La contradiction semble criante entre l'objectif d'une politique qui se présente comme une politique de civilisation et ce qui apparaît comme le détricotage d'un repère essentiel permettant précisément de distinguer une société civilisée d'un simple agglomérat d'individus.
Lors du récent Congrès à Versailles, le Président de la République a particulièrement insisté sur l'importance qu'il attachait au modèle social français. Il serait, et nous partageons cet avis, notre meilleur bouclier face à la crise. Mais le repos dominical et ce qu'il permet ne sont-ils pas précisément l'un des éléments constitutifs du modèle français ?
Les partisans de la libéralisation de l'ouverture dominicale des commerces avancent deux types d'arguments qui doivent être attentivement examinés. Le premier se situe dans le champ sociétal, le second sur le terrain de l'économie.
Le premier argument soutient que la libéralisation du travail dominical serait en quelque sorte induite par l'évolution des modes de vie. Le caractère singulier du dimanche serait tombé en désuétude pour une grande partie de la population. La multiplication de la bi-activité, l'importance du temps consacré à la mobilité pendulaire dans les grandes agglomérations, la désynchronisation des rythmes sociaux, liée en particulier à une plus grande flexibilité du temps de travail, devraient conduire à modifier l'ajustement temporel entre l'offre et la demande, afin que les magasins puissent ouvrir lorsque les consommateurs sont en mesure d'acheter, c'est-à-dire en fin de journée et lors des fins de semaines.
L'argument d'ordre économique affirme que cette libéralisation serait de nature à accroître le volume de l'emploi dans les secteurs du commerce et du tourisme et à permettre de surcroît aux salariés de ces secteurs qui le désirent de travailler plus pour gagner davantage.
Nous pensons qu'aucun de ces deux arguments n'est décisif.
D'abord, le dimanche reste, quoi que l'on dise, un jour particulier dans notre société. Son caractère singulier demeure : que ce soit dans les familles, les communes ou les associations, la grande majorité des activités spirituelles et sociales ont toujours lieu le dimanche. Et si l'objet de la proposition de loi est de permettre aux actifs de consommer en dehors de leurs horaires de travail, pourquoi ne pas regarder du côté de ces magasins qui restent fermés le lundi ou à l'heure du déjeuner ?