot « dignité » n'apparaît qu'une seule fois. Chacun connaît la Convention européenne des droits de l'homme, et notamment son article 3 qui concerne la dignité. Les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et d'un certain nombre d'organismes indépendants montrent qu'il y a des problèmes de respect de la dignité dans les prisons françaises. Nous en revenons à cette controverse idéologique qui existe entre nous sur la question de la sécurité et de la surveillance.

La loi doit disposer que les personnels pénitentiaires, dans leur mission de surveillance, et non pas de sécurité, respectent la dignité et les droits fondamentaux des détenus. Cette préconisation trouve davantage sa place dans la loi que d'autres mesures que vous nous avez fait voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

L'article 10 dispose déjà que l'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité. Pour les mêmes raisons déjà invoquées, je rends un avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le principe du respect de la dignité de la personne détenue est déjà inscrit à l'article 1er du présent projet de loi à travers le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Ce débat est très intéressant, car il porte sur des mots, et que ces mots sont loin d'être vides de sens. Mme le garde des sceaux a raison, vous avez manifestement peur du terme « sécurité », qui vous fait horreur. Et vous en arrivez à ce paradoxe extraordinaire, monsieur Mamère, de préférer le mot de « surveillance », que, pour ma part, je n'aime pas trop, à celui de « sécurité ». La surveillance n'est qu'un des moyens de la sécurité. C'est la sécurité qui rend la surveillance honorable. Permettez-moi d'ailleurs de vous rappeler que Michel Foucault avait intitulé l'un de ses ouvrages Surveiller et punir. Ce n'était pas forcément laudatif de sa part.

C'est pour que les citoyens libres ne soient pas victimes des délinquants et gardent leur dignité qu'il y a des prisons, dans lesquelles on doit s'assurer de la dignité de ceux qui sont surveillés comme de ceux qui les surveillent. La sécurité et la dignité ne sont pas deux notions contradictoires. Au contraire, assurer la sécurité des gens permet de leur garantir un minimum de dignité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Permettez-moi, non pas une réflexion en droit, mais une réflexion en indignation, si je puis m'exprimer ainsi. Il faut arrêter de proclamer que le mot « sécurité » nous fait peur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Il faut cesser ces débats qui n'ont pas de sens. Qui a envie de se faire agresser ? De compter des victimes dans sa famille ? Il est temps que vous mettiez fin à cette caricature démagogique, car vous pourriez tomber dans le populisme, ce qui serait plus grave.

Je pense que les personnels de l'administration pénitentiaire sont les derniers remparts de la démocratie, de la République. C'est vrai, ils sont mal considérés et peu reconnus, tant du point de vue de leur formation, que de celui des effectifs, de leur rémunération ou de leur carrière. Souvent, pour répondre à cette situation difficile qu'eux-mêmes qualifient parfois d'indigne, ils ont espéré que leur statut serait aligné sur celui des forces de police, davantage respectées par le peuple français. À force de ne pas reconnaître le rôle éminent des surveillants de l'administration pénitentiaire, nous les avons acculés à une telle démarche. Nous avons commis là une faute collective. Les surveillants sont bien plus que cela. Oui, ils exécutent les décisions de justice, oui, ils font le lien avec les détenus, oui, leur travail est d'assurer la sécurité, ne serait-ce que pour éviter qu'un détenu ne soit assassiné par un autre ou qu'un surveillant ne soit blessé par un détenu, mais ils remplissent également un rôle profondément humain dans la lutte contre la récidive.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Ne nous trompons pas de débat. Cette espèce d'assimilation serait presque un constat de carence par rapport aux personnels de l'administration pénitentiaire.

(L'amendement n° 271 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 269 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

L'amendement n° 269 tend à rappeler les obligations résultant de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme. Ainsi, les personnes détenues ne doivent subir aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant.

Permettez-moi, dans le cadre du temps qui m'est imparti, de revenir sur l'excellente intervention de Mme Lebranchu. M. Vanneste ne se lasse pas de faire des raccourcis, nous citant tel ou tel philosophe à l'appui de sa démonstration. Je pourrais à mon tour rappeler que Marx voulait « remettre la dialectique hégélienne sur ses pieds » et tout le monde serait content ! Cela n'est que de la cuistrerie pour illustrer des arguments sans valeur ou très idéologiques.

Quand on sait tout ce que Michel Foucault a écrit sur la prison, quand on sait combien il a fait évoluer notre regard sur la prison, sur la détention, sur la privation de la liberté, votre manière de le citer est une insulte à sa mémoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous n'avez pas le droit de procéder à de tels raccourcis en invoquant les mannes d'un philosophe qui a beaucoup compté dans l'évolution de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Il demeure que le mot « surveiller » est péjoratif chez lui.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

S'il vous plaît, laissez les philosophes là où ils sont. Ne tordez pas le cou à leur mémoire, ne venez pas travestir leur pensée pour justifier une politique sécuritaire dont vous êtes l'un des défenseurs les plus insidieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Vanneste, seul M. Mamère avait la parole.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 269 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Bien sûr que si.

(L'amendement n° 269 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de trois amendements, nos 242 , 270 et 137 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 242 et 270 sont identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 242 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'amendement n° 242 vise à clarifier les conditions du recours à la force, et notamment aux armes à feu, par le personnel de surveillance. On pourrait comprendre de la rédaction actuelle de l'alinéa 3 que les personnels de surveillance peuvent se servir d'une arme à feu, notamment en cas de résistance par inertie physique aux ordres donnés. Cette disposition, qui associe dans la loi l'inertie physique, par définition non violente, à l'usage d'une arme à feu, est disproportionnée.

Nous considérons que le recours à la force devrait être strictement circonscrit aux cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance active à un ordre fondé sur la loi ou le règlement. En dehors de ces situations, l'utilisation de la force devrait être subordonnée à l'accord du chef d'établissement ou de son adjoint. Quant à l'usage d'une arme de feu, elle devrait répondre aux exigences de l'article 122-5 du code pénal.

Nous tenons de surcroît à ce que soit prise en compte une préoccupation émise à plusieurs reprises par la commission nationale de déontologie de la sécurité, à savoir la nécessité d'un dialogue préalable à tout usage de la contrainte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 270 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour présenter l'amendement n° 137 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

L'article 4 bis dispose que les personnels de surveillance « ne doivent utiliser la force, le cas échéant en faisant usage d'une arme à feu, qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par l'inertie physique aux ordres donnés ». Une telle rédaction pourrait laisser penser que le recours aux armes à feu est possible lorsqu'un détenu résiste par inertie physique, ce dont il ne saurait être question.

L'amendement n° 137 tend à améliorer la rédaction de ce texte en encadrant l'usage de la force dans le cas particulier d'une résistance par inertie. Il a le mérite de garantir la manière dont les agents devront intervenir, ce qui est protecteur pour eux, et d'être calqué sur les méthodes de la police, à savoir l'utilisation de la force après sommation, qui, en l'espèce, serait faite par le directeur ou par le cadre présent.

Nous ne nous faisons pas d'illusion, il est parfois nécessaire d'employer la force : encore faut-il que son utilisation reste proportionnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Permettez-moi de dresser une présentation générale de l'ensemble des amendements avant de rendre un avis défavorable à ceux qui tendraient à modifier le texte de l'article 4 bis, que je défends.

Nous abordons là un sujet très important et je me suis livré à une petite analyse juridique sur les conditions d'utilisation de la force, définies par les articles D. 283-3 à D. 283-5 du code de procédure pénale.

L'article D. 283-5 définit limitativement les cas dans lesquels le recours à la force par le personnel pénitentiaire est possible : légitime défense, tentative d'évasion ou résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés.

S'agissant de l'usage des armes à feu, il convient de distinguer l'intérieur et l'extérieur des enceintes pénitentiaires.

Dans les enceintes pénitentiaires, l'article D. 283-6 reprend les dispositions de la loi du 28 décembre 1943 qui précise les conditions dans lesquelles les personnels pénitentiaires doivent déployer la force armée : violences ou voies de fait exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ; cas où ils ne peuvent défendre autrement les établissements pénitentiaires dont ils ont la garde, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ; cas où des personnes cherchant à pénétrer dans un établissement pénitentiaire ou des détenus invités à s'arrêter par des appels répétés de « halte ! » faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraints de s'arrêter que par l'usage des armes.

En dehors des enceintes pénitentiaires, les dispositions relatives aux transferts et escortes de détenus – articles D. 304 à D. 310 du code de procédure pénale – sont muettes sur la question de l'armement des personnels pénitentiaires. Dans le cadre des transferts pénitentiaires, le principe est que les personnels pénitentiaires ne sont pas armés. Cependant, des missions nouvelles dévolues aux personnels pénitentiaires ont conduit ceux-ci à être, dans certains cas, porteurs d'armes à feu à l'extérieur des enceintes pénitentiaires. Pour ces missions s'exerçant sur la voie publique, le cadre juridique de l'utilisation des armes n'est pas celui de l'article D. 283-6 du code de procédure pénale, mais exclusivement celui de la légitime défense. Il en va de même pour les locaux situés en dehors des enceintes pénitentiaires, mais placés sous garde pénitentiaire, tels que les unités hospitalières spécialisées interrégionales dans lesquels les personnels de l'administration pénitentiaire assurent la surveillance des détenus hospitalisés.

Le Sénat a adopté, à l'initiative de M. Alain Anziani, un amendement définissant les conditions dans lesquelles les personnels de surveillance peuvent recourir à la force : « Ils ne doivent utiliser la force, le cas échéant en faisant usage d'une arme à feu, qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés. Lorsqu'ils y recourent, ils ne peuvent le faire qu'en se limitant à ce qui est strictement nécessaire. »

La disposition votée par le Sénat reprend donc les différents cas de recours autorisé à la force existant en droit positif, en leur conférant valeur législative, ce qui était nécessaire s'agissant d'actes pouvant porter atteinte à une liberté fondamentale ou à l'intégrité physique des personnes détenues.

Les cas de recours à la force restant inchangés tout en étant portés au niveau législatif, ce qui constitue un grand progrès, l'autre intérêt de la rédaction adoptée par le Sénat est que, à défaut de distinction des règles d'usage de la force selon le lieu – enceinte pénitentiaire ou milieu libre –, il en résulte que les mêmes cas de recours à la force s'appliqueront dorénavant tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des établissements pénitentiaires. Cette mesure constituera à la fois une simplification et une sécurisation du cadre d'intervention des surveillants pénitentiaires, permettant de tenir compte des missions qu'ils sont désormais amenés à exercer en dehors des établissements pénitentiaires.

J'ai été un peu long, mais il me semblait important de rappeler le cadre juridique dans lequel s'inscrit le recours à la force et aux armes à feu, cadre qui est élevé au plan législatif.

Telle est la raison pour laquelle je serai défavorable à tous les amendements visant à modifier la rédaction de cet article, que je défends.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Défavorable.

Je ferai deux remarques, qui viennent en complément de l'argumentation très précise et convaincante du rapporteur.

Tout d'abord, en ce qui concerne la présente rédaction de l'article 4 bis, alinéa 3, je tiens à souligner qu'elle répond aux objectifs mis en avant par les rédacteurs de ces amendements, à savoir inscrire dans la loi le régime de l'usage de la force par les personnels pénitentiaires, lequel, chacun le sait, relève aujourd'hui d'un décret, et rappeler le principe de stricte nécessité, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Il est indispensable de maintenir la possibilité très dissuasive de faire usage d'une arme en cas de tentative d'évasion, afin de donner à l'administration pénitentiaire les moyens de remplir une de ses missions fondamentales : la garde des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires.

Ma seconde remarque, je l'ai à l'esprit depuis que nous avons commencé d'aborder, avec l'article 4 bis, la question du recours à la force.

Alors que, souvent, vous citez les règles pénitentiaires européennes comme le système de références permettant d'améliorer nos propres modes de fonctionnement, il me semble que, du moins en la matière, les choses sont claires. En effet le chapitre des règles pénitentiaires européennes relatif au recours à la force, non seulement, ne l'écarte pas mais, de plus, fixe un cadre très précis, dans lequel nous nous retrouvons pleinement. Ainsi la règle 65 prévoit que « des procédures détaillées doivent régir le recours à la force notamment… « les divers types de recours », « les circonstances », « les membres du personnel habilités », « le niveau d'autorité » et « les rapports à rédiger ».

En matière de recours à la force, le rapporteur a eu raison de le souligner, loin de nous inscrire dans une démarche liberticide (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)…

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

…ou de repli sur soi de l'administration, les règles européennes constituent bien notre système de références. Je tenais à le rappeler à l'occasion de la discussion de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

L'argumentation développée par ceux qui défendent ces amendements est la suivante : l'alinéa 3 de l'article 4 bis prévoyant l'utilisation de la force, « le cas échéant en faisant usage d'une arme à feu, en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés », Dominique Raimbourg craint que les gardiens ne puissent faire usage d'une arme contre des détenus qui, restant assis dans la cour, refuseraient de rentrer dans leurs cellules ; c'est cela l'inertie.

Pour vous ôter toute crainte en la matière, vous voudriez que le texte précise clairement qu'on ne pourra pas faire usage d'une arme dans un tel cas de figure. Or cette précision est déjà fournie par la dernière phrase de l'alinéa 3, qui prévoit que lorsque les personnels pénitentiaires utilisent leurs armes, « ils ne peuvent le faire qu'en se limitant à ce qui est strictement nécessaire ». Comme il n'est évidemment pas nécessaire de faire usage d'une arme en cas d'inertie, ce texte me paraît, sur le plan juridique, aussi clair que limpide ! Il n'appelle donc pas d'amendements et c'est la raison pour laquelle je propose, au nom du groupe UMP, de les repousser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous ne réussirons, il est vrai, à nous mettre d'accord que sur fort peu de points : ce devrait pourtant être le cas, ici, car nous partageons sur le sujet certaines évidences, que le rapporteur a rappelées.

Tout d'abord, il faut élever au niveau législatif les conditions d'emploi de la force dans les établissements pénitentiaires. Après la commission Canivet, qui l'a demandé la première, chacun a abondé en ce sens, y compris les organisations internationales.

Nous reconnaissons également que lorsqu'on utilise la force, il convient de respecter deux principes : la nécessité et la proportionnalité.

J'invite donc le secrétaire d'État à écouter le porteur de cet amendement : jamais, en effet, nous n'avons remis en cause l'usage de la force et les conditions dans lesquelles il convient d'y recourir.

En revanche, monsieur le rapporteur, je tiens à rappeler que, lors de la séance du Sénat du 4 mars dernier, au cours de laquelle Alain Anziani a défendu l'amendement dont l'adoption a complété l'article 4 bis, notre collègue sénateur, dans son intervention, convenait, comme nous – c'est la raison pour laquelle nous avons rédigé de concert l'amendement que nous vous présentons –, que la disposition devait être précisée, notamment de façon à respecter la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, en vue de prémunir la France de futures condamnations pour un usage de la force inapproprié ou ne correspondant pas au principe de nécessité. Je le répète : nous ne remettons pas en cause la philosophie de l'article tel qu'il est rédigé, mais nous vous suggérons, dans une intention positive, de préférer notre rédaction, parce qu'elle nous paraît plus conforme à la jurisprudence de la Cour européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je tiens, en vue de compléter les propos de Jean-Jacques Urvoas, à alerter le Gouvernement sur le fait que la rédaction actuelle du texte est en contradiction manifeste avec la règle pénitentiaire européenne 68-4.

Dois-je rappeler que le Parlement n'a pas la possibilité d'exercer un quelconque contrôle sur l'usage de la force et de la contrainte, alors que – cela nous paraît tomber sous le sens – il devrait pouvoir le faire ? Aussi est-il à nos yeux d'autant plus nécessaire que la rédaction de cet article soit conforme à la règle 68-4. Je le répète, tel n'est pas le cas puisque cette règle prévoit expressément une réglementation des moyens de contrainte.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

C'est n'importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

C'est la raison pour laquelle nous attendons des réponses à la fois sur la question du contrôle par le Parlement de l'usage de la force et sur celle du respect de la règle pénitentiaire européenne 68-4.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

S'il est vrai que, en matière de règlements européens, il existe encore des domaines dans lesquels nous devons nous améliorer – nul ne l'ignore –,le Gouvernement ne saurait laisser passer des confusions constantes.

Monsieur Mamère, alors que nous évoquons actuellement le chapitre européen relatif au recours à la force, vous nous répondez en invoquant le chapitre relatif aux moyens de contrainte ! L'article que vous citez appartient à un chapitre différent de celui qui concerne l'article 4 bis ; je les ai sous les yeux. Vous mélangez donc les deux notions. J'ignore si vous le faites à dessein. En tout cas, je tenais à vous apporter cette précision.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous ne m'avez pas répondu sur la question du contrôle parlementaire !

(Les amendements identiques nos 242 et 270 ne sont pas adoptés.)

(L'amendement n° 137 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Puis-je considérer, monsieur Urvoas, que vous avez défendu l'amendement n° 138 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Oui, madame la présidente.

(L'amendement n° 138 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Laurence Dumont pour soutenir l'amendement n° 139 .

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

J'ai bien compris que le rapporteur a émis un avis défavorable à tous les amendements à l'article 4 bis. Toutefois, je souhaite qu'il prête une attention particulière à l'amendement n° 139 , qui concerne les mineurs, que visent très peu de dispositions du texte ; nous avons dénoncé ce fait en commission.

Cet amendement tend, a minima, à compléter l'article 4 bis par l'alinéa suivant : « L'usage de la force à l'encontre des détenus mineurs âgés de moins de quinze ans est prohibé, sauf situation insurmontable mettant en danger l'intégrité physique des personnes ».

Il s'agit de renverser la logique de l'usage de la force pour les mineurs, en partant du principe qu'elle est prohibée, sauf cas de force majeure pour les personnels. La protection et, plus généralement, le sort des mineurs méritent d'être explicitement précisés à la fin de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La commission a un avis défavorable.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Défavorable.

Les détenus mineurs bénéficient des mêmes garanties de respect des droits fondamentaux que les détenus majeurs, y compris en la matière.

Cet amendement relève de l'argutie, la question étant déjà réglée sur le fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Le rapporteur a très justement rappelé la base décrétale qui régit actuellement l'usage de la force par le personnel pénitentiaire.

Madame la garde des sceaux, lors du débat au Sénat, Mme Dati a répondu au rapporteur qui avait proposé cet amendement qu'une réflexion était en cours à la chancellerie en lien avec le ministère de l'intérieur sur l'usage de la force dans les enceintes pénitentiaires, notamment dans les UHSI. Cette réflexion a-t-elle été interrompue ou a-t-on jugé qu'elle n'avait plus lieu d'être ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Des concertations sont effectivement menées de part et d'autre en vue d'harmoniser et de limiter l'usage de la force au strict nécessaire. C'est un des grands principes en ce domaine.

(L'amendement n° 139 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas pour défendre l'amendement n° 140 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cet amendement concerne les pistolets à impulsion électrique qui sont utilisés en détention depuis 2006 sur la base des circulaires du 9 janvier 2006 et du 9 mai 2007.

Je vais m'appuyer sur le débat qui a déjà eu lieu en commission sur le sujet, afin de faire progresser notre réflexion collective, tout d'abord en ce qui concerne la dangerosité de cette arme.

Je cite, à l'appui de ma thèse, les conclusions d'Amnesty international, dont chacun reconnaît la pertinence dans le domaine de la protection des droits de l'homme : selon cette association, les affirmations des industriels selon lesquelles les pistolets paralysants de type à impulsion électrique sont inoffensifs et ne peuvent entraîner la mort ne résistent pas à un examen sérieux. De fait, nous avons recensé depuis 2003 au moins vingt et une personnes décédées à cause de l'usage de cette arme.

Je tiens également à vous rappeler que l'exposé des motifs précise que les pistolets à impulsion électrique sont inscrits sur la liste européenne des matériels qui, en cas de mésusage, ou d'abus, peuvent relever de cas de traitement cruel, inhumain et dégradant. Du reste, le 10 décembre 2007, dans son rapport sur la France, le comité pour la prévention de la torture s'est montré « plus que réticent à l'introduction d'une telle arme en détention, vu la nature particulière des fonctions assumées par le personnel pénitentiaire ».

Les deux questions que je veux poser ont pour origine les réponses qui m'ont été fournies en commission.

Combien l'administration pénitentiaire utilise-t-elle de pistolets à impulsion électrique ? À ma connaissance, les forces de police en disposent de 2 000 et la gendarmerie de 2 500.

Madame la garde des sceaux, ma seconde question vous est plus particulièrement destinée : vous nous avez dit en commission que le modèle utilisé en France est beaucoup moins puissant que celui employé dans d'autres pays. Quel est le modèle utilisé en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La commission a un avis défavorable.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Défavorable.

Monsieur Urvoas, la dangerosité de cette arme fait l'objet d'un vieux débat, auquel j'ai déjà participé en tant que ministre de l'intérieur.

Cette arme n'est dangereuse qu'en cas de mauvaise utilisation, notamment de chocs électriques nombreux ; tel a du reste été le cas des vingt et un décès recensés par Amnesty international. Or l'utilisation de ce pistolet en France par la gendarmerie, la police ou, évidemment, les personnels pénitentiaires, fait l'objet d'un encadrement réglementaire très strict. Une formation existe, ce qui n'était pas toujours vrai dans les cas cités par Amnesty international.

Je le dis et le répète : puisque, en France, la formation est la même pour l'utilisation des armes à feu que pour celle des pistolets à impulsion électrique du type que nous possédons, je préférerai toujours l'utilisation d'un pistolet à impulsion électrique à celle d'une arme à feu car le risque est bien moindre. Du reste, en France, nous n'avons pas eu à déplorer de décès ni connu de problème sérieux ; chacun peut le reconnaître.

Ensuite, on compte au total dix-huit pistolets à impulsion électrique au sein de l'administration pénitentiaire. Vous conviendrez que ce n'est pas considérable. De plus, ces pistolets ne sont utilisables que dans des conditions exceptionnelles, dans le cadre d'une intervention strictement définie, sur autorisation du chef d'établissement.

L'encadrement des plus sérieux de leur emploi offre donc toutes les garanties possibles. Et je répète que je préfèrerai toujours l'utilisation d'un pistolet à impulsion électrique qui présente moins de risques, que l'usage d'une arme à feu.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Pardonnez-moi de mettre en doute vos propos, madame la ministre, quand vous dites que toutes les conditions sont réunies pour une utilisation non-dangereuse d'une arme qui, en fait, est bel et bien dangereuse.

Je vous rappelle que le taser, puisque c'est son nom, est qualifié d'arme à faible létalité. Ce n'est donc pas une arme non-létale, mais une arme qui peut tuer, comme le souligne le rapport d'Amnesty international. Une lecture attentive de ce rapport révèle même que si 23 personnes ont été tuées, 150 ont été blessées.

Vous parlez de l'utilisation de cette arme « dans des conditions très particulières » et évoquez la formation des personnels amenés à l'utiliser ; mais le ministre de l'intérieur que vous avez été récemment n'oublie certainement pas ce qui s'est passé à Montreuil avec l'utilisation d'un flash-ball.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Quel est le rapport avec le pistolet à impulsion électrique ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…puisque le flash-ball comme le taser, qui équipent aujourd'hui la gendarmerie et la police, sont des armes qui peuvent être dangereuses, qui peuvent crever un oeil et même tuer.

Nous en avons déjà discuté lorsque, en qualité de ministre de l'intérieur, vous avez décidé d'autoriser les polices municipales à s'équiper de tasers, de même que les ERIS qui sont intervenues à plusieurs reprises dans des prisons françaises munies de cette arme à faible létalité. Vous savez bien que certaines conditions sont impossibles à respecter lorsqu'on se trouve en situation d'urgence : on risque ainsi d'attenter gravement à la santé d'un individu dont on ne peut évaluer l'éventuelle grande vulnérabilité.

C'est une question de principe : nous refusons l'utilisation d'armes telles que les pistolets à impulsion électrique dans les centres de détention et de privation de liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je remercie le rapporteur pour sa réponse particulièrement détaillée sur les conditions très strictes de l'usage de la force en prison. Je saisis l'occasion qui m'est offerte pour exprimer toute ma solidarité avec le personnel pénitentiaire et toute ma gratitude à Mme le garde des sceaux pour avoir rappelé solennellement que les surveillants constituaient l'une des forces dont dispose l'État pour assurer la sécurité intérieure.

Quand j'entends l'opposition, je me demande de quelle situation nous parlons. Vous venez d'évoquer l'utilisation du pistolet à impulsion électrique en prison, monsieur Mamère, mais êtes-vous le contrôleur général des prisons ? Il ne nous revient pas de nous prononcer sur l'utilisation par le personnel pénitentiaire de ces pistolets. Nous avons en effet créé une autorité administrative indépendante – le contrôleur des prisons – pour déterminer les conditions d'utilisation de cette arme.

Nous ne devons pas oublier que certains détenus sont très dangereux. Pensons donc à la sécurité des personnels pénitentiaires et exprimons-leur un minimum de solidarité. Ne laissons pas croire n'importe quoi dans cet hémicycle où nous représentons la nation. Le rapporteur s'est exprimé sur l'encadrement de l'usage de ces armes ; s'impose donc un minimum de décence. Si des doutes se font jour sur la bonne utilisation des pistolets à impulsion électrique, ce n'est pas à nous de nous prononcer, j'insiste, mais aux organismes indépendants qui en sont chargés.

(L'amendement n° 140 n'est pas adopté.)

(L'article 4 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Michel Vaxès pour soutenir l'amendement n° 243 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je remercie nos collègues sénateurs d'avoir introduit cet article qui définit la mission des personnels des services d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire et, plus précisément, leur rôle dans l'individualisation des peines et des mesures pré-sententielles ainsi que dans l'aménagement des peines.

Le présent amendement reprend l'une des préconisations du comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, selon lequel « il importe […] que les services pénitentiaires d'insertion et de probation s'approprient pleinement, dans sa plénitude, la mission qui est la leur, se définissant comme " la mise en oeuvre et le suivi des mesures d'individualisation et d'aménagement des peines privatives de liberté […]" ».

Les personnels des SPIP jouent un rôle actif dans l'aide à la décision des magistrats en leur apportant des éléments essentiels sur le détenu ou le prévenu. Ils font des enquêtes dites rapides avant comparution dans le cadre des permanences d'orientation pénale. Ils peuvent être saisis de diverses mesures pré-sententielles sur le contrôle judiciaire, sur l'ajournement avec mise à l'épreuve de suivi des détenus incarcérés.

Toutes ces missions doivent donc être précisées dans cet article, aujourd'hui insuffisant, afin de faire apparaître le coeur du métier de ces personnels à travers leur participation à l'individualisation des peines et des mesures pré-sententielles ainsi qu'à l'aménagement des peines.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

La rédaction de l'article 4 ter est tout à fait satisfaisante, explicite ; la commission ne l'a d'ailleurs pas modifiée. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je n'ai pas d'opposition sur le fond avec M. Vaxès mais son amendement est redondant avec ce que précise déjà le texte, notamment à l'article 1er. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut y être favorable. Je pense par conséquent que M. Vaxès pourrait retirer son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Si je vous entends bien, madame la ministre, la définition du rôle des personnels des SPIP telle que le prévoit mon amendement figure déjà dans le texte.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

En effet, à l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je souhaitais juste préciser la mission des SPIP – et je ne vois pas en quoi ma proposition n'améliorerait pas le texte –, mais si vous me confirmez qu'elle est déjà définie et que votre acquiescement figure bien au compte rendu intégral des débats, je retire mon amendement.

(L'amendement n° 243 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 272 .

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cet amendement vise à préciser la mission des SPIP et en particulier à assurer aux détenus qu'ils pourront bénéficier des dispositifs d'insertion de droit commun au moment de leur libération.

Nous savons tous que trop de détenus, à leur sortie, sont livrés à eux-mêmes sans aucune préparation. Quelle que soit la qualité de leur travail, les SPIP sont en sous-effectifs par rapport au nombre de détenus qu'il faut préparer à la réinsertion. Il paraît donc utile de préciser dans la loi que les SPIP ont l'obligation de préparer les détenus aux dispositifs de droit commun après leur libération.

Reste, j'insiste, une réalité : le manque d'effectifs au sein des SPIP qui ne peuvent, dès lors, assurer leurs missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

M. Mamère a quelque difficulté à présenter cet amendement. Les services pénitentiaires d'insertion et de probation s'occupent bien sûr de faciliter la sortie des détenus et sont en relation avec de nombreux services extérieurs et associations. En revanche, ils ne peuvent se substituer aux services sociaux et aux associations qui prennent ensuite le relais.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il s'agit d'assurer l'accès des détenus libérés aux dispositifs d'insertion de droit commun !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le Gouvernement suit la commission. Encore une fois, l'action que doivent mener les SPIP est déjà définie dans l'article. Il est en tout cas impossible de leur imposer une obligation de résultat qui ne dépend pas d'eux.

(L'amendement n° 272 n'est pas adopté.)

(L'article 4 ter est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

À l'article 4 quater, je suis saisie de trois amendements, nos 141 , 273 et 274 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 141 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Cet amendement nous paraît symboliquement très important.

Les syndicats de surveillants ont expliqué aux députés du groupe SRC que le statut spécial régissant leur fonction portait une disposition dérogeant au droit commun : en cas de cessation concertée du travail, autrement dit en cas de grève ou d'actes d'insubordination, ils peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires sans comparution devant la commission de discipline.

Il s'agit de cas très rares et cette disposition est elle-même, par conséquent, rarement utilisée. Il nous a néanmoins semblé nécessaire d'étendre les droits des personnels de surveillance. Aucune amélioration du statut des détenus ne peut avoir lieu si l'on n'améliore pas dans le même temps le statut et les conditions de travail du personnel pénitentiaire.

Il nous a été objecté en commission qu'il s'agissait d'un aspect réglementaire. Même dans cette hypothèse, il convient, selon nous, d'adopter rapidement cette mesure de façon à mettre fin à cette anomalie juridique qui affecte le statut de personnels dont chacun s'accorde ici pour reconnaître le mérite et la difficulté du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 273 , s'il le veut bien, l'amendement de repli n° 274.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Tout à fait, madame la présidente.

Ces amendements vont dans le même sens que celui que vient de défendre notre collègue Dominique Raimbourg, visant à apporter une réponse aux revendications des syndicats des personnels pénitentiaires, réponse qui suit les recommandations de la commission nationale consultative des droits de l'homme.

Vous avez voté le code de déontologie prévoyant une prestation de serment considérée par les uns comme une forme de progrès et par les autres comme une forme de corsetage des personnels pénitentiaires. Il y a une réalité : la notion de loyauté est interprétée par l'administration pénitentiaire dans son sens le plus étroit et revient à faire taire le personnel qui dispose en fin de compte de fort peu de droits à l'expression ou à la manifestation.

Or il ne nous semble pas sain pour le fonctionnement républicain des centres de détention que ce personnel ne puisse pas bénéficier d'une extension du droit de manifestation et d'expression tout en tenant compte de la règle de la confidentialité et des normes imposées par le fonctionnement d'un centre de détention.

Comme l'a rappelé le président Canivet, si la citoyenneté ne doit pas s'arrêter à la porte des prisons, ce doit aussi être le cas pour les droits des personnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Les personnels pénitentiaires peuvent exercer tous les recours devant la juridiction administrative à l'encontre de sanctions disciplinaires. Il appartient ensuite au juge administratif d'apprécier les éléments de fait et les éléments de droit.

Certes, les personnels pénitentiaires sont soumis à un statut spécial, mais il est directement lié à leurs fonctions dont nous savons bien la particularité. Il convient en effet d'assurer la continuité du service pénitentiaire.

Cela étant, j'insiste, les recours existent et lesdits personnels peuvent faire valoir leurs droits devant les magistrats administratifs.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je considère que la rédaction qui résulte des discussions au Sénat est très satisfaisante. Elle est précise, et apporte suffisamment de garanties. Les amendements proposés me semblent au contraire comporter un risque. On y trouve même, d'ailleurs, quelques petites erreurs, notamment dans les références, puisque les titres Ier et II du statut général de la fonction publique ne traitent pas de ces droits. C'est un premier problème.

Comme vient de le rappeler le rapporteur, le statut spécial a pour objet d'assurer la continuité absolue du service public pénitentiaire. C'est évidemment une obligation. Les sujétions que cela entraîne sont d'ailleurs compensées : elles le sont par un barème de compensations statutaires exorbitantes du droit commun, par des avantages indemnitaires, et par toute une série d'autres mesures.

J'ajoute néanmoins que, dans le cadre du protocole 2009, une mission est actuellement conduite par un conseiller d'État, qui est en train de réfléchir sur le droit disciplinaire applicable aux fonctionnaires pénitentiaires. Nous devrions disposer de ses conclusions à la fin du mois d'octobre, et nous en tirerons l'ensemble des conséquences sur le plan du statut.

Mais je pense vraiment, s'agissant de cet article, que la rédaction du Sénat est préférable, dans le système actuel. Nous aurons plus tard l'occasion de parler de ses évolutions éventuelles, à la suite de la mission du conseiller d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Madame la présidente, s'il s'agit là d'un engagement que prend le Gouvernement de revenir sur cette question du droit disciplinaire applicable aux surveillants, nous accueillons cette nouvelle favorablement. Je pense que, dès lors, nous pouvons retirer cet amendement. Cela sera inscrit au Journal officiel, et nous y reviendrons, en espérant une évolution favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Les amendements nos 273 et 274 sont-ils également retirés, monsieur Mamère ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Oui.

(Les amendements nos 141 rectifié , 273 et 274 sont retirés.)

(L'article 4 quater est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de quatre amendements, nos 142 , 143 , 144 et 145 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour les soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Avec ces quatre amendements, il s'agit d'inscrire dans l'article une sensibilisation aux principes de la laïcité, à la problématique du suicide en détention, aux questions relatives à l'accueil des mineurs, ainsi qu'aux relations interculturelles et au racisme.

Il nous a paru utile de mentionner ces sujets pour marquer leur importance. On m'objectera qu'une énumération est toujours incomplète et que l'on risque de mettre l'accent sur certaines choses en en oubliant plusieurs autres, mais il nous a paru important de maintenir ces mentions. Nous souhaitons qu'elles soient inscrites dans le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

La formation des personnels pénitentiaires est un sujet fort important. Je précise néanmoins qu'elle ne dépend pas de la loi. Les programmes de l'École nationale d'administration pénitentiaire sont très élaborés et, chaque année, environ 7 000 personnels de l'administration pénitentiaire suivent soit une formation initiale, soit une formation continue. De très gros efforts ont été faits par l'administration pénitentiaire et l'ENAP en ce qui concerne la formation, notamment dans les domaines que vous évoquez, cher collègue.

Ces amendements n'étant pas du domaine de la loi, j'émets un avis défavorable. Mais, sur le fond, ils sont satisfaits.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Les sujets que vous évoquez dans ces amendements, monsieur Raimbourg, sont essentiels, et j'y suis très attachée, mais ils sont déjà présents dans les programmes de formation. On peut insister sur ces sujets, mais cela relève, vous l'avouerez, davantage de la circulaire que de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Non, je souhaite qu'ils soient mis aux voix, madame la présidente.

(Les amendements nos 142 , 143 , 144 et 145 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L'article 4 quinquies est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 146 portant article additionnel après l'article 4 quinquies.

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Cet amendement concerne les femmes détenues. Je veux, à cette occasion, saluer l'excellent rapport de M. Huet, Femmes en détention : une réalité méconnue. Les amendements que je vais présenter reprennent d'ailleurs les siens, du moins ceux qui n'ont pas été retenus.

Je rappelle, que dans les quartiers de femmes, le personnel surveillant est exclusivement féminin, sauf parmi les gradés, ce qui est curieux. Or force est de constater que la présence de surveillantes dans les établissements pénitentiaires réservés aux détenus masculins a un effet très positif d'apaisement des conflits. Nous pensons d'ailleurs qu'il est nécessaire que la prison tente de refléter au mieux la société. Il faut peut-être aussi restaurer auprès de beaucoup de femmes leur vision des rapports entre hommes et femmes dans la société.

C'est pourquoi, à titre expérimental, et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la loi, nous souhaitons que des personnels masculins puissent avoir accès à la détention dans les établissements ou quartiers de femmes. Après ce délai, il faudra bien sûr tirer les conséquences de cette expérimentation et examiner ce qu'il convient de faire en ce qui concerne l'organisation des établissements et la gestion des personnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Lors de ses travaux, la commission a adopté quatre amendements concernant la situation des femmes détenues en vue de renforcer la considération qui leur est due. L'un d'eux concerne le travail des femmes détenues, en autorisant, sous certaines conditions, la mixité dans certains ateliers. Un autre propose l'absence d'entrave à l'occasion de certains examens médicaux, notamment des accouchements. Des progrès ont donc été réalisés.

Ce que vous proposez là, ma chère collègue, est tout de même plus particulier, puisqu'il s'agit de faire en sorte que les personnels de surveillance de sexe masculin puissent « avoir accès à la détention dans les établissements ou quartiers de femmes dans des conditions fixées par décret ». Il me semble que ce qui a été fait par la commission est important et suffisant. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable à votre amendement.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Après y avoir bien réfléchi, je suis assez dubitative. Des expériences ont été conduites, qui, jusqu'à présent, n'ont pas été très heureuses. En tout état de cause, une telle expérimentation n'exige pas une disposition législative. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Il faudrait vérifier ce point, madame la ministre. Il me semble que dans les établissements de femmes, il ne peut pas y avoir d'hommes gardiens.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Cela ne relève pas de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Par contre, il y a des gradés masculins, ce qui est quand même curieux.

Je pense que cette expérimentation mériterait d'être mise en place.

Certes le rapporteur a indiqué que quatre amendements concernent les détenues, mais, par rapport au travail qui a été effectué par M. Huet et par la délégation aux droits des femmes, c'est très peu. Les femmes rencontrent des problèmes spécifiques et cette spécificité doit être prise en compte au-delà des quatre amendements dont vous parlez, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

L'amendement déposé par Mme Crozon et plusieurs de ses collègues avait, à l'origine, été déposé par la délégation aux droits des femmes. Ce qu'a indiqué le rapporteur est tout à fait juste : un certain nombre d'amendements ont été déposés au nom de la délégation et acceptés par la commission. L'essentiel, pour la délégation, était de faire reconnaître certaines spécificités et certains droits des femmes détenues.

Cet amendement est de nature quelque peu différente, puisqu'il vise à permettre, à titre expérimental, la présence de surveillants de sexe masculin dans des quartiers de femmes. Il ne concerne pas directement les droits des détenues. C'est pour cela que je m'étais finalement rangé à l'avis de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux et que je n'ai pas souhaité le défendre en séance publique.

(L'amendement n° 146 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Dominique Raimbourg, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je voudrais souligner une difficulté que nous ont fait remarquer les représentants des syndicats des personnels pénitentiaires lorsque nous les avons auditionnés.

L'article 5 prévoit la protection habituelle de la fonction publique au profit des agents de l'administration pénitentiaire. Or il nous a été indiqué que lorsque ceux-ci comparaissent devant la commission nationale de déontologie de la sécurité, leur défense n'est pas prise en charge dans les mêmes conditions que celle des personnels de police. J'ai bien conscience que cela relève de dispositions réglementaires, mais je voulais attirer l'attention sur cette difficulté, à laquelle il pourrait peut-être être remédié, compte tenu de la relative rareté de ces comparutions.

(L'article 5 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur l'article 6, je suis saisie de deux amendements identiques, nos 244 et 276 .

La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 244 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps les amendements nos 244 , 245 , 247 et 248 , qui tendent tous à supprimer des dispositions relatives à la création de la réserve civile pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Comme j'ai eu l'occasion de le dire en commission, nous sommes opposés à la création d'une réserve civile pénitentiaire. Elle n'est conçue que pour pallier une réelle pénurie de personnels de surveillance dans les établissements pénitentiaires.

La décision gouvernementale de non-remplacement d'un poste de fonctionnaire sur deux et le dépeçage systématique des missions régaliennes de service public sont les causes de cette pénurie, qui est évidemment aggravée par l'augmentation vertigineuse de la population carcérale du fait de l'alourdissement général des condamnations et de leur multiplication.

Il y a deux façons de répondre à la pénurie de personnels de surveillance : soit réduire le nombre de détenus, en facilitant les aménagements de peine, ce que le Gouvernement ne semble plus disposé à faire ; soit embaucher des fonctionnaires supplémentaires en créant des postes de surveillant et d'autres agents du service pénitentiaire. Or vous ne voulez ni l'un ni l'autre. Vous préférez rappeler des personnels retraités.

Ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, le service public pénitentiaire remplit l'une des plus régaliennes de toutes les missions de l'État. Il nous semble donc absolument nécessaire qu'elle soit effectuée par des fonctionnaires de plein droit, en pleine possession de leurs moyens, avec les droits et obligations y afférents.

De plus, cette réserve civile nous conduit à nous interroger sur le droit à la retraite des personnels de surveillance.

L'âge maximal de départ en retraite des personnels pénitentiaires est aujourd'hui fixé à cinquante-cinq ans, en vertu de la pénibilité reconnue de leur travail.

Si, demain, ces personnels retraités peuvent reprendre leur activité dans des établissements pénitentiaires afin d'assurer des missions de sécurité, pourquoi le Gouvernement n'en viendrait-il pas à proposer de relever l'âge de départ à la retraite ? Il s'agirait, ni plus ni moins, d'une remise en cause du droit du travail et du statut des fonctionnaires.

Le parallèle qui a été fait avec la réserve civile de la police nationale n'est pas acceptable. Les personnels de surveillance ne sont pas des agents de sécurité intérieure ; ils ont une mission spécifique et ne relèvent ni du ministère de l'intérieur ni du ministère de la défense. D'ailleurs, cette question mériterait un débat beaucoup plus approfondi.

En fait, le problème qui est posé à travers ce type de proposition est le dramatique manque de moyens dans les établissements pénitentiaires. Inutile d'aller bien loin pour trouver des exemples. À Fresnes, où un surveillant s'occupe de cent détenus par coursive, les personnels nous disent que la situation n'est plus gérable et qu'il est devenu très pesant de faire son travail dans ces conditions. L'état de délabrement de nos prisons mériterait qu'on engage des moyens beaucoup plus importants. Cette réalité douloureuse est vécue aussi à Fleury, où l'on dispose de quatorze douches pour trois cents détenus. Évidemment, cela prend beaucoup de temps, et c'est au détriment de celui qui doit être consacré à établir des relations et à s'inscrire dans un processus d'insertion, de réadaptation des personnes sous main de justice.

Voilà pourquoi nous proposons de recruter des personnels des services publics pénitentiaires plutôt que d'avoir recours à des retraités.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Noël Mamère pour défendre l'amendement n° 278 .

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Comme vient de le faire M. Vaxès, je vous propose, madame la présidente, de défendre en même temps les amendements nos 277 , 278 , 279 et 280 .

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Derrière l'expression « réserve civile », se cache l'obsession, qui semble animer Mme la ministre d'État, de la dérive que nous avons dénoncée tout à l'heure, qui consiste à transformer la mission de surveillance et d'accompagnement des personnels pénitentiaires en mission de sécurité. Dans l'expression se trouve l'état d'esprit de cette loi.

Je vais reprendre quelques éléments développés par notre collègue Michel Vaxès.

Sans faire de mauvais humour, comment proposer sérieusement que des personnels à la retraite viennent compléter les personnels des prisons, alors même que ces derniers sont en sous-effectifs pour faire face à une surpopulation dénoncée par tous les organismes internationaux ?

Quelques chiffres : aujourd'hui, en moyenne, il y a 67 000 détenus pour 50 000 places ; seize établissements et seize maisons d'arrêt connaissent des surpopulations supérieures ou égales à 200 % ; cinquante et un établissements de privation de liberté atteignent entre 120 % et 140 % de surpopulation. Cela est, bien évidemment, l'effet direct de la politique pénale menée par le Gouvernement, que nous avons déjà dénoncée.

J'ai effectué quelques visites dans des centres de privation de liberté.

Dans la maison d'arrêt de Caen, que connaît très bien notre collègue Laurence Dumont et où l'on a déploré une série de suicides, un surveillant s'occupe de quatre-vingts détenus. Lorsque vous discutez avec les surveillants, et pas simplement avec leurs syndicats, ils vous disent qu'il est impossible, dans ces conditions, de détecter les personnes vulnérables, qui ont des tendances suicidaires.

À Salon-de-Provence, j'ai visité voilà deux jours le centre de détention, où il y a un surveillant pour cinquante-quatre détenus. Et on leur demande de faire quatre rondes pendant la nuit pour éviter les suicides ; c'est la nouvelle obsession de l'administration pénitentiaire. Cependant on oublie de dire que, faute de médecins, on bourre les détenus de somnifères. Lorsqu'il s'agit de les réveiller à vingt et une heures, à vingt-deux heures trente, à deux heures trente et à cinq heures trente, il faut beaucoup taper sur leur porte pour les réveiller, et du même coup les autres détenus. Ce sont des formes de « torture » qui n'ont pas lieu d'exister.

Vous faites cette proposition alors que vous devriez accomplir un effort particulier en faveur des prisons et renforcer le personnel pénitentiaire. Les prisons sont le miroir de notre société : vous accordez bien peu d'importance à ceux qui y sont aujourd'hui, qu'il s'agisse des détenus ou de ceux qui sont chargés de les surveiller et de les accompagner.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur ces deux séries d'amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Je suis résolument en désaccord avec tous les amendements de l'opposition qui tendent à supprimer les dispositions relatives à la réserve civile pénitentiaire. Je considère, bien au contraire, que la création de cette réserve est un net progrès, tout simplement parce que cela permettra à de jeunes retraités de cinquante-cinq ans…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

…d'enrichir, par leur expérience, le corps des surveillants et des personnels pénitentiaires, dans le cadre de missions bien définies et réglementées. C'est une chance pour l'administration pénitentiaire, et je suis très résolument favorable à la création de la réserve civile pénitentiaire.

Il ne s'agit pas de faire en sorte que ces personnels remplacent les personnels pénitentiaires. Bien sûr que non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Les articles 6, 7, 7 bis et 8 expliquent ce qu'est la réserve civile pénitentiaire : elle est destinée « à assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice ». Il y a aussi des missions de formation, d'étude et de coopération internationale, ainsi que d'assistance, sous certaines conditions, des personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation. Je précise, en outre, que la réserve civile pénitentiaire sera soumise au code de déontologie.

Vous avez, vis-à-vis de ce dispositif, une position conservatrice qui n'est pas la mienne. Pourquoi refuser une telle évolution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Combien de jeunes retraités de l'administration pénitentiaire j'ai pu voir, qui regrettaient de ne pouvoir revenir, dans certaines missions bien définies, faire profiter de leur expérience les plus jeunes, qui n'attendent parfois que cela ? Pas de ségrégation après cinquante-cinq ans ! C'est une chance pour l'administration pénitentiaire. Je suis donc défavorable à tous les amendements de suppression de la réserve civile pénitentiaire.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Comme le rapporteur, je crois que la création d'une réserve civile pénitentiaire est une très bonne idée. Avec la garde des sceaux, nous partageons un fort attachement à plusieurs domaines régaliens, que ce soit en matière de défense ou d'intérieur. À cet égard, une réserve civile pénitentiaire nous paraît un très bon moyen d'utiliser intelligemment, pour des missions adaptées, des compétences acquises par ces personnels.

On ne peut pas nous faire le mauvais procès de considérer que le recours à des réservistes viendrait pallier des carences en matière d'embauches pour des missions qui relèveraient véritablement de personnels en activité. Comme vous le savez, depuis trois ans, près de 3 000 personnes ont été recrutées, dont 1 800 en 2009. Certaines interventions ont pu faire allusion à des périodes anciennes où ce rythme d'embauche était moins élevé. J'ai même pu constater, la semaine dernière à Agen, que nous sommes au maximum de notre capacité de formation en école. C'est bien là le signe d'une volonté d'accompagner à la fois le plan Prisons et l'amélioration de situations qui passe forcément par des moyens en personnels. Il n'y a donc pas lieu de faire un amalgame entre embauches et rôle utile des réservistes.

Le rapporteur a parlé de leur rôle en matière de formation. J'ajoute qu'eux aussi bénéficieront d'une formation permanente, de manière à être vraiment aptes, quelle que soit leur expérience antérieure, aux missions de sécurisation de bâtiments ou de juridictions qui vont leur être confiées.

M. Mamère, une fois de plus, a repris des chiffres sur le nombre de personnes incarcérées qui ne sont pas la réalité. Hier soir, j'ai moi-même rappelé quels étaient les chiffres au 1er septembre. Si l'on peut avoir des désaccords, au moins nos échanges doivent-ils s'appuyer sur les vraies données : aujourd'hui, 61 787 personnes sont en prison pour 53 000 places. Voilà la réalité au 1er septembre. Mais peut-être a-t-il fait une confusion avec les aménagements de peine, qui concernent 4 500 personnes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je ne confonds pas, il y a 6 300 personnes en aménagement de peine.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Faisons confiance à l'administration, qui a donné les chiffres actualisés au début septembre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Je ne suis pas non plus convaincu par les arguments qui viennent d'être développés. Je maintiens que la création de cette réserve civile pénitentiaire n'a pour seul but que de faire oublier pour un long moment les insuffisances. Le service public pénitentiaire nécessite aujourd'hui l'embauche d'un grand nombre de surveillants, puisque les effectifs sont largement insuffisants. Ce ne sont pas les quelques précisions qui ont été données sur les chiffres qui pourront contredire cette dure réalité. Nous qui allons très souvent dans les maisons d'arrêt ou dans les centres de détention, nous entendons systématiquement les surveillants qui se plaignent de la nette insuffisance des effectifs.

Tout le monde s'accorde à reconnaître que le travail est extrêmement pénible. Ce n'est pas pour rien que l'âge de la retraite a été avancé sensiblement par rapport aux autres professions. À cinquante-cinq ans, on a peut-être envie de souffler. Or vous allez demander aux intéressés de revenir ! Je ne suis pas sûr que ces professionnels, qui ont travaillé sérieusement tout au long de leur période d'activité, aient réellement envie de revenir au niveau qui était le leur. Face à une population carcérale de plus en plus jeune et de plus en plus difficile, je me dis qu'il vaudrait mieux avoir des personnels jeunes, sérieusement et régulièrement formés, plutôt que de faire revenir des gens qui ont droit à une retraite méritée, je le dis haut et fort.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

J'appelle mes collègues de l'opposition à un minimum d'honnêteté intellectuelle.

En l'an 2000, nous avons eu 4 millions de délits et de crimes. Nous avons pris des mesures qui, manifestement, ont augmenté le nombre des personnes incarcérées. Malgré tout le taux d'incarcération en France n'a rien d'extraordinaire ; il est très inférieur, par exemple, au taux anglais.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Nous avons consenti des efforts qu'aucun gouvernement n'avait faits auparavant. Michel Hunault a d'ailleurs souligné que le budget de la justice avait constamment augmenté.

Il faut former les gens, et on ne peut pas tout faire en même temps. C'est la raison pour laquelle, tout naturellement, nous avons recours à cette réserve pénitentiaire, qui va suivre le chemin de celle de la gendarmerie ou de la police : elle va rendre des gens heureux, permettre à des talents et des compétences de servir un peu plus longtemps la société. Qui s'en plaindra ?

Surtout, quelle hypocrisie de dire que puisqu'il n'y a pas assez de fonctionnaires titulaires qui ne sont pas encore à l'âge de la retraite, on ne doit pas prendre des jeunes retraités ! Autant dire : il n'y a pas assez de monde, les gens en sont malheureux, laissons-les dans le malheur !

Lorsque nous examinerons le budget de la justice, vous ne le voterez pas. Vous ne voterez pas l'augmentation des moyens. Alors, je vous en prie, faites preuve d'un peu d'honnêteté intellectuelle.

(Les amendements identiques nos 244 et 276 ne sont pas adoptés.)

(L'article 6 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vais mettre aux voix les amendements identiques, nos 245 et 277 précédemment défendus, qui ont reçu un avis défavorable du Gouvernement et de la commission.

(Les amendements identiques nos 245 et 277 ne sont pas adoptés.)

(L'article 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Personne ne demande la parole ?

L'amendement n° 278 a déjà été soutenu.

(L'amendement n° 278 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 7 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Les amendements identiques nos 247 et 279 , ont également été défendus.

(Les amendements identiques nos 247 et 279 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L'article 8 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Les amendements identiques nos 248 et 280 ont été défendus.

(Les amendements identiques nos 248 et 280 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L'article 9 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Christian Vanneste pour défendre l'amendement n° 82 rectifié portant article additionnel avant l'article 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Cet amendement est très simple. Il concerne l'intitulé du chapitre III « Dispositions relatives aux droits des personnes détenues ». Il vise à ajouter après le mot : « droits » les mots : « et devoirs » et ce pour trois raisons.

Premièrement, dans ce chapitre, l'article 11 ter prévoit un devoir : l'activité. Le titre deviendrait dès lors plus juste.

Deuxièmement, il s'agit d'équilibrer les droits et les devoirs. Les détenus ne possèdent pas que des droits. Ils ont aussi des devoirs, comme tous les citoyens. Le préambule de la Constitution de 1795 s'intitulait initialement : Déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen. Je regrette que l'on n'ait pas conservé cette formule.

Troisièmement, soyons clairs, cet amendement se place dans la ligne que je défends depuis le début. Humanité oui ! Moyens oui ! Mais rigueur aussi. Il faut rappeler que les droits font partie de la République, tel est également le cas des devoirs.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Avis favorable. L'article 11 ter à la section 1 bis concerne l'obligation d'activités. Il est donc cohérent d'écrire :« droits et devoirs ».

(L'amendement n° 82 rectifié est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 10.

La parole est à Mme Laurence Dumont.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Si nous avons pu nous féliciter, d'une certaine façon, du changement de formulation de l'article 10 opéré par la commission : « L'administration pénitentiaire garantit à la personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. », nous ne pouvons pas nous satisfaire des restrictions qui y sont immédiatement apportées.

La rédaction de l'article laisse craindre que la personne détenue ait des droits « sauf si », comme le disait M. Urvoas, ou « tant que » l'administration pénitentiaire n'en a pas décidé autrement. Et pour cela l'administration dispose d'un catalogue beaucoup trop large de raisons à invoquer.

Pour nous, il est nécessaire, comme nous y invitent les règles pénitentiaires européennes, notamment la troisième, de définir aussi précisément que possible les limitations aux droits de la personne détenue, autres, bien évidemment, que celle d'aller et venir. Il est également nécessaire de préciser que ces droits ne peuvent recevoir de restrictions que de la loi et que ces restrictions doivent être proportionnelles et légitimes.

Si la première phrase nous convient, le reste de l'article mérite un gros travail de réécriture.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Cet article me fait penser à ce qu'a dit M. Urvoas lors de la défense de la motion de rejet préalable : « Les hommes naissent libres et égaux en droit sauf impératif motivé. » Nous avons ici deux lignes de droits et cinq lignes de restrictions.

Si les hommes naissent libres et égaux en droit, nous avons l'impression qu'ils ont, je le crains, vraiment tort de grandir ensuite, car cela se gâte très vite.

Je ne vois pas en quoi le fait d'avoir à maintenir l'ordre dans les établissements peut limiter le droit des détenus. Nous connaissons aussi le maintien de l'ordre dans nos villes, à l'hôpital, à l'Assemblée. Il peut être assuré en maintenant le droit des personnes. Bien sûr, on peut les réprimander, les contenir si nécessaire. Mais cela ne viole pas nos droits.

Je ne comprends pas ces restrictions et je pense qu'il est tout à fait nécessaire de revoir cette rédaction qui laisse entendre que l'on donne presque – pardonnez-moi l'expression – un os à ronger avec la première phrase de l'article 10, pour tout reprendre ensuite.

Cela crée une impression de malaise pour toute personne de bonne foi qui lit ce texte et qui ne comprend pas le bien-fondé de la somme de ces restrictions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je tiens à m'exprimer sur cet article 10, qui me semble être le plus important du texte. Il résume toute la philosophie de ce projet de loi pénitentiaire.

Je me réfère à nos débats d'hier sur l'article 1er, où vous avez renvoyé, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur les amendements de l'opposition à cet article 10. C'est le fondement même : la personne détenue a le droit au respect de sa dignité. Ce qui nous rassemble tous, c'est de dire que la liberté dont sont privés les détenus, est la seule sanction et que l'on doit assurer leur dignité. Cela est inscrit dans ce texte et correspond aux recommandations du Conseil de l'Europe.

Vous dites qu'il y a un principe et cinq lignes de restrictions ? Relisons, je vous en prie, le texte ensemble : « L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention… » C'est justement l'affirmation solennelle d'assurer la dignité de toute personne privée de liberté.

Vous savez que les manquements à ces principes de dignité donneront lieu à des condamnations de l'État et du service public. Madame la ministre d'État, monsieur le rapporteur, je crois que vous avez eu raison de dire hier, lors de l'examen de l'article 1er, qu'il fallait se rapporter à l'article 10.

J'en fais, mesdames et messieurs de l'opposition, une lecture diamétralement opposée à la vôtre. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Je ne reprendrai pas les propos tenus par Mmes Dumont et Delaunay, mais l'intervention de M. Hunault m'a un peu fait bondir.

Je fais d'abord remarquer, d'un point de vue volumétrique, que les droits occupent moins d'une ligne, alors que les restrictions en prennent six lignes très compactes.

À peine a-t-on affirmé un principe qu'il est précisé que l'administration pénitentiaire, que je ne critique pas – elle est constituée à tout niveau d'excellents fonctionnaires –, mais qui est très présente, fixera des règles. Depuis hier, nous tentons en quelque sorte de hisser le droit pénitentiaire au niveau de la loi, puis, tout d'un coup, c'est l'administration qui reprend le pouvoir dans le deuxième alinéa.

Cela me fait penser, madame la ministre d'État, au futur projet de loi sur les collectivités locales. On pourrait dire : l'administration pénitentiaire respecte la décentralisation, mais c'est elle qui a la clause de compétence générale. Elle peut tout fixer, tout faire, tout décider. Elle tient compte, bien sûr, de l'âge et de l'état de santé des personnes détenues et de leur personnalité, mais, en raison des contraintes, elle peut tout faire.

C'est justement parce qu'elle ne peut pas tout faire et parce qu'il y a eu, comme vous le disiez, monsieur Hunault – et vous êtes très versé dans cette matière – beaucoup de condamnations au Conseil d'État ou au niveau européen qu'il nous a semblé nécessaire de monter, les uns et les autres, un projet qui soit au niveau de la loi, et non au niveau de la circulaire, du décret, du règlement intérieur de chacun des établissements pénitentiaires.

Or on annihile dans la deuxième phrase de l'article 10 l'avancée du premier alinéa. C'est très dommageable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de trois amendements, nos 249 , 290 et 289 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour présenter l'amendement n° 249

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Cet amendement va dans le même sens que les propos tenus par nos collègues socialistes en ce qui concerne les restrictions inacceptables qui résultent de la formulation proposée par la rédaction de l'article 10.

M. Hunault s'est bien gardé de terminer la lecture de l'article 10. Peut-on m'expliquer en quoi « l'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant de contraintes inhérentes au bon ordre de l'établissement la prévention de la récidive, la protection dans l'intérêt des victimes.» ? Ces arguments justifieraient-ils que l'on ne fasse pas droit à la dignité des personnes détenues ?

Nous proposons que l'exercice de ces droits ne puisse faire l'objet d'autres restrictions que celles tenant à la sauvegarde de l'ordre public et des contraintes inhérentes à la détention. Nous reprenons ainsi la première restriction prévue en droit constitutionnel. Nous proposons de nous en tenir pour la seconde restriction à la décision du 27 mai 2005 de la Cour européenne.

Nous ne pouvons accepter que les restrictions autorisées tiennent compte de critères éminemment subjectifs. Si des critères comme l'âge peuvent s'avérer utiles au regard de la distinction entre mineur et majeur, les critères subjectifs utilisés – de personnalité, de dangerosité – nous paraissent aller à l'encontre des principes d'universalité des droits des fondamentaux et de non-discrimination.

L'article 10, tel qu'il est rédigé, accorde une très large marge d'appréciation à l'administration pénitentiaire et ouvre toutes les possibilités de restreindre de manière discrétionnaire les droits fondamentaux des personnes détenues. Nous proposons au contraire que les circonstances dans lesquelles les droits des détenus ne sont pas garantis soient exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l'objectif recherché.

Nous ajoutons également des critères de non discrimination de façon à mieux protéger les droits de tous les détenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir les amendements nos 290 et 289 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cet article 10, cela n'a échappé à personne, est important, puisqu'à chaque fois que nous avons proposé des garanties de droits, le rapporteur nous a renvoyés à la réécriture de l'article, qui se limite en fait à l'ajout d'une phrase par rapport au texte du Sénat : « L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. »

Je veux formuler trois remarques.

Premièrement, je souhaite souligner un glissement sémantique qui n'était pas de bon augure entre l'avant-projet, tel qu'il avait été présenté, et le projet déposé au Sénat.

En effet, l'avant-projet évoquait les droits fondamentaux des détenus, alors que le projet déposé au Sénat ne mentionnait plus que les droits des détenus, qui ne sont donc plus fondamentaux. C'est un glissement sémantique. Chacun y trouvera la force des symboles. De notre point de vue, c'est regrettable.

Ma deuxième remarque porte sur l'obligation faite à l'administration pénitentiaire. C'est un pas, mais il est minime, car l'exercice des droits fondamentaux reste subordonné à des exigences de maintien de l'ordre ou de sécurité. Prévoir ainsi la possibilité de déroger à ces droits revient à dire qu'il n'y a pas de droits effectifs, pas d'effet contraignant pour l'État. Vous ne pouvez pas affirmer un droit et nous expliquer immédiatement après dans quels cas vous ne l'appliquerez pas.

Enfin, j'ai bien entendu M. le secrétaire d'État nous dire hier, à la fin de la discussion générale, qu'il fallait aborder ce texte avec modestie et humilité. Tel est notre état d'esprit. C'est parce que nous n'étions pas sûrs de proposer une réécriture la plus pertinente possible que nous avons relu le rapport du président Canivet qui avait été remis à Mme Guigou, alors garde des sceaux, et avait alors fait l'objet d'un large consensus.

Cet amendement reprend les propositions du président Canivet et nous avons la faiblesse de penser qu'il est de meilleure facture que le texte du Gouvernement, même amendé par le rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Mes chers collègues de l'opposition, vous avez une mémoire sélective ! Je vous invite à relire les débats au Sénat. Certains de vos collègues de l'opposition, à commencer d'ailleurs par Robert Badinter, auraient beaucoup aimé la modification de l'article 10 à laquelle nous avons procédé en commission. Un juriste comme vous, monsieur Urvoas, ne peut prétendre qu'il s'agit d'un simple glissement sémantique ! Remplacer la phrase « La personne détenue a droit au respect de sa dignité » par : « L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits », comme j'ai souhaité que la commission le fasse, est une évolution considérable ! Je dirais avec un peu d'humour : ce dont Robert Badinter a rêvé, je l'ai réalisé ! (Sourires.)

Cette obligation positive, qui pèse maintenant sur l'administration pénitentiaire, aura de nombreuses répercussions. Nous avons examiné des articles relatifs à tous les mécanismes de contrôle existant à l'intérieur des établissements pénitentiaires – contrôleur général des lieux de privation de liberté, magistrats, divers commissions et conseils, autorités judiciaires et administratives. Garantir à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits n'est peut-être pas une phrase très longue, mais elle revêt une grande signification pratique.

La portée de l'article 10 tel qu'il résulte du texte de la commission va donc bien au-delà de la rédaction adoptée par le Sénat et je m'étonne d'ailleurs de vos commentaires, monsieur Urvoas, car il y a maintenant une véritable obligation positive à la charge de l'administration pénitentiaire.

Donc avis défavorable à tous ces amendements.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

M. le rapporteur a eu tout à fait raison de rappeler des éléments essentiels, car cet article 10 est important. En complétant son propos, je vais revenir sur la philosophie de ces amendements qui a été évoquée lors des interventions sur l'article 10, à savoir la référence à la restriction.

Une telle référence, s'agissant d'une situation privative de liberté, c'est, presque mot pour mot, la reproduction d'une règle pénitentiaire européenne qui explicite à la fois cette restriction et les conditions dans lesquelles elle doit être mise en oeuvre pour être conforme aux droits de l'homme et à la dignité. Nous ne faisons qu'appliquer strictement cette philosophie en améliorant le dispositif.

L'exercice d'un droit fondamental, pour reprendre votre allusion, monsieur Urvoas, peut être limité partout en Europe, dans tous les pays de droits et de dignité où il existe des prisons, par des restrictions soumises, bien sûr, au contrôle du juge, au contrôle de proportionnalité, au contrôle du juge administratif qui sanctionne le non-respect du principe de proportionnalité en matière d'atteinte aux libertés publiques.

Toutes ces précisions sont inutiles dans la mesure où, comme l'a souligné le rapporteur, l'article 10 se tient parfaitement, constitue un progrès et applique de façon quasi littérale les règles pénitentiaires européennes auxquelles nous nous référons tous dans ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je demande à M. le rapporteur de me faire crédit du fait que je connais les propos tenus par Robert Badinter lors des débats au Sénat. Je vais même lui faire une confidence : j'ai évoqué ce sujet avec M. Badinter lui-même. Il peut donc être rassuré : non seulement mes propos bénéficient de l'aval de Robert Badinter, mais ils sont inspirés de ses conseils. Je ne doute pas, monsieur le rapporteur, que vous serez sensible à ces précisions.

Ce que nous vous présentons procède de l'humilité. En effet, nous vous proposons de suivre exactement le cheminement emprunté en 1994 lorsque nous nous sommes occupés de la réforme du droit de la santé publique en milieu carcéral.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Urvoas, vous seul avez la parole ! Veuillez continuer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Donc lorsque nous avons – la représentation nationale, la France, la République française – décidé de légiférer sur le droit de la santé publique en milieu carcéral nous avons restitué à la loi le domaine qui est le sien dans le champ carcéral. Nous avons restauré la personne détenue comme sujet de droit en appliquant le droit commun dans les établissements pénitentiaires. Tout le monde nous dit aujourd'hui que cette loi est formidable. Eh bien, nous vous proposons de suivre exactement ce chemin !

Il n'y a aucune raison pour que la personne détenue se voit toujours appliquer un droit d'exception a minima sur nombre d'aspects de la vie quotidienne. A partir du moment où vous acceptez que les détenus aient des droits, ce qui est la moindre des choses, il serait logique que vous acceptiez qu'ils soient appliqués. Or votre texte, même avec les précisions du rapporteur, ne nous convainc pas.

Puisque nous avons souvent cité de grands auteurs, je vais, pour conclure mon propos, évoquer Platon qui disait : « La peine doit non tirer vengeance du passé mais préparer l'avenir ». C'est ce que nous proposons en faisant en sorte que la vie en détention soit aussi proche de la vie en dehors de la détention.

(Les amendements nos 249 , 290 , 289 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas pour défendre l'amendement n° 292 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cet amendement vise à préciser que les restrictions « doivent être réduites au strict nécessaire et proportionnelles aux objectifs légitimes pour lesquelles elles ont été imposées ».

Il s'agit de faire en sorte que la loi soit suffisamment claire pour que l'administration ne soit pas contrainte de prendre la responsabilité de fixer des règles dans des matières relevant de sa compétence. Faire en sorte que la loi ne souffre pas la moindre interprétation est un confort pour l'administration pénitentiaire. La noble corporation des juristes, à laquelle appartient M. le rapporteur, sait que la loi est toujours sujette à interprétation. Donc, autant qu'elle soit la plus claire possible !

(L'amendement n° 292 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas pour soutenir l'amendement n° 291 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Si le critère de l'âge est légitime au regard de la distinction qui peut exister entre les majeurs et les mineurs, nous voulons rappeler le principe d'universalité des droits et de la non-discrimination face au critère flou et subjectif de « personnalité » dont jamais personne dans cet hémicycle n'a été capable de donner une définition qui convienne à l'ensemble des bancs.

(L'amendement n° 291 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'en viens à l'amendement n° 293 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cet amendement vise à compléter l'article 10 par l'alinéa suivant :

« L'administration pénitentiaire est tenue à l'impartialité et à la lutte contre toute discrimination entre les détenus tenant notamment à l'origine, à l'orientation sexuelle, aux moeurs, à la situation familiale ou sociale, à l'état de santé, au handicap, aux opinions politiques, aux activités syndicales, à l'appartenance ou à la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion. »

Les choses vont mieux en le disant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Défavorable. Nous sommes d'accord sur le fond, mais un tel principe est déjà mentionné par de nombreux textes, à commencer par l'article 1er de la Constitution et par tous les textes qui luttent contre les discriminations. Cet amendement est donc redondant.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Faut-il inscrire dans la loi que les agents de l'administration pénitentiaire sont intègres, impartiaux, disponibles et qu'ils respectent les droits fondamentaux ?

(L'amendement n° 293 n'est pas adopté.)

(L'article 10 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma