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Séance en hémicycle du 7 juillet 2009 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • dimanche
  • dominical
  • ouverture
  • repos dominical
  • touristique

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi sur le repos dominical et les dérogations à ce principe (no 1782).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de quatorze heures et trente-trois minutes pour le groupe UMP, de seize heures et cinquante et une minutes pour le groupe SRC, de sept heures et trente-six minutes pour le groupe GDR, de six heures et dix minutes pour le groupe NC, enfin d'une heure et dix minutes pour les députés non-inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale, que nous allons poursuivre.

La parole est à le M. Marc Le Fur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous en sommes à la quatrième version de cette proposition de loi. Je ne prétends pas avoir une très longue expérience de la vie parlementaire mais je n'ai jamais connu de texte ayant autant évolué depuis qu'il a été déposé.

Cette évolution est notamment due au rappel par certains députés du groupe UMP, parmi lesquels Bernard Reynès, Jean-Frédéric Poisson, Philippe Meunier, Jacques Remiller, Michel Terrot…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

…et quelques autres, de plusieurs exigences alors que nous abordions le sujet. Il n'était pas question, pour nous, que l'on touche au principe du repos dominical.

Or nous constatons, à la lecture de cette quatrième version, que nous avons abandonné le débat de principe pour ne discuter que des modalités des dérogations existantes. Je vais m'employer à le démontrer.

Aujourd'hui, chaque maire peut décider d'ouvrir des commerces jusqu'à cinq dimanches par an. Les premières versions du texte proposaient de porter ce chiffre à dix avant qu'il ne soit ramené à huit. Cette idée est aujourd'hui complètement abandonnée, ce qui signifie que dans la plupart des 36 000 communes de France, la situation ne sera pas modifiée.

Ensuite, évolution très importante, le texte n'autorise aucune dérogation pour le commerce alimentaire de détail, c'est-à-dire pour la grande distribution. Ainsi, les enseignes Leclerc, Carrefour et autres ne seront pas autorisées à ouvrir le dimanche.

La troisième évolution concerne les zones d'attractivité commerciale exceptionnelle. Il était initialement question de créer ex nihilo des zones commerciales qui auraient pu ouvrir cinquante-deux dimanches sur cinquante-deux. Cette idée disparaît complètement. Il n'est plus question que des fameux périmètres d'usage de consommation exceptionnel, les PUCE. Il s'agit de mettre un terme à une hypocrisie. Certaines zones ont en effet bénéficié par le passé d'arrêtés préfectoraux contestés puis annulés. Nous avons donc vécu dans une situation d'incertitude, sous divers gouvernements du reste, puisque cette hypocrisie était admise par d'autres que nous avant 2002. Il fallait donc y mettre un terme, quitte à entériner par la loi une situation de fait.

Le texte a donc considérablement évolué et le groupe UMP aurait été malvenu de ne pas en prendre acte et de ne pas comprendre que sa portée se révèle bien moindre que celle envisagée initialement.

Reste la question des zones touristiques, qui concerne 494 communes aux termes du code du travail, et non pas 3 500 comme on l'a dit et répété. Il ne s'agit en rien de modifier les critères définissant ces zones. Si le Gouvernement avait eu des intentions malignes, il aurait depuis longtemps utilisé la procédure actuelle pour, subrepticement, les développer ; or, au cours des dernières années, trois communes par an seulement ont rejoint la liste des communes touristiques bénéficiant d'une dérogation.

Les moutures précédentes du texte prévoyaient deux étapes. L'étape communale visait à déterminer la zone de la commune et l'étape individuelle concernait le commerçant. Cette dernière disparaît. Un commerçant qui bénéficiait d'une autorisation pour ouvrir sur la côte bretonne en juillet et août pourra ouvrir demain en mai et juin ou en septembre. Les professionnels du tourisme de ma région soulignent qu'il faut mettre un terme à une spécialisation excessive pour que nous puissions capter la clientèle touristique des grands ponts de mai et juin ou durant la période de septembre, périodes aussi propices au commerce que les mois de juillet et août. Je vous invite d'ailleurs à parcourir la côte bretonne pendant l'automne, période où elle est la plus belle.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Laissez-la tranquille, la Bretagne, monsieur Le Fur !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

En supprimant cette seconde étape, nous facilitons la vie des commerçants.

Nous avons donc accompli, monsieur le ministre, les trois-quarts du chemin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Il reste en effet un quart de ce chemin à parcourir et, à ce titre, demeurent deux ou trois points sur lesquels le texte pourrait encore évoluer.

Nous sommes nombreux à souhaiter que l'amendement présenté par Bernard Reynès sur la réversibilité du volontariat soit voté. Dans les PUCE, et Richard Mallié est parfaitement d'accord, le volontariat fait l'objet d'un acte écrit. Il n'empêche qu'une femme volontaire, par exemple, ne l'est plus dès lors qu'elle met au monde un enfant. Il faut donc qu'elle puisse cesser d'être considérée comme volontaire dans les limites prévues par le préavis. Nous devons envisager le volontariat dans sa logique la plus pure.

En ce qui concerne la détermination des zones touristiques, le président Ayrault s'est montré des plus habiles en jouant sur les mots. Nous devons donc voter l'amendement qui met un terme à toute confusion possible en la matière et vise à graver dans le marbre les critères des zones touristiques.

À partir du moment où l'on ne modifie pas lesdits critères, il n'y a pas d'intention maligne. Mon souhait, vous le savez, monsieur le ministre, consiste en ce que ces critères soient définis par la loi, ce qui nous permettra d'en discuter. Ces critères ont certes toujours été déterminés par la voie réglementaire sans que cela pose de problème. Mais il conviendrait que, par votre truchement, le Gouvernement signifie clairement qu'il ne modifie pas les zones touristiques. En outre, on comprend bien que la procédure sera modifiée a posteriori puisque les commerçants ne seront pas obligés de solliciter à nouveau une autorisation.

La prise en compte de ces éléments devrait effacer les ultimes ambiguïtés. Encore un effort, donc, monsieur le ministre, pour lever certaines craintes ; ce sera l'honneur de la majorité.

Chacun sait que nous n'adopterons pas cette loi dans le consensus, mais j'ai la conviction que, si nous gravissons les dernières marches que je vous ai indiquées, l'application de ce texte pourra se réaliser dans le consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, avant d'intervenir sur le fond de cette proposition de loi, je dirai quelques mots sur la forme ou plus exactement sur la procédure que vous avez choisie pour faire passer ce texte. C'est un préalable malheureusement récurrent depuis le début de cette législature puisque la méthode gouvernementale et présidentielle va à rencontre du respect d'un débat parlementaire serein, honnête et constructif.

Vous nous invitez à entamer ce débat, et ce n'est évidemment pas un hasard, en plein mois de juillet, à quelques jours du long week-end du 14.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Et alors ? Les Français aussi travaillent en juillet, nous ne sommes pas les seuls !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

L'esprit des Français est ailleurs, monsieur Mallié, et j'insiste : je ne crois pas au hasard dans votre choix de la date de discussion du texte. Alors que la crise est là et bien là, il est évidemment difficile d'organiser la moindre mobilisation des salariés et de leurs syndicats en cette période estivale ; nous avons déjà connu une telle situation en juillet 2007, lorsque la réforme des universités a été votée pendant que les étudiants et les enseignants étaient en vacances.

Alors que la première mouture du texte avait été enterrée grâce – vous êtes bien obligé de le reconnaître – à une mobilisation citoyenne, syndicale et politique, relayée à l'Assemblée par l'opposition mais aussi par des députés de la majorité, ce choix de calendrier n'est pas innocent de votre part. Il n'aura malheureusement pas d'autre résultat que de dévaloriser encore un peu plus la politique en France.

À la veille des fêtes de Noël 2008, vous aviez finalement reculé. J'ai envie de vous dire ce soir, mesdames, messieurs de la majorité, qu'il est encore temps, au début de cette période de vacances estivales, de vous raviser et de ne pas voter ce mauvais texte. Je m'adresse particulièrement à celles et ceux qui, à droite, avaient exprimé leurs réticences, voire leur franche opposition – et il y en avait – à la libéralisation de l'ouverture des commerces le dimanche. On le sait très bien, ce texte ne faisait pas l'unanimité au sein du groupe UMP, ce qui est plutôt rassurant. En votant contre ce texte, vous ne feriez qu'écouter la voix de la majorité des Français, toutes tendances politiques confondues, il est important de le rappeler, qui s'opposent à cette régression. Ne serait-il pas finalement sain que la majorité qui existe, qui se dessine en France aujourd'hui, puisse se reconnaître dans une majorité à l'Assemblée, fût-elle temporaire et simplement fondée sur la défense de quelques principes ? Mais, après tout, n'est-ce pas aussi notre rôle de nous positionner par rapport à un certain nombre de principes auxquels nous croyons et sur lesquels nous nous sommes engagés lorsque nous nous sommes présentés devant les électeurs, au-delà de toute considération d'appartenance à un parti ou à un groupe politique, ici, à l'Assemblée ?

Je parlais tout à l'heure de la volonté du Gouvernement et de la majorité d'étouffer le débat dans une espèce de torpeur estivale. Je voudrais souligner, par contraste, la mobilisation de nombreux citoyens qui ont notamment signé des pétitions sur Internet, entre autres. Comme tous mes collègues, je l'imagine, je n'ai jamais autant reçu de messages, que ce soit par courrier postal ou par e-mail. Je n'ai, pour ce qui me concerne, jamais constaté une mobilisation d'une telle ampleur depuis le début de la législature, il y a deux ans, si ce n'est sur les OGM. C'est peut-être un signe ! Cela témoigne donc d'une très grande sensibilité des Français à cette question. Beaucoup de nos compatriotes pensaient, à la fin de l'année dernière ou au début de cette année, que l'affaire avait été enterrée et que vous n'iriez pas plus loin. Depuis qu'ils savent que c'est à nouveau inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée, je n'ai, je tiens à le dire, reçu que des messages d'opposition. Ce n'est pas moi qui les ai envoyés.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je n'ai reçu aucun message de soutien à cette proposition de loi. Vous le savez parfaitement, monsieur Mallié, parmi ces signataires, des personnes plutôt de votre sensibilité – j'en connais suffisamment dans mon département – m'ont adressé cette pétition, comme d'ailleurs à tous les députés et sénateurs de Loire-Atlantique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

C'est tout à fait vrai ! Nous pouvons en témoigner !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous pourriez le vérifier en interrogeant vos collègues UMP de Loire-Atlantique. Ce n'est, à mon sens, pas un hasard, car je crois que c'est un des points d'ancrage consensuel de notre société. La discussion générale va être longue. J'invite donc encore une fois les collègues de la majorité qui doutent à y penser au moment de leur vote.

Il y a également un autre aspect de forme que nous ne pouvons passer sous silence. C'est le premier texte qui inaugure le fameux temps programmé, en réalité temps limité de débat, introduit par la réforme du règlement de l'Assemblée nationale. Car, souvenons-nous, et je me le rappelle très bien, car j'étais présent, c'est bien la crainte d'une bataille de l'opposition au Parlement qui avait conduit la majorité à abandonner en décembre dernier l'examen, pourtant commencé, de votre première proposition de loi, monsieur Mallié, en tout cas la première inscrite à l'ordre du jour, car vous en avez écrit beaucoup ! Chacun peut parfaitement comprendre aujourd'hui pourquoi il fallait adopter à marche forcée cette réforme du règlement. On constate surtout aujourd'hui pour quels textes controversés vous estimiez en avoir tant besoin !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Heureusement que vous êtes limités : cinquante heures pour un seul article !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je reviendrai sur le fait qu'il n'y a qu'un article, monsieur Mallié ! Cela aussi, c'est une manipulation de notre travail législatif !

Nicolas Sarkozy veut que la libéralisation de l'ouverture des commerces le dimanche soit – c'est, semble-t-il, son expression – le « marqueur » de sa volonté de réforme. Mais ce texte n'est finalement, à mon sens, que le marqueur du passage en force qui prédomine dans la pratique – je n'hésite pas à le dire – antiparlementaire du Président de la République.

On peut aussi s'étonner que ce texte, qui est manifestement une volonté personnelle du chef de l'État – il ne s'en cache pas – prenne aujourd'hui la forme d'une proposition de loi. Là aussi, tout le discours sur la revalorisation du Parlement qui nous est servi depuis quelques mois montre surtout que la prétendue initiative parlementaire – nous sommes malheureusement obligés de l'appeler ainsi – est en fait là pour satisfaire aux souhaits les plus chers du chef de l'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

C'est faux, cela fait six ans et demi que j'y travaille !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Vous n'étiez même pas élu, monsieur de Rugy ! Cela fait à peine deux ans que vous êtes là ! Ne parlez pas du passé !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il est vrai qu'avant moi, il y avait un député UMP qui a perdu les élections ! Ce sont des choses qui arrivent ! Peut-être cela nous arrivera-t-il à l'un et l'autre un jour ! Nous devons rester humbles. Nous siégeons à l'Assemblée, mais nous ne sommes pas éternels !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur de Rugy, soit je donne la parole à M. Mallié avec votre accord pour qu'il vous réponde, soit vous poursuivez : il faut choisir !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, quelques échanges, notamment avec notre collègue Richard Mallié, ne nous dérangent pas ! Cela fait partie du débat. Et reconnaissons que cette discussion générale fleuve finit par être quelque peu lassante !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Au passage, et il n'y a pas de petits profits dans la manoeuvre politicienne, recourir à une proposition de loi permet de ne pas avoir à soumettre le texte au Conseil d'État ou au Conseil économique et social.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Quant à l'obligation que vous vous étiez donnée – c'était sous la précédente législature et j'imagine, monsieur Mallié, que vous l'aviez votée – de consulter préalablement les syndicats de salariés ou les organisations patronales sur toute modification de la législation du travail, vous la contournez aussi au motif que c'est une proposition de loi d'origine parlementaire et non pas un projet de loi. Il y a pourtant fort à parier que ce texte, sans faire injure au travail de notre collègue Mallié, a été rédigé dans les bureaux du ministère des affaires sociales !

Toutefois, quand on lit tous les courriers que nous recevons des syndicats de salariés unanimement opposés à ce texte, mais aussi les courriers – j'en ai encore reçu un hier – que nous envoient certaines organisations patronales telles que l'Union professionnelle artisanale, on comprend mieux que vous ayez cherché à court-circuiter toute discussion avec les partenaires sociaux. La vérité, c'est que vous avez cédé par idéologie au lobby de quelques grandes chaînes commerciales qui rêvent peut-être de commerces ouverts sept jours sur sept et, qui sait, un jour, peut-être vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme cela existe dans certains endroits du monde. On dit que New York est une ville qui ne s'endort jamais. Je ne sais pas si c'est ce que vous souhaitez pour notre pays.

Inutile de vous dire qu'en ce qui nous concerne ce modèle du « tout commerce » et du « tout consommation » n'est pas le nôtre. Les Français – et j'insiste – y avaient résisté jusque-là. Vous avez donc décidé de le leur imposer. En effet, si vous aviez suivi leur choix, vous n'auriez pas présenté cette proposition de loi à laquelle ils s'opposent.

Pour Nicolas Sarkozy, c'est vrai, le travail du dimanche est une déclinaison de la prétendue revalorisation du travail. Il faisait partie de la lettre de mission adressée à Mme Lagarde dès le 11 juillet 2007. C'était aussi un des points principaux du discours du Président en novembre 2008 à Rethel où le dimanche était censé représenter – qu'entendons-nous ? – « un jour de croissance en plus ». Cette analyse simpliste – une de plus, malheureusement, en matière économique – a pourtant été contestée par les économistes du CREDOC, par exemple.

On peut, en effet, saluer l'entêtement du Président de la République auquel répond celui de notre collègue rapporteur qui a d'abord déposé des amendements, puis des propositions de loi. Remarquons tout de même au passage, mon cher collègue Mallié, que vous n'avez jamais caché non plus que vous relayiez ainsi les intérêts particuliers d'une zone commerciale, celle de Plan-de-Campagne, située dans votre circonscription, alors que ses dirigeants avaient été condamnés par des tribunaux pour ouverture illégale le dimanche pendant des années ! Vous vous êtes acharné à trouver la voie législative pour légaliser cette pratique illégale. Peut-être y parviendrez-vous. Mais est-ce bien notre rôle de parlementaires de légaliser a posteriori des pratiques développées en toute illégalité pendant des années ? Cela ne s'apparente-t-il pas finalement, une fois de plus, à la loi du plus fort ? Je peux vous rappeler, monsieur Mallié, puisque vous avez fait référence au mandat précédent, aux cris d'orfraie que vous n'avez sans doute pas manqué de pousser avec d'autres de vos collègues face à la réaction de notre collègue Noël Mamère qualifiée de « désobéissance civile ». Je pourrais vous rappeler que vous avez dit à l'époque qu'il fallait respecter scrupuleusement la loi et que les députés devaient être des modèles en la matière ! Il est donc étrange que l'on en vienne à légaliser ce qui est illégal !

Nous sommes convaincus que la loi doit, à certains moments, poser des limites à l'envahissement de notre vie par la consommation et le travail c'est-à-dire par l'économie et le commerce. Il y a des limites géographiques à poser. J'entendais notre collègue Marc Le Fur parler de la côte bretonne, que je connais bien également. J'espère qu'il n'y aura pas, sur cette côte, un mitage du territoire dû à l'installation de très nombreux commerces. Notre force, en France, est d'avoir posé des limites géographiques. Il convient également de poser des limites temporelles. De même qu'il existe des lieux où on ne fait pas de production ou de commerce – je n'évoquerai pas la référence aux marchands du temple – il y a des moments où on s'arrête et c'est fort bien ainsi. Vous ne serez pas étonné, j'imagine, qu'un écologiste vous le rappelle même si, à en croire toutes les études d'opinion publiées ces derniers temps, cela va bien au-delà de nos compatriotes de sensibilité écologiste, qui sont, ceci dit au passage, de plus en plus nombreux, ce dont je me félicite, naturellement !

Dernier point de méthode : cette proposition de loi est constituée d'un article unique, vous le disiez tout à l'heure, monsieur Mallié. Vous savez parfaitement que c'est, là encore, une manoeuvre permettant de limiter l'expression des parlementaires, qui ne peuvent s'inscrire que sur cet article, et surtout de brouiller le débat, ce que je regrette.

Je voudrais, avant de conclure, donner indirectement la parole à quelques-uns des habitants de ma circonscription qui m'ont écrit pour témoigner de ce qu'ils pensaient de l'ouverture des commerces le dimanche.

Martine, enseignante, m'a fait part de son témoignage : elle est professeur d'anglais et connaît bien la situation du Royaume-Uni où les centres commerciaux sont ouverts non seulement le dimanche, mais aussi, pour certains, quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Or elle a constaté que, là-bas, les employés, et singulièrement les femmes, n'ont pas plus de temps plein – elles restent à temps partiel –, donc pas plus d'argent, voire moins, car il faut prendre en compte les frais de garde en dehors des heures d'école. Monsieur le ministre des relations sociales, vous étiez précédemment ministre de l'éducation nationale. J'espère que vous n'allez pas nous expliquer, un jour, qu'il conviendra d'ouvrir également les écoles le dimanche. Vous savez sans doute qu'elles accueillent déjà les enfants de sept heures et demie jusqu'à souvent dix-huit heures trente, voire dix-neuf heures, du fait des horaires de travail décalés. C'est un effort que l'on peut considérer comme légitime, mais jusqu'où irons-nous ? Faudra-t-il ouvrir le dimanche les centres de loisirs, à défaut des écoles, ce qui incombera aux collectivités locales ?

Un autre témoignage m'a été adressé : Christine est infirmière, elle m'écrit : « Cela fait vingt-sept ans que je travaille régulièrement dimanches et jours fériés : je sais le prix à payer pour ma famille et notamment mes enfants. »

J'aimerais vous communiquer un dernier témoignage, celui d'un chef d'entreprise, patron d'un hypermarché de ma circonscription qui appartient à une chaîne bien connue en Bretagne. Il m'a donné deux raisons pour expliquer son refus d'ouvrir le dimanche. Il m'a dit que cela n'apportera aucun chiffre d'affaires supplémentaire, car ce n'est le cas que lorsque le magasin est le seul à ouvrir. De plus, et peut-être cela vous étonnera-t-il, il m'a précisé que les salariés seront tous volontaires. Ils sacrifieront leur vie de famille parce qu'ils n'auront pas le choix. Le temps de travail moyen hebdomadaire est de vingt-huit heures par semaine, donc bien en dessous des 35 heures. Les personnes concernées, notamment les femmes, feront des heures supplémentaires le dimanche pour gagner davantage.

Il est donc, je le crois, essentiel de tenir compte de ces expériences concrètes de nos compatriotes qui travaillent déjà le dimanche.

Pourquoi cette proposition de loi n'a-t-elle pas été précédée d'une véritable enquête sur les besoins des consommateurs, les besoins des commerçants, sur les impacts environnementaux et sociaux, sur les services publics, sur les dépenses publiques ? J'avais proposé, en son temps, qu'une commission d'enquête parlementaire dresse un bilan exhaustif économique et social.

Monsieur le ministre, mesdames, messieurs de la majorité, vous répétez à longueur de journée qu'il faut réduire les dépenses. Or, vous le savez parfaitement, l'ouverture dominicale des commerces entraînera pour nos communes des dépenses de transports, de police et de services de nettoiement.

Vous avez sans cesse rappelé cette volonté de travailler plus, comme si d'ailleurs les Français ne travaillaient pas assez ou étaient des feignants, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner. Je trouve cette logique absolument ridicule. Je vais même plus loin : je pense que l'extension du travail le dimanche correspond à une logique dépassée, à une logique du passé : celle du toujours plus, de la course effrénée vers davantage de consommation, plus de production. Cette logique nous a justement menés à la crise que nous connaissons.

Le Président de la République a pris l'initiative, voici quelques mois, de constituer un groupe de réflexion constitué d'économistes sous le patronage des prix Nobel Joseph Stiglitz et Amartya Sen coordonné, en France, par Jean-Paul Fitoussi sur les indicateurs de richesse. Vous auriez dû passer une telle proposition de loi au crible de ces nouveaux indicateurs de richesse qui mesurent les impacts au-delà de la croissance du produit intérieur brut. À quoi cela sert-il de créer une commission sinon à se donner de temps en temps bonne conscience ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Exactement, et malheureusement ! En effet, les indicateurs de richesse sont un sujet sérieux et devraient être suivis d'actions concrètes !

Je crois que nous sommes non pas face à une simple question pragmatique, mais bien face à un choix de société, d'autant plus que, pour moi, cette quatrième mouture de la proposition de loi – et je m'adresse à nouveau aux députés de la majorité qui ont douté, comme M. Le Fur, qui avait encore quelques doutes –, c'est la logique de la brèche et de la bombe à retardement. On commence par ouvrir une brèche et, ensuite, on y glisse une bombe à retardement.

Les brèches, c'est la question des zones touristiques ou celle des décisions préfectorales. Si j'ai bien lu le texte, les préfets solliciteront les avis des collectivités et notamment des maires, mais ils ne seront pas obligés de les suivre. Quand on connaît l'inclinaison actuelle du Gouvernement et sa pratique vis-à-vis des préfets, on peut être sûr que des instructions fermes seront données pour généraliser progressivement une telle pratique, morceau par morceau, et c'est ce que j'appelle la bombe à retardement.

Il serait temps non pas simplement de colmater les brèches mais d'enlever ces bombes à retardement et de bâtir une digue solide et stable pour fixer des limites solides et stables entre ce qui est de l'ordre du commerce et de l'activité économique et ce qui est de l'ordre du temps libre, du temps personnel, du temps du bénévolat, de l'action culturelle, de l'action associative, de l'action sportive, toutes choses si difficiles à mesurer dans le produit intérieur brut mais que la commission Stiglitz saurait sans aucun doute analyser.

C'est pourquoi je vous invite une fois de plus, mes chers collègues de l'UMP, à rejeter ce texte et à ne pas vous laisser leurrer par ce texte qui ouvre des brèches extrêmement graves dans notre droit du travail et dans l'équilibre entre les commerces. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question dont nous débattons aujourd'hui est essentielle pour la vie des Français. Elle porte sur un élément constitutif de notre culture et de notre mode de vie : l'habitude de se retrouver ensemble un jour par semaine, le dimanche. Il s'agit d'un enjeu de civilisation. Nous savons tous ici combien ce jour de repos est nécessaire pour les travailleurs, en particulier les travailleurs manuels, combien il est utile pour la transmission des valeurs et combien il est chargé d'une force symbolique unique pour chaque Français.

On a pu croire un moment que cet enjeu était enfin perçu et qu'à la suite d'une première tentative avortée, le Gouvernement avait sagement renoncé à légiférer sur l'extension du travail dominical, notamment après s'être heurté à la résistance courageuse d'un groupe consistant de députés de la majorité en phase avec la majorité de l'opinion.

Mais non : avec une obstination, un acharnement, un entêtement surprenants, alors que personne ne lui demande rien, ni les Français, ni même les grandes chaînes commerciales – il suffit d'écouter Michel-Édouard Leclerc –, le Gouvernement revient à la charge en nous présentant, au coeur de l'été, une nouvelle version prétendue « light » de la proposition du mois de décembre, une proposition, un projet de loi, on se sait plus très bien, dont le titre est tellement contourné et la sémantique si finement retravaillée qu'ils éveillent comme mécaniquement le soupçon.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

La contradiction semble criante entre l'objectif d'une politique qui se présente comme une politique de civilisation et ce qui apparaît comme le détricotage d'un repère essentiel permettant précisément de distinguer une société civilisée d'un simple agglomérat d'individus.

Lors du récent Congrès à Versailles, le Président de la République a particulièrement insisté sur l'importance qu'il attachait au modèle social français. Il serait, et nous partageons cet avis, notre meilleur bouclier face à la crise. Mais le repos dominical et ce qu'il permet ne sont-ils pas précisément l'un des éléments constitutifs du modèle français ?

Les partisans de la libéralisation de l'ouverture dominicale des commerces avancent deux types d'arguments qui doivent être attentivement examinés. Le premier se situe dans le champ sociétal, le second sur le terrain de l'économie.

Le premier argument soutient que la libéralisation du travail dominical serait en quelque sorte induite par l'évolution des modes de vie. Le caractère singulier du dimanche serait tombé en désuétude pour une grande partie de la population. La multiplication de la bi-activité, l'importance du temps consacré à la mobilité pendulaire dans les grandes agglomérations, la désynchronisation des rythmes sociaux, liée en particulier à une plus grande flexibilité du temps de travail, devraient conduire à modifier l'ajustement temporel entre l'offre et la demande, afin que les magasins puissent ouvrir lorsque les consommateurs sont en mesure d'acheter, c'est-à-dire en fin de journée et lors des fins de semaines.

L'argument d'ordre économique affirme que cette libéralisation serait de nature à accroître le volume de l'emploi dans les secteurs du commerce et du tourisme et à permettre de surcroît aux salariés de ces secteurs qui le désirent de travailler plus pour gagner davantage.

Nous pensons qu'aucun de ces deux arguments n'est décisif.

D'abord, le dimanche reste, quoi que l'on dise, un jour particulier dans notre société. Son caractère singulier demeure : que ce soit dans les familles, les communes ou les associations, la grande majorité des activités spirituelles et sociales ont toujours lieu le dimanche. Et si l'objet de la proposition de loi est de permettre aux actifs de consommer en dehors de leurs horaires de travail, pourquoi ne pas regarder du côté de ces magasins qui restent fermés le lundi ou à l'heure du déjeuner ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Quant à l'argument qui fait de l'ouverture dominicale des magasins un remède miracle en matière de politique de l'emploi, il repose sur l'illusion que l'acte de consommation serait créateur de pouvoir d'achat. Il n'en est rien. Le nouveau statut que l'on nous propose de « chômeur de semaine-travailleur du dimanche » ne ferait que maintenir la paupérisation des jeunes et des travailleurs les moins qualifiés. Ce n'est en aucun cas une réponse crédible à la crise économique, ni un mode de vie décent à proposer.

Avant d'envisager une libéralisation de l'ouverture des magasins le dimanche, il faut reprendre conscience des possibilités existantes offertes par notre législation pour déroger au repos dominical.

La réglementation de l'emploi de salariés du commerce le dimanche relève de la législation sociale. Ces dispositions figurent dans le code du travail, qui interdit d'occuper plus de six jours par semaine un même salarié. Le repos hebdomadaire des salariés doit avoir une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives et être donné le dimanche. Ces principes ne portent pas atteinte à la liberté des échanges, comme l'a confirmé la Cour de justice des Communautés européennes.

Cependant, des dérogations de droit sont prévues par le code du travail, notamment dans le secteur du commerce de détail, où certaines activités bénéficient d'une dérogation permanente et de plein droit. Je pense aux établissements de vente de denrées alimentaires, dans lesquels le travail salarié est autorisé jusqu'à douze heures, aux établissements fabriquant des produits alimentaires à consommation immédiate, aux fleuristes. Les commerces qui n'emploient pas de salariés peuvent ouvrir le dimanche à leur convenance. D'autres autorisations permettent, par arrêté municipal, l'ouverture des magasins cinq dimanches par an. Enfin, certains établissements commerciaux bénéficient d'autorisations individuelles par arrêté préfectoral, lorsque le service rendu ne peut être différé à un autre jour de la semaine, lorsque la fermeture le dimanche compromet gravement le fonctionnement normal de l'établissement, ou bien lorsque l'établissement est localisé au sein d'une zone touristique ou d'animation culturelle. Nous le voyons bien, ces dérogations sont déjà particulièrement larges et auraient pu faire l'objet d'une simple actualisation.

Il reste un argument en faveur du travail dominical qui paraît à première vue plus convaincant, celui de l'activité touristique, mais interrogeons-nous un instant sur ce qui fait que la France est aujourd'hui le premier pays touristique au monde. Est-ce parce que les magasins y sont ouverts le dimanche ? Apparemment non. Le véritable atout, ce qui fait que notre pays est spécialement recherché, en dehors de son patrimoine exceptionnel, c'est notre culture et notre mode de vie, notre sociabilité, notre dynamisme associatif, qui sous-tend un nombre considérable d'initiatives culturelles, artistiques, sportives. Ce n'est pas en fragilisant cet atout décisif que nous ferons venir davantage de touristes chez nous, bien au contraire.

Cette proposition de loi présente par ailleurs un certain nombre de zones d'ombre et d'approximations qui pourraient rendre son application plus que complexe, véritablement dangereuse.

La première incertitude concerne les zones qui seront touchées par les nouvelles dispositions. Dans le préambule de la proposition de loi, sont clairement nommés les zones de Plan-de-Campagne dans les Bouches-du-Rhône et le centre commercial d'Éragny en région parisienne, qui ouvrent le dimanche depuis plusieurs décennies. Au lieu de circonscrire les nouvelles mesures à ces zones, on a voulu rendre possible l'ouverture des magasins le dimanche dans les grandes agglomérations urbaines et dans les lieux touristiques.

Pour ce qui est des périmètres d'usage de consommation exceptionnel, les PUCE, ils ne concerneraient que les unités urbaines de plus d'un million d'habitants, mais, à leur périphérie, comment le commerce pourra-t-il résister à l'exode de ses clients vers ces zones ? De nombreuses communes demanderont l'extension du périmètre ou feront valoir leur caractère touristique. L'effet domino est donc tout à fait probable. On voit mal, en effet, comment un maire seul pourra s'opposer à la pression de la loi établissant que la commune se trouve dans cette zone, ou à la pression d'autres communes voulant bénéficier de la qualification PUCE.

Quant à la détermination des communes touristiques, elle est au coeur de la question dont nous débattons aujourd'hui. Elle alimente une controverse qui souligne la portée incertaine de cette proposition de loi. En effet, dans son article 2, elle établit que les communes touristiques pourront donner, de droit, le repos hebdomadaire par roulement à tout ou partie du personnel. Cette formulation est ambiguë car il existe actuellement deux définitions de la commune touristique. Au sens de la loi du 14 avril 2006 et de l'arrêté du 2 septembre 2008, certaines collectivités peuvent bénéficier d'une reconnaissance touristique en application d'une réglementation particulière mais, si l'on retient cette définition dans le cadre de la présente proposition de loi, ce sont plus de 4 000 communes qui seront concernées par le travail dominical.

Le rapporteur a répondu dans un premier temps que la définition prise en compte serait celle du code du travail, mais force est de constater que l'article R 3132-20 du code du travail n'est pas non plus satisfaisant. Il définit la commune touristique comme celle qui accueille pendant certaines périodes de l'année une population supplémentaire importante. Cette définition ne peut être considérée comme plus restrictive. Elle est en réalité nettement plus extensive. Elle présente un risque de généralisation du travail dominical à toutes les communes françaises touchées de près ou de loin par l'activité touristique, c'est-à-dire quasiment l'ensemble du territoire national.

Je doute que la notion imprécise de commune d'affluence touristique qu'un amendement pourrait introduire dans la loi soit de nature à clarifier la situation et à éviter la confusion. C'est pourquoi nous préférons soutenir les amendements qui restreignent la définition de la commune touristique ou qui limitent le champ d'application de la proposition de loi. Sans de telles limites précises, l'effet tache d'huile serait inévitable.

Une autre approximation grave de ce texte concerne les droits des salariés.

Actuellement, de nombreux accords de branche ne prévoient pas de doublement de salaire pour une activité exercée le dimanche. Pour ces salariés, rien ne changera avec l'adoption de la proposition de loi. Le doublement de salaire devra donc être clairement affirmé et concerner l'ensemble des travailleurs privés de repos dominical.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Le texte laisse par ailleurs le choix au salarié d'accepter ou non de travailler le dimanche. C'est du moins l'esprit de la proposition de loi. Mais nous savons tous qu'en pratique le lien entre l'employeur et l'employé est un lien de subordination. Pour le salarié, il ne sera pas facile de s'opposer aux propositions de son employeur. Reconnaissons aussi que, pour certains employeurs, il ne sera pas facile non plus de s'opposer au travail dominical car le fait de voir sa clientèle et son chiffre d'affaire partir ailleurs ne leur laissera pas le choix de réorganiser leurs jours d'ouverture. Si le refus d'embauche d'un candidat se fait sur le critère de la volonté de ne pas travailler le dimanche, à qui devra-t-on jeter la pierre, au candidat ou à l'employeur ? Ni à l'un, ni à l'autre, selon la proposition de loi. C'est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements afin que l'énoncé du texte soit précisé sur ce point.

Posons à présent la question de l'impact économique et environnemental de ce texte.

La raison qui a présidé à l'élaboration de cette proposition de loi est d'accroître l'activité pour libérer la croissance. Pourtant, aucune étude économique ne présente des évaluations probantes. Au mieux, les nouvelles dispositions permettront donc un transfert d'activité, c'est-à-dire un transfert d'emploi et un transfert d'achat sur des jours habituellement non ouvrables, car ouvrir plus longtemps ne fait pas consommer plus. Les budgets des consommateurs n'étant pas extensibles, les dépenses faites ici seront compensées par des dépenses moindres ailleurs. Le revenu disponible pour les achats ne sera plus dépensé en six jours mais en sept.

La dégradation de la conjoncture macroéconomique qui a accompagné la crise financière a imprimé sa marque sur le pouvoir d'achat des ménages. Ces derniers ont été nombreux au cours des dernières années à ressentir une dégradation de leur niveau de vie alors même que le pouvoir d'achat, tel qu'il est mesuré par l'INSEE, restait inscrit dans une tendance à la hausse. L'une des explications de cet écart entre le pouvoir d'achat mesuré et le pouvoir d'achat ressenti réside dans le sentiment de frustration né d'un « vouloir d'achat » croissant plus vite que les moyens permettant de le satisfaire. La contraction prévisible du pouvoir d'achat au cours des prochains mois risque d'aggraver ce sentiment de frustration. Libéraliser dans le même temps l'ouverture dominicale des commerces, en étendant le temps d'exposition des consommateurs à l'offre marchande, ne peut que renforcer davantage encore ce sentiment de restriction qui pèse sur le moral des ménages.

Enfin, la libéralisation de l'ouverture dominicale pourrait avoir un effet sur la mobilité des ménages et comporter un impact environnemental net négatif. La fréquentation dominicale des commerces, profitant au premier chef aux commerces d'attraction, risque d'induire un allongement des distances parcourues pour accéder à l'offre marchande au détriment de la pratique de l'achat de proximité.

Posons à présent la question de savoir qui seront les gagnants et les perdants de la libéralisation du travail le dimanche.

Comme vous le savez, tous les commerces disposant de la capacité juridique d'ouvrir le dimanche n'exploitent pas cette possibilité. Cette proportion est même très minime pour les activités commerciales autorisées des secteurs non alimentaires, tandis que la propension à ouvrir le dimanche est élevée parmi les supermarchés.

Le commerce indépendant et les centres villes risquent donc d'être très durement affectés par la concurrence des PUCE. Face au commerce intégré, comme les chaînes de distribution, le risque de destruction d'emplois et de dévitalisation dans ces entreprises est bien plus grand que le potentiel de création d'emplois en périphérie dans les zones commerciales. Même si une dérogation est provisoire, lorsqu'un commerce ferme, c'est souvent de façon définitive, à moins d'être remplacé par un représentant des gagnants du système, et ce sera à n'en pas douter le commerce intégré.

Outre les commerçants et artisans installés au sein des zones visées, c'est tout le tissu des commerçants de proximité qui risque de subir l'effet d'aspiration des centres commerciaux ouverts le dimanche, y compris dans les départements limitrophes. Nombre de ces commerces, nous le savons, ont déjà beaucoup de mal à se maintenir. Pourront-ils résister aux campagnes publicitaires agressives des grandes enseignes ? Nous ne le pensons pas.

Pour l'employeur d'un commerce de proximité, il est clair que le fait de devoir multiplier les salaires par deux l'amènera à réfléchir sur l'opportunité d'une ouverture dominicale. Là encore, le commerce indépendant risque d'être la première victime des mesures nouvelles, à moins que le commerçant n'assure lui-même l'ouverture tous les dimanches de l'année.

Un effet de « cannibalisation » est donc à craindre entre les commerces ouverts le dimanche et les autres. Ces derniers risquent de n'avoir plus le choix qu'entre s'aligner ou disparaître.

Je tiens également à rappeler que les centres commerciaux des périphéries urbaines, qui seront les premiers bénéficiaires de cette proposition de loi, vendent, hors commerce alimentaire, des produits en provenance du sud-est asiatique à plus de 80 %. À l'inverse, les commerces de proximité et les magasins spécialisés dans les centres villes vendent principalement des produits de fabrication française et européenne. À l'heure où nous sommes confrontés à une crise économique grave et où l'emploi, en France comme ailleurs en Europe, est particulièrement menacé, est-il vraiment opportun de privilégier les points de vente écoulant essentiellement les produits d'entreprises multinationales qui ponctionnent notre pouvoir d'achat tout en délocalisant un peu plus chaque jour leur activité de production hors de nos frontières ? Nous ne le pensons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

En définitive, cette proposition de loi me paraît inadaptée aux besoins actuels de notre pays. La législation existante, grâce aux multiples dérogations qu'elle autorise, laisse suffisamment de marge de manoeuvre aux acteurs économiques.

De plus, le recours à l'ouverture dominicale dépend pour une large part de facteurs locaux : les habitudes d'achat, la capacité financière des consommateurs de la zone concernée, l'intensité de la concurrence au sein de cet espace. Pourquoi vouloir apporter une réponse nationale à des situations essentiellement locales ? Si la volonté initiale était de solder des contentieux liés aux « zones hors-la-loi », comme Plan-de-Campagne, Éragny ou les Champs-Élysées, pourquoi ne pas en rester là ? Pourquoi vouloir appliquer à tout le pays des dispositions dont il n'a pas besoin et ne veut pas ? Est-ce par passion pour l'égalitarisme ou par fétichisme vis-à-vis de la loi ?

Au total, ce que nous redoutons, c'est la mise en place d'un enchaînement, d'une contagion, d'un engrenage, c'est un effet domino, un effet boule de neige à partir d'une brèche législative porteuse d'un élargissement potentiellement sans fin de dérogations. Cet élargissement progressif pourrait bien, au terme du processus, aboutir à transformer en exception la règle elle-même que la proposition de loi est censée réaffirmer et protéger : celle du repos dominical.

Prenons bien garde de ne pas déclencher, à partir d'un élargissement des zones géographiques et des secteurs commerciaux qui pourront ouvrir le dimanche, une véritable machine infernale qui, de contentieux en demandes reconventionnelles, finirait par happer chacun de nous et déboucherait sur un véritable changement de société que ne souhaitent visiblement pas nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Car que signifie élargir les secteurs où l'on travaillera le dimanche ? Cela signifie que, pour que ces zones commerciales soient ouvertes et puissent fonctionner le dimanche, les transporteurs devront travailler le dimanche, les banques, les convoyeurs de fonds, les entreprises de maintenance devront travailler le dimanche, les garderies devront fonctionner le dimanche, les services publics devront être ouverts le dimanche : le voilà, l'engrenage !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Écoutez-le bien, chers collègues de la majorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Engrenage encore pour les salariés des entreprises commerciales qui seront ouvertes. Affirmer que tout se réglera sur la base du volontariat est louable, mais parfaitement inopérant. C'est vouloir inscrire dans la loi un droit purement virtuel, un droit totalement détaché de la réalité du monde du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

M. Souchet n'est pas socialiste mais il est lucide ! L'histoire vous jugera, chers collègues de la majorité !

(M. Marc Le Fur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Quelle entreprise ouvrant le dimanche ou désirant le faire va engager un salarié qui précisera lors de son entretien d'embauche qu'il ne veut pas travailler le dimanche ?

Quel maire considérera que son territoire ne mérite pas d'être classé zone touristique ? Avec le développement du tourisme vert, du tourisme rétro-littoral, du tourisme culturel, du tourisme industriel, du tourisme sportif, un très grand nombre de nos communes voient leur population gonfler significativement avec ces afflux de touristes. Engrenage toujours !

Comment croire, enfin, qu'un arrêté préfectoral traçant une ligne en vertu de laquelle, à un ou deux kilomètres de distance, les règles de la concurrence seront totalement différentes et l'on pourra gagner là le double d'ici en faisant le même métier, pourra tenir longtemps ? Le mimétisme jouera fatalement en faveur d'un alignement sur l'ouverture maximale.

Et ainsi, d'engrenage en engrenage, nous risquons de nous acheminer vers l'abolition d'un repère essentiel qui structure le temps et les rythmes de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Déjà, l'ouverture généralisée des frontières tend à vider l'espace national de signification, sans rien lui substituer d'autre. Après le repère spatial, c'est le repère temporel qui serait remis en cause si le dimanche devenait un jour ordinaire, banalisé, au lieu de rester un jour « pas comme les autres », un repère civique. L'équilibre de notre société gagnerait-il au change ? Je ne le crois pas.

Encourager des rythmes de vie dissociés à l'intérieur du couple ne risque-t-il pas de contribuer à déliter le lien familial ? Car famille et dimanche ont partie liée.

Si le jour hebdomadaire chômé n'est plus un jour commun mais devient n'importe quel jour, si nous laissons ainsi s'émietter le temps collectif, la vie cultuelle, culturelle, sportive, associative, qui est la respiration profonde de nos communes, deviendra très difficile à organiser et risque de s'affaiblir significativement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Mes chers collègues, ne mettons pas le doigt dans l'engrenage de la libéralisation généralisée du travail dominical. Sous couvert de l'adoption de dispositions dont l'effet paraît, dans un premier temps, limité, n'inscrivons pas dans la loi des principes susceptibles à terme de faire éclater le trésor du repos dominical que partage toute une société. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Offrons à nos concitoyens autre chose que la seule perspective d'une hyperconsommation non stop qui se paierait du prix de la déconstruction d'une avancée sociale particulièrement précieuse, de l'un des éléments fondamentaux qui structurent en profondeur notre peuple. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Avec sa proposition de loi initiale, notre éminent collègue Richard Mallié souhaitait régulariser certaines pratiques d'ouverture des magasins le dimanche. Il ne pensait certainement pas susciter une aussi longue réflexion…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

…ni déclencher des réactions quasi passionnelles…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

…sur ce qui est désormais devenu un véritable sujet de société.

Après de féconds travaux en commission ayant considérablement fait évoluer le texte initial, nous débattons pour trouver des solutions adaptées concernant au moins trois grands principes auxquels, sur ces bancs, nous sommes tous très attachés : ne s'agit-il pas de réaffirmer le principe du repos dominical, de protéger les salariés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

…de clarifier des situations et des pratiques qui ont pris quelques longueurs d'avance sur le législateur, auquel il appartient, me semble-t-il, de tenir compte des modifications des rythmes de vie et de mettre le droit en accord avec les faits ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Excellent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Le principe du repos dominical consacré depuis plus d'un siècle, avec le vote de la loi du 13 juillet 1906, est clairement réaffirmé. L'alinéa 2 dispose en effet : « Dans l'intérêt des salariés le repos hebdomadaire est donné le dimanche » ; et l'alinéa 22 précise que seuls les salariés ayant explicitement donné leur accord à leur employeur peuvent travailler le dimanche.

La protection des salariés est essentielle, et je me réjouis qu'elle soit très présente dans ce texte puisque, au-delà des facteurs structurels qui découlent de l'activité même et qui sont déjà inclus dans le droit existant – quelque 180 dérogations –, le travail des salariés le dimanche est bien considéré comme exceptionnel et bénéficie de règles particulières.

La première, fondamentale à mon sens, est le volontariat. C'est un consentement clair, transparent et incontestable du salarié pour le travail dominical. Les compensations financières significatives, corollaire logique de ce consentement, peuvent en outre favoriser le pouvoir d'achat du salarié.

La seconde garantie est la protection contre toute sanction éventuelle en cas de refus du salarié, pour des raisons personnelles, de travailler le dimanche.

Les échanges en commission ont d'ailleurs fait progresser le texte en faveur du salarié puisque, à sa demande, l'évolution de sa situation personnelle pourra être prise en considération. Je souhaite que cette loi consacre le principe de réversibilité. Il paraît en effet naturel, pour ne pas dire humain, que, sans trahir la confiance d'un employeur qui a pu embaucher un salarié pour étoffer ses équipes du dimanche, ce dernier puisse renoncer à son engagement initial de travailler ce jour-là dès lors que sa situation familiale évolue, en raison d'un mariage, d'une naissance ou de tout autre événement. Cette avancée en commission répond d'ailleurs à une suggestion des autorités religieuses, concernées par ce texte, puisque – faut-il le rappeler ? – le repos dominical est issu de la tradition chrétienne et demeure le jour de l'exercice du culte chrétien.

Enfin, ce texte clarifie des situations ubuesques, que nous rencontrons actuellement et qui sont incompréhensibles, notamment pour les visiteurs étrangers. En effet, comment justifier, par exemple, que, dans un même périmètre, la vente de chaussures de sports soit autorisée le dimanche alors que celle des chaussures de ville est théoriquement interdite ?

Ce flou juridique et cette absurdité contribuent au fait que, si la France est la première destination touristique mondiale, avec plus de 60 millions de visiteurs, elle ne se situe qu'à la troisième place en matière de dépenses générées par le tourisme, trop peu de nos magasins pouvant être ouverts le dimanche dans des conditions légales.

La suppression de la condition d'octroi des autorisations tenant à la nature des biens commercialisés constitue une mesure de bon sens. De plus, en période de crise, tout ce qui peut concourir au maintien ou à la création d'emplois doit être tenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Aussi, la création de PUCE, périmètres d'usage de consommation exceptionnel de fin de semaine, notamment à proximité d'une zone frontalière, est de nature à freiner les distorsions de concurrence.

La protection du commerce de détail et de proximité est également présente dans ce texte, et l'extension d'ouverture jusqu'à treize heures des commerces de détail alimentaire répond bien aux souhaits de la clientèle.

Bien entendu – et c'est primordial –, il est nécessaire d'encadrer toutes les dérogations puisqu'il ne s'agit pas d'étendre le travail du dimanche à l'ensemble du territoire mais de clarifier la législation dans les zones touristiques ou thermales – quelque 490 communes – et de préciser les conditions de dérogation pour le PUCE.

C'est pourquoi il est de bon sens que les nouvelles dérogations soient soumises à l'avis des structures locales – conseil municipal, communauté urbaine ou d'agglomération – avant la décision du préfet. Il s'agit d'un exercice de décentralisation dont il conviendra, monsieur le ministre, de bien mesurer l'impact, l'aspect réglementaire ne devant pas dévoyer l'oeuvre législative.

En conclusion, je souligne que ce texte se veut respectueux des traditions, mais aussi de l'évolution de notre société, tout en garantissant le libre choix de chacun des salariés de notre pays. De plus, il ne tombe pas dans les excès d'une libéralisation totale des règles d'ouverture dominicale, ce qui aurait probablement un effet dévastateur sur le petit commerce de proximité qui constitue une richesse irremplaçable de notre patrimoine social et culturel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Cette proposition de loi contribue également au train de réformes nécessaire à notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle apportera sa contribution à la démonstration que la France veut résolument épouser son temps, même si le dimanche n'est pas un jour comme les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, s'agissant de l'examen d'une proposition de loi sur le repos dominical, vous ne serez pas étonnés qu'un député alsacien, de Strasbourg de surcroît, vous fasse part de ses réflexions et de sa désapprobation sur le contenu du texte qui nous est soumis aujourd'hui. Plutôt que de faire appel ou de se référer aux expériences menées dans d'autres pays, il aurait été intéressant et utile d'analyser d'une manière approfondie le régime particulier du repos dominical tel qu'il existe en Alsace-Moselle, territoire couvrant trois départements qui, je vous le rappelle, regroupent environ 3,5 millions d'habitants,

En effet, dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le principe du repos dominical est en vigueur depuis plus d'un siècle. Cette situation est le fruit de l'histoire mouvementée de notre région. Afin de tirer toutes les conséquences du retour de l'Alsace-Moselle à la France, après la Première Guerre mondiale, le choix des pouvoirs publics a consisté à remettre en vigueur le droit français tout en maintenant des pans entiers de la législation locale héritée du droit allemand bismarckien, désormais intégrés dans le droit national français. Cette intégration du droit local est notamment issue de l'adoption par notre assemblée de deux lois du 1er juin 1924, l'une pour le droit civil, l'autre pour le droit commercial. Le député de la Moselle Robert Schuman, devenu par la suite l'un des pères fondateurs de l'Europe, en a été le rapporteur. Au lendemain du second conflit mondial, l'ordonnance du général de Gaulle du 15 septembre 1944 rétablissant la légalité républicaine dans les départements du Rhin et de la Moselle réaffirme le maintien du droit local dans le droit national.

Cette législation française locale fait, depuis lors, partie du pacte républicain qui nous unit. Au-delà des clivages politiques, ce droit local, en particulier ses dispositions relatives au repos dominical, est devenu un des principes républicains qui transcende nos clivages politiques. Les Alsaciens et les Mosellans sont très attachés au principe du repos dominical. Celui-ci assure un bon équilibre entre le commerce de proximité et les grandes surfaces. Un sondage réalisé par l'institut du droit local alsacien-mosellan, en 2005, a montré que 92 % des personnes interrogées sont attachées à ce principe et à l'interdiction de l'ouverture des grandes surfaces le dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Un, nous ne traitons pas des grandes surfaces, et deux, c'est hors sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

Tout est dans tout et inversement, monsieur le rapporteur. (Sourires.)

De plus, sur le plan économique, le droit local en matière de repos dominical n'a jamais été un frein à la croissance de ces trois départements.

La rédaction de la proposition de loi aurait donc pu s'inspirer de l'expérience des départements du Rhin et de la Moselle, comme notre législation française l'a déjà fait pour les personnes surendettées, qui peuvent désormais bénéficier de la faillite civile. Notre législation nationale aurait également pu s'inspirer de la protection sociale qui existe en Alsace-Moselle. En effet, hérité d'une loi de 1883, le régime local d'assurance maladie permet aux assurés sociaux d'obtenir des remboursements des dépenses de santé allant de 90 à 100 %. Ce régime, qui nous est envié partout en Europe, permettrait non seulement de réduire le déficit abyssal de la sécurité sociale, mais également d'instaurer une plus grande justice en matière de santé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Au passage, je signale également qu'il existe dans ces trois départements une publicité foncière organisée par un Livre foncier informatisé qui présente des avantages incontestables pour la sécurité juridique et la transparence du marché immobilier, et qui est l'un des systèmes de publicité foncière les plus modernes d'Europe. Je pense aussi au droit local des associations, qui accorde à ces dernières une liberté de fonctionnement plus importante : une simple inscription au registre des associations tenu par le tribunal d'instance leur confère une capacité juridique supérieure à celle des autres associations loi du ler juillet 1901 reconnues d'utilité publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

J'ajoute que le Conseil d'État a confirmé, à plusieurs reprises, la conformité à nos principes constitutionnels de l'ensemble de ces dispositions spécifiques.

Quelques mots sur l'économie générale des règles régissant la fermeture des commerces les dimanches en Alsace-Moselle. La règle de base est simple et souple : les dimanches, il est possible d'employer des salariés pendant cinq heures au plus, le sujet relevant de la compétence des conseils généraux, qui peuvent interdire le travail le dimanche ou restreindre le nombre d'heures travaillées. Parallèlement à la compétence des conseils généraux, les préfets disposent du pouvoir d'accorder des dérogations. Celles-ci sont toujours accordées par activité. Il n'existe pas de dérogations individuelles en droit local.

Pour ce qui me concerne, je considère que le dimanche n'est pas un jour comme les autres,…

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

…de nombreux orateurs l'ont souligné. Il faut se garder de le banaliser. Une journée par semaine peut ainsi être dédiée à une autre activité que la consommation. Le dimanche doit être et demeurer une journée pour la famille, les amis, la vie associative, la vie locale ou encore la pratique religieuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est un prêche ou je ne m'y connais pas ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

Abandonner le principe du repos dominical serait une erreur historique. Une telle décision impliquerait le choix d'une société sans repères et un renversement des valeurs. Je doute que les auteurs de la présente proposition de loi aient bien mesuré toutes les conséquences économiques et sociales que son adoption entraînerait pour nos concitoyens. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Pour toutes ces raisons, je voterai contre ce texte. (Approbations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Mais vous allez tout de même voter votre amendement, n'est-ce pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

Par ailleurs, dans la suite de nos débats, je vais vous soumettre un amendement, cosigné par Michel Liebgott et Christian Eckert, qui vise à ce que cette proposition de loi ne s'applique pas aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, pour éviter une juxtaposition de deux dispositions législatives contradictoires, imbroglio juridique que le Conseil constitutionnel serait amené à trancher. Je souhaite que tous les députés d'Alsace et de Moselle, quelle que soit leur sensibilité politique, s'associent à cette démarche, comme ils l'ont déjà annoncé publiquement. Je suis persuadé que nous pouvons unir nos forces pour défendre le droit local et,…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Mais l'affaire est réglée : votre amendement a été adopté en commission, monsieur Jung !

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

…par conséquent, le repos dominical.

Mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui implique une certaine idée de la vie sociale et de la vie tout court. Le choix que font ceux qui le soutiennent n'est pas le mien. (« Et pas le nôtre ! » sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur le ministre, mes chers collègues, ne remettez pas en cause le principe du repos hebdomadaire ; ne touchez pas, ni de près ni de loin, au repos dominical. Les habitants de l'Alsace et de la Moselle et, j'en suis persuadé, l'ensemble de nos concitoyens, ne vous le pardonneraient jamais ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Pierre Brard. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il est visiblement très attendu. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

En préambule, je tiens à dire à M. Jung qu'il a raison,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…non seulement dans son analyse du texte, mais aussi pour ce qu'il a dit à propos de ses collègues d'Alsace-Moselle car, in petto, ils partagent son avis. Monsieur Mallié, je vois que cela vous attriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Je ne suis pas du tout attristé ! J'ai même émis un avis favorable à l'amendement de M. Jung !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je pensais qu'il n'y avait qu'une seule République française et que la France était une et indivisible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce qui vaut pour un cas particulier peut donc valoir pour le cas général : étendre au niveau national les dispositions locales en matière de repos dominical serait pour le coup une excellente initiative, monsieur le rapporteur.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette période de crise, de montée du chômage et de baisse du pouvoir d'achat, période qui appelle à une revalorisation des salaires, des retraites, des minima sociaux et à une meilleure répartition des richesses, on nous présente aujourd'hui la dernière caricature du « travailler plus pour gagner plus » : le travail du dimanche. Au passage, je constate que si nos collègues de l'UMP sont des adeptes du travail le dimanche, ils ne semblent pas l'être du travail de nuit. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il en manque à l'appel !... Sûrement pour préserver leurs forces pour dimanche prochain.Si le « travailler plus » est bien visible, le « gagner plus » est moins évident : le Gouvernement a eu l'indécence de n'augmenter le SMIC que de 1,3 %, le taux horaire brut passant de 8,71 euros à 8,82 euros au 1er juillet, soit un gain, si l'on ose dire, de 11 centimes d'euro. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, comparons cette évolution avec celle du salaire du patron de GDF-Suez, Gérard Mestrallet : il a augmenté entre 2007 et 2008 au point d'atteindre 3 168 000 euros par an, soit une augmentation de 300 euros de l'heure, plus de 2 730 fois, en tarif horaire, ce qui a été accordé par le Gouvernement aux smicards. Mais il est vrai, monsieur le ministre, que quand on aime, on ne compte pas ! Et vous avez l'amour exclusif, et même inspiré, il faut le reconnaître : vous, vous n'aimez que les riches. Il est vrai aussi que vous avez moins de monde à aimer que si vous n'aimiez que les pauvres, j'en conviens volontiers. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Permettre aux Français de consommer davantage en ouvrant les commerces le dimanche ne rendra pas pour autant leur pouvoir d'achat extensible. Quand il n'y a pas d'augmentation du pouvoir d'achat, il n'est pas possible de consommer plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Avec ce texte, vous étalez la période de consommation, vous rendez les conditions d'exploitation des commerces difficiles, en particulier pour les petits commerçants, obligés de rester ouverts pour ne pas se faire manger par les gros que vous privilégiez. Au nom de tous ceux qui gagnent à peine plus de 1 000 euros par mois quand ils font 35 heures par semaine, ou qui gagnent beaucoup moins quand ils sont à temps partiel, et qui travailleront désormais le dimanche, je tiens à remercier celui qui se présentait naguère comme le président du pouvoir d'achat. Les intéressés apprécieront.

Plus de 70 % des hommes et 50 % des femmes travaillent déjà le samedi, faisant des Français l'un des peuples européens qui travaillent le plus le week-end.

Monsieur le ministre, vous aimez les comparaisons. Faites-en, mais des pertinentes.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Je n'ai rien dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne m'adressais pas seulement à vous, monsieur Darcos, car, en pédagogue, vous êtes plutôt un homme prudent. Vous savez que si la parole est d'argent, le silence est d'or. Vous vous abstenez souvent de parler pour être certain de ne pas tenir des propos qui vous seront resservis à l'occasion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

En Allemagne, au contraire – et nos collègues frontaliers alsaciens le savent –, dans certains Länder comme le Bade-Wurtemberg, la pratique est que tous les commerces soient fermés dès le samedi midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Avez-vous déjà vu des dépêches de l'AFP ou d'une autre agence de presse annonçant que des gens étaient morts de faim pendant le week-end outre-Rhin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Bien sûr que non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est une question de choix : on peut s'organiser ! C'est uniquement pour des raisons idéologiques que M. Mallié fait des propositions qu'il met sur le devant de la scène. Et il le sait bien, ce qui est inacceptable ! Nous avons une conception de la vie dans notre pays…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vois que vous êtes nostalgique de l'Union soviétique, monsieur Dell'Agnola. Pas moi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous savez, en Union soviétique, vous auriez pu ouvrir les magasins le dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non ! Il y avait toujours la même chose, plus exactement, pas rien ! Monsieur Dell'Agnola, je vois que vous y êtes certainement allé plus souvent que moi, et que vous regrettez cet ordre social à jamais disparu dans les formes où il a existé. Reconnaissez au moins que, dans ces pays, il y avait l'égalité dans l'accès à la santé, à l'éducation et à la culture, et du point de vue des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur de Charette, nous ne fréquentons pas les mêmes gens et nous n'avons pas la même idée de la pauvreté ! Parmi les gens que vous fréquentez – c'est-à-dire les privilégiés – peut-être y a-t-il des gens relativement pauvres ? Actuellement, le patron d'EDF est certainement un pauvre comparé à M. Mestrallet.

Quant à moi, quand je parle de pauvres, je pense aux gens qui n'arrivent pas à boucler les fins de mois dans ma bonne ville de Montreuil, à ceux qui ne savent plus comment assurer l'ordinaire pour leurs enfants, une fois qu'ils ont payé leur loyer. C'est cela la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ceux-là sont obligés de se priver de vacances. Heureusement, ici et là, il reste des centres de vacances municipaux qui appliquent le quotient familial et qui permettent au moins aux enfants de partir.

Monsieur de Charette, dans ces pays que vous évoquez avec nostalgie, les centres de vacances gratuits existaient, parce que les entreprises payaient. Ici, vous voulez préserver les entreprises de toute charge. Ces charges sont légitimes pourtant, puisque les entreprises bénéficient d'un personnel formé, apte à travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce n'est pas du paternalisme, monsieur Mallié ! C'est la solidarité, le partage ! Mais, pour vous, le partage, c'est un cheval une alouette ! Nous n'avons pas la même notion du partage, j'en conviens volontiers.

Revenons-en au Bade-Wurtemberg, à ce Land situé de l'autre côté de la frontière où les magasins ferment le samedi à midi. Je n'ai pas entendu dire que les Allemands qui habitent dans ce Land se plaignent. Certes, il existe désormais des exceptions comme à Berlin où, depuis 2006, dix ouvertures par an sont autorisées le dimanche. Heureusement, cela reste une exception.

En France, le principe d'un jour hebdomadaire chômé fixe est en vigueur depuis 1906. Il y eut, tout au long du XIXe siècle, beaucoup de débats entre les libéraux, le mouvement ouvrier et les tenants de la foi catholique, monsieur de Charette, sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Merci de reconnaître les valeurs qui sont les miennes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pourquoi les nierais-je ? Je vous reconnais comme vous êtes, pour ce que vous êtes : un homme de droite. Pourquoi n'y en aurait-il pas ? C'est cela aussi la confrontation démocratique. Cela dit, très franchement, moins il y a de députés de droite et mieux le pays se porte ! Il ne faut pas se le cacher. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

C'est un mouvement social initié en 1890, notamment par des employés des grands magasins, qui conduira à la législation du 13 juillet 1906, dans une perspective laïque reposant sur deux valeurs : le droit au repos et la famille. Suivra en 1919 la loi sur les huit heures de travail quotidien. Ces deux textes sont les fondements de la législation du travail dans notre pays, que M. Mallié veut réduire à néant.

Depuis très longtemps, la population française a donc identifié ce jour particulier, le même pour tous, comme celui où famille et amis se retrouvent. Avec votre texte, le principe du repos dominical tombe aux oubliettes des acquis sociaux, est enterré au cimetière des conditions de travail dignes, est piétiné par une grande partie de la majorité présidentielle, prête à sacrifier les moments de repos et de vie familiale sur l'autel de la course au profit et du rendement toujours plus important.

Obligatoire dans les zones touristiques et thermales, volontaire dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnelle – si l'on considère que la peur d'un probable licenciement suscite un engagement volontaire, libre et pleinement consenti –, le travail du dimanche se trouve en fait banalisé. Désormais, le dimanche sera un jour travaillé comme les autres.

Monsieur Mallié, les auteurs de ce texte ont dû être mal inspirés ou ils ont mal compris les propos de Nietzsche. Vous qui êtes un véritable intellectuel, monsieur Darcos…

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

C'est trop !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous n'êtes pas si nombreux dans ce gouvernement à appartenir à l'intelligentsia ! D'habitude, on dit que l'exemple vient d'en haut, mais dans le cas présent, on ne peut vraiment pas le confirmer !

Nietzsche disait : « L'oisiveté pèse aux races laborieuses. Ce fut un coup de maître de l'instinct anglais de faire du dimanche une journée si sainte et si ennuyeuse que l'Anglais en vient, à son insu, à désirer le retour des jours de semaine et de travail. »

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Il faut donc le supprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais le dimanche n'est pas qu'un jour sacré réservé à Dieu, ni un jour d'oisiveté et d'ennui chez nous, en France. Il est au contraire un jour d'activités intenses pour les familles qui resserrent les liens entre leurs membres. C'est une parenthèse dans la dure routine des salariés, où parents, enfants et amis peuvent faire des choses ensemble, apprendre, se connaître, se distraire, ou prendre leur temps, tout simplement, en dehors des horaires contraints de l'école et du travail.

Au nom des enfants qui devront s'occuper seuls le dimanche et n'iront plus faire de parties de foot avec leur père ou de balades en forêt avec leurs parents, car ceux-ci auront l'obligation de travailler, je remercie le président de la valeur travail, détournée en valeur profit, encore et toujours au détriment des plus fragiles.

On sait en effet que, dans le secteur du commerce par exemple, les femmes constituent le gros des salariés précaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Souvent employées à temps partiel, au SMIC, les femmes ont aussi, plus souvent, la charge intégrale de familles monoparentales.

Prenons l'exemple d'une employée de caisse d'un grand commerce, en zone touristique, qui sera obligée, sous la menace implicite d'un licenciement, de travailler le dimanche. Comment fera-t-elle pour faire garder ses enfants ? Ils seront peut-être livrés à eux-mêmes, privés du seul jour de détente et de complicité qu'ils pouvaient avoir avec leur mère. Elle sera privée du jour de repos bien mérité qu'elle avait l'habitude de passer avec ses enfants.

Monsieur de Charette, aussi à droite soyez-vous, vous ne pouvez pas être insensible aux arguments qu'a développés Armand Jung au nom de ses collègues alsaciens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous amputez ainsi d'une large part l'éducation parentale pour les familles les plus modestes, déjà durement touchées par la dégradation du contexte social.

Dans le secteur du commerce, les employés sont déjà soumis à des horaires difficiles, avec des bas salaires. Vous ne ferez qu'augmenter les contraintes qui pèsent sur eux, sans contreparties suffisantes, en les privant d'un temps essentiel à la vie sociale et familiale. Cela nuira à l'épanouissement des familles et de leurs membres.

Dans quelques mois, allez-vous vous étonner encore de l'atomisation de la société, de la fracture entre les générations, du dialogue de plus en plus difficile entre parents et enfants, si vous ne leur laissez aucune marge pour bien vivre ensemble ?

Une grande partie de la transmission de l'histoire familiale, des valeurs éthiques, par exemple, se fait autour du repas de midi, le dimanche. Si les chaises se trouvent désormais plus clairsemées autour de la table, nous en connaîtrons les responsables. Monsieur Mallié, vous aurez à répondre de vos actes ! La loi Mallié sera une loi qui aura déstabilisé la famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Pour vous déstabiliser, vous, ce n'est pas évident !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le dimanche est aussi l'occasion pour chacun de se retrouver, de se ressourcer, de pratiquer les loisirs qu'il affectionne ou de consacrer un peu de temps à une association de son choix.

Actuellement, plus de quatorze millions de personnes exercent une activité bénévole, soit près d'un Français sur quatre. En France, 85 % des associations, notamment sportives ou de solidarité, ne fonctionnent qu'avec des bénévoles. C'est surtout le dimanche que ceux-ci ont du temps à donner. Avec votre proposition de loi, vous mettez à mal le fonctionnement des associations et la pratique du bénévolat, tellement nécessaires en ces temps de crise où l'État se désengage toujours plus de son rôle social et rogne les moyens d'intervention des collectivités locales dans ce domaine.

Vous vous préparez à appliquer principalement cette disposition du travail du dimanche aux villes des régions touristiques et thermales, dites-vous. Là, contrairement aux PUCE, point de volontariat : le diktat de la course à la concurrence et au profit s'appliquera sans discussion. Que faites-vous du coût humain et social d'une telle mesure ? Que faites-vous de ses conséquences économiques ?

Cela fera du tort aux petits commerçants, désavantagés par rapport aux grandes surfaces, et ouvrira la porte à la déréglementation du travail. Monsieur Mallié, pourquoi pas, bientôt, une loi autorisant partout et pour tous le travail de nuit ou remettant en cause l'interdiction de travailler plus de six jours consécutifs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Adopter cette loi serait irresponsable car elle aurait des conséquences importantes sur les familles. Adopter cette loi serait injuste car elle prive les salariés d'un moment important de la vie sociale en dehors du travail. Adopter cette loi, enfin, serait contre-productif car cela se traduirait par une mise en concurrence entre petits commerces et grandes surfaces.

C'est pourquoi j'en appelle à l'intelligence, au bon sens et au sentiment de justice de tous nos collègues présents. Le dimanche doit rester un havre de paix pour les familles et un moment de liberté pour chacun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le ministre, grâce au temps global programmé, l'orateur peut continuer à parler sans se faire tancer par le président qui se trouve derrière lui.

Debut de section - PermalienXavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

On fera les comptes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

À cet égard, je vous fais confiance : à gauche, nous sommes tellement désintéressés que, parfois, nous ne faisons pas les comptes aussi bien que vous ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Tout à l'heure, M. Mallié et vous aussi, monsieur le ministre, avez voulu nous faire croire que le champ d'application serait restreint. À Jean-Marc Ayrault, vous répondiez : vous voulez faire peur ! Mais non, Jean-Marc Ayrault n'a pas exagéré !

Vous êtes pédagogue, monsieur le ministre, et connaissez le sens des mots. Or, dans le texte de M. Mallié, il est écrit : « Sans préjudice des dispositions de l'article L. 3132-20, les établissements de vente au détail situés dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel. »

Que signifie, pour une zone touristique, l'« animation culturelle permanente » ? Avoir plusieurs salles de cinéma, de théâtre ou des galeries d'exposition ? Des bistrots avec café-concert ? La rédaction, comme on le voit, ouvre la voie à une jurisprudence qui fera sauter tous les taquets.

Quant à l'alinéa suivant, il est ainsi rédigé : « La liste des communes touristiques ou thermales intéressées et le périmètre des zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente sont établis par le préfet […]. » Il n'est donc pas vrai de dire que ce sont les maires qui décideront : votre texte a une portée bien plus large.

Un autre alinéa contient une formulation quasi diabolique, évoquant un « périmètre d'usage de consommation exceptionnel caractérisé par des habitudes de consommation de fin de semaine ». Vous savez ce que cela donne, en région parisienne ? Certaines familles vont passer le week-end à Paris Nord avec les enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Les bourgeois du XVIe ou du VIIIe arrondissement, eux, n'emmènent pas leurs enfants passer les week-ends entre les stands d'ameublement et les rayons de prêt-à-porter !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, car, lorsque j'étais maire, je n'ai jamais permis de telles déréglementations. Avouez-le, monsieur le rapporteur : vous avez prévu de généraliser, y compris avec votre proposition de loi, un système culturel discriminant : aux privilégiés les expositions, les concerts ou les pièces de théâtre ; aux autres la consommation de masse !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Les riches à l'opéra, les pauvres au centre commercial !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous recyclez le maigre argent distribué avec des salaires de misère, afin que rien n'en soit perdu et qu'il revienne, si j'ose dire, à la source.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il est aussi écrit, un peu plus loin, que « les autorisations prévues […] sont accordées au vu d'un accord collectif ou, à défaut, d'une décision unilatérale de l'employeur prise après référendum ». Imaginez-vous vraiment que, dans un magasin d'une dizaine de salariés, la relation avec l'employeur est libre et égale, de sorte que l'on puisse y signer un accord collectif ou organiser un référendum ? En réalité, vous avez prévu de casser les protections existantes.

Enfin, « en l'absence d'accord collectif applicable, les autorisations sont accordées au vu d'une décision unilatérale de l'employeur, prise après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu'ils existent ». Tout est dit ! Vous ne pourrez pas prétendre, chers collègues de l'UMP, que vous ne saviez pas ! Les mots ont un sens ; ceux d'entre vous qui saisiraient mal les vices cachés du texte n'ont qu'à interroger M. Darcos, qui, en sa qualité de ministre de l'éducation nationale, était aussi le ministre du langage adapté aux différentes catégories d'âge. Là réside en effet le secret de la pédagogie.

Or, monsieur Mallié, tel n'est pas votre projet pour Plan-de-Campagne, dont on ne peut pas dire, par ailleurs, que ce soit une zone touristique très attrayante. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des mois, un long travail a été effectué autour de l'élargissement du travail dominical ; en moins de deux ans, c'est la quatrième proposition de loi en ce sens.

Cette quatrième version souffre d'ailleurs d'un paradoxe que les Français ont tout de suite aperçu : tout en réaffirmant le principe du repos dominical, elle vide ce dernier de toute sa substance.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

En réalité, cette proposition de loi va rayer d'un trait de plume près de dix-sept siècles d'histoire de la civilisation européenne. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Depuis le règne de l'empereur romain Constantin au IVe siècle, le dimanche est en effet considéré en Europe comme un jour de repos. Remis en cause à plusieurs reprises, ce principe fut réaffirmé en France en 1906 dans l'intérêt des salariés et de leurs familles.

Vous le savez, traditionnellement, le dimanche est consacré aux activités familiales ; c'est également un jour privilégié pour l'éducation des enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Le dimanche est particulièrement propice à la transmission des valeurs familiales et de celles de notre société ; il est également le jour consacré à la vie civique : en France, les élections, les référendums ont toujours lieu ce jour-là. Le repos dominical permet ainsi aux citoyens de participer à la vie en société et à la vie de la nation. Enfin, le dimanche est le jour qui permet à tous de consacrer du temps aux activités associatives, culturelles ou cultuelles.

La question qu'il faut aujourd'hui se poser est en partie d'ordre philosophique : ces activités ont-elles du sens ? Pensez-vous que la vie soit réductible à sa simple expression matérielle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Présentée comme le fruit d'un consensus, cette proposition de loi est en réalité hasardeuse et même dangereuse à plus d'un titre. Elle nous est proposée sans aucune enquête préalable sur son impact et son efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

D'autre part, les Français s'interrogent légitimement sur ce qu'elle va changer dans leur quotidien. Les enjeux sont en effet de taille : il ne s'agit ni d'une simple formalité ni d'un acte anodin ou sans conséquence, mais d'un texte…

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

…qui va véritablement transformer notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Dans quel intérêt le fera-t-il ? C'est la véritable question que nous devons tous nous poser.

Cette proposition de loi repose sur une triple erreur. Une erreur économique, d'abord. Comme le montrent les études les plus sérieuses, l'ouverture dominicale n'aura pas de conséquence positive sur le chiffre d'affaires des magasins. En effet, ouvrir un jour de plus ne garantit en aucun cas une consommation plus importante : on s'aperçoit donc vite que le « miracle dominical » est un miroir aux alouettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

Où est donc Mme Lagarde ? Nous aimerions l'entendre sur ce point !

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Le pouvoir d'achat des Français qui travaillent en semaine – lesquels constituent la « cible » de l'ouverture dominicale – demeurera inchangé. Croyez-vous vraiment, en effet, qu'il existe un bas de laine caché que nos compatriotes iraient dépenser dans les commerces si ceux-ci ouvraient le dimanche ? En réalité, l'ouverture des magasins le dimanche engendrera un simple report d'achat : les courses seront faites le dimanche au lieu d'un autre jour de la semaine. Si le chiffre d'affaires des magasins qui ouvrent le dimanche augmente, ce serait même particulièrement inquiétant, car cela signifierait peut-être la fermeture définitive d'autres magasins qui n'en ont pas le droit.

Autre phénomène : la « balade commerciale », qui consiste, comme son nom l'indique, à se balader dans les rayons des centres commerciaux ouverts le dimanche, comme on allait, autrefois, faire une balade en forêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

À cette différence près que l'on ne trouve pas de cèpes !

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Tout est d'ailleurs fait pour que ces centres commerciaux fonctionnent comme des lieux de villégiature imbriquant commerces et lieux de loisirs dans un décor ludique.

Que se passe-t-il donc dans la tête de ces « promeneurs » face à la débauche de produits qui se présentent à leurs yeux, et qu'ils ne peuvent acheter parce qu'ils n'en ont pas les moyens et qu'ils ont eu le courage de ne pas céder aux sirènes du crédit ? Il faudrait pouvoir évaluer la frustration de ceux qui ne peuvent pas ou plus acheter.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Résisteront-ils encore longtemps ? Pour ces ménages, le risque du surendettement est particulièrement inquiétant. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)

Il est clair que l'ouverture dominicale dont on nous chante les vertus économiques n'aura finalement contribué qu'à déséquilibrer encore davantage le tissu économique régional et local ; sans compter que, par un phénomène de contamination facile à comprendre, cette ouverture géographiquement limitée s'étendra nécessairement. Comment, en effet, interdire l'ouverture d'un magasin qui se situe à quelques mètres d'un autre, sous le seul prétexte qu'une rue les sépare et que le premier a, contrairement au second, la chance d'être classé en zone touristique ? Pourquoi, par ailleurs, seules les grandes métropoles seraient-elles touristiques ?

Il existe en outre un vrai risque d'augmentation des prix. L'ouverture dominicale aura un coût, tous les professionnels le disent : d'abord parce que les employés qui travailleront le dimanche bénéficieront, ce jour-là, d'un salaire supérieur ; ensuite parce que cela entraînera des charges supplémentaires. À n'en pas douter, la répercussion de ces charges se fera sur les consommateurs. Bref, pour que l'ouverture dominicale soit rentable, les prix augmenteront inévitablement. Des fédérations de professionnels estiment que certains salaires peuvent être majorés de 100 %, comme le prévoit la proposition de loi. Dans ces conditions, pour qu'un magasin reste rentable, il faudra augmenter les prix de 25 %.

Cette proposition de loi est dangereuse. Si l'on évoque surtout, pour l'instant, l'ouverture dominicale de certains magasins, pourquoi, à bien y réfléchir, la dérive s'arrêterait-elle là ? On nous fera bien vite comprendre que le secteur marchand ne suffit plus, qu'il faut faire appel au secteur productif et, de fil en aiguille, à celui des services. La boucle sera alors bouclée, et l'on aura créé une société qui ne cesse jamais de travailler.

Cette proposition de loi est également, et c'est mon second point, une erreur sociale et culturelle. Au-delà des solutions, des alternatives et des aspects techniques, elle aura un impact direct sur l'esprit général de notre République. Elle va en effet entériner l'idée d'un homme qui n'agit qu'en fonction de ses intérêts, des coûts et des avantages. Le travail est un élément essentiel dans la vie de l'homme : il lui permet d'acquérir des compétences, de se dépasser, d'apporter sa pierre à l'édifice de la société et d'y trouver une juste récompense ; mais, s'il est une des priorités de l'homme, d'autres aspects de sa vie lui sont tout aussi indispensables.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Or cette proposition de loi procède d'un mode de pensée particulièrement dangereux pour notre société, qui revient à considérer que tout acte de l'homme n'est motivé que par des intérêts individuels ou économiques, et que tout est conçu en termes de coûts et d'avantages.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

À travers le présent texte, c'est une certaine vision de l'homme qui est promue : celle d'un producteur et d'un consommateur sans autre lien avec la société que son propre travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Pourtant, le véritable moteur de l'homme est le sentiment d'appartenance : appartenance à une entreprise, certes, mais aussi à une famille, à une commune, à une culture,…

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

…à un pays ou à un mode de vie.

Rien de grand ne s'est jamais construit dans un pays où chacun n'est motivé que par l'appât du gain et le confort personnel :…

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

…l'homme a besoin de contribuer à quelque chose qui le dépasse. Pour être heureux, les Français savent qu'ils ont besoin de consacrer du temps à leur famille, à leurs amis ou aux associations auxquelles ils appartiennent, bref à toutes les activités non marchandes qui contribuent quotidiennement à leur bonheur.

Face au poids croissant de toutes les contraintes de la vie professionnelle moderne, le dimanche résiste comme une planche de salut. En le supprimant, un verrou sautera : le dernier.

Le rôle de la loi n'est pas de nuire au bénévolat, aux solidarités ou à la gratuité ; il n'est pas de faire du confort matériel l'essentiel de la vie humaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Est-il dans l'intérêt général d'autoriser les magasins à ouvrir le dimanche (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC), d'autoriser les grandes enseignes à concurrencer les commerces de proximité (Mêmes mouvements), de créer deux France l'une à côté de l'autre : celle qui travaille en milieu de semaine et celle qui travaille en fin de semaine ?

C'est tout cela qui nous est demandé à travers le présent texte. Nous ne devons pas nous tromper de débat. Le travail du dimanche n'est pas un tabou et, contrairement à ce que l'on a pu entendre, il ne l'a même jamais été. Les Français n'y sont tout simplement pas favorables.

La proposition de loi est surtout l'occasion de nous interroger sur les fondements de notre société ; elle pose la question de ce que nous voulons pour notre avenir. Le repos du dimanche n'est pas un simple héritage de l'histoire ; il est nécessaire à l'homme. Il l'est tout d'abord car le dimanche fait battre la vie de la société tout entière au même rythme : au moment où l'individualisme se développe et devient une véritable menace pour notre société, conserver, de manière pérenne, une journée de repos commune, y compris dans les zones touristiques, c'est-à-dire principalement les grandes agglomérations, est une nécessité.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Il l'est ensuite parce que le dimanche est une journée consacrée à l'éducation et à la transmission des valeurs aux enfants par les parents. Comment serait-ce possible derrière un caddie ? L'éducation des enfants se réduit-elle à enseigner l'art de bien consommer ?

Comment des parents peuvent-ils veiller à l'éducation de leurs enfants et s'enquérir de ce qu'ils font s'ils ne peuvent pas être présents au moment où ceux-ci ont besoin d'eux ? Faudra-t-il demander aux enfants d'attendre le retour de leurs parents ? Faudra-t-il ouvrir les écoles le dimanche ?

Enfin, le 15 juin dernier à Genève, devant l'Organisation internationale du travail, le Président de la République s'est élevé contre le primat de l'économie. Il a également souhaité, il y a quelques mois, qu'une véritable « politique de civilisation » soit mise en place. Est-ce celle qui se dessine avec cette proposition de loi ? Est-ce celle qu'on nous propose, consumériste, productiviste, déracinée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il n'avait pas regardé dans le dictionnaire ce que cela veut dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Le dimanche est prioritairement le jour des familles. Mais c'est aussi celui du culte, des associations, des amis. Ce jour est indispensable pour qu'existe encore en France une vie en commun et non des vies totalement séparées les unes des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Les familles ont besoin de repères.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, remettre en cause le repos dominical, c'est répondre aux sirènes du matérialisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Cette proposition de loi met en danger notre société, met en danger l'équilibre social et personnel des Français, hypothèque notre avenir. Le dimanche est nécessaire à l'homme. L'adoption de ce texte serait une erreur historique. Plus qu'une question économique, il s'agit en réalité d'un choix éthique. Ayons le courage de faire ce choix, qui est tout simplement un choix de civilisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des semaines, depuis des mois, et aujourd'hui encore à cette tribune, nous avons tout entendu sur le texte qui nous occupe ce soir.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pas encore tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

« L'ouverture des magasins le dimanche sera généralisée », « c'est la fin du repos dominical », « l'hégémonie des grandes surfaces », « la mort du petit commerce », « l'exploitation du personnel », que sais-je encore ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

C'est pourquoi je me réjouis de voir débuter l'examen de la proposition de loi de Richard Mallié visant à adapter certaines règles d'ouverture des commerces le dimanche, car nous allons enfin pouvoir contrer les rumeurs malveillantes et caricaturales qui circulent à propos d'une mesure utile et attendue par les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Ce texte a pour objectif, d'une part, d'opérer une clarification et de fixer un cadre légal rigoureux à des pratiques qui existent déjà, ce qui n'entraînera donc aucun changement à la situation actuelle ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

…d'autre part, d'apporter des solutions pragmatiques et rassurante, face aux évolutions de la société et aux nouvelles habitudes de vie et de consommation,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Il ne peut pas y avoir d'habitudes de consommation le dimanche, puisque c'est interdit !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

…sans perdre de vue l'attractivité touristique et commerciale de la France.

Il s'agit en effet d'un texte équilibré,…

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

…mesuré, dépourvu de tout dogmatisme, qui confirme d'emblée le principe du repos dominical. Faut-il rappeler que le repos hebdomadaire dominical s'est imposé il y a plus d'un siècle grâce à la loi du 13 juillet 1906 ? Les Français y sont tout naturellement et fondamentalement attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Il constitue donc aujourd'hui un droit pour les salariés, pour lesquels c'est le temps du repos, de la convivialité, des réunions familiales ou amicales, voire de la pratique cultuelle ou associative.

Aussi les dispositions dérogatoires à ce principe restent-elles à la fois très limitées et très encadrées dans la proposition de loi. Elles concernent tout d'abord les zones touristiques et thermales, c'est-à-dire 494 des 36 000 communes de notre pays, dans lesquelles nous permettons aux commerces de détail d'ouvrir le dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Quel touriste, de passage à Paris le temps d'un week-end, comprendrait qu'il lui est interdit de faire des achats, un dimanche, sur les deux côtés des Champs-Élysées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Les dérogations concernent ensuite les lieux où il existe déjà un usage de consommation de fin de semaine. Des périmètres d'usage commercial exceptionnel pourront y être créés à l'initiative des communes et sur décision du préfet.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Seules les agglomérations de plus d'un million d'habitants sont concernées. Ainsi, à Paris, Lille et Aix-Marseille, les salariés qui le souhaitent, et seulement ceux-là, pourront travailler le dimanche si le maire accorde son autorisation. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Nous l'écoutons, mais nous ne pouvons l'entendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Enfin – mais c'est déjà le droit commun –, seules cinq exceptions d'ouverture le dimanche, à l'initiative des élus municipaux, restent possibles dans l'année.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Si ça reste possible, on ira bien au-delà des 500 communes !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Dans sa dimension humaine et sociale, cette proposition de loi offre de vraies garanties aux salariés en matière de rémunération et de repos compensateur ; l'engagement volontaire du salarié sera écrit et tacitement renouvelable chaque année ; le refus de travailler le dimanche ne pourra être sanctionné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous avez dû lire le texte après un verre de Saint-Apollinaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Et ce texte n'oublie pas non plus la situation de certains étudiants qui n'ont que la fin de semaine pour se constituer un pouvoir d'achat et assurer le financement de leurs études.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Il vaudrait mieux qu'ils étudient s'ils veulent réussir leurs examens !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et si vous leur donniez des bourses ? Les fils de bourgeois, eux, n'ont pas besoin de travailler le dimanche !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Donnez-leur des bourses au lieu de mettre la TVA à 5,5 % dans la restauration en dilapidant 3,5 milliards d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Mes chers collègues, c'est bien parce que nous refusons la généralisation du travail dominical que nous devons prendre nos responsabilités, à gauche comme à droite, voter cette proposition de loi et apporter une réponse légale, adaptée et durable…

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

…aux situations spécifiques.

Pour conclure, je tiens à signaler la qualité de la longue et minutieuse concertation qui a été engagée.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Ainsi, après réflexion et moult consultations, la majorité parlementaire montre qu'elle entend faire vivre le débat sur un sujet sensible, sans a priori, sans tabou, et qu'elle prend en considération les opinions et les attentes de chacun. Le fruit de cette réflexion est le texte proposé par Richard Mallié, qui répond parfaitement à ces exigences, tant au plan économique que sociétal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons a été retouchée plusieurs fois – nous en sommes à la quatrième mouture – et, en près d'un an et demi, a vu valser les ministres, mais les réactions qu'elle suscite sont toujours aussi vives, la polémique ne s'est pas apaisée. On nous dit que la version actuelle est édulcorée par rapport aux précédentes : elle porte peut-être un titre différent, plus long, mais elle n'en est pas moins dangereuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Loin d'énoncer des contrevérités, comme on nous le reproche ici ou là, nous dénonçons les effets négatifs d'un texte aussi inutile que démagogique. Si nous avons choisi de recourir à l'allongement exceptionnel de la durée du débat à cinquante heures, c'est parce que, n'en déplaise à M. Copé, le travail dominical est un sujet de société très important.

Ce texte d'affichage, signé par des députés qui y étaient opposés en décembre dernier, ne trompe personne, et d'autant moins qu'il ne fait toujours pas l'unanimité dans les rangs de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Je ne peux que me féliciter de la lettre que Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, a adressée à chaque député, car elle a permis à certains membres de la majorité d'ouvrir les yeux sur cette tromperie.

En exprimant sa volonté de régler la question du travail dominical avant la fin de l'été, le chef de l'État a trahi son désir d'un passage en force. Une telle attitude est d'autant plus inacceptable que le recours à une proposition de loi, plutôt qu'à un projet de loi, n'est pas anodin. Il permet en effet d'éviter subtilement la concertation préalable avec les partenaires sociaux. Ces derniers sont pourtant unanimement hostiles au texte. Cette concertation est, je le rappelle, obligatoire pour les projets de loi. Il en est de même pour les études d'impact, dont on s'est ainsi dispensé. Je croyais pourtant que la majorité souhaitait revaloriser le rôle du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Le désir de légaliser des zones délinquantes est pour le moins étonnant. Comment pouvez-vous faire cela, vous qui êtes si prompts à sanctionner les travailleurs ou les chômeurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Non, monsieur Méhaignerie, je ne dis pas n'importe quoi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Vous dites que nous sanctionnons les chômeurs, alors que nous venons d'améliorer l'indemnisation du chômage partiel ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Ce traitement différencié est choquant et scandaleux.

Sur le plan sociétal, le texte pose la question du choix du modèle de société, mais aussi de consommation que nous voulons.

En proposant, comme vous le faites, de généraliser le travail le dimanche,…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Nous ne parlons pas de généralisation ! Arrêtez de vous faire peur !

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

…vous portez atteinte à l'organisation de la société dans son ensemble et aux équilibres de vie de tout un chacun.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Ce que vous nous proposez, c'est la civilisation du caddie comme seul loisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nombre de professions – notamment les services publics et les services à la personne – seront obligées de travailler le dimanche pour assurer un minimum de services, comme le transport ou la garde d'enfants.

Sur le plan économique, ce texte est en contradiction avec les nombreuses études qui montrent que le travail du dimanche a un impact quasi nul. Une étude du CREDOC de la fin 2008 montre que l'ouverture dominicale n'implique pas une hausse de la consommation. Elle induit au contraire un report de la consommation des autres jours de la semaine sur le dimanche, mais aussi une grave atteinte au petit commerce.

À terme, comme dans le cas britannique, cela conduira à une banalisation de la rémunération le dimanche. Le groupe socialiste est attaché au fait que le dimanche est un jour particulier et chômé, différent des autres jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Et il doit le rester. Mais cela semble vous poser problème.

Sur le plan social, le coût pour la vie de famille est clairement négatif. C'est un délitement progressif du tissu social que vous organisez. Qui s'occupera des enfants lorsque le ou les parents iront travailler ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Quelles valeurs souhaitez-vous leur transmettre? À cause de vous, un parent qui travaillera cette journée supplémentaire ne déjeunera plus avec son ou ses enfants.

Le 2 juillet dernier, dans un entretien au Nouvel Observateur, le Président de la République estimait que, « à partir du moment où quelque chose n'est pas compris et fait polémique, c'est une erreur ». Or un sondage Viavoice pour le quotidien Libération d'aujourd'hui indique que 55 % des Français sont hostiles au travail le dimanche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. Mallié ne lit que La Gazette de Plan-de-Campagne ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Parlons-en, de ce sondage ! Les questions posées sont malhonnêtes !

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Je vous invite à appliquer à ce texte les paroles empreintes de sagesse du Président de la République et d'en tirer les conclusions qui s'imposent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré les fortes oppositions qui se manifestent depuis plus d'un an dans le pays, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité ont donc décidé de passer en force pour imposer le travail du dimanche, en évitant toute concertation préalable avec les partenaires sociaux. C'est la quatrième mouture du texte, mais rien n'a changé sur le fond. Elle ouvre toujours la voie à une généralisation du travail dominical, mettant en danger un acquis essentiel des salariés depuis plus d'un siècle, le droit au repos dominical, l'un des fondements de la cohésion sociale et familiale de notre société.

Si aucun des arguments économiques avancés n'est vraiment convaincant, le recul social, lui, est bien réel !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Incohérence économique d'abord : travailler le dimanche n'est ni un atout pour le commerce, ni une réponse pour les consommateurs. C'est, à terme, la disparition programmée des petits commerces, des artisans et des marchés traditionnels, qui ne pourront suivre les mêmes plages d'ouverture ; par voie de conséquence, c'est aussi la perte des emplois associés.

Comme l'a parfaitement démontré l'étude déjà citée du CREDOC, l'ouverture des magasins le dimanche ne créera pas d'emplois. Au mieux, elle opèrera des déplacements d'emplois stables en CDI vers des emplois précaires : 15 000 à 20 000 emplois pourraient ainsi être supprimés dans le petit commerce.

Contrairement aux affirmations présidentielles, cette ouverture sera également sans effet sur la croissance, car un surcroît de consommation ne peut provenir que de l'augmentation des salaires et des retraites, sans laquelle il va de soi que les consommateurs ne dépenseront pas davantage ; ils seront simplement conduits à reporter certaines dépenses d'un jour sur l'autre. En février 2007 déjà, le Conseil économique et social affirmait que « la consommation dépend du pouvoir d'achat, et l'effet d'entraînement provoqué par l'ouverture du dimanche ne serait qu'un déplacement dans le temps d'une dépense qui ne varie pas, sauf à solliciter davantage l'épargne ou le crédit, et ne serait qu'un transfert entre commerces ouverts et fermés ».

Incohérence économique, mais aussi sociale : on nous parle de sauvegarde de l'emploi, alors qu'il s'agira plutôt de sa précarisation et de sa parcellisation. La proposition de loi vise officiellement à régulariser des situations contraires à la législation du travail dominical, créant ainsi un effet d'aubaine qui engage bien au-delà du repos hebdomadaire. La banalisation du travail du dimanche conduira à la précarité : CDD, intérim, heures supplémentaires ou encore surcharge de travail due à l'augmentation des amplitudes de travail. C'est ouvrir la porte à des ajustements de l'emploi au détriment des salariés les plus précaires, au premier rang desquels figurent les étudiants et les familles monoparentales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Illusion aussi du volontariat, mis en avant, mais qui n'est au fond qu'un affichage : prétendre garantir le volontariat des salariés, c'est méconnaître la réalité du monde du travail. Tout d'abord, compte tenu du lien de subordination qui caractérise le contrat de travail, le volontariat n'existe pas. En effet, il n'existe pas de liberté en droit du travail : tous les salariés sont juridiquement subordonnés et c'est l'employeur seul qui décide qui travaille le dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Des milliers de salariés – des vendeuses, notamment – subissent d'ores et déjà cet état de fait : ils sont obligés de travailler le dimanche contre leur gré.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Comment garantir que le droit de refus des salariés, souvent mis en avant dans ce débat, n'entraîne aucune discrimination dans l'évolution de la carrière, dans l'obtention d'une augmentation de salaire ou dans l'attribution d'une formation ? Le marché du travail et la notion d'offre raisonnable d'emploi permettent-ils vraiment à un salarié de refuser à l'embauche un contrat prévoyant le travail du dimanche ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Chacun connaît naturellement la réponse : la loi ne suffira pas à garantir contre les risques de discrimination et de représailles les salariés ou les candidats à l'embauche qui ne pourraient ni ne voudraient travailler le dimanche.

Quant au pouvoir d'achat, des contreparties ne seront rendues obligatoires que pour les salariés travaillant le dimanche sur la base d'une autorisation administrative. Voilà qui exclut la majorité des salariés concernés, notamment ceux des zones touristiques et thermales. Il n'y a dans le texte aucune garantie ni aucune contrepartie pour la majorité des salariés exposés au travail du dimanche. En outre, le doublement du salaire ne s'appliquera pas si d'autres contreparties sont fixées par accord collectif, même moins favorable.

Rien ne permet dans ce texte de déceler objectivement dans l'extension du travail du dimanche une nécessité sociale ou économique l'emportant sur les exigences qui soutiennent le principe d'un jour de repos commun, en vigueur depuis 1906. Au contraire, l'extension de l'ouverture des commerces le dimanche pose des problème sociétaux importants, le repos dominical étant le moment de l'exercice de nombreuses activités familiales, culturelles ou sportives, qui sont autant de voies pour assurer la cohésion sociale. Le coût social de la généralisation et de la banalisation du travail du dimanche est évidemment incalculable. Il ne peut hélas en résulter qu'une déstructuration encore un peu plus forte des liens sociaux.

La question posée dans ce débat est bien la suivante : veut-on vraiment d'une société où l'individu n'existe que par sa fonction de consommateur ? Veut-on une société dont le coeur est la consommation, ou bien une société où la personne humaine est placée au centre de toute décision ? Le patronat, qui a déjà largement inspiré ce texte, a clairement répondu à cette question par la voix de sa présidente, Mme Parisot, qui déclarait il y a quelques mois que le débat n'est pas sur le travail du dimanche, mais sur l'ouverture de certains commerces. Tout est dit ! Parce que le repos dominical est et doit rester un repère collectif dans la société, je souhaite que notre Assemblée s'oppose résolument et massivement à ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il est si peu applaudi que nous devrions l'encourager !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Ce qui prouve bien qu'ensemble, tout devient possible…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour une fois, vous pouvez parler : Copé n'est pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Dans ce débat qui a fait couler beaucoup d'encre, il est peut-être bon de revenir aux questions essentielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Ces questions sont les suivantes : y a-t-il dans notre pays des salariés volontaires pour travailler le dimanche ? (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La réponse est oui, et chacun le sait bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Y a-t-il aujourd'hui dans notre pays une demande de nombreux consommateurs de pouvoir faire des achats le dimanche ? (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La réponse est claire, une fois de plus : c'est oui. Ceux qui disent le contraire manient la contrevérité.

Y a-t-il une volonté chez les Français d'ouvrir partout les commerces le dimanche ? La réponse est non, bien entendu.

Il était important de rappeler ces questions fondamentales, qui ont amené les parlementaires – notamment M. Mallié, qui connaît ce sujet par coeur – …

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

…mais aussi le Gouvernement à vouloir à la fois mettre un terme à des absurdités sans nom, héritées d'une réglementation vieille de plus d'un siècle, et répondre aux situations concrètes que vivent de nombreux salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Les exceptions au travail du dimanche ne sont pas vieilles d'un siècle !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Voilà pourquoi ce texte est équilibré, nécessaire et attendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Il est notamment attendu par les salariés des zones concernées, comme Plan-de-Campagne, ou de zones comme chez vous, monsieur Dell'Agnola, où je me suis rendu à différentes reprises. Il est attendu par les salariés d'Éragny, qui savent pertinemment que si le texte n'est pas adopté, ils perdront de leur salaire, voire leur emploi. Voilà le coeur de ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Laisser entendre que les gens veulent travailler le dimanche est scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Le coeur de ce texte répond tout simplement à la demande de très nombreux salariés. Mois après mois, vous avez voulu nier leur existence, alors qu'ils savent pertinemment que, sans l'adoption de ce texte, ils seront confrontés à de véritables difficultés. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Ce texte n'ouvre pas la voie à la généralisation du travail le dimanche. (« Bien sûr que si ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il sécurise les salariés et les entreprises des zones concernées : les PUCE, ces fameux périmètres d'usage de consommation exceptionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Vous connaissez ces secteurs : on a pris l'habitude d'y travailler le dimanche en étant en décalage avec la loi. Il est temps aujourd'hui que le droit les sécurise : voilà la logique du texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Quand j'entends certains propos relatifs à ce que seraient ces salariés ou ces entrepreneurs, je me dis, monsieur Brard, qu'il aurait été courageux de votre part de nous accompagner pour aller à la rencontre des représentants syndicaux et de ces salariés qui ne demandent qu'une seule chose : qu'on les sécurise – car voilà aussi l'enjeu de ce texte essentiel !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

En outre, nous mettons fin à des absurdités sans nom que vous connaissez toutes et tous. C'est le rôle du législateur de ne pas détourner le regard dans ces cas-là. Ainsi, la question des lunettes a été évoquée à maintes reprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Est-il normal que l'on puisse vendre des lunettes de soleil, mais certainement pas des lunettes de vue le même jour ?

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Je pense aussi à ceux qui vendent des vêtements et qui sont contraints de se déclarer comme créateurs de mode, alors que l'on sait bien qu'ils ne sont que de simples revendeurs de vêtements. Sans ce qualificatif de créateurs, néanmoins, ils ne peuvent ouvrir : voilà une autre absurdité sans nom. Le législateur doit avoir le courage de ne pas détourner le regard : encore une fois, voilà aussi l'enjeu de ce texte essentiel !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Au fond, vous ne voulez que généraliser la fraude, et c'est tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Sur un sujet comme celui-ci, un débat serein aurait été possible, mais vous faites en ce moment même la preuve que la sérénité n'est pas de votre côté !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Nous aurions pourtant pu avoir un débat serein, car il faut savoir faire preuve d'un peu de bon sens, comme la gauche en a d'ailleurs fait preuve voici quelques années. En 1991, en effet, c'est une majorité de gauche qui a mis en place un cadre légal pour le système des équipes de fin de semaine dans l'industrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

En 1992, c'est un gouvernement de gauche qui a ajouté par décret de nouvelles activités – les entreprises de maintenance et le gardiennage – aux dérogations au repos dominical.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

À l'époque, la gauche savait manifestement faire preuve de bon sens ; aujourd'hui, elle est dans l'idéologie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà la différence !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Aujourd'hui, tous les commerces et tous les services sont concernés !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Sachez que ce texte est inspiré par le bon sens. Vous avez préféré asséner des contrevérités sans pareilles. M. Ayrault, par exemple, a de nouveau cherché à faire peur : à défaut d'arguments, c'est la peur que vous maniez ! Mois après mois, vous avez brandi la menace de 7 000 amendements. Quand on a des choses intéressantes à dire, nul besoin de les répéter 7 000 fois !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

C'est parce que vous avez du mal à les entendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Il suffit d'être sûr de ses convictions, et que l'on saura répondre à la demande des usagers et des salariés – ce que vous n'avez pas voulu faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ces 7 000 amendements n'ont jamais été étudiés !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Je crois aussi que, sur ce dossier, vous auriez pu renoncer à la bataille de la mauvaise foi.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Vous ne l'avez pas voulu, parce que vous refusez de regarder la réalité en face : la réalité de l'attente de ces salariés et la réalité du texte.

Au fond, la différence est plus fondamentale encore, et elle est simple : en 2007, nous avons pris des engagements forts devant les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Bertrand

Depuis plus de deux ans, nous avons toujours mis en oeuvre des réformes qui réhabilitent la valeur du travail. C'est l'objet de ce texte attendu, et ce sera le fil conducteur de notre action. Réhabiliter la valeur travail : voilà ce qui fait la différence entre vous et nous ! Nous croyons au travail ; alors que vous êtes dans l'idéologie, nous sommes dans le bon sens ! Voilà pourquoi le groupe UMP soutient ce texte attendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Au moment où la France s'enfonce dans la crise, où le chômage explose, où nos concitoyens s'inquiètent légitimement pour leur avenir, notre assemblée ne trouve rien de mieux à faire que de remettre sur le tapis le serpent de mer du travail dominical.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Quelle occasion manquée : nous aurions pu aborder cette question en toute sérénité, sans tenter de porter un coup dangereux au repos dominical.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Cette mesure, chacun le sait, ne changera quasiment rien à l'activité économique, puisque le pouvoir d'achat des Français, malheureusement, restera le même. Au mieux, on assistera à un étalement sur sept jours d'un chiffre d'affaires aujourd'hui réalisé en six.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

La CGPME, qui ne peut être taxée de gauchisme primaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…et que vous connaissez bien, monsieur le ministre, indique clairement, à la différence de Mme Parisot, que le travail dominical ne peut en aucun cas contribuer à la sortie de crise. C'est méconnaître la réalité des PME et des commerçants de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Pis encore, quelle situation surréaliste que de voir notre assemblée récompenser ceux qui violent la loi depuis des années ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Quel exemple donne la représentation nationale ! Il suffit, dans notre pays, de contourner allègrement la loi pour susciter des propositions de loi et voir le Président de la République se targuer de faire ouvrir les commerces contre la voix du peuple ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi se gêner en effet ?

Je souhaite m'adresser tout particulièrement à nos collègues de la majorité, qui avaient pourtant bien résisté il y a quelques semaines : les allures prudentes de cette loi ne servent qu'à vous abuser, chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je suis persuadé que les Français ont compris et j'espère que vous ne vous y laisserez pas prendre. Car, dès lors que vous élargissez considérablement les ouvertures le dimanche, vous affaiblissez la digue et, en raison de la distorsion de concurrence, les maires et les commerçants ne tarderont pas à vous demander d'étendre les zones touristiques. La brèche sera ouverte et le travail dominical rapidement généralisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Toutes les organisations professionnelles, composées de gens raisonnables, vous expliquent que cela va renchérir les coûts pour, au final, coûter cher à la société, sur le plan économique, social et familial.

Aussi, ne vous laissez pas abuser ! Les conséquences seront très lourdes économiquement, car le travail dominical va pénaliser les petits commerces et favoriser encore plus ceux qui l'emportent aujourd'hui dans nos sociétés : les plus gros. Je m'adresse à vous, mes chers collègues, car ce sont les commerces de nos centres villes qui vont fermer les uns après les autres. On nous réunira ensuite dans cet hémicycle pour inventer le droit de préemption, pour que les communes investissent, pour toujours plus d'interventionnisme dans la vie commerciale, car tout simplement, à force de concentrer l'activité économique sur les mêmes acteurs, nous perdrons beaucoup d'emplois, même si nous en gagnons par ailleurs. Ce sont, une fois de plus, les mêmes qui vont trinquer et les mêmes territoires qui vont réussir, et cette France à deux vitesses va creuser le fossé en permanence.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

En votant cette loi, vous allez aggraver la crise de nos territoires. Certains tireront leur épingle du jeu, tandis que d'autres perdront encore plus et s'enfonceront dans la désespérance.

Et tout cela pour quoi ? Pour une société de plus en plus déshumanisée où la promenade du dimanche consiste à regarder des vitrines sans pouvoir s'offrir les objets qui y sont exposés. Pour une société où on laissera se développer une inégalité de traitement gigantesque entre certains salariés payés le double et tous les autres, qui n'y auront pas droit. Vous prétendez simplifier la situation, alors que vous ne faites que la complexifier.

Les salariés n'auront pas la faculté d'obtenir un jour de repos compensateur ni de dire « non » à leur employeur, sans s'exposer, bien sûr, dans une situation difficile, à la menace du licenciement. Ils verront leur vie familiale encore plus déstructurée, notamment les familles monoparentales, à qui on reproche si souvent un investissement insuffisant dans l'éducation de leurs enfants, alors qu'elles ont tant de mal à joindre les deux bouts.

Comme nombre d'entre vous, je suis maire. Bientôt, il faudra ouvrir des crèches le dimanche ! Comment ferons-nous ? Quel sera le coût public de cette déstructuration générale ?

La vie sociale du dimanche nécessite pour la collectivité un jour de repos au même moment, pour pouvoir aller ensemble au club de foot, voter, avoir une activité associative ou s'occuper de ses enfants. Est-il démesuré de demander, dans une société développée, la préservation de ce moment citoyen, où le règne de l'argent ne l'emporte pas ? Est-ce indéfendable ? Pourquoi faudrait-il favoriser ceux qui déstructurent la société, qui n'en paient jamais le coût et demandent ensuite à la collectivité publique de jouer les pompiers, ce qui coûte très cher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour ma part, je n'aime pas cette société « marchandisée » qu'apprécie tant le Président de la République, où, du fait de pressions, ce sont toujours les mêmes qui profitent des lois que nous votons.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je ne crois pas à cette société où seul compte l'accroissement du chiffre d'affaires de certaines grosses enseignes, au mépris des valeurs de la République, du code du travail, de la qualité de vie des Français et du maintien d'un tissu micro-économique aussi nécessaire que fragile.

Je m'étonne, monsieur le ministre, que vous soyez si attaché à cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il n'y est pas attaché, il est en service commandé !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je ne dirais pas cela.

Mais qu'ils sont loin, les grands discours sur l'invention d'une nouvelle civilisation – c'étaient les voeux de l'an passé –, les trémolos de Versailles sur l'esprit et le programme du Conseil national de la Résistance, la République, les acquis sociaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Une fois de plus, hélas, les Français vont amèrement constater l'énorme décalage entre les paroles, les postures et la réalité des réformes.

Voilà pourquoi je voterai contre ce texte purement idéologique et de complaisance. Voilà pourquoi, mes chers collègues, je me permets de vous inviter à faire de même, en votre âme et conscience. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Les âmes, aujourd'hui, c'est comme chez Gogol : elles se négocient quand elles sont mortes !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Mes chers collègues, il y avait tout à l'heure un ancien et un nouveau ministre, et nous n'étions pas forcément dépaysés. Je fais référence à des déclarations faites il y a un certain temps par M. Xavier Bertrand, qui préconisait que les crèches soient ouvertes sept jours sur sept.

Monsieur le ministre, je ne peux pas ne pas faire le rapprochement avec la loi que vous souhaitiez nous voir adopter sur le service minimum à l'école. En réalité, nous en revenons toujours à peu près au même problème. Il faut que les gens puissent travailler à n'importe quelle heure de la journée ou de la nuit, quelles que soient les conditions dans lesquelles ils travaillent, et la société, autrement dit le contribuable, doit s'adapter.

En tant que frontalier, je peux confirmer ici que, heureusement pour nous, en Lorraine, nombre de frontaliers travaillent au Luxembourg. Les conditions de travail n'y sont pas toujours extraordinaires. Les gens sont obligés de travailler la nuit, ils partent très tôt le matin et les enfants partent seuls à l'école. Le soir, en cas d'horaires inversés, lorsque les enfants reviennent, les parents ne sont pas disponibles.

En imposant le travail du dimanche, vous supprimez le seul jour où, parfois, parents et enfants peuvent se rencontrer. C'est notamment le cas des familles monoparentales. Je rappelle que 75 000 personnes travaillent au Luxembourg. Or il n'y a pas que des cadres parmi elles, et les personnes les plus défavorisées, aujourd'hui, n'ont pas d'autre solution que d'y travailler et de se débrouiller comme elles le peuvent pour survivre et s'occuper de leurs enfants. Il ne faut donc pas plus s'étonner que 85 % des Français soient pour le maintien du repos dominical, a fortiori dans des secteurs où ceux qui cherchent un emploi sont contraints de travailler dans les pires conditions.

En tant que Mosellan, je soutiens Armand Jung qui a été assez complet sur le sujet. Cela étant, je souhaite corriger les déclarations que vous avez faites, monsieur le ministre. Vous avez indiqué que l'exception dont bénéficie notre région pouvait être justifiée, notamment en matière d'usage religieux, parce qu'il y avait à cet égard une pression plus forte en Alsace-Moselle que sur le reste du territoire. Mais ce n'est pas spécifiquement un problème religieux. Certes, on peut estimer que les gens ont le droit de pratiquer leur culte le dimanche. C'est tout à fait respectable. Or, s'ils travaillent, ils ne pourront pas le faire. Cela étant, si nous nous battons tant pour la législation d'Alsace et de Moselle, c'est parce qu'elle présente des avantages, des progrès que l'on ne retrouve pas dans la législation française nationale.

Plutôt que de déréguler ou de réduire les avantages des législations locales – jusqu'à les supprimer –, nous souhaiterions qu'elles soient étendues. Les exemples sont nombreux.

Nous avons été adeptes, à une certaine époque, de la mise en oeuvre du RMI, remplacé par le RSA avec les difficultés que l'on connaît, qui constituait un incontestable progrès. Mais, en Alsace-Moselle, le revenu minimum d'existence existe depuis Bismarck.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pas de nostalgie vis-à-vis de Bismarck, quand même !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Il est appliqué dans les collectivités locales, où il n'y a donc jamais eu de véritables déshérités. C'est une obligation pour les collectivités que d'aider les plus défavorisés.

De même, Armand Jung l'a rappelé, la faillite personnelle existait chez nous bien avant d'être étendue à l'ensemble du territoire. Le régime local d'assurance maladie est aujourd'hui équilibré, avec des cotisations de 1,6 %. Pourquoi, au lieu de le supprimer, ne pas étendre ce régime ? Si, aujourd'hui, vous avez une coalition des députés d'Alsace et de Moselle, ce n'est pas pour faire reculer le système, mais pour le faire progresser en intégrant les dispositions les plus favorables. C'est une conception de société.

Avec M. Bertrand, vous êtes d'accord sur le fait qu'il faut travailler plus pour gagner plus. Vous oubliez que ce sont en général les plus défavorisés qui font les efforts les plus rigoureux pour obtenir des gains très faibles. C'est rigoureux en bourse que l'on gagne de l'argent, pas en faisant quelques heures supplémentaires !

Nous sommes plutôt pour le modèle rhénan, c'est-à-dire un vrai modèle de développement qui profite à tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est comme le capitalisme rhénan décrit par Marx, auquel étaient si attachés les sociaux-démocrates d'avant Bad Godesberg !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Aujourd'hui, les Allemands sont opposés au travail le dimanche, contrairement au modèle thatchérien, modèle ultralibéral qui s'est généralisé et dont vous vous inspirez abondamment.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

À ce jour, au Royaume-Uni, 60 % de la population estime qu'il est normal de travailler le dimanche. C'est cela qui est insidieux dans votre proposition de loi. Au-delà du texte, on va se faire à l'idée qu'il faut travailler tous les jours et, pourquoi pas, nuit et jour !

De même que j'ai évoqué ma position de frontalier et de Mosellan, je veux dire un mot de ma position en tant que parlementaire d'une région industrielle. Aujourd'hui, nombre de salariés y travaillent le dimanche. C'est vrai notamment dans la sidérurgie et la métallurgie, pour une raison simple : il n'y a pas d'autre solution car les équipements doivent continuer à tourner. Lorsqu'il y a obligation, comme pour les services de soins, on ne se pose pas la question. Par conséquent, le travail du dimanche va de soi. Il serait même condamnable, dans ce cas, de ne pas travailler le dimanche, car ce serait de la non-assistance à personne en danger. Il en va de même pour l'industrie, qui ne pourrait être compétitive sans le travail du dimanche.

Mais pourquoi vouloir à tout prix l'étendre à des secteurs où ce n'est pas une obligation ? En l'occurrence, nous ne vous comprenons plus, à moins que vous ne soyez motivés par des raisons purement idéologiques et totalement déconnectées de la réalité, au point d'en devenir ridicules. On va faire travailler des gens le dimanche, ce sera du travail subi ; on va leur faire effectuer des heures supplémentaires, qu'ils n'auront pas forcément voulues, et l'État paiera pour exonérer ces heures. Dans le même temps, chez le sous-traitant de l'usine sidérurgique, on financera du chômage partiel !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Voilà le système, ridicule, auquel on aboutit : on paie des impôts pour financer à la fois les heures supplémentaires des uns, ceux qui travaillent le dimanche, et le chômage partiel des autres ! Où allons-nous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous sommes dans un système qui n'a plus aucune cohérence, sauf s'il s'agit de rester fidèle à une certaine idéologie, définie au sommet de l'État par le Président de la République, lequel croit, certains gagnant plus en travaillant plus, que cela peut être le cas pour tous ! La plupart essaient seulement de survivre ou de faire vivre une famille.

Par ailleurs, vous êtes toujours dans la logique selon laquelle il suffit que le libéralisme s'impose, sans régulation aucune, pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes. Comme le disait Guizot : « Enrichissez-vous » ! Mais ce n'est pas si simple.

En tant que frontalier, Mosellan et parlementaire d'une région industrielle, je suis donc opposé à ce dispositif que j'estime ridicule. Enfin, il me paraît incohérent sur le plan éthique, sur le plan de la morale.

Je suis maire, comme sans doute beaucoup d'entre vous, d'une commune où il y a une zone urbaine sensible, et où bon nombre de jeunes, surtout dans cette période estivale, sont relativement oisifs. Leur activité, la semaine, c'est souvent de se retrouver dans les centres commerciaux. Vous me direz que le dimanche, ils ont déjà la possibilité de fréquenter un lieu de restauration rapide : vous voyez à quelle enseigne je fais allusion. Mais, avec votre système, vous allez leur proposer, tout simplement, de passer un jour de plus dans le centre commercial.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

C'est bien triste ! Voilà le modèle de société qu'on leur propose !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Voilà ce que c'est, aujourd'hui, la vie d'un jeune dans une ville de dimension moyenne. Je trouve cela lamentable, et ce d'autant plus que nous leur proposons beaucoup d'autres occupations – sportives, associatives, culturelles –, qui en font de vrais citoyens, des citoyens avertis, engagés, des citoyens qui échangent et qui reviennent à la maison avec des choses à raconter, qui sont parties prenantes d'une vie sociale, d'une vie familiale, bref qui se socialisent.

On ne se socialise pas en arpentant à longueur de journée les rayons d'un hypermarché. Car ces rayons, d'un jour à l'autre, ne se modifient pas, si ce n'est par quelques promotions faites pour que le gamin soit amené à consommer un peu plus et à mettre un peu plus ses parents dans le pétrin, parce que cela leur coûte évidemment de l'argent. Aller dans un supermarché, à côté d'un lieu de restauration rapide, cela coûte plus cher que d'aller jouer au foot. On peut éventuellement avoir à payer une licence ou un équipement, mais souvent les collectivités locales font l'effort nécessaire.

Bref, sur le plan éthique, sur le plan de la morale, vous êtes complètement à côté de vos pompes, indépendamment de tous les autres inconvénients de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup, parmi les orateurs qui m'ont précédé, ont exprimé leurs inquiétudes ou leur désaccord avec cette proposition de loi.

Certaines de ses dispositions peuvent en effet susciter des inquiétudes. Je pense en particulier à la difficile définition des communes ou zones touristiques. Cette question, à ce jour, n'est pas clairement tranchée. Notre collègue Marc Le Fur s'en est fait l'écho. Je pense aussi à la notion de volontariat, s'agissant de salariés dont les contraintes peuvent évoluer avec le temps.

Autre motif d'inquiétude : le risque d'ouvrir une brèche que de nouvelles dispositions viendront ultérieurement élargir. À cet égard, nous avons l'exemple d'autres dispositifs dont le champ d'application a été insidieusement étendu au début de textes ultérieurs. Je pense notamment au bouclier fiscal, à l'occasion de l'instauration du RSA.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

On peut aussi être en désaccord quant à l'opportunité de dispositions dont on a peine à mesurer ce qu'elles apporteront en termes de pouvoir d'achat et d'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

En période de crise, malheureusement, le pouvoir d'achat n'est pas extensible. Pour ce qui est de l'emploi, nous savons bien que lorsque l'on crée de nouvelles structures de commercialisation, ce n'est pas sans incidence sur les structures préexistantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Mais je voudrais ici exprimer trois préoccupations que je ressens plus particulièrement à la lecture de ce texte.

La première concerne le rôle et les prérogatives du Parlement dans nos institutions. Il s'agit certes, formellement, d'une proposition de loi. Et nous savons, même s'il y a eu un certain nombre d'améliorations ces dernières années, combien il est difficile de voir une proposition de loi inscrite à l'ordre du jour des assemblées. Mais celle-ci est-elle vraiment l'expression claire de la volonté des parlementaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

On peut en douter, quand on sait qu'elle a été largement contestée, dans son principe même, par le groupe majoritaire lui-même, qu'elle a donné lieu à quatre rédactions successives, rédactions qui, pour l'essentiel, ne sont pas issues du Parlement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

…et que son inscription à l'ordre du jour résulte d'une nouvelle initiative de l'exécutif, à laquelle bien peu s'attendaient.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Merci pour moi ! Je ne savais pas que j'étais membre du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

C'est la vérité.

Je crois, monsieur le ministre, que si l'on veut vraiment réaffirmer le rôle du Parlement, ce qui me paraît nécessaire compte tenu du poids considérable pris par l'exécutif, il faudra s'y prendre d'une manière un peu différente.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Mon deuxième motif de préoccupation tient à l'unité et aux équilibres des territoires dans notre pays.

Monsieur le ministre, nous sommes attachés au principe qui veut que la loi soit la même sur l'ensemble du territoire et qu'elle soit la même pour tous. Là où cet équilibre n'existait pas, il y avait, dans le passé, une volonté de rééquilibrage, à travers l'aménagement du territoire. Or ce texte morcelle le territoire, contribue au développement d'une France à plusieurs vitesses, notamment avec les fameux PUCE. Il risque aussi, il faut le dire, de remettre en cause des structures commerciales auxquelles nous sommes tous attachés, notamment dans les centres des villes moyennes ou dans les bourgs ruraux. Ces structures sont aujourd'hui, nous le savons, particulièrement fragiles.

Enfin, mon troisième motif de préoccupation tient à l'idée que nous nous faisons de l'homme et de la société dans laquelle nous vivons.

Le repos dominical est une conquête à laquelle les Français sont profondément attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Le dimanche est le moment privilégié d'exercice des activités religieuses, familiales, associatives, sportives. C'est, par excellence, le moment de la liberté.

Or, avec ce texte, vous remettez en cause le fondement même du repos dominical, au profit d'intérêts qui sont d'abord ceux du commerce et ceux du marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Vous invoquez la liberté du travail et le volontariat. Mais est-ce vraiment raisonnable lorsque l'on est en situation de crise, avec un chômage qui, malheureusement, progresse, et quand on sait que les personnes qui travaillent dans ces structures sont généralement parmi les plus précarisées ? Il s'agit le plus souvent de femmes isolées qui travaillent à temps partiel.

Cette situation est si peu normale que, dans une partie des zones concernées, vous prévoyez même que les salaires seront multipliés par deux. Cela prouve bien que ce n'est pas spontanément que les salariés s'y présenteront.

Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, vous célébriez vous-même l'anniversaire du 18 juin. Le Président de la République, quant à lui, invoquait à Versailles le programme du Conseil national de la Résistance. Le général de Gaulle disait que la seule cause qui vaille est celle de l'homme. Croyez-vous vraiment que le travail dominical serve la cause de l'homme et qu'il justifie l'acharnement qui préside à l'inscription de ce texte à notre ordre du jour ? Je ne le pense pas, et c'est la raison pour laquelle je m'opposerai à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le repos dominical est-il amendable ? Peut on l'assouplir sans le tuer ? Telle était la question que posait, ces jours derniers, l'éditorialiste d'un grand quotidien alsacien. La réponse à cette question dépend d'une certaine idée que nous nous faisons, les uns et les autres, de la société et de son organisation, d'où la diversité et la richesse de notre débat.

Cependant, par delà cette approche, force est de constater que la question du travail le dimanche est en débat non seulement en France, mais dans toute l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Entre l'Autriche, qui bannit toute ouverture de magasin le dimanche, et la Suède ou le Royaume-Uni, qui l'autorisent toutes les semaines, l'Union européenne présente un visage très contrasté, mais le repos dominical assorti de dérogations est très répandu, allant de quatre à vingt ouvertures par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Ce n'est pas la même chose que de travailler tous les dimanches !

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Comme l'a dit mon collègue Armand Jung, des enquêtes ont été menées par l'Institut de droit local en Alsace-Moselle. Il en résulte un très large consensus en faveur du maintien de la réglementation locale régissant les activités du dimanche et des jours fériés.

Cette réglementation prévoit une forte protection du repos dominical et des jours fériés, mais permet certaines dérogations pour tenir compte des besoins du public. Avec mes collègues alsaciens et mosellans de la majorité, nous nous félicitons donc que l'amendement présenté par notre collègue Antoine Herth – j'ai appris que l'opposition a déposé des amendements allant dans le même sens –, qui vise à préciser dans le corps de la proposition de loi que cette dernière ne s'applique pas en Alsace-Moselle, ait été accepté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

C'est scandaleux ! Pourquoi le texte ne s'appliquerait-il pas dans ces départements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Ce serait cependant une erreur de considérer que le système applicable en Alsace-Moselle est stable et parfait, de sorte qu'il n'y aurait pas lieu de s'en occuper. L'objectif des parlementaires alsaciens et mosellans est de travailler au renforcement de notre régime local pour lui donner plus de chances de résister aux remises en cause qui vont se manifester.

Ces remises en cause peuvent venir du débat politique général et sociétal, mais aussi des complexités et des archaïsmes qui affectent le droit local du repos dominical et des jours fériés. Pour être défendu efficacement, notre régime devra être corrigé sur certains points, qui constituent autant de faiblesses.

Ce travail de modernisation a déjà commencé, notamment par l'insertion des dispositions locales dans le nouveau code du travail, mais d'autres aménagements sont nécessaires. L'Institut du droit local a créé un groupe de travail en vue de traduire dans des propositions de textes précises les orientations dégagées dans le cadre du colloque organisé sur le sujet en septembre 2008. Ces adaptations se situent à trois niveaux : législatif, réglementaire et statutaire.

Il est souhaitable que les propositions dégagées à l'occasion des travaux de l'Institut du droit local puissent être soumises à la concertation des partenaires sociaux, car l'Alsace et la Moselle ont une grande chance : elles disposent, d'une part, d'un outil qui leur est propre : la législation locale du repos dominical, et, d'autre part, d'une opinion locale responsable et consensuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Le résultat de cette concertation devra être intégré dans un prochain véhicule législatif, afin de garantir la pérennité d'un régime équilibré du repos dominical et des jours fériés.

Dans l'immédiat, fort de la sauvegarde du régime local du repos dominical et des jours fériés dans le présent texte, et sous réserve d'un engagement de la concertation des partenaires sociaux en vue de la consolidation de notre régime local du repos dominical et des jours fériés, solidaire de la majorité qui propose une adaptation limitée, et de bon sens, du repos dominical outre-Vosges, je voterai, avec la majorité des députés bas-rhinois, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ça, c'est extraordinaire : je la vote pour les autres, mais pas pour moi ! Je sauve mes petits électeurs, et le reste, j'en ai rien à foutre !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a tout de même une aberration, ou en tout cas un manque total de cohérence, à prétendre porter le message écologique, à affirmer avoir entendu le message des Français lors des dernières élections européennes, tout en s'arc-boutant, de manière quasi infantile, sur l'examen de cette proposition de loi étendant le commerce du dimanche.

Car c'est bien du commerce dominical et non du travail dominical qu'il s'agit. C'est pour moi un premier motif de malaise vis-à-vis de ce texte que cette assimilation du commerce et du travail. Elle montre que, finalement, nous ne sommes pas si loin de confondre le travail et le fait de vendre ou d'acheter. Cela me paraît inquiétant.

Je reviens cependant à ce non-sens qui consiste à promouvoir une écologie tout à fait contraire à ce qu'elle est vraiment.

Très récemment encore, à la suite du remaniement ministériel, M. Borloo nous disait, d'une part, que son ministère allait être renforcé et, d'autre part, qu'il voulait lui donner une dimension sociale et le tourner complètement vers le développement durable.

Nous entendons aussi tous ceux qui pensent que nous devons inventer un nouveau modèle de société, moins tourné vers la consommation et le matérialisme, capable de promouvoir des valeurs de culture, d'équilibre, un modèle différent de ceux que nous avons pratiqués jusqu'ici et qui nous ont menés à la crise.

Cette proposition de loi va totalement à l'encontre de ces valeurs, et je vais m'efforcer de le démontrer.

Le premier élément qui définit le développement durable – bien que beaucoup ait été dit, on n'en a guère parlé –, c'est la santé durable.

La santé durable suppose bien évidemment la promotion de la santé, mais d'une santé qui permette l'autonomie des personnes et l'équilibre. La santé, si l'on se réfère simplement à des données scientifiques, veut que l'on adopte des rythmes réguliers : cela s'appelle la chronobiologie. Curieusement, ces rythmes sont très souvent en adéquation avec ce que nous ont appris, de manière aveugle, les siècles précédents. C'est ainsi que le repos hebdomadaire entre dans ces cycles et fait partie de l'équilibre personnel qui nous est si nécessaire.

De même – et c'est peut-être encore plus curieux –, nous ne nous reposons jamais aussi bien que lorsque nous nous reposons ensemble. Il est connu que l'on ne dort pas seulement la nuit parce qu'il fait noir, mais aussi parce que les autres dorment. C'est ainsi que l'on a le plus de chances de parvenir à l'équilibre. C'est ce que vous allez aujourd'hui démolir, ajoutant en quelque sorte aux difficultés, à la précarité, à la fragilité que connaissent en cette période de crise tant de salariés.

Ajoutons-y un motif d'inquiétude supplémentaire : le fait que le travail soit vécu comme quelque chose de subi, à quoi on ne peut pas s'identifier. Les données prouvent que c'est un point important. Nous savons que dans les entreprises qui ne respectent pas les rythmes biologiques et qui travaillent le dimanche, il y a 1,3 fois plus de risques de connaître des crises et des difficultés. Le sentiment du travail subi est très difficile à vivre. Ce n'est certainement pas celui que devrait chercher à produire un président qui voulait réhabiliter la valeur travail.

Dans de telles conditions, on ne peut pas non plus, je l'ai dit, s'identifier à son travail. J'exerce l'un de ces métiers où l'on travaille beaucoup le dimanche : les métiers soignants. La pénibilité particulière de l'exclusion de l'univers social est alors largement compensée par la nécessité du travail : le reward, comme disent les Américains.

Ce n'est certainement pas le fait de vendre des crèmes solaires ou des matériels sportifs, alors que l'on est reclus dans son magasin, qui donnera le sentiment de faire un travail gratifiant, auquel on peut s'identifier. C'est un point sur lequel chacun de vous doit réfléchir. Il faut pouvoir se plaire dans son travail et s'y assimiler.

Un troisième élément de ce texte va à l'inverse du développement durable : la perte des liens de proximité. Il est démontré que le travail du dimanche – de nombreux exemples nous ont été donnés, comme le nombre de magasins de chaussures qui ont fermé à Londres – va tuer à brève échéance le commerce de proximité, qui fait vivre les villes et les commerçants indépendants.

Il va tuer également les associations sportives, les associations culturelles, qui vivent de ces réunions amicales, de ces compétitions et de ces concerts du dimanche organisés pour tous. Ce lien de proximité, qui ne nécessite pas de déplacement, va être mis à mal par votre proposition de loi.

Par ailleurs – je n'y insisterai pas puisque beaucoup d'orateurs en ont parlé – le travail du dimanche sera consommateur d'énergie car il mettra les gens sur les routes, il obligera à chauffer des magasins, à les climatiser, à les éclairer. Cette augmentation de la consommation d'énergie correspondra à un jour sur sept, ce qui est loin d'être négligeable.

M. Bertrand nous appelait à faire preuve de bon sens et de sérénité. C'est le bon sens qui est, dans bien des cas, à la base de l'écologie. Nos arrière-grands-parents étaient écologistes avant de le savoir. Ce texte est un non-sens car nous avons vu qu'il ne permettra pas d'augmenter d'un iota le pouvoir d'achat, tout en augmentant certainement un peu la consommation, mais celle de produits de moindre qualité et qui viendront de loin.

Enfin, j'avoue que, pour ma part, je ne voterai pas cette proposition de loi pour une sixième raison. Sans aller jusqu'à dire qu'elle constitue une escroquerie, je considère qu'elle n'est pas très loyale. On nous propose en effet la quatrième version d'un texte, en nous disant que dans celle-ci il n'y a plus rien que nous puissions combattre. En réalité, ce texte est lourdement aggravé sur deux points essentiels : d'une part, l'extension du périmètre d'application de la loi ; d'autre part, la diminution des bénéfices que pourraient en retirer les salariés et la moindre certitude qu'ils soient vraiment volontaires pour travailler le dimanche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pas de généralisation du travail le dimanche (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), maintien et affirmation du principe du repos dominical,…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…garantie des droits des salariés en cas de travail le dimanche :...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…nous ne cesserons de rappeler ces principes de base alors que s'ouvre le débat sur la proposition de notre collègue Richard Mallié, texte qui alimente les caricatures et les contrevérités sur les bancs de l'opposition.

Ce texte –nous devons de le souligner à l'attention de nos concitoyens – n'a absolument pas pour objectif de remettre en cause le principe du repos dominical, qui s'est imposé il y a plus d'un siècle et qui est un repère pour notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Je suis attaché personnellement à ce droit, conquête sociale importante, et à la symbolique qu'il représente pour bon nombre de nos concitoyens, notamment pour les chrétiens. Je souhaite ici les rassurer…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…alors que de nombreux discours passionnés veulent leur faire croire à une généralisation du travail le dimanche.

Durant le long débat et le dialogue qui ont précédé la version actuelle de cette proposition de loi, j'ai eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises. Si la question est : « Êtes-vous favorable au travail le dimanche ? », je dis : non.

Si la question est : « Êtes-vous favorable à une clarification, une adaptation de la législation aux situations de dérogations actuelles ? », je réponds : oui. Il convient de s'adapter aux usages de consommation actuels et de rassurer les salariés qui ne sont pas, aujourd'hui, sécurisés juridiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Vous l'aurez compris, la nuance tient dans l'équilibre à trouver, ce qu'a su faire ce texte, entre le caractère exceptionnel des dérogations limitées et ciblées accordées et le principe du repos dominical.

La présente proposition de loi a le mérite de mettre fin à une certaine hypocrisie. En effet, le travail le dimanche est répandu dans notre pays et nul ne peut contester cette réalité. Dans l'industrie, dans les services, dans nos mairies, il existe près de 180 dérogations légales qui permettent à 7,5 millions de Français de travailler le dimanche. Aujourd'hui, près de 3 millions d'entre eux le font régulièrement. C'est notre rôle de répondre à leur attente. Ces dérogations donnent lieu dans certains cas à des situations ubuesques, notamment dans les zones touristiques ou frontalières.

Nul ne peut contester qu'il est temps de clarifier les situations précaires rencontrées par les entreprises en la matière et de garantir pleinement les droits des salariés qui travaillent le dimanche.

Nous l'avons dit, mes chers collègues, le présent texte entend faire preuve de pragmatisme et s'adapter aux évolutions de la société en matière de consommation ainsi qu'à ses usages. Pour cela, la création des périmètres d'usage de consommation exceptionnel dans les unités urbaines de plus d'un million d'habitants, qui réaffirme le rôle des élus, nous permettra de disposer d'un bon outil. Je salue en la matière les garde-fous posés par le présent texte : repos compensateur, volontariat, réversibilité, double salaire.

Élu du Nord, je me réjouis que le texte prenne en compte les situations existantes d'usages de consommation de fin de semaine, ainsi que le critère de la proximité immédiate d'une zone frontalière où il existe un usage de consommation de fin de semaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Dans les communes voisines de Plan-de-campagne, ce ne sera pas la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Car, dans le Nord, le dimanche n'est effectivement pas un jour comme les autres, quand on sait qu'à cinq kilomètres, en Belgique, de l'autre côté de la frontière, tout est ouvert. Des jardineries géantes accueillent des milliers de clients, des marchands de meubles, des petits commerçants les sollicitent. La clientèle française va alors en Belgique faire ses achats. C'est son droit. Mais il est incontestable que, dans les rues noires de monde de ces villes frontalières, les commerces de proximité sont ouverts. Il est dommage qu'actuellement nous ne proposions pas une offre compétitive sur notre territoire. Les commerces français subissent ainsi une importante perte de chiffre d'affaires et d'activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Pas tous, me direz-vous. Il est vrai que le parti socialiste a beaucoup fait pour que soit accordé à Lille le label de ville touristique, ouvrant la voie à la création du plus grand casino d'Europe, qui sera ouvert tous les jours, toutes les nuits, tous les dimanches.

En prenant en compte le critère d'usage de consommation exceptionnel de fin de semaine dans les zones frontalières, le texte permettra aux commerces d'ouvrir le dimanche, permettant ainsi une concurrence équitable qui répond à une attente sociale.

Aussi, plutôt que d'alimenter la polémique, il convient maintenant de saluer l'équilibre trouvé par ce texte qui s'adapte aux réalités de certains territoires dans de grandes unités urbaines où des habitudes de consommation ont été prises, et qui adapte les dérogations existantes aux zones touristiques.

Apporter les clarifications nécessaires et répondre à la demande sociale et aux attentes de la majorité des Français…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

…tout en réaffirmant le principe du repos dominical, tel est l'objectif de la majorité, qui estime préférable de s'adapter à la réalité plutôt que de la nier ou de refuser, pour des raisons qui me semblent un peu spécieuses, le travail dominical lorsque l'on crée à Lille les conditions de son développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous pouvions nous y attendre et comme nous l'avions annoncé, le Gouvernement inscrit à nouveau à l'ordre du jour le texte sur le travail du dimanche, maintenant qu' il a réglé la question du temps de parole de l'opposition en le réduisant. Ce que vous ne mesurez pas, c'est que notre temps de parole ne se limitera pas à l'addition des interventions des députés de l'opposition, mais sera l'addition de tous les messages que nous recevons en masse de la part de nos concitoyens, qui y expriment leur refus de cette proposition de loi. De fait, la mobilisation citoyenne doit être massive pour rejeter ce mauvais texte qui représente, une fois de plus, un recul social.

Le mécontentement enfle de toutes parts, mais vous y restez sourds par pur dogmatisme. Vous ne craignez même pas de vous contredire sur la question de la méthode. Chacun aura compris que faire présenter une proposition de loi par les députés de la majorité vous permet d'éviter d'en passer par la concertation préalable avec les partenaires sociaux, comme le prévoit la loi sur la modernisation du dialogue social. Une telle attitude est extrêmement choquante compte tenu des conséquences du texte que nous examinons. Écarter les acteurs sociaux du débat public est également extrêmement choquant au regard de la transformation de notre société qui découlera de l'application de ce texte.

Sous couvert de quelques aménagements par rapport à la première mouture, vous déguisez la généralisation et la banalisation du travail du dimanche en recourant à l'artifice de la géographie touristique. Vous osez même parler de volontariat. Quel cynisme ! Dans quelle mesure les salariés seront-ils volontaires ? Les petits salaires perçus par les employés des secteurs d'activité concernés par le tourisme – une très grande majorité de femmes – et la multitude des temps partiels imposés ne leur laisseront aucun choix, sans même parler des pressions que feront peser les employeurs sur ces salariés en difficulté, qui se transformeront demain en une main-d'oeuvre corvéable à merci, disponible à tout moment, et qui ne seront pas en mesure de refuser par peur de perdre leur emploi dans une période de récession économique.

Je vous pose la question, monsieur le ministre : à quel type de clients auront affaire ces salariés obligés de sacrifier leur vie de famille le dimanche ? À des clients qui dépenseront le dimanche ce qu'ils auraient dépensé un autre jour de la semaine car leur pouvoir d'achat n'est pas extensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Pour quel résultat ? Aucune augmentation du chiffre d'affaires, mais des vies de famille gâchées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Généraliser le travail le dimanche, c'est contribuer à effriter un peu plus le lien social qui se tisse à l'occasion du temps de repos dominical. Généraliser le travail le dimanche, c'est remettre en cause notre modèle de société. Depuis plus d'un siècle, le repos hebdomadaire a structuré l'organisation du temps social des Français. Sur ce point aussi, cette loi aura des conséquences désastreuses que vous ne pouvez ignorer.

La question qui se pose et que vous esquivez est bien celle du modèle de société et d'organisation sociale que nous voulons.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Cette dérive s'ajoute aux autres : de tout jeunes enfants mis en garde à vue, des espaces publics sous vidéosurveillance, des salariés malades que certains rêvent de faire travailler chez eux, des élèves criminalisés, l'indépendance de la justice bafouée par le chef de l'État, et j'en passe !

Nous refusons cette société que vos lois redessinent insidieusement, par touches successives. En reconstituant les pièces du puzzle, l'image prend peu à peu une forme inquiétante : celle d'une société en récession économique, en régression sociale, où les individus sont atomisés et les repères brisés.

De la même manière que vous instrumentalisez les peurs pour justifier vos lois sécuritaires, vous jouez avec la précarité galopante pour justifier les reculs sociaux. Le jour où les hommes et les femmes de ce pays ne supporteront plus que leurs conditions de vie soient bafouées, ils se rappelleront ceux qui les auront défendus comme ceux qui les auront méprisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le dimanche n'est pas une journée comme les autres ; il ne l'a jamais été et ne doit en aucun cas le devenir. Ce jour est un repère symbolique qu'il convient de ne pas banaliser, tant il constitue un point d'ancrage stable pour la vie familiale et le lien social.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Je suis bien conscient, chers collègues, de l'attachement de bon nombre de nos concitoyens à cette journée de « rendez-vous social pour les croyants », comme le rappelait justement notre collègue Marc Le Fur dans une interview à Valeurs Actuelles.

Je suis moi-même extrêmement attentif à la préservation des valeurs fondamentales de notre société. C'est d'ailleurs ce qui a motivé mon engagement pour la liberté de l'enseignement en 1984.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

À l'époque, vous étiez contre la liberté de l'enseignement et aujourd'hui vous êtes contre la liberté du travail ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Attentif à la préservation des valeurs fondatrices de notre société, je suis de ceux qui regrettent qu'il ne soit pas fait expressément mention des « racines chrétiennes de l'Europe » dans les textes fondateurs de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Qui a écrit votre discours ? Pierre Méhaignerie ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Aussi est-ce bien parce que cette proposition de loi ne remet pas en cause le principe du repos dominical tel qu'il est posé dans le code du travail que je l'ai cosignée.

Ce texte, répétons-le, ne saurait être interprété comme ouvrant la voie à une généralisation du travail dominical partout sur notre territoire, sans conditions.

Le repos dominical a été généralisé en 1906, mais force est de constater que ce principe fait aujourd'hui l'objet de plus de 180 dérogations justifiées par l'évolution des conditions de production et d'échange.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Cet état de droit, inadapté à l'évolution économique et sociale de notre société, n'est pas satisfaisant.

Dans ce contexte, comment ne pas évoquer le développement considérable des achats sur Internet au cours des dernières années ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Le nombre d'acheteurs en ligne a été multiplié par deux et demi en cinq ans pour atteindre 19 millions de consommateurs. Et je vous rappelle, mes chers collègues, que les achats sur Internet se pratiquent aussi le dimanche !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Et alors ? On achète aussi sur Internet à une heure du matin. Faut-il pour autant ouvrir les commerces la nuit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

En refusant la proposition de loi qui nous est proposée aujourd'hui, bon nombre d'entre vous espèrent conserver un rempart protecteur entre les commerces de centre-ville et l'attractivité des pôles commerciaux région. Dans les faits, avec le commerce électronique que pratiquent toutes les grandes enseignes, force est de constater que votre « nouvelle ligne Maginot » est déjà contournée.

Il me paraît également essentiel de prendre en compte les aspirations de nos concitoyens, en particulier dans les grandes agglomérations.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Or leurs attentes sont manifestes dans ce domaine, comme le corroborent les enquêtes d'opinion récentes. Cette demande est d'autant plus forte dans les agglomérations urbaines, notamment en Île-de-France, où les rythmes de vie sont, à l'évidence, différents de ceux du reste du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

La situation particulière des très grandes agglomérations est donc prise en compte dans un texte amendé, enrichi, qui se réfère aux « unités urbaines de plus d'un million d'habitants », désormais réduites aux seuls « périmètres d'usage de consommation exceptionnel », c'est-à-dire sur la base des usages constatés.

De plus, la liste et le périmètre de ces zones seront établis par le préfet sur proposition des conseils municipaux « formulée compte tenu des circonstances locales particulières marquées par des usages de consommation de fin de semaine ». Il paraît difficile d'aller plus loin aujourd'hui dans le compromis, sans prendre le risque de dénaturer totalement l'esprit du texte et de ne pas répondre à son objet.

S'il est grand temps de dépoussiérer la législation en vigueur, cela ne saurait se faire sans l'instauration d'un cadre protecteur pour les salariés, qui doivent être volontaires pour travailler ce jour bien précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Ainsi, une entreprise pouvant déroger à la règle du repos dominical ne peut refuser de recruter un salarié au motif qu'il ne souhaite pas travailler le dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Par ailleurs et a contrario, il existe une réelle attente de la part de nombreux salariés à l'égard du travail dominical, qu'il est de notre responsabilité de satisfaire.

Enfin, nous sommes confrontés à un enjeu économique considérable pour certains commerces qui réalisent entre un quart et un tiers de leur chiffre d'affaires le dimanche. La « non-législation » actuelle conduit ainsi – vous le savez parfaitement, mes chers collègues – certains magasins à ouvrir en toute illégalité au risque d'avoir à payer de fortes amendes. De très nombreuses entreprises, dont le chiffre d'affaires et l'emploi dépendent étroitement de cette pratique, sont de ce fait particulièrement fragilisées, compte tenu des incertitudes affectant leur situation juridique.

Ainsi, est-il est clair que l'absence d'adaptations du régime du repos dominical est un obstacle puissant au développement économique. Pour ce qui concerne le marché du travail, les études montrent que les ouvertures dominicales ont induit des créations d'emplois, comprises entre 3 et 10 % de l'emploi total du secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Il est à noter que ce sont les jeunes en difficulté d'insertion qui en sont les principaux bénéficiaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

À l'évidence, cette proposition de loi, qui s'inscrit dans la même logique que celle que j'avais rédigée en novembre 2007, repose avant tout sur principe de liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Nicolas Sarkozy l'avait clairement annoncé lors de la campagne présidentielle : « Si les gens veulent travailler ou aller faire leurs courses le dimanche, jour où on peut les faire en famille, pourquoi le leur interdire ? » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Au prétexte que beaucoup de jeunes veulent prendre de la drogue, faudrait-il l'autoriser ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Si certains veulent rouler à 200 à l'heure, pourquoi le leur interdire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Cet engagement des campagnes présidentielle et législative, comme tous ceux qui ont été pris devant les Français, nous nous devons de le tenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Le Loch

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi sur le travail dominical, version 4, constitue à coup sûr le morceau de choix de l'impasse idéologique dans laquelle vous vous êtes enfermés depuis deux ans. Ce texte est un condensé et même un concentré de vos choix économiques. Après la défiscalisation des heures supplémentaires, le bouclier fiscal, la loi de modernisation de l'économie, la dérégulation sauvage en matière d'urbanisme commercial, la TVA à 5,5 % sans contrepartie contraignante, suivis aujourd'hui par le travail du dimanche, le moins qu'on puisse dire, c'est que vous êtes constants et cohérents, obstinés dans la voie – qui est en même temps votre signature – de l'inefficacité économique, de l'injustice sociale et de la dérégulation.

Qui ne voit le terrible coup porté aux commerces de proximité ? Autoriser une ouverture plus large encore des magasins le dimanche constituerait une rupture d'égalité injustifiable entre entreprises, notamment dans le secteur du commerce, et territoires.

Qui ne voit la concurrence déloyale que vous organisez ainsi, une fois de plus, au profit des très grandes enseignes ? De l'avis de nombre d'experts, ce sont des milliers d'emplois qui seraient ainsi menacés dans le petit commerce indépendant.

Le gain économique à retirer d'une extension du travail le dimanche est tout sauf avéré ; il est même démenti par la majorité des économistes. Que vous disent-ils ? D'abord, qu'il est absurde de considérer que le pouvoir d'achat est extensible. On voit mal comment les salariés pourraient dépenser, le dimanche, l'argent qui leur manque dans la semaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Le Loch

Ensuite, la propension marginale à consommer des ménages est souvent plus faible en temps de crise, surtout lorsque celle-ci s'annonce longue. La priorité va alors à une épargne de précaution et non à la consommation. Dans une situation marquée par une très grande inquiétude envers l'avenir, seule une amélioration sensible des revenus peut être un déclic pour la consommation.

Mais, bien sûr, les questions soulevées par ce texte vont bien au-delà de la seule dimension économique. Jusque dans vos rangs, plusieurs parlementaires considèrent qu'on a franchi une limite dangereuse dans la recherche du « travailler plus ».

Sur le plan économique, cette proposition inquiète. Sur le plan du droit, elle conduit à s'interroger. La loi serait-elle faite pour régulariser les pratiques de commerces qui ouvrent aujourd'hui en toute illégalité plutôt que de les sanctionner ?

Sur le plan du développement durable, qu'en est-il des engagements du Grenelle ? Le travail du dimanche fera le jeu des grandes surfaces, énergivores, et étendra les déplacements polluants à tous les jours de la semaine.

Sur le plan de la cohésion sociale, enfin, peut-on appeler à la cohésion, souhaiter le retour à une solidarité intergénérationnelle et le développement du civisme, et s'attaquer dans le même temps au seul temps libre qu'il reste dans la semaine pour la famille et les activités collectives ?

Le choix de société qu'on nous propose, mes chers collègues, transcende les clivages partisans. Il induit un questionnement sur ce qui fait, selon nous, la collectivité nationale. Vous voulez réduire ce texte à une série de réponses d'ordre technique ou juridique,…

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Le Loch

C'est un véritable choix de société. Car enfin, quelle société voulons-nous pour demain ? Une société qui ne s'arrête jamais de consommer ? Une société de consommateurs dans laquelle le temps de la vie se cale sur le temps de la consommation ?

Le modèle social français n'est pas le modèle social américain. Il tient à la sécurité sociale et à des services publics de grande qualité, mais il repose surtout sur une certaine idée de la solidarité nationale. Il renvoie aussi à une conception de la vie que nous avons en partage : un certain rapport au temps, à l'espace, à l'environnement, à la consommation. Le modèle social français se fonde sur l'attachement à un rythme de vie et à une qualité de vie. Avec ce texte, vous oubliez cette évidence qui nous rassemble, préférant ce qui nous divise, ce qui nous individualise, ce qui nous réduit à l'acte de consommation.

Le dimanche, c'est le temps de l'amitié, de l'engagement associatif et de la famille. C'est le jour où les Français se retrouvent pour faire du sport ou aller pique-niquer. C'est par essence, le jour où les Français se retrouvent, échangent, partagent. En un mot, le jour où les Français soufflent. C'est le jour où les Français modestes, absorbés et usés par des métiers difficiles physiquement et mentalement, peuvent enfin vivre. Pour cela, le dimanche doit demeurer un jour à part. La France, avec son dimanche libre, est un pays durable, plus que jamais moderne.

Les dérogations permettant de travailler le dimanche ou les jours fériés, déjà très nombreuses, sont suffisantes. Nous sommes l'un des pays européens où l'on travaille déjà le plus le week-end, le travail le samedi y étant particulièrement répandu. Aucun impératif ne nous contraint aujourd'hui à abdiquer nos convictions sur un élément aussi essentiel de notre manière de vivre que le repos dominical.

Ce quatrième texte qu'on nous présente comme totalement dénué de danger par rapport au premier est un coup de poignard dans notre pacte social. Je veux croire que nos collègues de la majorité qui s'étaient avec courage opposés à la proposition de loi dans sa première version sauront une fois de plus la considérer pour ce qu'elle est et se rappeler que rien ne justifie que l'on cède sur le repos du dimanche.

Le dimanche doit rester le jour de repos et de convivialité commun à tous les Français, qu'ils soient salariés, retraités ou chômeurs. Le dimanche n'est pas à vendre, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Si tous les commerçants pouvaient être comme cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai bien évidemment pas de leçons à donner ce soir mais, sur un tel sujet, je pense que ce qui nous réunit peut l'emporter sur ce qui nous divise. Nous sommes tous attachés, quels que soient les bancs où nous siégeons, au respect du repos dominical, réaffirmé dans la proposition de loi. Nous n'avons jamais voulu généraliser le travail le dimanche. Nous y sommes opposés et je n'imagine pas qu'un jour, nos services publics, nos crèches, nos mairies ouvrent le dimanche.

Le dimanche, nous l'avons tous dit, n'est pas un jour comme les autres, c'est un jour consacré à la famille, aux enfants, à la pratique religieuse pour certains, aux activités sportives, culturelles, ou encore aux solidarités : envers nos aînés, envers les malades.

Il faut des repères stables dans la vie, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre. Nous ne pouvons transiger sur des valeurs qui nous sont communes. Car ces valeurs qui sont les nôtres sont tout autant les valeurs de nos concitoyens qui travaillent le dimanche ou qui travaillent la nuit. Je pense en cet instant aux personnes travaillant dans les établissements de santé, dans la police ou la gendarmerie, dans les casernes de pompiers, dans les journaux et les médias, les sites culturels, les équipements sportifs, l'hôtellerie et la restauration. Je voudrais ce soir les saluer et les remercier de leur engagement. Nous pourrions aussi évoquer les agriculteurs qui, sept jours sur sept, nous font manger, nous font vivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Mesdames, messieurs de l'opposition, j'ai entendu vos propositions mais j'ai aussi entendu des propos quelquefois excessifs et donc peu crédibles. Je vous rappellerai que donner des leçons de morale n'est pas une preuve de vertu. Voulez-vous que les commerces ouverts dans certaines zones le dimanche ferment pour venir accroître le nombre de chômeurs ? Refusez-vous vous-même d'aller au restaurant, au cinéma, au stade, le dimanche, alors que des personnes y travaillent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Il serait temps de respecter davantage les conditions de travail des autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Restons crédibles !

Le but de cette proposition de loi est clair : il s'agit d'aménager la législation existante afin de prendre en compte des usages de consommation de fin de semaine dans des lieux identifiés. Il s'agit également de permettre à des communes touristiques, au sens du code du travail, de ne pas laisser leurs commerces fermés quand les touristes sont là, prêts à consommer. Je rappellerai à cet égard que la France, première destination touristique mondiale avec 60 millions de visiteurs par an, ne se situe qu'en troisième position en matière de dépenses générées par le tourisme. N'avons-nous pas des efforts à faire en ce domaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Dès nos premières discussions en commission sur le texte initial de Richard Mallié, j'avais exprimé des réserves et des craintes, et contribué à l'adoption de l'amendement qui a permis d'exclure de ses dispositions les grandes surfaces et leurs activités alimentaires, ce qui apparaissait nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

J'avais aussi exprimé le besoin impératif de préserver des équilibres. L'ouverture des commerces le dimanche ne doit pas mettre en péril l'activité des petits commerces des villes et des villages proches, qui ne sont pas concernés, pas plus qu'elle ne doit, dans les grandes agglomérations, conduire à différer et à déplacer les habitudes de consommation d'un territoire à un autre, d'un jour à l'autre. C'est la raison pour laquelle, avec les élus du département du Rhône et de la région lyonnaise, nous ne souhaitions pas que la ville de Lyon puisse être concernée par de telles possibilités d'ouverture, qui auraient nuit aux commerces et à la vie économique de ce département.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Il nous appartient donc, mes chers collègues, de veiller à cet équilibre indispensable et de concilier des éléments qui ne paraissent pas forcément faciles à rapprocher : attentes des consommateurs et réalités de la vie, activité économique avec ses conséquences positives pour l'emploi et attentes des salariés. Ces derniers doivent être respectés et protégés. Ils doivent pouvoir se porter volontaire, être assurés d'une réversibilité de leur engagement et bénéficier d'une juste rémunération, qui tienne compte du caractère particulier de leur engagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Le volontariat, c'est uniquement dans les PUCE !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Le régime juridique proposé est donc encadré, ce qui peut nous rassurer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Le périmètre d'usage de consommation exceptionnel est déterminé par le préfet, à la demande du conseil municipal de la communauté de communes, sur un territoire de plus d'un million d'habitants. Les communes touristiques, au sens du code du travail, doivent quant à elles répondre à des exigences en termes d'accueil et d'infrastructures.Les maires qui seront à l'origine de cette reconnaissance ne sont pas des irresponsables.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Pourquoi avoir confié le pouvoir de décision au préfet, alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Ils sauront gérer les dérogations, contrairement à ce que vous semblez penser.

L'évolution que vous proposez, monsieur Mallié, est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Elle doit toutefois être limitée et encadrée, ce qui suppose d'exercer notre vigilance. Vigilance car nous sommes attachés à un modèle de société qui place l'homme au coeur de nos projets…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Ce n'est pas le cas avec cette proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

…en lieu et place des profits, de la consommation et des rendements.

J'ajoute que l'amendement de Pierre Méhaignerie a de quoi nous rassurer : il vise à créer un comité chargé de veiller au principe du repos dominical, ce qui apporte une garantie essentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Cela sert seulement à vous donner bonne conscience !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Compte tenu de ces éléments, nous serons nombreux sur ces bancs à apporter notre soutien à la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce matin à neuf heures trente :

Suite de la proposition de loi sur le repos dominical et les dérogations à ce principe.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 8 juillet 2009, à zéro heure cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma