Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous aurions pu en rester à l'intervention de François Brottes, talentueuse et fort documentée. Il a précisément rappelé en effet les différentes étapes de la libéralisation du marché de l'énergie depuis quelques années. Mais, comme il m'arrive de dire, ainsi qu'un vieux camarade, qu'il vaut mieux se répéter que se contredire, je vais être conduit à répéter François Brottes, avec moins de talent sans doute, et à me répéter aussi car j'ai souvent abordé cette question dans cet hémicycle.
Quelques mots d'abord sur la sacro-sainte libéralisation, qui allait régler tous les problèmes : chacun serait enfin plus heureux en achetant son électricité – et son gaz – au supermarché ! Nous connaissons le résultat. Nous vous avions pourtant rappelé que, si les prix baissent quand l'offre est supérieure à la demande, ils montent quand elle lui est inférieure. Or nous savions déjà que l'offre d'électricité serait inférieure et que les autres pays attendaient la libéralisation en France pour profiter de nos tarifs. Nous savions aussi, pour le gaz, qu'il suffisait à Poutine et à ses amis, qui ne sont pas idiots, de fermer les robinets pour organiser une forme de pénurie et ainsi faire monter les prix. Nous savions encore que les opérateurs français privatisés – partiellement ou totalement – auraient aussi intérêt, de leur côté, à faire monter les prix.
C'est cette situation qui vous a conduits, mois après mois, à essayer de corriger cette tendance au bénéfice des consommateurs et qui nous réunit, ce soir, dans cet hémicycle.
Monsieur le secrétaire d'État, vous auriez d'ailleurs pu agir – et cela nous aurait épargné cette nuit de débat –, il y a quelques semaines, dans votre projet de loi sur la consommation. Nous avions soutenu des amendements, identiques à ceux que nous allons reprendre ce soir, qui le permettaient. Vous les aviez refusés pour pouvoir, de façon politicienne, présenter le Gouvernement et la majorité comme les auteurs de ces mesures. Les consommateurs auront « seulement » perdu quelques semaines et vos dispositions ne sont pas tout à fait de même nature que les nôtres.
Oui, vous faites bel et bien un coup politicien ! En fixant l'atterrissage à juillet 2010, vous pariez, d'une part, sur une petite baisse des prix de marché. Il est vrai que la décision du Conseil de la concurrence obligeant EDF à fournir de l'électricité à Poweo – les consommateurs vont ainsi permettre à une société privée de gagner de l'argent – aura peut-être une incidence sur les prix. Vous pariez, d'autre part, sur une augmentation du tarif réglementé. La CRE l'a évoqué et des rumeurs en ce sens circulent dans certains ministères. Au moment du Grenelle de l'environnement, on a dit aussi qu'il suffisait d'augmenter les prix pour que les gens se rationnent. Annick Girardin l'a dit avec pertinence, il faut faire des économies. Mais le faire en prenant dans le portefeuille des consommateurs est scandaleux. Certains de nos compatriotes ne se chauffent déjà pas à 19 degrés parce qu'ils n'en ont pas les moyens. En revanche, même si l'électricité est hors de prix, il y aura toujours des gens qui pourront chauffer leur piscine sans regarder la facture. La politique consistant à faire monter les prix pour réaliser des économies d'énergie est donc injuste et antisociale.
Nous ne pouvons accepter votre proposition de fixer un délai jusqu'en 2010. Le problème se posera à nouveau et il faut aller au-delà. Nous savons bien qu'EDF et GDF vous poussent dans cette voie, de même que leurs concurrents, auxquels on a promis qu'ils arriveraient en 2010 au même niveau que les prix administrés et prendraient tout le marché. Voilà pourquoi nous sommes réservés sur ce texte. Certes, l'intention affichée est bonne. Mais elle ne résiste pas à l'analyse. Pour notre part, nous sommes pour des tarifs réglementés qui fassent référence aux prix de revient et aux coûts d'investissement, mais hostiles à des tarifs réglementés qui prépareraient, pour 2010, une déréglementation en douceur qui ne serait pas sans douleur pour nos concitoyens.
C'est donc aujourd'hui une occasion manquée. Mais peut-être dans un an reviendrez-vous faire une énième proposition pour corriger ce que vous n'aurez pas voulu faire bien dès la première fois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)