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Intervention de Jean-Pierre Nicolas

Réunion du 11 décembre 2007 à 21h30
Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Nicolas :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'énergie, notamment l'électricité, doit être considérée comme un produit à part, ne serait-ce que parce qu'elle fait partie des éléments indispensables à chaque ménage. C'est pourquoi dans chaque débat sur ce sujet, à défaut de haute tension, il y a toujours de l'intensité. Cette proposition de loi le démontre une nouvelle fois.

Depuis le 1er juillet 2007, les 26 millions de consommateurs particuliers d'électricité et les 11 millions de consommateurs de gaz ont la possibilité de faire le choix de la concurrence indépendamment des opérateurs historiques EDF et GDF.

Cette échéance, chacun le sait, constitue en principe la dernière étape d'un processus d'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz, initié à la fin des années quatre-vingt-dix, concernant essentiellement les gros consommateurs d'électricité qui réclamaient ces libérations au profit d'une concurrence d'approvisionnement qu'ils pensaient bénéfique pour leur entreprise. Dans ce cadre, j'ai assisté à plusieurs échanges avec les « aluminiers » et j'ai constaté leur versatilité sur le principe, alors que, s'agissant d'électricité avec un système d'investissements lourds, les producteurs ont besoin d'une lecture au moins à moyen terme pour réguler leurs investissements et, par conséquent, leurs coûts et leurs tarifs.

Or il n'y avait pas de filet de rappel, comme le disait à l'instant notre rapporteur.

Aujourd'hui, l'expérience démontre que, dans leur grande majorité, les entreprises qui ont exercé leur éligibilité portent une appréciation plus que mitigée sur ce choix. En effet, leur facture d'électricité a augmenté de manière sensible consécutivement à leur renonciation aux tarifs réglementés, car l'évolution des tarifs dits libérés a d'abord rattrapé puis dépassé le niveau des tarifs réglementés. Ce type de consommateurs avait pourtant les moyens de s'organiser.

Pour atténuer ces conséquences, un dispositif provisoire, initié par notre excellent rapporteur Jean-Claude Lenoir, portant création d'un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché pour les clients professionnels ayant déjà exercé leur éligibilité a été mis en place. Il répond aux préoccupations de ces professionnels.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'adresse aux consommateurs domestiques. Elle a pour objectif de les protéger des fluctuations des prix du marché, de remédier à une inégalité entre les ménages et de soutenir le pouvoir d'achat.

Ce texte s'inscrit dans le cadre des engagements du Chef de l'État, du Gouvernement et de sa majorité visant à préserver le pouvoir d'achat de nos compatriotes. Elle pose à mon sens plusieurs questions de fonds, consécutivement à la décision du Conseil constitutionnel et à la promulgation de la loi du 7 décembre 2006, qui ne prévoit plus le bénéfice du tarif réglementé que pour ceux qui n'ont pas changé de fournisseur, à condition que personne, pour un site donné, ne l'ait fait avant eux.

Certes, l'amendement du président Ollier et de nos excellents collègues Jérôme Bignon, Jean-Claude Lenoir, François-Michel Gonnot et Serge Poignant, adopté à l'unanimité, a clarifié une incertitude en permettant le bénéfice des tarifs réglementés pour les nouveaux sites de consommateurs raccordés au réseau de distribution ou de transport avant le 1er janvier 2010. Mais, en laissant ce cadre législatif en l'état, c'est-à-dire en considérant que le choix tarifaire exercé pour ces logements donnés est irréversible, nous ne répondons pas à la préconisation de la Commission européenne, qui insiste elle-même sur la nécessité d'améliorer la protection des droits des consommateurs que les mécanismes de marché ne peuvent à eux seuls garantir dans le secteur de l'énergie.

Par ailleurs, si, dans sa censure, le Conseil constitutionnel juge que l'un des objectifs de la directive est de faire en sorte que les consommateurs d'électricité et de gaz aient vocation à s'alimenter à terme exclusivement par le biais du marché libre, doit-on définitivement considérer que les tarifs réglementés ne font pas partie des tarifs concurrentiels, dès lors qu'ils couvrent les coûts exposés par les opérateurs, et même plus avec la CSPE ?

En l'état actuel, cette législation pose une autre question fondamentale : sans modification, elle va créer quasiment deux marchés de l'immobilier, celui des logements pouvant bénéficier des tarifs et celui des logements n'y ayant plus droit. De ce fait, elle crée une inégalité majeure entre les ménages français qui auront droit au tarif réglementé et ceux qui n'y auront plus droit, bénéfice ou exclusion qui sera lié au seul choix du logement.

Ainsi, un ménage entrant dans un logement ayant définitivement perdu le bénéfice du tarif se trouvera de facto engagé par une décision qu'il n'aura pas lui-même prise. En revanche, le ménage qui, historiquement, aura pris la décision de faire perdre à ce logement le bénéfice du tarif pourra retrouver un contrat tarifaire s'il emménage dans un logement dont aucun occupant n'aura jamais fait le choix de la concurrence. Cet état de fait est contraire à l'esprit des directives européennes, qui ont toujours fait de l'exercice de l'éligibilité une faculté et en aucun cas une obligation.

De ce fait, l'examen de l'éligibilité, sans possibilité de retour au tarif, ne serait pas propice aux nécessaires signes de confiance que nous devons donner aux consommateurs, afin qu'ils puissent eux aussi, par la pertinence de leur choix en fonction de leurs besoins, agir sur leur propre pouvoir d'achat.

Comment expliquer à un ménage qui a du mal à payer son loyer que, lorsqu'il déménage pour un loyer moins élevé, il ne puisse pas bénéficier du meilleur tarif d'électricité possible ? L'extension du dispositif de retour au tarif réglementé d'électricité aux petits consommateurs professionnels qui souscrivent une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA va également dans le bon sens.

Nous nous félicitons donc de cette avancée dont les députés de l'UMP sont les initiateurs. La mesure figurait dans la proposition de loi déposée par Patrick Ollier, dont je suis l'un des cosignataires.

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