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Intervention de Michèle Delaunay

Réunion du 7 juillet 2009 à 21h30
Dérogations au repos dominical — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Delaunay :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a tout de même une aberration, ou en tout cas un manque total de cohérence, à prétendre porter le message écologique, à affirmer avoir entendu le message des Français lors des dernières élections européennes, tout en s'arc-boutant, de manière quasi infantile, sur l'examen de cette proposition de loi étendant le commerce du dimanche.

Car c'est bien du commerce dominical et non du travail dominical qu'il s'agit. C'est pour moi un premier motif de malaise vis-à-vis de ce texte que cette assimilation du commerce et du travail. Elle montre que, finalement, nous ne sommes pas si loin de confondre le travail et le fait de vendre ou d'acheter. Cela me paraît inquiétant.

Je reviens cependant à ce non-sens qui consiste à promouvoir une écologie tout à fait contraire à ce qu'elle est vraiment.

Très récemment encore, à la suite du remaniement ministériel, M. Borloo nous disait, d'une part, que son ministère allait être renforcé et, d'autre part, qu'il voulait lui donner une dimension sociale et le tourner complètement vers le développement durable.

Nous entendons aussi tous ceux qui pensent que nous devons inventer un nouveau modèle de société, moins tourné vers la consommation et le matérialisme, capable de promouvoir des valeurs de culture, d'équilibre, un modèle différent de ceux que nous avons pratiqués jusqu'ici et qui nous ont menés à la crise.

Cette proposition de loi va totalement à l'encontre de ces valeurs, et je vais m'efforcer de le démontrer.

Le premier élément qui définit le développement durable – bien que beaucoup ait été dit, on n'en a guère parlé –, c'est la santé durable.

La santé durable suppose bien évidemment la promotion de la santé, mais d'une santé qui permette l'autonomie des personnes et l'équilibre. La santé, si l'on se réfère simplement à des données scientifiques, veut que l'on adopte des rythmes réguliers : cela s'appelle la chronobiologie. Curieusement, ces rythmes sont très souvent en adéquation avec ce que nous ont appris, de manière aveugle, les siècles précédents. C'est ainsi que le repos hebdomadaire entre dans ces cycles et fait partie de l'équilibre personnel qui nous est si nécessaire.

De même – et c'est peut-être encore plus curieux –, nous ne nous reposons jamais aussi bien que lorsque nous nous reposons ensemble. Il est connu que l'on ne dort pas seulement la nuit parce qu'il fait noir, mais aussi parce que les autres dorment. C'est ainsi que l'on a le plus de chances de parvenir à l'équilibre. C'est ce que vous allez aujourd'hui démolir, ajoutant en quelque sorte aux difficultés, à la précarité, à la fragilité que connaissent en cette période de crise tant de salariés.

Ajoutons-y un motif d'inquiétude supplémentaire : le fait que le travail soit vécu comme quelque chose de subi, à quoi on ne peut pas s'identifier. Les données prouvent que c'est un point important. Nous savons que dans les entreprises qui ne respectent pas les rythmes biologiques et qui travaillent le dimanche, il y a 1,3 fois plus de risques de connaître des crises et des difficultés. Le sentiment du travail subi est très difficile à vivre. Ce n'est certainement pas celui que devrait chercher à produire un président qui voulait réhabiliter la valeur travail.

Dans de telles conditions, on ne peut pas non plus, je l'ai dit, s'identifier à son travail. J'exerce l'un de ces métiers où l'on travaille beaucoup le dimanche : les métiers soignants. La pénibilité particulière de l'exclusion de l'univers social est alors largement compensée par la nécessité du travail : le reward, comme disent les Américains.

Ce n'est certainement pas le fait de vendre des crèmes solaires ou des matériels sportifs, alors que l'on est reclus dans son magasin, qui donnera le sentiment de faire un travail gratifiant, auquel on peut s'identifier. C'est un point sur lequel chacun de vous doit réfléchir. Il faut pouvoir se plaire dans son travail et s'y assimiler.

Un troisième élément de ce texte va à l'inverse du développement durable : la perte des liens de proximité. Il est démontré que le travail du dimanche – de nombreux exemples nous ont été donnés, comme le nombre de magasins de chaussures qui ont fermé à Londres – va tuer à brève échéance le commerce de proximité, qui fait vivre les villes et les commerçants indépendants.

Il va tuer également les associations sportives, les associations culturelles, qui vivent de ces réunions amicales, de ces compétitions et de ces concerts du dimanche organisés pour tous. Ce lien de proximité, qui ne nécessite pas de déplacement, va être mis à mal par votre proposition de loi.

Par ailleurs – je n'y insisterai pas puisque beaucoup d'orateurs en ont parlé – le travail du dimanche sera consommateur d'énergie car il mettra les gens sur les routes, il obligera à chauffer des magasins, à les climatiser, à les éclairer. Cette augmentation de la consommation d'énergie correspondra à un jour sur sept, ce qui est loin d'être négligeable.

M. Bertrand nous appelait à faire preuve de bon sens et de sérénité. C'est le bon sens qui est, dans bien des cas, à la base de l'écologie. Nos arrière-grands-parents étaient écologistes avant de le savoir. Ce texte est un non-sens car nous avons vu qu'il ne permettra pas d'augmenter d'un iota le pouvoir d'achat, tout en augmentant certainement un peu la consommation, mais celle de produits de moindre qualité et qui viendront de loin.

Enfin, j'avoue que, pour ma part, je ne voterai pas cette proposition de loi pour une sixième raison. Sans aller jusqu'à dire qu'elle constitue une escroquerie, je considère qu'elle n'est pas très loyale. On nous propose en effet la quatrième version d'un texte, en nous disant que dans celle-ci il n'y a plus rien que nous puissions combattre. En réalité, ce texte est lourdement aggravé sur deux points essentiels : d'une part, l'extension du périmètre d'application de la loi ; d'autre part, la diminution des bénéfices que pourraient en retirer les salariés et la moindre certitude qu'ils soient vraiment volontaires pour travailler le dimanche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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