La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Mes chers collègues, c'est avec une profonde tristesse que nous avons appris la collision entre un car scolaire et un train qui s'est produite à Mésinges, en Haute-Savoie, dans le département de notre président.
Le bilan, hélas encore provisoire, s'élève à sept morts, dont six collégiens, et vingt-cinq blessés. Aux familles des victimes j'adresse, en votre nom, les condoléances de la représentation nationale.
Je vous propose d'observer une minute de silence.
(Mmes et MM. les députés ainsi que Mme et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, pour les membres de la commission des finances votre texte équivaut à un DDOF : il traite un peu de tout, de la petite surface au hard discount en passant par le droit de la concurrence, et, dans ses articles 39 et 40, qui seront l'objet de ma question préalable – je dirai quelques mots en conclusion de l'article 41 –, il aborde la question du livret A. Or je fais partie de ceux, membres de la commission des finances issus de divers bancs, auxquels s'est joint M. Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations à laquelle j'appartiens également, qui, comme ils ont déjà eu l'occasion de vous le dire, auraient souhaité que ce sujet ne soit pas noyé dans un texte visant à faire adopter un ensemble de dispositifs. Il s'agit en effet pour le Parlement d'un sujet important puisqu'il soulève la question de la décentralisation d'un établissement public sui generis, la Caisse des dépôts et consignations, placé sous son contrôle.
Comme le Gouvernement est très habile,…
Mais non !
…vous avez en quelque sorte fait la promotion des articles 39 et 40 en expliquant que, dorénavant, tous les établissements bancaires seront autorisés à proposer le livret A : vous plaçant du côté non des banquiers – j'y reviendrai, car c'est peut-être le sujet – mais des clients, vous faites valoir que chacun, désormais, pourra s'adresser à n'importe quelle banque pour ouvrir un livret A. Ainsi présentée, cette mesure ne soulève à nos yeux aucune objection.
Dans un premier temps, toutefois, je souhaite rappeler à travers quelques chiffres l'importance de l'enjeu, car il ne s'agit tout de même pas de petites sommes ! Autant je ne suis pas convaincu que les dispositifs visant à faciliter l'ouverture de surfaces commerciales comprises entre 300 et 1 000 mètres carrés augmenteront de beaucoup le pouvoir d'achat de ceux qui en ont besoin, autant la question du livret A concerne des sommes considérables. C'est pourquoi je tiens à rappeler ces chiffres, que vous connaissez évidemment, madame la ministre, à mes collègues, car si nous connaissons tous la Caisse des dépôts et consignations, la Caisse d'épargne ou la Banque Postale, en revanche, nous n'avons pas toujours une idée exacte des encours.
Je me demanderai ensuite pourquoi un tel projet de loi nous est soumis dans le contexte actuel avant de souligner les raisons pour lesquelles, à mon avis, il ne convient ni de banaliser ni de décentraliser le livret A.
Enfin, je m'interrogerai sur l'avenir de la Caisse des dépôts.
Les chiffres sont faciles à retenir : quelque 120 milliards d'euros d'encours pour le livret A et 19,7 milliards pour le livret Bleu, équivalent du livret A, que, pour des raisons historiques, le Crédit mutuel distribue dans certaines régions de France. Cela fait un total de 140,5 milliards d'euros centralisés à la Caisse des dépôts pour le livret A, le livret B et le livret Bleu.
Si le livret de développement durable et le livret A ont la même rémunération – 3,5 % actuellement –, le plafond du premier s'élève à 6 000 euros contre 13 500 euros pour le second. En outre, la décentralisation de l'ancien Codevi a été minimisée puisque l'on a expliqué qu'elle permettrait de mieux financer les PME et les PMI. Le LDD représente un peu plus de 60 milliards d'euros d'encours, dont seuls 7,7 milliards sont centralisés à la Caisse des dépôts et consignations, c'est-à-dire 8 ou 9 % de la collecte, le reste étant détenu par les banques.
Je vous demanderai, madame la ministre, puisque vous disposez des relevés trimestriels des banques, de nous indiquer la somme exacte dépensée pour financer les PME et les PMI, de même que celle utilisée en matière d'économies d'énergie des particuliers, puisque cet argent est normalement affecté en fonction de son utilisation. La moindre des choses est en effet de pouvoir disposer de données précises. J'ai moi-même mené ma petite enquête auprès d'administrateurs de banques et je dois dire que leurs réponses se sont révélées assez étonnantes quant à l'affectation des sommes. Votre réponse permettra peut-être une discussion sur l'avenir que le texte promet au livret A.
Une fois la collecte réalisée par les caisses d'épargne, par le Crédit mutuel et par la Banque Postale, détenteurs actuels du monopole de la distribution du livret A et du livret Bleu, on en vient aux prêts, aux placements et aux rémunérations. Je vous ai indiqué que 40 milliards d'euros sur 100 étaient centralisés à la Caisse des dépôts. En outre, 96,7 milliards d'euros d'encours de prêts – dont 88,2 milliards d'euros sont engagés pour l'habitat et la politique de la ville –, servent au financement des logements sociaux, dont je vous rappelle que 4 millions ont été construits depuis 1950.
On compte ainsi 6,5 milliards d'euros de nouveaux prêts « Habitat et politique de la ville » pour le seul exercice 2007, dont 4,4 milliards d'euros de prêts à la construction qui ont permis le financement des 54 000 logements sociaux pour le même exercice. Le coût de la bonification des prêts sur fonds propres de la Caisse des dépôts, dont on ne parle jamais, représentait 115 millions d'euros en 2007. Selon l'Union sociale de l'habitat, qui regroupe les organismes d'HLM, les prêts couvrent les trois quarts de la construction d'un logement social. Voilà à quoi sert cet argent !
Les actifs financiers représentent 120 milliards d'euros et la rémunération de l'épargnant est de 3,5 %. La rémunération des réseaux collecteurs s'élève jusqu'à présent à 1,12 % des encours du livret A en moyenne, La Poste, les caisses d'épargne et le Crédit mutuel ne pratiquant pas tous le même taux qui, d'après les dispositions du texte, sera désormais de 0,6 % de l'encours collecté.
Enfin, dernier chiffre, la rémunération de la garantie de l'État pour l'ensemble des fonds d'épargne par la Caisse des dépôts s'élève à 743 millions d'euros pour le seul exercice 2007 et, si l'on compte les cinq dernières années, cette somme atteint 8,5 milliards d'euros.
Il convenait de rappeler tous ces chiffres donnés souvent trop rapidement.
Nous ne discutons pas la teneur des articles 39 et 40 parce que l'Europe s'est autosaisie de cette affaire. Ce n'est pas vrai. Il ne faut pas faire porter à l'Europe des responsabilités qui ne sont pas les siennes. Il faut seulement se souvenir qu'en mars 2006 quatre banques françaises, le Crédit agricole, BNP-Paribas, la Société générale et les banques populaires, et une banque néerlandaise très connue distribuant une épargne fiscalisée – contrairement au livret A, dont je n'ai pas besoin de rappeler que les intérêts sont défiscalisés –, ING, ont déposé un recours. Les banques ont donc attaqué le dispositif en vigueur.
À cette époque, en décembre 2006, j'ai posé une question au Gouvernement sur le sujet. M. Copé, alors ministre délégué au budget et à la réforme de l'État et par ailleurs porte-parole du Gouvernement, avait répondu : « Le livret A bénéficie d'une organisation spécifique, depuis de nombreuses années, à la grande satisfaction des Français. Vous savez pertinemment » – ces propos datent de décembre 2006 ! – « que nous sommes les uns et les autres profondément attachés au maintien de ce système. Il s'agit simplement de l'expliquer de manière claire, précise, pédagogique et simple. Parce que nous parlons la même langue, nous serons, vous le verrez, très convaincants. »
Voilà qui explique le recours de la France contre la décision de Bruxelles. En effet, le 10 mai 2007, quatre jours après le second tour de l'élection présidentielle – date bien évidemment fortuite –, la Commission européenne estime que « les dispositions du code monétaire et financier français qui réservent à trois établissements de crédit, la Banque Postale, les caisses d'épargne et le Crédit mutuel, la distribution des livrets A et Bleu sont incompatibles avec l'article 86, paragraphe 1 du traité [instituant la Communauté européenne] en liaison avec les articles 43 et 49 dudit traité » et enjoint à la France de mettre fin à cette infraction dans un délai de neuf mois.
Vous avez pris l'initiative de déposer un recours contre la décision de la Commission européenne le 19 juin 2007. La Cour de justice des Communautés européennes n'a toujours pas statué. Une mission a par ailleurs été confiée à M. Camdessus sur la rédaction et les modalités d'une réforme de la distribution du livret A. Or, le 11 décembre, avant même la remise du rapport Camdessus, le Président de la République annonçait qu'il était prêt à banaliser le livret A !
Voilà, sans tronquer l'histoire, les données chiffrées replacées dans leur contexte.
Il s'agit d'abord, ici, de défendre l'idée selon laquelle la banalisation du livret A va poser un certain nombre de problèmes.
Il n'y avait nulle urgence vis-à-vis de la Commission européenne puisque le recours n'a toujours pas été examiné. Il n'y a aucun risque de pénalités financières pour le moment et, d'ailleurs, rien ne permet de penser que ce recours ne pourrait pas être couronné de succès.
Ensuite, l'argument de la clôture des contentieux communautaires en vue de la présidence française de l'Union ne tient pas. Si tel était le cas, vous êtes bien placée pour savoir, madame la ministre, que la France aurait dû commencer par respecter le Pacte de stabilité et de croissance en réduisant les déficits publics.
C'eût été une manière beaucoup plus efficace de parler à l'Europe.
En outre, les besoins en matière de logement social ne rendent pas nécessaire cette réforme d'une ressource compétitive, hormis quelques courtes périodes. Le taux de rémunération des détenteurs de livrets A est de 3,5 % et celle des réseaux collecteurs sera de 0,6 %. Dans un contexte de remontée des taux, ces données se révèlent tout à fait intéressantes. Certes, si, ces dernières années, les taux de 3,25 % puis, aujourd'hui, de 3,5 % rémunérant les détenteurs de livrets A, et celui de 1,12 % – voire davantage – rémunérant les collecteurs, ont pu poser problème au point que la commission de surveillance avait demandé que l'on baisse le taux des collecteurs, il n'en va plus de même.
Nous réclamions la baisse du taux de rémunération des organismes collecteurs depuis longtemps !
En effet – et je tâche de me montrer aussi honnête dans ma présentation des chiffres que dans mon argumentation –, nous n'avons pas à nous plaindre du dispositif proposé dans la mesure où il sera de nature à favoriser le logement social et la politique de la ville.
La question n'est donc pas celle d'une ressource qui ne serait pas compétitive sur le marché.
Le marché, aujourd'hui, peut financer – et je demande à mes collègues de la majorité de bien retenir ce chiffre – jusqu'à 50 % d'une opération éligible aux prêts sur fonds d'épargne avec les avantages fiscaux associés. Pourtant, sa part dans ces opérations reste très inférieure.
Cette part s'élève en effet, en moyenne, à 10 %. Voilà la réalité ! Il est donc faux de soutenir que la concurrence est impossible.
Il est un autre argument que je souhaite soumettre à mes collègues et à vous-même, madame la ministre, selon lequel la banalisation ne permettra pas de diffuser plus largement un produit dont sont détenteurs, non plus 42 ou 43 millions de Français, mais bien entre 47 et 49 millions selon les sources, du fait d'une forte augmentation de la collecte pendant le premier trimestre de cette année.
Le groupe socialiste n'est pas le seul à s'interroger : c'est aussi le cas de parlementaires qui ne se situent pas à gauche. De nombreux maires – je pense à M. Bourg-Broc, président de la Fédération des maires des villes moyennes, ou à M. Censi – ont signé ce matin un appel dénonçant les risques de banalisation du livret A.
Que trouve-t-on au coeur de la banalisation ? Je crois que c'est le siphonnage.
Bien sûr, mon argument ne vaut pas plus que le vôtre, madame la ministre, puisque, si vous avez déjà répondu à diverses questions, ni vous ni nous, pour l'instant, ne pouvons garantir l'avenir. Reste que le dispositif que vous avez inventé présente un risque de siphonnage. Quel est-il ?
En ce moment, le marché financier n'est pas très intéressant, en tout cas il n'est pas très sécurisé.
Par conséquent, les banques peuvent difficilement proposer au commun des mortels des produits boursiers combinant obligations, actions françaises, européennes ou autres. Aussi, dans la conjoncture catastrophique où se trouvent les marchés financiers, on a pu constater, au début de l'année, une croissance extraordinaire de la collecte au titre des livrets A et Bleu. En effet, les gens préfèrent sécuriser leur argent en le plaçant sur un livret.
Le vrai danger est que vous allez donner aux banquiers la liste des détenteurs de livrets. Voilà la conséquence de la banalisation. Il ne serait pas très honnête intellectuellement de soutenir que cela n'aura aucun effet. Outre une rémunération de 0,6 % pour la collecte, les banquiers pourront proposer des produits d'épargne assez sécurisés à 5 ou 6 %.
Les banquiers s'adresseront à ceux qui ne retirent jamais d'argent, qui laissent sur leur livret A le maximum de la somme autorisée, soit 15 300 euros. Il s'agit en effet du bas de laine de millions de Français pour leurs enfants ou leurs petits-enfants. Cet argent ne bouge pas. Ainsi, un honnête homme tel que le président du Crédit mutuel, M. Pflimlin, a 2,5 millions de clients qui ont moins de 150 euros sur leur livret Bleu, à côté desquels plusieurs millions d'autres – 36 % des 7 millions de déposants – bloquent leur argent après avoir atteint le plafond de dépôt.
Pour un banquier, c'est simple : sur cet argent qui ne bouge jamais, avec une rémunération fixée à 0,3 %, il gagne de l'argent.
Mais au Crédit mutuel – je préfère prendre cet exemple, pour ne pas prendre celui de la Banque Postale –, qui reçoit des dépôts de gens pauvres s'élevant en moyenne à 150 euros, il y a dix à douze opérations par an. Oui, mes chers collègues, dix à douze opérations par an. Cela veut dire, tout simplement, que tous les mois, on sort l'argent, puisque le livret A sert de quasi-compte courant.
Bien sûr que ce n'est pas normal. Mais le droit au compte n'étant pas une réalité dans notre pays – et ce n'est pas la charte qui y changera quelque chose –, les prestations familiales, vous le savez bien, sont versées sur le livret A. Cela permet à ces gens de pouvoir sortir l'argent. Et vous savez aussi qu'il n'y a pas de découvert sur un livret A. C'est pour cela que cette manière de procéder a des vertus pour les familles fragiles.
Or, M. Pflimlin dit que, pour ces 2,5 millions de clients qui ont moins de 150 euros sur leur livret A, avec une rémunération fixée à 1,4 %, il ne s'en sort pas. En fait, il s'en sort grâce aux autres comptes, ceux qui atteignent le plafond de 15 300 euros. Mais à partir du moment où vous vous engagez dans la banalisation, le risque est grand que les clients qui ont des dépôts bloqués importants ne soient captés par les banques, et que celles-ci, lorsque la conjoncture sera meilleure, dans deux ou trois ans, proposent des produits de substitution. Cela aura des conséquences, dont je vais parler dans quelques instants, sur la décentralisation qui a été mise en place et sur la non-centralisation des sommes destinées à financer le logement social, la politique de la ville, ou d'autres politiques publiques.
Il convient de dire les choses honnêtement. L'honnêteté intellectuelle oblige à dire qu'il y a une vraie interrogation sur ce qui va se passer. D'un côté, les banques vont chercher à avoir les livrets A plafonnés à 15 300 euros et où l'argent ne sort jamais, parce qu'il n'y a pas de frais financiers, de frais fixes, à payer. De l'autre côté, le risque est la fragilisation d'établissements comme la Banque Postale, le Crédit mutuel ou les Caisses d'épargne, qui ont des clients qui leur coûtent beaucoup plus cher. Et je pense en particulier à la Banque Postale.
Il est vrai que le texte prévoit un dispositif visant à atténuer les répercussions de cette réforme. Mais il faudra tout de même, madame la ministre, nous donner d'autres garanties que celle-là pour sécuriser le système à l'avenir.
Ce sont là des choses dont nous sommes responsables. Cela relève du Parlement. Nous sommes les gardiens de cette affaire. Nous avons donc le droit de poser des questions.
J'ai parlé de la collecte et des risques de siphonnage. Je voudrais maintenant aborder un autre aspect des dispositions que vous nous proposez dans ces articles 39 et 40 du projet de loi.
Pour la centralisation des dépôts collectés, on fusionne, d'une part, le livret de développement durable, qui n'est plus centralisé qu'à moins de 10 %, comme l'a bien expliqué le rapporteur dans son rapport, et, d'autre part, le livret A actuel, centralisé à 100 %. Vous proposez, donc, la fusion des deux, en disant que le taux de centralisation des dépôts sera de 70 %.
Cela pose un vrai problème. Pourquoi ? À l'heure d'aujourd'hui, vous pouvez arguer que la fusion des deux correspond à peu près – pas tout à fait, en fait, mais nous n'allons pas nous chamailler autour de ces quelques chiffres – aux sommes qui sont consacrées au financement de la politique de la ville et du logement social. Mais je suis à peu près sûr que les banques vont exercer une pression. Et c'est là qu'on en arrive à la vraie logique de votre texte.
Entre avoir une rémunération fixée à 0,6 % et pouvoir proposer des produits à 5 ou 6 %, au minimum, le choix des banquiers est clair. Mais surtout, s'agissant de la part des fonds collectés qui sera décentralisée – il s'agit, mes chers collègues, je vous le rappelle, de 30 % de 140 milliards d'euros, ce qui veut dire que nous ne sommes pas en train de parler de petites sommes, nous ne sommes pas dans le registre du symbole –, il y a un vrai problème, qui est le suivant.
Votre argumentation, madame la ministre, est que ce système va permettre d'augmenter la collecte. Mais notre pays compte 62 millions d'habitants, et l'on y dénombre près de 50 millions de détenteurs de livrets A : cela fait beaucoup ! Il faudrait un sacré accroissement des sommes déposées pour que la collecte s'accroisse. Mais surtout, madame la ministre, il y a aujourd'hui, dans les banques, des super-livrets. Ces livrets sont fiscalisés, mais ils existent. Vous arguez pratiquement que ces super-livrets, à la Société générale, à la BNP ou au Crédit agricole, vont pouvoir devenir des livrets A. Mais c'est faux. Car il y a une grande différence : en ce moment, ces super-livrets entrent dans le bilan des banques, excusez du peu !
Vous pensez que les banques, dont il est bien connu qu'elles ne sont pas du tout à la recherche de liquidités, par les temps qui courent,…
…vont y renoncer ? Ce n'est pas sérieux !
On voit bien la tendance. Et, honnêtement, j'ai peur. J'espère que, dans trois ans, nous n'aurons pas à déplorer, sur l'ensemble de ces bancs, la diminution du financement du logement social, de la politique de la ville, des universités, de la reconstruction des hôpitaux, des infrastructures.
Non, je ne m'en éloigne pas : excusez-moi, cher collègue, mais nous sommes au coeur du sujet !
J'espère que nous ne dirons pas, dans trois ans, qu'une grande bêtise a été commise. J'essaie de faire en sorte que le débat soit dépassionné, mais je pense que le problème est suffisamment grave pour qu'on le regarde avec lucidité. Et je ne tiens pas à ce que ce soit la gauche qui l'emporte, parce que l'intérêt général est bien supérieur à celui de la gauche ou de la droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il ne s'agit pas que d'une petite tambouille d'hommes politiques : nous sommes en train de parler du financement de la politique de la ville, du logement social, bref, de l'intérêt général.
Je voudrais poursuivre quelques instants sur ce sujet en rappelant que le groupe socialiste a fait une proposition, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir lors de la discussion des amendements. Notre amendement n'est pas obligatoirement à reprendre intégralement, si vous ne voulez pas aller jusque-là. Mais vous pouvez adopter des amendements qui ont été déposés par certains collègues de l'UMP, membres de la commission des finances, qui sont aussi attentifs à ces questions. Mon propos n'est pas partisan.
Ou du Nouveau Centre, si cela vous fait plaisir, monsieur de Courson. Ce n'est pas la question, et mon propos n'est pas là. Le problème, c'est que, dans ce pays, l'argent se fait rare. Quel que soit le gouvernement qui sera en place dans trois ou quatre ans, alternance ou pas, le problème se posera toujours. N'allons pas raconter que, parce que la gauche gagnera les élections, il y aura de l'argent dans les caisses, car c'est faux ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Et cela veut dire, mes chers collègues, qu'il ne faut pas dilapider l'argent, et que vous devez être très attentifs à ce que vous êtes en train de faire.
Nous avons une opportunité : les livrets A et les livrets Bleus représentent 140 milliards d'euros ; les anciens Codevi, aujourd'hui livrets de développement durable, représentent un peu plus de 60 milliards d'euros. Or, on a besoin de reconstruire les hôpitaux, de reconstruire l'université, de financer les transports en site propre, etc. Entre nous, c'est une chance que d'avoir de l'argent placé à des taux intéressants, étant donné, en plus, le retournement du marché dans les années qui viennent.
Je pense donc que l'on ferait bien d'y réfléchir à deux fois avant de généraliser l'aventure du LDD, dont je voudrais maintenant dire un mot. Je vous ai posé une question à ce sujet, et j'espère que vous y répondrez, madame la ministre.
J'ai été voir les administrateurs de quelques banques régionales : Crédit agricole, Caisse d'épargne, Crédit mutuel. Nous avons en effet de grandes banques régionales. Or, ils sont un peu surpris, tout de même.
On demande le fléchage de l'encours du LDD. Mais est-il respecté pour le financement des PME-PMI ?
Tout le monde sait que ce n'est pas l'argent du LDD qui est utilisé, alors que normalement il devrait servir à cet effet. Lui aussi, il entre tranquillement dans le bilan des banques. C'est cela, la réalité.
Or, c'est vers la même aventure que nous risquons d'aller. Le risque encouru est grand avec la décentralisation de 30 % du total des dépôts collectés au titre du livret A : 30 % de 140 milliards, s'il vous plaît. Voilà pourquoi vous devez regarder cette affaire de près.
Nous, nous nous sommes dit : 210 milliards, dans un pays qui n'a plus d'argent, pour financer les missions d'intérêt général, c'est compatible avec les règles européennes. Car j'ai oublié de vous dire, chers collègues, que la Commission européenne n'a pas parlé de la question de la décentralisation. Elle a seulement abordé celle de la distribution du livret A, en demandant à ce que le produit soit banalisé. Elle n'a absolument pas discuté d'autre chose.
Je vais même aller plus loin. Si certaines banques osent le faire – et elles devraient le faire, dans la logique du recours –, elles pourraient déposer elles-mêmes un recours : le système réglementant le LDD est susceptible d'être attaqué devant la Cour de justice des Communautés européennes. En effet, la centralisation n'existe plus que pour 9 % du LDD. Or, je vous le rappelle, les instances européennes disent que la défiscalisation est possible s'il y a, en contrepartie, des missions d'intérêt général. Mais si c'est pour entrer dans le bilan des banques privées ou mutualistes, que nenni, ça ne marche pas !
C'est cela, la question de fond. On devine bien que l'on peut assister à une attaque généralisée du dispositif. Toute décentralisation du livret A permettant de donner des liquidités aux banques sera en rupture avec l'obligation d'assurer des missions générales, qui est la condition que l'Europe fixe pour la défiscalisation de l'épargne. Si la destination des sommes collectées est privée, nous risquons d'être attaqués.
Vous le savez, mais il vaut mieux le dire ici, pour ne tromper personne. C'est un marché de dupes, cette affaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Et je voudrais finir sur ce point : je crois que cette réforme vise uniquement à répondre à la pression des banques. Le vrai problème est là.
L'idée de cette réforme est née à un moment de l'histoire économique caractérisé par une crise des liquidités, et en particulier une crise de l'interbancaire. Nous n'allons pas retracer ici toute l'histoire des subprimes. Un certain nombre de nos établissements bancaires ont connu des coups durs, via leurs filiales aux États-Unis, qui ne sont pas assujetties aux accords de Bâle 2, et n'ont donc pas à constituer de provisions pour risques. Je rappelle qu'en France, ce n'est pas possible : des provisions sont obligatoires pour les opérations qui se déroulent chez nous. Mais ces filiales sont assujetties au droit américain, et dans ce cas-là, nous sommes malheureusement dans la nasse.
Durant l'année 2007, au cours de laquelle toutes ces décisions ont été prises, on assiste donc à une grave crise de l'interbancaire. Et ça ne va pas, mais alors pas du tout ! Par conséquent, on cherche des liquidités. Cela ne résoudra pas l'ampleur des dégâts, mais on cherche des liquidités, parce que les sommes ne sont pas négligeables : 30 % de 140 milliards. Nous voyons bien, par conséquent, ce qu'a pu être la forte pression exercée par les banques.
La vraie question, c'est qu'il ne faut pas céder aux banques, dans cette affaire. Notre pays a un système – un système eurocompatible, je le répète – qui lui permet de transformer l'épargne liquide en des prêts à très long terme – trente ou quarante ans. Beaucoup de pays se penchent sur ce système, parce qu'ils le trouvent plutôt intelligent. Je parle de pays capitalistes, qui réfléchissent aussi, parce qu'il peut y avoir des débats. On n'est pas obligé d'être toujours has been, c'est-à-dire très mode, in fashion, mais décalé dans le temps !
La France a inventé une certaine manière de transformer l'épargne liquide : le livret A existe depuis 1816, et ce vieil établissement qu'est la Caisse des dépôts centralise les fonds depuis 1837.
Eh oui ! Mais, pour eux, puisque le système marche depuis longtemps, il faut le supprimer !
Ce n'est pas parce que ce système existe depuis cent quatre-vingt-dix ans qu'il est forcément mauvais !
Chers collègues, je vous invite, quelle que soit votre couleur politique, à vous pencher sur cette question. Vous en avez le temps puisqu'elle est traitée aux articles 39 et 40 ! (Sourires.) Et je précise que nous ne tenons pas à la paternité des amendements.
Je terminerai avec quelques interrogations sur la Caisse des dépôts.
Cet établissement est placé sous le contrôle du Parlement et non de Bercy à cause des campagnes napoléoniennes qui avaient ruiné l'épargne des Français. En 1816, la Restauration l'avait doté d'un statut particulier afin d'éviter que l'épargne ne tombe entre les mains des ministres de l'économie, quels qu'ils soient. Ce n'est pas la plus mauvaise des choses qui ait été faite dans notre pays : après les guerres, après l'Occupation, les Français ont toujours retrouvé leur argent, parfois avec une petite rémunération.
L'année 2007 a été assez singulière pour la Caisse des dépôts. D'abord, elle a subi une offensive – qui n'est probablement pas terminée – visant précisément les fonds d'épargne, qui sont le coeur même de son existence. C'est ainsi que, dans votre texte initial, comme dans les propositions de M. Camdessus, figurait l'idée de retirer les fonds d'épargne à la Caisse des dépôts et de créer un établissement dédié à leur gestion, autrement dit de retirer à la Caisse son travail de placement de l'argent à des fins d'intérêt général.
Il y eut ensuite l'affaire EADS. M. Lagardère est venu devant la commission des finances et celle des affaires économiques expliquer le dispositif qu'il souhaitait mettre en place. En tout cas, si la Caisse s'est fait rouler en prenant des participations, c'est parce qu'elle a répondu à la logique selon laquelle il était préférable d'avoir des fonds français dans ce secteur éminemment stratégique. Mais le coup a été monté pour attaquer la gouvernance de la Caisse.
Puis ce fut le tour de la CNP. Madame la ministre, pour avoir présidé la Caisse, je connais un peu l'établissement et ses filiales. Pendant plusieurs mois, une grande inquiétude a soufflé sur la CNP : M. Henri de Castries, patron d'Axa et proche de certaines personnes que je ne connais pas autant que vous,…
M. de Castries, donc, s'est déclaré publiquement candidat au rachat. Avec, d'un côté, les fonds d'épargne et, de l'autre, des filiales spécialisées dans l'assurance vie, donc dans l'épargne, il y a de quoi exciter la concurrence européenne. D'ailleurs, on sait déjà que Allianz, les AGF et Generali sont aussi candidats. Axa n'est donc pas sûr de parvenir à ses fins et cela finira comme d'habitude. Pour l'instant, restons-en au constat qu'il s'agissait encore d'une attaque.
On nous a encore parlé de fonds souverains, alors que la Caisse des dépôts est historiquement un fonds de pension. Oui, nous avons en France un fonds de pension, non pas privé mais collectif. La Caisse des dépôts a des actions dans pratiquement la moitié du CAC 40 et dans beaucoup de sociétés cotées dans le monde, mais aussi dans des PME non cotées.
Il faut vous acheminer vers votre conclusion, monsieur Balligand. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah ! Tout de même !
J'ai laissé M. Balligand développer sa démonstration parce qu'elle est de qualité, mais il est temps qu'il conclue.
Eh bien, ce sera ma conclusion, monsieur le président.
Cet établissement, qui transforme de l'épargne liquide en prêts à long terme, qui détient un savoir-faire, qui est au coeur de la République depuis que celle-ci existe,…
En effet, puisque c'est la Restauration qui l'a créée.
…il faut bien sûr le moderniser en y faisant entrer quelques personnalités qualifiées, en évitant toutefois le risque de délit d'initié.
Considérant les ramifications de la Caisse des dépôts, ce ne serait pas très simple.
À travers les articles 39, 40 et 41, vous touchez au financement des missions d'intérêt général dans notre pays. L'argent se faisant rare, il faut l'utiliser correctement, être attentif à bien le transformer.
Le but de cette question préalable était de vous interpeller sur ce sujet, de manière non polémique, mais technique. Vous devez comprendre que, pour beaucoup de collègues – encore une fois, pas seulement de l'opposition –, qui sont maires, présidents de conseils généraux ou régionaux, la transformation de l'épargne liquide en prêts à long terme est une nécessité. Nous vous avons exposé nos arguments de manière responsable et j'espère que vous y répondrez correctement, si possible en adoptant cette question préalable. Dans le cas contraire, puissiez-vous être attentifs aux amendements qui ont été déposés pour consolider les dispositifs actuels tout en les modernisant. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ainsi que du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
L'exposé que nous venons d'entendre m'a tout à fait convaincu de l'utilité qu'il y a à débattre du texte. Dans son intitulé – « loi de modernisation de l'économie » –, les mots ont été particulièrement bien pesés. L'économie change très vite aujourd'hui, à l'échelle mondiale notamment ; pour une part, elle dépend de nous, pour une autre, elle nous oblige à nous adapter, d'où le mot « modernisation ». Et comment s'adapter sinon par la régulation et par la loi ? Les trois termes de cette loi se justifient donc amplement.
Le constat est largement partagé dans notre pays – comme en témoigne encore le remarquable rapport de M. Besson, « France 2025 » – que la principale faiblesse de notre commerce extérieur réside dans un déficit de PME ayant une taille suffisante pour exporter. Comme dans le modèle rhénan, c'est donc d'abord du côté de la politique de l'offre qu'il convient de faire porter l'effort, autrement dit du côté des PME. À cet égard, on me permettra de souligner que le titre Ier du projet de loi, qui traite de la création, du développement, de la transmission, voire du sauvetage des PME, en introduisant des simplifications et en leur accordant des facilités, est en tout point intéressant et justifie que nous en délibérions.
Si le titre Ier s'attache à conforter la politique de l'offre, il ne faut pas pour autant mésestimer la politique de la demande. Là résident deux points délicats et complexes qui méritent attention.
Le premier est la négociabilité des tarifs entre fournisseurs et distributeurs. Que la loi révise les conditions de cette négociabilité en essayant de revenir une bonne fois pour toutes sur les marges arrière constitue une ouverture incontestablement intéressante. Mais cette négociabilité doit être revue à une aune qui n'est pas neutre : suppression des marges arrière, soit, mais dans quel contexte et avec quelle autre régulation ?
Tout le monde sait que le contexte est celui d'une distribution très concentrée dans sept centrales d'achat en face de fournisseurs parfois concentrés quand ils sont mondiaux, mais le plus souvent dispersés s'agissant de PME. Et l'on revient au point de départ. En tout état de cause, la question des contreparties, de l'équilibre dans les termes de la négociation aura toute son importance dans le débat qu'il nous faut ouvrir impérativement sur ce point.
Améliorer la concurrence est une nécessité, mais le faire dans des conditions de transparence, de vérificabilité de la formation des prix et de la transparence des marges n'est pas un objectif moindre. Comment ? Nous serons tous d'accord sur l'objectif qui vise à augmenter le nombre d'opérateurs mais, pour cela, il ne suffit pas d'augmenter les mètres carrés de surfaces commerciales. (« C'est exact ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) À titre indicatif, nous détenons, avec le Royaume-Uni le premier rang s'agissant des hypermarchés ; nous avons trois fois moins de points de vente qu'en Italie mais deux fois plus de mètres carrés. Il y a donc lieu de veiller à ce que la concurrence n'aboutisse pas à concentrer davantage les plus forts, mais à une plus grande diversification de l'offre commerciale.
Cela nous amène au deuxième sujet, l'urbanisme commercial.
En tout état de cause, lorsqu'on veut diversifier l'offre, on ne peut pas se demander qui s'installe sans savoir où l'on s'installe. Depuis vingt ou trente ans, malheureusement, les périphéries de nos villes en attestent, la relation entre le centre et la périphérie de nos cités n'a cessé de se dégrader. Voilà encore une raison pour que nous débattions dans le cadre de ce texte de la question de l'urbanisme commercial. C'est bien un sujet au coeur de toutes nos interrogations.
À l'heure où le Grenelle de l'environnement vient de rendre quelques conclusions – je me souviens notamment de celles du groupe que j'ai présidé sur l'urbanisme et l'environnement –, où les coûts de transport et de déplacement explosent du fait de l'augmentation des prix de l'énergie, il est plus qu'urgent de cesser de traiter séparément l'urbanisme commercial et l'urbanisme général.
Il va bien falloir accepter de traiter ensemble habitat, zones d'activité, zones de services, équipements publics et déplacements. C'est un sujet central qui nous occupera également dans ce débat.
Une question finira inévitablement par se poser : si l'organisation de la cité de demain doit être revue et corrigée, qui a la légitimité pour en décider sinon les élus communaux et intercommunaux – car le périmètre des services commerciaux déborde le plus souvent le périmètre communal ? C'est un débat que nous devons avoir également dans le cadre de ce projet de loi. Entre SCOT et PLU, le problème pourrait apparaître technique. Or il est éminemment politique et c'est la raison pour laquelle nous devons nous en saisir aujourd'hui, grâce à la LME dont, je le répète, il faut saluer le contenu avant d'en débattre en détail.
Le groupe UMP repoussera donc la question préalable pour faire progresser nos réflexions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, ainsi, moderniser l'économie, ce serait permettre aux banques de se saisir de 30 % des encours de l'épargne populaire dans notre pays !
Décidément, le mot « moderniser » est mis à toutes les sauces. Nous y reviendrons sans doute à plusieurs reprises au cours de ce débat.
Notre collègue Jean-Pierre Balligand a, de façon très pertinente…
Sa modestie va en souffrir. (Sourires.)
M. Balligand, allais-je dire, a mis en évidence la question difficile de la banalisation du livret A. Les sommes ne sont pas minces. On parle en centaines de milliards. Le livret A représente 140,5 milliards. Ce n'est pas rien ! Tandis que le livret de développement durable représente 60 milliards d'euros. Ce n'est pas rien non plus !
Ces sommes sont extrêmement importantes et M. Balligand a sans doute eu raison d'appeler à dépasser les clivages politiques, si j'en juge par un article paru dans un quotidien, qui n'est pas mon journal habituel : « Les associations d'élus locaux inquiètes pour le logement social », signé notamment par Marc Censi, président de l'Assemblée des communautés de France, Jacques Bigot, président de l'Association des communautés urbaines de France, Michel Destot, président de l'Association des maires et grandes villes de France, et André Laignel, secrétaire général de l'Association générale des maires de France. Cela montre bien l'inquiétude ! L'article évoque la mise en danger de deux services d'intérêt général reconnus par Bruxelles : l'accessibilité bancaire et le financement du logement social.
Dans le même journal, Les Échos, je trouve sous la signature d'un journaliste : « Au-delà des commissions qu'il génère, le livret A constitue un instrument commercial important. Produit d'appel très populaire, il offre des contacts avec des millions de clients, avec la perspective de leur offrir des services supplémentaires. Les banques visent en priorité les plus gros livrets, les quelque 9 % dont l'encours dépasse 2 500 euros et qui représentent 61 % des encours globaux, notamment ceux qui sont au plafond, pour lesquels, affirme un banquier, “une commission de 0,1 % suffirait”. » Cela montre tout l'intérêt que porte le monde bancaire à ce secteur.
C'est un vieux rêve des banques que de mettre la main sur ce pactole. Comme l'a rappelé M. Balligand tout à l'heure, la décision de ne pas attendre que Bruxelles ait terminé l'examen de ce dossier est lourde de conséquences. Pourquoi ? Il y a, en effet, un risque de siphonnage – c'est le mot qu'a utilisé notre collègue. Les banques ont envie de mettre la main sur ces dizaines de milliards.
Madame la ministre, je vous avais interrogée, il y a quelques jours, sur un article signé par un autre grand de ce secteur, M. Jean Peyrelevade, paru dans un quotidien dont je ne rappellerai pas le nom. Dans votre réponse, vous aviez laissé entendre que M. Jean Peyrelevade ne connaissait pas bien le dossier. Je laisserai mes collègues juges.
Il existe également un risque de fragilisation de la Banque Postale : la remise en cause de son statut ébranlerait, en effet, le réseau postal dans son ensemble.
Un certain nombre de secteurs d'intérêt général peuvent pâtir également de votre réforme. M. Balligand a parlé de la politique de la ville, des hôpitaux, des universités : dans tous ces secteurs, des investissements sont socialement utiles et économiquement nécessaires. J'ajouterai le secteur des infrastructures de transports, pour lequel nous aurons, dans les années qui viennent, des besoins importants d'investissements. Vous allez sans doute proposer, dans les prochains mois, de faire appel au partenariat public-privé, alors que l'on dispose, avec la Caisse des dépôts et ses encours, de possibilités de prêts à long terme, ce qui permet de couvrir, pour une période relativement longue, les besoins de notre pays dans ce domaine.
Nous sommes face à un risque d'accaparement de l'épargne populaire par les banques, comme il existe une volonté d'accaparement des fonds de protection sociale des retraites par d'autres intérêts financiers, quelquefois les mêmes.
La question préalable défendue par M. Balligand est donc pour nous éminemment pertinente. C'est la raison pour laquelle nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, M. Balligand a posé une question préalable, de grande qualité, sur l'évolution du livret A.
M. Piron a indiqué, au début de son intervention, qu'il était d'accord avec ce qu'avait pu énoncer M. Jean-Pierre Balligand. Mais, par la suite, j'ai eu l'impression qu'il parlait de tout autre chose et qu'il répondait à une question qui n'avait pas été posée.
Nous allons soutenir la question préalable défendue par M. Balligand…
Vous vous en doutiez, c'est bien, mais nous aimerions que vous écoutiez nos arguments. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous les avez écoutés, mais peut-être ne les avez-vous pas entendus !
Le système actuel est plébiscité par 50 millions d'épargnants, par l'ensemble des acteurs du logement social et même envié par un certain nombre d'acteurs politiques européens.
Le cadre dans lequel nous sommes nous permet globalement de financer le logement social depuis des dizaines d'années. Nous nous situons dans une configuration qui permet d'envisager l'avenir en toute clarté pour financer la politique de la ville. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La Caisse des dépôts est le bras séculier de la puissance publique. Dans cet hémicycle, il y a une semaine à peine, on parlait de la revalorisation du rôle du Parlement. Jean-Pierre Balligand a justement fait remarquer tout à l'heure que le fait que vous proposiez d'amoindrir le contrôle du Parlement sur la Caisse des dépôts est néfaste.
Dans ce texte, où l'on parle de modernisation, vous nous proposez de passer d'un système clair, transparent et efficace à un système opaque, dont la fiabilité n'est pas assurée.
Nous discutons de l'évolution de la loi. Pouvez-vous nous donner l'assurance que le système que vous nous proposez sera meilleur que le système actuel ?
J'aurais aimé, puisque l'on parle beaucoup de logement social ce soir, que Mme la ministre du logement, qui devrait présenter une loi importante sur ce sujet d'ici à quelques semaines ou à quelques mois, soit présente pour défendre l'évolution du financement. Sinon, si les mécanismes de financement sont insuffisants, notre débat sera un peu vain. S'il devait y avoir une évolution des mécanismes de financement du logement social, peut-être aurions-nous dû en discuter dans le cadre du logement social, et non dans un texte très généraliste, traitant de sujets très divers.
En ce qui concerne la distribution du livret A, nous précipitons une décision qui n'est nullement demandée par la Commission européenne. Quelles améliorations seront apportées aux cinquante millions d'épargnants actuellement titulaires d'un livret A ? Quelles améliorations concrètes retireront les petits détenteurs d'un livret A du système proposé ?
En ce qui concerne la décentralisation de la collecte – cela a été dit clairement par Jean-Pierre Balligand tout à l'heure –, nous sommes dans un système d'intérêt général, qui doit être maintenu. Mais il risque d'être attaqué par le système que vous nous proposez.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous avons déjà entendu tout cela !
En ce qui concerne l'accessibilité bancaire (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), …
Je vous prie de conclure, mon cher collègue. Il ne vous reste que trente secondes !
…la spécialisation des réseaux que vous nous préparez nous laisse le sentiment que vous devriez réfléchir plus profondément à l'ensemble de cette proposition.
Comme cela a été dit sur divers bancs de notre assemblée et dans tout le pays, les articles 39 et 40 portant modification du livret A laisse planer un certain nombre d'inconnues.
Nous espérons, chers collègues, que vous adopterez la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mes chers collègues, j'ai trouvé l'intervention de M. Balligand extrêmement intéressante.
Plusieurs députés du groupe Nouveau Centre. C'est vrai !
Si intéressante, d'ailleurs, qu'il a lui-même donné des arguments pour repousser la question préalable.
Pourquoi ? Parce que les questions qu'il soulève sont tellement importantes qu'il est urgent d'attaquer le texte. Sinon, nous n'aurons jamais le plaisir et l'honneur de trancher ces questions.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre repoussera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur Balligand, je tiens à vous répondre sur quelques-uns des points que vous avez évoqués.
Je veux surtout dissiper un malentendu. Loin de nous, bien sûr, l'idée de remettre en cause le système. Loin de nous l'idée de préparer un « siphonnage ». Et loin de nous l'idée de préparer le lit des banques, comme si elles allaient soudain se repaître d'un produit d'épargne aussi avantageux.
Je voudrais vous rappeler un élément qui me paraît important du point de vue de nos concitoyens : la situation actuelle des marchés financiers. Je ne voudrais pas laisser accréditer l'idée selon laquelle les marchés financiers seraient actuellement dans un désarroi grave. Nous sommes au contraire, actuellement, en train d'observer un début de régularisation et de rétablissement, en particulier en ce qui concerne les prêts interbancaires. Je crois qu'il ne faut pas s'alarmer. La finance française n'est, aujourd'hui, ni dans la masse ni dans la nasse, pour reprendre l'expression que vous avez utilisée tout à l'heure.
Monsieur Brard, je ne dis pas que tout va bien, mais je ne veux pas qu'on laisse accréditer l'idée selon laquelle les marchés financiers seraient aujourd'hui en désarroi.
On peut au contraire se flatter, en France, d'avoir, grâce à un système de régulation et de supervision extrêmement efficace, les conditions qui permettent le rétablissement.
Il n'est pas question de remettre en cause le livret A, ni le livret de développement durable, pas plus que le rôle centralisateur de la Caisse des dépôts et consignations ou le financement du logement social.
Je me réjouis que, grâce à l'extraordinaire connaissance que vous avez de ces matières, compte tenu des fonctions qui ont été les vôtres, monsieur Balligand, nous aurons l'occasion d'examiner, point par point, vos propositions au cours du débat.
Je fais observer, au passage, que nous avons souhaité agréger l'ensemble des sommes correspondant à la collecte qui représente environ 200 milliards d'euros et, par un mécanisme de péréquation, en affecter au moins 70 % au logement social et à la politique de la ville, ce qui correspond, du reste, aux besoins actuels.
J'ajoute, par ailleurs que le coefficient de 1,25 qui viendra s'ajouter permettra de répondre aux besoins de financement du logement social, sachant que l'on consacre la part prédominante de cette collecte au logement social.
Pourquoi, me direz-vous, avons-nous procédé à ces modifications ? Il y a, à cela, plusieurs raisons.
D'abord, la Commission européenne a décidé que certaines dispositions du code monétaire et financier ne sont pas conformes au droit communautaire.
Ensuite, M. Camdessus, nommé en juin 2007 – avant le déclenchement de la crise des subprimes en août 2007 – a montré dans son rapport paru en décembre que le mécanisme de collecte et de financement était,selon les conclusions d'un homme pouvant se prévaloir d'une certaine expérience, sinon moribond, du moins peu viable à long terme. M. Camdessus a proposé un certain nombre de solutions que nous n'avons, d'ailleurs, pas toutes retenues, vous l'aurez noté, car certaines ne nous paraissaient pas souhaitables pour le maintien d'une épargne populaire, très appréciée des Français, et s'opposaient au financement du logement social par le biais de la Caisse des dépôts et consignations.
C'est la raison pour laquelle nous avons proposé les pistes de réforme qui figurent dans le projet de loi qui vous est soumis.
Depuis décembre 2007, nous avons travaillé en très étroite concertation avec l'ensemble des parties prenantes, comme le président de la commission de surveillance – M. Michel Bouvard – et les parlementaires qui ont souhaité participer à ces réflexions. Le livret A et le LDD sont maintenus, dans le projet de loi, à des conditions de fiscalité et de liquidité exceptionnelles, et je ne pense pas que les banques pourraient fournir des produits équivalents, à supposer qu'elles aient l'intention de siphonner, comme vous le craignez, la collecte de l'épargne populaire – c'est le point numéro un.
Point numéro deux : il n'est pas question de communiquer aux banques ou à quelque établissement que ce soit les listes des épargnants bénéficiant d'un livret A.
Il n'est pas question de divulguer ces listes !
En revanche, chaque fois qu'une banque ouvrira un livret A pour un de ses clients, elle devra vérifier si celui-ci, conformément à l'engagement sur l'honneur qu'il a pris, n'en détient pas d'autres.
Mais il n'est pas question de donner les listes.
En outre, nous voulons maintenir la politique du financement du logement social et la politique de la ville. J'ai donc le plaisir de vous annoncer que Mme Christine Boutin, ministre du logement, sera à mes côtés, au banc du Gouvernement, lorsque nous défendrons l'ensemble des articles concernés.
Je suis heureuse que nous puissions être ensemble pour les défendre.
Bien entendu, nous maintenons le rôle centralisateur de la Caisse des dépôts et consignations sous le contrôle éminent du Parlement ; nous renforçons même la représentation parlementaire au sein de la commission de surveillance, qui passera de quatre à cinq parlementaires, plus trois personnalités qualifiées, dont deux seront désignées par le président de l'Assemblée nationale et l'autre par le président du Sénat. Le Parlement continuera donc bien à exercer un contrôle parfaitement rigoureux sur l'utilisation de la collecte de l'épargne populaire en faveur du financement du logement social.
S'agissant de l'accessibilité bancaire, il est évident que nous devons la préserver. C'est ce que nous faisons par le biais de la Banque Postale, dont le taux de rémunération continuera d'être plus important que le taux consenti aux autres établissements bancaires. Par ailleurs, la charte permettra de faire pression sur les banques afin qu'elles respectent le droit aux comptes. Je serai, à cet égard, ouverte à tous les amendements relatifs au respect de cette obligation par les banques.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les clarifications que je voulais apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, chers collègues, le projet de loi de modernisation de l'économie est un texte novateur sur le fond comme sur la forme.
Sur la forme, je voudrais saluer votre démarche, madame la ministre, car, avec toute votre équipe, vous avez inauguré le concept de coproduction législative qu'avec le président Copé nous appelions de nos voeux.
À l'issue du rapport Attali, nous avons constitué plusieurs groupes de travail et nous avons proposé d'inscrire différentes dispositions dans le projet de loi.
La philosophie de cette loi est clairement de moderniser notre modèle économique, pour gagner ce fameux point de croissance qui permettra d'augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Patrick Ollier, le président de notre commission des affaires économiques, a rappelé la nécessité de parvenir à « actionner les leviers qui orienteront notre économie vers plus de croissance ». Ces leviers constituent les quatre titres de ce texte.
Le titre Ier – qui mérite que l'on s'y attarde – vise clairement et concrètement à simplifier et à faciliter la vie de celles et de ceux qui entreprennent et qui, par là même, participent très largement à la vie économique de notre pays.
Augmenter notre croissance passe par une mobilisation de l'ensemble de ces acteurs.
Le texte propose de créer – réelle nouveauté – un statut de l'auto-entrepreneur, régime simplifié et libératoire de prélèvement social et fiscal.
Je voudrais appeler votre attention sur le cas des particuliers employeurs – catégorie moins connue – qui génèrent un nouveau type d'activité en plein essor, le service à la personne, et pour lesquels il nous a semblé essentiel d'acter dans la loi le principe du statut. C'est l'objet d'un amendement adopté par notre groupe.
Nous avons également souhaité préciser les fonctions des CFE dans leur rôle d'intermédiaire indispensable entre les entrepreneurs et les administrations.
L'article 5 nous a conduits à rouvrir le débat sur la protection du patrimoine du chef d'entreprise. La loi de 2003 avait reconnu l'insaisissabilité de la résidence principale. À cet égard, madame la ministre, je considère que nous pouvons aller plus loin car retenir une protection de l'ensemble du patrimoine foncier bâti et non bâti n'est qu'une partie du chemin. Il est grand temps d'aller au bout de la démarche. C'est le sens d'un amendement – notamment cosigné par Serge Poignant – adopté à l'unanimité de la commission, lequel prévoit une séparation nette des deux patrimoines, permettant la reconnaissance et l'examen, chaque année, du patrimoine d'affectation, ce qui est beaucoup plus clair.
Par ailleurs, les entrepreneurs individuels participent à double titre à la croissance par leur activité économique et quand ils font le choix de réinvestir tout ou partie de leurs bénéfices dans l'entreprise.
Aujourd'hui, cette démarche n'est pas encouragée sur le plan fiscal. Il nous paraîtrait beaucoup plus juste, dans ce cas, de ramener la base des cotisations sociales et fiscales au montant des revenus réels, et c'est le sens d'un amendement que nous avons voté en commission. Certes, nous ne méconnaissons pas les enjeux financiers d'un tel amendement. Pour autant, c'est une démarche vers plus d'équité et, surtout, vers plus d'investissement au service de l'entreprise. Il y a là un chemin qu'il est grand temps d'explorer.
À l'issue de l'article 5, nous aurons à débattre d'un amendement que nous avons adopté en commission, lequel vise à exclure la surévaluation de 1,25 de l'assiette de l'impôt pour les entreprises qui utilisent un expert comptable indépendant pour la délivrance du visa fiscal.
Étant à l'origine de cet amendement, je voudrais vous dire dès maintenant que tous les échanges que j'ai pu avoir à ce sujet me conduiront à revoir ma position, tant il me paraît indispensable de bien analyser les missions de chacun, notamment la volonté de transparence des entreprises adhérentes de ces centres et associations de gestion agréés.
Pour les délais de paiement – autre aspect important de ce projet de loi – Jean-Paul Charié reprend dans son rapport les propos de Geoffroy Roux de Bézieux : « les délais de paiement représentent un des plafonds de verre les moins connus qui empêchent le développement de nos PME ».
L'une des causes de la fragilité de nos entreprises réside dans la trésorerie et, plus spécifiquement, dans les délais de paiement, qui sont de soixante-sept jours en moyenne en France contre cinquante-sept en Europe.
Dans le cadre du suivi du rapport Attali, les députés du groupe UMP ont proposé l'idée du délai maximum de trente jours calendaires, à compter de l'émission de la facture. C'est là aussi une véritable avancée pour la trésorerie.
Une autre innovation de ce texte réside à l'article 7, qui entérine le principe d'un Small Business Act à la française. Nombre de vos prédécesseurs en ont évoqué l'idée ; vous, madame la ministre, vous la réalisez et je vous en félicite.
Je voudrais rappeler que, en 2006, la part relative des PME dans les marchés passés par l'État s'élevait en France à 12 % et à 23 % aux États-Unis.
Favoriser l'accès des PME innovantes à la commande publique, c'est encourager la recherche et le développement dans notre pays.
Dans notre démarche de simplification du fonctionnement des PME, nous avons proposé plusieurs amendements adoptés par la commission relatifs à la limitation au seul conjoint collaborateur du chef d'entreprise de l'inscription auprès des organismes habilités à enregistrer l'immatriculation de l'entreprise, ainsi qu'à l'élévation du seuil du nombre de salariés pour l'utilisation du chèque emploi-service.
Vous nous proposez dans votre texte de revoir les missions des commissaires aux comptes dans les sociétés par actions simplifiées. Notre commission a retenu la proposition, plus équilibrée, du rapporteur, qui consiste à adapter les diligences aux petites entreprises par une norme adaptée, et une moindre facturation, permettant à la fois d'alléger les charges de l'entreprise tout en améliorant leur capacité à se financer.
Le deuxième pilier de la croissance, c'est la mobilisation de la concurrence, qui doit avoir pour corollaire la protection des consommateurs. L'action de groupe, si elle est encadrée, pour éviter les dérives des systèmes anglo-saxons, permet d'assurer une meilleure prise en charge des intérêts individuels ; c'est le sens de notre amendement prévoyant son inscription, très attendue par nos concitoyens, dans le droit français. Il nous semble important d'en acter le principe.
L'article 21, quant à lui, reprend les conditions de négociabilité et renforce la clarté. Les conditions générales de vente regroupent désormais tous les types d'avantages consentis, ce qui apporte plus de clarté et facilite la vérification de la réalisation des obligations du contrat. D'autant que notre commission a adopté un amendement du rapporteur cosigné par trente et un membres de notre groupe, qui précise que la convention unique doit mentionner les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix convenu à l'issue de la négociation commerciale.
Là encore, la coproduction législative a fait son oeuvre ! Nous n'avons qu'un seul objectif : que le consommateur bénéficie réellement des remises de prix !
Dans le souci de protection des intérêts des consommateurs, nous avons proposé plusieurs amendements visant à renforcer les pouvoir et les missions de l'Autorité de la concurrence. J'y reviendrai à propos de l'article 27.
Quant à la modernisation du régime des soldes, nous ne sommes pas opposés au raccourcissement des périodes des soldes, jugées trop longues par les commerçants. Pour autant, la notion de « soldes flottantes » nous semble devoir être légèrement encadrée. Comment les petits commerçants qui connaissent une pointe d'activité à des moments bien spécifiques pourraient-ils résister à une semaine de « soldes flottantes » à une période où ils réalisent une grande partie de leur chiffre d'affaires ?
En ce qui concerne la réforme de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, je vous rappelle, madame la ministre, l'engagement du Gouvernement auprès de notre groupe sur l'augmentation des crédits affectés au FISAC, de l'ordre de 100 millions d'euros. Nous en aurons d'autant plus besoin que nous ferons appel, au détour de l'article 27, au FISAC.
J'en viens donc à l'article 27. Toutes les lois ont montré leurs limites ; c'est la raison pour laquelle notre pays connaît de telles concentrations aujourd'hui.
Pour autant notre groupe est particulièrement attaché à ce que nous puissions évoluer vers une prise en compte de l'urbanisme commercial dans l'urbanisme général, d'où notre demande d'un rapport du Gouvernement sur le sujet dans les meilleurs délais, ainsi que le propose l'excellent amendement de Didier Piron. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Car, à nos yeux, la vraie réforme réside dans notre capacité à apprécier l'équipement commercial à l'échelle du bassin de vie. C'est pour cela que, dans l'attente du rapport, il nous semble important que les élus puissent être associés au développement de leur bassin. C'est le sens des trois amendements que nous avons déposés : l'excellent amendement du président Ollier sur le renforcement du droit de préemption et son corollaire, la prise en charge par le FISAC des intérêts d'emprunts ; l'amendement que j'ai déposé sur la saisine de l'Autorité de la concurrence ; l'amendement, enfin, de Christian Jacob, visant à permettre aux maires ou aux présidents d'EPCI de saisir, lorsque les implantations sur le territoire le justifient à leurs yeux, la commission départementale d'équipement commercial. Les mille mètres carrés ne sont pas un sujet tabou, et nous sommes prêts à en discuter ; en revanche, soyons clairs, nous sommes très attachés à ces amendements, qui nous permettent de donner tout leur sens à l'article 27.
Laure de la Raudière évoquera dans son intervention l'attractivité de nos territoires au service de la croissance. Je voudrais pour ma part souligner que, dans ce domaine, notre mobilisation doit être d'autant plus importante que, si nous avons en effet besoin de l'accès au très haut débit, dans certains territoires, comme dans ma circonscription, à seulement quarante-cinq minutes de Paris, le sujet pendant reste encore l'accès à l'ADSL. (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Donc, oui au très haut débit, mais n'oublions pas la couverture de l'ensemble du territoire par l'ADSL. C'est aussi un enjeu de concurrence et de compétitivité extrêmement important.
En matière d'attractivité, nous connaissons également l'importance du foncier, notamment dans les agglomérations, où il constitue souvent un enjeu financier. Or de nombreuses collectivités sont malheureusement confrontées au problème des friches de l'État, notamment les friches militaires qui constituent un risque de double peine : la suppression d'une activité et le gel d'un terrain pollué, donc inutilisable. C'est la raison pour laquelle nous proposons, dans un amendement adopté par la commission, que les terrains puissent être cédés nets de dépollution, à charge pour l'acquéreur de s'acquitter de cette tâche, ce qui permettra de remettre ces terrains à la disposition des acteurs économiques.
Michel Bouvard interviendra dans un instant sur la question des financements pour la croissance. Je soulignerai quant à moi l'intérêt de l'amendement porté par notre collègue Christian Jacob et par près d'une centaine de cosignataires de notre groupe, lequel vise à imposer à l'État les mêmes obligations que celles incombant aux entreprises privées quand elles ferment un site, à savoir des études d'impact permettant d'anticiper les restructurations de ces territoires.
Enfin, madame la ministre, nous ne comprendrions pas que le livret A ne conserve pas sa dimension populaire et qu'il ne puisse plus contribuer au financement du logement social. Vous vous êtes déjà exprimée sur le sujet, mais sachez que, pour notre groupe, il est essentiel d'avoir la garantie que le livret A restera dédié au financement du logement social.
Ce projet de loi constitue une véritable avancée pour la modernisation de notre économie. En permettant une augmentation de la croissance, il offre à nos concitoyens un meilleur pouvoir d'achat.
Vous avez su innover sur la méthode et vous avez ouvert une voie dans laquelle nous espérons que vos collègues vous suivrons pour les textes à venir. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, chers collègues, l'intitulé du projet de loi qui nous est présenté, « modernisation de l'économie », suppose une transversalité des mesures proposées. Cet ensemble, assez technique, d'une quarantaine d'articles comporte trente mesures censées agir sur l'offre et la demande.
Mais seuls deux articles sur quarante-huit, les articles 29 et 30, sont consacrés au numérique, plus particulièrement au développement de l'accès au très haut débit par déploiement de la fibre optique et aux technologies de l'information et de la communication. Or ces deux articles sont passés quasi inaperçus dans les analyses faites par la presse généraliste.
Est-ce parce qu'ils sont insignifiants, ou plutôt parce qu'ils sont isolés de leur contexte ? Cette seconde solution est plus probablement la bonne, car le sujet mérite une approche globale qui prenne en compte la problématique des réseaux, des infrastructures, des contenus, des usages et de la gouvernance.
Parallèlement à ce débat, vous organisez des assises du numérique. Pourquoi, dès lors, ne pas attendre les conclusions de ces assises pour proposer une stratégie d'ensemble beaucoup plus lisible ou pourquoi ne pas avoir organisé ces assises en amont de l'examen du texte ?
Je suis d'accord pour dire que le déploiement de la fibre est une urgence, mais la réflexion sur les contenus, les usages et la gouvernance l'est tout autant. Nous avons besoin de visibilité et d'une stratégie à long terme sur le sujet. Quand et comment allez-vous donc intégrer les conclusions des assises du numérique, mais aussi les réflexions du groupe de travail dirigé par Pascal Faure ou encore, puisqu'elles existent, les propositions du rapport Attali ?
Quel est votre calendrier ? Quelle est votre méthode ? En deux mots, pourquoi ces deux articles ici et maintenant ?
Je pense qu'il aurait été utile que nous ayons ensemble, à l'Assemblée nationale, une réflexion globale sur le sujet et pas seulement limitée aux seules infrastructures.
Le déploiement du très haut débit en fibre optique est un des grands chantiers des années à venir pour la France, pour les citoyens, mais aussi pour les entreprises qui travaillent dans le domaine des réseaux et contenus. C'est un secteur qui connaît, certes, une progression de marché, mais qui, dans le même temps, opère des restructurations, et cela mérite réflexion de notre part.
Le très haut débit s'appuie sur des réseaux entièrement nouveaux, et la fibre optique constitue ainsi un enjeu économique et financier considérable, comparable au déploiement du téléphone dans les années soixante-dix. C'est « dans ces tuyaux », entre guillemets, que passera l'Internet à très haut débit permettant l'échange de données plus rapides et plus lourdes, et donc de nouveaux usages.
Il s'agit en théorie d'équiper à terme l'ensemble des bâtiments jusqu'au domicile des abonnés. Nous devons cependant être extrêmement vigilants pour que le déploiement de la fibre ne soit pas limité aux seules zones urbaines et donc rentables. Qu'en sera-t-il des zones à faible densité ? Il y a là, si on n'y prend garde, un risque majeur de nouvelle fracture numérique, et donc de concurrence accrue entre les territoires.
Chacun doit, à mon sens, avoir un droit d'accès au numérique avec des réseaux bien dimensionnés et équitablement répartis sur le territoire. Or n'oublions pas que la couverture du territoire en haut débit n'est pas achevée à ce jour, puisqu'il reste environ de 2 à 3 % des foyers non éligibles, répartis sur 20 % du territoire.
Derrière l'enjeu du très haut débit, il y a aussi l'enjeu de l'affectation du dividende numérique. Il s'agit là d'un choix politique et, dans un souci d'aménagement du territoire, je plaide pour qu'une part importante soit affectée à la couverture numérique du territoire.
L'important dans ce débat sur le numérique est aussi de promouvoir de nouveaux usages. Il faut que les infrastructures et les réseaux apportent des services répondant à des besoins, par exemple d'intérêt général, en simplifiant la vie quotidienne, et qu'ils ne servent pas seulement aux jeux et aux divertissements. Cela doit requérir toute notre attention.
Il est donc nécessaire de mettre en oeuvre une politique publique en faveur des infrastructures, des contenus et des usages afin d'orienter l'effort de recherche et développement et d'innovation vers des champs d'application pertinents et utiles à l'ensemble des citoyens.
La technologie ne se suffit pas à elle-même. Il faut oeuvrer pour le croisement des filières « technologie de l'information et de la communication » avec l'e-administration, avec la santé, l'éducation, les PME ou encore avec le développement durable et les transports.
Je voudrais également faire une remarque plus générale que j'avais déjà formulée lors des débats sur la loi Chatel relative à la concurrence au service des consommateurs. La recherche du prix toujours plus bas pour le consommateur peut avoir à terme des effets pervers sur l'ensemble d'une filière et donc sur les emplois qui en découlent – je pense notamment aux relations entre opérateurs et équipementiers, lesquels sont soumis à la forte concurrence de pays non membres de l'Union européenne. Face aux menaces de délocalisation vers des pays à bas coût de main-d'oeuvre, l'une des solutions est de disposer en France et en Europe d'une avance technologique garantissant la compétitivité. C'est tout l'enjeu de l'économie numérique, moteur de croissance.
En guise de conclusion, je poserai une question : le numérique, qui mérite une approche globale mais aussi du volontarisme politique, fera-t-il partie des grandes priorités de la présidence française de l'Union européenne ?
Je regrette que ce texte n'offre guère sur le sujet de stratégie globale, car une vue d'ensemble est toujours préférable à une approche parcellaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame et messieurs les ministres, ce projet de loi affiche l'ambition de « moderniser notre économie ». Passons sur l'usage que vous faites du terme « moderniser » : en réalité, tous vos textes visent à adapter notre pays, nos concitoyens, nos entreprises, nos collectivités locales, notre socle social, aux exigences du capitalisme mondialisé.
Monsieur Novelli lui-même indique que ce texte est la version entrepreneuriale du « travailler plus pour gagner plus », qui vise à « plus d'entreprises et plus de concurrence ».
Tout à fait !
Car, derrière un texte « fourre-tout », du moins en apparence, parlant de la libération de la croissance et des énergies, de la sortie de l'économie administrée, votre fil rouge demeure, avec une philosophie et des objectifs politiques que nous ne saurions cautionner.
Et pourtant, qui ne souscrirait à l'objectif de faciliter le développement d'entreprises petites et moyennes dans notre pays ? Pour avoir souvent regretté l'insuffisance de notre tissu de PME et de PMI, je ne peux que vouloir améliorer réellement la situation.
Nous avons souvent dénoncé ici les conditions d'accès au crédit pour ces entreprises, les liens de subordination qui les amènent souvent, alors qu'on les dit « indépendantes », à être en réalité totalement dépendantes de celles qui ont suscité leur création, avec ce que cela signifie de danger pour l'avenir de ces entrepreneurs.
Nous avons aussi soutenu les décisions visant à faciliter leur travail administratif. Qui ne souscrirait, en effet, à l'idée qu'il faut simplifier la vie des artisans, des commerçants, des entrepreneurs indépendants, dont le tissu est essentiel pour répondre aux besoins de la population, en particulier en services de proximité, essentiels à l'activité de nos territoires ?
Très bien !
Mais, monsieur Novelli, votre texte ne vise pas cela, même si, bien évidemment, certains de ses articles proposent des mesures de bon sens que nous approuvons.
Comment accepter qu'une surface commerciale de plusieurs centaines de mètres carrés puisse ouvrir sans passage en commission départementale, tuant ainsi des dizaines de petits commerces ? Par ailleurs, monsieur Novelli, vous faites référence à la loi TEPA ! Faut-il rappeler que la promesse d'un pouvoir d'achat revalorisé pour ceux qui seraient prêts, ou contraints par leur employeur, à travailler plus pour quelques euros supplémentaires n'a pas été tenue ? Les bas salaires pèsent dans notre pays, menant à une réelle précarité et, phénomène nouveau, la vie devient de plus en plus difficile même pour les classes moyennes.
Le nombre de créations d'entreprises est en hausse de façon continue depuis le début des années 2000, mais cela n'empêche pas un chômage persistant, une précarité montante et un accroissement des inégalités visible et inquiétant.
En 2006, 40 % des nouveaux entrepreneurs étaient d'anciens chômeurs. Nul doute que, si certains souhaitent se mettre à leur compte, d'autres en sont réduits à l'entrepreneuriat contraint, avec le risque lourd d'un retour, non pas au chômage, mais à une situation encore plus précaire.
Ainsi, selon l'Observatoire des inégalités, alors que les indépendants représentent 9 % des actifs, le taux de pauvreté dans leur catégorie est de 11 %, soit deux fois le taux moyen en France ; en fait, un actif pauvre sur cinq est un travailleur indépendant.
Et alors qu'il faudrait sécuriser ces entreprises, vous supprimez le recours obligatoire aux commissaires aux comptes !
Et le durcissement des conditions de l'indemnisation du chômage n'est pas pour rien dans l'augmentation du nombre de créations d'entreprises par des chômeurs, avec les risques que cela fait courir d'un échec supplémentaire pour beaucoup d'entre eux.
Cet accroissement de la création des entreprises est donc aussi le reflet des difficultés sociales dans un pays malade de son manque d'emplois, de la course à la rentabilité acharnée à laquelle se livrent de nombreuses entreprises, et des suppressions d'emplois qui vont avec.
Ainsi, dans votre article 3, vous permettez à des personnes salariées, à temps plein ou partiel ou retraitées, de déroger au droit commun en créant leur activité indépendante : est-ce là votre réponse aux revendications de nombreux actifs et retraités dans ce pays ? Vous êtes caissière à temps partiel dans un hypermarché, payée moins de 1 000 euros par mois ? Créez votre entreprise ! Vous êtes retraité de la fonction publique, avec moins de 1 000 euros par mois ? Créez votre entreprise ou travaillez comme remplaçant comme, par exemple, dans l'Éducation nationale ! Est-ce là la société moderne que vous voulez ? Est-ce là la modernisation de l'économie dont vous nous parlez ? Vivre pour travailler, seul moyen de s'en sortir avec un revenu décent ?
Car, dans ces TPE, on ne compte pas ses heures, et, dans le petit commerce notamment, beaucoup, pour tenir, travaillent dix à douze heures par jour, si ce n'est plus ! C'est sans doute cela aussi la « modernisation » des conditions et des horaires de travail, avec l'extension du travail le dimanche, sa banalisation, l'appel à la création de plus de grandes surfaces..., sans oublier l'actualité, avec la flexibilisation du temps de travail et, au bout, l'alignement de notre pays sur la durée européenne de quarante-huit heures. Vous acquiescez, monsieur Novelli !
Ce texte est bien fidèle à votre logique libérale, celle dont je parlais au tout début de notre propos, celle qui éclaire tous vos projets. C'est pour cela que, bien évidemment, nous ne l'approuverons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, votre projet de loi arrive à un moment où l'opinion publique est à la fois sceptique quant à la capacité du Gouvernement et du Parlement d'intervenir efficacement dans le domaine du pouvoir d'achat…
Vous avez remarqué ! (Sourires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Merci, monsieur Brard !
…et à un moment où les nerfs de nos concitoyens sont à vifs en ce qui concerne la hausse des prix. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En effet, l'augmentation du coût des matières premières agricoles impacte de manière lourde le prix des produits alimentaires. Les prix alimentaires augmentent à un rythme inconnu depuis vingt ans. L'inflation dans le secteur alimentaire a atteint 4 % entre janvier 2007 et janvier 2008. Nous avons lu l'étude de l'Institut national de la consommation pointant que les prix des beurres, yaourts, pâtes, céréales et riz se sont envolés de 5 % à 48 % entre novembre 2007 et janvier 2008.
Et puis parlons vrai : les modes de consommation ont changé : des dépenses qui n'existaient pas par le passé sont venues prendre leur place parmi les dépenses incompressibles. Les Français investissent désormais massivement dans les outils de communication et de divertissement – télévision, téléphone, Internet, jeux vidéo etc. –, ce qui met encore plus sous tension le pouvoir d'achat alimentaire.
Trop de foie gras et trop de caviar ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Redonner du pouvoir d'achat aux Français, voilà le grand défi à relever.
Ce projet de loi est découpé en quatre grands volets. Mes collègues commissaires aux finances Charles de Courson et Philippe Vigier vous exposeront la position de notre famille politique sur les deux axes réservés à l'entreprise. Pour ma part, je me concentrerai sur les deux autres axes majeurs de ce texte : celui visant à relancer la concurrence et celui visant à renforcer l'attractivité de notre territoire par l'installation du très haut débit en fibre optique.
Concernant la réforme des relations commerciales, nous approuvons le coeur de l'article 21 qui poursuit la réforme engagée par la loi Chatel portant suppression des marges arrière et la mise en place du « triple net. ». Nous l'avons toujours dit au Nouveau centre : la loi Galland a abouti à des dérives aux effets ravageurs ! Les marges arrière ont été un des nids de la corruption à la française ! Elles ont créé un système malsain où le prix du produit n'avait plus sa place dans la négociation.
En effet, elles ont permis des ententes entre les grands industriels et les grands distributeurs à un niveau de prix élevé, au détriment du pouvoir d'achat du consommateur. Il y a là une des raisons centrales expliquant le niveau des prix en France, sensiblement plus élevé que ceux des pays de l'Union européenne à l'économie comparable à la nôtre.
Nous le disions déjà en 2005 et nous le redisons aujourd'hui, madame la ministre, avec la même obstination que Caton l'Ancien devant la permanence du danger carthaginois : les marges arrière doivent être détruites, Retro commissio delenda est ! (Sourires.)
Dès le mois de novembre, lors de la discussion de la loi Chatel, notre groupe avait été le premier à dire qu'il y avait une cohérence d'ensemble qui unissait la suppression des marges arrière et l'instauration de la négociabilité des tarifs de manière différente pour chaque fournisseur.
Que ce soit les catalogues, la place dans les gondoles ou je ne sais quelle autre justification plus ou moins douteuse d'une promotion commerciale, nous pensons que tous ces éléments de négociation doivent trouver leur place dans la négociation du prix d'achat.
Bref, en matière de lutte contre les marges arrière, au Nouveau Centre, nous avons été des ouvriers de la première heure et nous saluons bien volontiers tous ceux des heures suivantes. (M. Christian Paul s'exclame.)
Si, vous êtes arrivés après nous, monsieur Paul ! Mais, je le répète, nous saluons ceux des heures suivantes !
Madame la ministre, vous vous étiez engagée à aller jusqu'au bout de la suppression des marges arrière ; vous tenez parole, nous vous en rendons acte et nous ne banaliserons pas cet instant qui fera date en matière de droit commercial français.
Parallèlement à ces mesures, vous proposez de réformer le système français de régulation de la concurrence par la création d'une nouvelle autorité de la concurrence. Ce faisant, vous mettez en oeuvre sur ce point les propositions de la commission Attali. Jacques Attali et ses collègues avaient en effet expliqué qu'il était essentiel de créer une autorité indépendante et unique ayant vocation à reprendre les compétences de l'actuel Conseil de la concurrence, tout en disposant de ses propres enquêteurs. La création de cette nouvelle autorité va donc dans le bon sens, même si notre groupe regrette profondément que – sur ce débat – le Gouvernement ait fait le choix d'utiliser la procédure de l'ordonnance. Cette autorité aurait mérité des débats et, au final, une législation faite en direct par le Parlement.
N'ayant pas de visibilité sur ce qu'elle sera précisément, nous restons tout de même vigilants sur ses réels pouvoirs. Le groupe Nouveau Centre a déposé un amendement – adopté en commission – visant à doter cette autorité du pouvoir d'injonction en matière de cession ou de vente de certaines activités, magasin ou surface en cas de position dominante sur une zone de chalandise correspondant à un bassin de vie local.
Nous sommes là au coeur du problème : dans de très nombreux bassins de vie, la grande distribution a fait en sorte qu'il y ait des quasi-monopoles locaux, comme notre rapporteur l'a souligné. Que ce soit par des positions historiques ou par des ententes, le fait est qu'il existe en France des rentes de monopoles locaux sur des zones de chalandise bien précises. Ces zones non concurrentielles représenteraient le tiers du réseau des hyper en France, et seules 27 % des zones de chalandise au niveau des bassins de vie locale peuvent être considérées aujourd'hui comme pleinement concurrentielles.
Le traitement que vous réserverez à cet amendement, madame la ministre, et plus largement à la suppression de ces situations de rentes locales, sera pour nous révélateur de votre volonté réformatrice en matière d'activation de la concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.) Nous serons particulièrement vigilants sur tous les alibis juridiques qui pourront nous être objectés pour nous faire entendre la petite musique du « ça ne marchera jamais ». La solution juridique se trouve ! Elle existe forcément au sein du droit français et du droit communautaire, la concurrence en étant un des principes fondateurs.
Concernant le dispositif relatif aux soldes, le groupe Nouveau Centre soutient votre proposition. Elle est équilibrée entre les moments de soldes communs à tous les commerçants et ceux où chaque commerçant pourra choisir la période de réalisation de ces soldes en fonction de la spécificité de son secteur commercial.
Le projet de loi prévoit en outre une réforme – modeste – de l'urbanisme commercial. Elle se limite, d'une part, à revoir les critères d'appréciation des dossiers afin de mettre notre droit en conformité avec le droit communautaire. Elle relève, d'autre part, le seuil d'éligibilité à la procédure d'instruction de 300 à 1 000 mètres carrés et modifie la composition des CDEC. C'est un bon début, qui aurait certainement dû inspirer une réforme beaucoup plus générale souhaitée, je crois, par toutes les sensibilités de notre assemblée. Encore que… nous verrons !
Le groupe Nouveau Centre est cependant favorable au relèvement du seuil de 300 à 1 000 mètres carrés. Cette mesure va dans le bon sens, d'autant plus que l'acceptation sociale de ces magasins est très forte. En outre, le taux d'acceptation par les CDEC des dossiers entre 300 et 1 000 mètres carrés était supérieur à 90 % dans la période 2004-2007, comme l'ont établi en leur temps les députés « mousquetaires » de l'urbanisme commercial qui rassemblaient dans une mission mémorable Michel Raison, Luc Chatel, Jean-Paul Charié et votre serviteur. Comme je l'ai souvent dit avec un certain succès médiatique depuis que nous avons établi ce résultat : « les CDEC sont des machines à dire oui... lentement ! » Alors je vous en prie, mes amis, ne nous étripons pas sur ce seuil !
Ce nouveau seuil va accélérer la modernisation de notre appareil commercial et simplifiera le travail des CDAC en supprimant l'examen des dossiers les plus petits, pour se concentrer sur l'analyse des dossiers les plus « lourds ». Enfin, il favorisera la concurrence, car ce sont les magasins de cette surface qui sont à même d'apporter rapidement de la concurrence là où il y a monopole local.
Concernant la modification de la composition des CDEC, nous soutenons l'amendement qui supprime la présence du représentant du président du conseil général et du représentant du président du conseil régional, tout en renforçant le pouvoir des élus communaux et intercommunaux. C'est en effet au niveau du bassin de vie que doivent être prises les décisions ! Le contraire reviendrait à politiser ces questions, et nous comptons sur vous, madame la ministre, pour veiller à ce que risque soit évité.
Je défendrai – à titre personnel – un amendement visant à modifier une des dispositions sur le prix du livre. J'ai déposé cet amendement lorsque j'ai appris que les règles en vigueur dans ce secteur de notre économie aboutissaient à la destruction de 80 millions de livres neufs et invendus par an. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous en débattrons, c'est un vrai débat : 80 millions de livres neufs invendus par an vont directement au pilon ! Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un tel dysfonctionnement, en 2008, dans la France du Grenelle de l'environnement !
Enfin, le projet de loi prévoit des mesures destinées à favoriser le déploiement des réseaux à très haut débit en fibre optique. Il s'agit là d'un enjeu fondamental : le très haut débit, c'est le passage à 100 méga. C'est aussi l'émergence d'usages structurants : vidéo à la demande, jeux en ligne, télévision sur Internet... C'est « la » technologie de la décennie avec tous les enjeux que cela peut représenter pour les entreprises, mais aussi tous les risques de fracture territoriale que cela va engendrer. Le déploiement de la fibre en France aurait mérité un débat à part entière. C'est un chantier considérable, représentant plusieurs dizaines de milliards d'euros d'investissement par opérateur.
Il n'y aura pas de déploiement de la fibre sans que certaines conditions de base soient réunies : inciter aux investissements de plusieurs opérateurs, en créant les conditions d'une concurrence réelle et équitable ; promouvoir une couverture optimale du territoire, en permettant une mutualisation des investissements privés ; faciliter les relations entre occupants, propriétaires et gestionnaires d'immeubles et opérateurs pour favoriser un déploiement efficace de la fibre au sein des immeubles ; garantir un accès équitable et non discriminatoire, et sans pénalisation financière, de tous les opérateurs alternatifs au génie civil de France Télécom.
Bref, le groupe Nouveau Centre est évidemment favorable à toutes les mesures destinées à accélérer le déploiement des réseaux de fibre optique dans les immeubles d'habitation, ce que propose la loi.
Cependant, c'est loin d'être suffisant, c'est vrai, monsieur Paul, et nous sommes en désaccord pour ce qui concerne le noeud de raccordement. « Le minimum syndical », je vous en supplie, madame la ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), serait de le prévoir à l'extérieur de la propriété privée contenant le point de raccordement de l'immeuble, et là je m'adresse à M. le secrétaire d'État. La solution la plus audacieuse serait de le prévoir au niveau du noeud de raccordement optique, NRO ; en tout cas, nous ne pouvons nous satisfaire de la solution étriquée du texte.
L'opérateur historique défend une position de concurrence par les infrastructures – position qui se tient, en théorie, pour un réseau qui n'existe pas.
Mais, en réalité, à travers son génie civil – ses fourreaux – et du fait de la propriété du réseau de téléphonie cuivre, France Télécom dispose d'un avantage historique considérable qui, si nous ne prenons pas les bonnes décisions sur la mutualisation, freinera le déploiement des fibres optiques.
Madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, nous avons désormais l'expérience de tels débats et nous voyons bien que, comme d'habitude, les avis sont très tranchés. Pour l'instant, France Télécom ne veut pas entendre parler de mutualisation, hormis en pied d'immeuble. Mais, comme d'habitude, France Télécom finira bien par assouplir sa position, après avoir gagné du temps. Nous espérons que, à la fin de ces débats, nous serons parvenus à un accord plus audacieux.
Enfin, madame la ministre, il y a des sujets que nous ne pouvons plus renvoyer de loi en loi.
Je suis tout à fait d'accord, monsieur le président, et vais m'y employer.
Sur certains sujets, madame la ministre, nous sommes en limite de crédibilité : je veux bien sûr parler de l'action de groupe, du fichier positif et de la mobilité bancaire. Lorsque nous avons examiné la loi Dutreil I, on nous a dit que ces mesures figureraient dans la loi Dutreil II. Au moment de la loi Dutreil II, on nous a promis que ça passerait dans la loi Chatel. Quand la loi Chatel est venue en débat, on nous a assuré que ce serait dans la LME. Cessons de remettre au lendemain, décidons ici et maintenant.
Madame la ministre, votre loi va clairement dans le bon sens, celui de l'augmentation d'une concurrence fortement régulée. Il nous reste maintenant à faire preuve d'audace pour transformer une bonne perspective en une loi qui libérera effectivement un véritable potentiel de croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la loi de modernisation de l'économie dont nous entamons la discussion marque une nouvelle étape dans l'action engagée pour stimuler la croissance, avec, notamment, des mesures en faveur des PME – statut des entrepreneurs, protection de leur patrimoine, réduction des délais de paiement, rescrit social, atténuation des seuils, modernisation du capital-risque, accès des PME aux marchés publics, transmission des entreprises, réponses adaptées aux entreprises en difficulté, développement de l'économie solidaire et du microcrédit, amélioration de la concurrence –, de l'accès au très haut débit internet, des dépôts de brevet et de la fiscalité de la recherche. À l'ensemble de ces mesures, j'apporte, comme Catherine Vautrin l'a fait pour le groupe UMP, mon total soutien.
Mais vous comprendrez que je consacre en priorité mon intervention au titre IV du projet de loi qui concerne la Caisse des dépôts et consignations, placée depuis 1816 « de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative », puisque, depuis dix mois, je préside, au nom de notre assemblée, sa commission de surveillance.
Au préalable, je souhaite saluer la qualité du dialogue conduit avec les parlementaires membres de la commission de surveillance, comme avec l'équipe de direction de l'établissement, autour d'Augustin de Romanet, en liaison avec les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Premier ministre François Fillon s'y était engagé et je vous en remercie, madame la ministre. Ce dialogue a permis de mieux comprendre nos positions réciproques et de lever plusieurs difficultés – dont certaines ont été évoquées tout à l'heure par Jean-Pierre Balligand –, avant même la présentation du projet de loi au Conseil des ministres.
En ce qui concerne la gouvernance, j'avais rappelé lors de l'audition par la commission des finances le 25 septembre 2007, à l'occasion de la présentation du rapport annuel au Parlement, qu'en cent quatre-vingt-onze ans la gouvernance avait largement fait ses preuves puisque aucun incident majeur ne s'est produit et qu'aucune crise grave n'a été constatée. Cela se vérifie encore aujourd'hui, puisque la Caisse des dépôts a su ne pas s'exposer sur le marché du crédit hypothécaire à risque aux États-Unis. Je précisais cependant que ce constat ne devait pas conduire à l'immobilisme.
De même que le groupe a évolué, a revisité périodiquement le coeur de ses missions d'intérêt général au service des priorités du pays, la gouvernance a été régulièrement améliorée et codifiée dans un règlement intérieur dont l'existence va être reconnue grâce à cette loi.
La commission de surveillance va donc voir sa composition modifiée : elle intégrera désormais trois personnalités qualifiées, désignées par les présidents des assemblées parlementaires. Cela permettra de bénéficier des compétences d'économistes ou de dirigeants de société : il faudra, bien entendu, veiller aux éventuels conflits d'intérêts. Je souhaite que ces personnalités puissent inclure un représentant de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, qui pourrait apporter une contribution efficace, notamment en matière d'investissement dans les PME. La commission de surveillance accueillera également un deuxième sénateur : cela permettra, comme j'en ai exprimé le souhait à plusieurs reprises, une représentation de l'opposition de chacune des deux assemblées. L'amendement de la Commission des Finances, déposé à l'initiative de Jean-Pierre Balligand, conforte cette orientation.
Enfin, le projet de loi traduit le départ des Caisses d'épargne du périmètre du groupe et l'évolution de la distribution du livret A avec le retrait du représentant de la CNCE. La commission de surveillance ainsi recomposée permettra de mieux répondre aux problématiques du groupe Caisse des dépôts en s'appuyant notamment sur le travail des comités spécialisés : le comité d'examen des comptes et des risques, le comité des fonds d'épargne et le comité des investissements, dont, avec le directeur général, nous avions suggéré la mise en place après que la Caisse avait dû accroître sa participation dans EADS. Cette proposition a d'ailleurs été reprise dans les conclusions du rapport de la commission des finances, à la suite des différentes auditions qu'elle a effectuées à l'initiative du président et du rapporteur général du budget. Depuis plusieurs mois, nous avons d'ailleurs travaillé avec le directeur général, en préfiguration de ce comité des investissements, sur tous les dossiers sensibles, anticipant le vote de la loi.
Dans ce contexte de consolidation du rôle et du travail de la commission de surveillance, il me paraît précieux de maintenir la représentation de deux membres de la Cour des comptes. Ce n'est pas de la nostalgie, mais la simple constatation qu'ils sont les rapporteurs des travaux des comités spécialisés. J'ai déposé un amendement allant dans ce sens.
La commission de surveillance disposera aussi de compétences externes pour le contrôle avec le concours de la commission bancaire. Je tiens à réaffirmer simplement, mais avec fermeté, que cette intervention de la commission bancaire, dont l'intérêt est réel et ne remet nullement en cause le travail de qualité de la direction des risques et du service de l'audit, ne peut avoir lieu que sous l'autorité de la commission de surveillance. De plus, il appartient à la commission de surveillance de se prononcer sur les suites à donner aux contrôles et aux éventuelles propositions de sanction de la commission bancaire. Au regard des dispositions de la loi de 1816, nul ne peut en effet avoir d'autorité sur la Caisse des dépôts que le Parlement. De même que, dans un souci de clarté des responsabilités, l'exécutif relève pleinement et exclusivement du directeur général, la tutelle sur la Caisse ne peut être fractionnée. C'est la raison pour laquelle j'ai été amené à déposer un amendement concernant le dispositif de contrôle anti-blanchiment, proposé avec Daniel Garrigue. Jean-Pierre Balligand a déposé le même amendement et la commission des finances a bien voulu les adopter.
Je souhaite que, à propos de cette question, nous trouvions une rédaction satisfaisant à la fois à la volonté du Parlement et à la préoccupation du Gouvernement, puisque ce travail n'est plus effectué par l'Inspection générale des finances qui s'en était fort bien acquittée jusqu'à ce jour.
La loi va également préciser les missions de la Caisse des dépôts en officialisant son rôle « d'investisseur à long terme qui contribue dans le respect de ses intérêts patrimoniaux au développement des entreprises ». Je me réjouis de cette disposition, qui consacre tout d'abord le caractère « long-termiste » de la Caisse en tant qu'investisseur. C'est sa principale originalité par rapport aux autres établissements financiers et c'est une force pour le pays. Au moment où les engagements dans les sociétés sont consentis pour des délais de plus en plus courts, au moment où le pays doit répondre à des défis qui supposent des politiques s'inscrivant dans la durée, la Caisse est l'acteur qui peut accompagner celles-ci.
En arrêtant, à l'initiative du directeur général, son plan stratégique, avec lequel la commission de surveillance a marqué son accord, la Caisse s'est fixé quatre objectifs : le logement ; l'économie de la connaissance ; le développement durable ; l'accompagnement des PME.
Les entreprises sont donc aujourd'hui confirmées comme un secteur prioritaire d'intervention de la Caisse. C'est ce qu'avait souhaité le chef de l'État, soucieux d'affermir dans notre pays l'activité des centres de recherche et de décisions des grands groupes, car c'est un facteur de croissance et d'emplois. Je mesure l'importance de cet enjeu et l'exigence de réactivité de la Caisse.
Cette orientation, nous l'avons aussi anticipée en travaillant depuis plusieurs mois sur les doctrines d'investissement et d'actionnaire de la Caisse, dans le respect des règles de l'Union européenne.
L'autre grand sujet du titre IV est l'ouverture de la distribution du livret A. C'est en 1837 que la Caisse des dépôts a centralisé l'ensemble des ressources de l'épargne réglementée. Là aussi, l'institution qui agit pour le compte de l'État n'a pas failli à sa mission en assurant dans la durée la transformation d'une épargne liquide immédiatement disponible en prêts à long terme, principalement au bénéfice du logement social.
Je souhaite saluer le travail de la direction des fonds d'épargne et du comité présidé aujourd'hui par notre collègue Daniel Garrigue.
La Caisse était attachée au mode de distribution du livret A. Toutefois, face à la multiplication des contentieux entre la France et l'Union, je considère que le statu quo, dont l'issue était au demeurant incertaine, rendait légitime une évolution. À Vandoeuvre-lès-Nancy, le Président de la République a fixé le cadre de la réforme : il fallait concilier une ressource abondante, une ressource bon marché et la non-fragilisation des réseaux distributeurs actuels, avec le maintien du rôle d'accessibilité bancaire du livret A. Chacun peut se retrouver sur ces objectifs et je partage moi-même ces orientations.
Le coût de la ressource est un sujet essentiel sur lequel la commission de surveillance attirait l'attention sans succès depuis de nombreuses années. En effet, le coût était tel qu'il fallait bonifier les prêts consentis par la section générale. Le Gouvernement a pris ses responsabilités en faisant évoluer ce coût à la baisse, sans léser l'épargnant, puisque le taux du livret A a augmenté. Il a également eu la volonté de dire que la rémunération des réseaux bancaires devrait diminuer dans le cadre de cette loi. Il importe que cette baisse, qui doit prendre en compte la situation spécifique de La Banque Postale, puisse s'inscrire dans la durée et soit répercutée au bénéfice des emprunteurs sur ressources des fonds d'épargne. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que la commission de surveillance puisse être saisie pour avis du taux de commissionnement. Cette question est d'autant plus importante que la Caisse est confortée dans sa place de prêteur essentiel du logement social, garantissant l'impartialité des prêts aux différents organismes.
En ce qui concerne l'abondance de la ressource, personne ne peut dire ce que sera, dans la durée, l'évolution des encours du livret A et du livret de développement durable. Jean-Pierre Balligand a posé la question avec une grande honnêteté, dans une question préalable dont je salue la qualité, même si je ne partage pas toutes ses conclusions.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que soit inscrit dans la loi un taux plancher de centralisation des livrets à la Caisse des dépôts. Vous avez d'ailleurs accepté cette idée, madame la ministre. Nous discuterons, lors de la discussion de l'article, de ce que doit être ce taux plancher. Deux facteurs sont importants : celui de l'assiette de référence pour cette centralisation et celui du taux appliqué permettant notamment d'assurer la liquidité de l'épargne. Sans anticiper, je souhaite vous remercier d'avoir tout d'abord considéré, lors de votre audition en commission, qu'il était légitime que l'assiette des prêts intègre les prêts au logement, mais aussi ceux à la politique de la ville, qui sont indissociables. La commission des finances a adopté un amendement qui le précise.
Mais, au-delà du taux de centralisation, le sujet important est celui des emplois de l'épargne défiscalisée qui correspond donc à une dépense fiscale pour l'État. Pour cette raison, j'ai déposé plusieurs amendements en souhaitant que la part gardée par les banques soit utilisée à des prêts pour des missions d'intérêt général dans le périmètre des prêts actuellement effectués dans le cadre du livret de développement durable.
C'est une nécessité économique, mais c'est aussi une nécessité morale, car personne ne pourrait comprendre, en plein débat sur les niches fiscales, qu'une épargne défiscalisée ne soit pas orientée vers une mission d'intérêt général. C'est, enfin, une nécessité par rapport à l'Union européenne : nous savons en effet que, dans le cas contraire, cette épargne défiscalisée pourrait être remise en cause.
Au-delà des utilisations prioritaires des fonds d'épargne pour le logement social et la politique de la ville, il nous faut avoir une politique clairement définie sur les autres emplois. Depuis plusieurs années, des prêts sont effectués sur fonds d'épargne pour les infrastructures, les hôpitaux ou l'assainissement. À l'heure du Grenelle de l'environnement, alors que chacun mesure les besoins de financement à long terme et à bas taux pour les infrastructures, auxquels nous savons que ne répondront pas des crédits budgétaires par définition limités…
…et alors même que la ressource de l'Agence de financement des infrastructures de transport sera insuffisante dès 2009, il est souhaitable que les fonds d'épargne puissent, en fonction des disponibilités, s'engager dans ces financements, et favoriser ainsi la solution de ce défi. Des élus de toutes sensibilités m'ont fait savoir qu'ils partageaient cette orientation : c'est le sens de l'un de mes amendements.
Au terme de cette intervention, je souhaite affirmer que la Caisse des dépôts reste et demeure un lieu d'innovation, comme elle l'a été il y a cent cinquante ans en créant les premières assurances en cas d'accident et décès, en contribuant, à cette même époque, à l'équipement du pays en routes et infrastructures ferroviaires, en assurant à deux reprises la reconstruction du pays après chacune des deux guerres mondiales, en étant l'acteur majeur de l'aménagement du territoire et de la démocratisation du tourisme des années soixante, en inventant les OPCVM qui assurèrent l'ouverture des produits financiers au plus grand nombre et dans la transparence, ou en créant, plus récemment, la finance carbone et le fonds de biodiversité.
Cette institution n'est pas un fonds souverain au sens où on l'entend habituellement, car, si elle agit bien dans le long terme, elle ne bénéficie malheureusement pas de ressources provenant des revenus des matières premières, des excédents budgétaires ou des taux de change.
La Caisse gère en revanche le Fonds de réserve des retraites, le seul vrai fonds souverain français, et elle est au coeur du débat sur la capacité du pays à assurer des revenus différés, pour les retraites notamment, ou à maintenir et à renouveler son potentiel industriel et de recherche.
Le Chef de l'État comme l'ancien Premier ministre Laurent Fabius se sont fait l'écho de cette place de la Caisse, qui a vocation à engager le dialogue avec les investisseurs de long terme pour orienter leurs ressources en faveur d'une croissance durable, dans le respect de l'environnement et avec des règles d'intervention éthiques.
Je termine, monsieur le président.
Cette vision est sans doute la meilleure garantie de l'utilité de la Caisse et de l'avenir de celle-ci.
Comme elle a assumé les missions d'hier, je suis convaincu que la Caisse des dépôts est prête à assumer celle-ci, parce qu'elle dispose en son sein de ressources humaines exceptionnelles, parce que le groupe qui s'est constitué au fil des années dégage des ressources régulières, ce qui suppose le maintien de son périmètre, qui s'ajoutent à ses activités traditionnelles.
D'ores et déjà, les premiers contacts sont pris, les réflexions sont engagées, et au travers de la mission que vous avez vous-même confiée, madame le ministre, sur le rôle des fonds souverains à la demande du Chef de l'État et du Premier ministre, nous aurons l'occasion de conforter cette orientation, dont je ne doute pas que le Parlement soit saisi car c'est d'abord devant le Parlement que nous devons rendre compte et ceci plus encore aujourd'hui, au lendemain de la première étape de la réforme constitutionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi qui est débattue aujourd'hui affiche un objectif ambitieux : la modernisation de l'économie.
Comment ne pas être d'accord avec les motifs exprimés ? Je les rappelle : soutenir le tissu des TPE et PMI-PME, créatrices d'emplois ; développer le pouvoir d'achat, notamment en favorisant la concurrence entre les grandes enseignes – de mémoire, c'est la cinquième fois en moins d'un an que le Gouvernement tente de rétablir le pouvoir d'achat des Français, toujours en souffrance ; gagner, en agissant ainsi sur l'offre et la demande, un point de croissance affirme le Président de la République, 0,3 % seulement nous annonce Mme Christine Lagarde, sa ministre de l'économie, au moment où la progression de notre croissance reste largement derrière celle des pays européens comparables au nôtre, comme l'Allemagne, les pays scandinaves, le Royaume-Uni, les Pays-Bas.
La déception face à ce que vous proposez, madame la ministre, n'en est que plus grande.
Que sont devenues les trois cents propositions du rapport Attali, tant vantées et dont seules trente ont survécu au tamis des parlementaires UMP ?
Quel que soit l'avis porté sur ce rapport, on peut s'accorder, ainsi que l'avait précisé très fermement Jacques Attali lui-même, qu'en enlevant à ses propositions leur cohérence d'ensemble, on diminue d'autant leur efficacité.
Du coup, nous nous retrouvons avec une loi fourre-tout, où le « very small is beautiful »,…
… où le nouveau statut de l'auto-entrepreneur, créé pour le salarié ou le retraité, qui compense ainsi un revenu insuffisant, ajoute encore une strate au millefeuille existant de la micro-entreprise, de l'artisanat, de la profession libérale, et j'en passe.
Quelques mesures demandées d'ailleurs depuis longtemps par les TPE et les PME sont positives, comme la réduction des délais de paiement, bien qu'elle soit qualifiée au passage assez peu élégamment de « gesticulation » par votre collègue Jean Arthuis compte tenu des difficultés de son application…
…ou la simplification administrative et financière des reprises et transmissions d'entreprises.
Mais ces mesures de bon sens cachent assez mal les cadeaux faits à la grande distribution, particulièrement à une enseigne née dans l'Ouest de la France et aux enseignes de hard discount qui font juste moins de 1 000 mètres carrés.
Chacun aura deviné, je crois.
Nous sommes bien loin de l'intérêt général.
Une loi fourre-tout donc, mais aussi à tiroirs, avec des impacts non affichés mais bien réels sur l'accroissement de la fragmentation du travail, la précarisation des salariés, la fin annoncée du petit commerce urbain, périurbain ou rural, face à la déréglementation de l'implantation des grandes surfaces. Et l'essentiel passe à la trappe.
L'essentiel, c'est bien en effet la croissance de nos PME, beaucoup trop petites aujourd'hui et insuffisamment innovantes, si on les compare aux PME européennes, notamment allemandes, dont la création d'emplois et le développement sont ainsi bridés. Le point de croissance, madame la ministre, il est là.
Les principaux leviers de développement des PME sont bien connus. Ils sont de trois ordres : l'innovation par une aide à la recherche et au développement, au partenariat entre recherche publique et recherche privée ; le développement des actions à l'exportation ; l'accompagnement de la croissance des PME, en majorité sous-capitalisées et en manque de fonds propres. Sur ces trois points, la situation dans notre pays est très alarmante.
Premier point, l'innovation. Malgré les souhaits exprimés par la ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur, nous sommes bien loin des objectifs de Lisbonne, qui prévoyaient 3 % du PIB consacrés à la recherche.
Avec 2,18 % en 2007, nous sommes au taux le plus bas depuis vingt-cinq ans. Troisième pays scientifique en 1970, cinquième en 1985, encore septième en 1995, la France occupe désormais la quatorzième place mondiale. Dans ces conditions, le transfert technologique est moins important et notre capacité à innover à partir de la recherche diminue.
Que propose la loi sur ce point ? Rien, hormis quelques réductions d'impôt crédit recherche, plus favorable aujourd'hui, c'est vrai, aux grands groupes qu'aux PME. Nous ferons, dans nos amendements, des propositions pour accroître l'innovation dans les PME, qu'elle soit technologique, de services, d'organisation, pour rapprocher les centres de recherche des PME, en conditionnant par exemple les aides aux pôles de compétitivité à l'intégration de PME dans les projets financés. Tout cela pour préfigurer – excusez-moi, c'est en anglais, monsieur Brard – un small business act au niveau européen.
Deuxième point, l'exportation. Les chiffres de notre commerce extérieur sont catastrophiques. Que propose la loi de modernisation ?
Sous prétexte de réforme et de simplification, UbiFrance se substituerait au Centre français du commerce extérieur, et verrait son pouvoir renforcé au détriment de l'organisation des conseillers commerciaux et des postes d'expansion économique. C'est le type même de la réforme canada dry que votre gouvernement affectionne, madame la ministre : on remplace le dispositif régalien et l'expérience acquise par l'État par une agence ou un EPIC – j'en ai compté trois dans la réforme LME, le renforcement d'Ubifrance, la création d'une Haute autorité de la concurrence, aux contours et missions assez mal définis d'ailleurs, et d'une Haute autorité de la statistique – et on fait croire que ce tour de passe-passe, générateur de coûts plus que d'économies, va redonner de l'efficacité à l'action publique que l'on fragilise au passage.
Que font les pays plus dynamiques ? Le contraire, tout simplement : pas d'agence, mais des initiatives pragmatiques, concrètes et qui marchent. Ils favorisent le rapprochement entre les grands groupes et les PME pour que celles-ci puissent bénéficier de leur réseau et de leur expérience à l'international. Ils mutualisent leurs promotions et prospections à l'exportation par secteur d'activités, intègrent des PME dans leurs grands programmes structurants, investissent dans la formation aux langues étrangères qui sont enseignées non pas comme des langues mortes mais comme des langues vivantes dès le plus jeune âge dans toutes les écoles de tous les quartiers. Ils investissent dans la formation au commerce, y compris dans les filières scientifiques. Ils encouragent l'insertion professionnelle des jeunes, et le travail des seniors pour qu'ils ne deviennent pas entrepreneur par défaut car on devient entrepreneur par envie et non par défaut si l'on veut réussir. Rien de tel dans votre projet.
Troisième point : le manque de fonds propres. Les mesures que vous préconisez en faveur du développement des business angels…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oh !
…sont efficaces jusqu'à un certain montant d'investissement. D'ailleurs, regroupés dans France Angels, les Anges français, et installés dans plusieurs régions et territoires de notre pays, ils n'ont pas attendu les incitations de votre loi pour accompagner financièrement les PME – donc cela doit être profitable – mais aussi pour leur ouvrir leurs réseaux, nationaux et internationaux, jouer un rôle de conseil dans les conseils d'administration. Mais les montants qu'ils proposent sont insuffisants, notamment pour les entreprises technologiques qui nécessitent des investissements importants, je pense à la micro-électronique ou aux recherches très longues comme dans les biotechnologies. Non seulement on n'interpelle pas les banques, pas plus que les assurances pour qu'elles assument leur métier de risque, de soutien au développement économique, par le soutien aux PME, mais on leur offre des utilisateurs sur un plateau, les utilisateurs les plus solvables du livret A.
L'insuffisance ou l'absence de mesures dans ces trois axes majeurs de développement des PME nous amène à la conclusion que la loi de modernisation de l'économie reste à faire. Nous sommes favorables à une véritable réforme, au-delà de l'affichage ou des cadeaux masqués à la grande distribution ou au hard discount, une réforme qui conjuguerait développement, efficacité économique et solidarité par la création d'emplois diversifiés, dans un esprit de développement durable, autre grand absent de votre projet. Ce n'est pas ce que vous proposez et je regrette, avec mon groupe, cette occasion manquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, chers collègues, par cette loi dite de « modernisation de l'économie », le Gouvernement annonce son objectif de faire gagner 0,3 point de croissance, de créer 50 000 emplois par an, de redonner du pouvoir d'achat aux Français et d'améliorer l'attractivité de notre territoire.
En premier lieu, ces objectifs sont à la fois incantatoires et très éloignés de la définition d'une véritable politique de relance économique pour notre pays.
En deuxième lieu, les quarante-quatre articles que vous nous soumettez composent un magma législatif informe et en profonde contradiction avec les attentes de nos concitoyens.
Il y a bien quelques dispositions positives, telles que le déploiement du très haut débit en fibre optique, l'élargissement du rescrit social ou encore le recours élargi à des organismes du type OSEO pour encourager la recherche industrielle, mais ces dispositions restent marginales, noyées dans un ensemble de propositions aussi inefficaces qu'injustes.
Inefficaces car ce texte n'est ni cohérent, ni homogène. Ainsi serons-nous conduits à nous prononcer notamment sur le régime des impatriés, sur la banalisation et la décentralisation du livret A, sur la négociabilité des conditions générales de vente ou encore sur la refonte de la loi Raffarin. Bref ! c'est la caverne d'Ali Baba et des quarante voleurs !
Comment pouvez-vous affirmer que ce texte répond à la modernisation de l'économie française ? En réalité, vous savez bien où va l'argent, par qui sont détournés les capitaux indispensables à cette modernisation.
Votre projet de loi est un melting-pot législatif…
…à la sauce ultra-libérale, au goût amer pour l'immense majorité de notre peuple, dont vous feriez bien d'écouter quelquefois les souffrances et les révoltes.
Il y a néanmoins une logique, madame Lagarde, dans ce bric-à-brac de mesures, un fil rouge, celui de la libéralisation et du démantèlement des dispositions juridiques qui encadrent notre économie !
Inefficaces encore, car ce projet de loi ne relancera pas le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
La LME se fonde sur un postulat idéologique intronisant la concurrence garante de la baisse des prix. Or cette affirmation mériterait, pour le moins, d'être démontrée. Vous fondez votre analyse sur une conception surannée de la concurrence sous-tendant une multiplicité d'acteurs. Or cinq groupes de distribution dominent le marché français et l'émergence de nouveaux acteurs reste improbable – ce qui n'est pas le cas des fusions. De plus, la France est un des pays d'Europe où le nombre de supermarchés par habitant est le plus élevé.
Multiplier les centres commerciaux ne rempilera pas les rayons des consommateurs et encore moins leurs caddies.
Cette réalité, propice aux ententes, discrédite d'autant plus vos prévisions que les décisions de la Haute autorité de la concurrence, que vous souhaitez créer, resteront marginales. Et d'ailleurs, quels en seront ses moyens, alors que vous prévoyez de réduire le nombre de fonctionnaires affectés à ces contrôles ?
Inefficaces enfin, car, dans un contexte de crise financière mondiale, vous optez pour la financiarisation de notre économie, au détriment des PME, du logement social, de la Caisse des dépôts et consignations, et de l'équilibre économique de notre pays. Au lieu de mener une réflexion sur le financement de l'économie réelle de notre pays, vous préférez vous engouffrer dans le wagon de l'ultralibéralisme et de la spéculation, faisant fi des risques croissants liés à la multiplication des crises financières.
Alors que nous aurions besoin de nouvelles normes prudentielles afin de sécuriser et de réguler les placements, vous faites le choix du « laisser-faire, laisser-aller ». Vous allez à rencontre de ce que la rationalité nous dicte dans les temps actuels. Ainsi, de nouveaux drames humains liés aux antagonismes et crises répétées du capitalisme mondialisé sont à prévoir.
J'ajoute que ce projet de loi est profondément injuste. Votre politique économique, notamment en matière de pouvoir d'achat, se concentre sur la relance de l'offre au détriment de la demande. La mise en oeuvre de politiques visant à une baisse générale des prix et à une accentuation de la concurrence aura des conséquences sociales désastreuses. La pression sur les fournisseurs et la recherche de minimisation des coûts de la grande distribution, ce qui n'a rien à voir avec les profits de celle-ci – je rappelle que les entreprises de la grande distribution sont parmi celles qui réalisent le plus de profits –, se répercuteront directement sur les petits producteurs et les salariés des grandes surfaces, alors qu'ils connaissent déjà des situations sociales difficiles : temps partiels, flexibilité, salaires inférieurs au SMIC, insécurité comme tous ces salariés sans papiers.
En réalité, cette politique n'est que la reproduction à grande échelle de vieilles recettes conservatrices visant à dévaloriser le travail pour toujours le payer moins. Les députés communistes et républicains s'opposent aux mesures contenues dans la LME, car elles consacrent l'hyper-puissance des distributeurs et de leur réseau de centrales d'achat. La souplesse recherchée en matière de coopération commerciale et l'abrogation de l'interdiction de discrimination ne feront qu'aggraver ce constat. Au contraire, nous devrions protéger les fournisseurs, en particulier dans le domaine agricole, en excluant que les opérations de promotion commerciale soient rémunérées par le fournisseur.
C'est le sens d'un amendement déposé par les députés communistes, dont vous souhaitez le rejet.
En définitive, il n'y a pas trente-six voies possibles pour relancer l'économie. Il faut augmenter de façon significative les salaires, les retraites et les minima sociaux : pourquoi pas au niveau de ce que se sont octroyé, en 2007, les patrons du CAC 40, c'est-à-dire 58 % ?
Sans cela, vous maintiendrez la grande majorité des Français dans une situation sociale intenable, les contraignant à vivre dans des conditions très difficiles, notamment en matière alimentaire. J'en veux pour preuve cette publicité envoyée par un grand distributeur à l'ensemble des députés des la commission des affaires économiques. Ce prospectus, intitulé « Mon plan discount », propose aux consommateurs un repas complet pour 0,94 euro. Par repas complet, il entend : des carottes sous cellophane, de la purée sans lait, des saucisses de Strasbourg au premier prix et un yaourt nature sans sucre. On est loin du Fouquet's ! Voilà, madame la ministre, ce que signifie la concurrence par la baisse des prix. M. Barnier souhaite que les Français mangent plus de fruits et légumes. Soit ! Mais donnez leur les moyens de le faire sans que cela se répercute sur les situations sociales et financières des agriculteurs français et des salariés. Seriez-vous prêts à organiser un véritable Grenelle du pouvoir d'achat, comme celui de 1968, qui n'avait fait que du bien à l'économie nationale, ainsi que vient de le déclarer M. Balladur lui-même – à sa grande surprise, ajoute-t-il !
Enfin, concernant la banalisation du livre A, nous sommes encore une fois en pleine injustice, car c'est l'épargne populaire que vous livrez aux banques privées, des milliards en liquidités offerts à ces spéculateurs. Vous arguez que les consommateurs se retrouveront dans cette réforme, car ils pourront ouvrir un livret A dans la banque de leur choix. La belle affaire, quand ces banques verront des dizaines de milliards d'euros renflouer leurs caisses au détriment du logement social ! Certes, Bruxelles a ordonné la généralisation du livret A, mais vous n'étiez nullement contraints d'en décentraliser la collecte. Le choix de laisser à la disposition des banques près de 30 % des sommes collectées est d'ailleurs dans le collimateur de la Commission européenne au nom du principe de concurrence. C'est un peu le serpent qui se mord la queue !
Les milliards de liquidités offerts aux banques françaises représenteraient ainsi une aide indirecte de l'État qui permettrait la participation accrue des établissements bancaires français dans le capital des banques européennes. Daniel Bouton peut vous remercier ; vous lui permettez de garder son poste et de renflouer les caisses de la société générale !
Inefficacité, injustice et conservatisme, tels sont les maîtres mots de la modernisation au sens où vous l'entendez. C'est pourquoi je propose, comme François Brottes, de modifier le titre de ce texte et de l'appeler non pas LME, mais LEL : loi pour l'économie libérale. Bien entendu, les députés communistes et républicains voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je vous remercie, monsieur Gosnat. Vous avez respecté votre temps de parole, et vous êtes le seul depuis le début de cette discussion, je tiens à le souligner !
La parole est à M. Charles de Courson.
Mesdames, messieurs, le nouveau Centre estime que les dispositions contenues dans le titre Ier de ce projet de loi vont dans le bon sens, mais il souhaiterait que l'on aille plus loin sur cinq points afin de faire passer ce texte du statut de bon texte à celui de très bon texte.
Premier point : mettre en place une réserve spéciale d'autofinancement. Nous n'avons cessé, depuis vingt ans, gouvernement après gouvernement, d'améliorer la situation des entreprises sous forme sociétaire, mais nous n'avons pas sensiblement amélioré le statut des entrepreneurs individuels du point de vue fiscal et social.
Depuis des années, notre groupe propose le système de la réserve spéciale d'autofinancement. La partie des résultats laissée dans l'entreprise ainsi placée dans une réserve spéciale d'autofinancement serait imposée à 15 %, comme c'est le cas pour les bénéfices des petites sociétés, étant entendu que, si l'on retire cet argent, on paye la différence avec la somme qui serait due au taux marginal d'impôt sur le revenu. Voilà le mécanisme ! Il est tout simple. Que nous objecte-t-on ? On nous dit que cela coûterait 9 milliards. C'est entièrement faux, car l'estimation fait état d'un peu moins de 2 milliards, ce qui est d'ailleurs déjà une somme considérable.
Cela dit, on pourrait commencer modestement, ne pas établir tout de suite un plafond de 38 120 euros, qui correspond à l'imposition à 15 %, mais fixer ce plafond à 5 000 euros, et le relever progressivement. Cela permettrait de commencer à réduire l'inégalité entre le statut de l'entreprise individuelle et celui de l'entreprise sous forme sociétaire.
Le deuxième point est la création d'un patrimoine d'affectation,…
… et je ne l'apprendrai pas au jeune ministre qui est en face de moi. (« Lequel ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je veux parler de Hervé Novelli (Rires sur plusieurs bancs), car, au temps où nous siégions sur les mêmes bancs, nous nous sommes battus ensemble pour tenter de persuader nos collègues de créer un patrimoine d'affectation pour les entrepreneurs individuels. Il faut avancer sur ce point. Du temps où il s'occupait de cette question, Luc Chatel avait essayé d'aller dans ce sens en faisant voter une disposition sur la maison de l'entrepreneur individuel, mais il faut aller plus loin en créant purement et simplement, comme l'ont fait beaucoup de pays étrangers, un statut du patrimoine d'affectation pour l'entrepreneur individuel.
Troisième point, vous avez mis en place un statut fiscal simplifié, mais sans régler la question du plafond. Celui-ci est actuellement de 76 000 euros, mais n'a pas été réévalué depuis des années.
Le Gouvernement aurait dû aller plus loin et proposer, non pas d'aller tout de suite à 100 000 euros comme le proposait le rapport Attali, mais de le relever progressivement, par tranches de 10 000 euros. La commission a adopté un amendement allant dans ce sens avec une réévaluation de 10 % et une indexation. Il serait bon de programmer sur quatre ou cinq ans une hausse du plafond du régime simplifié.
Ma quatrième observation concerne le titre IV. Le Nouveau Centre soutient l'accès direct pour le droit au compte. Nous vous mettons en garde, madame la ministre, contre la tentation de créer une banque des pauvres, qui ne peut être viable sur le long terme. Toutes les banques, y compris bien sûr La Banque Postale, doivent contribuer à l'accessibilité bancaire, par le biais du compte à vue et du droit au compte. Le mécanisme doit être similaire à celui mis en place pour les handicapés. Tout le monde doit s'occuper de ces derniers, et l'on ne doit pas se débarrasser du problème en créant une énième structure qui leur serait spécifique. Ce droit au compte est la contrepartie de l'accès de toutes les banques à la collecte du livret A.
Enfin, cinquième observation, s'agissant de l'amélioration du financement de l'économie, nous soutenons la volonté de moderniser la place financière de Paris en mettant en oeuvre les mesures préparées dans le cadre du Haut comité de place, mais le Nouveau Centre, toujours équilibré dans son approche (Sourires), met en garde contre une atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi fiscale. Évitons, avec le régime des impatriés, de créer une disparité trop forte entre les différentes catégories de citoyens français !
Telles sont, madame la ministre, quelques-unes de nos réflexions, que nous avons traduites sous forme d'amendements et qui, je l'espère, du moins pour une partie d'entre elles, auront le soutien du Gouvernement. C'est à ce prix, madame, messieurs les ministres, que ce bon texte deviendra un excellent texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, chers collègues, fort des résultats encourageants produits par la loi pour l'initiative économique de 2003, ce projet de loi de modernisation de l'économie marque une réelle volonté d'aller encore plus loin pour faciliter la création et la transmission d'entreprises. Nous voulons favoriser la création de nouveaux emplois. Pour atteindre cet objectif, il nous faut agir, sur trois leviers en particulier.
Premier levier : maintenir un rythme élevé de création d'entreprises. On peut dire que, de ce point de vue, les résultats sont là : le nombre de créations d'entreprises enregistré en 2007 est nettement plus élevé que celui observé les années précédentes.
Deuxième levier : permettre aux entreprises de se développer. Bien souvent, les capacités de croissance de nos entreprises sont entravées par un niveau d'investissement trop faible, l'épargne des Français étant insuffisamment dirigée vers les placements productifs de croissance et d'emplois. J'ai la conviction qu'en favorisant l'investissement dans les PME, notamment en créant un nouveau cadre juridique pour les fonds communs de placement à risques contractuels destinés aux entreprises non cotées, ce projet de loi apporte des réponses concrètes à cette problématique.
Enfin, troisième levier : il nous faut faciliter la transmission des entreprises. C'est un défi primordial pour notre pays, car il y a là en jeu des centaines de milliers d'emplois dans la mesure où les chefs d'entreprise issus du baby-boom sont déjà, ou vont être prochainement, en situation de céder leur outil de travail.
En tant que président du comité d'expansion économique de Maine-et-Loire, avec mon équipe de chargés de mission, je constate que peu d'entrepreneurs préparent suffisamment en amont la transmission de leur entreprise. Il s'agit pourtant d'une opération dont les chances de réussite sont d'autant plus grandes qu'elle a pu être parfaitement anticipée.
Il est donc impératif de sensibiliser les entrepreneurs à la nécessaire préparation de la cession, en tenant compte du frein récurrent à la circulation de l'information que constitue la confidentialité. En effet, par crainte d'être identifié, le chef d'entreprise a du mal à se livrer. En conséquence, il est difficile pour les techniciens du développement économique d'établir des rapprochements entre les cédants et les repreneurs éventuels.
Pour parer à ce problème, nous avons, avec nos collègues des agences de développement des Pays de la Loire, créé un outil nommé Trans-Reprise. Extrêmement pratique, il s'agit d'un site internet qui permet de diffuser des offres d'entreprises à céder de manière totalement gratuite et en toute confidentialité puisque l'anonymat du cédant est préservé. Les candidats repreneurs, qui s'inscrivent, peuvent ainsi consulter ces annonces mises en ligne par un réseau de professionnels : experts-comptables, avocats, notaires, CCI ou comités d'expansion.
Bien entendu, la mise en relation finale est toujours à l'initiative du cédant, en fonction de l'intérêt qu'il peut porter aux candidatures sélectionnées et transmises par les professionnels. Ce dispositif est opérationnel depuis peu en Maine-et-Loire, où l'on constate une adhésion croissante à Trans-reprise, qui enregistre une moyenne mensuelle de 500 visites.
Les transmissions d'entreprises doivent se dérouler dans des conditions permettant d'assurer leur pérennité. C'est là tout l'intérêt des dispositions énoncées aux articles 16 et 17 du projet de loi. La transmission familiale, qui demeure importante, n'est plus aussi systématique que par le passé. Dans les cas de carence ou de défaillance des héritiers directs, le chef d'entreprise est tenté d'effectuer une transmission tout aussi affective en cédant à un salarié qui, souvent, aura été son collaborateur durant de nombreuses années. L'exonération des droits de mutation en cas de reprise de l'entreprise par ses salariés ou par des membres de la famille va dans ce sens et constitue une incontestable avancée.
Enfin, le projet de loi assouplit les conditions et les plafonds pour la déductibilité des intérêts d'emprunts contractés par les repreneurs d'entreprise, ce qui ne peut que fluidifier la transmission. Mais l'enjeu de celle-ci se situe au-delà du simple maintien d'une activité sur un territoire. C'est un facteur d'attractivité de nouveaux talents porteurs de projets de développement. Très souvent, les reprises par des candidats issus d'autres horizons géographiques ou professionnels génèrent de nouvelles dynamiques, de nouvelles richesses et donc de nouvelles créations d'emplois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Merci, monsieur Jeanneteau, d'avoir également respecté le temps qui vous était imparti.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi dont l'un des objectifs allégués est de stimuler la croissance. Mais fallait-il, pour y parvenir, mettre à mal le livret A et compromettre, peut-être d'une manière irréversible, le mode de financement du logement social dont notre pays s'était doté ?
Au nom du Gouvernement, la ministre du logement proclame son attachement aux politiques volontaires de l'État, pour que le droit au logement soit effectif dans tout notre pays. Mais elle a déserté le champ de bataille et renoncé à défendre le livret A, renonçant à ce que tous ses prédécesseurs avaient jugé impératif de préserver. Elle ne s'est pas dressée pour rejoindre tous ceux qui ont dénoncé le risque d'une désintégration de cet instrument financier remarquable au service des politiques du logement social, de la ville et du renouvellement urbain.
Nul n'ignore que, à l'origine, le livret A avait pour objectif d'aider les moins nantis à sortir de leur condition et à se donner leurs propres moyens de se préserver, même modestement, des aléas de la vie. Symbole de l'épargne populaire fixé depuis 1818 à la Caisse d'Épargne de Paris et centralisé en 1837 par la Caisse des dépôts, le livret A, aujourd'hui, est toujours attractif. On compte 45 millions de livrets pour une vraie épargne populaire. Plus de la moitié de ceux qui sont détenus à La Poste ont un solde inférieur à 150 euros et les deux tiers, à 1 500 euros. À la Caisse d'Épargne, la moitié des livrets A sont inférieurs à 75 euros, pour un total d'encours de 145 milliards d'euros. Seulement 5 à 7 % des livrets A atteignent leur plafond.
Les Français, particulièrement les plus modestes, y sont attachés. Ces livrets sont en effet une pierre angulaire de l'accessibilité bancaire sur nos territoires ruraux comme dans les quartiers sensibles. Le livret A demeure le dernier lien de nombreuses familles avec les guichets bancaires. C'est aussi un système unique en Europe de financement du logement social, qui a permis de construire 4,3 millions de logements et de poursuivre d'ambitieuses politiques de la ville ou de la rénovation urbaine.
Accession bancaire et financement du logement social sont deux réalités qui s'inscrivent dans deux services d'intérêt économique généraux reconnus au niveau européen. Or, alléguant l'obligation de mettre en conformité la législation française avec le droit européen, et sans attendre l'issue du recours que le Gouvernement Français lui-même a formé avec d'autres, vous engagez dans la précipitation et sans véritable concertation préalable, non seulement une réforme du mode de distribution du livret A, en ouvrant cette possibilité à tous les établissements bancaires, mais surtout un changement radical dans les principes de centralisation des fonds collectés et dans les modalités de rémunération des services bancaires.
Vous allez ainsi bien au-delà de la prescription européenne et vous donnez satisfaction aux banques en leur offrant plus que ce qu'elles prétendaient vouloir remettre en cause quand elles demandaient la fin du monopole de distribution du livret A. Ce faisant, vous répondez davantage à la logique du profit qu'à celle du financement du logement social, que vous sacrifiez à des enjeux immédiats afin de combler les insuffisances de disponibilités des grands établissements bancaires.
Avouez qu'il est singulier de voir l'épargne populaire appelée au secours des banques, alors que celles-ci chignent souvent pour les découverts des plus modestes, facturent lourdement des prestations et relèvent les taux d'emprunt dont l'offre est actuellement restreinte, y compris pour l'accession sociale à la propriété. Oui, l'idée est pour le moins singulière !
Alors que, jusqu'à présent, 100 % des fonds collectés sur les livrets A étaient affectés au logement social, votre projet prévoit que 70 % seront centralisés et affectés au logement, tandis que 30 % seront conservés par les banques. Cette répartition est un cadeau, sans contrepartie réelle, de 60 à 70 milliards d'euros de collecte, ce qui leur apportera environ 2 milliards d'euros de résultat supplémentaire par an. Qui peut croire sérieusement qu'une contrainte réelle sera imposée aux banques pour qu'elles engagent cette manne dans des investissements d'intérêt général ?
Or la Commission européenne, qui condamne, certes, le monopole de la distribution du livret A, ne remet pas pour autant en cause la centralisation à 100 % de la collecte, qui, selon ses propres termes, « dépend exclusivement des autorités françaises ». En outre, dans une lettre à la Commission européenne datée du 13 octobre 2006, les établissements bancaires eux-mêmes, bien qu'auteurs de la plainte contre les autorités françaises sur le monopole de distribution du livret A, s'étaient engagés à ne pas remettre en cause la centralisation intégrale par la Caisse des dépôts. La décision européenne n'a jamais porté sur le bien-fondé du service public de financement du logement social, comme l'a rappelé à plusieurs reprises Mme Neelie Kroes, commissaire européenne, qui a pris ses distances vis-à-vis de votre dispositif. J'ajoute que le risque d'un nouveau recours n'est pas écarté.
À défaut de garanties suffisantes, la renonciation au principe de la centralisation à la Caisse des dépôts emporte fragilisation du financement du logement social et présente de graves risques d'insuffisances financières pour les politiques du logement et de la ville, sans parler de ses conséquences sur la réduction des prêts et l'alourdissement de leur coût. Tous les bailleurs sociaux vous l'ont dit.
Le groupe socialiste n'accepte pas ce choix, qui sonne comme une double peine pour les ménages les plus modestes en termes d'accessibilité bancaire et d'effectivité du droit au logement. Un an après l'adoption de la loi instituant le droit au logement opposable, alors que la première condamnation sur ce fondement a été prononcée par le tribunal administratif de Paris et, dans une période de crise budgétaire, le Gouvernement déciderait donc de compromettre les objectifs, fixés par les lois successives, de construction de logements destinés aux plus modestes, les plus adaptés, les plus financés par l'emprunt et donc par le livret A ? Je rappelle le Gouvernement à l'exigence du logement social, qui a été oublié, je l'affirme, dans la préparation de ce texte.
C'est aujourd'hui une cause nationale que de maintenir les équilibres sociaux et de préserver le pacte social. Le logement est un défi, que le budget de l'État ne sera jamais capable de relever…
Vous, c'est sûr, vous ne l'avez pas relevé !
…sauf s'il possède des outils de financement appropriés, spécifiques et efficaces. Mais vous vous employez à nous les faire perdre.
Ne commettez pas l'irréparable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, chers collègues, j'entends cette exclamation : « Incroyable ! », aussitôt qu'on démasque ce qui se cache dans votre texte sous de vaines apparences. Mais non ! C'est la vérité, la vérité vraie. Seulement, elle vous choque.
Au demeurant, nous sommes très honorés par la présence d'autant de secrétaires d'État dans l'hémicycle, même si la désertion des bancs de l'UMP par nos collègues a permis au ministre sentinelle, M. Karoutchi, d'aller se coucher !
La modernisation de l'économie, que vous affirmez vouloir entreprendre, pose la question de ses finalités et de ses valeurs. Pour nous, ce qui est moderne, c'est la solidarité, l'égalité, la citoyenneté, l'écologie, la parité, la justice fiscale, les services publics – qui sont pour vous autant de gros mots. Pour nous, une économie moderne doit s'inscrire dans une volonté de développement durable, dans une logique de transformation sociale, d'épanouissement des individus dans leur travail et dans leur vie personnelle.
Évidemment, madame la ministre, bien que je ne m'exprime pas en anglais, il s'agit d'un français qui vous est étranger, parce que nous n'avons pas les mêmes valeurs. Les vôtres sont cotées au CAC 40 et les miennes au Panthéon.
Mieux vaut être vivant que mort ! (Sourires.)
La comparaison de cette brève énumération avec les têtes de chapitre du projet de loi qui nous est soumis est éloquente. Votre sollicitude va surtout aux avantages des chefs d'entreprise, au renforcement de la concurrence que vous entendez rapprocher de la concurrence libre et non faussée, chère à Bruxelles, qui a laissé de bien mauvais souvenirs, et au développement des marchés financiers. Par ailleurs, vous désarticulez la Caisse des dépôts, bras armé de l'État et de l'intérêt général, en y introduisant même des « personnalités qualifiées ». J'imagine que vous avez déjà votre short list, où figurent certains noms. Des gens de talents, à vous en croire, qui sont un peu désoeuvrés pour l'instant : M. Messier, M. Forgeard et bientôt M. Bouton, ancien président d'un Comité d'éthique des banquiers. Étant donné ses exploits depuis l'affaire du Sentier jusqu'à l'affaire Kerviel, il a certainement montré qu'il possède les talents requis pour siéger dans de telles instances !
Nos concitoyens veulent une économie qui permette de construire les logements, en particulier sociaux, dont ils ont besoin. Mais votre projet démantèle le mécanisme de financement du logement social, en livrant le livret A aux banques, dont la finalité est de produire des profits pour leurs actionnaires,…
…y compris en spéculant sur les marchés financiers, ce pour quoi un surplus de liquidités issu des livrets A sera bienvenu. Je ne reviens pas, à ce sujet, sur l'excellente démonstration de Jean-Pierre Balligand.
On comprend que les banquiers salivent au vu de l'augmentation de 8 % des dépôts sur le livret A l'année passée, alors qu'ils doivent éponger dans l'urgence les pertes dues à leurs placements aventureux sur des produits financiers plombés par les subprimes américains ou aux spéculations délirantes et incontrôlées d'opérateurs des salles de marchés, dont on voudrait nous faire croire qu'ils ont agi seuls.
Nos concitoyens veulent une économie plus morale, moins mercantile et donc dans laquelle les salaires mirifiques et les pactoles divers dont bénéficient patrons et cadres dirigeants soient encadrés pour rester dans des limites décentes, surtout au moment où le pouvoir d'achat de la grande masse des Français est dans la tourmente. C'est même devenu un sujet de débat dans l'Union européenne, comme l'a indiqué M. Juncker, Premier ministre luxembourgeois, à l'issue du Conseil des ministres des finances, le 13 mai dernier, bien que l'on en reste prudemment, dans ce cénacle, aux voeux impies !
Sur ce sujet, monsieur de Courson, vous en connaissez un rayon ! Voulez-vous que nous fassions un peu d'histoire ? Dans ce cas, je vous propose de remonter jusqu'à la Révolution !
Et nous parlerons de Le Peletier de Saint-Fargeau : il faut être à la hauteur de ses ancêtres, monsieur de Courson !
Ne remontez pas trop loin dans le passé, monsieur Brard, car vous avez déjà dépassé votre temps de parole.
J'y reviens, monsieur le président.
À l'opposé de cette économie plus morale et moins mercantile, le projet de loi qui nous est soumis prévoit d'accorder de substantiels avantages nouveaux – il crée des niches fiscales supplémentaires au moment où l'on veut les démanteler ! – aux cadres étrangers venant travailler en France ou, lors de leur retour, aux Français partis exercer leur activité à l'étranger.
Nos concitoyens veulent une économie dans laquelle tous les travailleurs soient également respectés, tant par les employeurs que par les autorités publiques. Mais le projet de loi comporte un article qui prévoit que des cadres étrangers de haut niveau et des dirigeants de grandes entreprises, qui apportent « une contribution économique exceptionnelle à la France » pourront se voir attribuer par le préfet, sur une base individuelle, une carte de résident de dix ans. Cette mesure est scandaleusement discriminatoire et profondément choquante, alors que, en ce moment, des milliers d'étrangers non communautaires qui disposaient d'un emploi – même si c'était au noir – sont enfermés dans les centres de rétention avant d'être expulsés. Eux rendaient concrètement service à l'économie du pays et avaient un emploi régulier – certes, parfois avec de faux papiers, mais si vous n'avez pas de papiers, vous en cherchez…
Je ne sais pas si c'est régulier, mais je trouve cela assez moral, voyez-vous ! Votre logique amène à violer les fondements de la légalité. Vous êtes plus sévère avec ces gens-là qu'avec les Kerviel et Bouton.
Cette prétendue modernisation aurait-elle, malgré ces conséquences néfastes et destructrices, une quelconque vertu économique ?
Le Gouvernement ne nous facilite pas la tâche pour en juger puisque le coût des mesures proposées n'est généralement pas chiffré. Cela ne vous empêche pas, madame Lagarde, d'annoncer – j'allais dire avec votre aplomb habituel mais « brio » convient aussi, les deux n'étant pas contradictoires – « selon nos premières estimations, au moins 0,3 % de croissance et 50 000 emplois par an ». Je vous imagine, madame la ministre, avec votre boule de cristal détectant ces emplois futurs et ces dixièmes de point de croissance supplémentaire. Dommage que vous ne nous précisiez pas pendant combien d'années ! Nous savons d'expérience ce que valent ces affirmations et ce qu'il en coûte à nos concitoyens et au pays.
Comme l'ont déjà dit à cette tribune mes collègues Daniel Paul et Pierre Gosnat, nous nous opposerons donc à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui tous d'accords : il faut aller chercher la croissance. Elle est nécessaire pour rendre du pouvoir d'achat à nos concitoyens et leur redonner de l'espérance. Or ce projet de loi est en mesure de nous y aider.
Charles de Courson a estimé que ce texte était excellent, je pense qu'il peut devenir encore plus parfait…
…si tant est que vous puissiez retenir un certain nombre des propositions que nous allons vous faire.
Ce projet de loi concerne les PME. Je trouve positif que l'on s'adresse aux chefs d'entreprise, à ceux qui prennent des risques, à ceux qui innovent,…
…à ceux qui risquent leur patrimoine. Lorsque l'on cherche la croissance, il faut compter sur l'innovation, mais également affronter tous les obstacles structurels et quotidiens qui entravent l'économie. De nombreux chefs d'entreprise nous le demandent avec insistance : il faut simplifier.
Il s'agit bien d'un des principaux objectifs du projet de loi que nous examinons. Ainsi, ce texte permet d'effectuer d'important progrès en matière de transmission des entreprises. Cette question constitue l'un des enjeux les plus importants auxquels nous serons confrontés dans les prochaines années. L'effort consenti sur les droits de mutation à titre onéreux, qui passent de 5 % à 3 %, et les exonérations de droits, jusqu'à 300 000 euros, pour les transmissions familiales – on sait combien elles peuvent être difficiles – et la transmission aux salariés vont dans le bon sens.
La réduction des délais de paiement est également une bonne mesure. Ces délais constituent, en effet, un véritable obstacle au développement des petites et moyennes entreprises car les problèmes de trésorerie sont pour elles un véritable tracas au quotidien, d'autant que les banquiers sont souvent des partenaires difficiles.
Ce projet de loi permettra de geler sur trois ans et de lisser progressivement sur quatre ans les conséquences financières pour les entreprises du passage des seuils de dix et de vingt salariés. Ces seuils constituaient une autre des barrières artificielles au développement des PME, cette mesure, elle aussi, va donc dans le bon sens.
J'aurais aimé que le projet de loi aille plus loin sur la question des formalités administratives prévues pour répondre aux marchés publics. Les maires qui traitent souvent les marchés publics savent combien d'artisans et de PME ne répondent pas à ces marchés, tant les démarches pour le faire sont complexes.
Il reste que le projet de loi marque un réel progrès en matière de simplification.
Le Small Business Act à la française est un second point majeur du projet de loi. Un traitement spécifique est ainsi réservé, pour l'accès aux marchés publics, aux « PME de croissance ». Encore faut-il identifier ces dernières, ce qui n'est pas toujours facile. Or il me semble que le champ des entreprises concernés a été trop réduit. La question devrait être abordée au niveau européen et je formule le voeu qu'en assurant la présidence de l'Union européenne, la France sera capable, comme l'ont fait les États-Unis, de réserver aux entreprises françaises et européennes des marchés publics, sur lesquels reposent très nombreux emplois.
Madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, je le sais, vous souhaitez que nous votions une loi équilibrée. Il faut donc que nous pensions aux commerçants, aux artisans, aux prestataires de services. Je voudrais ainsi évoquer le fameux fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, le FISAC. Ce nom me déplaît car le mot « sauvegarde » n'est pas positif. Pourtant, dans nos campagnes, dans nos territoires ruraux, mais aussi dans nos villes moyennes, les commerçants, artisans et prestataires de services constituent un réseau indispensable de proximité et un secteur porteur d'emplois.
Je vous avais déjà fait des propositions concernant l'évolution du FISAC et j'aurais souhaité que vous puissiez aller plus loin que la réforme proposée.
J'aurais voulu que le produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, soit intégralement affecté aux entreprises. La répartition de cette taxe sera désormais plus équilibrée au profit des petits commerces afin de compenser les nouvelles facilités d'installation accordées aux moyennes surfaces. Mais seulement 80 millions d'euros sur les 600 millions récoltés par la TACA sont reversés aux entreprises. Certes, et je le souligne volontiers, vous allez consentir un effort supplémentaire de 20 millions d'euros : le total perçu par les entreprises s'élèvera alors à 100 millions. Il demeure étonnant que 600 millions d'euros soient prélevés d'un côté, alors que 80 ou 100 millions d'euros seulement sont distribués de l'autre.
Le FISAC pourrait également être beaucoup plus efficace si le délai de carence, actuellement de cinq ans, était ramené à deux ou trois ans. En effet, l'efficacité actuelle du fonds pose problème. Si le FISAC est intervenu durant trois ou quatre ans sur un territoire, un délai de carence de cinq ans l'empêche d'agir à nouveau, alors que de nombreuses collectivités territoriales, comme les conseils régionaux, cofinancent ces fonds. La réduction du délai de carence permettrait à des commerces de se moderniser et faciliterait certaines reprises.
Je souhaiterais que ce FISAC soit étendu à des cafés ou des restaurants, qui peuvent accueillir des points multiservices, en partenariat avec La Poste, par exemple. Le fonds pourrait aussi servir au financement partiel du droit de préemption dont bénéficient les communes.
Pourquoi ne pas créer un label national du commerce, pour mettre en avant ceux qui pratiquent un commerce de proximité et de qualité auprès de leurs concitoyens ?
Ces mesures sont simples, mais, derrière les commerçants, les artisans et les prestataires de services, des centaines de milliers d'emplois sont concernés, ainsi que l'aménagement et l'équilibre du territoire.
Vous l'avez compris mes chers collègues, je pense que ce projet de loi va dans le bon sens. Il simplifie la vie des entreprises qui en ont grandement besoin ; il met en place le Small business Act que j'appelle de mes voeux ; il renforce le FISAC. L'action de ce dernier devrait être plus équilibrée entre ville et campagne. L'augmentation des montants des crédits du fonds est un progrès, mais je demande au Gouvernement de ne pas oublier nos campagnes. Elles en ont tant besoin. Je suis persuadé que les effets de ces trois mesures, auxquels s'ajouteront ceux d'autres dispositions du projet de loi, permettront d'aller chercher ce point de croissance tant convoité et d'apporter un peu d'espoir à nos concitoyens qui en ont vraiment besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, en proposant trente mesures fondamentales, ce projet de loi de modernisation de l'économie s'inscrit dans le prolongement de textes que nous avons déjà votés, comme en juillet 2007, celui relatif à la défiscalisation des heures supplémentaires avec l'exonération des charges sociales, dit loi TEPA, ou encore la loi concernant la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC. Il se situe plus largement dans la continuité des lois pour l'initiative économique ou la consommation, dites lois Jacob, Dutreil et Chatel, dont notre majorité a résolument et heureusement pris l'initiative depuis plusieurs années – je précise cela à l'intention de nos collègues de l'opposition.
Comme vous l'avez affirmé en nous présentant cet après midi le projet de loi, madame la ministre, la mondialisation que nous vivons aujourd'hui, nous impose d'aller plus vite et de faire toujours mieux : vous avez, ô combien, raison !
Catherine Vautrin l'a judicieusement souligné : le projet de loi de modernisation de l'économie a pour objectif de favoriser la création, le développement, la reprise et la transmission d'entreprise. Je défendrai avec elle plusieurs amendements visant à aller encore plus loin vers la simplification tant demandée par les entrepreneurs.
La création d'un nouveau statut de l'auto-entrepreneur est une mesure importante. Ce statut existe déjà dans d'autres pays et a fait ses preuves. Il permet à tous ceux qui le souhaitent de créer leur propre activité de manière simple et rapide, tout en protégeant encore mieux leur patrimoine personnel grâce à une simple déclaration devant notaire. Ce statut permet aussi aux salariés de développer une activité tout en gardant leur emploi, le temps de permettre une certaine croissance de la nouvelle entreprise.
D'un côté, il faut lever les verrous qui empêchent d'entreprendre, de l'autre, il faut permettre la transmission lorsque le chef d'entreprise pense à la retraite. 700 000 entreprises seront ainsi cédées dans les dix ans à venir. C'est énorme, et il nous faut créer de meilleures conditions de transmission. C'est l'objet des articles 15 à 20 du projet de loi qui abaissent les droits de mutation à titre onéreux et en exonèrent les salariés ou les membres du cercle familial du cédant en cas de reprise. Ces mesures ne sont pas des « cadeaux faits aux riches », comme nous avons pu l'entendre depuis juillet 2007 ; elles ont bien pour objectif de permettre la transmission des entreprises et de conserver des emplois.
Face au dénigrement global de nos collègues de l'opposition, madame la ministre, je veux insister sur l'importance du titre Ier de votre projet de loi.
Votre lettre de mission vous demandait de « lever les contraintes qui empêchent certains secteurs de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix ». En matière de prix, le dispositif que vous proposez consiste en la remise à plat de la négociabilité des conditions générales de vente dans l'intérêt du consommateur avec la suppression des fameuses marges arrière. Vous proposez également la recomposition de la commission départementale d'équipement commercial ; la suppression du critère de densité commerciale par zone de chalandise avec hausse du seuil d'autorisation en matière d'urbanisme commercial ; la réforme de la TACA et le renforcement du FISAC.
Madame la ministre, je partage votre objectif de libéralisation des conditions de négociabilité, mais je pense que les amendements relatifs à la loyauté et au contrôle que j'ai déposés avec notre excellent rapporteur, Jean-Paul Charié, sont nécessaires tant pour les consommateurs que pour les fournisseurs et les distributeurs.
Madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, je vous remercie de nous confirmer votre volonté d'équilibre sur ce sujet.
Si j'approuve votre volonté d'augmenter les moyens consacrés au commerce de proximité – TACA et FISAC –, comme de nombreux élus locaux, le relèvement du seuil de compétence de la nouvelle commission départementale d'aménagement commercial, qui favorise l'implantation des moyennes surfaces, m'inquiète. L'objectif louable de concurrence pour faire baisser les prix ne va-t-il pas avoir un effet négatif sur le petit commerce de proximité et sur l'aménagement de notre territoire ? Nos nombreux échanges sur ce point particulier avec d'autres collègues attachés à la responsabilité des maires dans le dispositif, et en premier lieu avec le président de notre commission des affaires économiques, Patrick Ollier, nous ont permis de discuter très largement de cette question sensible. Je suis certain, madame la ministre, que vous serez particulièrement attentive à cette question en séance publique afin que nous puissions, là encore, trouver un équilibre. Je vous serais reconnaissant, madame la ministre de nous le confirmer.
Ce projet de loi comporte bien d'autres mesures importantes que je ne peux développer dans le laps de temps qui m'est imparti. Je pense en particulier à la question de l'économie numérique, sur laquelle interviendra excellemment demain notre collègue Laure de la Raudière.
Ce projet de loi est ambitieux. Madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, je souhaite que, une fois ce projet de loi voté, enrichi par les amendements que nous adopterons, vous puissiez le mettre en application très rapidement pour donner toutes les chances de croissance à notre économie et nos entreprises. J'ai bien noté, madame la ministre, que vous vouliez associer le Parlement au suivi de l'application de la future loi. Et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, chers collègues, la commission des lois a été saisie pour avis de plusieurs articles du projet de loi de modernisation de l'économie.
Permettez-moi tout d'abord une remarque de fond, liée au titre du projet de loi et inspirée tant par la lecture des quarante-quatre articles du texte que par l'esprit qui s'en dégage. Ainsi, la modernisation de l'économie serait donc la face cachée du libéralisme ! Voilà le « vent de liberté et de concurrence » qui va souffler sur notre économie. Je crains plutôt qu'il ne soit annonciateur de tempête pour les plus petites de nos entreprises et pour nos artisans et commerçants de détail, au détriment de l'intérêt du consommateur, dont le pouvoir d'achat a déjà été fortement amputé par la succession de mesures prises par votre gouvernement.
Mieux, un examen attentif nous apprend que, sous couvert de cette liberté annoncée, certaines dispositions du projet de loi vont permettre aux plus avertis des entrepreneurs d'agir au mépris de l'intérêt des associés minoritaires ou des tiers en relation d'affaires avec eux.
Mais le texte présenté ne suffira pas. On nous annonce ainsi des ordonnances, dont M. le rapporteur nous dit avoir eu connaissance du détail, destinées à réformer la loi de sauvegarde des entreprises. Nous avons déploré, lors du débat sur la réforme des institutions, le recours aux ordonnances, qui se banalise, ôtant au Parlement le coeur de sa compétence normative. La dérive est d'autant plus grave si M. le rapporteur a eu connaissance des dispositions susceptibles de figurer dans ces ordonnances, et nous la dénonçons avec force.
Venons-en aux dispositions soumises pour avis à la commission des lois. L'article 13 de la loi est un fac-similé de simplification. Tout existe déjà, et faire d'un statut type l'apanage de la création d'entreprise va à l'encontre même du statut d'entrepreneur. La responsabilité et la mesure des engagements qu'il sera amené à prendre seront méconnues par lui. Il s'avancera en ignorant totalement les risques qu'il court : abus de biens sociaux, distribution déguisée de bénéfices, sans parler du risque de voir l'écran sociétaire de type SARL se fissurer sous la mise en cause de sa responsabilité pour absence de crédit donné à sa société par sous-capitalisation.
Après la société à 1 euro, nous avons droit à la « société-minute », pour une responsabilité tout au long de la vie ! Ces dispositions seront source d'importants malentendus pour les entreprises qui vont ainsi se lancer sans connaître les risques juridiques et fiscaux qui les menacent parce que nous légiférons à droit constant.
L'article 14, qui complète l'article 227-9 du code de commerce, permet d'écarter la présence d'un commissaire aux comptes. Si la simplification peut signifier la réduction du coût des formalités, elle ne saurait pour autant se faire au détriment des associés minoritaires ou des tiers, notamment dans l'hypothèse de sociétés filialisées dépendantes de grands groupes.
L'article 19 vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance en vue de compléter la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, qui a créé les procédures de conciliation et de sauvegarde. Cette procédure de dessaisissement du Parlement est d'autant plus contestable que la loi du 26 juillet 2005 a été adoptée au terme d'une navette qui a duré plus d'un an, que les assemblées ont siégé quatorze jours en séance et que deux commissions ont été saisies à l'Assemblée, trois au Sénat. Et le Gouvernement souhaite défaire le travail parlementaire par une simple ordonnance gouvernementale ! Or le travail de réforme, s'il est nécessaire, doit être confié au Parlement, surtout lorsque l'habilitation porte, comme c'est le cas en l'espèce, sur pas moins de seize champs d'intervention.
Sur le fond, comme cela avait été souligné lors des débats sur le projet de loi de sauvegarde des entreprises, il est nécessaire, avant de procéder à toute modification législative dans ce domaine, de réformer les tribunaux de commerce. Rétablir la confiance entre les entreprises et la justice commerciale est en effet une urgence et un préalable.
L'article 19 vise également à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance en matière de fiducie. Or il faut rappeler que la loi instituant celle-ci date seulement d'un an. Traduisant la frénésie législative du Gouvernement, ce projet de loi prévoit d'élargir le recours à la fiducie, sans même attendre un rapport d'évaluation de la législation en vigueur. On connaît pourtant la double dérive inhérente à cette procédure : elle offre à des entreprises peu scrupuleuses la possibilité de réaliser des montages juridiques qui leur permettent, comme l'a fait Enron, de sortir leurs dettes de leur bilan ;…
…elle présente le risque de voir les établissements de crédit abuser d'une nouvelle sûreté, redoutable, qui laissera en pratique les autres créanciers, salariés et fournisseurs, sans recours. Par ailleurs, le Gouvernement lui-même avait souligné que le mécanisme de la fiducie accroît les risques de blanchiment d'argent. Le vent de liberté aura fini par emporter ses scrupules.
Enfin, la création d'une carte de résident attribuée aux étrangers qui apportent une contribution économique exceptionnelle à la France consacre le droit des plus nantis. Cette disposition symbolise la vision utilitariste des étrangers, en la réduisant à une marchandise comme une autre, dont la valeur est appréciée à l'aune de leur statut social et financier. En outre, on établit une hiérarchisation entre les étrangers selon que leur apport est d'ordre intellectuel ou pécuniaire, puisque la carte « compétences et talents » ne leur ouvre pas les mêmes droits. Cette mesure « coupe-file » est d'autant plus contestable qu'elle s'inscrit dans un contexte de précarisation de la grande majorité des étrangers les plus pauvres au fil des lois relatives à l'immigration, devenues annuelles.
Au-delà des dispositions techniques, le vent de liberté que ce projet de loi fait souffler sur l'économie est bien celui du libéralisme. C'est pourquoi nous proposerons des amendements destinés à infléchir ces mesures, afin de moraliser des dispositions qui oublient les équilibres entre les acteurs de cette économie, que nous voulons avant tout au service des plus faibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui relève un double défi : celui de libérer les énergies pour favoriser la croissance et celui de replacer le consommateur au coeur de l'offre commerciale en augmentant son pouvoir d'achat. Il convient de remarquer que ce projet de loi a fait l'objet d'une véritable coproduction législative – pour reprendre une formule à la mode –, puisqu'il a été soumis aux parlementaires très en amont.
En tant que président du groupe d'études sur le commerce de proximité, je m'attacherai plus particulièrement à formuler quelques observations sur le titre II du projet de loi, qui a pour ambition de dynamiser la concurrence en jouant principalement sur la négociabilité et sur l'urbanisme commercial, qui sont deux enjeux majeurs.
Le bilan de l'urbanisme commercial de ces vingt dernières années est mitigé – et c'est un euphémisme. Plus de 63 % du chiffre d'affaires des 320 000 commerces recensés en 2004 est réalisé par des magasins de plus de 400 mètres carrés. En douze ans, le nombre des supermarchés a augmenté d'un quart et celui des hypermarchés a presque progressé de moitié. En revanche, le nombre des commerces d'alimentation générale de moins de 120 mètres carrés a été divisé par trois en un peu plus de vingt ans.
Le fameux article 27 reconsidère les règles d'implantation des grandes surfaces, en relevant de 300 à 1 000 mètres carrés le seuil de déclenchement de la procédure d'autorisation préalable d'ouverture. Je tiens à vous exprimer ma réticence et celles de nombreux députés à l'égard de cette disposition.
En effet, il est essentiel à mes yeux que le maire reprenne la main en matière d'urbanisme commercial. Il est inacceptable que lui soient imposées des structures qui répondent à des intérêts marchands, certes compréhensibles, mais qui peuvent contredire gravement les stratégies urbaines de la commune, les équilibres économiques, sociaux et, osons le dire, l'aménagement du territoire.
En conséquence, le maire ou le président de l'EPCI doit pouvoir saisir la CDEC pour un projet compris entre 300 et 1 000 mètres carrés. Sachant que le projet de loi ne rend l'intervention de la commission indispensable qu'au-dessus de 1 000 mètres carrés, j'ai cosigné l'amendement allant dans ce sens. C'est une disposition qui me paraît saine, car elle permet au maire d'assumer en toute transparence les responsabilités qu'il exerce pour toute forme d'urbanisme. Pourquoi en serait-il écarté en ce qui concerne l'urbanisme commercial ?
Mais il était tout aussi important qu'on ne détricote pas à Paris une décision prise in situ par des personnes maîtrisant parfaitement le contexte local. J'ai donc cosigné un autre amendement tendant à supprimer la Commission nationale d'urbanisme commercial, qui est considérée comme une machine à dire « oui » lentement ou à contourner les décisions locales.
L'amendement qui confère aux maires un droit de préemption sur les baux commerciaux libérés en centre-ville pendant douze mois, au cours desquels ils pourront geler l'implantation d'une surface commerciale et proposer un projet alternatif, va dans le bon sens.
Je préconise, en revanche, la mise en place d'une commission interdépartementale d'aménagement commercial dès lors qu'un projet a un impact sur une zone de chalandise dépassant le cadre du seul département d'implantation.
En ce qui concerne la concurrence, que le projet de loi a clairement pour objet de libérer, si la théorie selon laquelle seule la concurrence entre les grandes surfaces peut faire baisser les prix et redonner du pouvoir d'achat n'est pas erronée, elle n'est pas complète. En effet, le commerce de proximité participe à cette concurrence, dont il est également un acteur. Il faut l'affirmer et il faut lui en donner les moyens.
Mais nous devons veiller à ce que le gain de pouvoir d'achat ne se fasse pas sur le dos des producteurs. Je pense en particulier à nos agriculteurs, qui ne veulent plus être la variable d'ajustement, pour ne pas dire les victimes, de l'élaboration du prix.
Certes, le projet de loi prévoit de nombreux garde-fous pour équilibrer les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. Mais la plus grande liberté tarifaire est accompagnée d'une responsabilité accrue des acteurs. Le projet de loi de modernisation de l'économie prévoit ainsi de renforcer les sanctions à l'encontre de ceux qui abuseraient de leur puissance d'achat ou de vente.
En ce qui concerne les petits commerces de centre-ville, les crédits du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce – le fameux FISAC – vont être portés de 80 à 100 millions d'euros. Cette augmentation sensible permettra d'élargir le champ d'intervention de ce dispositif et de le recentrer sur les commerces de proximité, en relevant par exemple les plafonds des dépenses subventionnables. Dans le même temps, la procédure de financement sera accélérée et simplifiée. Il convient néanmoins de rester vigilants quant à la bonne utilisation des fonds du FISAC.
J'ai ainsi proposé un amendement qui permettrait de dégager des priorités d'action en ce qui concerne l'utilisation de l'enveloppe de crédit du FISAC. Il autorise ainsi son intervention pour des projets « structurants » d'aménagement urbain, sur le moyen terme, pour une durée pouvant être supérieure à trois ans.
Vous avez déclaré, madame la ministre, qu'il n'y avait « pas de liberté acceptable sans une régulation équilibrée ». Je souhaite que les outils prévus par ce projet de loi le permettent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, bien d'autres orateurs ont souligné les risques que comporte ce projet de loi qui, sous couvert de modernisation de l'économie, va, en réalité, profondément bousculer des équilibres délicats.
Il en va ainsi de la libéralisation effrénée de la grande distribution, dont on a un peu l'impression qu'elle est fabriquée spécifiquement pour certaines enseignes, je n'ose dire amies, mais qui se vantent en tout cas d'avoir joué un rôle décisif dans l'élaboration de ce texte.
Ce projet de loi est, à mes yeux, insuffisant, dangereux et risqué. Je tenterai, mes chers collègues, de vous en convaincre à partir de trois exemples.
Ce texte est insuffisant pour aider à la création d'entreprises et à la mobilisation des entrepreneurs individuels. Certes, il crée le statut de l'auto-entrepreneur, mais il fait trop l'impasse sur la micro-entreprise et sur la micro-finance. Qui peut nier que l'attractivité du régime de la micro-entreprise puisse être encore améliorée en relevant ses seuils, qui n'ont pas été revus depuis 1990, en baissant les taux de cotisations et en augmentant les abattements forfaitaires ? Plutôt que d'améliorer ce qui existe, le Gouvernement a fait le choix de créer encore un nouveau statut ! Est-ce cela la simplification administrative ?
Quant à la micro-finance et au micro-crédit, si fondamental pour la création par les demandeurs d'emploi de leur propre emploi, les modifications techniques de l'article 20 – à savoir l'élargissement des prêts aux fondations et l'accès des organismes prêteurs aux fichiers de la Banque de France –, si elles sont utiles, elles ne doivent pas faire illusion. L'ancien Président de la République avait réuni les banques pour développer le micro-crédit ; il avait créé l'Observatoire de la micro-finance et mis en place le Fonds de cohésion sociale. C'était peu, mais cela avait au moins le mérite d'exister ! Depuis un an, tout cela est en panne : pas un mot du nouveau Président, pas l'ombre d'une ambition. Là encore, pourquoi ne pas mobiliser les réseaux bancaires, faire du micro-crédit social et professionnel une grande cause nationale ? C'est d'un véritable service public de crédit social que notre pays et sa population modeste ont besoin. Or, de cela, vous ne dites rien !
Insuffisant, ce projet de loi est également dangereux, notamment quand il banalise le livret A, avec un niveau de garantie à mon sens très insuffisant. Jean-Pierre Balligand a remarquablement décrit nombre des dangers potentiels que recèle cette mesure. Avec cette banalisation, c'est tout un édifice financier dont on sape les fondations ; on met à mal un circuit de financement qui a fait les preuves de son efficacité, comme l'atteste son ancienneté.
Les détenteurs des livrets les plus consistants seront démarchés, inexorablement tentés par les sirènes alléchantes d'établissements qui rêvaient, depuis des années, de mettre la main sur leur capacité de placement, et il ne faudra pas longtemps avant que leur soient proposés d'autres produits d'épargne a priori plus rémunérateurs. Le danger, c'est de provoquer ainsi une « fuite » dans le circuit de financement du logement social, qui a pourtant tant besoin de stabilité et de ressources.
C'est en cela aussi que ce texte devient porteur de risques de puissants déséquilibres pour les établissements jusqu'alors distributeurs exclusifs de livrets à épargne réglementée. Ce sera vrai pour le Crédit Mutuel, mais bien davantage encore pour le réseau des Caisses d'Épargne, dont on aurait tort de croire qu'il est un colosse, alors qu'il conserve, sinon des pieds d'argile, du moins une assise encore relativement fragile. L'annonce récente de plus de 4 000 suppressions d'emplois risque de n'être qu'un début des révisions stratégiques de ce réseau.
Mais le risque majeur est pour la Banque Postale. Qui peut ne pas voir qu'elle va perdre sa clientèle la plus rémunératrice, et conserver – largement, si ce n'est exclusivement – une mission d'accessibilité bancaire très coûteuse – bien davantage, je le crains, que les compensations financières que ce texte et les discours du Gouvernement ne le prévoient ? Vous lui demandez de prendre son envol, mais en lui rognant les ailes ! En l'absence d'une prise de conscience rapide, la Banque Postale risque bien davantage de rester dans la cour de la ferme plutôt que de s'envoler vers la cour des grands au service de l'activité bancaire et du financement des besoins sociaux et économiques du pays ! À elle, vous laissez les charges, à d'autres vous offrirez les profits ! Est-ce cela, la modernisation de l'économie que vous voulez dessiner ? À dire vrai, le texte n'est rien d'autre qu'une nouvelle tentative de garder nationalisés les coûts et de privatiser les bénéfices !
Voilà pourquoi ce projet de loi doit être corrigé. Moderniser l'économie, cela ne signifie pas déstructurer ce qui fonctionne bien pour ouvrir les portes de l'aventure de la rentabilisation ! Car alors, il ne faut pas s'étonner que ceux qui ont déjà beaucoup aient encore davantage, et que ceux qui ont peu se trouvent encore plus marginalisés. C'est ce que vous risquez de faire avec ce texte, et ce n'est pas acceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Olivier Dassault, qui sera le dernier orateur à s'exprimer ce soir.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « tout bruit entendu longuement devient une voix. » Ce jugement extrait de la Légende des siècles de Victor Hugo, j'en goûte aujourd'hui toute la saveur. À l'automne 2002, je demandais au rendez-vous au Premier ministre pour lui parler d'une bien étrange notion : l'attractivité du territoire. De quoi s'agit-il ? L'attractivité d'un pays, vous le savez, c'est sa capacité à séduire, à attirer à lui les talents, les énergies et les investissements. Mais c'est aussi savoir retenir sur son territoire ses propres atouts, afin que celles et ceux qui veulent réussir ne tentent pas leur chance ailleurs.
Jean-Pierre Raffarin me demanda un rapport, que je lui remis quelques mois plus tard, en février 2003. Il décida alors de contredire Clemenceau, lequel prétendait que « pour enterrer une question, il suffit de créer une commission pour l'étudier ».
En effet, il insista pour reprendre l'une des mesures préconisées et l'ériger en règle essentielle lors de son discours de La Baule sur les investissements internationaux en France, en juin 2003 – un discours qui fit date, puisqu'il inaugura le cycle annuel de ces conférences.
L'attractivité doit être une préoccupation constante, permanente et transversale à toute action publique. Cela suppose un pilotage affiné et constant, pour rester adaptables et réactifs aux changements de comportement des entrepreneurs, des chercheurs et des investisseurs. Toute politique en faveur de l'attractivité est donc une action pragmatique et efficace. C'est aussi, vous vous en rendez bien compte, une façon moderne de concevoir notre action, au confluent de ces deux puissantes rivières que sont la puissance publique et l'efficacité de l'entreprise.
Le seul fait que vous ayez, madame la ministre, décidé d'intégrer, dès la rédaction initiale de votre projet de loi, un volet spécifiquement dédié à l'attractivité, est déjà une véritable satisfaction, et je vous en remercie. Je crois sans peine pouvoir associer à mes propos les membres du groupe d'étude de l'Assemblée nationale sur l'attractivité et le rayonnement international de la France – dont font d'ailleurs partie les rapporteurs Jean-Paul Charié et Nicolas Forissier, que je salue.
Votre ambition n'est rien moins que de développer l'attractivité française au service de la croissance. Nous vous encourageons naturellement sur cette voie.
Vous avez fait le choix de porter votre regard et vos efforts sur le rattrapage de nos capacités en matière numérique, en facilitant le déploiement du très haut débit en fibre optique, à la manière de ce qui avait été fait jadis pour encourager les copropriétaires d'immeubles à installer des antennes, puis le câble. Cela suppose, en plus des incitations de tous ordres, un effort de pédagogie pour bien faire prendre conscience au plus grand nombre des Français de l'enjeu de fond de telles mesures : il s'agit bel et bien de permettre le plein développement de l'économie numérique dans notre pays.
C'est une chance de promouvoir nos spécificités, notre inventivité, notre patrimoine, nos savoir-faire à l'échelle mondiale. D'où l'importance qu'il faut accorder à la modernisation des possibilités d'enregistrement et de délivrance des brevets.
C'est un sujet sensible, car nous avançons dans un contexte rendu difficile par la prolifération de la contrefaçon. Il n'est qu'à voyager en Europe pour prendre la mesure du défi du numérique. Je ne pense pas seulement aux Pays Baltes, dont la croissance économique à deux chiffres nous fait rêver et qui ont appuyé leur réussite actuelle sur les nouvelles technologies. Si ce sont des exemples dont nous devons nous inspirer, nous ne pouvons comparer ce qui n'est pas comparable : la taille de leurs territoires et leurs populations leur permettent des révolutions rapides.
En revanche, l'Espagne, immense et vieux pays, a pris à la corde le virage du numérique et du haut débit. Aujourd'hui, combien d'entreprises de nos circonscriptions trouvent des débouchés inattendus dans la péninsule Ibérique, et combien d'entre elles doivent aussi, parallèlement, faire face à la compétition de concurrents espagnols ?
Je pourrais multiplier les exemples et énumérer les pays, faisant à cette tribune une sorte d'inventaire dont le dénominateur commun, au fond, ne serait rien d'autre qu'une illustration des effets de la mondialisation. Pour revenir à la France, il faut souhaiter le plus grand succès aux Assises du numérique qui se dérouleront jusqu'à la fin du mois. Je suis d'ailleurs très heureux que nos collègues socialistes en aient pris conscience, notamment par la voix de Mme Erhel. C'est une première étape indispensable. Je crois que cette initiative devrait être démultipliée par une large campagne de communication citoyenne.
Promouvoir la modernisation de nos infrastructures numériques, c'est aussi une bonne occasion de parler, pour une fois, des trains qui arrivent à l'heure. C'est une opportunité formidable à mes yeux, alors même que nous sommes pleinement dans le temps de l'action, de renouer avec les Français en leur redonnant de l'ambition et des objectifs.
Mais si, après avoir pris des exemples chez nos voisins, j'en suis revenu à la France, je ne souhaite pas y revenir seul. Vous non plus, semble-t-il, madame la ministre et messieurs les secrétaires d'État, puisque les dispositifs que vous soumettez à notre examen comprennent aussi un ensemble de mesures en faveur des étrangers qui font le choix de s'implanter en France. Vous souhaitez les y encourager, qu'il s'agisse de salariés, de chercheurs, ou de cadres de haut niveau. C'est évidemment essentiel, non seulement au regard de la plus-value que nous retirons de leur présence en termes d'expérience professionnelle, de dialogue des cultures et de savoir-faire, mais aussi parce que lorsqu'ils repartiront dans leur pays d'origine, s'ils ont été bien accueillis, si leur séjour fut agréable et fructueux, ils seront chez eux nos meilleurs ambassadeurs.
C'est la raison pour laquelle je milite pour l'accueil d'un plus grand nombre d'étudiants étrangers en France dans les meilleures conditions.
Il n'est qu'à parler avec des Français qui rentrent de Londres pour s'en convaincre totalement : s'ils restent bien français de coeur, on pourrait croire qu'ils ont un passeport britannique !
Pour conclure, je souhaite redire ma satisfaction de voir enfin les mesures en faveur de l'attractivité dépasser le stade de réflexions prospectives ou de voeux ardents pour accéder au rang de leviers économiques. En imaginant la France de demain pour répondre aux attentes d'aujourd'hui des Français en matière de croissance, de pouvoir d'achat et de renouveau des relations économiques, vous avez souhaité vous inscrire sous le signe de la prévision et de l'anticipation.
Avec le projet de loi de modernisation de l'économie, vous êtes en train, madame la ministre, de vous forger une nouvelle devise : prévoir, c'est gouverner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Prochaine séance, aujourd'hui, mardi 3 juin, à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mardi 3 juin 2008, à une heure dix.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma