La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 1210 rectifié, 1441, 1435).
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 1324 portant article additionnel après l'article 14.
La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l'amendement n° 1324 .
Cet amendement, que je défends avec le soutien de Mme Lemorton, vise à moraliser les relations entre les professionnels de santé et les entreprises. Il a pour objet de rendre publiques les conventions entre médecins et entreprises, quelle que soit la nature de celles-ci – je pense par exemple aux laboratoires pharmaceutiques. En effet, les médecins sont non seulement des prescripteurs de soins, mais aussi des ordonnateurs de dépenses, privées – celles des patients – et publiques, via les crédits de l'assurance maladie.
En déposant cet amendement, qu'elle ne manquera pas de défendre à son tour, Mme Lemorton, qui a mené un combat très actif en faveur de la moralisation des professions de santé, notamment en matière d'usage de médicaments, fait oeuvre utile. Nul ne saurait nous objecter, chers collègues de la majorité, que cet amendement met en péril l'assurance maladie. Au contraire : il lui procurera quelque réconfort, car la trop grande proximité entre certains professionnels de santé et des entreprises exerçant dans les secteurs du médicament ou de l'équipement s'est parfois apparentée à de la connivence. En ce domaine, la transparence totale est essentielle.
La parole est à M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 1324 .
L'intention est louable, puisqu'il s'agit d'obtenir une plus grande transparence dans les relations qui existent entre professionnels de santé et industriels. Néanmoins, la commission a repoussé cet amendement, estimant que des dispositions existent déjà dans le code de santé publique, qu'il s'agisse de l'obligation de transmettre aux ordres professionnels compétents les conventions qui unissent professionnels et industriels…
…ou de l'obligation faite aux membres des professions médicales de faire connaître au public les liens qu'ils entretiennent avec certaines industries dès lors qu'ils s'expriment à l'occasion d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur les produits de ces industries. Le souci de Mme Lemorton est donc satisfait.
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1324 .
Le code de déontologie définit déjà les obligations de transparence.
Les professionnels qui participent à des instances consultatives ou à des groupes d'experts doivent d'ores et déjà obligatoirement transmettre une déclaration au ministère de la santé comme aux agences sanitaires, afin de déclarer leurs éventuels liens avec des firmes ou des intérêts privés. Si nous allions plus loin en rendant ces contrats publics, nous nous heurterions à des difficultés juridiques, en matière de respect de la vie privée notamment.
J'ajoute qu'il faudrait cibler avec une grande précision les catégories de contrats qui devraient être rendus publics, car il existe de nombreuses conventions. Il ne serait sans doute pas possible d'appliquer les mêmes obligations aux contrats conclus dans le cadre d'essais cliniques qu'à ceux portant sur des actions promotionnelles. Un tel travail d'identification imposerait un dialogue préalable avec les professionnels de santé et les associations de patients.
Je suis donc défavorable à cet amendement, mais je le répète : toutes les actions de promotion ou les participations à des instances consultatives ou à des groupes d'experts sont d'ores et déjà déclarées aux instances sanitaires compétentes.
…par vos propos, madame la ministre. Permettez-moi de citer un rapport de l'IGAS, que vous avez vous-même commandé et qui vous a été rendu en janvier 2009 – c'est tout récent. Au chapitre IV, intitulé « Une forte opacité sur les rémunérations complémentaires liées aux activités de recherche et d'expertise des médecins », voici le paragraphe relatif aux « fonctions de consultant au bénéfice de l'industrie pharmaceutique » :
« Dans cette activité, le médecin remplit la fonction de conseil auprès de l'entreprise de l'industrie pharmaceutique ou biomédicale qui l'emploie. C'est en général le fait de médecins hospitalo-universitaires ayant le statut de “leader d'opinion”. Cette collaboration avec l'industrie pharmaceutique ou biomédicale donne lieu à la signature d'un contrat de droit privé entre le médecin et l'industriel ».
Je vous interromps, madame Lemorton, pour annoncer à l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement n° 1324 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Veuillez poursuivre, madame Lemorton.
« Ce contrat doit être communiqué par le médecin au conseil départemental de l'Ordre dont il dépend, mais aucune obligation de nature règlementaire ne lui est faite d'informer son employeur principal – l'institution qui l'emploie – de l'existence de ce contrat et a fortiori des clauses de son contenu, alors que la fonction est le plus souvent tirée de la notoriété attachée tout à la fois au médecin et à l'établissement auquel il appartient. Cette rémunération personnelle fait seulement l'objet d'une déclaration de revenus lors de la déclaration annuelle aux services fiscaux. Aucune rémunération n'est versée à l'établissement pour cette fonction » – établissement qui, je le rappelle, donne sa notoriété au médecin. « Aucun barème de ces revenus n'est actuellement rendu public ».
Permettez-moi de vous lire aussi les propos qu'a adressés par lettre le représentant de l'Ordre des médecins à la mission : « Certains de nos confrères hospitaliers cumulent les contrats en tant que coordonnateurs d'études, experts ou conseillers scientifiques consultants auprès de plusieurs industriels. Ces cumuls de contrats peuvent représenter une masse d'honoraires dépassant leur rémunération hospitalière ou hospitalo-universitaire, et occuper une part de leur temps de travail très supérieure à ce qui est raisonnable et autorisé ». Ce courrier a été adressé à la mission le 22 octobre 2008 par le docteur Bernard Chanu.
Vous le voyez, madame la ministre : rien de tout cela n'est clair. L'IGAS reconnaît elle-même l'opacité du dispositif. Selon moi, c'est le droit du patient – cela ne doit pas être réservé à l'Ordre des médecins – que de savoir, lorsque son médecin hospitalo-universitaire – catégorie visée dans le rapport de l'IGAS –, hospitalier ou libéral, lui prescrit tel ou tel médicament, si ledit médecin mène des expertises pour l'industrie pharmaceutique sur la molécule prescrite.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 1324 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 30
Nombre de suffrages exprimés 30
Majorité absolue 16
Pour l'adoption 9
Contre 21
(L'amendement n° 1324 n'est pas adopté.)
Je souhaite motiver notre demande de scrutin public, puisque nous avons souhaité que ce débat soit ainsi tranché. Mme la ministre a évoqué la vie privée des professionnels de santé pour faire barrage à un amendement qui, au contraire, vise à moraliser les relations d'affaires qu'ils entretiennent avec des entreprises du secteur du médicament ou de l'équipement médical. À la vie privée, nous avons souhaité opposer le scrutin public. En effet, des rapports provenant de votre propre ministère font clairement état de l'opacité qui règne dans ces relations. À écouter le rapporteur, j'avais presque l'impression qu'il plaidait en faveur de l'omerta au sein de l'Ordre sur de tels sujets, ce qui est fâcheux.
Dans un domaine aussi sensible, il me semble que la meilleure régulation est non pas l'autorégulation décidée dans les lieux feutrés des ordres professionnels, mais plutôt la transparence nécessaire. Si cette transparence existait dans de tels domaines, on constaterait certainement moins d'écarts et d'excès dont notre pays est hélas familier.
La question, madame la ministre, est non pas de savoir si les règles déontologiques existent, mais si elles sont suffisantes, appliquées et efficaces. Or, elles ne le sont pas ; pourtant, vous n'avez pas voulu accepter cet amendement.
Je suis saisi de deux amendements, nos 395 rectifié et 1322 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 395 rectifié .
Cet amendement, cosigné par plusieurs de nos collègues, vise à rappeler les compétences, la proximité et l'accessibilité des pharmaciens d'officine, en précisant que ceux-ci contribuent aux soins de premier recours, participent à la coopération entre professionnels de santé et au service public de la permanence des soins.
Cet amendement a été adopté contre l'avis du rapporteur. J'estimais en effet qu'il se bornait à énumérer les tâches qu'accomplissent les pharmaciens, n'apportant rien à leur pratique. En outre, il va à l'encontre de l'orientation du texte qui vise à promouvoir les coopérations et à assouplir le partage des tâches entre professions de santé. J'ajoute que le commission a adopté, après l'article 17, des amendements visant à impliquer les pharmaciens dans la coordination du parcours de soins des patients.
Depuis les réunions de la commission, une concertation menée avec les représentants des pharmaciens a abouti à une solution consensuelle consistant à rectifier l'amendement n° 395 , de sorte qu'il correspond maintenant à l'intention de la commission de confier aux pharmaciens un rôle de coordination.
Il s'agit d'un amendement important. Le pharmacien d'officine est le seul professionnel de santé dont le code de la santé publique ne précise pas le champ d'activité, sinon par le biais de la définition traditionnelle de l'officine. Or il occupe actuellement, dans le système de santé, un rôle central, qui est d'ailleurs amené à l'être de plus en plus, compte tenu des problèmes liés à la permanence des soins. Il exerce en effet des missions en matière d'éducation à la santé, de dépistage de certaines affections, de conseil pharmaceutique, d'accompagnement et d'optimisation des traitements médicaux.
Le réseau des pharmacies tel qu'il est organisé par la loi de 1949 permet d'assurer un maillage de proximité très dense. En outre, les pharmaciens sont très disponibles, puisque leurs officines sont ouvertes pendant de longues plages horaires. Il est donc important de reconnaître la place de ces professionnels dans le code de santé publique.
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l'amendement n° 1322 .
Puisque tout ou presque a été dit sur cet amendement qui semble faire consensus, ce dont je me félicite, je me contenterai de d'expliciter les missions que nous souhaitons inscrire dans la loi.
Les pharmaciens « contribuent aux soins de premier recours ». Il est en effet parfois plus facile, compte tenu de la répartition territoriale des pharmacies, de rentrer dans une officine que de pousser la porte d'un cabinet médical.
Ils « participent à la coopération entre professionnels de santé » : de plus en plus de pharmaciens s'investissent dans des réseaux de santé – diabète, maintien à domicile, toxicomanie – où ils occupent souvent un rôle central.
Ils « participent au service public de la permanence des soins » : il est important de l'inscrire dans la loi, même si, depuis environ deux ans, une convention impose à tous les pharmaciens d'officine d'assurer la permanence des soins. Je rappelle d'ailleurs que les médecins, quant à eux, en sont dispensés depuis 2003 – on marche parfois sur la tête !
Les pharmaciens « concourent aux actions de veille et de protection sanitaires » : les officines proches des centrales nucléaires, par exemple, sont dotées de comprimés d'iode.
Ils « peuvent participer à l'éducation thérapeutique et aux actions d'accompagnement de patients » ; nous y reviendrons à l'article 22, qui nous tient à coeur.
Puisqu'il semble faire consensus, j'espère que cet amendement sera adopté.
Favorable sur le principe, mais la rédaction de l'amendement n° 395 rectifié me paraît préférable.
Même avis que la commission. Ces amendements sont inspirés par la même philosophie, mais je préfère la rédaction de l'amendement n° 395 rectifié .
J'ai beaucoup de respect pour le travail des pharmaciens, notamment pour leur rôle de proximité et de suivi des patients, mais je m'étonne que l'on accepte d'inscrire leurs missions dans la loi alors qu'on a refusé tout à l'heure de le faire pour les infirmières et les infirmiers. Pourquoi traite-t-on différemment les infirmiers et les pharmaciens d'officine ?
Madame Poletti, le décret d'actes réalisés par les infirmières figure déjà dans le code de la santé publique, ce qui n'est pas le cas pour les pharmaciens. D'où ces amendements, qui apportent une précision nécessaire.
Je le retire, d'autant que je préfère la rédaction de l'amendement n° 395 rectifié .
(L'amendement n° 1322 est retiré.)
(L'amendement n° 395 rectifié est adopté.)
Cet amendement a pour objet de préciser le rôle de coordinateur dévolu aux pharmaciens, afin de tirer profit de la proximité et de la compétence pharmaceutiques.
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l'amendement n° 1325 .
Je souhaiterais tout d'abord répondre à Mme Poletti, qui a raison de poser la question de l'inégalité de traitement entre les pharmaciens et les infirmières. Actuellement, les pharmaciens sont amenés à exercer, en s'y adaptant au fil des années, des missions très différentes du rôle de détaillants de médicaments que leur reconnaissait à l'origine le code de la santé publique. Or, ces missions n'étant pas inscrites dans la loi, les pharmaciens risquent de n'être pas couverts par leur assurance s'ils rencontrent un problème dans le cadre de leur exercice.
Ainsi, ils sont parfois amenés à modifier des posologies en fonction de certains problèmes, liés notamment aux effets secondaires ou indésirables des médicaments prescrits, ou en fonction de résultats d'analyses biologiques – je pense notamment aux antiagrégants plaquettaires. Or ils n'y sont pas autorisés par la loi. Nous souhaitons donc que cela leur soit désormais permis, dans des conditions déterminées par des protocoles élaborés par la Haute autorité de santé et avec l'accord du médecin traitant.
Cet amendement fait l'objet d'un sous-amendement n° 1944 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Il me paraît important que, dans l'amendement n° 903 , les mots : « pharmacien traitant » – expression qui peut prêter à confusion avec celle de « médecin traitant » – soient remplacés par : « pharmacien désigné ».
Par ailleurs, je souhaiterais que Mme la ministre soit attentive au fait que, pour devenir un véritable acteur de la santé et participer à la prévention et à l'éducation à la santé, le pharmacien doit aménager dans sa pharmacie un espace de confidentialité. En effet, actuellement, toutes les officines ne sont pas adaptées à la délivrance de conseils individualisés.
Enfin, compte tenu de ces nouvelles missions, est-il prévu de modifier la rémunération des pharmaciens, pour qu'elle se fasse en partie à l'acte et en partie à la marge lissée ?
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l'amendement n° 1417 .
Ces différents amendements tendent tous à élargir les missions du pharmacien, qu'il s'agisse d'en faire un pharmacien traitant ou de prévoir qu'il sera désigné par le patient dans le cadre des coopérations instituées à l'article 17.
Sur le fond, il s'agit d'une bonne idée, car il faut évidemment tirer le meilleur parti possible du réseau des pharmaciens. Néanmoins, la commission a rejeté ces amendements pour des raisons de forme, car, ainsi que le faisait remarquer à l'instant Jean-Luc Préel, l'expression « pharmacien traitant » pourrait entraîner une confusion avec le dispositif du médecin traitant, qui est d'une tout autre nature. En effet, il n'est pas question de pénaliser un assuré social qui se rendrait chez un autre pharmacien que celui qu'il a désigné pour assurer son suivi.
Au demeurant, ces amendements, qui visent à renforcer l'implication du pharmacien dans la coordination des soins, nous semblent satisfaits par le dispositif de l'amendement n° 395 rectifié , que nous avons voté il y a quelques instants.
L'amendement n° 395 rectifié résume ces différentes propositions, puisqu'il précise le rôle du pharmacien coordinateur, qui me paraît en effet être le bon concept.
S'agissant de l'évolution de la rémunération des pharmaciens, sur laquelle Jean-Luc Préel m'a interrogée de façon très précise, nous avons constitué, avec la profession, un groupe de travail qui mène une réflexion nourrie et approfondie sur ce thème. On pourrait en effet imaginer d'autres modes de rémunération que le « paiement à la boîte », tout comme l'on pourrait envisager une solution différente du paiement à l'acte pour les médecins.
En résumé, je demande aux auteurs des amendements de bien vouloir les retirer, dans la mesure où ils sont satisfaits par l'amendement n° 395 rectifié .
Par l'amendement n° 1325 , nous ne faisons que proposer d'inscrire dans la loi un mode de fonctionnement qui existe déjà dans les pharmacies. En effet, le pharmacien qui fait son travail peut parfois être amené à modifier une ou plusieurs des spécialités pharmaceutiques prescrites, en accord avec le médecin traitant, souvent à la suite d'examens biologiques ; Mme Lemorton a cité les antiagrégants plaquettaires, qui sont un exemple typique. Je ne comprends pas pourquoi cette pratique ne serait pas reconnue par la loi.
Nous maintenons nos amendements, d'autant que, dans certains territoires, les médecins sont si peu nombreux que les pharmaciens sont souvent obligés d'avancer les produits. Ensuite, il faut régulariser la situation et cela peut poser des problèmes, notamment vis-à-vis de la sécurité sociale. En adoptant ces amendements, on éviterait beaucoup de difficultés sur le terrain.
(L'amendement n° 1325 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 1417 n'est pas adopté.)
Il s'agit de permettre aux pharmaciens d'officine de proposer aux malades ou aux personnes âgées ou handicapées des services pour favoriser leur maintien à domicile.
Ces amendements ont été rejetés par la commission en raison du risque de confusion des genres dans l'activité des pharmaciens.
Le déploiement des services d'aide personnelle peut être intéressant, mais nécessiterait un personnel nombreux. Il ne faudrait pas, en effet, que le seul pharmacien titulaire d'une officine se trouve éloigné de celle-ci par des activités autres que sa mission principale. Je souhaite par conséquent que ces amendements soient retirés. À défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 591 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
L'amendement n° 591 vise à ce que les centres de santé élaborent un véritable projet de santé. En effet, les centres de santé font partie du dispositif des soins de ville au titre de l'offre de soins de premier recours et sont un élément déterminant de l'accessibilité des soins.
La commission a rejeté cet amendement déjà largement satisfait dans la mesure où il reprend des dispositions des alinéas 58 à 63 de l'article 1er, notamment l'obligation à la charge de tout centre de santé d'établir un projet de santé. En outre, les centres de santé pourront conclure avec les ARS des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens.
Même avis que la commission.
M. le rapporteur nous assure que l'on pourra trouver, sous forme de pièces détachées éparpillées dans le texte, des réponses à nos questions. Pour notre part, il nous paraît important que la loi fixe certains principes, en l'occurrence celui de l'égalité entre les centres de santé et les autres formes d'exercice de la médecine – en particulier la médecine libérale traditionnelle –, afin que nous marquions notre soutien à la diversité des modes d'exercice de la médecine. Comme l'ont montré plusieurs témoignages, apportés notamment par nos collègues de Haute-Garonne ou de Seine-Saint-Denis, les centres de santé font partie d'une organisation territoriale qui peut être très innovante et particulièrement utile dans le contexte actuel, marqué par un risque de désertification médicale. Cet amendement mérite par conséquent d'être soutenu.
(L'amendement n° 591 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2028 .
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement devrait recueillir l'unanimité dans la mesure où il a initialement été proposé par Marc Bernier, qui reprenait lui-même une proposition figurant dans l'excellent rapport de Christian Paul. Je salue au passage le remarquable travail effectué par ces deux parlementaires, qui a guidé la préparation du présent projet de loi. Cet amendement avait été déclaré irrecevable au titre de l'article 40, mais j'ai décidé de le reprendre au nom du Gouvernement pour qu'il soit tout de même soumis à la discussion.
L'objectif est de soutenir le développement des maisons de santé et, de façon plus générale, le renforcement de l'offre de soins de premier recours, d'une façon coordonnée et maîtrisée. Il comporte deux mesures importantes.
Premièrement, il s'agit de définir plus précisément les maisons de santé afin de les différencier des simples cabinets médicaux libéraux de groupe – des médecins peuvent en effet exercer en groupe sans constituer pour autant une maison de santé – et de les dénombrer. L'exercice en maison de santé doit être pluri-professionnel et donc associer professionnels médicaux et auxiliaires médicaux – précision que la rédaction actuelle ne permettait pas d'apporter – afin de développer, comme nous le souhaitons, de véritables coopérations entre les professionnels de santé. Par ailleurs, la prise en charge des patients par les professionnels en maison de santé doit être coordonnée. L'inscription dans la loi du projet de santé de la maison de santé garantit que les professionnels de santé ont réfléchi conjointement à la prise en charge coordonnée et en partagent les valeurs – j'insiste sur la notion de valeurs.
Deuxièmement, cet amendement instaure un financement de la coordination des soins assurée par les maisons de santé, les centres de santé et les pôles de santé par le FIQCS – Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins. Afin de renforcer l'attractivité des maisons de santé, le Gouvernement prévoit que le FIQCS y consacrera une part de son budget atteignant au moins 20 millions d'euros. Le texte que nous examinons n'ayant pas vocation à constituer le support de dispositions financières, je présenterai une mesure en ce sens dans le cadre du PLFSS pour 2010.
À titre indicatif, je pense qu'il serait souhaitable de tenir compte de l'évolution des maisons de santé pluridisciplinaires pour faire progresser le montant du financement qui leur est destiné jusqu'à 25 % de la dotation régionale du FIQCS, ce qui devrait rapidement nous permettre de nous appuyer sur un maillage territorial d'offre de soins de premier recours durable, fiable et modernisé. J'attache beaucoup d'importance à cet amendement qui constitue le fruit du travail parlementaire.
Comme nous, madame la ministre, vous estimez utile qu'un contrat de projet médical soit négocié entre l'agence régionale de santé et les centres de santé. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas envisager la même mesure à l'égard des médecins libéraux ?
Par ailleurs, si la somme de 20 millions d'euros n'est pas négligeable, elle ne représente certainement pas plus de 1 % de la dépense relative à la médecine ambulatoire. Je ne suis donc pas certain que cette somme soit à la hauteur des enjeux.
Je vous l'ai dit, nous reverrons cela lors de l'examen du PLFSS !
Vous conviendrez qu'au rythme de financement que vous proposez, madame la ministre, le désert médical se trouvera bien peu freiné dans son expansion !
Je veux faire deux remarques. Nous avons déjà eu l'occasion de souligner le rôle important des maisons de santé. La proposition consistant à ce que les maisons de santé élaborent un projet de santé est intéressante, mais pour que ces maisons de santé fonctionnent, encore faut-il que l'élaboration du projet médical précède leur création. En effet, nous connaissons tous des exemples de maisons de santé instaurées par des collectivités et qui ne fonctionnent pas de manière satisfaisante parce que leur création ne répondait pas à un vrai besoin. Il s'agit là d'un problème majeur auquel l'amendement du Gouvernement ne répond pas.
Par ailleurs, vous savez que je plaide depuis longtemps en faveur de la fongibilité des enveloppes. Faire financer les maisons de santé par le FIQCS, qui dispose de moyens très limités, me paraît inapproprié : il serait préférable d'attribuer à chaque ARS une enveloppe à répartir à l'échelle de la région dans le cadre d'un ORDAM – l'équivalent de l'ONDAM, mais au niveau de la région.
Madame la ministre, je me permets de rectifier ce que j'ai dit tout à l'heure : vérification faite, la somme de 20 millions d'euros représente seulement un pour mille, et non 1 %, de la dépense relative à la médecine ambulatoire.
Je veux d'abord préciser à M. Le Guen que les contrats avec les médecins libéraux sont prévus à l'article 26 du projet de loi.
Par ailleurs, nous avons pour le moment été saisis de 47 demandes de maisons médicales pluridisciplinaires, et nous adapterons le financement de ces établissements, auxquels le Gouvernement est attaché, en fonction de leur progression. La fongibilité des enveloppes, évoquée par M. Préel, constituera un élément essentiel de la gestion des ARS, qui pourront ainsi flécher les disponibilités en fonction des besoins, des particularités des territoires et des demandes.
Enfin, je le dis clairement, il ne s'agit pas de financer des structures bénéficiant à des professionnels qui gagnent plutôt bien leur vie. Si nous souhaitons avoir une action incitative forte, nous ne voulons certainement pas aboutir à une distorsion en termes d'égalité de nos concitoyens, ce qui serait particulièrement malvenu dans la période difficile que nous traversons.
Chacun reconnaît l'importance de cet amendement. On ne peut néanmoins que s'interroger sur l'accompagnement financier de ces structures.
Vous avez indiqué, madame la ministre, qu'il était nécessaire de prendre des mesures incitatives, dont je pense qu'elles ne rémunéreront pas les médecins et les professionnels de santé mais serviront plutôt à la gestion de la structure.
Par ailleurs, même si nous en discuterons lors du PLFSS pour 2010, nous aimerions connaître non pas l'enveloppe par maison de santé – ce qui n'aurait pas grand sens –, mais le pourcentage de financement assuré par le FIQCS pour chaque maison ainsi que l'évolution de ce financement, sachant que ce fonds d'intervention permet de soutenir des mesures incitatives, mais pas de pérenniser les structures.
Doit-on dès lors considérer qu'à un moment donné ces structures fonctionneront assez bien pour se passer du FIQCS ? Si je pose la question, c'est qu'on a vu à plusieurs reprises des maisons ou des réseaux de santé arrêter de fonctionner dès lors que les dispositifs de financement spécifiques dont dépendaient ces structures étaient supprimés.
L'intention est donc bonne, mais pèche par trop de flou artistique dans sa formulation.
Comme Mme Génisson, je souhaiterais quelques explications supplémentaires.
Votre amendement, madame la ministre, précise clairement que les maisons de santé perçoivent une dotation de financement du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins, laquelle « contribue » à financer l'exercice coordonné des soins.
Dans la mesure où il s'agit d'une simple contribution, il est sous-entendu qu'existent d'autres sources de financement, comme l'assurance maladie. Ne risque-t-on pas dès lors d'assister à une dérive qui fasse de plus en plus peser le financement des maisons de santé sur les collectivités territoriales ? Les soins sont une chose, mais encore faut-il que toutes les actions de coordination puissent être financées, ce qui n'est pas clairement établi par votre texte qui parle d'une simple contribution.
Vous proposez par ailleurs que la part du financement du FIQCS soit fixée chaque année, ce qui n'exclut pas de la voir progressivement diminuer jusqu'à disparaître totalement. Or il nous semble important de réaffirmer ici les devoirs « régaliens » de l'État en matière de santé et de financement de l'assurance maladie.
Votre amendement aurait également pu exiger un conventionnement. En effet, les maisons de santé relèvent souvent de projets de territoires, et une convention permettrait de définir les responsabilités des uns et des autres dans leur fonctionnement.
Monsieur Chassaigne, non seulement la convention est souhaitable, mais le texte la rend obligatoire. Il ne peut y avoir de financement sans convention.
Je parlais d'une convention passée avec les véritables porteurs du projet, à savoir les collectivités territoriales, les départements ou les régions qui engagent des politiques publiques.
Le conventionnement médical va de soi, mais il me semble également nécessaire qu'une convention passée avec les collectivités territoriales établisse clairement les responsabilités et les financements des uns et des autres, de manière à éviter toute dérive.
Nous apprécions cet amendement, madame la ministre, dont vous avez bien voulu citer l'origine. Je voudrais cependant nous prémunir et vous prémunir contre les effets d'annonce. Pour cela, nous aimerions connaître sinon dans ses détails du moins dans ses principes, et, si possible, éléments budgétaires à l'appui, ce que sera votre politique en matière de maisons de santé.
Vous proposez que la place de celles-ci soit réaffirmée dans la loi. Fort bien. Vous affirmez la nécessité d'un projet de santé. Fort bien également, car il ne s'agit pas simplement de répondre aux exigences immobilières de professions dont vous avez rappelé qu'elles sont solvables grâce à de l'argent public. Pour autant, qu'il s'agisse d'investissement ou de fonctionnement, quels sont exactement le poids et la portée de votre engagement ?
En matière d'investissement d'abord, vous avez annoncé à la sortie des états généraux que vous alliez aider une centaine de maisons de santé à hauteur de 70 000 euros.
Ce chiffre correspond aux besoins !
Le problème c'est qu'aujourd'hui ces maisons de santé sont très largement mises en place grâce au financement des collectivités locales. Les subventions dont elles bénéficient proviennent des régions et des départements et, quand l'État intervient, c'est généralement par la voie d'autres ministères que le vôtre, madame la ministre, notamment par le biais de la dotation globale d'équipement laquelle, lorsque vous mettez 70 000 euros sur la table, en offre autant, voire plus.
Il va vous falloir tirer les conséquences budgétaires de cette loi, et nous aimerions connaître vos intentions en la matière. Pour faire référence aux travaux de la commission Balladur, je vous pose la question : qui doit être compétent en matière de financement des maisons de santé ? Envisagez-vous de maintenir des financements croisés dans lesquels se superposent l'État, la région, le département, la communauté de communes et la commune, ou bien avez-vous une autre stratégie ?
Quant à la dotation du FIQCS, elle me laisse songeur, car il s'agit d'un fonds sous-utilisé, qui connaît chaque année des reports de crédits non utilisés, sans doute parce que sa publicité n'est pas assurée de façon assez vigoureuse. Je suis certes prêt à entendre que, demain, les agences régionales de santé feront en sorte qu'il soit mieux utilisé, mais j'aimerais surtout que vous nous disiez ce soir comment vous concevez l'aide – parlons non pas d'un montant précis, mais au moins d'une fourchette ! – qu'apportera le FIQCS aux maisons de santé.
Au-delà de cet amendement, quelle est la stratégie de l'État et de votre ministère pour aider ces maisons de santé que nous soutenons unanimement, que ce soit dans l'hémicycle ou sur le terrain ? Chacun d'entre nous, comme le rappelait le président Le Fur, en a dans sa circonscription, et il faut maintenant les faire vivre, donc y attirer des médecins, ce qui n'est pas forcément facile. Il faut également y créer des conditions de travail réellement attractives.
Ma question, madame la ministre, se résume donc à un mot : combien ?
Vous avez rappelé, monsieur Christian Paul, le principe qui me tient à coeur et selon lequel les fonds alloués à la maison médicale sont destinés à renforcer son attractivité auprès des professionnels sans pour autant en assurer intégralement le financement dans la mesure où ces professionnels gagnent par ailleurs convenablement leur vie.
Nous nous sommes rendus avec le Président de la République à Bletterans, petit village du Jura, où nous avons pu visiter une maison médicale qui marche fort bien. Les professionnels médicaux qui y travaillent gagnent convenablement leur vie, dans des conditions agréables et en garantissant aux malades des prestations techniques de toute première qualité – sans doute aurais-je d'ailleurs dû commencer par là, car c'est le plus important !
Les projets qui fonctionnent sont ceux portés par les acteurs de terrain. Ce qui se décide en haut lieu, sans l'assentiment des professionnels de santé, peut rapidement se transformer en coquille vide. C'est donc sur ces professionnels qu'il faut s'appuyer pour élaborer des projets de santé.
Les agences régionales de santé auront également un rôle primordial à jouer dans l'organisation du territoire, avec le SROS. Vous vous interrogiez sur l'implication des élus locaux : c'est précisément au sein des ARS que devront se mettre en place les plateformes de concertation entre l'organisateur des soins, les élus locaux qui participent au financement et les professionnels de santé.
Vous me demandez : combien ? À cet instant de notre débat, je suis tout à fait incapable de vous le dire. J'aimerais vous répondre : le maximum, mais ce n'est pas là une évaluation très fine. Quoi qu'il en soit, à force de mobilisation, j'estime que, d'ici à une dizaine d'années, 30 % des professionnels de santé devraient être regroupés dans ce type de structures. Je vous donne ce chiffre intuitivement, mais nous pourrions en faire un objectif à atteindre ensemble. Il faudra, pour cela, mobiliser les professionnels et faire évoluer leur culture. Nous retrouvons là la fameuse interrogation de Montesquieu : est-ce la loi qui fait les moeurs ou les moeurs qui font la loi ?
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Comme l'a dit Christian Paul, il y a urgence, madame la ministre, à cause de l'attente des professionnels et des craintes des élus.
Pour l'heure, chacun a tendance à agir à sa guise, dans le plus grand désordre, ce qui aboutit parfois à une surenchère de financements. Or, vous l'avez dit tout à l'heure, il n'est pas normal qu'une maison de santé soit financée à 50 % ou 80 % par les contribuables, car elle est destinée à des professions qui peuvent et doivent payer une location.
Il est donc urgent, pour éviter les difficultés et les surenchères, de fixer le cadre et les modalités de financement, et il me semble indispensable que ces orientations soient définies dans les trois mois qui viennent.
(L'amendement n° 2028 , accepté par la commission, est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n° 396 rectifié , qui fait l'objet de deux sous-amendement, nos 2008 et 2029 .
La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 396 rectifié .
Cet amendement propose, à l'initiative de Marc Bernier, une définition des pôles de santé, dont il rappelle la spécificité et l'intérêt.
Il s'agit d'organisations nouvelles à vocation plus territoriale que les maisons de santé et qui mettent en réseau des professionnels de santé s'appuyant sur un hôpital local ou des EPAD pour organiser des soins de premier recours à l'échelle d'un bassin de vie.
Cette forme d'organisation est très cohérente avec l'esprit des nouveaux schémas régionaux d'offre de soins entre la ville et l'hôpital. La définition législative que je vous propose d'accepter permettra de favoriser le développement de ces pôles de santé.
La parole est à Mme la ministre pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 396 rectifié et présenter les sous-amendements nos 2008 et 2029 .
Je voudrais commencer par souligner que cet amendement est très important : je rends hommage au travail de Marc Bernier sur ce sujet.
Le sous-amendement n° 2008 vise à permettre aux pôles de santé d'exercer aussi des activités de soins de second recours, ce qui peut se révéler très utile.
Quant au sous-amendement n° 2029 , il vise à soutenir le développement des pôles de santé et le développement coordonné d'une offre de soins de premier recours. Un financement de la coordination des soins assurée par les pôles de santé est ainsi instauré grâce au FIQCS que son règlement n'autorisait pas jusqu'ici à financer ce type d'actions.
La commission n'a pas examiné ces sous-amendements. Ils instaurent de la souplesse, c'est pourquoi j'y suis favorable à titre personnel.
Nous sommes également favorables à l'idée des pôles de santé.
Lors du débat sur le projet de loi de finances, il y a quelques semaines à peine, nous avions proposé d'augmenter le FIQCS de 240 millions d'euros – il se serait alors monté à 732 millions d'euros – tout en diminuant l'ONDAM de ville de 1 % : cette mesure était neutre financièrement, mais aurait montré une volonté politique d'organiser notre système de médecine ambulatoire.
Le Gouvernement n'a malheureusement pas trouvé utile d'anticiper et, au mois d'octobre, il ne nous avait pas suivis sur ce point.
On n'en avait pas besoin à ce moment-là !
Mais, madame la ministre, le problème est simple : ou bien on pense une seule seconde que les problèmes de désertification et d'organisation du système de médecine ambulatoire vont se résoudre par une espèce de rosée qui va tomber sur nos territoires ; ou bien on pense que les pouvoirs publics doivent mettre en place une action volontaire pour organiser ce système.
Si votre attitude est d'attendre que les choses se fassent toutes seules, vous risquez d'attendre longtemps ! Les professionnels de santé soignent, soignent même beaucoup ; et ils ont autre chose à faire que de monter des réseaux, des structures alternatives, donc des dossiers administratifs. Sans volonté des pouvoirs publics d'aller vers eux et de les aider, sans volonté de construire ici des pôles de santé, là des centres de santé, en fournissant les financements nécessaires, eh bien, nous risquons d'attendre très longtemps !
Dans ce domaine, il est impossible de se contenter de répondre aux demandes venues du terrain : il faut aller au-devant des professionnels de santé pour solliciter plus de regroupements et de travail collectif.
Par ailleurs, il ne faudrait pas laisser croire – comme l'ont fait certains intervenants à l'instant – que cet argent va servir à financer, directement ou indirectement, les professionnels de santé ! S'il s'agit de financer les professionnels de santé, il ne faut pas le faire ! Par les temps qui courent, on se tromperait de combat. Le problème est peut-être qu'il faudrait vous former une philosophie sur le sujet : que dit-on, quel statut et quelle rémunération offre-t-on aux professionnels de santé ?
À quoi va servir cet argent ? J'estime pour ma part qu'il devrait servir à dégager du temps médical, c'est-à-dire à payer du temps administratif, à permettre de mettre en oeuvre des coordinations médico-sociales, à engager un certain nombre de professionnels de santé, par exemple des infirmières qui auraient reçu des délégations de tâches et de compétences, sous la responsabilité des médecins. Il s'agit donc d'augmenter l'offre de santé, et absolument pas d'augmenter la rémunération des professionnels !
Vous employez des concepts très sympathiques, mais vous refusez de dire de quoi il s'agit pour ne pas heurter certaines idées, qui sont les idées traditionnelles de la médecine libérale auxquelles la majorité a promis de ne pas toucher. Oui, il faudra payer ces professionnels autrement qu'à l'acte ! Oui, il faudra qu'ils travaillent en équipe, avec des assistantes chargées de gérer les questions administratives, légitimes, posées par la sécurité sociale, et avec des assistantes chargées de gérer la coordination des soins au plan médico-social ! Oui, l'évolution vers un nombre croissant de maladies chroniques obligera à rémunérer des préventistes qui feront de l'éducation thérapeutique et des interventions de prévention dans les territoires.
Voilà ce à quoi renvoie le fameux FIQCS. Il ne s'agit pas, mais alors pas du tout, de payer des locaux ou des compléments de revenus à des médecins ! Ou alors, on se trompe lourdement et ce fonds est parfaitement inutile.
Enfin, l'usage du FIQCS est commode, mais ce fonds n'est en réalité pas adapté. Le problème, c'est de trouver pour ces structures des financements pérennes. Comment voulez-vous rendre crédibles de telles structures si elles sont lancées pour un an et qu'il faut chaque année présenter un nouveau dossier ? Ce n'est pas comme cela que l'on luttera contre la désertification médicale !
Un peu de volontarisme, de planification et de clarification sont nécessaires, mais visiblement, la majorité n'a pas encore pensé à ce qu'il était possible de faire !
La majorité a pensé, et la preuve en est que nous proposons l'instauration des pôles de santé.
Cette notion, nouvelle, de pôles de santé n'a rien à voir avec celle de maisons de santé pluridisciplinaires. Je le répète : les pôles de santé, qui sont conçus à l'échelle d'un bassin de vie, ont vocation à regrouper plusieurs maisons de santé pluridisciplinaires. Je souligne qu'ils peuvent disposer de cabinets satellites, qui permettent de soigner les patients qui vivent loin du centre du territoire. Il n'est en effet pas question de tout regrouper au chef-lieu de canton – j'emploie un terme connu de tous – pour créer un désert tout autour.
Ce bassin de vie est la réalité qui permet d'assurer de façon permanente non seulement les soins bien sûr, mais aussi le partage des outils informatiques, l'exercice sous des statuts qui peuvent être divers, ou encore l'accueil de stagiaires, mentionné tout à l'heure par Michel Raison.
Tout cela fonctionne déjà dans mon département ; Mme la ministre a pu le constater par elle-même. Cela ne peut peut-être pas être imité partout, mais je pense que certains territoires pourraient utiliser cette structure nouvelle que sont les pôles de santé.
Je rejoins Pierre Méhaignerie quand il souligne qu'il faut faire attention à la pléthore d'aides aujourd'hui proposées. Pour recevoir de telles subventions des collectivités territoriales et a fortiori de l'État, je crois qu'un projet médical, un projet de territoire, préalable est nécessaire.
On peut facilement adhérer à la démonstration que vient de faire Marc Bernier. Je voudrais en témoigner également : en tant qu'innovation locale, les pôles de santé sont une forme très intéressante d'organisation qui va plus loin que les maisons de santé pluridisciplinaires.
On pourrait s'accorder pour que la loi vienne codifier, célébrer en quelque sorte, des expérimentations locales : jusque là, nous sommes d'accord, et il faudrait être animé d'un esprit terriblement polémique pour ne pas voter cet amendement.
Mais – et ce que je vais dire vaut aussi pour les maisons de santé, car je n'ai pas entendu de vraie réponse à mes questions – si vous intégrez dans cette loi des éléments d'organisation, nous ne voyons se dessiner ni stratégie, ni philosophie, ni d'ailleurs allocation claire de moyens. Or, c'est ce qu'il faudrait connaître. Mentionner dans la loi les maisons de santé, les pôles de santé, c'est très bien. Mais nous avons maintenant un peu d'expérience ; nous ne sommes pas tombés de la dernière annonce gouvernementale.
Depuis 2002, vous avez laissé dépérir les réseaux de santé qui avaient été mis en place à l'initiative du gouvernement Jospin. Ces réseaux, thématiques ou locaux, qui bénéficiaient au départ d'un soutien de l'État et des collectivités locales, ont souvent été laissés à l'abandon.
Lorsque le Gouvernement nous parle de pôles de santé, le fait qu'il ne nous indique ni la nature de son soutien ni la stratégie qu'il adopte nous inquiète. S'agit-il de soutenir des expérimentations ? Est-ce une politique nationale ? Faut-il un maillage du territoire, madame la ministre, et alors, allez-vous donner aux ARS des instructions pour s'engager dans cette politique ?
Nous voudrions savoir quelle est votre stratégie ; nous voudrions avoir connaissance des instructions que vous donnerez. Cette loi est une loi d'organisation, abstraite, hors-sol. Or le compteur tourne ! La lutte contre le désert médical est une course contre la montre, et nous n'avons pas envie d'en discuter encore avec le successeur de votre successeur dans deux ou trois ans ! Nous voulons voir des résultats sur le terrain, et non pas un lifting de façade : nous ne sommes pas venus pour cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Très bien !
(Les sous-amendements n° 2008 et 2029 , successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L'amendement n° 396 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l'amendement n° 1414 .
J'ai parlé de course contre la montre, monsieur le président, mais c'était une image ! Vous allez trop vite pour nous.
Le rythme me paraît raisonnable : nous avons examiné dix amendements en une heure et quart !
Ne tombons pas dans l'excès inverse ! (Sourires.)
L'amendement n° 1414 vise à instaurer un principe d'égalité de traitement des centres de santé et des professionnels libéraux, dans le prolongement d'autres amendements. Nous pensons qu'il est important de faire figurer ce principe à chaque étape de ce texte. Nous estimons notamment que l'assurance maladie doit appliquer strictement ce principe d'égalité entre les différentes modalités d'exercice de la médecine.
L'avis du Gouvernement n'est pas favorable, et j'aimerais que ces amendements soient retirés.
En effet, on peut être d'accord sur l'égalité de traitement dans la négociation des conventions : les professionnels libéraux et les centres de santé exercent des missions semblables. Mais nous sommes tout aussi attachés aux spécificités des centres de santé. Ceux-ci passent avec l'assurance maladie des conventions qui leur sont propres, et qui peuvent être plus favorables sur certains points, plus exigeantes sur d'autres, à la demande des représentants des centres de santé eux-mêmes. Ces conventions sont en cours de renégociation entre les représentants de centres et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ; cette négociation devrait aboutir dans les prochaines semaines.
Pour l'assuré, évidemment, rien ne change : l'égalité des tarifs opposables demandés au patient est bien sûr garantie, et les centres de santé ont pleinement profité des récentes revalorisations qui ont été accordées aux médecins, aux infirmières ou encore aux masseurs-kinésithérapeutes, ainsi que des revalorisations de la classification commune des actes médicaux. C'est pourquoi il convient de respecter l'identité culturelle et la démarche particulière des centres de santé.
Je comprends l'argumentation de Mme la ministre, toutefois les centres de santé demeurent victimes d'inégalités alors qu'ils jouent, dans un cadre pluridisciplinaire, un rôle important de prévention et de santé publique.
Ainsi, les centres de santé ne bénéficient ni du forfait annuel de 40 euros, versé au médecin traitant de certains patients atteints d'une ALD, ni de la prise en charge des actes de prévention bucco-dentaire,…
…ni des astreintes versées au titre de la permanence des soins – trois exemples parmi d'autres, alors même que les centres de santé, en tant que lieux de soins de premier recours, exercent un service médical de proximité et de prévention.
Telle est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement. Je me fie à la sagesse de l'Assemblée.
Marc Bernier a cité trois exemples. Il faudrait y ajouter les cotisations salariales…
…et la formation. La réalité, c'est que les centres de santé sont tous, ou presque tous, déficitaires. Aussi, leur situation pèse-t-elle lourdement sur les collectivités locales, qui sont sollicitées en vue de les aider.
C'est ainsi qu'à Paris, dans des quartiers stratégiques – les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements –, trois centres de santé sont aujourd'hui quasiment en faillite et s'apprêtent à fermer. Il ne s'agit donc pas, madame la ministre, de débattre de l'identité culturelle des centres de santé. Ils sont certainement très flattés des qualités culturelles que vous voulez bien leur reconnaître, mais plutôt que d'être encouragés à persévérer dans l'identité que vous leur attribuez, ils souhaiteraient tout simplement pouvoir continuer à vivre.
À vivre, en effet pour soigner !
Aujourd'hui des centres de santé ferment et cela aggravera, dans les banlieues et les quartiers difficiles, la crise de l'offre de soins et accentuera, dans de nombreuses zones urbaines notamment, la désertification médicale et la difficulté du recours aux soins. C'est un sujet très sérieux.
Je tiens à préciser que ces amendements identiques ont été adoptés par la commission contre l'avis du rapporteur.
Ils me semblaient trop rigides. (M. Jean-Marie Le Guen rit.) Plutôt que d'écouter le ricanement de M. Le Guen, je pourrais rappeler certains chiffres.
Dans les centres de santé, le coût moyen par médecin des charges fixes s'élève, avant salaire, à 80 000 euros par an pour des recettes de 110 000 euros. Le système de départ, qui est très compliqué, rend l'équilibre financier très difficile à trouver. Il est donc important de trouver des solutions plus adaptées pour financer les centres de santé.
Monsieur le rapporteur, je ne vous remercierai jamais assez de la franchise de vos propos ! Après avoir entendu Mme la ministre exalter le modèle des centres de santé, vous venez, en effet, nous expliquer qu'ils ne sont pas la bonne réponse puisqu'ils coûtent trop chers.
Monsieur le rapporteur, ce que nous demandons, ce n'est pas une subvention ; c'est l'égalité de traitement entre la médecine libérale et les centres de santé ! Peut-être pourriez-vous prendre en considération cette demande avant de porter un jugement négatif sur l'aspect gestionnaire, à moins que vous ne cherchiez à encourager une médecine qui multiplie les actes – des pressions sont exercées en ce sens – et dévalorise la relation entre le patient et le médecin ! Certaines études, que je possède, et que je vous ferai parvenir, montrent que, dans les centres de santé, les prescriptions en aval sont pour la sécurité sociale beaucoup moins importantes parce que la relation entre le médecin et le malade s'y substitue à ce que nous connaissons trop fréquemment dans la forme traditionnelle de la médecine libérale, à savoir le remplacement de la relation thérapeutique par la prescription médicamenteuse.
Ces structures sont donc loin d'être improductives pour la société ! En revanche, si elles sont déficitaires, c'est d'abord parce que le type de médecine qu'elles pratiquent n'est pas reconnu et, ensuite, parce qu'à égalité de comptabilité, elles ne disposent pas des mêmes droits que les autres structures.
Monsieur le rapporteur, selon vous, ces structures n'ont pas de raison d'être parce qu'elles ne sont pas rentables.
Telle est la philosophie du projet de loi : l'objectif de rentabilité, qui nous permet de faire le pont entre l'hôpital et les centres de santé. Les structures qui ne sont pas rentables doivent fermer.
La boucle est bouclée, en effet, la logique est installée et nous sommes bien loin de savoir si les patients pourront accéder à la santé sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est pas parce que des arguments sont proférés avec véhémence qu'ils sont frappés au coin du bon sens ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Je n'ai pas dit que ces établissements n'avaient pas lieu d'être : je me suis contenté de rappeler des faits précis que tous ceux ayant participé aux auditions ont pu entendre lorsqu'ils ont été exposés par les responsables des centres de santé. Il est important, à mes yeux, de connaître ces chiffres.
Par ailleurs, l'article 26 du présent texte prévoit des contractualisations entre ce type d'établissements et l'agence régionale de santé. En effet, dans le cadre des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, il conviendra d'examiner les possibilités d'équilibrer la qualité de la relation entre le médecin et son patient – souci que je partage – avec cet autre souci, celui de l'efficience, qui doit être une obsession pour nous tous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
On a cité, à propos des centres de santé, ce qui y est moins bien rémunéré, en omettant ce qui l'est mieux. Ainsi, le forfait médecin traitant est de 46 euros, contre 40 euros en médecine libérale. De même, les centres de santé ont des forfaits de coordination qui leur sont propres. En ce qui concerne les astreintes, si les médecins salariés n'en touchent pas, c'est qu'ils ne participent pas à la permanence des soins. Mais comme l'article 16 de la loi Hôpital, patients, santé et territoires leur permettra d'y participer, ils toucheront dès lors les astreintes correspondantes, au même titre que les médecins libéraux.
En ce qui concerne les cotisations sociales, les centres de santé reçoivent une compensation de l'assurance maladie équivalente à celle que reçoivent les médecins libéraux.
Par ailleurs, certains forfaits, notamment dans le secteur dentaire, sont supérieurs dans les centres de santé par rapport aux cabinets de chirurgie dentaire libéraux – 50 euros pour le diagnostic et 30 euros pour le suivi. Il convient donc de pondérer tous ces éléments !
Certaines rémunérations, monsieur Bernier, sont supérieures dans la médecine libérale, d'autres le sont dans les centres de santé, après avoir été négociées dans le cadre de leur convention, les centres étant très attachés à leur spécificité. Il s'agit de verser tous les éléments au débat avant de s'engager dans une démarche qui serait contraire à la prudence.
Madame la ministre, les éléments que vous avez versés au débat sont de nature à l'enrichir. Toutefois, ce qui nous ennuie, c'est que vous aviez quasiment tranché avant d'instruire le procès.
C'est vous qui, pour le coup, me faites un procès d'intention !
Je n'ai pas le sentiment que ce que nous demandons ce soir procède d'une révolution sanitaire. Il s'agit simplement d'affirmer, au travers d'une mention spécifique dans le code de la santé publique, l'existence des centres de santé et la règle de l'égalité de traitement. Rien ne vous interdit, madame la ministre, de proposer un sous-amendement visant à prévoir des exceptions motivées à cette règle. Vous avez du reste évoqué une exception possible, fondée sur le fait que les centres de santé ne pratiquent pas la médecine des beaux quartiers. Ils sont situés dans des territoires urbains qui manquent cruellement de médecins et dont l'offre sanitaire et médicale est très faible. Demain, ils s'installeront peut-être aussi dans des territoires ruraux qui n'auront pas réussi à mettre en place des maisons de santé pluridisciplinaires dans le cadre de la médecine libérale : on sera alors bien content de trouver des associations et des mutuelles prêtes à faire ce pari. Donner ce coup de pouce, de façon symbolique ou plus concrète, ne pénalisera personne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Jean-Marie Le Guen l'a rappelé : il s'agit d'une forme d'exercice de la médecine qui s'est sentie dévalorisée, voire méprisée depuis qu'elle est née. Nous vous proposons de sortir de cette époque et de valoriser cette pratique médicale en la plaçant de plain-pied avec la forme traditionnelle. C'est un élément de stratégie médicale que vous devriez soutenir et stimuler à 150 % ! Je trouve très décevant que, depuis le début du débat, en dépit de quelques satisfactions symboliques, vous fassiez preuve d'autant de raideur envers les innovations et les solutions concrètes proposées par certains députés de la majorité comme par nous-mêmes. Nous avons l'impression que ce texte est un bunker, dont vous paierez, du reste, collectivement le prix puisque cette loi n'aura aucun impact sur le terrain si vous n'apportez pas les moyens et n'offrez pas un vrai bouquet de solutions. Vous vous enfermez, notamment sur la question du désert médical. Exception faite de deux articles, il n'y a rien dans ce texte ! Donnez un peu d'oxygène aux propositions qui vous sont faites et laissez-nous voter ces amendements identiques avec la majorité !
Il y a lieu, effectivement, de réfléchir au rôle et à la place que les centres de santé doivent pouvoir jouer, aujourd'hui plus que jamais du fait qu'il existe, sur le terrain, un véritable déficit en médecins dans presque toutes les spécialités. Ces structures collectives de proximité pratiquent le tiers payant et ont même signé des conventions directes avec les mutuelles pour certains patients – c'est le centre de santé qui prend en charge directement les travaux d'écriture liés au remboursement.
Comme cela a été rappelé, les centres de santé jouent un rôle très important auprès des plus fragiles – les personnes âgées ou les plus modestes. Dans la mesure où ils ne sont pas traités en tant que tels, avec leur spécificité, ils sont finalement pénalisés. Il est vrai qu'à force de protester, ils ont obtenu que certaines de leurs contraintes soient prises en charge. Toutefois, ils souffrent encore d'un grand nombre d'insuffisances. Ainsi, les dépenses liées, dans les bureaux d'accueil, aux taches de secrétariat qui permettent notamment d'aider les personnes dans leurs démarches, y compris sociales, ne sont pas prises en compte, ce qui contribue à aggraver le déficit de ces centres.
Parmi la multitude de réponses possibles pour nos concitoyens, particulièrement dans les quartiers urbains où il n'y a pas assez de médecins – les régions rurales ne sont pas les seules à en manquer ! –, ces centres sont des recours pour les familles, des lieux uniques où l'on peut trouver à la fois des kinésithérapeutes et des médecins généralistes qui peuvent s'adresser directement à leurs collègues spécialistes.
Je suis moi-même cardiologue et je travaille dans un centre de santé. Si j'ai besoin d'un cliché thoracique immédiatement parce que je crains un oedème aigu du poumon, je peux appeler tout de suite mon collègue radiologue, lui demander de réaliser un cliché et de me donner son avis.
Ces petites structures rendent des services infinis et ne coûtent pas cher. En effet, quand on parle de rentabilité, il faut en appréhender les deux aspects : non seulement la qualité du service rendu, aux plus fragiles notamment ; mais aussi le fait que l'on gagne du temps et de l'argent en rassemblant, au sein de ces petites unités, divers spécialistes susceptibles ensuite d'orienter leurs patients vers des structures plus lourdes. Le sujet mérite donc que l'on réfléchisse à ces nouvelles formes de médecine.
J'avoue avoir du mal à comprendre ce que souhaitent Mme Fraysse et M. Paul.
Mme la ministre vous a expliqué que le nouveau mode de financement était différent mais, bon an mal an, assez superposable. (M. Jean-Marie Le Guen s'esclaffe.) Il est certain que si, dans un centre de santé, vous voyez vingt personnes par jour et que vous avez trois secrétaires, vous allez au-devant de problèmes de fonctionnement. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Les personnels des centres de santé sont-ils donc des feignants à vos yeux, monsieur Domergue ?
Vous tournez autour du pot depuis un moment et on ne sait pas ce que vous voulez !
Dans le centre où je travaille, je n'ai même pas une infirmière ! Ce que vous dites est lamentable !
Ces centres de santé fonctionnent-ils ? Là est la question. Nous ne sommes pas opposés à l'existence de tels centres, au contraire, car ils peuvent constituer une réponse ; mais à condition qu'ils fonctionnent ! S'ils ne répondent pas à un besoin, si, sans parler de rentabilité, ils coûtent plus chers que les actes qui y sont réalisés, ils ne seront pas viables.
Nous considérons tous qu'il faut trouver une solution. Reconnaissez toutefois que certains centres de santé sont mal gérés ou fonctionnent mal ; n'ayez pas peur de l'admettre ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Efforçons-nous plutôt de trouver les raisons du mauvais fonctionnement de centres qui ne répondent pas à un besoin de santé publique et trouvons les solutions pour qu'ils soient efficaces dans des quartiers précis.
Une fois de plus, des amendements adoptés en commission sont repoussés en séance publique par la majorité, non pas qu'il y ait eu des arguments nouveaux,…
…mais tout simplement parce que l'orientation politique de la majorité au moment où je m'exprime n'est plus la même que lors des travaux en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est certes le droit de l'Assemblée, mais c'est aussi le droit de l'opposition de constater que nous nous trouvons pris dans une logique de fermeture et d'immobilisme.
C'est bien pour cela qu'il fallait voter le projet de loi organique, monsieur Le Guen ! Et vous serez satisfait après l'adoption du nouveau règlement de l'Assemblée !
Monsieur Mallié, j'en juge par la manière dont vous avez l'intention de voter et la manière dont agit le groupe UMP, repris en main pour qu'aucune réflexion parlementaire ne puisse être prise en compte. Ainsi, les réflexions menées par notre collègue Bernier, qui a travaillé pendant des mois sur ces questions, sont aujourd'hui balayées (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), alors qu'elles avaient été adoptées en commission, le président de celle-ci intervenant même contre les mesures proposées dans un rapport adopté à l'unanimité ! Voilà où nous en sommes : il s'agit de la liquidation du travail parlementaire ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous fais remarquer, monsieur Le Guen, que participent à nos travaux de nombreux députés qui ne sont pas membres de la commission des affaires culturelles et qui peuvent par conséquent défendre des positions différentes de celles adoptées par cette dernière.
La parole est à M. le président de la commission.
Monsieur Le Guen, vous donnez dans la caricature. Le nombre d'amendements que nous avons votés tous ensemble le démontre parfaitement. Votre argumentation est dépourvue de fondement. Il est vrai qu'à la lumière de discussions avec le ministre, des modifications tout à fait légitimes ont été apportées, mais elles sont le lot de tout débat parlementaire.
J'ai déposé cet amendement suite au rapport d'information que j'ai remis au nom de la Délégation aux droits des femmes. Il concerne l'accès à la contraception et à l'IVG. Nous avons déjà évoqué le dispositif qui vise à bien réaffirmer la possibilité d'avoir recours, en consultation, au médecin traitant aussi bien qu'à des spécialistes tels que les gynécologues, sans subir la majoration de participation prévue à l'article L. 322-2.
La parole est à Mme Marisol Touraine, pour soutenir l'amendement n° 1413 .
Dans le même esprit, cet amendement vise à confirmer la possibilité d'un accès direct à certaines spécialités, dont la gynécologie médicale, l'ophtalmologie et la psychiatrie.
En ce qui concerne la nécessité pour les femmes de conserver un accès direct à la gynécologie médicale, nous ne pouvons, à nouveau, que regretter la politique actuellement menée vis-à-vis du planning familial, lequel s'inscrit dans la logique de cet amendement. Il s'agit de faire en sorte que toutes les femmes, quels que soient leur milieu social, leur milieu d'origine, et leur lieu d'habitation, puissent bénéficier de conseils, recevoir une éducation en matière sexuelle, en matière de contraception et, éventuellement, d'interruption volontaire de grossesse.
Nous savons bien que certaines femmes ne trouvent les conseils, les soins et l'accompagnement nécessaires qu'au planning familial. Pour d'autres, il s'agit d'avoir accès directement à un gynécologue médical dans le cadre de la médecine libérale. Il paraît nécessaire de maintenir ce lien direct auquel les femmes de toutes conditions, de tous âges sont profondément attachées.
Dans un tout autre domaine auquel l'amendement fait également allusion, il s'agit de garantir l'accès direct aux psychiatres, aujourd'hui trop souvent difficile faute d'effectifs suffisants ou bien à cause de leur concentration dans certains lieux, enfin parce que consulter un psychiatre n'est pas une démarche qui va de soi. Dès lors, si l'on complique l'accès à ces spécialistes en imposant progressivement un recours préalable au médecin généraliste, des personnes qui pourraient faire la démarche une fois ne la feront pas nécessairement deux fois.
Je n'évoquerai pas toutes les spécialités pour lesquelles le passage préalable par le médecin traitant serait nécessaire,…
…je rappelle néanmoins que l'amendement en prévoit trois.
Reste qu'à un moment où l'on se préoccupe beaucoup de la nécessité de mieux prendre en charge les maladies mentales et les troubles psychiatriques, il faut réaffirmer, à l'occasion de la discussion du présent texte,…
…l'accès direct à la psychiatrie comme à la gynécologie médicale ou à l'ophtalmologie.
La commission a repoussé ces deux amendements, rappelant qu'il n'est pas question de remettre en cause l'accès spécifique à de telles spécialités. On l'a déjà dit : le parcours de soins est une chose, l'organisation de l'offre de soins de premier recours en est une autre. La définition des accès directs à certaines spécialités, dans le cadre du parcours de soins, relève non pas de la loi, mais de la convention médicale.
Je rassure les auteurs des amendements, Mmes Poletti et Touraine, qui souhaitent maintenir l'accès direct à certaines spécialités au sein du parcours de soins. Cet accès direct est actuellement assuré, sans majoration de la participation de l'assuré – qu'il consulte un gynécologue, un psychiatre, un neuropsychiatre ou un ophtalmologiste –, par le décret 162-1-7 qui prévoit que le parcours de soins n'est pas incompatible avec un accès direct à ces spécialités. Cette dérogation relève bien du règlement, et non de la loi. C'est pourquoi je souhaite que vous retiriez cet amendement déjà satisfait. Je le redis solennellement : il n'est pas question de revenir sur l'accès direct à ces spécialités.
Quant aux centres de planning familial, M. Hortefeux et Mme Morano ont pris l'engagement de maintenir le financement au niveau préalable pendant trois ans, ce qui donne une grande visibilité à ces centres indispensables à la santé des femmes et auxquels j'ai d'ailleurs déjà donné de nouvelles missions, en particulier en ce qui concerne l'IVG médicamenteuse.
Je rappelle que nous avons eu ce débat au moment de la discussion de la loi instaurant le médecin traitant. Nous avons alors bien précisé quelles spécialités devaient pouvoir bénéficier d'un accès direct. Nous ne nous en sommes pas remis à la convention, monsieur le rapporteur, car, bien évidemment, il s'agit d'une question fondamentale de l'organisation du système de soins et pas du tout d'une question conventionnelle.
Il est vrai, cependant, et je vous en donne acte, que, d'une façon générale, puisque la majorité remet tout ce qui concerne l'organisation des soins à la convention, votre réponse n'est pas très étonnante sur le fond.
Non, ce n'est pas du ressort de la convention ; c'est une mesure réglementaire dont je vous ai donné les références exactes !
Madame la ministre, au cours de la discussion du texte initial, nous avions eu le même débat au sujet de la répartition entre ce qui relevait du domaine de la loi et ce qui relevait du domaine du règlement. Le ministre d'alors, pour vider la controverse, s'était engagé à ce que le dispositif en question relève du domaine du règlement.
Aussi, si j'ai bien compris, madame la ministre, vos engagements sont les mêmes.
Je souhaite revenir, madame Touraine, sur la polémique relative au financement des plannings familiaux. Les parlementaires de tous bords ont tiré la sonnette d'alarme à ce sujet et, depuis bientôt quinze jours, les deux ministres concernés ont réaffirmé leur volonté de maintenir les crédits, voire de les augmenter si nécessaire. Et malgré cela, on continue à polémiquer sur le sujet.
Si ! Bien que les ministres s'engagent, bien qu'ils disent que les financements seront au rendez-vous et que le Gouvernement soit sensible à ce sujet,…
…on continue, encore et toujours, d'entendre les mêmes polémiques. Il arrive un moment où il faut quand même savoir entendre ce qui est dit, et écouter les engagements qui sont pris. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, monsieur le président, je retire mon amendement.
(L'amendement n° 1363 est retiré.)
(L'amendement n° 1413 n'est pas adopté.)
Cet amendement a pour objet de mettre à l'étude le cas des personnels des services d'incendie et de secours vaccinés contre l'hépatite B depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales, qui pourraient mériter d'être couverts par le dispositif d'indemnisation des dommages corporels occasionnés par une vaccination obligatoire.
En effet, l'article 1er de cette loi a prévu une obligation de vaccination contre l'hépatite B pour toute personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination. La liste de ces établissements avait été fixée par des arrêtés conjoints du ministre chargé de la santé et du ministre chargé du travail.
Le premier arrêté a été pris en mars 1991, mais il a fallu attendre celui du 29 mars 2005 pour que les SDIS soient intégrés à cette liste. Pourtant, il ressort des informations fournies au rapporteur par le médiateur de la République que, dans la pratique, la vaccination contre l'hépatite B était systématique pour les sapeurs-pompiers dès 1991.
En conséquence, les sapeurs-pompiers vaccinés contre l'hépatite B dans le cadre de leur activité antérieurement à l'arrêté de 2005 et qui ont ensuite subi des complications vaccinales se voient refuser le droit de bénéficier du dispositif d'indemnisation par l'État des dommages post-vaccinaux institué par l'article L. 3111-9 du code de la santé publique.
Voilà pourquoi je propose que le Gouvernement présente au Parlement un rapport évaluant l'intérêt qu'il y aurait à prendre les dispositions nécessaires.
Favorable.
J'aimerais que nous nous arrêtions un instant sur le sujet, et que nous poussions la réflexion jusqu'au bout.
Si le rapport constate qu'il y a des accidents vaccinaux consécutifs à la vaccination contre l'hépatite B chez les professionnels de santé et les sapeurs-pompiers, qui sont obligés d'être vaccinés pour exercer leur activité, on pourra légitimement penser que des accidents de ce type surviennent aussi parmi la population qui se fait vacciner sans y être obligée.
Vous admettrez donc que l'on peut indemniser les personnels de santé et sapeurs-pompiers, qui sont obligés de se faire vacciner. Mais quid du citoyen qui répond à l'appel du ministère en allant se faire vacciner, en faisant son travail de citoyen ? Je note d'ailleurs que vous allez relancer une campagne de vaccination contre l'hépatite B et une campagne de dépistage de l'hépatite C, ce qui est légitime et normal de la part d'une ministre de la santé. Voyez dans quelle impasse vous allez vous retrouver, madame la ministre : comment allez-vous expliquer aux citoyens qui ne figurent pas dans la liste…
On dira donc à ceux qui ne sont ni professionnels de santé ni sapeurs-pompiers qu'ils ne sont pas obligés d'aller se faire vacciner. Voilà l'impasse dans laquelle vous allez aboutir. Et il ne servira à rien ensuite de déplorer à longueur d'années le manque de couverture vaccinale, notamment chez les enfants de trois ans.
Je vous accorde que l'on n'a pas encore établi de lien scientifique entre la vaccination et telle ou telle affection, mais si l'on admet l'existence d'accidents vaccinaux pour ceux qui sont obligés d'aller se faire vacciner, on peut légitimement estimer que, dans le reste de la population, ceux qui vont se faire vacciner sans y être obligés, répondant ainsi aux appels du ministère de la santé, et qui subissent un accident vaccinal doivent pouvoir demander des dommages et intérêts et demander réparation.
Il s'agit d'un sujet extrêmement sérieux. Tout le monde sait que l'hépatite B entraîne des complications majeures, des cirrhoses, voire ensuite des cancers. C'est pourquoi la vaccination contre l'hépatite B a été instituée dans notre pays, à un moment donné.
À la suite d'un certain nombre de polémiques, on a pensé que des scléroses en plaques étaient liées à cette vaccination.
Madame la ministre, à ma connaissance – mais je ne sais pas tout –, les experts sont loin d'être d'accord et la preuve n'a pas été apportée, me semble-t-il, qu'il existe un lien entre cette vaccination et la sclérose en plaques. S'il n'y a pas de lien de causalité, comment demander une réparation ? (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)
Pouvez-vous, madame la ministre, nous dire où nous en sommes aujourd'hui ? Existe-t-il un lien entre la vaccination contre l'hépatite B et les accidents ? Peut-on être indemnisé, car s'il n'y a pas de lien, on ne peut pas être indemnisé ?
Dans l'état actuel de la science, aucune étude ne prouve un lien entre la survenue de la sclérose en plaques et cette vaccination.
Excusez-moi de ne pas avoir en tête les références précises, monsieur Mallot, mais je vous les donnerai au cours du débat.
Ne vous vantez pas trop de votre ignorance, monsieur Mallot, cela pourrait vous être reproché. (Sourires.)
Avec cet amendement, il s'agit simplement de demander un rapport pour savoir si l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux pourrait être sollicité au cas où un lien serait prouvé entre cette vaccination et un effet indésirable majeur éventuel. C'est une simple étude.
Madame la ministre, il ne s'agit pas d'un sujet qui se prête à des oppositions idéologiques. Il est simplement important de comprendre de quoi il retourne.
À travers cet amendement, voulez-vous nous dire que des jugements pourraient, en dehors de tout lien scientifiquement prouvé, conduire à l'établissement de réparations ?
Au delà de cette réflexion, ne pouvons-nous pas craindre que le fait d'avoir abondé un fonds de réparation ne soit déjà, en soi, un élément sur lequel la justice pourrait s'appuyer pour ignorer les informations scientifiques, alors que toutes celles dont nous disposons nous conduisent à penser qu'il n'y a pas de lien entre ces vaccinations et les scléroses en plaques ? Ne pensez-vous pas que nous allons apporter de l'eau au moulin de ceux qui, y compris sur le terrain judiciaire, veulent trouver ce lien et demander réparation ?
Voilà les inquiétudes qui sont les nôtres. S'il s'agit de donner les moyens à l'État de gouverner, nous y sommes favorables. Néanmoins, nous craignons que ce que nous allons adopter soit utilisé demain, dans des plaidoiries qui ne seraient pas fondées, par ailleurs, sur des éléments sicentifiques.
Il ne faut pas oublier qu'il existe une législation particulière pour ceux qui sont soumis à une vaccination obligatoire. C'est cela, le fondement juridique de la démarche.
Certains personnels ont été nommément désignés dans une liste comme devant subir cette vaccination obligatoire. Tel était l'objet de l'arrêté du 15 mars 1991. Or il se trouve que les personnels des SDIS qui se sont fait vacciner ne figuraient pas dans cette liste et n'y ont été intégrés que par un arrêté de mars 2005.
Le but de cet amendement est de faire en sorte que les personnels des SDIS vaccinés antérieurement à cet arrêté de 2005 puissent bénéficier de la procédure spécifique d'indemnisation prévue en cas de dommages imputables à une vaccination obligatoire.
Je suis embarrassé, parce que Mme la ministre a dit exactement ce que je voulais dire. (Rires et exclamations.) Je vais tout de même préciser.
Franchement, en lisant cet amendement et son exposé sommaire, je ne comprends pas pourquoi on le discute. Je pense même que se limiter à un rapport revient en fait à repousser une application qui pourrait être beaucoup plus rapide.
J'ai été interpellé par des sapeurs-pompiers volontaires, qui sont très nombreux dans les territoires ruraux. Quand on leur a imposé, à partir du 29 mars 2005, la vaccination contre l'hépatite B, cela a déclenché certaines réactions dans les centres d'intervention.
Dans la mesure où cette vaccination est obligatoire pour les sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires – et j'insiste sur ces derniers, qui font preuve d'un dévouement exemplaire –, ils bénéficient du dispositif d'indemnisation des dommages corporels.
Or beaucoup de sapeurs-pompiers, des professionnels mais aussi des volontaires, avaient anticipé cette obligation : ils s'étaient fait vacciner contre l'hépatite B avant que cette vaccination soit obligatoire. Ceux-là ne peuvent pas bénéficier du dispositif d'indemnisation des dommages corporels occasionnés par une vaccination obligatoire.
C'est pourquoi j'aurais été à deux doigts de sous-amender cet amendement en prévoyant tout simplement que, pour ces personnels, les dispositions de l'article L. 3111-9 sont applicables dès aujourd'hui. Je ne vois pas pourquoi on a besoin d'un rapport pour évaluer le nombre de sapeurs-pompiers qui ont pu être vaccinés avant 2005, c'est-à-dire avant que cela ne soit obligatoire.
Je précise que l'on a peut-être parlé indûment de la sclérose en plaques, et c'est cela qui a soulevé l'observation de Mme Lemorton. Toute autre affection peut être concernée.
L'article L. 3111-9 du code de la santé publique est en effet parfaitement clair : « Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux. »
(L'amendement n° 398 est adopté.)
Cet amendement a été rejeté par la commission. La reconnaissance des spécialités ne relève pas de la loi et la France a déjà trois fois plus de spécialités que les autres pays européens.
Même avis.
(L'amendement n° 490 n'est pas adopté.)
Selon l'observatoire national de la démographie des professions de santé, seulement 40 % des généralistes libéraux exercent la médecine de premier recours, soit 56 700 sur 100 000 diplômés. Rappelons que les généralistes peuvent être titulaires d'une compétence délivrée par le conseil de l'ordre : gynécologie médicale, allergologie ou médecine légale. Certains déclarent un mode d'exercice particulier, comme l'acuponcture ou l'homéopathie, qui les éloigne des soins primaires. D'autres encore exercent dans des établissements publics, sans parler de la médecine du travail ou de la médecine scolaire.
Cet amendement tend à contribuer à la lutte contre le manque de généralistes en proposant l'obligation pour les jeunes diplômés de médecine générale d'exercer pendant cinq ans la médecine générale de premier recours avant d'effectuer une nouvelle formation ou de prendre une orientation différente.
Par ailleurs, on constate que, après un certain nombre d'années, les médecins généralistes éprouvent une lassitude de leur exercice. Peut-être pourrait-on leur proposer – et ce pourrait être un sous-amendement – de suivre des formations courtes, mais seulement après une période déterminée et non pas à la sortie de l'université.
Cette proposition s'appuie sur des constatations de terrain, qui montrent que beaucoup contournent l'exercice de la médecine générale et ne participent pas à la permanence des soins.
La commission a repoussé cet amendement.
Une telle mesure serait contre-productive en nuisant à l'attractivité de la filière de médecine générale auprès des étudiants. En outre, elle ne s'appliquerait qu'aux médecins généralistes de la nouvelle génération, ce qui ne respecterait pas le principe de solidarité intergénérationnelle. Il convient donc de trouver d'autres méthodes pour augmenter le nombre de médecins généralistes dans les zones sous-dotées.
Je partage le constat de M. Bernier sur le fait que trop de médecins généralistes fraîchement diplômés se détournent de la médecine de premier recours. Si l'enjeu des années à venir est bien d'aménager l'offre de soins sur le territoire, il est aussi d'améliorer l'attractivité de l'exercice de médecin généraliste. C'est dans cet esprit que j'ai souhaité la généralisation des stages pour les étudiants de deuxième cycle, afin de faire connaître à tous les étudiants en médecine la médecine générale de premier recours. En 2008, plus de 60 millions d'euros ont ainsi été consacrés au financement de stages chez un médecin généraliste.
Nous aurons l'occasion d'en rediscuter, car je suis attachée à poursuivre la mise en place de la filière universitaire de médecine générale. En répondant à M. Dolez tout à l'heure, j'ai apporté des éléments chiffrés.
Nous soutenons également le développement de modes d'exercice innovants plus attractifs pour les jeunes générations, comme les maisons pluridisciplinaires, les pôles de santé – auxquels vous êtes très attaché, cher Marc Bernier, et qui pourraient presque être labellisés « Marc Bernier » (Sourires) –, la télémédecine, les coopérations entre professionnels de santé. Je crois davantage à l'efficacité d'un ensemble de mesures d'accompagnement qu'à des dispositions contraignantes qui, comme le disait le rapporteur, pourraient avoir des effets pervers et même dévaloriser la médecine de premier recours.
À nouveau, un amendement important permet de rappeler que 50 % des diplômés de médecine générale n'exercent pas, que l'âge moyen d'installation en cabinet de médecine générale est de trente-neuf ans, ce qui explique la situation actuelle de pénurie et de mauvaise répartition.
Je dois dire, madame la ministre, que ni votre texte ni vos arguments ne facilitent la tâche des parlementaires, de quelque horizon qu'ils viennent. Le texte ne propose pas grand-chose, pour ne pas dire rien. La seule mesure explicite est celle des numerus clausus régionaux à l'article 15. Le reste, c'est de l'attractivité, de l'environnement, mais ce n'est pas véritablement de la régulation.
La question posée par cet amendement, auquel je pourrais, à titre personnel, sans doute souscrire, est celle de la régulation, à laquelle vous semblez renoncer. Sur ce sujet, vous avez fait tant de promesses, tant d'effets d'annonce en unes de grands quotidiens de l'après-midi, que nous pensions que le projet de loi n'était qu'un support, que des amendements du Gouvernement et de la majorité viendraient l'enrichir pour donner de la consistance à la régulation de l'implantation des médecins. Or, s'ils arrivent, c'est au compte-gouttes.
Au fond, que voulez-vous faire réellement ? En rester au texte initial ? Dans ce cas, on peut fermer tout de suite le dossier : le désert médical est là et vous n'y apportez pas de solution avant quinze ou vingt ans. D'autres, après vous, devront prendre des mesures sans doute beaucoup plus coercitives.
Voulez-vous mettre en place des obligations de service liées à des bourses d'études ? J'ai cru comprendre que le rapporteur y était favorable. On peut en discuter.
Plusieurs intervenants, dont le président de cette séance lui-même, se sont exprimés sur la possibilité de plafonner, voire de geler, les installations dans les zones trop dotées en médecins généralistes, et – cela vient d'être décidé – en infirmières.
Cependant, comme nous ne connaissons pas votre stratégie, comme vous menez, les yeux bandés, une bataille contre un phénomène d'une très grande gravité, il nous est bien difficile d'apprécier cet amendement.
Nous savons tous qu'il faut un juste dosage entre régulation et mesures d'attractivité, mais cela ne peut pas se faire au fil de l'eau. La mesure proposée n'est pas celle qui a notre préférence en termes de régulation. Comme, je le crois, M. Le Fur et d'autres, nous sommes plutôt favorables au plafonnement, voire au gel quand il serait nécessaire, des installations dans les régions trop bien dotées.
Cela étant je répète que nous sommes dans le flou stratégique le plus total : le texte initial est creux et, depuis la discussion générale, nous attendons du rapporteur et de la ministre une vision globale, qui nous est distillée au compte-gouttes.
Or, sur une question d'une telle importance, la politique du goutte-à-goutte est désastreuse. Par ce défaut de visibilité sur la stratégie qu'on veut conduire, on risque soit de ne rien faire, soit de procéder de façon extrêmement maladroite, donc de dissuader de jeunes étudiants d'aller vers la filière de médecine générale.
À ce stade du débat, peut-être faudrait-il suspendre la séance quelques instants pour nous concerter au sein de notre groupe, mais aussi avec le Gouvernement et la majorité, afin de savoir de façon claire où vous voulez aller en matière de régulation pour lutter contre le désert médical et pour remédier à ces déséquilibres d'implantation des médecins. On ne peut pas traiter une question aussi essentielle à coup d'amendements, à la va-vite.
Je m'adresse aussi au président de la commission des affaires sociales : comment voulez-vous traiter cette question ? J'ai le sentiment que c'est par le petit bout de la lorgnette alors qu'il s'agit d'une question clé du projet de loi.
Il est clair qu'une seule mesure, fût-elle coercitive, ne pourra pas régler le problème. C'est l'objet d'un courrier que chacun d'entre nous a reçu du Syndicat national des enseignants de médecine générale, particulièrement dévoués et mobilisés sur cette question. Ils regrettent, madame la ministre, que vous ayez tant tardé à créer, d'ailleurs sur initiative parlementaire, cette filière universitaire et que vous tardiez à créer les postes nécessaires pour enrichir cet enseignement de la médecine générale en CHU. La proportion est si fortement déséquilibrée entre les enseignants de spécialités et ceux de médecine générale qu'il faudra vingt ans pour y remédier.
Pour en revenir à l'amendement de M. Bernier, qui a déjà été proposé à l'occasion de divers textes, si j'en comprends l'objectif, il me paraîtrait plus efficace qu'il renvoie à un décret. Que signifie, par exemple « l'issue des études », sachant que la moyenne d'installation est de trente-cinq ans ?
Trente-huit ans !
Où commencera la période de cinq ans et où s'arrêtera-t-elle ?
Il serait bon aussi que les jeunes médecins puissent enrichir par la suite leur savoir, par exemple en matière scientifique ou en sciences sociales.
Cet amendement pose donc un réel problème et place le Gouvernement devant ses contradictions. Nous le voterons pour voir la réaction de Mme la ministre.
Je comprends que cet amendement ne soit pas parfait pour résoudre le problème, loin s'en faut. Cela dit, je trouve choquant que 40 % des médecins formés pour exercer la médecine générale choisissent des voies qui leur permettent d'échapper aux contraintes de cette discipline. C'est tout de même la société qui investit dans leur formation.
Du reste, sauf erreur de ma part, les infirmières qui souhaitent suivre une formation de puéricultrice ou d'infirmière de bloc, par exemple, doivent préalablement exercer leur profession pendant trois ans. J'ai toujours connu un tel système et je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à demander à un médecin d'exercer la médecine générale pendant un certain temps avant de pouvoir accéder à une spécialité ou exercer de manière différente.
(L'amendement n° 1367 n'est pas adopté.)
Nous avons très largement entamé la question de la démographie médicale, qui est bien celle de l'implantation sur le territoire d'une offre de soins de premier recours pérenne, adaptée aux besoins de santé de nos concitoyens et compatible avec les attentes des jeunes professionnels. Il nous faut donc agir avec ces derniers pour implanter une offre de soins pérenne et modernisée, sachant que le point bas en valeur absolue sera atteint en 2019.
Les déserts médicaux ne sont pas seulement en zones rurales, selon une image classique, mais apparaissent aussi en zones périurbaines. La stratégie du Gouvernement, matérialisée par ce projet de loi, repose sur un faisceau de mesures cohérentes, structurelles et, pour certaines, très rapidement opérationnelles.
La première est la régulation du flux des étudiants par l'augmentation du numerus clausus.
Je rappelle qu'il a augmenté, dans les deux dernières années, de 300, mais je n'ai pas réparti ce nombre d'étudiants supplémentaires d'une manière équivalente, comme cela avait été le cas jusqu'alors. Je l'ai réservé aux régions sous-dotées et j'ai également joué sur les régions surdotées, en diminuant pour certaines le numerus clausus. Ainsi, entre ce que j'ai donné en plus et ce que j'ai retiré, un flux de 450 étudiants a été donné aux régions sous dotées.
Le deuxième est la régulation des flux d'internes et d'étudiants en région, en fonction des besoins et avec une mesure qui sera opérationnelle dans les cinq ans qui viennent.
Nous avons parlé de la réhabilitation, de la création de la filière universitaire de médecine générale. J'ai ainsi donné, je le répète, un certain nombre d'éléments qui permettront de faire vivre cette filière universitaire de médecine générale : les SROS ambulatoires, la généralisation des coopérations entre professionnels de santé qui libère du temps médical, l'organisation de la permanence des soins, l'ARS, le guichet unique des aides, la dynamisation de maisons de santé pluridisciplinaires et des pôles de santé, cher Marc Bernier. Je rappelle en particulier que j'ai porté le financement des maisons de santé de 50 000 à 100 000 euros.
Tout cela a été accompagné par les mesures de l'avenant n° 20, qui existe toujours. Je pense particulièrement au bonus des honoraires de plus de 20 % dans les zones sous-dotées, qui assure ainsi aux médecins, en moyenne, un supplément de rémunération de 20 000 euros par an, aux différentes aides accordées par les collectivités territoriales ou à l'exonération d'impôt sur le revenu des astreintes de garde dans la limite de 9 000 euros. Et je ne suis pas exhaustive sur l'ensemble des aides apportées à l'installation des jeunes médecins en zones sous-denses.
Je vous demande donc de mettre en cohérence les anciennes mesures qui perdurent et tout le paquet des nouvelles dispositions dont nous venons de discuter. Toutes sont indispensables, fruits d'une concertation extrêmement importante avec les professionnels, et elles constituent un contrat moral avec les étudiants.
Je veux que ces jeunes professionnels, qui se sont fortement investis dans la préparation de ce projet de loi et qui sont les médecins de demain, ceux qui nous soigneront, nous et nos enfants, ne soient pas les variables d'ajustement de la loi, au nom des erreurs collectives qui ont été commises dans le passé. Je pense notamment à la diminution du numerus clausus.
Ce projet de loi, dans sa forme actuelle, constitue un équilibre fait de mesures d'orientation et d'organisation fortes. Je suis donc absolument opposée, je le répète, à toute mesure coercitive non structurante qui ne laisserait pas sa chance au projet de loi et à la vie conventionnelle, et qui viendrait déstabiliser cet équilibre, anéantir le travail de confiance que j'ai conduit depuis plus d'un an avec ces futurs professionnels.
Le Gouvernement entend respecter les principes fondateurs de la médecine libérale, notamment celui de la liberté d'installation ; j'y ajoute, avec force, celui de la justice intergénérationnelle.
Cependant, je suis parfaitement consciente qu'en tenant compte de ces principes le projet de loi peut encore être amélioré. J'entends ainsi reprendre, au nom du Gouvernement, un amendement initialement proposé par Jean-Marie Rolland, qui permet, sur la base du volontariat, de constituer un corps de boursiers, qui, en échange d'une allocation importante durant leurs études, iraient exercer pendant un certain nombre d'années dans les zones les plus sous-dotées. Cet amendement a été retoqué, au nom de l'article 40. Je le déposerai, en sachant qu'il est d'origine parlementaire.
Je sais également que notre rapporteur travaille actuellement avec les représentants des étudiants et des internes à une mesure constructive et complémentaire du projet de loi, qu'il nous présentera. Je l'examinerai avec bienveillance et disponibilité et je ne m'opposerai pas, je le répète, aux mesures qui respecteront la justice intergénérationnelle et qui laisseront leurs chances aux dispositions du projet de loi et à la vie conventionnelle.
L'avenir de l'accès aux soins sur l'ensemble de notre territoire, comme celui de la médecine libérale, à laquelle je suis attachée, se joue autour de ce projet de loi. Je compte sur votre responsabilité et votre clairvoyance.
Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes.
Article 15
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise le mardi 3 mars 2009 à zéro heure cinq.)
Article 15
J'ai pris acte des déclarations de Mme la ministre.
Avant d'aborder l'examen de l'article 15 – l'un des plus importants de ce projet de loi – relatif à la démographie médicale, je souhaite faire une déclaration liminaire.
Pendant plusieurs semaines, j'ai, en votre nom, auditionné l'ensemble des professionnels de santé et des spécialistes de la démographie médicale. Par ailleurs, vous m'avez, à maintes reprises, fait part de vos inquiétudes et appelé mon attention sur les difficultés que connaissent certaines zones rurales ou périurbaines.
À l'article 26 relatif à la création des agences régionales de santé, je vous proposerai un amendement permettant de « donner des armes », pour reprendre votre expression, madame la ministre, aux directeurs des agences régionales de santé afin qu'ils soient en mesure de trouver des solutions pour faire face aux difficultés que nous connaissons en matière de démographie médicale.
Les schémas régionaux d'organisation des soins détermineront des zones dans lesquelles le niveau de l'offre de soins médicaux est particulièrement élevé. Ces schémas régionaux pourront choisir les lieux qui nécessitent l'installation de maisons médicales ou de médecins de premier et de second recours. Trois ans après l'élaboration de ce schéma régional de l'offre de soins, un bilan de l'application des mesures figurant à l'article 26 sera dressé. Si cette évaluation fait apparaître que les besoins en implantations ne sont pas satisfaits et que l'offre de soins de premier recours ne suffit pas à répondre aux besoins de santé de la population dans certains territoires de santé, le directeur général de l'agence régionale de santé pourra, sur avis de la conférence régionale de santé, de l'union régionale des professionnels de santé compétente, des organisations les plus représentatives des étudiants en médecine, des internes, proposer aux médecins exerçant dans les zones visées d'adhérer à un contrat dans lequel ils s'engagent à contribuer à répondre aux besoins de santé.
Le but de cet amendement est de laisser leur chance aux mesures incitatives et conventionnelles auxquelles les schémas régionaux donneront la visibilité et la cohérence qui leur manquent aujourd'hui. Il repose aussi sur la notion de solidarité intergénérationnelle à laquelle les internes d'aujourd'hui tiennent beaucoup car ils considèrent que ce n'est pas à leur génération de pâtir ou d'être sanctionnés du non-intérêt des générations qui ont exercé avant eux.
La solidarité intergénérationnelle, si vous l'acceptiez, ferait peser les mêmes contraintes sur les jeunes médecins et sur leurs aînés, au sein d'une démarche contractuelle, constructive. Il ne s'agirait pas d'instaurer une sanction bête et méchante des médecins dans des régions sur représentées, mais d'organiser de façon constructive, une offre de santé sur la totalité du territoire. La sanction ne serait appliquée que de façon adaptée et relèverait de l'agence régionale de santé et non des autorités nationales. Elle reposerait sur une évaluation partagée entre l'ensemble des acteurs et serait soumise tous les partenaires concernés.
Cette proposition figurera parmi les autres objectifs de ce texte, comme l'augmentation des vocations de médecins généralistes en favorisant les possibilités de rencontre entre les étudiants et les professionnels. Je rappelle un chiffre : pour former un médecin généraliste, il faut neuf ans. Sur ces neuf ans, l'étudiant passe huit ans et demi à l'hôpital ou à la faculté.
Il ne connaît donc pas ce métier. C'est la raison pour laquelle il faut multiplier les stages, offrir des bourses, mais nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de l'examen des amendements.
Le projet de loi propose également d'améliorer les conditions de l'exercice professionnel des médecins installés, d'augmenter la filière universitaire de médecine générale. Bref, l'ensemble de ces éléments mis bout à bout constitueront la palette des dispositifs dont disposeront les directeurs généraux des agences régionales de santé, qui seront des aménageurs de territoires de santé.
Si vous étiez d'accord sur le principe de cet amendement à venir, que nous pourrions être nombreux à cosigner, cela nous permettrait d'aborder le débat sur l'article 15 qui vient en discussion sous un angle différent.
Nous en venons aux orateurs inscrits sur l'article 15.
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
L'article 15, qui aborde le problème de la régulation territoriale de la démographie médicale, le numerus clausus et l'offre de postes d'internat, ne va pas assez loin. Si nous connaissons aujourd'hui des difficultés majeures en termes de démographie médicale, c'est notamment en raison d'erreurs de diagnostic et de non-anticipation des besoins. Je ne reviendrai pas sur la baisse considérable du numerus clausus, qui est passé de 8 500 en 1970 à 3 500 en 1993…
…ni sur l'instauration des MIGAC qui reposent sur le principe que moins il y aura de médecins, moins il y aura de dépenses, sans tenir compte des malades.
Je me souviens du ministre de l'époque, qui espérait, par ce procédé, résoudre les problèmes de financement de l'assurance maladie.
Je ne citerai pas son nom ; je peux seulement vous dire que c'est un ami de Pierre Méhaignerie ! (Sourires.)
Disposons-nous aujourd'hui d'un nombre satisfaisant de médecins ? Pour la médecine générale, tout dépend si l'on prend pour base 100 000 médecins généralistes ou 56 000 vrais médecins, en ne comptabilisant pas les médecins à exercice particulier. On aboutit à des résultats tout à fait différents, pour ne pas dire contradictoires, selon les ratios retenus.
0Toutefois l'essentiel, madame la ministre, est de prendre le temps médical réel comme critère de référence. Les médecins actuels ne travaillent en effet plus comme ceux des générations précédentes.
On se préoccupe beaucoup, et à juste titre, de la formation des médecins généralistes, mais on oublie que de nombreuses spécialités, nécessaires elles aussi, vont manquer demain de praticiens ; je pense en particulier à la santé publique, à la pédiatrie, à la neurochirurgie ou à la chirurgie digestive. Cela est si vrai que certains se demandent s'il y aura suffisamment de chirurgiens pour nous opérer demain. Nous devons donc anticiper et former dès aujourd'hui les praticiens dont nous aurons besoin dans les dix prochaines années.
Pour ce faire, la région est le bon niveau d'intervention. Il convient de s'appuyer sur les travaux des observatoires régionaux de santé, qui devraient inclure tous les observatoires existants, et de définir, au niveau de chaque région, le numerus clausus puis le nombre d'internes à former pour chaque spécialité.
Le texte va donc dans le bon sens. Il faut savoir que 80 % des jeunes formés dans une région y restent car ils ont tissé des liens professionnels ou s'y sont mariés. À moins de vouloir fuir leur belle-mère, ils ne partent pas. (Rires) Cela arrive !
Toutefois, cette compétence devrait être du ressort des agences régionales de santé, qui s'appuieraient sur les travaux des ORS et des conférences régionales de santé. Un amendement en ce sens a été adopté en commission et j'espère, madame la ministre, que vous lui donnerez un avis favorable.
Il convient également de veiller à la formation de la filière universitaire de médecine générale, de nommer enfin des chefs de clinique et des professeurs pour la médecine générale, de veiller aux terrains de stage en ambulatoire qui doivent être rendus obligatoires. À cet égard, madame la ministre, j'espère que vous reprendrez un amendement adopté en commission, déclaré irrecevable au titre de l'article 40 qui vise, point essentiel, à ce que ces stages aient lieu à la fois en zone rurale et en zone urbaine. Les futurs généralistes doivent savoir comment se pratique la médecine en ville comme à la campagne.
Il importe ensuite de permettre aux spécialistes en formation de se rendre, par voie d'échanges, dans d'autres régions et à l'étranger ainsi que de veiller à ce que le nombre de postes offerts à l'internat soit adapté au nombre d'étudiants ; chaque année, 200 à 400 sont vacants. C'est un problème complexe d'autant que l'université a ses habitudes. Il s'agirait peut-être de les bousculer un peu et d'en débattre avec les doyens.
Il convient, pour finir, d'adapter le nombre d'étudiants à former aux besoins de demain et d'adapter en permanence les modules de formation à l'évolution des connaissances et de la science.
Le rapporteur nous a fait une proposition relative à l'article 26, qui est également importante pour résoudre les problèmes de démographie médicale. Si j'ai bien compris, il s'agit d'établir des contrats après le SROS ambulatoire. Pourriez-vous nous éclairer, madame la ministre ? Je vous ai entendu dire que le SROS ambulatoire ne serait pas opposable. Or si l'on définit les installations en fonction du SROS, ce dernier pourrait devenir opposable.
Je reviendrai dans le détail sur ces questions et sur beaucoup d'autres au cours de la discussion des amendements.
Madame la ministre, cet article étant le seul, à ce stade de nos débats, à s'intéresser à la régulation des installations de médecins, vous comprendrez que nous soyons attachés à en discuter.
Les mesures que vous avez détaillées sont pour la plupart intéressantes : la coopération, le transfert des tâches, le guichet unique – mais il ne faut pas trop se laisser technocratiser, le coup du guichet unique, on le fait plusieurs fois dans l'année dans de nombreux domaines –, les maisons de santé, concourent à rendre plus attractive la médecine générale. Nous y sommes favorables et nous mettons déjà en oeuvre à l'échelle des collectivités territoriales des mesures incitatives analogues.
Cela étant, madame la ministre, nous vous attendons sur le terrain le plus difficile : la démographie médicale. La situation actuelle est déjà extrêmement préoccupante dans de nombreux départements, les pronostics sont alarmants. Or vous avez suscité beaucoup d'espoirs en ce domaine, réveillant même des corporatismes qui, loin d'être plongés dans un profond sommeil, ne demandaient qu'à être effleurés pour entrer en action.
Quant à la solidarité intergénérationnelle que vous avez évoquée, nous y souscrivons. Notre idée de plafonner les installations dans les zones bien dotées en médecins concerne d'ailleurs tout le monde, y compris des médecins déjà installés, même si c'est de manière moins aigue. Cela implique que l'effort, au lieu de reposer sur une seule génération, serait partagé.
Votre tentative louable, pendant la suspension de séance, de redonner un peu de visibilité au dispositif ne dissipe pas toutes mes inquiétudes. Si j'ai bien compris, en effet, pendant trois ans, nous n'allons rien faire, nous contentant d'attendre les résultats du bilan des SROS ambulatoires. Du moins, je parle de ce domaine particulièrement difficile qu'est la régulation car, pour mettre en place des structures comme les maisons de la santé, nous pouvons nous passer du ministre.
Vous renvoyez donc à 2012 et quelque chose me dit qu'il s'agira plus vraisemblablement au deuxième semestre de l'année 2012 car le premier semestre sera consacré, on le sait, à d'autres tâches ! Cela constitue à nos yeux un déni d'intérêt général car, pendant ces trois années où vous mettrez en place ce système, nous ne disposerons d'aucune arme pour combattre la désertification.
S'agissant du contrat, il faudra nous en dire plus car je crois que nous n'avons pas compris, ni à droite ni à gauche, ce qu'il impliquait. Doit-on s'en tenir à l'obligation, évoquée dans la presse, de remplacer des médecins en milieu rural ou d'assurer une permanence des soins, ? Pourquoi attendre trois ans s'il s'agit d'une bonne idée ? Toutes les tendances que nous décrivons inlassablement vont s'aggraver car les mesures que vous évoquez, si elles sont nécessaires, ne sont nullement suffisantes.
Je ne comprends pas qu'après avoir établi un diagnostic lucide et avoir fait une tentative courageuse, bien que malheureuse, en septembre 2007, vous démissionniez devant la désertification médicale.
Si l'on faisait un sondage sincère dans l'hémicycle pour savoir qui croit réellement à l'efficacité des mesures proposées dans ce projet de loi, aucun parlementaire sérieux ne parierait sur le succès de votre dispositif pour inverser durablement la tendance. C'est notre devoir de vous le dire et c'est notre devoir de faire des propositions qui vont plus loin tout en restant responsables et réalistes.
Quel que soit le bien que l'on peut penser de l'article 15, qui comporte une mesure tout à fait nécessaire, il est terriblement insuffisant.
Je tiens d'abord à marquer ma satisfaction de voir que les patients et les territoires ne sont pas oubliés dans ce projet de loi. C'est la moindre des choses, certes, mais cela n'a rien d'évident.
Le projet de loi comporte de nombreuses mesures positives, en particulier à l'article 15 qui vise à favoriser une meilleure répartition géographique de nos médecins, en particulier de nos médecins généralistes.
Cela dit, madame la ministre, il ne va pas suffisamment loin. Certaines zones périrubaines ou rurales souffrent d'un fort déficit en matière de démographie médicale, qu'il s'agisse de spécialistes ou surtout de généralistes. Dans mon propre département, comme je l'ai déjà souligné, un canton entier ne comporte aucun médecin – nous raisonnons encore en termes de canton en attendant la fameuse réforme ! –, le canton voisin n'est guère mieux loti et les autres cantons, pourtant normalement peuplés, ne comportent plus que quelques médecins proches de la retraite, après le départ d'un jeune médecin féminin pour l'hôpital où elle occupe un emploi salarié. La pyramide des âges est telle que nous risquons de nous retrouver à très court terme avec très peu médecins.
Le débat porte depuis le début de nos discussions sur le choix entre l'incitatif et le coercitif, mais tout dépend de l'endroit où nous plaçons le curseur, ce qui vaut également à l'intérieur de la droite et de la gauche.
La solution coercitive consisterait à appliquer un système analogue à celui de l'éducation nationale, où les plus jeunes enseignants sont nommés dans les ZEP, en obligeant les étudiants en médecine à aller dans telle ou telle zone sans leur demander leur avis. Cependant tout le monde s'accorde à dire que ce serait contre-productif.
Pour qu'une profession puisse se renouveler normalement, il faut au minimum que ceux qui s'y destinent la découvrent dans les meilleures conditions. Or trop de stages de médecine ne se déroulent qu'à l'hôpital.
Je présenterai une série d'amendements – d'autres ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 – qui visent, par des aides publiques, à inciter les médecins à s'installer dans certaines zones ou structures. Les aides publiques doivent en effet toujours servir de levier : quand un agriculteur reçoit une aide, on lui demande des contreparties. De la même manière, on pourrait demander à un médecin installé dans une maison de santé de disposer d'un ou deux maîtres de stage pour l'obliger à accueillir des stagiaires. Le stage lui-même doit être rendu obligatoire en médecine ambulatoire dans des zones déficitaires.
Par ailleurs, madame la ministre, je souhaite que, dans les zones surdotées, puisse être fixé un plafond pour le nombre de médecins par habitant. Il faudrait toutefois revoir les critères permettant de définir la surdotation ou la sousdotation. Moi qui aime les choses simples, je serais pourtant prêt à les complexifier en prenant en compte, outre le nombre d'habitants, l'âge des patients mais aussi le taux de féminisation des médecins car les jeunes femmes médecins auront forcément un peu moins de temps à consacrer à leurs patients. Nous savons en effet par expérience qu'elles ont plus de travail que les hommes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je sais que vous faites un énorme travail, constructif et positif, mais je souhaiterais que nous puissions aller encore plus loin. Je défendrai plusieurs amendements en ce sens.
Avec l'article 15, nous abordons un point important, celui de la formation des étudiants en médecine et de leur répartition territoriale.
Le développement de cette spécialité qu'est devenue la médecine générale doit être assuré, et je sais que cela ne relève pas seulement de votre ministère, madame la ministre. Un renforcement du corps des enseignants de la médecine générale est impératif et urgent ; les chiffres le prouvent. En effet, pour 100 titulaires universitaires, condition indispensable pour assurer un fonctionnement normal des départements de médecine générale, il faudrait obtenir 35 titulaires par an pendant trois ans. Sachant que le lieu de formation des étudiants influe considérablement sur leur lieu d'exercice, nous sommes tous conscients de la nécessité d'intervenir à ce niveau. À cet égard, le numerus clausus régional est certainement une mesure intéressante.
Le rapport de la mission d'information insiste beaucoup sur la nécessité de favoriser les stages des étudiants auprès des médecins généralistes de premier recours, d'une part, et des structures collectives ou pluridisciplinaires, d'autre part. Toutefois il faut être conscient que, si ce point fait l'unanimité, il reste un voeu pieux si l'on ne facilite pas leur accueil par des praticiens ; or ceux-ci sont souvent débordés et peu motivés. En effet, le problème réside dans l'accueil des stages et dans le rôle des maîtres de stage.
Les stages déjà prévus dans le cursus ne fonctionnement pas à plein car les moyens prévus pour recruter, former et rémunérer les maîtres de stage sont insuffisants. Il faut prévoir une meilleure rémunération pédagogique des maîtres, afin de mieux prendre en compte le ralentissement de leur activité, notamment lorsqu'ils accueillent les externes.
Il convient, bien entendu de privilégier la réalisation de ces stages en zones sous-dotées. En ce qui concerne la définition des zones sur et sous-dotées, la mission d'information avait proposé un certain nombre de critères qui représentent mieux les réalités du terrain que celui du nombre de médecins par habitant qui ne signifie pas dire grand-chose.
Il faut, bien sûr, réduire le taux d'inadéquation entre le nombre de postes d'internat offerts et le nombre de candidats aux épreuves classantes nationales, afin de limiter le nombre de postes non pourvus. En commission, on nous a indiqué que nombre d'internes préféraient redoubler plutôt que d'accepter un poste qui ne leur convient pas. Il faut notamment être conscient que la filière de médecine générale est souvent choisie par défaut.
Il est enfin indispensable de titulariser les enseignants de médecine générale pour structurer la filière universitaire.
Les six semestres de stage que constitue l'internat en médecine ne correspondent pas du tout à la réalité. Il est nécessaire que les étudiants effectuent au moins un ou deux semestres en médecine ambulatoire. C'est une mesure de bon sens.
Mes collègues ont déjà décrit avec beaucoup de réalisme l'angoisse pour certains territoires de se retrouver sans médecins, sans professionnels de santé.
Cette inquiétude est d'abord celle des habitants qui ont peur de ne pas pouvoir être pris en charge en cas de maladie. C'est aussi celle des élus et des forces économiques qui craignent pour l'attractivité de leur territoire, tant il est vrai que celles-ci seraient profondément affectées par l'absence d'une offre de soins cohérente qui est certainement le premier facteur pour choisir de s'installer ou non sur un territoire.
Madame la ministre, vous avez été attentive à toutes ces interrogations. Ces débats ont été engagés en octobre 2007, lors de l'examen du PLFSS pour 2008. Aujourd'hui, vous nous proposez des dispositifs nouveaux, articulés autour des pôles et de la découverte de la médecine de premier recours par les étudiants en médecine. Ces dispositifs nouveaux s'ajouteront à une panoplie déjà extrêmement dense mais qui n'a pas donné jusqu'à présent les résultats escomptés.
Comme l'a rappelé Michel Raison, chaque groupe politique hésite entre des mesures plus ou moins coercitives et des mesures plus ou moins incitatives. En ce qui nous concerne, il nous est difficile de trancher.
En fait, nous savons que les mesures coercitives, même si elles n'ont pas encore été expérimentées, ne donneraient pas les résultats attendus.
Elles risquent d'éloigner davantage encore les étudiants en médecine, les internes de la médecine générale et des spécialités. Voilà pourquoi nous préférons ne pas y toucher...
..et nous en remettre à des mesures incitatives dont on peut douter de l'efficacité.
Nous espérons que les engagements pris par les étudiants avec lesquels le rapporteur continue de dialoguer permettront de répondre aux enjeux de la désertification et de la rareté du temps médical. En tout cas, ce débat ne sera pas clos avec ce projet de loi.
Ce sera l'un des enjeux futurs pour les territoires de ce pays.
En tout cas, si un remède miracle existait, cela se saurait.
Au Canada ou en Allemagne, les études montrent que rien de définitif n'a permis de résoudre ces questions. Nous devrons donc continuer à tâtonner...
Madame la ministre, je souhaite exposer mes interrogations à ce moment du débat, alors que nous sommes peu nombreux...
..et bien qu'il s'agisse d'un moment extraordinaire de la vie parlementaire.
Avec le titre II, vous nous avez conviés à un véritable jeu de dupes. Si nous sommes d'accord pour reconnaître que le faisceau de mesures que vous nous proposez – les stages, le classement régional, les mesures d'installations particulièrement attractives et répondant aux conditions d'exercice et permettant également un exercice enrichi que nous avons défini tout à l'heure dans un article sur lequel nous nous sommes abstenus – converge vers le même objectif, cela ne suffit pas pour affirmer qu'il est efficace.
Cela fait pourtant des années que cette question nous anime dans cet hémicycle.
Ce débat, commencé en 2004 avec le vote de la loi Douste-Blazy–Bertrand, a continué au fil des PLFSS. Il devait trouver sa concrétisation avec le vote du présent projet de loi. Or, après nous avoir indiqué par exemple que l'on allait reprendre, ici ou là, des mesures que les collectivités locales appliquent déjà, on nous annonce le report à trois ans des décisions. Si, après cette période, ces mesures ne marchent pas, on proposera un contrat. Mais quel contrat ? Avec quelles obligations et quelles contreparties ? S'adressera-t-il à toutes les générations ? On ne le sait pas.
M. Raison a évoqué, à juste titre, la nécessité de disposer d'une cartographie très précise de la densité médicale. Or les représentants de la DREES nous ont indiqué, lors des auditions, qu'après avoir été affinée, cette cartographie était dorénavant disponible. Et l'on peut aussi mentionner les travaux de M. Berland au sein de l'ONDPS.
Je me suis demandé pourquoi on parlait d'un report de trois ans des décisions et j'ai trouvé : dans trois ans, nous serons en 2012, c'est-à-dire que l'on reporte jusqu'à la prochaine élection présidentielle toute mesure qui risquerait de fâcher telle ou telle catégorie ou telle ou telle génération. Je reconnais bien là la cohérence de Mme la ministre avec ses déclarations, lors de la présentation du rapport de M. Door sur les affections de longue durée. En effet, elle avait alors indiqué que cette question méritait un débat présidentiel.
Malheureusement, ce soir nous assistons à un jeu de dupes puisque notre débat sur la meilleure organisation des soins est abandonné.
Trois ans, voilà qui nous interpelle après avoir entendu le rapporteur s'exprimer.
Le dernier rapport de la DREES de février 2009 indique que « l'évolution de la démographie médicale dépendra largement des décisions publiques prises aujourd'hui et de l'évolution des choix individuels des jeunes médecins ». Je veux insister sur le mot « aujourd'hui ».
Ce rapport ajoute : « Les projections permettent d'éclairer les conséquences à long terme des choix faits aujourd'hui en matière de démographie médicale. Ceux-ci n'apparaissent que lentement compte tenu de la durée de formation et du temps nécessaire au renouvellement des générations. » Là encore, on parle d'aujourd'hui.
L'opposition est inquiète car il y a une différence entre la volonté affichée, entendue lors des interviews de Mme la ministre – on s'attendait à une volonté de répondre à un besoin d'offre de soins pour tous les Français – et les propos qui sont tenus ici.
J'ai entendu qu'il ne fallait pas violer la liberté d'installation des médecins. À cet égard, je me référerai à d'autres professions de santé que l'on répartit sur le territoire en fonction d'un numerus clausus. J'en veux pour preuve les pharmaciens ou encore les infirmières qui ont été contraintes de se répartir peu à peu sur le territoire en fonction des besoins. N'envoie-t-on pas les enseignants là où on a besoin d'eux, comme l'a rappelé Mme Génisson ?
Si, en 1928, date de la charte de médecine libérale, les médecins s'installaient où ils voulaient, aujourd'hui nous sommes face à une catastrophe sanitaire. Je rappelle qu'il s'agit de la santé publique. Même s'il s'agit de professions libérales, il va bien falloir prendre rapidement des décisions afin d'aboutir à une réelle efficacité, compte tenu du temps de formation d'un médecin.
Selon l'exposé des motifs, l'article 15 traite de la « régulation territoriale de la démographie médicale par le numerus clausus de première année ». Suivent des phrases interminables et compliquées, qui traduisent l'embarras qui est le vôtre sur ce sujet précis de la démographie médicale. Les explications que vous nous avez données tout à l'heure étaient, elles aussi, laborieuses, mais nous ne doutons pas que le débat permettra d'y voir clair.
En réalité, la liberté totale d'installation conduit à la situation actuelle de grande difficulté et augure perspectives qui sont terribles. Dans mon modeste département rural de l'Allier, 28 % des médecins ont aujourd'hui entre cinquante-cinq et soixante ans, et, dans les huit ans qui viennent, neuf communautés de communes seront sinistrées ; je suppose chacun d'entre nous a des exemples analogues sur son territoire.
L'objectif a été fixé par le Président Sarkozy, je suis désolé de vous le rappeler, madame la ministre, le 18 septembre dernier : « Nous avons trop longtemps laissé les professions de santé autogérer leur démographie. Il est temps d'agir et de faire des choix. Si certains ont du mal à le faire, nous le ferons à leur place. »
Or rien ne figure dans votre texte.
L'opération décrite par le rapporteur et par vous-même, madame, a finalement pour objet de botter en touche jusqu'en 2012. Comme l'a souligné Gérard Bapt, de PLFSS en PLFSS, d'annonce en annonce, on aboutit à cet article 15, qui, au fond, fait « pschitt ».
Vous me direz qu'il reste les dispositions incitatives, le cocktail de mesures qui a été rappelé par le rapporteur, mais ces dispositions dites incitatives, qui évitent les mesures coercitives honnies, ces bourses qu'on attribue aux étudiants pour qu'ils viennent faire un petit séjour dans les territoires ruraux, voire s'y installent pendant quelque temps, ont surtout un grand mérite : celui d'être à la charge des collectivités territoriales.
Non, c'est l'assurance maladie qui prend en charge.
De votre point de vue, ce n'est pas négligeable, mais, pour les collectivités en question, cela pose de multiples problèmes, notamment pour les maisons de santé, d'autant que ce sont justement les collectivités locales pauvres, parce qu'incluses dans des territoires qui souffrent, qui doivent payer pour s'offrir des médecins. Les inégalités accroissent les inégalités, les difficultés accroissent les difficultés et les collectivités locales se trouvent en concurrence les unes avec les autres.
Je n'ai pas atteint les cinq minutes, monsieur le président, loin de là ; je sais compter.
M. Chassaigne évoquait le cas de ce médecin roumain qui a coûté 40 000 euros à une commune pour son recrutement et qui, un beau matin, est allé s'installer dans une autre commune, car rien ne l'obligeait à rester.
D'ailleurs, cette mise en concurrence a été d'une certaine manière stigmatisée par notre collègue Marc Bernier dans son rapport. Je cite sa proposition n° 5 : « Encadrer, par la loi, les aides des collectivités territoriales à l'installation et au maintien des professionnels de santé et prévoir un cofinancement modulable par l'assurance maladie, afin d'éviter une surenchère à la fois coûteuse et inéquitable entre collectivités. »
Il serait bon en effet de cesser les incantations et de suivre, par exemple, une autre proposition de M. Bernier : « Mettre des freins à l'installation de professionnels de santé dans les zones déjà sur-dotées […] par des mesures “désincitatives” comme, par exemple, une modulation de la prise en charge de leurs cotisations sociales par l'assurance maladie ».
C'est ce genre de mesures que nous devons nous décider.
Je pense, monsieur le président, que vous ne serez pas insensible à cette proposition qui est la nôtre de geler les installations dans les zones sur-dotées. C'est le minimum que nous puissions faire.
Dans de nombreux territoires, les difficultés d'accès aux soins se multiplient : absence de médecins généralistes dans certains cantons ruraux ou quartiers, engorgement des services d'urgence, délais très importants pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste. Il s'agit d'un droit fondamental qui est bafoué pour nombre de nos concitoyens et d'une situation difficilement acceptable que nous n'avons pas le droit de laisser perdurer. Faut-il vivre dans le sud de la France ou en centre-ville pour avoir la chance d'être bien et rapidement soigné ? La réponse est non, au nom du principe d'égalité.
Quelle est la solution ?
L'obligation pour des jeunes médecins de s'installer dans telle ou telle zone d'un département rural ou d'un quartier est-elle la réponse adaptée ? Cette mesure serait injuste pour ceux qui ont choisi la médecine générale ; elle engendrerait un refus et une déqualification pour nos étudiants en médecine.
Dans ce contexte, il apparaît urgent d'établir une carte sanitaire où seraient répertoriées les carences dans l'offre de soins. Les pistes de travail sont nombreuses pour répondre à ces manques et favoriser l'installation de ces jeunes médecins dans les zones rurales ou les quartiers. Je pense à la création de maisons de santé, de pôles médicaux, qui regrouperaient les praticiens. De telles initiatives ont été prises dans ma région, en Poitou-Charentes, et je ne peux que m'en féliciter.
Encore faudrait-il que, dans le même temps, les futures agences régionales de santé ne suppriment pas tel ou tel service de l'hôpital de proximité voisin, voire l'hôpital lui-même. Ces structures sont par essence des éléments de soutien et de collaboration privilégiés pour des jeunes médecins désireux de s'installer là où la pratique médicale est, par définition, la plus contraignante.
Permettez-moi d'évoquer les solutions qui pourraient amener une meilleure répartition des médecins spécialistes et des médecins sur nos territoires.
Il serait ainsi souhaitable, me semble-t-il, de faire correspondre le nombre de postes ouverts par spécialité à l'internat avec les besoins réels dans chaque territoire ou région. Pourquoi ne pas limiter l'accès au conventionnement pour certains spécialistes dans les territoires suréquipés ? De cette façon l'accès aux soins pour tous ne serait plus, demain, un voeu sans lendemain.
Cet article 15 entend lutter contre la pénurie des médecins en certains points du territoire en fixant un nombre de postes d'interne par spécialité et par région. Cela nous paraît une mesure utile. Pour autant, nous ne saurions croire que ces dispositions, même si l'on y ajoute toutes celles que Mme la ministre nous a rappelées en début de débat, pourraient, à elles seules, permettre de surmonter les graves difficultés actuelles de pénurie de médecins, particulièrement dans certaines spécialités, dans certaines régions ou dans certains quartiers urbains, a fortiori pour trouver des médecins appliquant des tarifs conventionnés.
Je pense qu'il y a au moins deux problèmes importants qui ne sont pas suffisamment traités.
Le premier est la formation des médecins.
Nous ne formons pas assez de médecins et particulièrement de généralistes. Nous nous sommes tous félicités – je crois que nous l'avons d'ailleurs votée à l'unanimité – de la loi qui instaure le cycle universitaire de formation de médecins généralistes. Cependant, alors que cette loi a créé la filière en janvier 2008, il n'y a aucun titulaire de la discipline et seulement 135 enseignants associés à mi-temps pour toute la France.
La loi était utile, elle était même nécessaire, mais elle ne suffira pas. On annonce sept nominations, pour trente-cinq facultés de médecine et encore, pour novembre prochain, donc tard. Il y a, de toute évidence, un manque de moyens dégagés, y compris pour former et rémunérer les maîtres de stage dont le rôle est essentiel pour encadrer et motiver les étudiants qui ont passé l'essentiel de leur temps à l'hôpital, pour leur permettre de prendre la mesure de la réalité de cet exercice et de son intérêt très motivant auprès de personnes et des familles. Encore faut-il qu'ils puissent l'exercer, qu'ils puissent mettre les mains dans le cambouis.
Ce premier problème est essentiel, sans être pour autant compliqué, à côté d'autres problèmes, autrement plus ardus. C'est une question de moyens, donc de choix politiques.
Le second problème est celui des conditions d'exercice.
Les étudiants en médecine n'ont pas aujourd'hui les attentes qu'ils avaient il y a trente ans, encore moins il y a cinquante ans. J'indique au passage à l'un de mes collègues que, aujourd'hui, dans leur majorité, les papas s'occupent beaucoup plus de leurs enfants que les papas précédents. Les jeunes médecins hommes auront, eux aussi, envie et besoin d'avoir du temps et c'est heureux.
Il y a encore des progrès à faire.
Je vous l'accorde mais cela a progressé. Mon collègue André Chassaigne trouve qu'il a lui-même beaucoup évolué.
Ce ne sont pas des détails. Les jeunes médecins veulent des horaires organisés et décents, un exercice de la médecine digne de notre époque, qui exige de pouvoir s'appuyer sur une permanence des soins organisée.
Je m'inscris dans la discussion sur l'article et je lirai la fin de l'intervention de Mme Fraysse.
Il est nécessaire de réfléchir à l'aménagement des territoires en matière de santé, en termes de structures de premier accueil, les centres de santé, les maisons médicales, les hôpitaux de proximité. Les médecins ont besoin de cela pour travailler.
Les médecins libéraux doivent participer à la permanence des soins, cela fait partie intégrante de leur métier et correspond au serment qu'ils ont prêté. Je ne trouve donc pas anormal que l'on organise un droit à l'installation des médecins libéraux, qu'on l'encadre de manière à éviter les excès.
La médecine libérale, ce n'est pas non plus mettre tout le monde au même endroit. Le débat n'est pas de savoir s'il faut faire preuve ou non de coercition ; il est de prévoir une organisation responsable de la réponse aux besoins de santé. C'est une question de santé publique.
Dans les territoires où il y a déjà suffisamment de médecins, on ne doit plus en accueillir. Catherine Lemorton l'a dit : les pharmaciens n'en meurent pas. On peut faire pareil pour les médecins.
Madame la ministre, vous avez une tâche quasiment impossible et tous les ministres de la santé successifs s'y sont cassé les dents.
Gérer des effectifs médicaux, c'est comme piloter un bateau dans un port : l'inertie est extraordinaire. Cet article 15 concerne essentiellement le numerus clausus de la première année de médecine mais également celui des internes. La logique voudrait que, quand on prend une décision, elle concerne les générations à venir, mais on sait que les conséquences opérationnelles se feront huit ou neuf ans plus tard pour un médecin généraliste et une quinzaine d'années plus tard pour un médecin spécialiste. Cela signifie qu'aujourd'hui nous ne sommes pas en situation de pouvoir exercer uniquement des modifications au niveau de cette première année de médecine parce que l'échéance est trop lointaine.
On peut également intervenir sur une autre sélection : l'examen de classement national, qui permet de distinguer les médecins spécialistes des généralistes, étant entendu que tous appartiennent aujourd'hui à une filière universitaire spécialisée. À ce niveau, l'inertie est un peu moins importante, puisqu'elle est comprise entre cinq et sept ans.
Nos collègues socialistes ont rappelé la proposition du rapporteur, qui porte sur trois ans, ce qui représente déjà une amélioration. Néanmoins, si l'on intervient au niveau de l'examen de classement national, il faudra encore attendre cinq à six ans avant qu'elle ne produise des effets.
D'où la nécessité d'aller au-delà, en proposant des mesures de régulation à effet pratiquement immédiat.
Monsieur Bapt, vous semblez connaître la solution, mais, si elle était si simple, il n'y aurait pas de débat entre partisans de la coercition et défenseurs de l'incitation.
La coercition paraît de prime abord séduisante, car on croit pouvoir jouer avec tous les effectifs. Cependant les jeunes médecins qui s'installent le font aujourd'hui à l'âge moyen de trente-neuf ans. La mise en place de mesures coercitives ne ferait que retarder encore le moment de leur installation, en médecine tant libérale que salariée, donc celui où les responsables de la gestion sanitaire disposeront d'effectifs médicaux véritables, c'est-à-dire fixés dans une zone sanitaire.
Aujourd'hui, lorsqu'un jeune finit ses études à vingt-huit ou vingt-neuf ans, il reste pendant dix ans en dehors de la régulation ou de l'organisation sanitaires. Pour les femmes, la vie personnelle entre en jeu, ce qui est normal. Quant à ceux qui effectuent des remplacements, ils bénéficient d'une qualité de vie peut-être supérieure à ceux qui s'installent, situation sur laquelle il convient de s'interroger. La méthode coercitive ne réglera donc pas le problème si l'on n'intervient pas sur la décennie qui sépare la fin des études du moment de l'installation.
Le problème n'est pas simple. Si elle n'a pas l'effet immédiat que nous souhaiterions, la proposition du rapporteur est intéressante. Toutefois il existe des mesures immédiates pour certaines spécialités, si l'on veut bien jouer sur les transferts de tâches.
C'est à tort que l'on répète, par exemple, que l'on manque d'ophtalmologistes. La difficulté vient de ce que leur temps médical est en grande partie utilisé à prescrire des verres correcteurs, tâche que pourraient effectuer des spécialistes des professions paramédicales. De même, du fait de la rémunération à l'acte, l'accouchement est effectué par des médecins gynécologues, alors que l'accouchement eutocique de demain sera réalisé par des sages-femmes. Ainsi, il existe des solutions qui permettraient de gagner du temps médical et de résoudre immédiatement le problème.
Aujourd'hui, les déserts médicaux sont une réalité non seulement pour le monde rural, mais aussi pour les banlieues et bien d'autres secteurs. Nos concitoyens subissent au quotidien une grande inégalité d'accès aux soins, tant par manque d'offre que parce que celle-ci est parfois inaccessible, du fait des dépassements d'honoraires. Nous en reparlerons.
Pour remédier à cet état de fait, faut-il prendre de manière immédiate des mesures de régulation responsables concernant l'installation ? Nous sommes un grand nombre à le penser, du moins à la gauche de l'hémicycle, et Mme Lemorton a cité le rapport de la DRESS, selon lequel il est fondamental d'agir dès aujourd'hui.
Ainsi que plusieurs orateurs l'ont souligné, du fait de la longue période de formation que nécessite l'exercice de la médecine, la situation, déjà grave, empirera si nous n'agissons pas aujourd'hui, et les inégalités se creuseront encore en matière d'accès aux soins.
Un choix a été fait, que vous avez explicité, madame la ministre, mais j'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous entendez par « mesures coercitives non structurantes ». Vous avez cité, comme « mesure coercitive structurante » l'obligation faite aux étudiants boursiers d'exercer là où ils ont fait leurs études. En avez-vous prévu d'autres ? Nous sommes partie prenante sur ces questions.
M. Préel a posé le problème du temps médical. Comme beaucoup d'autres, le métier de médecin n'est plus exercé comme il l'était il y a trente ou quarante ans. Je récuse l'argument selon cet état de fait est imputable à la seule féminisation, sauf peut-être pour souligner que les hommes et les femmes devraient participer de manière égale à l'éducation des enfants et aux autres tâches. Mais sans doute s'agit-il encore d'un voeu pieux !
Quoi qu'il en soit, au cours de leurs études, les femmes s'acquittent comme leurs collègues masculins de toutes les contraintes. Ce qui a changé est peut-être, plus globalement, le temps que chacun souhaite consacrer à son métier, considération qui dépasse largement l'exercice de la médecine.
Faut-il soutenir des mesures uniquement incitatives ou parler de régulation responsable de l'installation des professions médicales ? La discussion promet d'être intéressante. Peut-être devrait-on revenir aux temps plus anciens de la formation des étudiants, mais, puisqu'une commission travaille précisément sur la formation – plus précisément sur les établissements hospitalo-universitaires, dont le cahier des charges comporte la triple fonction de soin, de formation et de recherche –, il aurait été utile d'attendre les résultats de cette commission pour enrichir nos propositions.
Enfin, nous nous réjouissons tous de la mise en place du numerus clausus au niveau de l'entrée en première année de médecine et, plus encore de l'internat. Puisque celui-ci est désormais nationalisé, le nomadisme des étudiants est total. Or ils ont une fâcheuse tendance à s'installer dans des régions surdotées médicalement. Pour résoudre ce problème, ne peut-on pas revenir à l'internat régionalisé ? Cette mesure, à laquelle nous savons tous que les étudiants en médecine sont opposés, permettrait un encadrement et une régulation, en les sédentarisant là où ils suivent leurs études.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Fixation de l'ordre du jour ;
Suite du projet de loi portant réforme de l'hôpital.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mardi 3 mars 2009, à une heure dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma