Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, parce qu'elle s'inscrit dans le long terme, la politique de l'électricité et du gaz fait souvent l'objet entre nous de débats raisonnés, même si la majorité et l'opposition divergent très fortement quant au rôle de la puissance publique. La France disposait d'un système public de production et de distribution d'électricité, ainsi que de distribution de gaz, tout à fait satisfaisant et qui affichait des tarifs raisonnables non fondés sur le profit et la rémunération des actionnaires. Ce système public a joué un rôle essentiel dans la qualité de l'équipement de notre territoire en centrales électriques, lignes électriques et en réseau gazier. C'est grâce à ce service public de l'électricité que nous disposons d'un réseau unique de centrales nucléaires, qui est un atout pour le pays et que le monde entier nous envie.
Pour complaire aux idéologues libéraux et à tous ceux qui veulent occuper une position de véritables parasites sur un marché dérégulé, en se contentant d'acheter, de revendre, de faire monter les prix, votre majorité et ce Parlement mettent en place des mécanismes qui sont très mal perçus par les consommateurs.
Le texte que nous examinons aujourd'hui et qui veut corriger un des abus sur les tarifs défavorables au consommateur aura des effets positifs si la rédaction du Sénat qui nous est présentée est conservée, mais, hélas ! pour une durée très limitée : jusqu'en 2010. Après cette date, ce sera l'anarchie libérale qui fixera les prix.
Je m'efforcerai de vous démontrer que nous devons réexaminer ce texte en commission afin de le protéger des risques, bien réels, de dérapage par amendement et de celui de voir s'établir un droit généralisé à des allers-retours entre prix du marché et tarifs réglementés. Cette réversibilité totale, que vous prônez et que le secrétaire d'État considère déjà comme actée alors qu'elle ne figure pas dans le texte du Sénat, serait très déstabilisante et se verrait complétée par la possibilité pour les fournisseurs sans production de vendre au tarif, moyennant un droit de tirage sur le parc nucléaire. EDF, ainsi dépouillée, n'aurait plus les moyens de réinvestir dans des nouveaux réacteurs de type EPR ou Génération IV. Ces amendements ultralibéraux, que j'avais dans un autre débat déjà condamnés et appelés amendements « pique-assiette », doivent être déclarés politiquement inacceptables dès leur passage en commission.
J'insisterai ensuite sur les résultats négatifs de la libéralisation de l'énergie.
Enfin et pour terminer, j'évoquerai le problème fondamental de la sécurité de l'approvisionnement énergétique de l'Europe, inséparable d'une réflexion sur les tarifs et que, hélas ! la Commission européenne, uniquement préoccupée par le court terme et le marché, a jusqu'alors totalement délaissée.
Voici donc tout d'abord quelques éléments de réflexion sur un retour au tarif régulé. Le tarif de l'électricité aux résidentiels est régulé par l'État et, à la différence des autres produits vitaux pour la société, son augmentation est administrée, limitée à l'inflation pour les trois ans qui viennent, conformément au contrat de service public en vigueur.
Le système tarifaire existant marque un équilibre fragile, soumis à un ensemble de contraintes. Toute évolution du dispositif réglementaire définissant les tarifs de l'électricité doit répondre à une double exigence : apporter, d'une part, aux clients une visibilité sur l'évolution des prix de l'électricité dans la durée et préserver, d'autre part, la sécurité d'approvisionnement, et donc permettre les investissements nécessaires dans de nouvelles infrastructures en assurant la couverture des coûts.
Or, le système existant fait l'objet de deux procédures communautaires d'infraction contre la France : une pour « manquement », une pour « aide d'État » sur les tarifs verts et jaunes et la mise en place du TARTAM.
La proposition de loi adoptée au Sénat porte la marque de la raison et de l'équilibre. Elle a pour objectif de permettre une forme limitée de réversibilité, réservée au seul cas des déménagements de particuliers, et répond à une demande légitime et ponctuelle des consommateurs. Il serait très préjudiciable à l'avenir du système français d'aller au-delà.
Je reviens maintenant à la mise en place d'une réversibilité totale et sans conditions par un amendement « pique-assiette ». Cette mesure n'aurait pas d'effet significatif pour les clients mais comporte un risque majeur pour la sécurité d'approvisionnement. Elle n'aurait pas d'impact sur le pouvoir d'achat des clients résidentiels. En instaurant par la loi du 7 décembre 2006 un tarif de retour à travers le mécanisme du TARTAM, le législateur a voulu répondre aux préoccupations des PME et des PMI, pénalisées par la hausse des prix de l'énergie. Aujourd'hui, il n'y a pas de consommateurs domestiques dans une situation comparable. Les clients résidentiels, pour la quasi-totalité d'entre eux, bénéficient du tarif – les très rares autres ont des contrats encore inférieurs – et la mise en oeuvre d'une réversibilité totale n'aurait aucun effet sur leur pouvoir d'achat.
Cette mesure est souhaitée par certaines associations de consommateurs au motif que cela contribuerait à consolider dans la durée le tarif réglementé.