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Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 2 juin 2008 à 21h30
Modernisation de l'économie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, chers collègues, la commission des lois a été saisie pour avis de plusieurs articles du projet de loi de modernisation de l'économie.

Permettez-moi tout d'abord une remarque de fond, liée au titre du projet de loi et inspirée tant par la lecture des quarante-quatre articles du texte que par l'esprit qui s'en dégage. Ainsi, la modernisation de l'économie serait donc la face cachée du libéralisme ! Voilà le « vent de liberté et de concurrence » qui va souffler sur notre économie. Je crains plutôt qu'il ne soit annonciateur de tempête pour les plus petites de nos entreprises et pour nos artisans et commerçants de détail, au détriment de l'intérêt du consommateur, dont le pouvoir d'achat a déjà été fortement amputé par la succession de mesures prises par votre gouvernement.

Mieux, un examen attentif nous apprend que, sous couvert de cette liberté annoncée, certaines dispositions du projet de loi vont permettre aux plus avertis des entrepreneurs d'agir au mépris de l'intérêt des associés minoritaires ou des tiers en relation d'affaires avec eux.

Mais le texte présenté ne suffira pas. On nous annonce ainsi des ordonnances, dont M. le rapporteur nous dit avoir eu connaissance du détail, destinées à réformer la loi de sauvegarde des entreprises. Nous avons déploré, lors du débat sur la réforme des institutions, le recours aux ordonnances, qui se banalise, ôtant au Parlement le coeur de sa compétence normative. La dérive est d'autant plus grave si M. le rapporteur a eu connaissance des dispositions susceptibles de figurer dans ces ordonnances, et nous la dénonçons avec force.

Venons-en aux dispositions soumises pour avis à la commission des lois. L'article 13 de la loi est un fac-similé de simplification. Tout existe déjà, et faire d'un statut type l'apanage de la création d'entreprise va à l'encontre même du statut d'entrepreneur. La responsabilité et la mesure des engagements qu'il sera amené à prendre seront méconnues par lui. Il s'avancera en ignorant totalement les risques qu'il court : abus de biens sociaux, distribution déguisée de bénéfices, sans parler du risque de voir l'écran sociétaire de type SARL se fissurer sous la mise en cause de sa responsabilité pour absence de crédit donné à sa société par sous-capitalisation.

Après la société à 1 euro, nous avons droit à la « société-minute », pour une responsabilité tout au long de la vie ! Ces dispositions seront source d'importants malentendus pour les entreprises qui vont ainsi se lancer sans connaître les risques juridiques et fiscaux qui les menacent parce que nous légiférons à droit constant.

L'article 14, qui complète l'article 227-9 du code de commerce, permet d'écarter la présence d'un commissaire aux comptes. Si la simplification peut signifier la réduction du coût des formalités, elle ne saurait pour autant se faire au détriment des associés minoritaires ou des tiers, notamment dans l'hypothèse de sociétés filialisées dépendantes de grands groupes.

L'article 19 vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance en vue de compléter la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, qui a créé les procédures de conciliation et de sauvegarde. Cette procédure de dessaisissement du Parlement est d'autant plus contestable que la loi du 26 juillet 2005 a été adoptée au terme d'une navette qui a duré plus d'un an, que les assemblées ont siégé quatorze jours en séance et que deux commissions ont été saisies à l'Assemblée, trois au Sénat. Et le Gouvernement souhaite défaire le travail parlementaire par une simple ordonnance gouvernementale ! Or le travail de réforme, s'il est nécessaire, doit être confié au Parlement, surtout lorsque l'habilitation porte, comme c'est le cas en l'espèce, sur pas moins de seize champs d'intervention.

Sur le fond, comme cela avait été souligné lors des débats sur le projet de loi de sauvegarde des entreprises, il est nécessaire, avant de procéder à toute modification législative dans ce domaine, de réformer les tribunaux de commerce. Rétablir la confiance entre les entreprises et la justice commerciale est en effet une urgence et un préalable.

L'article 19 vise également à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance en matière de fiducie. Or il faut rappeler que la loi instituant celle-ci date seulement d'un an. Traduisant la frénésie législative du Gouvernement, ce projet de loi prévoit d'élargir le recours à la fiducie, sans même attendre un rapport d'évaluation de la législation en vigueur. On connaît pourtant la double dérive inhérente à cette procédure : elle offre à des entreprises peu scrupuleuses la possibilité de réaliser des montages juridiques qui leur permettent, comme l'a fait Enron, de sortir leurs dettes de leur bilan ;…

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