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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 2 juin 2008 à 21h30
Modernisation de l'économie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la loi de modernisation de l'économie dont nous entamons la discussion marque une nouvelle étape dans l'action engagée pour stimuler la croissance, avec, notamment, des mesures en faveur des PME – statut des entrepreneurs, protection de leur patrimoine, réduction des délais de paiement, rescrit social, atténuation des seuils, modernisation du capital-risque, accès des PME aux marchés publics, transmission des entreprises, réponses adaptées aux entreprises en difficulté, développement de l'économie solidaire et du microcrédit, amélioration de la concurrence –, de l'accès au très haut débit internet, des dépôts de brevet et de la fiscalité de la recherche. À l'ensemble de ces mesures, j'apporte, comme Catherine Vautrin l'a fait pour le groupe UMP, mon total soutien.

Mais vous comprendrez que je consacre en priorité mon intervention au titre IV du projet de loi qui concerne la Caisse des dépôts et consignations, placée depuis 1816 « de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative », puisque, depuis dix mois, je préside, au nom de notre assemblée, sa commission de surveillance.

Au préalable, je souhaite saluer la qualité du dialogue conduit avec les parlementaires membres de la commission de surveillance, comme avec l'équipe de direction de l'établissement, autour d'Augustin de Romanet, en liaison avec les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Premier ministre François Fillon s'y était engagé et je vous en remercie, madame la ministre. Ce dialogue a permis de mieux comprendre nos positions réciproques et de lever plusieurs difficultés – dont certaines ont été évoquées tout à l'heure par Jean-Pierre Balligand –, avant même la présentation du projet de loi au Conseil des ministres.

En ce qui concerne la gouvernance, j'avais rappelé lors de l'audition par la commission des finances le 25 septembre 2007, à l'occasion de la présentation du rapport annuel au Parlement, qu'en cent quatre-vingt-onze ans la gouvernance avait largement fait ses preuves puisque aucun incident majeur ne s'est produit et qu'aucune crise grave n'a été constatée. Cela se vérifie encore aujourd'hui, puisque la Caisse des dépôts a su ne pas s'exposer sur le marché du crédit hypothécaire à risque aux États-Unis. Je précisais cependant que ce constat ne devait pas conduire à l'immobilisme.

De même que le groupe a évolué, a revisité périodiquement le coeur de ses missions d'intérêt général au service des priorités du pays, la gouvernance a été régulièrement améliorée et codifiée dans un règlement intérieur dont l'existence va être reconnue grâce à cette loi.

La commission de surveillance va donc voir sa composition modifiée : elle intégrera désormais trois personnalités qualifiées, désignées par les présidents des assemblées parlementaires. Cela permettra de bénéficier des compétences d'économistes ou de dirigeants de société : il faudra, bien entendu, veiller aux éventuels conflits d'intérêts. Je souhaite que ces personnalités puissent inclure un représentant de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, qui pourrait apporter une contribution efficace, notamment en matière d'investissement dans les PME. La commission de surveillance accueillera également un deuxième sénateur : cela permettra, comme j'en ai exprimé le souhait à plusieurs reprises, une représentation de l'opposition de chacune des deux assemblées. L'amendement de la Commission des Finances, déposé à l'initiative de Jean-Pierre Balligand, conforte cette orientation.

Enfin, le projet de loi traduit le départ des Caisses d'épargne du périmètre du groupe et l'évolution de la distribution du livret A avec le retrait du représentant de la CNCE. La commission de surveillance ainsi recomposée permettra de mieux répondre aux problématiques du groupe Caisse des dépôts en s'appuyant notamment sur le travail des comités spécialisés : le comité d'examen des comptes et des risques, le comité des fonds d'épargne et le comité des investissements, dont, avec le directeur général, nous avions suggéré la mise en place après que la Caisse avait dû accroître sa participation dans EADS. Cette proposition a d'ailleurs été reprise dans les conclusions du rapport de la commission des finances, à la suite des différentes auditions qu'elle a effectuées à l'initiative du président et du rapporteur général du budget. Depuis plusieurs mois, nous avons d'ailleurs travaillé avec le directeur général, en préfiguration de ce comité des investissements, sur tous les dossiers sensibles, anticipant le vote de la loi.

Dans ce contexte de consolidation du rôle et du travail de la commission de surveillance, il me paraît précieux de maintenir la représentation de deux membres de la Cour des comptes. Ce n'est pas de la nostalgie, mais la simple constatation qu'ils sont les rapporteurs des travaux des comités spécialisés. J'ai déposé un amendement allant dans ce sens.

La commission de surveillance disposera aussi de compétences externes pour le contrôle avec le concours de la commission bancaire. Je tiens à réaffirmer simplement, mais avec fermeté, que cette intervention de la commission bancaire, dont l'intérêt est réel et ne remet nullement en cause le travail de qualité de la direction des risques et du service de l'audit, ne peut avoir lieu que sous l'autorité de la commission de surveillance. De plus, il appartient à la commission de surveillance de se prononcer sur les suites à donner aux contrôles et aux éventuelles propositions de sanction de la commission bancaire. Au regard des dispositions de la loi de 1816, nul ne peut en effet avoir d'autorité sur la Caisse des dépôts que le Parlement. De même que, dans un souci de clarté des responsabilités, l'exécutif relève pleinement et exclusivement du directeur général, la tutelle sur la Caisse ne peut être fractionnée. C'est la raison pour laquelle j'ai été amené à déposer un amendement concernant le dispositif de contrôle anti-blanchiment, proposé avec Daniel Garrigue. Jean-Pierre Balligand a déposé le même amendement et la commission des finances a bien voulu les adopter.

Je souhaite que, à propos de cette question, nous trouvions une rédaction satisfaisant à la fois à la volonté du Parlement et à la préoccupation du Gouvernement, puisque ce travail n'est plus effectué par l'Inspection générale des finances qui s'en était fort bien acquittée jusqu'à ce jour.

La loi va également préciser les missions de la Caisse des dépôts en officialisant son rôle « d'investisseur à long terme qui contribue dans le respect de ses intérêts patrimoniaux au développement des entreprises ». Je me réjouis de cette disposition, qui consacre tout d'abord le caractère « long-termiste » de la Caisse en tant qu'investisseur. C'est sa principale originalité par rapport aux autres établissements financiers et c'est une force pour le pays. Au moment où les engagements dans les sociétés sont consentis pour des délais de plus en plus courts, au moment où le pays doit répondre à des défis qui supposent des politiques s'inscrivant dans la durée, la Caisse est l'acteur qui peut accompagner celles-ci.

En arrêtant, à l'initiative du directeur général, son plan stratégique, avec lequel la commission de surveillance a marqué son accord, la Caisse s'est fixé quatre objectifs : le logement ; l'économie de la connaissance ; le développement durable ; l'accompagnement des PME.

Les entreprises sont donc aujourd'hui confirmées comme un secteur prioritaire d'intervention de la Caisse. C'est ce qu'avait souhaité le chef de l'État, soucieux d'affermir dans notre pays l'activité des centres de recherche et de décisions des grands groupes, car c'est un facteur de croissance et d'emplois. Je mesure l'importance de cet enjeu et l'exigence de réactivité de la Caisse.

Cette orientation, nous l'avons aussi anticipée en travaillant depuis plusieurs mois sur les doctrines d'investissement et d'actionnaire de la Caisse, dans le respect des règles de l'Union européenne.

L'autre grand sujet du titre IV est l'ouverture de la distribution du livret A. C'est en 1837 que la Caisse des dépôts a centralisé l'ensemble des ressources de l'épargne réglementée. Là aussi, l'institution qui agit pour le compte de l'État n'a pas failli à sa mission en assurant dans la durée la transformation d'une épargne liquide immédiatement disponible en prêts à long terme, principalement au bénéfice du logement social.

Je souhaite saluer le travail de la direction des fonds d'épargne et du comité présidé aujourd'hui par notre collègue Daniel Garrigue.

La Caisse était attachée au mode de distribution du livret A. Toutefois, face à la multiplication des contentieux entre la France et l'Union, je considère que le statu quo, dont l'issue était au demeurant incertaine, rendait légitime une évolution. À Vandoeuvre-lès-Nancy, le Président de la République a fixé le cadre de la réforme : il fallait concilier une ressource abondante, une ressource bon marché et la non-fragilisation des réseaux distributeurs actuels, avec le maintien du rôle d'accessibilité bancaire du livret A. Chacun peut se retrouver sur ces objectifs et je partage moi-même ces orientations.

Le coût de la ressource est un sujet essentiel sur lequel la commission de surveillance attirait l'attention sans succès depuis de nombreuses années. En effet, le coût était tel qu'il fallait bonifier les prêts consentis par la section générale. Le Gouvernement a pris ses responsabilités en faisant évoluer ce coût à la baisse, sans léser l'épargnant, puisque le taux du livret A a augmenté. Il a également eu la volonté de dire que la rémunération des réseaux bancaires devrait diminuer dans le cadre de cette loi. Il importe que cette baisse, qui doit prendre en compte la situation spécifique de La Banque Postale, puisse s'inscrire dans la durée et soit répercutée au bénéfice des emprunteurs sur ressources des fonds d'épargne. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que la commission de surveillance puisse être saisie pour avis du taux de commissionnement. Cette question est d'autant plus importante que la Caisse est confortée dans sa place de prêteur essentiel du logement social, garantissant l'impartialité des prêts aux différents organismes.

En ce qui concerne l'abondance de la ressource, personne ne peut dire ce que sera, dans la durée, l'évolution des encours du livret A et du livret de développement durable. Jean-Pierre Balligand a posé la question avec une grande honnêteté, dans une question préalable dont je salue la qualité, même si je ne partage pas toutes ses conclusions.

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