La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel (nos 238, 486).
Cet après-midi, l'Assemblée a rejeté l'exception d'irrecevabilité.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme, vous aviez exprimé le souhait de répondre ce soir à M. Brottes.
M. Brottes n'est pas encore parmi nous. Vous avez cependant la parole.
Monsieur le président, je m'étais en effet engagé à répondre au début de la séance de ce soir aux trois questions de M. Brottes.
M. le rapporteur a excellemment répondu à la première en indiquant que la consultation sur le tarif social sera engagée dans les tout prochains jours.
Ensuite, je rappellerai que la décision du Conseil d'État selon laquelle les tarifs du gaz doivent couvrir les coûts d'approvisionnement n'a été rendue qu'hier. Le Gouvernement travaille à définir l'application de cette décision qui, du reste, recoupe les déclarations du Premier ministre. Celui-ci, en effet, après avoir rappelé dans un entretien donné hier à la presse économique que les tarifs du gaz n'avaient pas augmenté depuis 2006, a indiqué que, si le statu quo n'était pas envisageable, le Gouvernement ferait le maximum pour que l'augmentation soit la plus limitée possible.
Enfin, M. Brottes m'a interpellé sur la mise en oeuvre du contrat de service public et s'est interrogé sur ce qui se passera dans les prochains mois. Le Gouvernement travaille à sa mise en oeuvre, prévue pour l'année 2008. Le contrat de service public s'appliquera bien sûr à Gaz de France-Suez privatisé. Il n'y donc pas d'inquiétude à avoir à ce sujet.
Voilà les informations que je souhaitais communiquer à M. Brottes qui, puisqu'il n'est pas parmi nous, en prendra connaissance dans le compte rendu officiel des débats. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Daniel Paul.
Monsieur le secrétaire d'État, lors des débats parlementaires de septembre 2006, nous avions dénoncé la fuite en avant de votre majorité qui avait avalisé l'ouverture à la concurrence du marché énergétique pour les usagers domestiques du service public de l'énergie, sans dresser le moindre bilan de l'étape majeure déjà franchie, celle de l'ouverture à la concurrence pour les « clients non domestiques ».
Ce soir, je serais plutôt tenté de parler d'une sorte de retranchement de votre part par rapport à la position très libérale prise fin 2006 qui piégeait consommateurs, leur interdisant tout retour aux tarifs régulés, discréditant par là même le fonctionnement du marché. Vous vous retranchez donc sur une rédaction de la loi apparemment plus favorable aux consommateurs.
Alors oui, avec ces trois articles, et en l'état actuel de votre texte, les consommateurs qui auront opté pour la sortie des tarifs régulés n'entraîneront pas avec eux les occupants suivants dans leur choix pour des prix dits « libres ». Certes, les consommateurs qui auront opté pour les prix dérégulés et qui sans doute verront leur facture énergétique grimper auront l'occasion de revenir au tarif réglementé. Tout cela n'est somme toute que bon sens, dans un secteur que l'on prétend être régulé par les choix des consommateurs. M. Poniatowski le reconnaissait lui-même dans l'exposé des motifs de sa première proposition de loi.
N'est-il d'ailleurs pas paradoxal que le Conseil constitutionnel ait enlevé aux consommateurs la possibilité de revenir au choix de l'opérateur historique après déménagement au nom du droit communautaire, droit favorable à la concurrence s'il en est ? Pour favoriser la dérégulation du secteur énergétique, les défenseurs du libéralisme savent se montrer bien dirigistes !
En contournant la décision du Conseil constitutionnel, plus libérale que celle décidée par les parlementaires en 2006, nos collègues UMP du Sénat ont dit vouloir faire prévaloir une forme de liberté des consommateurs sur ce qu'impose le marché. Seulement, cette protection contre les prix instables, les contrats opaques et les arnaques publicitaires, pourquoi n'avoir daigné la valider que pour deux ans et demi ? On le voit, les choses seraient bien plus compliquées qu'elles n'y paraissent, et la présentation, dans certains médias, d'un texte protecteur mériterait un examen plus circonspect.
En effet, il apparaît difficile de faire abstraction des auteurs et des partisans de cette proposition de loi : elle est soutenue par des parlementaires fermement acquis au principe de la dérégulation du secteur énergétique. Ce sont les mêmes – vous, chers collègues –, qui avaient rejeté, lors du débat de septembre 2006, nos amendements défendant les droits des consommateurs. Je pense, par exemple, aux amendements défendant le principe de la réversibilité pour les clients industriels. Je pense aussi aux amendements qui tendaient à autoriser le choix des tarifs régulés pour les nouveaux sites de consommation. Pourquoi les partisans de cette proposition de loi, présentée comme un texte de protection des consommateurs, n'avaient-ils pas fait preuve du même souci en septembre 2006 ? Je serais curieux d'entendre les explications de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d'État.
Pour ma part, il y a déjà là un motif important à voir dans ce texte autre chose qu'une stricte volonté de défendre l'intérêt des consommateurs, dont vous parlez très souvent.
Les exposés des motifs des propositions de loi déposées par les sénateurs UMP, à l'origine de la présente proposition, confirment cette impression. Elles sont éclairantes quant aux objectifs moins affichés mais voulus de votre proposition. Ainsi, le texte de M. Pintat explique que « l'impossibilité de quitter le “ tue ”, ou tout du moins affecte sérieusement le marché lui-même ». Ainsi, plus que les consommateurs, c'est le marché qu'il semble falloir sauver ! Le message a d'ailleurs été entendu. Ainsi, les différentes entreprises privées de distribution d'énergie ont soutenu unanimement l'initiative parlementaire. C'est sans doute qu'elles ont bien lu l'exposé des motifs des propositions de loi initiales déposées au Sénat, si elles ne les ont pas inspirés.
Sauver le marché, donc ! Il est vrai qu'il ne se porte pas bien. Aujourd'hui, après plusieurs mois pendant lesquels les consommateurs ont eu la possibilité d'exercer leur droit d'éligibilité, le bilan est loin d'être enthousiasmant pour les partisans du « marché libre » de l'énergie. En effet, sur 26 millions d'usagers, seuls 6 100, ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, ont opté pour les prix dérégulés. C'est décourageant ! On pourrait presque parler de fiasco. Il est vrai que les errements de l'ouverture à la concurrence pour les clients industriels ont eu de quoi inquiéter les usagers domestiques ! En effet, les usagers non domestiques qui avaient choisi de quitter le tarif réglementé ont subi une importante augmentation des coûts de fourniture en énergie. Certes, ces industriels ont bénéficié, au départ, de prix inférieurs à ceux du marché régulé. Mais cette période dorée n'a guère duré : ils ont rapidement connu des hausses vertigineuses de leur facture d'énergie, allant jusqu'à 80 % !
Cela avait d'ailleurs été confirmé par l'organisme NUS Consulting qui avait dévoilé que les prix de gros d'électricité avaient augmenté de 48 % entre avril 2005 et avril 2006, et que l'écart entre les prix du marché et les tarifs réglementés par l'État atteignait, au moment où nous discutions la loi de 2006, 66 %. Certaines de ces entreprises, étranglées, se sont trouvées dans l'impossibilité de revenir en arrière, ce qui a pu mettre leurs activités en péril.
Devant cette catastrophe, il vous fallait réagir. Pour repêcher les cobayes de la dérégulation – et peut-être aussi quelques bulletins de vote –, vous avez instauré un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, le fameux TARTAM. Il s'agissait de restaurer un peu de confiance dans le marché – comme on dit –, d'éviter que la dérégulation du secteur ne se solde par un échec trop cuisant et que la critique contre la dérégulation du secteur énergétique ne gagne en force.
C'est finalement dans le même état d'esprit et avec des objectifs similaires que vous nous proposez aujourd'hui un dispositif de régulation du marché des consommateurs domestiques. Cette fois, néanmoins, vous préférez prévenir que guérir, car, dans un contexte peu rassurant pour le porte-monnaie des ménages, il vous est apparu nécessaire d'envoyer un signal aux consommateurs et à leurs associations.
Notons tout d'abord que les entreprises qui s'installent sur un nouveau site restent quant à elles enfermées dans le choix des occupants précédents du site. Tant pis pour elles si elles ne souhaitaient pas sortir des tarifs réglementés : elles devront se contenter du tarif transitoire de marché.
En outre, nous n'avons aucune garantie sur l'évolution et le maintien des tarifs régulés. À cet égard, la décision du Conseil d'État, que vous évoquiez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, est édifiante – mais j'y reviendrai. C'est, à nos yeux, un motif d'inquiétude majeur : ce texte prétend favoriser la protection des consommateurs, mais la limite à une durée de deux ans et demi. Ainsi, si le texte discuté en septembre 2006 à l'Assemblée prévoyait déjà, pour les clients domestiques, une éligibilité par personne et non par site, la version qui nous revient aujourd'hui, pour contourner la censure du Conseil constitutionnel, en propose une version analogue, à ceci près qu'elle réduit le possible exercice de ce droit à la date butoir du 1er juillet 2010.
Comment interpréter cette modification ? Quel sens donner à cette date ? Le rapporteur du Sénat a juré qu'il ne fallait pas y voir la fin des tarifs régulés, mais plutôt un signe à destination de la Commission européenne, pour ne pas – je cite – la « braquer ». Il est vrai que la Commission européenne est particulièrement susceptible sur cette question. Pour elle, en effet, les tarifs régulés ne sont en fait qu'un obstacle à l'arrivée de nouveaux entrants. Et c'est bien la raison pour laquelle elle souhaite leur disparition : reportez-vous à la lettre de griefs. En apportant la preuve que les offres des entreprises privées ne sont pas nécessairement plus intéressantes que celle proposée par une entreprise publique, ces tarifs viennent contrecarrer de façon patente le dogme libéral.
Divers documents communautaires font référence à la position ultra-libérale selon laquelle seules comptent les règles du marché. Ainsi, dans sa lettre de mise en demeure adressée à la France pour transposition incorrecte des directives, la Commission qualifiait le mode de fixation étatique des prix de « rigidité, dénué de transparence dans son mode d'attribution », et le comparait à « un système où le libre jeu de la concurrence entraîne en principe la fixation de prix compétitifs ». Devant un aveuglement idéologique aussi fort, il est difficile de croire que la Commission sera plus favorable au maintien des tarifs régulés après le 1er juillet 2010. Votre argument, selon lequel il ne s'agirait là que de « temporiser en attendant de négocier le maintien des tarifs », paraît bien faible. Si cette date est susceptible de décrisper la Commission, n'est-ce pas plutôt parce que vous lui apportez là une preuve de bonne volonté ? Dans ce cas, vous trompez les consommateurs en leur laissant croire qu'ils seront toujours protégés par les tarifs régulés après 2010. Si ce n'est pas le cas, si, effectivement, vous souhaitez fermement le maintien des tarifs, cela veut dire que vous jouez double jeu devant la Commission européenne, en lui laissant croire à tort à la disparition de tarifs qui, selon elle, sont contraires aux bonnes lois du marché.
Vous le voyez, tout cela n'est pas très clair et l'explication liée à la temporisation n'apparaît pas très convaincante pour justifier l'introduction d'une date butoir. Nos collègues de l'opposition au Sénat n'ont d'ailleurs pas manqué de s'en inquiéter. Cette limite temporelle ne signerait-elle pas la date d'une nouvelle étape de la dérégulation du marché énergétique ? Après le 1er juillet 2010, quelles seront les règles en vigueur ? Quels droits seront garantis aux consommateurs usagers ?
Les distributeurs énergétiques ont d'ailleurs bien compris que, après 2010, la donne allait changer. L'exemple de Direct énergie est parlant : ce fournisseur indépendant – comme on dit – promet à ses clients de « conserver un prix compétitif inférieur au tarif réglementé en vigueur au minimum jusqu'au » – je vous le donne en mille – « 1er juillet 2010 ». Troublante coïncidence. Les vautours lorgnent déjà un horizon prometteur.
Vos déclarations devant les sénateurs sont plus explicites : d'après vous, la période retenue « permettra au marché de mûrir et aux consommateurs de progressivement mieux connaître les offres des autres fournisseurs. Il s'agit donc d'un dispositif transitoire destiné à permettre un bon développement du marché au bénéfice des consommateurs en introduisant un minimum de sécurité pour ces derniers. » Vous avez bien parlé d'un « minimum de sécurité », pas d'un maximum. En outre, vous n'avez pas caché que les règles d'éligibilité, telles qu'elles ont été voulues par le Conseil constitutionnel à la fin de l'année 2006, s'appliqueront tout simplement après le 1er juillet 2010. Vous assumez donc publiquement que ce texte, que l'on présente comme un élément de sécurisation du marché, avalise le retour à un dispositif pernicieux et injuste deux ans et demi plus tard. Dès lors, l'argument de protection des consommateurs tient-il encore ?
Finalement, mes chers collègues, ce texte se contente bien d'un minimum de sécurité, comme le dit M. le secrétaire d'État, car, après 2010, aucune sécurité n'est plus garantie. Quand on sait que les tarifs régulés sont dans le collimateur de la Commission européenne, il y a de quoi s'inquiéter.
Ce texte est-il autre chose qu'un artificiel et hypocrite compromis entre les usagers domestiques, soucieux de ne pas tomber dans le piège des prix dits libres, et les pressions de la Commission pour mettre à mal les tarifs régulés ? En usant d'un langage plus métaphorique, on pourrait dire qu'il n'a pour autre but que de concilier la chèvre et le chou.
Au vu de toutes ces incertitudes et de ce contexte inquiétant, l'intérêt et la pertinence de votre proposition de loi apparaissent bien maigres. On pourrait presque la qualifier d'hypocrite, puisqu'elle prétend protéger les consommateurs et leur pouvoir d'achat, sans s'attaquer de front au problème de fond relatif au coût de l'énergie. L'exemple des États-Unis montre pourtant que le coeur du problème n'est pas dans l'irréversibilité, mais bien dans le principe même de la mise en concurrence et de la privatisation de la distribution de l'énergie et du secteur en général. Ainsi, dans un pays que l'on ne peut soupçonner d'étatisme à tous crins, beaucoup d'États font marche arrière – la Virginie a même abrogé sa loi sur la libéralisation. Les statistiques récentes du département de l'énergie montrent que, dans les États qui ont adopté la libéralisation, le coût de l'électricité a augmenté plus rapidement que dans ceux qui ont conservé les traditionnels tarifs régulés.
Si vous étiez prêts à envisager la question énergétique de façon moins idéologique, vous mettriez certainement davantage en question les bienfaits supposés de l'introduction de la concurrence dans ce secteur. Peut-être, en effet, la concurrence est-elle intéressante dans certains domaines, avec des gains de productivité, des efforts de logistique. Mais, vous le savez, l'énergie n'est pas un secteur comme les autres. C'est d'abord, pour des millions de familles, un produit de première nécessité. En outre, elle constitue un bien non stockable, dont la production, le transport et la distribution nécessitent de très importants investissements, qui sont autant d'entraves au « bon fonctionnement du marché ». Dès lors, l'arrivée d'une kyrielle de distributeurs faisant jouer la concurrence pour provoquer la baisse des prix est illusoire, car celle-ci ne peut se faire qu'au détriment des investissements, ce qui menacerait la sécurité des installations, au détriment des réseaux de transport ou de distribution, au détriment des salariés, sur le dos desquels on ne manquerait pas de réaliser des économies. Dans un domaine où les investissements sont aussi coûteux, seules de grandes entreprises ont des chances de survivre. Aussi, ce qui se trame, c'est sans doute le remplacement d'un monopole public que régule la puissance publique par un monopole privé et par une captation des bénéfices au profit d'intérêts privés.
Ces éléments fondamentaux ont été soigneusement ignorés au cours des diverses discussions parlementaires sur l'énergie, malgré nos efforts pour les mettre en avant. Dans cette proposition de loi, vous persistez à les ignorer, comme vous ignorez la question des mécanismes de fixation des prix, alors même que vous prétendez défendre le pouvoir d'achat des ménages.
Vous vous contentez finalement de prévoir un aménagement à l'ouverture du marché énergétique, mais en prenant bien soin de ne pas aborder les vrais problèmes, sans remettre en cause les fondements des aberrations que l'on constate sur le marché de l'énergie depuis que celui-ci est pris dans l'engrenage de la dérégulation.
La vraie question en matière énergétique, c'est celle de la compatibilité entre une activité utilisée pour alimenter le portefeuille des actionnaires et une activité de service public, indispensable au bien commun, dont le bénéfice doit être utilisé pour la collectivité.
Le service public, c'est l'accès pour tous au gaz et à l'électricité, des prix modérés, afin de satisfaire les contraintes des budgets des ménages modestes et des classes moyennes, ainsi qu'une péréquation tarifaire afin de contribuer à l'aménagement du territoire. Mais, quand une activité est ouverte à la concurrence et aux opérateurs privés, comment ces missions, qui sont autant d'entraves à la hausse des profits, sont-elles possibles ? La privatisation du secteur, c'est la satisfaction d'intérêts financiers privés sur le dos d'une activité d'utilité publique. Ce sont deux logiques fondamentalement différentes. C'est donc l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique et aux intérêts privés qu'il faut remettre en cause, et toute la privatisation du secteur qu'il faut revoir. Les quelques aménagements proposés – y compris votre amendement élargissant le principe de réversibilité – ne résoudront pas les problèmes énormes que pose la privatisation des activités énergétiques.
Les logiques actuellement à l'oeuvre chez GDF, alors que cette entreprise est pourtant toujours propriété de l'État, sont révélatrices des enjeux qui font maintenant leur apparition dans le secteur énergétique. Intéressons-nous aux résultats du groupe, pour comprendre quels intérêts le prix du gaz sert en priorité. Si l'on compare les résultats de la fin juin 2006 à ceux de la fin juin 2005, on constate qu'ils s'envolent : le résultat d'exploitation « Groupe » progresse de 34 % – soit 650 millions d'euros –, tandis que le résultat d'exploitation de Gaz de France, pour l'activité en France, augmente de 35 % – soit 450 millions d'euros. Le résultat net du groupe progresse de plus de 40 %, passant de 1,2 milliard d'euros à la fin juin 2005 à 1,7 milliard à la fin juin 2006. Le bénéfice net est aussi en forte progression, augmentant de 56 %, soit une augmentation de 1,612 milliard d'euros.
L'essentiel de la progression du résultat de l'activité France de GDF est dû à l'augmentation de la marge gaz, qui consiste en la différence entre le prix de vente et le prix d'achat du gaz. Cette marge s'accroît de 13 % au cours du premier semestre, après avoir progressé de 6 % en 2005. À quoi cela est-il dû, si ce n'est à la hausse des tarifs du gaz de près de 26 % en un an ? Selon la direction de Gaz de France, ces hausses étaient insuffisantes pour compenser celle des coûts d'achat du gaz. Les comptes que je viens de rappeler montrent qu'il n'en est rien. On est loin des affirmations du président de GDF indiquant que l'entreprise vendait à perte. On est loin aussi de ses promesses que l'objectif de Gaz de France était de fournir le gaz le moins cher possible. Ces résultats confirment que l'objectif de la direction de Gaz de France est d'augmenter la rentabilité financière pour les actionnaires. Ceux qui pensent que la privatisation ne change rien aux tarifs ont là une nouvelle démonstration du contraire, d'autant que les actionnaires avaient demandé, dès l'annonce de la privatisation de GDF, un triplement des dividendes.
Selon la même logique, une nouvelle hausse des tarifs est demandée par GDF « pour compenser l'alourdissement de ses coûts d'approvisionnement ». Il est dommage que certains confondent communication d'entreprise et information du public. Il est dommage qu'ils ne se soient pas plongés plus en détail dans le dossier des prix du gaz, car peut-être, alors, auraient-ils vu le scandale financier dont l'opinion est victime. Certains élus du conseil d'administration de GDF ont d'ailleurs publiquement protesté contre cette ponction supplémentaire dans le porte-monnaie des consommateurs, rappelant à juste titre que les dividendes des actionnaires ne cessent d'augmenter et que l'approvisionnement du gaz est régi par des contrats de long terme, qui, en théorie, permettent de lisser les prix.
Faut-il voir dans la décision du Conseil d'État un encouragement donné à l'État pour accepter cette augmentation ? Je le pense.
Au moment où vous vous apprêtez à voter, à la dernière minute, le principe de réversibilité totale, un verrou supplémentaire saute en faveur d'un rapprochement des tarifs vers les prix de marché.
Rappelez-vous, au mois de juin 2005, l'ancien ministre de l'énergie, M. Thierry Breton, avait signé un décret pour une augmentation du prix du gaz de 15,4 %, en trois fois. Curieusement, ce décret avait été publié au moment même où Gaz de France devait être mis en bourse et annonçait, dans son document de base remis à l'AMF, le doublement des dividendes aux actionnaires avant 2007 – de 420 millions, ils devaient passer à 840 millions d'euros.
De tels rendements financiers sont-ils acceptables dans le secteur énergétique ? La priorité n'est-elle pas à l'investissement industriel, au développement des infrastructures et des interconnexions gazières permettant la fluidification du marché, la solidarité énergétique et les approvisionnements gaziers en Europe, autant de chantiers qui imposeront des investissements coordonnés, lourds et de long terme ? Seront-ils réalisés à la hauteur des besoins, face à des actionnaires aussi exigeants ?
Dans tous les cas, ce sont bien les usagers qui font les frais de la déréglementation du secteur énergétique. On leur fait croire qu'ils paient la hausse des prix des matières premières, alors que tout porte à croire qu'ils paient aussi, et surtout, les dividendes des actionnaires.
On nous serine que les bénéfices des actionnaires sont nécessaires à l'investissement. Mais sans actionnaire, monsieur le secrétaire d'État, l'entreprise EDF-GDF avait pourtant réussi à investir massivement et durablement dans le secteur énergétique. Elle avait même réalisé la construction d'un parc nucléaire unique, maintenu des prix bas et produit des bénéfices suffisants pour couvrir ses coûts de production – approvisionnement, production, transport, rémunération des salariés. Tout cela avec des tarifs régulés, modérés, et contrôlés par l'État.
Dans le domaine électrique également, les évolutions en cours pourraient bien avoir des répercussions négatives sur le long terme pour les consommateurs. Ainsi, sous la pression du Conseil de la concurrence, l'opérateur historique a été contraint de baisser de 29 % ses prix de gros, « pour stimuler la concurrence », comme on dit. Les rivaux d'EDF reprochaient en effet à celle-ci de caler le prix de ses offres de gros, destinées à ses rivaux potentiels, sur celui du marché, alors que son parc de production, en grande partie amorti, lui permet, aux yeux de ses concurrents, de proposer de l'électricité à des conditions tarifaires bien plus intéressantes. La messe a été dite en faveur des opérateurs de distribution privés, si bien que ceux-ci se verront proposer à près d'un tiers de moins qu'il y a deux ans le prix du mégawatt.
Cette baisse faramineuse est-elle vraiment justifiée ? Je doute des bienfaits qu'en tireront les consommateurs. En effet, si les distributeurs privés diminuent probablement un peu leurs prix pour gagner des parts de marché, bien malin qui peut assurer qu'ils ne les élèveront pas ensuite, pour grossir leurs marges bénéficiaires, une fois qu'ils auront gagné quelques clients. N'oublions pas en effet que le principe d'irréversibilité est toujours aujourd'hui en vigueur ! Ces marges-là n'iront pas à l'investissement industriel, soyons-en sûrs !
En fait, les effets à long terme d'un tel changement risqueraient bien d'affecter les consommateurs moins positivement que les distributeurs d'énergie.
Ainsi, si le parc de production existant d'EDF est bel et bien en partie amorti, les besoins en investissement futurs sont cependant réels, en raison des besoins en électricité domestiques et industriels qui vont croissants dans notre pays, de l'arrivée en fin de vie de certaines centrales et des coûteux besoins de maintenance des centrales nucléaires et hydrauliques. Autant d'éléments qui justifient, en fait, un prix de vente de l'électricité qui permette d'investir dans les équipements nécessaires.
C'est selon ce principe que l'entreprise a fonctionné jusqu'à récemment. C'est selon ce principe que la sécurité des installations a été assuré, et que des investissements massifs ont pu être réalisés. Comment ne pas voir qu'en baissant les prix de vente aux distributeurs privés, l'entreprise sera contrainte de se serrer la ceinture, pour parler un peu vulgairement, et d'avoir recours à l'emprunt pour réaliser ces investissements nécessaires à la sécurité des installations et au transport d'électricité ? EDF répercutera-t-elle l'amortissement de ses taux d'intérêt dans le prix de vente aux particuliers ? Sans doute. Ou rognera-t-elle sur certains investissements pour moins emprunter ? Possible aussi. Quoi qu'il en soit, le bilan risque fort d'être négatif pour les consommateurs. Nous ne cautionnerons pas un tel système.
Je l'ai déjà dit, monsieur le secrétaire d'État, mais peut-être pas à vous directement, si vous nous apportez la preuve que la concurrence est bonne pour les prix, pour les consommateurs, pour la sécurité énergétique ainsi que pour la sécurité d'approvisionnement, la sûreté des installations, l'environnement, l'aménagement du territoire, et les conditions de travail des salariés, il n'y a aucune raison pour que nous refusions la mise en concurrence. Mais voilà, nous attendons toujours cette démonstration !
Ce n'est pourtant pas faute de l'avoir demandée. À chaque débat énergétique dans cet hémicycle, nous avons, notamment par voie d'amendement, proposé la réalisation d'un bilan par le Parlement, pour comprendre les conséquences de la libéralisation du secteur. Mais vous vous refusez avec toujours autant d'entêtement à évaluer, la tête froide, la pertinence de décisions prises par les institutions communautaires et les États membres au début des années quatre-vingt-dix, alors même que plusieurs éléments devraient vous inciter à réfléchir : les diverses pannes d'approvisionnement dans les pays précurseurs de la libéralisation, la flambée des prix du marché dans le secteur industriel, le sous-investissement qui menace dans le secteur électrique.
Je le répète, la transparence doit être faite à ce sujet ! Pourquoi, si le système économique que vous défendez est si transparent, notre demande d'un rapport sur le bilan de l'ouverture à la concurrence dans le secteur énergétique n'est-elle pas entendue ? Quelles marges les entreprises privées se font-elles ? Finalement, dans ce débat, qui sont les idéologues ? Qui sont les pragmatiques ?
Certes, relation de concomitance et relation causale sont deux choses distinctes. Mais, à tout le moins, l'accumulation de dysfonctionnements concomitants de la dérégulation du secteur aurait-elle mérité que les représentants du peuple cherchent à comprendre les causes de ces dysfonctionnements avant de faire plonger notre secteur énergétique dans la vague libérale. Mais il n'est jamais trop tard, et je vous proposerai un amendement supplémentaire sur ce fameux bilan pour que vous puissiez saisir votre chance.
Au final, la proposition de loi feint d'apporter une forme d'amélioration pour les consommateurs, mais pour deux ans et demi ! Pourtant, les risques inhérents à la mise en concurrence du secteur de la distribution perdurent. Ainsi, le risque de propositions alléchantes pour accrocher le client, en particulier ceux qui peinent à payer leurs factures, est toujours bien réel, sans espoir de retour, avec, au bout, l'aggravation des difficultés. J'y vois là un motif suffisant pour ne pas délibérer.
Ce texte n'est pas autre chose qu'une tentative de sauver la dérégulation en en corrigeant l'un de ses excès. Il passe à côté de l'enjeu fondamental du secteur : à quoi doivent servir les bénéfices d'une activité essentielle pour le bien commun de toute une société ?
Il n'apporte aucune garantie réelle sur le maintien de la maîtrise par la puissance publique des prix de l'énergie. Le maintien des tarifs régulés est pourtant un impératif. C'est à cette seule condition que le pays peut garantir à nos concitoyens une modération tarifaire et une égalité entre les usagers.
Ce texte laisse de côté l'épineuse question de la péréquation permettant un tarif unique sur l'ensemble du territoire, à un coût relativement limité. Il délaisse aussi la question du contrôle des prix des biens publics que sont le gaz et l'électricité.
Nous plaidons pour notre part pour la création d'une commission pluraliste de contrôle des prix, dont la mission serait de vérifier l'application de la formule tarifaire, à l'origine de la fixation des prix du tarif régulé. Cette commission serait constituée de dirigeants des opérateurs historiques, des syndicats représentant le personnel, d'associations de consommateurs et d'élus, nationaux et locaux.
Finalement, vous vous contentez de prendre en compte, à la marge, un aspect de l'intérêt des consommateurs, qui a certes son importance, mais refusez, une fois de plus, de poser les vraies questions de fond, témoignant de votre entêtement à libéraliser et à privatiser coûte que coûte, sans jamais apporter le moindre début de preuve du bienfait de tels choix pour les ménages et pour la société. Dans ces conditions, votre texte ne peut faire l'objet de notre part que d'un vote négatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Daniel Paul, je trouve quelque peu contradictoire de ne pas être favorable à l'ouverture au marché, ce qui est votre cas – vous êtes, je le reconnais, fidèle à vos convictions sur ce sujet –…
…et en même temps d'être opposé à la possibilité offerte au consommateur par cette proposition de loi de revenir au marché régulé s'il le souhaite et donc de choisir librement le système qu'il considère comme le plus à son avantage.
Contrairement à ce que vous prétendez, ce que veulent la majorité et le Gouvernement, ce n'est pas sauver le marché,…
…mais c'est faire en sorte que le marché soit au service des consommateurs et que les consommateurs aient un outil à leur disposition qui leur permette de choisir librement…
…et de bénéficier d'offres différentes…
…plus à leur avantage, adaptées à leurs besoins, d'offres moins chères.
Monsieur Paul, regardez l'état des forces : aujourd'hui, le marché libre dispose d'offres de 5 à 10 % inférieures par rapport au marché régulé.
Ce sont les faits.
Aujourd'hui, pour les consommateurs, le marché libre propose des offres qui sont de 5 à 10 % inférieures au marché régulé. Telle est la vérité.
La majorité souhaite proposer au consommateur de choisir librement l'offre qui est la plus adaptée à son profil de consommation. Si, sur une facture d'un millier d'euros environ, qui est le montant moyen de la facture énergétique de nos compatriotes, le consommateur peut bénéficier d'une remise de 5 à 10 %, cela lui fait économiser entre 50 et 100 euros par an, ce qui aura bien une incidence sur son pouvoir d'achat.
Vous vous déclarez prêt à accepter la concurrence si elle était bonne pour les consommateurs. Mais, monsieur Paul, regardons objectivement les choses : une concurrence fluidifiée – ce qui est le but de cette proposition de loi –, c'est une réponse en matière de prix.
En effet, comme je viens de vous l'indiquer, les tarifs du marché libre sont aujourd'hui inférieurs à ceux du marché régulé.
Une concurrence fluidifiée, c'est également une réponse en matière de service. Aujourd'hui, un certain nombre d'opérateurs, EDF compris d'ailleurs, proposent des offres de service nouvelles, innovantes pour les consommateurs, qui font, elles aussi, partie du libre choix.
Une concurrence fluidifiée, cela doit aussi permettre de préserver et d'améliorer la qualité, de donner des garanties aux consommateurs. Comme je l'ai déjà indiqué, le Gouvernement souhaite que les garanties, les contrats de service public, soient prorogés pour GDF, même alliée à Suez, comme c'est le cas jusqu'en 2010 pour l'électricité, de manière que les deux opérateurs historiques disposent de ce système de contrat de service public.
Compte tenu de toutes les garanties que je viens de vous apporter, monsieur Paul, je crois que vous ne pouvez qu'adopter cette proposition de loi d'initiative parlementaire.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
La commission n'a pas eu à examiner la question préalable qui vient d'être défendue par notre collègue Daniel Paul, mais je voudrais, en complément de l'excellente réponse qui a été fournie par M. le secrétaire d'État, faire quelques observations.
Je comprends que vous soyez gêné, monsieur Paul, comme vos collègues, par le fait que cette majorité, avec le soutien du Gouvernement, propose aujourd'hui un texte fort en direction des consommateurs. Je le souligne à nouveau, ce n'est ni le ministre chargé de l'énergie, ni le ministre chargé des entreprises qui représente le Gouvernement ce soir, mais bien le ministre en charge de la consommation.
C'est bien dommage ! Pourquoi le ministre de l'énergie n'est-il pas présent ?
C'est un geste fort, qui montre bien quelle est notre préoccupation.
En réalité, si je réagis, c'est moins sur vos propos – ils ne m'ont pas surpris après vous avoir écouté pendant des heures et des heures au cours du débat de 2006 – que par rapport aux murmures d'approbation de vos collègues et voisins socialistes.
Ces collègues ont réussi l'exploit de soutenir un gouvernement qui a proposé la loi du 10 février 2000, loi qui a eu pour rapporteur M. Christian Bataille.
Vous vous plaignez que j'aie voté un texte avec vous ? C'est extraordinaire !
Dois-je vous rappeler, messieurs, qu'à l'époque, vous avez proposé aux entreprises d'aller sur le marché, mais sans filet protecteur ?
Sans garantie !
Que s'est-il passé après ? Il y a eu une baisse des prix de l'énergie, d'environ 20 %, et vous avez dit : vous voyez, nous avons eu raison d'adopter ce texte. Malheureusement, après, les prix ont augmenté, ils ont dépassé les tarifs – sans qu'il y ait d'ailleurs dans le temps aucune corrélation avec l'ouverture progressive des marchés. Or, à l'époque, vous n'aviez prévu aucune garantie pour protéger les entreprises.
Qui a déployé ce filet protecteur ? Notre majorité, avec le soutien du Gouvernement. Dans ces conditions, je crois qu'aujourd'hui vous êtes mal placés pour nous donner des leçons dans ce domaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Je dirai même que c'est un débat fondamental. M. Paul pose la question de l'avenir à terme des tarifs réglementés, et il a raison. Je lui ferai néanmoins remarquer que ce qui se passera entre aujourd'hui et 2010 n'est pas tout à fait sans importance. Cela concernera la vie quotidienne des gens pendant deux ans et demi. C'est une question concrète, intéressante. Il ne faut donc pas « zapper » comme vous l'avez fait, cher collègue, le débat sur la réversibilité totale pendant deux ans et demi.
Quant au débat fondamental, que vous avez esquissé, concernant les tarifs réglementés nationaux, ce n'est pas ce soir qu'il faut l'avoir, car il mérite un éclairage politique beaucoup plus important. Il faudra d'abord le porter au niveau européen. Y a-t-il aujourd'hui euro-compatibilité des tarifs réglementés nationaux ? C'est une bonne question. Cela va sans doute vous surprendre mais, contrairement à ce qui a été dit, je pense que ce débat est loin d'être plié et que l'on peut emporter la décision de la légitimité de tarifs réglementés nationaux. D'ailleurs, dans l'Europe du traité simplifié, ce n'est pas la Commission européenne qui décide, c'est le Conseil des Chefs d'État, ou en tout cas le Conseil des ministres de l'énergie. Cela devrait vous rassurer.
Cela dit, il faudra bien avoir un débat de fond pour arbitrer au niveau politique entre trois points de vue qui sont légitimes. D'abord, le point de vue des consommateurs, des ménages et des professionnels, qui réclameront que la rente du nucléaire leur soit reversée par des tarifs réglementés et modestes.
Le deuxième point de vue légitime est celui d'EDF et de l'État actionnaire, qui voudra aller vers la suppression de ces tarifs pour…
…faire des profits, investir, et Dieu sait s'il ne l'a pas fait entre 1996 et 2006 ! Il y a donc des investissements à faire, et vous l'avez dit. Par ailleurs, il n'est pas inutile que l'État trouve une juste rémunération. Il en aura besoin pour l'équilibre de ses finances publiques.
Le troisième point de vue, dont on n'a pas parlé, est celui de l'intérêt écologique général. Faudra-t-il à un moment donné bloquer des tarifs énergétiques à un niveau que seul le nucléaire nous permet d'atteindre alors que, globalement, le marché de l'énergie progresse vers le haut et que les prix seront un élément de la régulation de la consommation d'énergie ? C'est le débat de fond et vous avez eu raison de l'esquisser, monsieur Paul, mais cela n'est pas le débat de ce soir. Le débat de ce soir, c'est celui du court terme et du moyen terme, et il n'est pas sans intérêt pour des millions de nos compatriotes.
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Daniel Paul nous a convaincus, à supposer que nous ayons encore quelques hésitations, de nous opposer par tous les moyens à ce texte et de voter la question préalable. En effet, aucune garantie – parole, clause de revoyure – n'est donnée pour la période qui suivra le 1er juillet 2010, pas plus d'ailleurs que sur l'évolution des tarifs régulés dont on vient d'entendre dire qu'ils pourraient augmenter sous des prétextes environnementaux, ou autres, d'équilibre entre les différentes sources d'énergie. Derrière notre débat se profile la question du privé et du service public.
Après les autoroutes, EDF, GDF, l'eau et le téléphone, ce sera bientôt le tour du Livret A, des lignes à grande vitesse, qui vont être bientôt concédées, et du train. Ma position n'est pas dogmatique. Nous perdons notre pouvoir de décision en matière d'aménagement du territoire et en matière d'égalité tarifaire et d'égalité d'accès aux services. Là est l'enjeu, et c'est pour cela que nous défendons pied à pied nos positions.
On a évoqué les ventes à perte par GDF. J'aimerais bien que tous ceux qui vendent à perte continuent à faire autant de profits ! Il y a là un miracle qu'il faudra bien un jour nous expliquer.
Que cache votre soudaine conversion à un retour en arrière limité dans le temps ? Y a-t-il eu un deal avec ceux qui se précipitent au portillon pour profiter de l'utilisation de tout ce qui a été édifié par les opérateurs historiques ? Y a-t-il eu un deal avec Bruxelles ? Tout cela mérite notre opposition comme nous le démontrerons dans la discussion générale si, par hasard, vous ne votiez pas comme nous cette question préalable.
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront la question préalable tout simplement parce que cette proposition de loi est très loin de répondre aux enjeux énergétiques actuels. Dans le fond, j'ai l'impression qu'elle a été faite uniquement pour réparer une sorte de « bourde législative » que les consommateurs ont déjà sanctionnée. Comme on disait autrefois : les gens ont voté avec leurs pieds. Il aurait fallu, au contraire, prendre le temps de s'interroger sur deux points.
Premier point : le dogme européen de la dérégulation. Comme l'a dit M. Paul, il y a une façon très dogmatique d'aborder cette question. Je le dis d'autant plus facilement que je ne suis pas contre la concurrence.
C'est la relève !
Je pense que cela peut être une très bonne chose et que les monopoles ont souvent des effets pervers. Vous connaissez notre position sur le monopole du tout nucléaire à une certaine époque. Mais quel est l'intérêt des consommateurs dans cette dérégulation dont on a l'impression que c'est une fuite en avant uniquement pour des raisons dogmatiques ? Quel est l'intérêt de cette dérégulation sur le long terme ? Jean Dionis du Séjour a commencé à pointer certains problèmes.
Du point de vue du développement durable, il faut bien se poser la question du long terme, sinon ce n'est pas la peine de faire le Grenelle de l'environnement ! Je le dis d'autant plus que je suis un fervent défenseur de la construction politique de l'Europe et que je crois que, à force d'entêtements de ce type depuis des années, nous sommes en train de faire mourir à petit feu le projet européen. Et si vous n'avez pas entendu le message des Français il y a deux ans à ce sujet, c'est que vous êtes atteints de surdité ! Le dogmatisme dans la dérégulation n'est sans doute pas pour rien dans la réaction des Français face à la construction européenne, et c'est bien dommage pour le projet européen.
Second point, il y a aujourd'hui une vraie inquiétude de tous les Français par rapport à l'évolution des prix de l'énergie, et ce n'est pas une mesurette comme celle que vous nous proposez qui répondra à l'enjeu de la hausse de la facture énergétique des ménages français, quel que soit leur mode de chauffage ou leur consommation électrique.
M. le rapporteur s'est réjoui que le ministre en charge de l'énergie ne soit pas là.
C'est un comble ! J'aurais justement aimé que cela soit l'occasion d'un débat non seulement sur les droits des consommateurs, mais aussi sur les perspectives énergétiques de notre pays et que l'on parle des moyens concrets que l'on va donner aux Français pour réduire leur facture énergétique et dégager du pouvoir d'achat. Nous vous interpellons sur ce point à chaque séance de questions d'actualité ; nous sommes intervenus dans tous les débats en faisant des propositions pour le pouvoir d'achat en matière énergétique, mais nous n'avons eu aucune réponse !
La seule chose que vous nous avez dite, c'est que le chèque fioul est passé de 75 euros à 150 euros, ce qui ne compensera même pas la hausse du prix du fioul pour les ménages les plus modestes.
Les députés Verts et ceux du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront donc la question préalable.
La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Paul a, d'une manière générale, posé le principe de l'évolution des prix énergétiques, mais tel n'est pas l'objet de cette proposition de loi. Seulement 6 100 clients ont basculé : cela montre bien que le maintien des tarifs réglementés est perçu par nos concitoyens comme une protection importante.
Il faut jouer sur toutes les cordes nous permettant d'accroître le pouvoir d'achat des Français, qui est leur première préoccupation.
Il paraît nécessaire, indispensable même, de ne pas perdre de temps, au risque de pénaliser les consommateurs. Les députés auteurs d'une proposition de loi tendant à autoriser le retour aux tarifs réglementés d'électricité pour les consommateurs particuliers et les petits professionnels ont donc pris l'attache des sénateurs, afin de permettre aux deux chambres de s'accorder le plus rapidement possible sur un texte pour redonner un peu de lisibilité à la législation après la décision du Conseil constitutionnel.
Il est d'autant plus urgent de voter ce texte que, chacun le sait bien ici, l'évolution des coûts énergétiques est inéluctable. Elle peut, en France, être un peu freinée par la capacité de notre parc nucléaire dont les coûts sont bien intégrés dans les tarifs réglementés.
Il nous revient donc de décider, et vite, de leur maintien. C'est une composante importante du marché. Nous ne pouvons pas en priver nos compatriotes, qui doivent pouvoir choisir, selon leur profil de consommation et la qualité de service qu'ils souhaitent, le tarif qui leur convient le mieux. C'est pourquoi nous ne voterons pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, premier orateur inscrit dans la discussion générale.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'énergie, notamment l'électricité, doit être considérée comme un produit à part, ne serait-ce que parce qu'elle fait partie des éléments indispensables à chaque ménage. C'est pourquoi dans chaque débat sur ce sujet, à défaut de haute tension, il y a toujours de l'intensité. Cette proposition de loi le démontre une nouvelle fois.
Depuis le 1er juillet 2007, les 26 millions de consommateurs particuliers d'électricité et les 11 millions de consommateurs de gaz ont la possibilité de faire le choix de la concurrence indépendamment des opérateurs historiques EDF et GDF.
Cette échéance, chacun le sait, constitue en principe la dernière étape d'un processus d'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz, initié à la fin des années quatre-vingt-dix, concernant essentiellement les gros consommateurs d'électricité qui réclamaient ces libérations au profit d'une concurrence d'approvisionnement qu'ils pensaient bénéfique pour leur entreprise. Dans ce cadre, j'ai assisté à plusieurs échanges avec les « aluminiers » et j'ai constaté leur versatilité sur le principe, alors que, s'agissant d'électricité avec un système d'investissements lourds, les producteurs ont besoin d'une lecture au moins à moyen terme pour réguler leurs investissements et, par conséquent, leurs coûts et leurs tarifs.
Or il n'y avait pas de filet de rappel, comme le disait à l'instant notre rapporteur.
Aujourd'hui, l'expérience démontre que, dans leur grande majorité, les entreprises qui ont exercé leur éligibilité portent une appréciation plus que mitigée sur ce choix. En effet, leur facture d'électricité a augmenté de manière sensible consécutivement à leur renonciation aux tarifs réglementés, car l'évolution des tarifs dits libérés a d'abord rattrapé puis dépassé le niveau des tarifs réglementés. Ce type de consommateurs avait pourtant les moyens de s'organiser.
Pour atténuer ces conséquences, un dispositif provisoire, initié par notre excellent rapporteur Jean-Claude Lenoir, portant création d'un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché pour les clients professionnels ayant déjà exercé leur éligibilité a été mis en place. Il répond aux préoccupations de ces professionnels.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'adresse aux consommateurs domestiques. Elle a pour objectif de les protéger des fluctuations des prix du marché, de remédier à une inégalité entre les ménages et de soutenir le pouvoir d'achat.
Ce texte s'inscrit dans le cadre des engagements du Chef de l'État, du Gouvernement et de sa majorité visant à préserver le pouvoir d'achat de nos compatriotes. Elle pose à mon sens plusieurs questions de fonds, consécutivement à la décision du Conseil constitutionnel et à la promulgation de la loi du 7 décembre 2006, qui ne prévoit plus le bénéfice du tarif réglementé que pour ceux qui n'ont pas changé de fournisseur, à condition que personne, pour un site donné, ne l'ait fait avant eux.
Certes, l'amendement du président Ollier et de nos excellents collègues Jérôme Bignon, Jean-Claude Lenoir, François-Michel Gonnot et Serge Poignant, adopté à l'unanimité, a clarifié une incertitude en permettant le bénéfice des tarifs réglementés pour les nouveaux sites de consommateurs raccordés au réseau de distribution ou de transport avant le 1er janvier 2010. Mais, en laissant ce cadre législatif en l'état, c'est-à-dire en considérant que le choix tarifaire exercé pour ces logements donnés est irréversible, nous ne répondons pas à la préconisation de la Commission européenne, qui insiste elle-même sur la nécessité d'améliorer la protection des droits des consommateurs que les mécanismes de marché ne peuvent à eux seuls garantir dans le secteur de l'énergie.
Par ailleurs, si, dans sa censure, le Conseil constitutionnel juge que l'un des objectifs de la directive est de faire en sorte que les consommateurs d'électricité et de gaz aient vocation à s'alimenter à terme exclusivement par le biais du marché libre, doit-on définitivement considérer que les tarifs réglementés ne font pas partie des tarifs concurrentiels, dès lors qu'ils couvrent les coûts exposés par les opérateurs, et même plus avec la CSPE ?
En l'état actuel, cette législation pose une autre question fondamentale : sans modification, elle va créer quasiment deux marchés de l'immobilier, celui des logements pouvant bénéficier des tarifs et celui des logements n'y ayant plus droit. De ce fait, elle crée une inégalité majeure entre les ménages français qui auront droit au tarif réglementé et ceux qui n'y auront plus droit, bénéfice ou exclusion qui sera lié au seul choix du logement.
Ainsi, un ménage entrant dans un logement ayant définitivement perdu le bénéfice du tarif se trouvera de facto engagé par une décision qu'il n'aura pas lui-même prise. En revanche, le ménage qui, historiquement, aura pris la décision de faire perdre à ce logement le bénéfice du tarif pourra retrouver un contrat tarifaire s'il emménage dans un logement dont aucun occupant n'aura jamais fait le choix de la concurrence. Cet état de fait est contraire à l'esprit des directives européennes, qui ont toujours fait de l'exercice de l'éligibilité une faculté et en aucun cas une obligation.
De ce fait, l'examen de l'éligibilité, sans possibilité de retour au tarif, ne serait pas propice aux nécessaires signes de confiance que nous devons donner aux consommateurs, afin qu'ils puissent eux aussi, par la pertinence de leur choix en fonction de leurs besoins, agir sur leur propre pouvoir d'achat.
Comment expliquer à un ménage qui a du mal à payer son loyer que, lorsqu'il déménage pour un loyer moins élevé, il ne puisse pas bénéficier du meilleur tarif d'électricité possible ? L'extension du dispositif de retour au tarif réglementé d'électricité aux petits consommateurs professionnels qui souscrivent une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA va également dans le bon sens.
Nous nous félicitons donc de cette avancée dont les députés de l'UMP sont les initiateurs. La mesure figurait dans la proposition de loi déposée par Patrick Ollier, dont je suis l'un des cosignataires.
Les artisans, les commerçants et les professionnels libéraux se comportent, en effet, comme des consommateurs domestiques.
Par ailleurs, le dispositif s'inscrit dans le prolongement d'une mesure de protection et d'information des consommateurs d'énergie, que nous avions fait adopter à l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi relative au secteur de l'énergie, en décembre 2006. L'article correspondant aux informations obligatoires communiquées par le fournisseur au consommateur particulier dans les offres commerciales avait été étendu aux PME et aux petits consommateurs d'énergie.
L'extension de la possibilité de retour au tarif réglementé de gaz naturel pour les consommateurs particuliers, ainsi que la possibilité de rendre les logements neufs éligibles au tarif de vente de gaz naturel fixé par le Gouvernement satisfait également le groupe UMP. C'est une mesure cohérente avec les dispositions proposées dans le domaine de l'électricité.
Cette proposition de loi de bon sens a été confortée par l'amendement qui vient d'être adopté en commission et qui sera, je l'espère, voté en séance publique. Elle résulte d'une synthèse des propositions des députés et des sénateurs de l'UMP, et en reprend également certaines du groupe socialiste. Ce texte devrait tous nous satisfaire et le groupe UMP le soutiendra activement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en novembre 2006, le Parlement a adopté la loi relative au secteur de l'énergie, loi qui privatise GDF et qui transpose les directives 2003-54CE et 2003-55CE prévoyant l'ouverture totale à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz pour le 1er juillet 2007.
Depuis cette date, les ménages peuvent choisir librement leur fournisseur d'électricité ou de gaz. Mais, s'ils décident de changer de fournisseurs, ils perdent définitivement par la même occasion le bénéfice des tarifs réglementés.
Avant d'évoquer le texte de loi qui nous intéresse, je vous proposerai un rapide rappel historique. En effet, je crois intéressant de rappeler que c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a décidé de libéraliser en totalité le marché de l'électricité et du gaz, alors que le gouvernement précédent s'y était opposé.
Lors du Conseil européen de Barcelone, en 2002, le gouvernement de Lionel Jospin avait refusé l'ouverture du marché de l'électricité et gaz aux ménages.
L'État s'était clairement opposé aux propositions de la Commission visant non seulement l'accélération du calendrier de libéralisation, mais programmant également l'ouverture du marché à tous les consommateurs, y compris les particuliers pour 2005.
De plus, le gouvernement de Lionel Jospin avait obtenu que l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz soit limitée aux professionnels et aux entreprises. Les ménages, exclus du processus de libéralisation, pouvaient continuer à bénéficier, en tant que clients non éligibles, des tarifs réglementés, qui se situent bien en dessous des prix de marché.
À peine quelques mois après l'issue de ces pénibles négociations, qui avaient abouti à l'exclusion des ménages du processus d'ouverture à la concurrence, le nouveau gouvernement Raffarin II a balayé d'un revers de main ce qui venait d'être obtenu. Le 25 novembre 2002, Mme Nicole Fontaine, ministre chargée de l'industrie, accepte qu'une date finale soit fixée pour l'achèvement du marché intérieur de l'électricité et du gaz. Les nouvelles directives de juin 2003 prévoiront ainsi l'éligibilité pour l'ensemble des consommateurs domestiques à partir du 1er juillet 2007.
À trois reprises, les députés socialistes ont proposé par amendement – M. Brottes l'a rappelé tout à l'heure – le droit au retour au tarif : dans la loi DALO, dans la loi TEPA et, plus récemment, dans le projet de loi sur la consommation. Chaque fois, la majorité s'y est opposée. Toutefois, aujourd'hui, nous ne sommes que partiellement surpris de son léger retour en arrière. En effet, la mission commune d'information du Sénat sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver a rendu un rapport tout à fait contradictoire vis-à-vis de la loi relative au secteur de l'énergie.
Que nous apprend cette mission ? D'une part, que la libéralisation du secteur énergétique s'est soldée par une hausse vertigineuse des tarifs sur le marché libre et par des risques accrus sur la sécurité d'approvisionnement. D'autre part, que les besoins importants en termes de production d'électricité ainsi que la question du vieillissement du parc nucléaire en France imposent des investissements massifs pour la création de nouvelles capacités.
La mission a conclu que, l'énergie n'étant pas une commodité comme les autres, sa maîtrise doit rester publique. De plus, les rapporteurs, qui se sont intéressés aux tarifs d'accès à l'électricité, se sont inquiétés de leur envolée dans la plupart des pays de l'Union européenne. D'où cette proposition de loi, qui vise à maintenir les tarifs réglementés.
La préservation des tarifs réglementés de vente de l'électricité constitue en ce sens une priorité car elle contribue à l'amélioration du pouvoir d'achat de nos concitoyens. Nous regrettons vivement que cette nouvelle proposition de loi impose une date butoir aux consommateurs domestiques d'électricité et de gaz, laissant entendre que s'ouvrirait « une période transitoire au terme de laquelle il conviendrait de réexaminer la pertinence tarifaire ». Nous réaffirmons qu'aucune date limite ne doit être inscrite dans ces articles.
Ces remarques s'appliquent également aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel, car les tensions actuelles sur le prix du baril de pétrole, la privatisation de Gaz de France et sa fusion avec Suez sont autant de facteurs créant les conditions de fortes pressions sur les prix du gaz, que seuls les tarifs réglementés sont capables de contenir. C'est une priorité absolue pour le pouvoir d'achat des consommateurs particuliers.
Nous tenons à rappeler que la récente fusion de GDF et Suez fait également peser un risque évident sur notre système tarifaire réglementé. Les députés socialistes réaffirment leur opposition à cette fusion annoncée par le Président de la République au mépris des engagements pris naguère. Un tel groupe, dont les actionnaires voudront garder les mains libres, ne pourra que souhaiter s'exonérer des contraintes tarifaires. Qu'en sera-t-il demain, alors que le contrat de service public de Gaz de France arrive à son terme ? Quelles seront les exigences des actionnaires privés lors de la renégociation du contrat ? Seule la création d'un pôle public EDF-GDF – que le Gouvernement a refusée – aurait constitué le moyen d'assurer une maîtrise publique sur le secteur. Une telle maîtrise sera seule garante de la préservation de notre système tarifaire régulé et, par conséquent, du pouvoir d'achat des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le secrétaire d'État, mieux vaut tard que jamais, comme l'affirme un dicton. Il est vrai que, lorsque vous aviez transposé la directive européenne sur l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz pour les particuliers, bien des gens avaient été choqués du caractère irréversible du choix du tarif déréglementé, d'autant que le choix d'un locataire précédent ou d'un nouveau propriétaire pouvait s'imposer à un nouvel occupant des lieux sans qu'il ait lui-même pris la moindre décision dans ce domaine.
Voilà une étrange conception de la liberté pour une loi censée être d'inspiration libérale !
Comment s'étonner, ensuite, que beaucoup de nos concitoyens aient l'impression que les directives européennes leur imposent un modèle qui, précisément, ne leur laisse plus aucun libre choix ? Le retour à la liberté en cette matière relève donc du bon sens.
À l'occasion de ce débat, je voudrais insister sur deux questions de fond concernant l'énergie : d'une part, sur les effets de la concurrence et, d'autre part, sur votre politique – j'aurais plutôt envie de dire votre absence de politique – face à la hausse des prix de l'énergie.
Concernant, tout d'abord, les effets de la concurrence, je rappelle que l'argument de la baisse des prix, qui a toujours été central dans le discours des promoteurs de l'ouverture du secteur de l'énergie au marché, a permis de vendre cette dérégulation aux consommateurs. Or que constate-t-on ? Les prix de l'énergie n'ont jamais autant augmenté. Pour certaines familles, la facture annuelle d'électricité et de chauffage représente quasiment un mois de salaire !
Certains opérateurs privés, vous les avez entendus comme moi, ainsi que des commentateurs économiques réagissent en prétendant qu'il faudrait que les prix augmentent encore pour que la concurrence se développe ! Selon leur raisonnement initial, la concurrence devait favoriser la baisse des prix ; désormais, il faudrait une hausse des prix pour que la concurrence se développe ? On marche sur la tête !
La vérité, c'est que cette politique ne fonctionne pas, en tout cas pas dans le secteur de l'énergie. C'est une fausse promesse faite aux consommateurs. La concurrence peut, certes, être une bonne chose, mais sous certaines conditions. La transparence doit d'abord assurer des conditions loyales de concurrence entre les pays, puisque nous sommes au sein de l'Union européenne, et entre les modes de production. Ensuite, il faut apporter des garanties afin que tout un système de production ne soit pas tiré vers le bas. Pour l'électricité, cela concerne les conditions de travail dans le secteur, mais aussi le maintien de la sécurité des installations comme des approvisionnements – nous avons tous en mémoire le cas de pays dont des pans entiers pouvaient être plongés dans le noir à la suite de problème de sécurité. Et étant donné la part du nucléaire dans la production énergétique nationale, la sécurité n'est vraiment pas un vain mot pour notre pays. Enfin, la concurrence est utile si elle favorise la diversification des modes de production d'énergie et notamment le développement des énergies renouvelables, ce qui n'est pas le cas à ce jour.
Nous plaidons donc pour la diversification et la régulation car nous pensons que l'une ne va pas sans l'autre. Conscients du caractère sensible de ce secteur stratégique, nous défendons le caractère majoritairement public des opérateurs historiques que sont EDF et GDF car, comme dans bien d'autres domaines, la dérégulation généralisée n'apporte malheureusement rien de bon au secteur de l'énergie.
Pour ce qui est de la hausse des prix, la vérité est que, concurrence ou pas, ceux-ci vont augmenter pour une raison assez simple : la demande mondiale progresse alors que l'offre ne peut pas suivre puisque les ressources comme le pétrole, mais aussi le gaz et le charbon, se réduisent chaque jour un peu plus. Les agrocarburants présentés comme une nouvelle panacée pour remplacer le pétrole sont en réalité un pis-aller car ils sont cultivés au détriment des cultures alimentaires, notamment des céréales.
Confronté à une crise énergétique, mondiale et durable, on ne peut que déplorer la passivité du Gouvernement et de la majorité depuis bientôt six ans. Cette crise était pourtant totalement prévisible : personne ne pouvait ignorer que les prix du pétrole et du gaz allaient augmenter. Monsieur le secrétaire d'État, il est incroyable qu'un travail n'ait pas été mené d'arrache-pied durant toutes ces années pour donner aux Français les moyens de se prémunir contre cette hausse des prix en leur permettant de consommer moins.
Je sais que vous allez me répondre que vous avez une solution : le nucléaire. Malheureusement, nous voilà à nouveau plongés dans une nouvelle forme de dogmatisme, à moins que ce ne soit plutôt une forme de mensonge.
Le premier mensonge porte sur les ressources en uranium : elles seraient illimitées contrairement à celles en pétrole et en gaz. Pourtant, nous savons qu'elles sont, elles aussi, en voie d'épuisement et se situent dans la plupart des cas, à l'étranger, dans des pays à risque, ce qui rend la France extrêmement dépendante et fragile.
Le deuxième mensonge porte sur le caractère substituable de cette source d'énergie. Nos concitoyens savent pourtant très bien qu'ils ne rouleront pas dans des voitures nucléaires ou qu'ils ne se chaufferont pas au nucléaire.
Troisième mensonge : le nucléaire serait l'énergie la moins chère. C'est doublement faux puisque le tout nucléaire oblige aujourd'hui, dans les périodes de pointe, l'opérateur historique – celui de la quasi-totalité des Français – à acheter de l'électricité au prix fort sur le marché européen. Le phénomène est d'autant plus remarquable que ce déficit chronique est dû à l'équipement des foyers en chauffage électrique qu'EDF a contribué a développer. Par ailleurs, qu'en serait-il du prix du kilowattheure nucléaire si l'on répercutait sur la facture des consommateurs le coût du démantèlement des vieilles centrales et du stockage éternel des déchets nucléaires : le prix de l'électricité exploserait. Il explosera d'ailleurs, on le sait très bien, mais sans doute au frais du contribuable qui se trouve être souvent la même personne que le consommateur.
Notre conviction est qu'il faut s'attaquer durablement et fortement à cette hausse continuelle des coûts de l'électricité et du chauffage. Nous pensons même qu'il faut se donner des objectifs chiffrés et proposons une baisse de la facture énergétique des ménages de 25 % en cinq ans. En travaillant à réduire les consommations – ce ne sont pas les producteurs privés qui vont nous inciter à le faire car ce n'est pas leur intérêt –, il est possible d'alléger réellement et durablement le budget des Français et de leur redonner du pouvoir d'achat. Il faut donc aider nos concitoyens qui veulent isoler leur logement et installer des dispositifs d'énergie renouvelable. Obligation doit être faite aux promoteurs de construire des logements neufs à faible consommation.
Cette politique de sobriété énergétique est réaliste et, dans le secteur du bâtiment, elle créerait des emplois qualifiés, durables et non délocalisables. D'autres pays européens ont fait ce choix, il n'y a aucune raison qu'il ne soit pas efficace en France.
Par ailleurs, il faut diversifier les modes de production d'énergie en développant massivement les énergies renouvelables dans tous les domaines, et la palette est extrêmement large : il ne faut dépendre d'aucune source de production.
Évidemment, cette proposition de loi est bien loin de répondre à cette ambition : elle ne fait qu'un tout petit pas dans le sens du consommateur. Nous l'aurions volontiers votée…
…si elle ne faisait pas mention de cette date butoir de 2010. Monsieur Ollier, je ne fais que vous expliquer pourquoi nous ne voterons pas ce texte. Peut-être notre position changera-t-elle au cours du débat – en tout cas, nous l'espérons. Vous-même avez appelé le Gouvernement à s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.
Nous sommes tout près à vous aider si vous supprimez la date butoir.
J'ai bien écouté votre argumentaire précis et intéressant, mais les Français ne peuvent pas se contenter d'un vague « rendez-vous » pris à la tribune de l'Assemblée nationale et dont il faudrait plus tard retrouver la promesse dans nos comptes rendus analytiques ou nos comptes rendus intégraux. Pourquoi refuser de l'inscrire dans la loi ? Mon collègue Daniel Paul en a bien expliqué la raison : vous avez peur de braquer la Commission européenne. Or c'est déconsidérer le Parlement français que d'estimer qu'il ne lui est pas possible d'envoyer un signal à celle-ci et d'exercer ses prérogatives en la matière. Si des textes européens nous amènent à voter de nouvelles lois, il sera toujours temps d'en débattre de nouveau. Pourquoi donc s'être arc-bouté sur cette date de 2010 ? Si cette dernière est supprimée, je vous le dis très clairement, nous voterons la proposition de loi. Dans le cas contraire, nous serons malheureusement dans l'obligation de ne pas la voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la libéralisation du marché de l'énergie est effective depuis le 1er juillet 2007 dans toute l'Union européenne. Chaque citoyen français peut théoriquement choisir son fournisseur d'électricité parmi les nouveaux opérateurs du marché et les offres qu'ils proposent.
Cependant, l'ouverture totale du marché n'est pas sans soulever des difficultés. Je consultais les chiffres concernant l'électricité avant de monter à la tribune : s'ils sont exacts, 6 100 sites résidentiels ont quitté les tarifs et se voient appliquer une offre de marché. C'est tout de même très peu !
Notre débat n'est pas sans rappeler celui que nous avons eu, il y a un an, même si le projet de loi relatif au secteur de l'énergie avait à l'époque un objet beaucoup plus large.
Le juge constitutionnel, saisi du volet tarifaire de ce texte…
…par le groupe socialiste, avait censuré l'article relatif à la préservation des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz pour les logements anciens et pour tout nouveau site de consommation, considérant que le mécanisme était, d'une part, incompatible avec les directives et que, d'autre part, tout consommateur avait vocation, à terme, à s'alimenter exclusivement sur le marché libre.
Il faut reconnaître que les conséquences de cette décision aboutissent à des incohérences et à des injustices entre les citoyens. Lorsqu'un premier occupant a exercé l'éligibilité pour un logement, les suivants n'ont plus la possibilité de choisir entre des offres aux tarifs réglementés et des offres de marché, et ce, quels qu'aient été leurs choix personnels antérieurs.
Les propriétaires sont également inquiets des conséquences que pourrait avoir l'exercice de l'éligibilité par leur locataire. Ce choix irréversible serait clairement pénalisant pour les occupants suivants, mais aussi en cas de vente du bien, qui risque d'être déprécié dans la mesure où il ne peut plus bénéficier du tarif réglementé.
Cette situation risque d'entraîner l'apparition d'un double marché de l'immobilier avec, d'un côté, les logements bénéficiant du tarif et, de l'autre, les logements qui n'y ont plus droit. Une inégalité majeure serait créée entre les ménages français au tarif réglementé et ceux qui n'y auront plus accès, bénéfice ou exclusion qui seront liés au seul choix du logement.
Cette proposition de loi va donc dans la bonne direction. Cependant, le dispositif adopté par le Sénat en première lecture n'établit qu'une réversibilité partielle : le consommateur ne peut revenir aux tarifs réglementés de gaz et d'électricité qu'en cas de déménagement.
Le groupe Nouveau Centre souhaite aller encore plus loin en proposant la mise en place de la réversibilité totale des droits pour l'électricité…
…et en permettant ainsi aux consommateurs qui souscrivent pour une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères d'aller et venir à leur guise entre le secteur réglementé et le marché concurrentiel. Nous avons donc déposé avec Frédéric Lefebvre un amendement en ce sens.
Honnêtement, et je me tourne vers nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, il doit y avoir moyen de trouver un consensus entre nous sur cette loi – ou alors je n'y comprends plus rien, ce qui est possible.
Franchement, je ne vois pas très bien ce qui empêche ce consensus, mais le débat va peut-être nous le montrer. Cette question devrait dépasser les clivages politiques car la réversibilité partielle n'est qu'une demi-mesure dont les consommateurs ne pourront se satisfaire.
La réversibilité totale sera un garde-fou contre le risque de hausse de prix et permettra aux consommateurs qui le souhaitent de tester le marché sans être obligés de déménager pour revenir aux tarifs réglementés. J'ajoute, et c'est un élément pragmatique et important, que la réversibilité totale est en vigueur dans quinze pays de l'Union européenne où coexistent encore des tarifs réglementés et des prix de marché pour l'électricité et le gaz !
Disons-le clairement, le nombre de consommateurs professionnels ayant changé de fournisseur est quasiment insignifiant, ce qui est bien regrettable, car il existe sur le marché, cela a été dit par M. le secrétaire d'État, des offres alternatives innovantes et intéressantes. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi le marché de l'électricité serait le seul à ne pas inventer de telles offres.
En l'absence de décollage de ce marché, les entreprises qui se sont lancées dans la fourniture d'électricité pourraient être sérieusement mises en difficulté, et il faut en tenir compte. Reconnaissons que l'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie ne pourra être une réussite que si elle s'accompagne d'une saine et vraie concurrence entre opérateurs, ainsi que de la mise en place de véritables garanties pour les consommateurs, c'est-à-dire de la réversibilité totale.
Enfin, cette proposition de loi nous amène à réfléchir à la question plus globale de l'avenir des tarifs réglementés, et je remercie Daniel Paul de l'avoir soulevée lorsqu'il a défendu la question préalable.
Soyons clairs : en aucun cas, l'Europe n'interdit le concept de « tarif réglementé ».
Ce n'est pas la Commission qui commande en Europe, mais le Conseil des Chefs d'État ou le Conseil des ministres : relisez le traité simplifié, mon cher collègue !
Quel est l'intérêt de la France ? Pour l'heure, ainsi que je l'ai indiqué à Daniel Paul, trois points de vue partisans, au bon sens du terme, s'opposent.
Les consommateurs ont tout intérêt à ce que le tarif réglementé perdure. Le contribuable français ayant financé le nucléaire, il en attend un juste retour, c'est-à-dire un tarif proche du prix de revient du nucléaire.
L'État actionnaire et EDF ont, quant à eux, un intérêt objectif à ce que l'on s'achemine vers la suppression des tarifs et la libéralisation des marchés, qui peuvent être source de profits extrêmement importants. C'est d'autant plus légitime que les besoins en matière d'investissements, notamment pour le renouvellement des installations, sont énormes, car EDF a très peu investi en France entre 1996 et 2000. En outre, les résultats d'EDF permettraient à son actionnaire principal, l'État, d'assainir ses finances. Or c'est un enjeu important pour les centristes.
Enfin, du point de vue environnemental – et j'ai apprécié, à cet égard, certains passages de l'intervention de M. de Rugy –, on peut se demander si le fait de laisser perdurer les habitudes des Français, dont la consommation énergétique élevée est rendue possible par des prix plutôt bas uniquement grâce au nucléaire, est cohérent avec les perspectives tracées par le Grenelle de l'environnement.
On ne tranchera pas cette question fondamentale sans un véritable arbitrage politique. Le groupe Nouveau Centre appelle de ses voeux un grand débat sur le sujet : la prochaine loi d'orientation relative à l'environnement pourrait en être l'occasion.
La France doit définir un axe fort en matière énergétique et tarifaire, afin de peser sur le débat européen. Il ne serait pas efficace de naviguer à vue. Ainsi, nous n'avons pas été rassurés par la décision ponctuelle de vendre 2,5 % du capital d'EDF, vente dont le produit – 3,7 milliards d'euros – servira à financer la modernisation des universités. Pour nous, centristes, qui souhaitons le retour le plus rapide possible à l'équilibre des finances publiques, une telle rupture avec la règle selon laquelle les recettes des privatisations doivent servir à la réduction de notre dette est inquiétante.
Pour conclure, ce texte va, certes, dans le bon sens – et je souhaiterais que nos collègues de l'opposition nous disent pourquoi ils ne le voteront pas. Mais il mériterait d'être encore plus ambitieux en franchissant le pas de la réversibilité totale.
J'espère que la bonne atmosphère qui règne ici ce soir se traduira dans les votes.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi, adoptée par le Sénat en première lecture le 2 octobre dernier, a pour objectif de protéger le consommateur des fluctuations du prix du marché, de remédier à une inégalité entre les ménages et de soutenir le pouvoir d'achat.
Pour ce faire, elle répond à l'un des principaux problèmes posés par la mise en oeuvre de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, qui a redéfini le cadre législatif des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz, celui de la réversibilité, c'est-à-dire la possibilité, pour un consommateur, de revenir au tarif après y avoir renoncé.
En effet, après avoir été partiellement censuré par le Conseil constitutionnel en novembre 2006, le dispositif promulgué réserve le bénéfice du tarif réglementé aux ménages et aux entreprises qui n'exercent pas leur éligibilité, à condition que personne, pour un site donné, ne l'ait exercé auparavant.
La censure du dispositif « sitepersonne » empêche donc quiconque ayant exercé son éligibilité pour un site de bénéficier à nouveau du tarif réglementé à l'occasion d'un déménagement. Mais elle impose également à un consommateur n'ayant jamais renoncé de lui-même au tarif de subir la décision d'un autre ménage, dont il reprend le logement et qui aurait choisi une alimentation énergétique au prix du marché. En revanche, le ménage qui aura fait perdre à un logement le bénéfice du tarif pourra retrouver un contrat réglementé s'il emménage dans un logement dont aucun occupant antérieur n'aura fait le choix de la concurrence. Vous conviendrez, chers collègues, que Devos n'aurait pas dit mieux ! (Sourires.) Il ne paraît pas normal qu'un consommateur puisse se voir privé du bénéfice des tarifs réglementés du fait de la décision prise par un autre.
Cette situation incohérente, susceptible d'avoir des conséquences négatives sur le marché de l'immobilier, ne peut perdurer. En effet, l'évolution des prix de l'énergie pèse de manière importante sur le pouvoir d'achat des Français et sur la façon dont ils l'apprécient. Rappelons que, entre 2003 et 2006, le prix du gaz a augmenté de 48 % pour les professionnels et de 21 % pour les ménages.
Les dépenses des ménages consacrées au chauffage et à l'éclairage ont, quant à elles, augmenté de 6,5 % en 2005 et de 5,7 % en 2006.
Dans le même temps, les tarifs réglementés pour les ménages et pour les entreprises n'ayant pas exercé leur éligibilité n'ont augmenté que de 0,6 % par an en moyenne.
Dans le contexte de l'ouverture complète à la concurrence du marché intérieur de l'électricité et du gaz et de la tarification de l'énergie pour les particuliers, le maintien des tarifs réglementés est donc perçu par nos concitoyens comme une protection importante, contrairement au prix déterminé librement par le marché.
Si rien, dans le texte des directives communautaires prévoyant l'ouverture complète du marché à la concurrence à compter du 1er juillet 2007, ne s'oppose au maintien des tarifs réglementés, des voix s'élèvent à Bruxelles pour demander leur suppression progressive.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui prévoit donc la possibilité, pour les ménages et les petits consommateurs professionnels – artisans, commerçants, professions libérales –, de retourner au tarif réglementé de l'électricité et du gaz à l'occasion d'un déménagement.
Une condition est toutefois posée : le consommateur doit, pour bénéficier du tarif réglementé, en faire la demande avant le 1er juillet 2010. Cette limite n'est pas une date impérative à compter de laquelle les tarifs réglementés sont voués à disparaître – M. le ministre a d'ailleurs été très clair sur ce point. Un tel délai devrait, au contraire, permettre de convaincre la Commission européenne de la conformité des tarifs réglementés français au droit communautaire.
On aurait pu également envisager de rendre possible cette réversibilité pour les particuliers indépendamment d'un déménagement. J'y suis personnellement favorable pour permettre à nos concitoyens d'expérimenter l'ouverture du marché.
Quant aux particuliers occupant un nouveau site, un amendement au projet de loi instituant le droit au logement opposable leur a accordé, lorsque les sites sont raccordés au réseau de distribution ou de transport avant le 1er juillet 2010, le droit de bénéficier des tarifs réglementés pour leur consommation d'électricité. L'article 3 de la présente proposition de loi propose tout naturellement d'étendre cette mesure à la consommation de gaz naturel.
Après la dernière hausse, de 5,8 %, intervenue en mai 2006, les tarifs du gaz devraient être augmentés pour les entreprises à compter du 1er janvier 2008. La situation des particuliers sera fixée en début d'année. Cette hausse est destinée, nous dit-on, à compenser l'explosion du prix du pétrole, et donc de celui du gaz sur les marchés. Au moment où le Gouvernement commence à mettre en oeuvre des mesures en faveur du pouvoir d'achat, nous ne devons pas oublier que le marché de l'énergie obéit nécessairement aux règles de la concurrence. La réglementation des tarifs de l'électricité et du gaz ne peut ignorer cette réalité. Toutefois, nous devons faire en sorte de trouver la juste mesure entre les impératifs économiques d'une entreprise qui subit les aléas de production du marché et les intérêts des consommateurs français, dont le budget est fortement impacté par ces fluctuations.
La proposition de loi va dans ce sens, car elle permet de protéger le consommateur des fluctuations des prix du marché, de remédier à une inégalité entre les ménages et de soutenir le pouvoir d'achat. C'est pourquoi je suis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il me semble indispensable de rappeler les raisons pour lesquelles nous devons aujourd'hui nous prononcer sur cette proposition de loi, adoptée par le Sénat en première lecture, qui traite des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz.
En novembre 2006, votre majorité, chers collègues de l'UMP, du Nouveau Centre et du MODEM, a adopté une loi qui privatise EDF et transpose les directives européennes 200354CE et 200355CE, lesquelles mettent en place l'ouverture totale à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité, à compter du 1er juillet 2007.
N'oublions pas que le gouvernement socialiste de Lionel Jospin avait mené d'âpres négociations avec Bruxelles pour que cette ouverture soit uniquement limitée aux professionnels et aux entreprises et que c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a décidé de libéraliser totalement le marché du gaz et de l'électricité.
En fait, le dogme qui prévalait lors de la décision du gouvernement Raffarin – et qui prévaut toujours aujourd'hui –, celui d'un libéralisme pour lequel toute idée contraire est forcément mauvaise, pour lequel seule une économie totalement débridée, sans contrainte aucune, est digne de ce nom, montre actuellement ses limites. Il s'avère en effet que cette vision caricaturale de l'économie résiste de moins en moins à la réalité des faits.
En effet, une ouverture totale à la concurrence n'entraîne pas automatiquement une baisse des prix. La preuve nous en est donnée par deux pays : l'Angleterre et les États-Unis. Nous connaissons tous la hausse conséquente que les tarifs de l'énergie ont connue en Angleterre depuis leur libéralisation et les distorsions que subissent les consommateurs, suivant qu'ils habitent dans les Highlands ou à Arsenal. En revanche, la situation des États-Unis est beaucoup moins connue. Lors de la discussion au Sénat, Daniel Raoul a évoqué un article de presse paru en septembre dernier dans le New York Times. Nous y découvrons qu'environ dix ans après la libéralisation du système énergétique, de nombreux États font marche arrière ou rendent de l'argent aux consommateurs pour en atténuer les effets. Parmi les vingt-cinq États qui ont libéralisé leur marché, seule la Californie envisage d'étendre les prix du marché. Ce changement d'attitude est le fait d'une augmentation du prix de l'électricité beaucoup plus rapide que dans les États ayant préservé leur monopole.
Pour être juste, je me dois de reconnaître que la responsabilité de la situation actuelle n'incombe pas uniquement aux décisions prises par Jean-Pierre Raffarin et son gouvernement. La Commission européenne tente une nouvelle fois d'imposer une approche ultralibérale et très dogmatique, en lançant contre la France une procédure destinée à vérifier si nos tarifs réglementés sont compatibles avec les règles européennes. Si, par malheur, nous devions céder aux injonctions de l'Europe, il est fort probable que l'abandon des tarifs réglementés aurait pour conséquence, comme dans les autres pays, une hausse conséquente du coût de l'énergie. Les incidences sur notre économie nationale seraient sévères : perte de compétitivité de nos entreprises, hausse de la facture des administrations et des collectivités locales, baisse accrue du pouvoir d'achat des ménages.
Prétendre, comme le fait Bruxelles, que les tarifs réglementés entravent la concurrence, c'est oublier que notre pays a eu le courage et l'intelligence de mettre en place, depuis des décennies, une politique énergétique ambitieuse qui nous a dotés de l'un des parcs nucléaires les plus performants et importants du monde. Le financement de cette politique provient en grande partie du budget de l'État français, c'est-à-dire grâce aux impôts acquittés par nos entreprises et nos concitoyens. Les tarifs réglementés sont donc en quelque sorte la juste contrepartie des efforts financiers consentis pendant toutes ces années et qui permettent désormais de produire une électricité à un prix abordable.
L'abandon des tarifs réglementés nous promet d'autres conséquences, que subissent déjà les Américains et les Britanniques. Les bourgs isolés, les hameaux, les communes à l'écart des grands axes de communication risquent de se voir abandonnés, mis à l'écart de la société et du progrès. Les extensions de réseaux, leur entretien et leur renforcement, jugés coûteux et fort peu rentables, en feront immanquablement les frais. Que vont devenir les personnes isolées aux ressources modestes, les personnes âgées, les familles nombreuses, les travailleurs pauvres ? Avec la déréglementation, comment ces gens-là feront-ils pour se chauffer et s'éclairer lorsque les fins de mois seront difficiles et les hivers rigoureux ?
En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, l'abandon des tarifs réglementés constitue pour moi un nouveau coup de canif porté à l'aménagement du territoire et une nouvelle mise en cause de la solidarité entre citoyens, mais aussi entre ville et territoires ruraux, entre ceux qui ont peu et ceux qui ont beaucoup. J'y vois la volonté politique de la majorité d'affaiblir encore les territoires ruraux, les régions les plus pauvres et les départements les plus défavorisés. Ceux qui souffriront le plus de cette déréglementation programmée sont les mêmes que ceux qui subissent déjà les franchises sur les médicaments et les actes médicaux et ceux qui, pourtant non imposables, vont se voir privés de l'exonération de la redevance audiovisuelle. Votre proposition de loi prétendument réparatrice n'est guère qu'un rideau de fumée, comme l'a dit M. Brottes, et le fait que vous refusiez nos amendements – des amendements destinés à protéger les consommateurs – montre bien votre volonté de ne pas agir.
L'échéance du 1er juillet 2010 arrivera très vite, monsieur le secrétaire d'État, et nul ne sait ce qui se passera ensuite. C'est pourquoi nous vous demandons de retirer cette date butoir du texte.
Quant à la réversibilité, c'est une question importante, sur laquelle nous restons extrêmement prudents. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs, depuis le 1er juillet dernier, les ménages français peuvent désormais quitter leurs opérateurs historiques, EDF et GDF, et opter pour des offres de marché dont les prix sont librement fixés par les fournisseurs d'énergie.
L'ouverture totale du marché n'est pas sans créer de nouvelles difficultés pour les consommateurs. En effet, le consommateur qui a fait usage de son droit d'éligibilité aux tarifs de marché et qui veut comparer les prix entre différents fournisseurs a du mal à s'y retrouver : les contrats proposés ne sont pas comparables entre eux, car ils ne portent pas uniquement sur la fourniture de kilowattheures d'électricité, mais sur un panier de services. Or les paniers de services ne sont pas identiques d'un opérateur à un autre, ni même d'un contrat à un autre chez le même fournisseur. Imaginez la complexité de l'exercice !
De plus, l'information qui devait accompagner l'ouverture à la concurrence est restée fort modeste au regard des enjeux et des conséquences que pouvait entraîner le choix d'un nouvel opérateur pour les particuliers. Vous me répondrez qu'un site Internet et un numéro vert étaient mis à la disposition des usagers, mais tous les citoyens n'ont pas accès à Internet, que ce soit pour des raisons financières ou à cause des inégalités de couverture du territoire par le réseau, parfois à l'origine de difficultés d'accès à l'information. C'est le cas dans mon département, l'Ariège, où, face à la carence des pouvoirs publics d'informer le citoyen, c'est le syndicat départemental d'électricité qui a dû éditer et distribuer à ses frais à 65 000 foyers une plaquette explicative sur les conséquences concrètes de l'ouverture du marché aux particuliers – une initiative qui, me semble-t-il, ne relevait pas de sa responsabilité.
Le modèle économique que vous organisez vise à promouvoir une concurrence pure et parfaite dans le secteur de l'énergie, dont la libre pratique aboutirait d'office à la satisfaction optimale de tous les acteurs – consommateurs comme actionnaires. Dans la réalité, l'efficacité de la régulation purement concurrentielle paraît fort douteuse : depuis l'ouverture du marché à la concurrence, les prix sur le marché libre n'ont cessé de croître, jusqu'à atteindre des niveaux fortement pénalisants pour les entreprises qui ont choisi d'exercer leur éligibilité. Force est de reconnaître qu'en laissant faire le marché, on substitue au monopole public le secteur privé, qui cherchera avant tout à répondre aux exigences des actionnaires. La libéralisation des prix de l'électricité et du gaz revient en fait à remplacer la régulation et la maîtrise tarifaire politique par une concurrence accrue s'exerçant au profit de quelques grands groupes et au détriment des consommateurs tant professionnels que domestiques.
Ainsi, la libéralisation à marche forcée introduit de véritables désordres sur le marché de l'électricité et du gaz, bien plus qu'elle ne contribue à répondre aux enjeux publics de l'énergie que sont la sécurité d'approvisionnement, la modération des prix, la diversification énergétique et la lutte contre la fracture énergétique et les inégalités.
Le risque est grand de voir s'alourdir encore la facture énergétique des familles – qui représente déjà près d'un tiers de leur budget logement – car la régulation des tarifs, qui a exercé un effet modérateur important, est aujourd'hui gravement menacée par la fin des tarifs réglementés. EDF et GDF, deux acteurs du marché libéral qui ont, comme les autres, des objectifs de rentabilité financière et des actionnaires à satisfaire, n'ont aucun intérêt à ce que les tarifs réglementés soient maintenus ! Pourquoi vendre le kilowattheure à un prix réglementé quand ils pourraient le vendre au prix du marché et augmenter ainsi leur marge bénéficiaire ? Les dirigeants d'EDF et GDF reconnaissent d'ailleurs ouvertement souhaiter voir les tarifs augmenter pour rejoindre les prix du marché.
Il est important de rappeler qu'EDF et GDF ont à la fois des clients au tarif réglementé et hors du tarif, ce qui augmente le trouble, l'incompréhension et les occasions de méprise des consommateurs face à ces offres multiples. Les deux opérateurs historiques multiplient auprès de leurs propres clients les propositions d'offres constituées de nouvelles formules incluant des services divers – diagnostic, suivi personnalisé de facture, dépannage à domicile, offres duales – mais sans toujours leur expliquer clairement que le choix de l'une de ces offres les fera sortir du tarif réglementé.
C'est pourquoi il est nécessaire aujourd'hui de renforcer l'information et de ne pas fixer de date butoir pour bénéficier des tarifs réglementés, afin de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs. L'échéance de 2010 est bien proche, et les mesures adoptées aujourd'hui n'auront qu'un effet limité. Au moment où le Gouvernement s'engage sur l'augmentation du pouvoir d'achat des Français, la suppression de cette échéance aurait constitué un acte concret.
En conclusion, permettez-moi d'évoquer les fortes inquiétudes des territoires ruraux et de montagne. En effet, on peut logiquement supposer que les offres commerciales des nouveaux fournisseurs seront plus facilement rentabilisées en zone urbaine qu'en zone rurale, où l'habitat est peu dense.
Quel sort sera-t-il fait, après juillet 2010, à la péréquation tarifaire ? Par ailleurs, les collectivités redoutent une baisse des moyens du gestionnaire consacrés à l'entretien et au renouvellement des réseaux. Alors qu'on n'a jamais pu obtenir, jusqu'à présent, une égale qualité de fourniture sur l'ensemble du territoire, les analyses effectuées selon différents critères montrent une dégradation en zone rurale par rapport aux zones urbaines. Cet écart risque de s'accentuer dans les années à venir et les collectivités devront rester vigilantes sur les actions menées par les gestionnaires des réseaux pour conserver, voire améliorer le niveau de desserte en électricité et en gaz. Quelles garanties pouvez-vous apporter aujourd'hui dans ce domaine aux élus et aux populations de ces territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le pouvoir d'achat constitue la première préoccupation des Français, mais aussi des parlementaires de l'opposition, notamment des députés radicaux de gauche. Aujourd'hui, la part de la consommation énergétique dans les dépenses des ménages flambe presque autant que le cours du baril de pétrole ! Or, avec le logement et l'alimentation, le chauffage constitue un besoin élémentaire et une dépense incompressible. Et parce que je suis probablement, de tous les députés, la plus accoutumée aux hivers rigoureux, je tiens à réaffirmer ici qu'il n'est pas acceptable que certains Français n'aient pas d'autre solution pour finir le mois et garder un toit que de renoncer à se chauffer. On estime que la facture énergétique représente environ un tiers du budget logement des familles. En 2006, les Français ont dépensé 8,5 milliards d'euros pour le gaz et 17,9 milliards d'euros pour l'électricité. Il ne fait aucun doute que ces chiffres seront dépassés en 2007 !
La majorité a pourtant adopté en 2006 une loi relative au secteur de l'énergie qui, en redéfinissant le cadre législatif des tarifs du gaz et de l'électricité, a permis une première déréglementation, suivant en cela les recommandations d'une Commission européenne qui voit dans le maintien des tarifs réglementés de vente de l'électricité et du gaz un obstacle au bon fonctionnement de la concurrence, de nature à pénaliser les consommateurs. Or il est largement permis de douter de l'efficacité économique de la dérégulation : depuis l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence, les prix n'ont cessé de croître, jusqu'à atteindre des niveaux fortement pénalisants pour les entreprises qui ont choisi d'exercer leur éligibilité. Le prix du marché du mégawattheure s'élève à plus de 70 euros, contre 30 à 40 euros pour les tarifs réglementés. Jusqu'où nous entraînera le marché déréglementé de l'énergie, lequel n'est pas véritablement concurrentiel mais plutôt oligopolistique, puisque l'offre énergétique est contrôlée par quelques grands groupes en mesure d'influer sur le marché, donc sur les prix ?
La libéralisation des tarifs de l'électricité et du gaz revient à remplacer la maîtrise tarifaire politique et la régulation tarifaire du marché par une concurrence accrue s'exerçant au profit de quelques grands groupes et au détriment des consommateurs tant professionnels que domestiques. Contrairement à une idée reçue, la libéralisation du marché n'est donc pas synonyme de baisse des prix. À cela s'ajoutent une réelle insécurité d'approvisionnement, une absence de diversification énergétique et une aggravation de la fracture énergétique. La disparition des tarifs réglementés n'est pas sans effets pervers sur le pouvoir d'achat des ménages et génère des inégalités parmi les locataires comme parmi les propriétaires.
À l'heure actuelle, la renonciation aux tarifs réglementés est assortie de l'impossibilité de faire machine arrière ; par ailleurs, ce choix reste attaché au logement et s'impose donc aux futurs occupants sans que ceux-ci disposent du moindre recours. Cela signifie que les locataires comme les propriétaires occupants sont tenus par un choix qu'ils n'ont pas nécessairement fait. Quel étrange libéralisme que celui qui sous-tend cette déréglementation des prix ! Où est la liberté ? À ce jour, l'irréversibilité n'a été instaurée que par trois États membres : la Slovaquie, l'Espagne et la France. L'heure est venue d'y mettre un terme et de rendre au consommateur sa liberté de choix et de renoncement.
Parallèlement à la flambée des prix du pétrole et malgré les tarifs réglementés, la facture énergétique des ménages ne cesse de s'alourdir à un rythme inquiétant : 6 % en 2005 et près de 8 % en 2006. Et pas plus tard que la semaine dernière, nous apprenions que Gaz de France avait l'intention de réclamer une augmentation de 5 à 6 % des tarifs réglementés du gaz à compter du 1er janvier 2008 pour les particuliers et les petits professionnels, et de plus de 10 % pour les entreprises. Son PDG, M. Cirelli, estime bien évidemment que cette réclamation se justifie, « compte tenu de l'évolution des prix du pétrole ».
Bien sûr, le régime des tarifs réglementés ne peut empêcher toute augmentation des prix du gaz et de l'électricité, mais, ce dont on peut être certain, mes chers collègues, c'est que, sans les tarifs réglementés, toutes ces hausses, déjà effectuées et restant à venir, auraient été bien plus élevées ! D'ailleurs, sur la même période, depuis 2005, le prix du fioul n'a-t-il pas augmenté de 30 % en 2005, et celui du gaz de 21 % en 2006 ?
Aussi, c'est bel et bien la stabilité des prix de l'électricité qui a exercé un effet modérateur important sur la facture des ménages, et donc sur leur pouvoir d'achat. C'est cet effet modérateur qui est gravement menacé par la remise en cause des tarifs réglementés.
Au moment même où les Français sont inquiets pour leur pouvoir d'achat et alors qu'ils ont commencé à mesurer la hausse de leur facture énergétique tout comme de nombreuses entreprises, administrations et collectivités territoriales, la représentation nationale se doit de corriger de nombreuses incohérences économiques et de réintroduire un peu de justice sociale en permettant le retour aux tarifs réglementés.
Les députés radicaux de gauche ne demandent qu'à approuver cette proposition de loi. Aussi serons-nous particulièrement attentifs à nos débats comme au sort des amendements déposés par le groupe socialiste, radical et citoyen. Ces amendements réintroduisent de la liberté et sont conformes à l'esprit du texte. Je pense aux amendements de suppression de la date limite du 1er juillet 2010, et de suppression de la limitation à deux ans pour la fourniture au niveau du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous aurions pu en rester à l'intervention de François Brottes, talentueuse et fort documentée. Il a précisément rappelé en effet les différentes étapes de la libéralisation du marché de l'énergie depuis quelques années. Mais, comme il m'arrive de dire, ainsi qu'un vieux camarade, qu'il vaut mieux se répéter que se contredire, je vais être conduit à répéter François Brottes, avec moins de talent sans doute, et à me répéter aussi car j'ai souvent abordé cette question dans cet hémicycle.
Quelques mots d'abord sur la sacro-sainte libéralisation, qui allait régler tous les problèmes : chacun serait enfin plus heureux en achetant son électricité – et son gaz – au supermarché ! Nous connaissons le résultat. Nous vous avions pourtant rappelé que, si les prix baissent quand l'offre est supérieure à la demande, ils montent quand elle lui est inférieure. Or nous savions déjà que l'offre d'électricité serait inférieure et que les autres pays attendaient la libéralisation en France pour profiter de nos tarifs. Nous savions aussi, pour le gaz, qu'il suffisait à Poutine et à ses amis, qui ne sont pas idiots, de fermer les robinets pour organiser une forme de pénurie et ainsi faire monter les prix. Nous savions encore que les opérateurs français privatisés – partiellement ou totalement – auraient aussi intérêt, de leur côté, à faire monter les prix.
C'est cette situation qui vous a conduits, mois après mois, à essayer de corriger cette tendance au bénéfice des consommateurs et qui nous réunit, ce soir, dans cet hémicycle.
Monsieur le secrétaire d'État, vous auriez d'ailleurs pu agir – et cela nous aurait épargné cette nuit de débat –, il y a quelques semaines, dans votre projet de loi sur la consommation. Nous avions soutenu des amendements, identiques à ceux que nous allons reprendre ce soir, qui le permettaient. Vous les aviez refusés pour pouvoir, de façon politicienne, présenter le Gouvernement et la majorité comme les auteurs de ces mesures. Les consommateurs auront « seulement » perdu quelques semaines et vos dispositions ne sont pas tout à fait de même nature que les nôtres.
Oui, vous faites bel et bien un coup politicien ! En fixant l'atterrissage à juillet 2010, vous pariez, d'une part, sur une petite baisse des prix de marché. Il est vrai que la décision du Conseil de la concurrence obligeant EDF à fournir de l'électricité à Poweo – les consommateurs vont ainsi permettre à une société privée de gagner de l'argent – aura peut-être une incidence sur les prix. Vous pariez, d'autre part, sur une augmentation du tarif réglementé. La CRE l'a évoqué et des rumeurs en ce sens circulent dans certains ministères. Au moment du Grenelle de l'environnement, on a dit aussi qu'il suffisait d'augmenter les prix pour que les gens se rationnent. Annick Girardin l'a dit avec pertinence, il faut faire des économies. Mais le faire en prenant dans le portefeuille des consommateurs est scandaleux. Certains de nos compatriotes ne se chauffent déjà pas à 19 degrés parce qu'ils n'en ont pas les moyens. En revanche, même si l'électricité est hors de prix, il y aura toujours des gens qui pourront chauffer leur piscine sans regarder la facture. La politique consistant à faire monter les prix pour réaliser des économies d'énergie est donc injuste et antisociale.
Nous ne pouvons accepter votre proposition de fixer un délai jusqu'en 2010. Le problème se posera à nouveau et il faut aller au-delà. Nous savons bien qu'EDF et GDF vous poussent dans cette voie, de même que leurs concurrents, auxquels on a promis qu'ils arriveraient en 2010 au même niveau que les prix administrés et prendraient tout le marché. Voilà pourquoi nous sommes réservés sur ce texte. Certes, l'intention affichée est bonne. Mais elle ne résiste pas à l'analyse. Pour notre part, nous sommes pour des tarifs réglementés qui fassent référence aux prix de revient et aux coûts d'investissement, mais hostiles à des tarifs réglementés qui prépareraient, pour 2010, une déréglementation en douceur qui ne serait pas sans douleur pour nos concitoyens.
C'est donc aujourd'hui une occasion manquée. Mais peut-être dans un an reviendrez-vous faire une énième proposition pour corriger ce que vous n'aurez pas voulu faire bien dès la première fois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Je remercie le rapporteur, qui a excellemment rappelé l'historique de l'ouverture du marché de l'énergie. Il en est un peu la mémoire à l'Assemblée.
C'est vrai.
Mais, monsieur Lenoir, contrairement à certains de vos collègues du groupe socialiste, vous n'avez pas la mémoire sélective. À plusieurs reprises, vous avez d'ailleurs souligné la contradiction dans laquelle se trouvent ceux qui ont formé un recours devant le Conseil constitutionnel contre la loi de 2006. Le Conseil a en effet considéré qu'une disposition en particulier était anticonstitutionnelle, faute de date limite.
J'ai du mal à comprendre, monsieur Gaubert, qu'aujourd'hui vous vous acharniez à rétablir une disposition que le Conseil constitutionnel a censurée à cause de vous.
Monsieur Lenoir, vous souhaitez aujourd'hui aller plus loin. Vous souhaitez avec l'UMP et le Nouveau Centre – j'ai entendu M. Dionis du Séjour – aller plus loin afin que les règles soient plus claires pour le consommateur. Vous rejoignez à cet égard le président de la commission, qui défend depuis longtemps ce point de vue. Il a d'ailleurs rappelé que l'enjeu était de replacer le consommateur au coeur du dispositif. Le consommateur doit en effet être notre priorité.
Au Sénat, l'objectif était de rendre le dispositif plus juste et plus cohérent. Nous avons eu une longue discussion sur la question de la réversibilité. Nous avons eu depuis des débats nourris, notamment sur la facture et l'impossibilité d'aller véritablement sur le marché libre sans filet de sécurité. Aujourd'hui, vous l'avez dit les uns et les autres, l'ouverture est un échec : 6 000 consommateurs ont choisi le marché libre de l'électricité et 13 000 celui du gaz. Pour réussir l'ouverture au marché, il nous faut donc donner des garanties au consommateur, il faut lui permettre de faire jouer la concurrence. Il faut que l'accès à l'énergie au meilleur prix soit réel, mais qu'il se fasse avec un maximum de protection pour le consommateur.
C'est pourquoi le Gouvernement est ouvert à vos propositions pour mieux ouvrir le marché en assurant cette protection et en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel. C'est la raison pour laquelle, après les travaux que vous avez menés avec vos collègues sénateurs et les échanges que nous avons eus avec votre commission, nous pensons que c'est aller dans la bonne direction que de rétablir le filet de sécurité qu'est la réversibilité afin de favoriser la concurrence.
Monsieur le président Ollier, vous avez souhaité que le Sénat examine au plus vite cette proposition, une fois modifiée par l'Assemblée. J'ai transmis cette requête au secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, et je l'appuie car il est nécessaire que la concurrence puisse jouer dès que possible et que les consommateurs puissent voir leur facture baisser.
M. Dionis du Séjour, qui avait également déposé un amendement en ce sens, a appelé de ses voeux un grand débat sur l'énergie et l'environnement. Il ne sera pas déçu. C'est en effet la suite logique du Grenelle de l'environnement, qui aura une traduction législative au début de 2008. Monsieur le député, vous vous êtes également inquiété de l'insuffisance des investissements d'EDF. Mais, dans le contrat de service public 2005-2010, EDF a prévu d'investir 25 milliards d'euros en France pour le renouvellement de ses équipements, et en particulier pour le développement de nouvelles générations.
Monsieur Nicolas, vous avez rappelé les difficultés dans lesquelles se trouve le consommateur aujourd'hui et souligné l'intérêt d'adopter cette proposition de loi. Vous avez surtout insisté à juste titre sur les risques d'un marché à deux vitesses. Les dispositions qui, je l'espère, seront votées ce soir, permettront d'y remédier.
J'ai bien entendu M. Dumas et M. Boisserie. J'ai eu cependant un peu de mal à comprendre leurs contradictions entre les recours passés et leurs aspirations à réintégrer dans la loi le principe de la date butoir.
Je me suis pincé, monsieur Boisserie, en vous entendant évoquer les âpres négociations du gouvernement Jospin pour limiter l'ouverture du marché aux professionnels. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Chacun d'entre vous sait que l'ouverture au marché se fait progressivement ; elle commence par les professionnels, laisse au marché le temps de mûrir, puis touche enfin les particuliers.
Ce qui a été enclenché en 2000 avait vocation à s'étendre aux particuliers, quoi que vous en disiez aujourd'hui.
Vous nous reprochez, monsieur Boisserie, l'abandon des tarifs réglementés. Mais c'est tout l'inverse ! Les dispositions proposées aujourd'hui garantissent au consommateur la possibilité de revenir plus facilement vers le tarif réglementé. Elles confortent donc ce dernier par rapport à ce qui existe aujourd'hui, en permettant le rétablissement d'un filet de sécurité que vous aviez vous-mêmes contribué à faire sauter avec le recours intenté en 2006.
Vous vous inquiétez – et vous avez été rejoint sur ce point par Mme Massat – de l'affaiblissement des territoires ruraux. L'élu rural que je suis ne peut pas vous laisser dire cela. Vous savez très bien que la Commission de régulation de l'énergie fixe un tarif unique d'accès au réseau, et que celui-ci est pris en compte dans le cadre d'une péréquation. C'est le cadre actuel qui garantit l'égalité de traitement entre tous les territoires de notre pays, et les opérateurs alternatifs ne desserviront pas que les villes. Le Gouvernement considère qu'il doit y avoir un tarif unique sur l'ensemble du territoire et que les coûts de l'électricité ne doivent pas dépendre de la distance d'acheminement ni du lieu de consommation.
Monsieur de Rugy, les mesures du Gouvernement en matière d'énergie vous ont sans doute échappé, mais je voudrais vous rappeler que l'aide à la cuve compensera l'augmentation du prix du fuel, puisqu'elle a été doublée et que cet effort se fait en proportion de l'évolution du prix du fuel par rapport à l'année dernière. C'est un geste fort en direction des ménages les plus modestes.
Je voudrais également rappeler une disposition issue de la table ronde organisée par Christine Lagarde à Bercy, il y quelques semaines, et qui prévoyait un lissage à la hausse de l'augmentation des prix et des répercussions immédiates en cas de baisse. J'observe ainsi que, depuis quelques jours, alors que le baril connaît beaucoup de soubresauts et qu'il a baissé, cette baisse a été en partie répercutée à la pompe, conformément à ce qui avait été évoqué lors de la rencontre avec les professionnels et les industriels du pétrole à Bercy.
Vous souhaitez qu'il y ait davantage de concurrence, estimant que cela bénéficie au consommateur. Cela me permets de rappeler à la représentation nationale l'existence d'un site Internet qui permet à nos concitoyens de comparer les prix. Vous avez raison : il faut les inciter à le faire, les écarts de prix entre les stations-service pouvant atteindre dix à vingt centimes. Bien prévoir son itinéraire au moment d'un départ en vacances – ce qui sera le cas dans quelques jours – permet ainsi de faire jouer la concurrence et d'obtenir une baisse de sa facture de carburant.
Moins consommer c'est aussi faire appel à des véhicules propres. Le Gouvernement a décidé lors du Grenelle de l'environnement de mettre en place à la fois l'écopastille, à partir du 1er janvier, et la prime à la casse, qui sera proposée au début de l'année 2008.
J'en termine en répondant à M. Gaubert. Vous nous alertiez sur le fait que le Gouvernement aurait refusé de légiférer dans le cadre de la loi sur la concurrence et la protection des consommateurs. Monsieur le député, nous savions qu'il y avait une proposition de loi en cours, et c'est, de la part du Gouvernement, une forme de respect du Parlement que de laisser une telle proposition de loi suivre son chemin.
Nous ne sommes par ailleurs nullement guidés par des motifs politiciens, mais pensons que les amendements proposés aujourd'hui par la commission et un certain nombre de députés du Nouveau Centre et de la majorité sont plus conforme que les vôtres à ce qu'il faut faire. Nous ne sommes pas d'accord notamment sur la suppression de la date butoir de 2010 que vous proposez, parce que, comme je l'indiquais au début de mon propos, ce fut l'une des raisons de la censure du Conseil constitutionnel et que toute modification de la législation ne peut se faire qu'en cohérence avec cette décision.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, les réponses que je tenais à apporter aux différents interlocuteurs.
Il est important que, dans la suite de nos débats, le ministre ou le rapporteur ne travestissent pas ce qu'ont été les conclusions du Conseil constitutionnels dans sa décision sur la privatisation de Gaz de France. Vous savez très bien que ce n'est pas une question de date. Le Conseil constitutionnel a tout simplement considéré qu'il ne fallait plus maintenir les tarifs réglementés, qui ressemblaient à un monopole pour Gaz de France, si l'on voulait privatiser l'entreprise. En cas de privatisation, la réglementation des tarifs n'a plus aucune raison d'être.
J'ai beaucoup de respect pour vous, monsieur Brottes, mais c'est faux !
Nous allons produire la décision, de façon que vous ne la réécriviez pas sans cesse.
L'Assemblée a pris acte de vos remarques, monsieur Brottes. La motion demandée par votre groupe va vous permettre d'argumenter plus avant sur le sujet.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à M. Christian Bataille.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, parce qu'elle s'inscrit dans le long terme, la politique de l'électricité et du gaz fait souvent l'objet entre nous de débats raisonnés, même si la majorité et l'opposition divergent très fortement quant au rôle de la puissance publique. La France disposait d'un système public de production et de distribution d'électricité, ainsi que de distribution de gaz, tout à fait satisfaisant et qui affichait des tarifs raisonnables non fondés sur le profit et la rémunération des actionnaires. Ce système public a joué un rôle essentiel dans la qualité de l'équipement de notre territoire en centrales électriques, lignes électriques et en réseau gazier. C'est grâce à ce service public de l'électricité que nous disposons d'un réseau unique de centrales nucléaires, qui est un atout pour le pays et que le monde entier nous envie.
Pour complaire aux idéologues libéraux et à tous ceux qui veulent occuper une position de véritables parasites sur un marché dérégulé, en se contentant d'acheter, de revendre, de faire monter les prix, votre majorité et ce Parlement mettent en place des mécanismes qui sont très mal perçus par les consommateurs.
Le texte que nous examinons aujourd'hui et qui veut corriger un des abus sur les tarifs défavorables au consommateur aura des effets positifs si la rédaction du Sénat qui nous est présentée est conservée, mais, hélas ! pour une durée très limitée : jusqu'en 2010. Après cette date, ce sera l'anarchie libérale qui fixera les prix.
Je m'efforcerai de vous démontrer que nous devons réexaminer ce texte en commission afin de le protéger des risques, bien réels, de dérapage par amendement et de celui de voir s'établir un droit généralisé à des allers-retours entre prix du marché et tarifs réglementés. Cette réversibilité totale, que vous prônez et que le secrétaire d'État considère déjà comme actée alors qu'elle ne figure pas dans le texte du Sénat, serait très déstabilisante et se verrait complétée par la possibilité pour les fournisseurs sans production de vendre au tarif, moyennant un droit de tirage sur le parc nucléaire. EDF, ainsi dépouillée, n'aurait plus les moyens de réinvestir dans des nouveaux réacteurs de type EPR ou Génération IV. Ces amendements ultralibéraux, que j'avais dans un autre débat déjà condamnés et appelés amendements « pique-assiette », doivent être déclarés politiquement inacceptables dès leur passage en commission.
J'insisterai ensuite sur les résultats négatifs de la libéralisation de l'énergie.
Enfin et pour terminer, j'évoquerai le problème fondamental de la sécurité de l'approvisionnement énergétique de l'Europe, inséparable d'une réflexion sur les tarifs et que, hélas ! la Commission européenne, uniquement préoccupée par le court terme et le marché, a jusqu'alors totalement délaissée.
Voici donc tout d'abord quelques éléments de réflexion sur un retour au tarif régulé. Le tarif de l'électricité aux résidentiels est régulé par l'État et, à la différence des autres produits vitaux pour la société, son augmentation est administrée, limitée à l'inflation pour les trois ans qui viennent, conformément au contrat de service public en vigueur.
Le système tarifaire existant marque un équilibre fragile, soumis à un ensemble de contraintes. Toute évolution du dispositif réglementaire définissant les tarifs de l'électricité doit répondre à une double exigence : apporter, d'une part, aux clients une visibilité sur l'évolution des prix de l'électricité dans la durée et préserver, d'autre part, la sécurité d'approvisionnement, et donc permettre les investissements nécessaires dans de nouvelles infrastructures en assurant la couverture des coûts.
Or, le système existant fait l'objet de deux procédures communautaires d'infraction contre la France : une pour « manquement », une pour « aide d'État » sur les tarifs verts et jaunes et la mise en place du TARTAM.
La proposition de loi adoptée au Sénat porte la marque de la raison et de l'équilibre. Elle a pour objectif de permettre une forme limitée de réversibilité, réservée au seul cas des déménagements de particuliers, et répond à une demande légitime et ponctuelle des consommateurs. Il serait très préjudiciable à l'avenir du système français d'aller au-delà.
Je reviens maintenant à la mise en place d'une réversibilité totale et sans conditions par un amendement « pique-assiette ». Cette mesure n'aurait pas d'effet significatif pour les clients mais comporte un risque majeur pour la sécurité d'approvisionnement. Elle n'aurait pas d'impact sur le pouvoir d'achat des clients résidentiels. En instaurant par la loi du 7 décembre 2006 un tarif de retour à travers le mécanisme du TARTAM, le législateur a voulu répondre aux préoccupations des PME et des PMI, pénalisées par la hausse des prix de l'énergie. Aujourd'hui, il n'y a pas de consommateurs domestiques dans une situation comparable. Les clients résidentiels, pour la quasi-totalité d'entre eux, bénéficient du tarif – les très rares autres ont des contrats encore inférieurs – et la mise en oeuvre d'une réversibilité totale n'aurait aucun effet sur leur pouvoir d'achat.
Cette mesure est souhaitée par certaines associations de consommateurs au motif que cela contribuerait à consolider dans la durée le tarif réglementé.
Mais l'existence du tarif est garantie par la loi et ne dépend que du législateur, lequel ne veut pas supprimer le tarif.
La réversibilité n'a donc rien à voir avec la pérennité du tarif.
Par ailleurs, la réversibilité n'aurait pas d'impact sur l'ouverture du marché.
Les concurrents d'EDF soutiennent cette demande en expliquant que la réversibilité favorisera le jeu de la concurrence en facilitant l'exercice de l'éligibilité, position d'ailleurs également soutenue par le président de la CRE.
Ces concurrents d'EDF, dépourvus de capacités de production, seraient ainsi amenés à demander par la suite un approvisionnement en électricité nucléaire – droit de tirage sur le parc – à un prix inférieur au niveau des tarifs pour pouvoir alimenter leurs clients. La même demande avait été faite en 2006 – dans cette assemblée, majorité et opposition à l'époque – et rejetée par ces mêmes acteurs, « revendeurs purs ».
Les conséquences pour EDF représentent un risque majeur : la mise en place d'un tarif de cession qui compromettrait, à terme, les investissements en France. La mise en place d'un droit de tirage sur le parc nucléaire d'EDF est inacceptable, car elle constitue une spoliation du patrimoine de l'entreprise en transférant à des concurrents la compétitivité du nucléaire sans effet bénéfique pour les consommateurs, et sans que ces concurrents n'assument l'investissement, ni le risque de l'exploitation, ni l'aval du cycle qui comporte les difficultés que nous connaissons.
Industriellement, les conséquences d'une telle mesure pour EDF seraient de remettre en cause le programme d'investissements en France dont le financement serait très compromis.
En fait, la proposition de loi adoptée par le Sénat apporte une réponse équilibrée à un problème réel lié au déménagement d'un consommateur particulier : pour le consommateur, ne pas être contraint par le choix de son prédécesseur ; pour le propriétaire, ne pas être contraint par le choix de son locataire.
Aller au-delà de ce dispositif ponctuel en proposant une réversibilité totale et permanente au tarif bleu reviendrait, par le biais d'un amendement, à reconsidérer toute la problématique tarifs régulésprix du marché, dont on sait les multiples implications financières, constitutionnelles, tant au plan national qu'européen.
Pourquoi cette proposition de loi, qui tente une fois de plus de limiter les dégâts de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité et du gaz ?
Que de dégâts, en effet, depuis la première directive, signée en 1996 par M. Borotra ! Monsieur le secrétaire d'État, vous avez qualifié M. Lenoir de mémoire vivante ; je ne suis moi-même pas une mémoire morte ! Et je me souviens que la loi de 2000, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le rapporteur, était une transposition a minima de la directive européenne,…
Que de mauvaises surprises depuis la deuxième directive, signée en 2003 par Mme Fontaine !
Les belles promesses des vertus du « marché » !
La libre concurrence et les privatisations allaient faire baisser les prix partout en Europe, et d'abord en France, prétendument sclérosée par un monopole jugé inefficace et des entreprises publiques prétendument mal gérées...
Dix ans après, où en est-on ?
On a mis les entreprises en bourse. On les a « saucissonnées » entre activités de réseaux et activités de production. On a construit des « murailles de Chine » informatiques entre les hommes pour leur interdire de se parler. On a créé des régulateurs « indépendants » et des comités un peu partout.
Pour quels résultats ?
Les prix de l'électricité et du gaz ont explosé et atteint en quelques années des niveaux inconnus, et inimaginables, en cinquante ans de monopole.
Les bénéfices des entreprises ont explosé et atteint en quelques années des niveaux inconnus, et inimaginables, à l'époque du service public.
Le cours de l'action, lui aussi, a explosé et atteint en quelques mois des niveaux inimaginables si ce n'était l'anticipation de prix à venir encore plus élevés.
Les agences d'accueil du public ont fermé les unes après les autres, vidant parfois de tout guichet EDF ou GDF des départements entiers.
On a taillé dans les effectifs comme jamais, dans toutes les régions, dans tous les métiers ; et bon courage au client ou à l'élu qui cherche un interlocuteur au sein de call centers anonymes et lointains !
Qui sont les perdants de cette libéralisation de l'énergie ?
L'industrie française, qui bénéficiait d'un avantage exceptionnel avec une énergie abondante à un prix très compétitif et parfaitement prévisible – le parc nucléaire d'EDF, c'est l'équivalent de la production pétrolière du Koweït.
Les salariés de ces industries électro-intensives.
Les PME, depuis 2004, et leurs salariés.
Pas encore les particuliers, mais, avec l'aide de la Commission européenne et du Conseil constitutionnel qui a censuré le peu qui les protégeait encore dans la loi de décembre 2006, cela ne va pas tarder. Je veux souligner la pertinence du propos de François Brottes, puisque vous avez, comme par hasard, trouvé un coupable, un responsable : le recours du parti socialiste, au demeurant tout à fait normal, devant le Conseil constitutionnel. Nous ne sommes pas, au groupe socialiste, ni la Commission européenne ni le Conseil constitutionnel !
Autre perdant : l'aménagement du territoire, avec les fermetures de centres EDF, les délais de raccordement au réseau et les temps de coupures qui augmentent partout, mais d'abord dans les zones moins denses.
Bref, ce sont les Français dans leur ensemble qui ont perdu, car la France s'est privée d'un atout exceptionnel et d'outils efficaces pour conduire une politique. Je veux le dire : en France, ça marche encore toujours bien grâce au service public ! Mieux qu'aux États-Unis, royaume du libéralisme de M. Bush, et, je n'ai pas peur de l'affirmer, mieux que dans la Grande-Bretagne de M. Blair ou de M. Brown,…
…ou que dans l'Allemagne de M. Schröder ou de Mme Merkel – je vous l'accorde, c'était la même chose…
Il y a aussi des gagnants à la libéralisation de l'énergie.
En fait, il n'y en a qu'un et il est très jeune, il n'a que deux ans : l'actionnaire des entreprises de l'énergie.
Toutes les décisions lui sont favorables : la mise en bourse bien sûr, la hausse des prix, l'extension du champ du marché, la dénonciation des tarifs, les privatisations, partielles ou non.
Tous les transferts de valeurs se font en sa faveur : des clients vers l'actionnaire, des territoires vers l'actionnaire, des salariés vers l'actionnaire.
On comprend que, face à la perspective d'une telle manne, il n'était pas pensable pour un gouvernement libéral de laisser l'État, c'est-à-dire tous les Français, bénéficier de ces transferts de milliards, mais qu'il était urgent de n'en faire bénéficier que de « vrais » actionnaires privés.
On nous oppose généralement le « succès » de la privatisation, pour évoquer les belles impostures intellectuelles de « l'actionnariat populaire », et même – c'est risible – une prétendue « démocratie d'actionnaires ».
Appliqué à l'énergie et à EDF-GDF, le concept est croustillant.
Le « succès » de la privatisation a en effet été total – près de 5 millions de particuliers. Plus des trois quarts des salariés des entreprises ont acquis des actions.
Mais EDF vaut aujourd'hui à elle seule plus de 150 milliards d'euros !
La part détenue par les particuliers, salariés inclus, n'a jamais atteint... 2 % du capital ! Et il s'agit pourtant du plus grand succès « populaire » de privatisation. 2 % du capital, aucun rôle, aucun contrôle sur rien !
Où est la « démocratie d'actionnaires » ?
Elle n'existe pas. Il n'y a, dans la privatisation des entreprises de l'énergie, qu'une seule logique, celle de la maximisation du profit des « vrais » actionnaires, ceux qui comptent, ceux que l'on invite les soirs de victoire électorale,…
…ceux pour lesquels on piétine les promesses faites à l'été 2004 à cette même tribune par le ministre de l'économie, devenu depuis Président de la république. Souvenez-vous : « EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées ! »…
J'en viens, pour terminer, au problème de la sécurité de l'approvisionnement énergétique de l'Europe, qui s'éloigne de la polémique, mais sur lequel nous aurons à revenir car c'est un problème grave qui touche déjà d'autres pays européens, comme l'Allemagne. La France y échappe pour l'instant, mais, dans les années qui viennent, nous serons tous confrontés au problème de l'approvisionnement énergétique. Et si l'État perd la main, si nous nous en remettons aux actionnaires privés que je viens de stigmatiser, je crois que nous pouvons avoir les plus grandes craintes pour l'énergie de notre pays.
La politique européenne de l'énergie doit comporter une dimension de sécurité énergétique, car l'énergie n'est pas un bien de marché classique. Je crois que l'on parle trop sur ces bancs de l'énergie comme d'une marchandise ordinaire, ce qu'elle n'est pas.
Deux raisons fondamentales font que l'énergie ne peut être considérée comme un pur bien de marché : c'est une ressource dont l'offre est de plus en plus perçue comme limitée ; c'est une ressource très mal distribuée géographiquement.
L'énergie est de plus en plus perçue comme une ressource limitée, d'abord.
Ce concept de limitation de la ressource énergétique, apparu dans les années soixante-dix, se fait de plus en plus précis.
Cette menace de l'épuisement des ressources d'énergie fait bien sûr débat.
Il est évident que cette menace d'épuisement est lointaine, plus lointaine qu'on ne le dit, mais elle est bien réelle.
On peut toujours argumenter que la consommation des réserves connues d'énergie fossile s'accompagne de découvertes régulières de nouvelles réserves, et que ces découvertes repoussent toujours plus loin la frontière de l'épuisement, à la manière de l'horizon qui recule lorsqu'on s'en approche.
Mais que l'on soit partisan ou non du « pic » de production d'hydrocarbures, il n'en reste pas moins que nous allons vers un épuisement de la ressource, en tout cas sa limitation, et vers des difficultés économiques.
En tout cas, force est de constater que la montée en puissance des économies du tiers monde – la Chine, l'Inde, le Brésil – et la pression qui en résulte sur la demande mondiale d'énergie ont l'effet attendu d'une prise de conscience du caractère fini de la ressource fossile d'hydrocarbures, et que le prix de celle-ci augmente.
Les circuits d'approvisionnement sont façonnés par la géographie et par l'histoire.
La Commission veut raisonner comme si le libéralisme, les règles du marché devaient s'appliquer de façon uniforme partout à l'intérieur de notre continent européen. Or l'énergie n'est pas répartie de la même façon partout. L'Angleterre dispose encore, pour peu de temps, de ressources d'hydrocarbures. L'Allemagne, soi-disant antinucléaire, est avant tout charbonnière. Quant à la France, elle n'a comme ressource principale que ses centrales nucléaires. L'Europe est très diversifiée, et la Commission européenne, si elle condescend à réfléchir un peu au-delà de la réflexion sur le marché, l'économie et les bénéfices des actionnaires, devra se pencher sur ce problème, sur les circuits d'approvisionnement des pays de l'Est de l'Europe qui sont tournés vers la Russie, et sur ceux de la France qui sont davantage tournés vers la Méditerranée.
Il y a donc des gains considérables à bien utiliser, en matière d'énergie, les relations internationales, et la politique énergétique européenne doit faire à cette dimension diplomatique une part au moins aussi importante que celle qu'elle accorde à la constitution du marché intérieur de l'énergie.
Une politique de sécurité énergétique permettrait à l'Europe de jouer de son poids.
Une politique européenne de l'énergie axée exclusivement sur la concurrence génère des effets pervers en matière de sécurité énergétique.
Je ne vais pas développer ce point, car nous aurons sans doute d'autres occasions d'évoquer ce problème au cours de la législature. Mais nous avons un véritable déficit politique et la France aurait tout à gagner à plaider pour une véritable politique européenne des approvisionnements, plutôt que de céder à cette manie du marché et des prix venue des libéraux européens. D'ailleurs, le commissaire européen chargé de l'énergie sera auditionné ce mercredi 12 décembre par la commission des affaires économiques de l'Assemblée.
Les freins à la concentration consolident la faiblesse de la négociation européenne.
Enfin, et ce sera ma dernière remarque sur ce point, la constitution d'un oligopole européen va maximiser l'impact des chocs extérieurs. La politique européenne de la concurrence en matière d'énergie va conduire à la constitution sur le marché intérieur d'un oligopole européen, qui va se trouver en situation de répercuter toutes les hausses de coût de fourniture de l'énergie, en suivant plus lentement les mouvements à la baisse, du fait d'une imperfection du mécanisme de la concurrence.
En effet, le processus d' « atomisation » ne peut pas aller jusqu'à son terme, c'est-à-dire la constitution d'une multitude de petites entreprises – dont rêvent certains dogmatiques libéraux – sans pouvoir de marché, car il se heurterait au fait que les infrastructures énergétiques sont très lourdes, notamment en vue d'assurer la sécurité des dispositifs de transport et de distribution, et qu'il faut permettre l'exploitation des économies d'échelle possibles. La rentabilité des entreprises suppose qu'elles aient une taille leur assurant au moins de couvrir leurs coûts. La politique de la concurrence doit donc laisser subsister des entreprises d'une certaine taille.
Les économies d'échelle donnent un avantage aux entreprises plus grosses, qui ont donc tendance, pour continuer à grossir, à absorber les plus petites. Cette dynamique inévitable des fusions va finir par créer un oligopole européen d'entreprises, dans la mesure où les fusions successives seront fortement encadrées pour éviter la constitution de monopoles nationaux, sur le modèle de l'obstacle mis à la fusion EDF-GDF.
Cette situation crée un « effet de cliquet » sur le niveau des prix, qui vont monter sans difficulté à la suite de tout choc externe, mais qui vont avoir plus de difficulté à redescendre.
La même raison va d'ailleurs pousser les entreprises de l'oligopole à retenir leurs investissements, car une augmentation des capacités de production tend à accroître l'offre sur le marché, et donc à baisser les prix. La réaction immédiate des entreprises concurrentes de l'oligopole, qui vont ajuster leurs prix à la baisse pour défendre leur part de marché, va neutraliser le gain attendu d'une capacité supplémentaire de production. L'incitation à investir s'en trouve freinée. Ce dernier mécanisme est notamment l'une des composantes de la crise de l'électricité en Californie de l'hiver 2001, suite à la libéralisation de 1996. Retenez bien cet écart : cinq ans.
On perçoit là tous les enjeux d'un renforcement de la coordination des régulateurs européens, qui constitue un enjeu des directives en discussion, puisque la régulation nationale aura moins d'emprise sur les entreprises d'envergure européenne.
Mais cette situation fait apparaître que tout renforcement de la concurrence sur le marché intérieur doit impérativement s'accompagner de progrès dans la mise en place d'une politique de sécurité énergétique, pour atténuer autant que faire se peut les chocs externes qui verront leurs effets amplifiés par la structure du marché en oligopole.
Le plan d'action de mars 2007 a par ailleurs pris acte de la contribution de l'énergie nucléaire à la lutte contre l'effet de serre, en soulignant l'importance de la poursuite des recherches sur la sûreté nucléaire et sur la gestion des déchets radioactifs. C'est là une reconnaissance de l'efficacité du choix stratégique de la France ou de la Belgique en la matière, la Belgique produisant 55 % de son électricité à partir de centrales nucléaires. C'est une manière de laisser ouverte l'option pour d'autres pays membres, comme le Royaume-Uni, qui produit aujourd'hui 20 % de son électricité à partir de centrales nucléaires, et qui sera confronté à l'horizon 2015 à la diminution de ses ressources d'hydrocarbures.
L'état insatisfaisant de maturité de la politique européenne de l'énergie, trop exclusivement focalisée sur des principes de libéralisation, justifie pleinement le développement d'une nouvelle composante, centrée sur la sécurité énergétique.
Il s'agit en fait, dans le cadre d'une démarche dont on pourrait dire qu'elle relève d'un nouveau « fédéralisme industriel », de retrouver le chemin choisi par la France et les pays de la CECA en 1951 : le chemin d'une forte coordination pour renforcer les atouts de l'ensemble économique européen en lui donnant les moyens de gérer au mieux l'absorption des chocs extérieurs.
À cet effort pour développer une politique d'indépendance énergétique européenne, toutes les actions menées au service de la lutte contre l'effet de serre vont apporter indirectement une contribution substantielle. Au nombre de ces actions, l'option d'un développement de l'énergie nucléaire reste ouverte.
Vous voyez donc, mes chers collègues, que le problème des tarifs n'est pas l'alpha et l'oméga d'une véritable politique européenne et en est même, sous certains aspects, à l'opposé.
Nous n'avons pas de complexe à nourrir par rapport à la conception européenne de l'énergie.
Je le disais tout à l'heure, le commissaire européen chargé de l'énergie, M. Piebalgs, vient demain devant la commission des affaires économiques, et j'espère avoir, avec d'autres, l'occasion de lui dire que la libéralisation du marché et l'accroissement des tarifs ne sauraient être considérés comme une politique. C'est la volonté et l'ambition qui manquent. Et le modèle français, que votre politique met à mal, est un bon exemple de volonté publique en matière d'énergie.
Pour mieux attendre M. Piebalgs, je vous propose donc, mes chers collègues, de renvoyer cette proposition de loi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Le rapporteur et moi-même avons écouté avec beaucoup d'attention la défense de cette motion de renvoi en commission par M. Bataille. Notre collègue est un expert dans le domaine de l'énergie. Sa compétence est reconnue par chacun. Je loue d'ailleurs le travail qu'il accomplit dans ce domaine, comme d'ailleurs celui de ses collègues.
Mais je n'ai pas entendu, monsieur Bataille, de vrais arguments pouvant justifier un renvoi en commission. Car je sais que vous êtes d'accord avec nous.
Mais oui, nous l'entendrons demain, et nous aurons justement l'occasion de lui en parler.
Mais je sais, monsieur Bataille, que sur le fond, en définitive, cette proposition de loi permet de donner au consommateur le libre choix. Elle est urgente, elle est utile, elle défend le consommateur. Au demeurant, en commission, je ne vous ai pas entendu vous manifester contre le fond de ce texte.
Je vous ai entendu, en revanche, parler de 2010. Et c'est la seule observation que vous ayez faite. D'ailleurs, ce matin encore, en commission, il n'y a pas eu de réaction négative contre le fond de ce texte. Je sais, monsieur Bataille, que nous avons le même objectif en vue, à savoir la protection du consommateur. Alors, pourquoi demander ce renvoi en commission, qui n'est pas utile ?
Je vais plus loin : il est urgent, monsieur le secrétaire d'État, de voter ce texte. Il est urgent de le voter avec l'amendement que la commission a adopté ce matin, auquel vous ne vous êtes pas opposé, monsieur Bataille, puisque l'opposition s'est abstenue. Cet amendement sur la réversibilité, dispositif que nous avons conçu avec M. Lenoir, est tout à fait complet.
D'ailleurs, soit dit en passant, et cela m'évitera de reprendre la parole tout à l'heure, un travail en commun a été fait par d'autres députés : l'amendement voté par la commission rejoint des propositions différentes qui, si elles étaient réunies par un sous-amendement de M. Dionis du Séjour et un amendement de M. Lefebvre, concourent à la même finalité.
Nous souhaitons, dans l'intérêt du consommateur, que ce texte soit appliqué dès le mois de janvier prochain, et vous nous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, que vous faisiez le maximum pour que le Parlement puisse l'adopter définitivement avant Noël. Il y a donc urgence à ce que nous le votions ce soir, et il n'y a certainement pas de raison de le renvoyer en commission. Je demande donc à nos collègues de la majorité d'être cohérents avec la logique qui est celle de notre majorité, et qui vise à défendre le consommateur. Je leur demande donc de voter cette proposition de loi ainsi amendée le plus rapidement possible dans la soirée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Notre collègue Christian Bataille est pour nous un dilemme. Comme vient de le dire le président Ollier, nous respectons en lui le connaisseur, l'expert en matière énergétique qui fait honneur à notre Parlement. Et son discours sur l'Europe de l'énergie nous intéresse, nous centristes, militants européens. Avec Claude Birraux, il a fait l'ouverture avant l'heure, sur un thème qui a l'époque était chaud, celui du nucléaire.
Mais Christian Bataille, il n'aime pas les libéraux, il n'aime pas la concurrence, bref, il n'aime pas les outils que nous, les centristes, aimons bien.
Ce soir, il nous a tenu un discours un peu usé : c'est la concurrence qui a créé la hausse des prix.
Non, ce n'est évidemment pas la concurrence qui a créé la hausse des prix – vous n'y croyez pas vous-mêmes –, mais c'est bien sûr le déséquilibre entre l'offre et la demande sur ce marché. Nous sommes entrés dans une période de rareté, et c'est cette rareté qui a créé la hausse des prix. Alors, pitié ! Pas vous, Christian Bataille ! Épargnez-nous cet amalgame de bas niveau. Que la concurrence ait créé la hausse des prix, c'est un peu dur à suivre, intellectuellement !
Sur le fond, Christian Bataille ne nous a pas convaincus sur la réversibilité totale. Il était un peu obsédé par les prétendus pique-assiette. Il en a carrément oublié le coeur du sujet, à savoir les consommateurs. Nous, les centristes, nous ne les oublions pas. C'est pourquoi nous ne voterons pas cette motion de renvoi en commission.
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je comprends que notre collègue Dionis du Séjour soit gêné quand on en revient à l'essentiel. Et je remercie Christian Bataille de nous y avoir ramenés.
Notre rapporteur, M. Lenoir, nous a dit tout à l'heure qu'il était bon que ce texte soit défendu ici par le secrétaire d'État chargé de la consommation et non par le ministre de l'énergie. Il faudrait d'ailleurs qu'il me donne le nom du ministre de l'énergie, parce que dans ce gouvernement, il y a au moins trois ou quatre ministres qui s'en occupent.
Du coup, on ne sait pas qui s'en occupe réellement. M. Borloo ? Mme Lagarde ? M. Novelli ? Enfin bref, nous n'avons toujours pas compris.
En tout état de cause, M. Bataille le disait à l'instant, les prix et les tarifs, s'ils constituent un élément du débat, ne sauraient être le seul aspect à faire entrer en ligne de compte. C'est voir les choses par le petit bout de la lorgnette. La question majeure est celle de l'avenir énergétique de ce pays, et donc celle de la qualité et de la continuité du service rendu à l'ensemble des consommateurs.
Quel est le contexte de cette proposition de loi ? Ce sont les efforts que vous faites pour rassurer les consommateurs. Selon les uns, la concurrence va tout résoudre – c'est le discours de M. Dionis du Séjour. Quant aux autres, ils nous disent en substance : « Nous allons maintenir un tarif réglementé. Donc, soyez rassurés, tout va bien se passer. »
En réalité, ce que nous reprochons à votre initiative, c'est l'illusion qu'elle crée, c'est l'hypocrisie dans laquelle elle se situe. Le contexte, tout le monde l'a bien entendu – ce sont les conclusions du Grenelle de l'environnement –, c'est l'idée selon laquelle il est inévitable que le prix de l'énergie augmente. En somme, nous ne pouvons pas faire autrement. Comme si c'était le postulat de base, face auquel on ne pouvait rien faire. Pourtant, quand il s'agit d'énergie nucléaire, ou des énergies renouvelables d'un autre type, le problème ne se pose pas de la même manière, puisque le pétrole n'est pas concerné.
Notre collègue Dionis du Séjour, pourtant un fin expert dans ce domaine, a oublié que l'électricité ne se stockait pas, de sorte qu'elle ne peut pas être un bien comparable à beaucoup d'autres. En tout état de cause, cela pose des problèmes de gestion de stock. Du coup, les marchés ne peuvent pas être organisés de la même façon, et il convient d'adopter une approche prudentielle.
Que dit-on aujourd'hui au consommateur ? « De toute façon, le prix de l'énergie va augmenter, on n'y peut rien ». Je pense, moi, comme Christian Bataille et quelques autres, que nous y pouvons quelque chose.
Qu'organisez-vous ? La guerre fratricide entre Gaz de France et EDF. Les deux ont le même fichier clients. Dans les mois à venir, tarifs réglementés ou pas, ils vont se livrer à une concurrence extrêmement rude, qui, au bout du compte, va pénaliser les consommateurs. Parce qu'il faudra que chacun puisse gagner sa vie, et surtout, donner à l'État, chaque année, les milliards de dividendes qu'il attend pour boucher les trous du budget. D'où, mécaniquement, une augmentation des prix du marché fixés par EDF ou GDF, ou même des prix réglementés décidés par le ministre. C'est évident.
Et il y a les « coucous », formule que j'emprunte au président Ollier, qui m'a un jour gentiment gratifié de ce nom d'oiseau.
Je n'en suis pas si sûr !
À l'instar des coucous, qui pondent dans le nid des autres, et tandis que certains opérateurs, comme EDF et GDF, investissent, entretiennent et organisent le territoire en termes d'infrastructures, d'autres arrivent et – pousse-toi de là que je m'y mette ! – achètent en gros et revendent au détail. Ils ne prennent aucun risque de gestion de réseau ni d'investissement productif.
En revanche, de temps en temps, ils cassent les prix. Résultat : les clients n'y comprennent plus rien et l'ensemble du dispositif est fragilisé. Christian Bataille vient de le démontrer parfaitement.
En proposant aujourd'hui le renvoi en commission, nous exerçons notre devoir d'alerte. On ne peut pas jouer au yo-yo avec les prix de l'énergie sous prétexte de favoriser ponctuellement le consommateur. En réalité, cela fragilise l'ensemble du dispositif énergétique de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mieux vaut se répéter que se contredire, a dit avec raison Jean Gaubert. Alors, répétons-nous, monsieur Dionis du Séjour : la concurrence a créé la hausse des prix.
Au moment de la discussion du texte de loi sur l'ouverture à la concurrence et l'ouverture du capital d'EDF et de GDF, la Commission européenne s'opposait aux tarifs régulés, qui couvraient le prix coûtant de l'électricité et du gaz, au motif qu'un opérateur entrant sur le marché ne pourrait pas concurrencer EDF et GDF. Pourquoi ? Parce qu'à ses coûts de revient, il doit ajouter le versement des dividendes dus à ses actionnaires. Pour que la concurrence joue pleinement, il faut donc que les prix augmentent et que les tarifs régulés disparaissent. Cela était expliqué de façon limpide dans les différentes correspondances de la Commission européenne.
Christian Bataille a mis en évidence la nécessité d'une politique européenne de l'énergie. Nous partageons totalement ce souci, et avec nous, je l'espère, bien d'autres personnes, parce qu'il y va de la sécurité énergétique du continent européen. Et la garantie de cette sécurité passe par une responsabilité publique au niveau des différents États et la Communauté européenne.
J'ai toujours dit que chaque pays européen devait être autosuffisant. C'est trop facile d'aller se servir chez le voisin en électricité dont on ne veut pas des modes de production chez soi ! Je pense à certains de nos voisins qui ne veulent pas de centrales nucléaires sur leur sol, mais qui sont tout à fait d'accord pour s'approvisionner avec l'électricité nucléaire que nous produisons. Chacun doit avoir sa propre source d'approvisionnement.
Il faut effectivement mettre en place autour de nos deux champions que sont EDF et GDF un dispositif regroupant Total et Suez, qui sont également, dans leurs domaines respectifs et avec des statuts différents, des entreprises avec lesquelles il est possible de travailler en symbiose.
Mais, s'agissant des tarifs et de la façon dont ils se constituent, pourquoi ce silence assourdissant chez GDF ? En deux ans, les dividendes ont été multipliés par 2,5, passant de 420 millions d'euros en 2004 à 1,1 milliard d'euros en 2006. Et le groupe a annoncé, dans un communiqué commun avec Suez, le 15 octobre, sa promesse d'une augmentation de 50 % en trois ans ! Alors, oui, il faut s'intéresser aux tarifs ! Satisfaire les actionnaires, c'est aujourd'hui la priorité des groupes. Et n'oublions pas que le premier actionnaire à GDF, comme à EDF, c'est l'État.
Et sa première exigence, c'est la rentabilité, compte tenu, paraît-il, des difficultés budgétaires qu'il rencontre.
Oui, il faut retourner en commission sur un tel texte. Ne voir que la réversibilité dans l'opération conduite par la majorité aujourd'hui, c'est voir le problème par le petit bout de la lorgnette, même si je conçois que ce petit bout puisse être important pour les 6 100 abonnées à EDF et les 13 000 abonnés à Gaz de France qui ont choisi l'éligibilité. Compte tenu du poids des questions énergétiques dans notre société, on est bien loin des véritables enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, je souhaite, avant que nous ne commencions l'examen des amendements, dont certains sont arrivés au dernier moment, pouvoir réunir mon groupe pendant dix minutes.
Je demande donc une suspension de séance.
Motion de renvoi en commission
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 12 décembre à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.
Je suis saisi d'un amendement n° 12 , portant additionnel avant l'article 1er.
La parole est àM. Daniel Paul, pour défendre cet amendement.
Il s'agit d'un amendement traditionnel. Lors de chaque examen d'un texte sur les questions énergétiques, nous avons déposé un amendement identique à celui-ci, à quelques mots près. Il me semble que l'évolution imprimée à ce secteur de l'énergie aurait dû justifier autre chose que le rapport déposé, il y a quelques mois, par notre rapporteur, M. Lenoir, sur l'ouverture du secteur énergétique à la concurrence au niveau européen.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes nombreux ici à ne pas croire que l'ouverture à la concurrence ait amélioré la situation. Aujourd'hui, dans aucun pays européen, la situation n'est meilleure pour les consommateurs, pour l'économie et pour la sécurité énergétique qu'elle ne l'était avec la situation du tarif régulé d'entreprise publique.
Le Conseil d'État vient d'annuler l'arrêté, pris en décembre 2005 par le Gouvernement, qui gelait la hausse de tarif du gaz. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette requête n'a pas été introduite par GDF, mais par un fournisseur privé Poweo. Le dépôt de cette requête s'explique par le fait que le maintien de prix modérés dans le tarif régulé gêne la concurrence et l'implantation de concurrents privés. L'ouverture à la concurrence pour les entreprises des secteurs du gaz et de l'électricité s'était soldée par des hausses vertigineuses de prix, après de premières offres alléchantes.
Dès lors, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, en défendant la question préalable, on comprend mieux la méfiance des consommateurs domestiques et leur refus de quitter les tarifs régulés. Quelle solution reste-t-il pour restaurer la confiance des consommateurs dans les prix dits libres ? Casser la confiance que les consommateurs peuvent avoir dans l'opérateur historique. Seule une hausse des tarifs régulés peut rendre plus attrayante le passage au prix du marché. En requérant l'annulation de l'arrêté gouvernemental gelant le tarif du gaz, Poweo défend ses intérêts et ceux des autres opérateurs privés concurrents de GDF.
Quels intérêts défend le Conseil d'État en annulant l'arrêté gelant les tarifs du gaz ? Les bénéfices de l'ancien opérateur public étaient massivement réinvestis au profit de la modération tarifaire, de l'emploi, ainsi que de la qualité, de la sûreté des installations et de la chaîne de production. Les exemples précédents de privatisation laissent penser qu'il n'en irait probablement pas de même chez Poweo et d'autres distributeurs d'énergie, poussés avant tout par la rentabilité.
Nous proposons, une fois de plus, qu'avant le 1er juillet 2010 – puisque cette date est en vogue dans le texte –, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport relatif à l'évolution des tarifs et de l'emploi depuis l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique.
Nous entendons souvent parler de « contrôle des politiques publiques ». C'est à la mode, surtout avec la LOLF. Il n'y a qu'un domaine où l'on ne parvient pas à obtenir le contrôle des politiques publiques et de leurs résultats : celui dont nous parlons ce soir.
Quand obtiendra-t-on un arrêt sur image, afin de vérifier la pertinence de l'évolution imprimée à notre pays et à l'ensemble de la Communauté européenne depuis une quinzaine d'années ?
L'amendement n° 12 , défendu par M. Daniel Paul, est satisfait.
La loi de 2006 prévoit un rapport d'étape à l'issue de la période au cours de laquelle s'est appliqué le fameux – TARTAM – tarif de retour transitoire d'ajustement du marché. Lorsque le président Ollier et quelques-uns de nos collègues ont proposé la date du 1er juillet 2010, cela signifiait qu'avant cette date, il serait procédé à une évaluation.
Par conséquent, j'invite notre collègue à retirer l'amendement n° 12 , sinon l'Assemblée à le repousser.
Même avis.
Monsieur le président, je ne reprendrai pas le détail des arguments que j'ai développés en défendant la motion de renvoi en commission.
L'article 1er est fondamental. Un amendement contestable a été déposé sur la réversibilité, qui n'aurait pas d'impact sur le pouvoir d'achat des clients résidentiels, pas plus que sur l'ouverture du marché. Par contre, si l'amendement était adopté, les concurrents d'EDF – on les appelle des « pique-assiette », des « coucous », peu importe leur nom – dépourvus de capacités de production seraient par la suite amenés, par une sorte de droit de tirage sur le parc, à demander un approvisionnement en électricité à des prix inférieurs à ceux de marché, afin d'alimenter leurs clients.
Les conséquences pour EDF seraient désastreuses. Les tarifs de cession inférieurs aux prix du marché compromettraient, à terme, les investissements nécessaires. Cette entreprise a besoin de faire des bénéfices, pour réinvestir, afin d'assurer le renouvellement du parc de centrales et d'assurer notre avenir énergétique. L'article 1er, tel qu'il est proposé, est tout à fait discutable – comme l'a indiqué tout à l'heure François Brottes – compte tenu de la date butoir de 2010, mais, si l'amendement sur la réversibilité était voté, cela aggraverait encore sa rédaction.
Je suis saisi de deux amendements, nos 11 rectifié et 13 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 11 rectifié fait l'objet d'un sous-amendement n° 14 .
Je précise que, si le sous-amendement n° 14 , de M. Dionis du Séjour, était adopté, l'amendement n° 11 rectifié , de M. Lefebvre, deviendrait, une fois sous-amendé, identique à l'amendement n° 13 , de la commission.
La parole est àM. Frédéric Lefebvre, pour défendre l'amendement n° 11 rectifié .
Nous en arrivons au sujet qui est dans tous nos esprits, depuis le début de nos discussions : la réversibilité totale.
Lorsque j'écoute M. Bataille, je suis un peu étonné. J'ai l'impression qu'il n'a plus – je pense qu'il est le seul au parti socialiste, du moins, je l'espère – de contact avec les associations de consommateurs.
Il pense que la réversibilité totale n'aurait aucun effet sur les prix, aucun effet sur la concurrence. C'est précisément la thèse inverse qui est défendue par toutes les associations de consommateurs, comme UFC-Que Choisir.
Notre devoir est, aussi et peut-être avant tout, de défendre l'intérêt des consommateurs français au moment où l'énergie coûte cher et où ils réclament une baisse de son prix.
Depuis deux ans, le principe absurde de l'irréversibilité est gravé dans le marbre. Cela paralyse le consommateur et l'empêche de revenir sur son choix d'opérateur. Depuis le 1er juillet 2007, les Français ont la possibilité de passer à la concurrence, mais il leur est interdit de revenir sur leur décision, sauf à déménager – quelques aménagements ont été prévus –, mais pas n'importe où. Il existe des interdictions, des impossibilités. Ce sont deux mots que les Français ne comprennent pas. À cela s'ajoute une grande complexité puisque le locataire d'un logement ancien est contraint de poursuivre le contrat de l'occupant précédent. Si ce dernier avait abandonné les tarifs réglementés, le nouveau locataire doit subir ce choix et poursuivre avec une offre du marché. Voilà un raisonnement quelque peu difficile à faire accepter aux Français. Au nom de quoi seraient-ils liés par des décisions qu'ils n'ont pas prises et qu'ils ne peuvent modifier ?
Je voudrais rendre hommage au Sénat, notamment au sénateur Ladislas Poniatowski, qui a pris l'initiative de déposer cette proposition de loi, mais également à Patrick Ollier et au rapporteur de la commission des affaires économiques, qui ont relayé cette proposition.
Nous sommes à un moment important, puisqu'il s'agit de faire un geste en direction des consommateurs.
Je voudrais saluer notre collègue Jean Dionis du Séjour qui s'est engagé, avec le talent et la ténacité qu'on lui connaît, depuis de nombreux mois sur ces questions. Par ailleurs, nous avons, à l'UMP, constitué un groupe de travail sur le pouvoir d'achat. Nous avons entendu l'appel des consommateurs et de leurs associations, qui nous disent ne pas comprendre ce système : si ERD, la filiale de distribution d'EDF, n'a enregistré que 3 500 demandes de changement de fournisseur entre le 1er juillet et le 1er septembre 2007, il est évident qu'il y a un problème, et qu'il faut bouger dans ce domaine. C'est une évidence pour tout le monde !
Au nom de l'Europe, on a figé l'irréversibilité. Pour ma part, je pense qu'au nom de l'Europe, on peut aussi donner la liberté de choisir. Notre pays est, en effet, selon le groupe des régulateurs européens, le seul, parmi ceux où coexistent des tarifs réglementés et des prix de marché, à ne pas autoriser la réversibilité pour les ménages et les petits professionnels.
C'est formidable d'être seuls ! Nous sommes souvent fiers de défendre l'exception française, mais, en l'occurrence, elle paraît contraire aux intérêts des consommateurs.
C'est pourquoi nous vous proposons de rendre du pouvoir d'achat aux Français, en leur donnant le droit de choisir. Il est, du reste, un secteur où la réversibilité s'applique parfaitement : celui de l'Internet.
Je sais que le système des marchés est difficile à comprendre pour vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Quand on confond l'énergie et les télécommunications, on n'a pas tout compris non plus !
…mais, lorsqu'on abandonne France Télécom pour passer à Free ou à un autre opérateur, on peut revenir à France Télécom : c'est cela la réversibilité.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Cela n'a rien à voir !
Dites cela aux associations de consommateurs ! À vous entendre, elles ne comprennent rien, mais vous si !
Pour notre part, nous nous sommes engagés à trouver des pistes pour redonner du pouvoir d'achat aux Français en jouant sur les revenus, mais aussi et peut-être surtout en jouant sur les prix. Redonner du pouvoir d'achat aux Français, c'est faire baisser les prix.
Je me réjouis de faire oeuvre législative commune avec Jean Dionis du Séjour, dont le sous-amendement à mon amendement vise à ajouter la date butoir de 2010 dont nous parlons depuis le début de notre débat – date qui pose problème au parti socialiste.
Dans un premier temps, je n'avais pas prévu de faire figurer une date butoir dans le texte de mon amendement. En le faisant, nous lui donnons plus de sécurité au plan constitutionnel, même si le Conseil constitutionnel n'est pas intervenu sur cette question la dernière fois. Mais, en posant une date butoir, on envoie le signal que c'est provisoire, qu'il s'agit d'une expérimentation pour une durée déterminée et que cela sécurise le dispositif. J'entends cet argument.
Mais ce qui me paraît être le plus important, c'est la volonté, presque globale, de redonner la possibilité aux consommateurs de revenir, s'ils le souhaitent, vers l'opérateur historique et les tarifs réglementés.
Nous avons, ce soir, l'occasion d'envoyer ce signal aux Français, aux associations de consommateurs, en leur donnant la liberté de choisir. Il est important de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 13 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 11 rectifié de M. Lefebvre.
Cet amendement est le fruit d'une longue réflexion entre MM. Ollier, Piron, Poignant et Nicolas, et la commission, sur ce qu'il convenait de faire pour défendre la cause des consommateurs. Or, depuis des heures, on entend des débats purement idéologiques (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine),…
…qui ne servent qu'à cacher le grand trouble des socialistes et des communistes.
En fait, cette proposition de loi les gêne beaucoup, et ils essaient de nous éloigner de la voie que nous avons choisie d'emprunter. La raison d'être de cette proposition de loi est de répondre à une préoccupation importante des consommateurs, et notre objectif est de les protéger. Tout le reste n'est que manoeuvre dilatoire !
De quoi s'agit-il ? Nous proposons la réversibilité totale. Dans le texte de 2006, nous avions retenu le principe du couple site-personne, qui permet, en cas de changement de logement, de revenir aux tarifs régulés et de n'être pas lié par la décision de son prédécesseur. Mais nous nous sommes rendu compte que le système est assez compliqué et peu lisible, alors que les consommateurs – que nous avons entendus – réclament de la clarté. Or le plus clair, c'est la réversibilité totale.
Ce dispositif permet, en effet, de retourner vers son opérateur après l'avoir quitté. Bref, passer de l'opérateur historique au fournisseur alternatif et inversement. Je précise que ce dispositif ne concerne que les usagers domestiques de l'électricité, et comporte deux conditions de durée. La première, c'est que le retour au tarif régulé n'est possible qu'après six mois, afin d'éviter les allers-retours entre les fournisseurs, qui créeraient une extrême confusion. Ce délai pose du reste problème puisque certains clients pourraient être tentés de choisir le marché pendant l'été – où il y a éventuellement une baisse – et de se réfugier derrière les tarifs pendant l'hiver, où les tarifs sont plus protecteurs. Un délai d'un an eût sans doute été préférable, mais il n'était pas compatible avec la date butoir de 2010 : six mois me semblent donc être une durée assez pertinente.
La demande doit être faite avant le 1er juillet 2010. Je vais m'employer à répondre à un certain nombre d'interrogations. On a entendu beaucoup de choses à ce sujet, dont certaines relevaient du fantasme, à savoir que nous serions aux ordres de Bruxelles. Pour avoir été au coeur du débat, je peux témoigner de la manière dont cela s'est passé.
La décision du Conseil constitutionnel du 30 novembre 2006 créant un quasi-vide juridique, nous avons décidé de permettre par la loi d'accéder aux tarifs régulés au-delà du 1er juillet 2007 pour les nouveaux sites, qu'il s'agisse d'une maison qui se construit ou d'une entreprise qui ouvre. L'interdire n'était pas acceptable. À la faveur du texte de Jean-Louis Borloo sur le logement social en 2006, nous avons institué une disposition – que Patrick Ollier et moi-même avions proposée par voie d'amendement – prévoyant d'ouvrir cette possibilité jusqu'au 1er juillet 2010. C'est la première fois que cette date a été évoquée.
Pourquoi 2010 ? Dans un premier temps, j'avais proposé que cette disposition s'applique pendant cinq ans, mais cela aurait conduit à rouvrir le débat juste avant les élections de 2012, qui nous concernent tous, chers collègues. (Sourires.) Nous avons donc choisi un délai plus court : 2011 nous paraissant être encore trop proche des élections, nous avons donc choisi le 1er juillet 2010. Je porte l'entière responsabilité du choix de cette date. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
À chaque fois qu'il a été question du délai, cette date de juillet 2010 a été reprise.
Je pense pour ma part, et je le dis d'une manière solennelle, qu'une date butoir est indispensable. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a été saisi par les socialistes, et que c'est à cause de ce recours que nous discutons de cette proposition de loi. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Les consommateurs ont fait les frais de la décision du Conseil constitutionnel. Nous sommes obligés de réparer les dégâts provoqués par le groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le texte de 2006 ne prévoyait, en effet, pas de terme au maintien des tarifs réglementés, contrairement au tarif transitoire de retour, limité dans le temps. C'est ce qui a sauvé le TARTAM et la raison pour laquelle le Conseil n'y a pas touché.
Les dispositions de l'article 17 de la loi de 2006 ne se bornaient pas appliquer les tarifs réglementés aux contrats en cours, mais imposaient aux opérateurs historiques du secteur de l'énergie, et à eux seuls, des obligations tarifaires permanentes.
Voilà pourquoi ne pas prévoir de date fait courir un risque de censure. Vous nous avez déjà fait courir ce risque avec votre recours. C'est pourquoi nous n'allons pas tomber dans le piège que nous tendent les socialistes quand ils nous incitent à ne pas prévoir de date butoir, car leur but n'est autre que de mettre à bas l'édifice que nous sommes en train de construire. La prudence est de mise !
Qu'allons-nous faire le 1er juillet 2010 ? C'est un rendez-vous qui nous est fixé pour arrêter des dispositions, après avoir observé l'évolution du marché et les tendances des tarifs. Que décidera la Commission européenne ? Elle n'est pas contre les tarifs réglementés, s'ils sont encadrés. Mais quelle sera l'évolution des prix de l'énergie ? Quelle sera la politique des entreprises à l'égard des tarifs ? Autant de questions auxquelles nous n'avons pas de réponses aujourd'hui.
Ne pourrait-on pas, d'ici au 1er juillet 2010, réfléchir à des dispositions à prendre pour répondre à la fois à la préoccupation des consommateurs et à l'exigence clairement exposée par le Président de la République, selon lequel les Français devaient bénéficier de la rente nucléaire ?
À cet égard, j'ai bien entendu la proposition de l'association de consommateurs UFC-Que choisir : une partie de la facture pourrait être régulée.
Monsieur Brottes, je peux vous dire que les auteurs mêmes de cette proposition demandent un peu de temps pour la mettre au point. C'est la raison pour laquelle nous comptons mettre à profit le laps de temps qui nous sépare du 1er juillet 2010.
Voilà pour ce qui est de notre amendement. Frédéric Lefebvre a déposé un autre amendement, n° 11 rectifié , sans préciser de date. Mais, avec le sous-amendement n° 14 de Jean Dionis du Séjour, qui en fixe une, il deviendrait identique à celui de la commission.
Dans ces conditions, il serait cruel d'émettre un avis défavorable. Je propose donc à nos collègues et amis de retirer leurs amendement et sous-amendement respectifs au profit de notre amendement, dont ils deviendraient cosignataires.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 11 rectifié et 13 ?
Il s'agit sans nul doute d'un sujet important, sur lequel je me suis déjà exprimé, notamment au Sénat. Vous avez eu l'occasion, sur tous les bancs, de rappeler que l'ouverture du marché de l'énergie ne fonctionnait pas. Les consommateurs ne se sentent en effet pas en confiance. Ils ne sont pas tentés de quitter l'opérateur historique car ils savent que s'ils le font, ils ne pourront pas y revenir, la concurrence ne jouant pas à plein.
Le marché a besoin de simplicité et de lisibilité. La proposition de loi dans sa rédaction initiale améliore la lisibilité pour ce qui concerne les logements. Mais nous pensons que les travaux en commission ont permis d'autres avancées. Je salue ici le travail effectué par la majorité : Frédéric Lefebvre, pour l'UMP, a pu constater que l'énergie constituait un élément crucial de la question du pouvoir d'achat, à laquelle il se consacre, et Jean Dionis du Séjour, qui travaille depuis longtemps sur ce sujet, a apporté sa touche personnelle. Tous deux sont parvenus à une position proche de celle défendue par la commission. Son amendement n° 13 apporte aux consommateurs une garantie, en permettant à la concurrence de jouer librement. Il va dans le sens de l'ouverture du marché préconisée par Bruxelles. Par ailleurs, il prend en compte les conclusions du Conseil constitutionnel, en introduisant une date butoir dont l'absence avait auparavant motivé la censure. De surcroît, il introduit un délai de six mois, qui contribuera à éviter les allers-retours systématiques et les abus de certains consommateurs.
Le Gouvernement a été sensible à l'appel des associations de consommateurs, comme l'a rappelé Frédéric Lefebvre. Si elles ont émis des réserves sur l'ouverture du marché, elles ne seraient pas opposées à une réversibilité totale qui permettrait aux consommateurs de faire jouer la concurrence à leur profit. Les effets n'en seraient pas négligeables : pour un budget annuel de 1 000 euros consacré à l'électricité, trouver une offre de 5 % à 10 % moins chère, qu'elle émane de l'opérateur historique ou de fournisseurs alternatifs, ferait économiser 50 euros à 100 euros au consommateur, ce qui constitue un gain de pouvoir d'achat.
Cet amendement contribuera à ce que l'ouverture du marché soit la plus efficace possible et qu'elle serve les consommateurs : le Gouvernement ne peut qu'y être favorable.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir le sous-amendement n° 14 .
Mon sous-amendement a pour objet d'ajouter une date butoir à l'amendement de Frédéric Lefebvre, conformément aux préconisations du Conseil constitutionnel.
La loi, après la censure du Conseil constitutionnel, interdit la réversibilité sur un site donné. La présente proposition de loi l'autorise partiellement, en cas d'emménagement. Mais nous sommes nombreux à appeler de nos voeux une réversibilité totale. Par pragmatisme d'abord : la réversibilité partielle risque d'être détournée sur le terrain. Par souci de lever un frein psychologique ensuite. À peine 6 100 ménages ont exercé leur droit à l'éligibilité et si un si petit nombre de Français l'ont fait, c'est que la majorité redoutent une hausse des tarifs. C'est dommage car la concurrence se met en place : elle fait son travail de grossiste-détaillant. Et je ne vois pas pourquoi, comme dans les autres secteurs de notre économie, elle ne contribuerait pas, par des offres ciblées et innovantes, à faire bénéficier les consommateurs de gains de pouvoir d'achat.
Je me réjouis des conditions dans lesquelles j'ai pu travailler en tandem avec Frédéric Lefebvre. Reste que l'amendement de la commission est plus abouti, c'est pourquoi je m'y rallie. Je retire donc le sous-amendement n° 14 .
D'abord, monsieur le rapporteur, vous qui ressassez que nous sommes à l'origine de la censure du Conseil constitutionnel, considérez-vous qu'une seule bonne disposition législative empêcherait de mettre en cause toutes les autres, qui sont mauvaises ? N'est-ce pas le droit de tout parlementaire de saisir le Conseil constitutionnel ?
Si, ce sont des reproches permanents que vous nous adressez et je prendrai le temps qu'il faudra si vous voulez qu'on y revienne. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je suis las de tant de mauvaise foi ! Vous savez bien que si nous avons soumis la loi de privatisation de Gaz de France au Conseil constitutionnel, ce n'est pas pour ce motif. Au moins pourriez-vous nous en faire le crédit.
Par ailleurs, M. Lefebvre nous dit qu'il faut écouter les consommateurs : nous avons passé sept séances à le dire à M. le secrétaire d'État lors de l'examen du projet de loi sur la consommation.
Les écouter, c'eût été, par exemple, mettre en place l'action de groupe, dont vous n'avez pas voulu.
Mais vous êtes restés sourds à leurs demandes, si bien que, aujourd'hui, vous vous sentez obligés de leur faire une fleur.
Mais le meilleur service à leur rendre, au lieu de les inciter à aller au plus offrant, serait de diminuer les tarifs de l'électricité et du gaz, car les bénéfices d'EDF et de GDF le permettent dans une large mesure.
Vous pouvez le faire dès demain. Si vous voulez véritablement que les consommateurs bénéficient de gains de pouvoir d'achat, point n'est besoin d'inventer des artifices.
Mais vous ne le voulez pas, pour deux raisons. D'abord, cela ne permettrait pas aux amis de Direct Energie et de Poweo de venir sur le marché.
Absolument pas ! Votre véritable préoccupation n'est pas que les consommateurs y gagnent, mais que vos petits copains puissent faire du business ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Alors, comment expliquer que les associations de consommateurs défendent les fournisseurs alternatifs ?
Deuxième raison : moins de profits pour GDF et EDF, ce serait moins de dividendes pour l'État, alors que le budget en a bien besoin.
Dans vos propositions, tout se passe comme si l'opérateur historique devait jouer les boute-en-train : celui qui entraîne le mouvement mais pas celui qui encaisse. Vous donnez aux consommateurs le droit d'aller voir ailleurs. Mais si c'était si formidable, pourquoi leur ménagez-vous une possibilité de retour ? En fait, vous savez bien que ce n'est pas de cette façon qu'ils pourront gagner du pouvoir d'achat. Si vous voulez vraiment leur en redonner, faites baisser les prix de l'électricité et du gaz !
J'aimerais souligner certaines contradictions dans les propos de M. Lefebvre et de M. le secrétaire d'État.
M. Lefebvre affirme que nous sommes les seuls en Europe à avoir un système aussi rigide, quand M. le secrétaire d'État dit que nous sommes les meilleurs en matière de tarifs et les moins chers. Vous qui prétendez vous préoccuper du consommateur, pourquoi vouloir remplacer un tel système par un dispositif qui aura pour conséquence une augmentation des prix ?
Selon nous, la bonne solution consiste à maintenir de grandes entreprises publiques de l'énergie. Les bénéfices réalisés ne doivent pas servir à distribuer des dividendes à tous crins, mais à être réinvestis et à faire un geste en direction des consommateurs, surtout quand, comme EDF et Gaz de France, on réalise respectivement 5 milliards et plus de 3 milliards d'euros de bénéfice net par an. Mais telle n'est pas votre logique.
Vous nous proposez une fois de plus « L'île de la tentation », expression que j'ai déjà employée. Le ministre a reconnu lui-même que les consommateurs ne sont pas tentés aujourd'hui de se tourner vers la concurrence. Nous considérons que le dispositif de réversibilité totale tel qu'il nous est proposé est à l'énergie ce que le crédit revolving est au crédit,…
…c'est-à-dire qu'il est si séduisant qu'on se laisse tenter, mais qu'on finit par le regretter.
Votre proposition sur la réversibilité totale est extrêmement déséquilibrée. À entendre le secrétaire d'État, on croirait presque que le délai de six mois comme l'échéance de 2010 ont été déterminés selon des critères scientifiques, et non, comme le rapporteur l'a reconnu lui-même, au doigt mouillé – si vous me permettez cette expression.
« Tu as choisi d'aller à la concurrence, tu sors du tarif réglementé, tu es obligé d'y rester six mois », dites-vous au consommateur. Or, pendant cette période, le prix va bouger, car, si le tarif réglementé est relativement stable, il n'en est pas de même pour les prix du marché. Et le consommateur qui se sera laissé tenter par la concurrence aura six mois pour le regretter. Mais il n'y a pas de parallélisme des formes parce qu'on ne demande pas à celui qui a choisi le tarif réglementé d'y rester au moins six mois.
Vous le voyez : tout est fait pour que le tarif réglementé disparaisse petit à petit.
J'ajoute, monsieur le rapporteur, que ce n'est pas parce qu'on va changer d'opérateur qu'on va changer de tarif puisque les opérateurs historiques règlent à la fois le tarif réglementé et les prix. Le consommateur aura donc beaucoup de mal à s'y retrouver.
On est loin de votre proposition initiale, qui protégeait le consommateur en lui permettant de revenir au tarif réglementé et dont nous ne souhaitons supprimer que l'échéance de 2010. Voilà pourquoi nous voterons contre ces amendements.
Comme je l'ai dit tout à l'heure en défendant la question préalable, il se trouve que M. Beigbeder, le dirigeant de Poweo, m'a rendu visite pour tenter de me convaincre du bien-fondé de son projet de port méthanier dans la région havraise. Le débat public qui a lieu dans notre région fait grand bruit, car la France comptera bientôt plus de ports méthaniers que de ports à conteneurs et les gazoducs approvisionneront non seulement notre territoire mais aussi et surtout ceux de nos voisins, la France étant plutôt bien située.
M. Beigbeder m'a fait part de son enthousiasme pour la réversibilité totale, qui, en élargissant le marché, entraînerait une hausse des tarifs permettant à son entreprise d'investir.
Et voici ce qui va se passer d'ici à 2010 – je vous donne rendez-vous pour le vérifier – : les tarifs vont considérablement augmenter. Puis, les nouveaux entrants les baisseront pendant un court moment, comme en 2004, avant de les augmenter une fois le poisson ferré. Car il s'agira que les nouveaux entrants puissent faire leur beurre. Dans la mesure où les tarifs réglementés auront augmenté et où les prix pourront être légèrement inférieurs mais rentables – souvenez-vous de ce que m'a dit M. Beigbeder –, d'ici à quelques mois on aura abouti à une hausse globale des prix.
Ainsi, en 2010, en 2011 ou encore à 2012, après l'élection présidentielle, les tarifs réglementés n'auront plus de raison d'être et ils seront supprimés. C'est à cela que vous allez participer.
Je pense que les associations de consommateurs ont été dupes des discours qui leur vantaient les mérites de la concurrence. Or le secteur de l'énergie n'a rien à voir avec celui des télécommunications, parce qu'on ne peut pas stocker l'énergie dans un magasin comme des appareils téléphoniques, qu'on ne peut produire que ce que l'on vend et qu'on ne peut vendre que ce que l'on a produit. Voilà la réalité.
Comme vient de le rappeler François Brottes, pourquoi, alors que les tarifs régulés sont si bas, EDF et GDF affichent-ils des résultats aussi mirobolants ? Pourquoi le cours de l'action d'EDF est-il passé de 31 à un peu plus de 80 euros ? Vous nous dites souvent que Total, c'est 80 % de ses produits à l'étranger. Mais pas EDF. Pourtant, elle se porte très bien. Pourquoi faut-il augmenter les tarifs régulés d'EDF et de GDF, alors que ce dernier promet à ses actionnaires une augmentation de bénéfices de 50 % au cours des trois années à venir ? En fait, vous participez à une opération qui consiste à augmenter les tarifs. Et, une fois qu'ils seront rentables, alors il pourra y avoir concurrence.
Pour ma part, je suis contre cette concurrence qui se fait au détriment du consommateur. (« Très bien ! »sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous venons d'assister à une démonstration de gymnastique assez amusante. Ce n'est pas très facile pour vous d'avoir à expliquer que les associations de consommateurs ont tort, qu'elles se font abuser, que vous ne voulez pas les suivre et que les consommateurs se trompent. La concurrence entraîne la hausse des prix, c'est bien connu !
En fait, vous voulez défendre les consommateurs et obtenir un meilleur prix pour eux, mais vous ne voulez surtout pas écouter les associations de défense des consommateurs puisqu'elles ne comprennent rien à la question de l'évolution des prix. En réalité, vous avez perdu tout contact avec les associations de consommateurs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le rapporteur de la commission a indiqué que le travail réalisé par la commission, d'un côté, et par les groupes UMP et Nouveau Centre, de l'autre, aboutissait à des dispositifs identiques. Il a proposé, soutenu en cela par président de la commission, de substituer les amendements et sous-amendements qui existaient à un seul amendement qui serait cosigné par les groupes UMP et Nouveau Centre et par la commission des affaires économiques. Voilà une très bonne idée.
Pour ma part, j'accepte donc – et je pense que Jean Dionis du Séjour fera de même – de cosigner l'amendement de la commission, et je retire l'amendement n° 11 rectifié .
En votant l'amendement n° 13 , nous instaurons la réversibilité totale qui est demandée par toutes les associations de défense des consommateurs.
L'amendement n° 11 rectifié est retiré.
MM. Lefebvre et Dionis du Séjour deviennent cosignataires de l'amendement n° 13 de la commission.
Je mets aux voix l'amendement n° 13 .
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 3 vise à supprimer la référence à la date du 1er juillet 2010.
Les tarifs régulés constituent une garantie, sinon suffisante, du moins nécessaire pour assurer une égalité de traitement entre les usagers du service de l'électricité ainsi qu'une protection contre une volatilité et une trop forte hausse des tarifs.
Je suis persuadé que cette date sonnera le glas des tarifs régulés. Tout à l'heure, le rapporteur a expliqué comment cette date avait été choisie. On dirait une histoire de comptoir du café du commerce ! En tout cas, elle méritera d'être racontée.
En réalité, il s'agit de faire sauter les barrières qui s'opposent au plein épanouissement du marché et d'augmenter les prix afin de satisfaire les opérateurs et la Commission européenne.
Le système tarifaire régulé protégeait l'intérêt des consommateurs dans la mesure où il prenait en compte tous les éléments tant individuels que collectifs : l'évolution des coûts d'approvisionnement, les coûts d'acheminement du gaz propres à l'entreprise, dont les gains de productivité étaient répercutés pour moitié sur le tarif, et les dépenses liées à la sécurité des installations intérieures.
Cette formule a été modifiée dans le cadre du contrat État-Gaz de France 2001-2003. Il ne s'agit plus de répercuter les coûts d'approvisionnement réels, mais d'appliquer une formule modélisée, dont l'évolution est fondée directement sur les indices pétroliers. Toutefois, le principe d'indexation des prix sur les coûts d'approvisionnement n'a pas perdu de sa pertinence.
C'est pourquoi nous défendons fermement l'existence de tarifs réglementés, dont le contrôle pourrait être de nouveau assuré par les représentants des salariés ainsi que par des élus et des associations de consommateurs.
Nous demandons aussi à connaître les formules qui servent à l'ajustement des tarifs ou des prix, données que même le conseil d'administration du Gaz de France n'a pas le droit de savoir, ce qui paraît, dans une entreprise publique, un peu « fort de café » !
Cet amendement a aussi pour but de faire subsister les tarifs réglementés au-delà de 2010.
J'en profite pour rappeler à quel point l'intention du Gouvernement est bien d'augmenter les tarifs réglementés. J'ai lu, en défendant l'exception d'irrecevabilité, la page 9 du contrat de service public qui lie l'État à Gaz de France jusqu'au 31 décembre 2007 : « L'État et Gaz de France conviennent de rechercher, à l'occasion de chaque mouvement tarifaire – forcément à la hausse – la convergence entre les tarifs et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de clients, dont les ménages. » Il est donc prévu d'aligner les tarifs sur les prix du marché.
Je vous ai demandé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, où en était le futur contrat de service public entre l'État et Gaz de France, et vous avez eu l'amabilité de me répondre qu'il était en préparation. Or l'échéance du 31 décembre 2007 approche, et nous n'avons pas d'indication sur ce que deviendront ensuite les tarifs réglementés par rapport aux prix du marché, ce qui montre la nécessité de ne pas mettre une date butoir trop proche. Le Gouvernement n'est pas capable de nous dire exactement quelles sont ses intentions. En outre, la décision rendue hier par le Conseil d'État à propos de la période de gel des tarifs, va vous conduire à augmenter très sensiblement, au 1er janvier peut-être, les tarifs du gaz, alors même que Gaz de France dégage des bénéfices nets très importants, de l'ordre de 3 milliards par an.
Vous êtes en train de proposer aux consommateurs de signer un marché de dupes ! Il ne suffit pas de taper du pied en déclarant défendre les intérêts des consommateurs pour infirmer des démonstrations qui prouvent l'inverse.
La proposition de loi prévoit, je le rappelle, que la possibilité de revenir au tarif régulé est liée à un changement de résidence ou de site. Je confirme que les tarifs ne vont pas disparaître le 1er juillet 2010. Il s'agit d'une simple clause de rendez-vous. Que ceux qui ricanent se souviennent qu'ils ont voté ce délai, puisque l'Assemblée l'a adopté à l'unanimité le 21 février dernier.
Avis défavorable à ces amendements.
Je tiens à rassurer M. Brottes. Comme je l'ai déjà dit, le Gouvernement est en train de préparer le renouvellement du contrat de service public du gaz, sachant que le contrat actuel court jusqu'au mois de juin 2008. Il avait été signé en juin 2005 avec quelque retard, pour une période de trois ans.
Quant à l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques, vous ne serez pas surpris qu'il vous invite à les rejeter. Je trouve curieux, je l'ai dit, que ces amendements aillent à l'encontre de la décision du Conseil constitutionnel que leurs auteurs ont eux-mêmes sollicitée. J'y vois une contradiction.
Par ailleurs, comme le rapporteur a eu raison de le rappeler, la date retenue par la loi relative au droit au logement opposable a fait l'unanimité de votre assemblée. La date de juillet 2010 est cohérente.
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 2.
Je suis saisi d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. Daniel Paul, pour le défendre.
L'objet de cet amendement est de soumettre les grands opérateurs du secteur énergétique à des obligations de service public, au rang desquelles figurent celles relatives à la tarification. En ce sens, il vise à étendre les contrats de service public signés entre l'État et les opérateurs historiques aux nouveaux opérateurs du secteur, puisque nouveaux opérateurs il y a, de façon à maintenir des tarifs abordables et faisant l'objet d'une péréquation sur l'ensemble du territoire, comme l'exige l'article 1er de la loi n° 2004-803 relative au service public de l'électricité et du gaz.
L'adoption de cet amendement créerait un garde-fou contre les hausses de prix abusives que risquent d'imposer les distributeurs privés, comme ils l'ont fait auprès des consommateurs non domestiques. Je ne reviens pas sur les exemples que j'ai donnés cet après-midi. Si le sujet n'est pas à l'ordre du jour en raison du peu de succès des distributeurs privés, il risque de le devenir si les entreprises arrivent à gagner des parts de marché, car rien ne protège les consommateurs contre de telles hausses dès lors que le prix du marché est supérieur au tarif régulé actuel.
Notre amendement remédie donc à cette carence.
Défavorable, monsieur le président. Je rappelle que les obligations de service public doivent figurer dans la loi, et non dans un contrat.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. Daniel Paul, pour le défendre.
Même avis.
Sur l'article 3, je suis saisi d'un amendement n° 4 .
La parole est à M. Daniel Paul, pour le défendre.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à M. François Brottes, pour le défendre.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 9 , portant article additionnel après l'article 3.
La parole est à M. François Brottes, pour défendre cet amendement.
Notre rapporteur, qui fait preuve d'une expertise virtuose pour choisir les dates limites, avait fixé la date de disparition du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, dit TARTAM. Ce tarif était réservé aux entreprises qui s'étaient précipitées un peu trop vite – peut-être sur les conseils de M. Dionis du Séjour –...
..pour sortir du tarif réglementé, et qui avaient vu leur facture d'électricité doubler. Certaines entreprises de ma région – je pense en particulier à des papeteries – ont vécu un vrai drame, puisqu'une telle hausse pouvait être fatale à celles qui consomment beaucoup d'électricité et qui ne pouvaient pas revenir au tarif antérieur. À l'époque, M. Lenoir avait fixé une échéance à l'application du TARTAM, échéance qui se rapproche. Le TARTAM risque donc de disparaître.
Cet amendement laisse donc à M. Lenoir la possibilité de se rattraper et de prolonger la durée de mise en oeuvre du TARTAM. Prévoir une clause de retour pour les industriels qui étaient sortis du tarif réglementé était un moindre mal. Nous proposons donc de pérenniser ce système transitoire.
Malgré l'heure tardive, l'opposition continue sa gymnastique. J'ai dit tout à l'heure que le TARTAM avait été sauvé de la noyade...
...parce qu'il était assorti d'une date limite. Et c'est pour cette raison que le Conseil constitutionnel ne l'a pas censuré. Ce sont bien plutôt de semelles de plomb que nos collègues de l'opposition veulent chausser le TARTAM, et aussi le ceindre d'une ceinture de plomb, pour le faire couler !
Pour être sérieux, je signale à nos collègues élus en juin dernier que le TARTAM a été créé par notre majorité, avec l'accord du Gouvernement (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pour sauver d'un grave péril les entreprises qui avaient choisi de quitter les tarifs réglementés en vertu de la loi de 2000 ! C'est elle qui a provoqué les plus graves sinistres, parce qu'elle n'avait pas prévu de filet de sécurité.
J'appelle donc l'attention de nos collègues de l'opposition sur la responsabilité qui est la leur dans cette affaire et je souligne au contraire le pragmatisme de la majorité qui réussit à adapter notre cadre juridique aux évolutions qui découlent des directives européennes tout en prenant les précautions nécessaires pour défendre nos entreprises et, partant, nos emplois. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Avis défavorable, d'autant que, dans le souci de pragmatisme qui est le nôtre et que vient de souligner le rapporteur, un rapport d'évaluation du TARTAM est prévu pour la fin de l'année 2008 ou le début de l'année 2009. Nous déciderons ensuite ce qu'il adviendra du dispositif.
Monsieur Brottes, vous voulez faire résonner le tartam à cette heure tardive ?... (Sourires.)
Vous avez la parole, mon cher collègue.
Je vous resservirai la formule, monsieur Dionis du Séjour !
J'ai bien compris qu'il y avait une clause de « revoyure » et que la porte n'était pas fermée à une éventuelle prolongation, ce dont je me réjouis. Avant de retirer mon amendement, preuve de notre esprit constructif, je rappelle que le groupement d'achat des industries électro-intensives, appelé Exeltium – et autorisé par une loi de finances il y a déjà quelques années, à l'initiative de M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances – n'est toujours pas en vigueur. Il s'agissait de permettre à ses membres de bénéficier d'une tarification compatible avec le volume d'énergie qu'ils consomment. Ces entreprises n'étaient pas forcément directement concernées par le TARTAM, encore que... Il ne faut pas oublier que le sujet est très sensible, car, derrière, il y a des emplois, emplois qui sont occupés par des salariés, qui sont aussi ce que vous appelez des consommateurs. Nous partageons votre préoccupation les concernant, mais notre amendement mettait l'accent sur la nécessité de se soucier aussi des entreprises.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Aujourd'hui, mercredi 12 décembre, première séance publique :
À quinze heures, questions au Gouvernement ;
À dix-huit heures, projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2006-1547 relative à la valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer .
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 12 décembre, à deux heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton