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Intervention de Dominique Souchet

Réunion du 7 juillet 2009 à 21h30
Dérogations au repos dominical — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Souchet :

Quant à l'argument qui fait de l'ouverture dominicale des magasins un remède miracle en matière de politique de l'emploi, il repose sur l'illusion que l'acte de consommation serait créateur de pouvoir d'achat. Il n'en est rien. Le nouveau statut que l'on nous propose de « chômeur de semaine-travailleur du dimanche » ne ferait que maintenir la paupérisation des jeunes et des travailleurs les moins qualifiés. Ce n'est en aucun cas une réponse crédible à la crise économique, ni un mode de vie décent à proposer.

Avant d'envisager une libéralisation de l'ouverture des magasins le dimanche, il faut reprendre conscience des possibilités existantes offertes par notre législation pour déroger au repos dominical.

La réglementation de l'emploi de salariés du commerce le dimanche relève de la législation sociale. Ces dispositions figurent dans le code du travail, qui interdit d'occuper plus de six jours par semaine un même salarié. Le repos hebdomadaire des salariés doit avoir une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives et être donné le dimanche. Ces principes ne portent pas atteinte à la liberté des échanges, comme l'a confirmé la Cour de justice des Communautés européennes.

Cependant, des dérogations de droit sont prévues par le code du travail, notamment dans le secteur du commerce de détail, où certaines activités bénéficient d'une dérogation permanente et de plein droit. Je pense aux établissements de vente de denrées alimentaires, dans lesquels le travail salarié est autorisé jusqu'à douze heures, aux établissements fabriquant des produits alimentaires à consommation immédiate, aux fleuristes. Les commerces qui n'emploient pas de salariés peuvent ouvrir le dimanche à leur convenance. D'autres autorisations permettent, par arrêté municipal, l'ouverture des magasins cinq dimanches par an. Enfin, certains établissements commerciaux bénéficient d'autorisations individuelles par arrêté préfectoral, lorsque le service rendu ne peut être différé à un autre jour de la semaine, lorsque la fermeture le dimanche compromet gravement le fonctionnement normal de l'établissement, ou bien lorsque l'établissement est localisé au sein d'une zone touristique ou d'animation culturelle. Nous le voyons bien, ces dérogations sont déjà particulièrement larges et auraient pu faire l'objet d'une simple actualisation.

Il reste un argument en faveur du travail dominical qui paraît à première vue plus convaincant, celui de l'activité touristique, mais interrogeons-nous un instant sur ce qui fait que la France est aujourd'hui le premier pays touristique au monde. Est-ce parce que les magasins y sont ouverts le dimanche ? Apparemment non. Le véritable atout, ce qui fait que notre pays est spécialement recherché, en dehors de son patrimoine exceptionnel, c'est notre culture et notre mode de vie, notre sociabilité, notre dynamisme associatif, qui sous-tend un nombre considérable d'initiatives culturelles, artistiques, sportives. Ce n'est pas en fragilisant cet atout décisif que nous ferons venir davantage de touristes chez nous, bien au contraire.

Cette proposition de loi présente par ailleurs un certain nombre de zones d'ombre et d'approximations qui pourraient rendre son application plus que complexe, véritablement dangereuse.

La première incertitude concerne les zones qui seront touchées par les nouvelles dispositions. Dans le préambule de la proposition de loi, sont clairement nommés les zones de Plan-de-Campagne dans les Bouches-du-Rhône et le centre commercial d'Éragny en région parisienne, qui ouvrent le dimanche depuis plusieurs décennies. Au lieu de circonscrire les nouvelles mesures à ces zones, on a voulu rendre possible l'ouverture des magasins le dimanche dans les grandes agglomérations urbaines et dans les lieux touristiques.

Pour ce qui est des périmètres d'usage de consommation exceptionnel, les PUCE, ils ne concerneraient que les unités urbaines de plus d'un million d'habitants, mais, à leur périphérie, comment le commerce pourra-t-il résister à l'exode de ses clients vers ces zones ? De nombreuses communes demanderont l'extension du périmètre ou feront valoir leur caractère touristique. L'effet domino est donc tout à fait probable. On voit mal, en effet, comment un maire seul pourra s'opposer à la pression de la loi établissant que la commune se trouve dans cette zone, ou à la pression d'autres communes voulant bénéficier de la qualification PUCE.

Quant à la détermination des communes touristiques, elle est au coeur de la question dont nous débattons aujourd'hui. Elle alimente une controverse qui souligne la portée incertaine de cette proposition de loi. En effet, dans son article 2, elle établit que les communes touristiques pourront donner, de droit, le repos hebdomadaire par roulement à tout ou partie du personnel. Cette formulation est ambiguë car il existe actuellement deux définitions de la commune touristique. Au sens de la loi du 14 avril 2006 et de l'arrêté du 2 septembre 2008, certaines collectivités peuvent bénéficier d'une reconnaissance touristique en application d'une réglementation particulière mais, si l'on retient cette définition dans le cadre de la présente proposition de loi, ce sont plus de 4 000 communes qui seront concernées par le travail dominical.

Le rapporteur a répondu dans un premier temps que la définition prise en compte serait celle du code du travail, mais force est de constater que l'article R 3132-20 du code du travail n'est pas non plus satisfaisant. Il définit la commune touristique comme celle qui accueille pendant certaines périodes de l'année une population supplémentaire importante. Cette définition ne peut être considérée comme plus restrictive. Elle est en réalité nettement plus extensive. Elle présente un risque de généralisation du travail dominical à toutes les communes françaises touchées de près ou de loin par l'activité touristique, c'est-à-dire quasiment l'ensemble du territoire national.

Je doute que la notion imprécise de commune d'affluence touristique qu'un amendement pourrait introduire dans la loi soit de nature à clarifier la situation et à éviter la confusion. C'est pourquoi nous préférons soutenir les amendements qui restreignent la définition de la commune touristique ou qui limitent le champ d'application de la proposition de loi. Sans de telles limites précises, l'effet tache d'huile serait inévitable.

Une autre approximation grave de ce texte concerne les droits des salariés.

Actuellement, de nombreux accords de branche ne prévoient pas de doublement de salaire pour une activité exercée le dimanche. Pour ces salariés, rien ne changera avec l'adoption de la proposition de loi. Le doublement de salaire devra donc être clairement affirmé et concerner l'ensemble des travailleurs privés de repos dominical.

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