La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, le vote sur l'amendement n° 712 de M. Dionis du Séjour, à l'article 20, a été reporté, en application de l'article 61, alinéa 3 du règlement.
Je mets donc aux voix cet amendement.
(L'amendement n° 712 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 812 rectifié .
La parole est à M. Noël Mamère.
Nous abordons, avec cet article 20, le chapitre important des taxes sur les services de télévision et les opérateurs de télécommunications. L'amendement n° 812 rectifié est conforme à ce que nous disons depuis longtemps, à savoir que l'on ne doit pas se contenter d'une taxe sur les recettes publicitaires des télévisions privées, mais qu'il faut également taxer le chiffre d'affaires des opérateurs de télécommunications. L'assiette que nous proposons va donc beaucoup plus loin que les 3 % appliqués aux seules recettes publicitaires que prévoit le projet de loi.
Si nous voulons un service public de qualité qui satisfasse aux exigences des téléspectateurs et à ses missions, il faut augmenter la redevance. L'article 19 n'a pas été étudié dans le cadre de cette loi dans la mesure où le Gouvernement a décidé, en loi de finances rectificative, d'indexer la redevance sur l'inflation. C'est le choix du délestage, du moindre coût, et ce seront de toute façon les téléspectateurs qui paieront, en raison de l'augmentation prévisible des abonnements aux services de télécommunications. Cela reviendra donc au même, même si le principe est différent.
Les propositions que nous défendons quant à nous depuis longtemps reposent sur trois piliers. Le premier est l'augmentation de la redevance, pour aligner progressivement notre pays sur les niveaux de la Grande-Bretagne – 196 euros – et de l'Allemagne – 200 euros. Les amendements qui formulaient des propositions en ce sens n'ont pu être étudiés en raison de la suppression de l'article 19.
Nous proposons également – et c'est l'objet du présent amendement – une taxe de 1 % et d'assiette beaucoup plus large que les recettes publicitaires car portant également sur le chiffre d'affaires.
La troisième proposition, qui n'a jamais été acceptée, ni par la gauche ni par la droite, consiste à interdire à toute entreprise répondant à des commandes publiques de détenir à elle seule la majorité du capital d'une chaîne privée, car une telle position entraîne des conflits d'intérêts et des atteintes au pluralisme.
Cet amendement pourrait recueillir l'unanimité de notre assemblée, car il propose une taxe d'assiette élargie qui permettrait un rattrapage dans le financement de l'audiovisuel public, très fragilisé en raison du système choisi par le Gouvernement.
Cela dit, je ne me fais aucune illusion puisque le rapporteur, lors de l'examen du projet en commission, nous a proposé de réduire encore la taxe sur la publicité, invoquant les difficultés que rencontre cette pauvre petite fille riche du nom de TF1, du fait du marasme de la publicité.
C'est bien la preuve que nous sommes face à une loi de circonstance, que j'appellerai même une loi de complaisance.
Nous pourrons parler du niveau de la taxe un peu plus loin, si vous le voulez bien.
La commission a émis un avis défavorable à la création d'une taxe procédant d'une logique différente de celle du projet de loi. L'amendement n'a pas été expertisé quant à son impact financier et n'est pas non plus véritablement motivé par un exposé extrêmement sommaire – et je suis modéré en disant cela ! Le projet de loi défend une autre logique : l'article 20 propose de taxer les seules chaînes de télévision à raison du report d'investissement publicitaire entraîné par la réforme. Les deux logiques s'opposent.
Défavorable également, pour les raisons que vient d'exposer le rapporteur. La notion d'opérateur de communications électroniques me paraît extrêmement floue.
Je vous remercie, monsieur le président, de me donner pour la première fois la parole au cours de cette séance.
Je réagirai aux propos du rapporteur, ceux de la ministre ayant été une fois de plus extrêmement succincts.
Le rapporteur a justifié l'avis défavorable de la commission sur l'amendement de nos collègues par l'absence d'expertise. Les méchants ! Vous-même, monsieur le rapporteur, allez nous présenter des amendements dans quelques instants ; j'espère que vous avez fait réaliser des études d'impact, car la caractéristique de cette loi, c'est justement l'absence totale de telles études et le recours systématique au doigt mouillé : vous allez où va le vent ! Tel est bien le problème. J'attends des expertises sur l'ensemble des amendements que vous présenterez, monsieur le rapporteur, car il n'y en avait pas sur ceux que vous avez défendus jusqu'à présent.
L'article 20 pose un vrai problème. Comment mesurer l'accroissement de publicité, alors que le marché publicitaire est en dépression du fait de la crise et qu'en même temps, il faut prendre en compte un effet d'aubaine ? Quand France Télévisions diffuse de la publicité, il y a moins de volume publicitaire disponible sur le marché pour les chaînes privées, qui perçoivent donc moins de recettes. Un effet d'aubaine se produira forcément avec la libération de 450 millions d'euros de publicité, qui deviendront disponibles pour les chaînes privées, notamment TF1. Alors quoi ? Vous allez calculer, voir ce qu'il y a au-dessus d'en dessous en faisant une règle de trois, et vous essaierez de tout cacher, car au bout du compte, vous opérerez une réduction sur la taxation de rien du tout !
La proposition de M. Mamère et de M. Brard est éminemment recevable, parce qu'elle tend quant à elle à taxer quelque chose qui existe. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, si d'aventure vous disposiez d'une expertise montrant que le 1 % de cette proposition était trop élevé, je pense que le groupe socialiste serait d'accord pour un taux de 0,9 %. Pourquoi pas ? Noël Mamère nous propose de taxer quelque chose qui existe, quelque chose de certain, alors que vous nous proposez un mécanisme qui ne taxe que du vent. La publicité supprimée sur France Télévisions va bien aller en supplément quelque part, mais nous ne savons pas où. J'attends donc les expertises !
J'observe que le président de la commission n'est pas là pour participer à notre discussion, mais il est vrai qu'il n'est pas souvent présent.
Peut-être pourriez-vous m'aider dans ma réflexion, je suis prêt à changer d'avis si vous avez quelque argument.
Si vous en aviez, cela se saurait.
Nous avions un système audiovisuel qui, dans son ensemble, fonctionnait bien parce qu'il y avait un équilibre. D'un côté, un pôle public incarnant des valeurs, des ambitions et les traditions du service public, dont je suis d'accord avec Mme la ministre pour dire qu'il était perfectible, dans la mesure notamment où il fallait renforcer l'entreprise. D'un autre côté, un pôle privé à l'égard duquel je serai, pour quelques instants, aimable : bien qu'à vocation commerciale, il était d'assez bon niveau. Du fait de cet équilibre, la compétition incitait les chaînes privées à se soucier de la qualité de leurs programmes et les dissuadait de sombrer dans la publicité caniveau telle qu'elle existe souvent dans les télévisions étrangères. Le service public, pour sa part, préférait à l'élitisme des programmes populaires de bonne qualité. En fait, tout allait bien.
Quelle mouche a bien pu piquer le Gouvernement – puisque Mme la ministre nous dit que ce texte est bien de sa volonté et que M. Copé dit la même chose à propos de la commission qu'il a présidée, ce que je veux bien croire, sans soupçonner qu'ils aient pu être influencés par le Président de la République ? À propos de Président de la République, le précédent aurait sûrement dit de cet article qu'il est « abracadabrantesque ».
De fait, il l'est totalement. Aujourd'hui, vont être décidées deux mesures aussi idiotes l'une que l'autre. D'abord, puisqu'il n'y aura plus de publicité, il faudra que TF 1 fasse beaucoup d'audience pour apporter de l'argent au service public. Ce dernier était déjà dépendant du bon vouloir du Gouvernement, mais, en plus, il devra espérer la réussite de ses concurrents, TF 1 et M6, pour récupérer plus de taxe. Ensuite, de façon tout aussi absurde, cette taxe pèsera aussi sur France Télévisions, qui la paiera au même niveau que les autres télévisions.
Comme vous sans doute, tenants avertis du libéralisme, je n'ai jamais entendu dire qu'un concurrent espérait obtenir de l'argent de la réussite de son principal adversaire. C'est comme si on disait au Printemps :« Pourvu que les Galeries Lafayette fassent plus de chiffre d'affaires pour qu'on puisse récupérer plus d'argent de la taxe ».
Le service public va donc espérer une taxe, dont on sait d'ailleurs déjà qu'elle sera en deçà des 3 % initialement prévus, en même temps qu'il devra la payer pour en bénéficier quelque temps après.
Puissiez-vous, madame la ministre, monsieur le rapporteur, dans un moment de lucidité, vous rendre compte qu'on a rarement fait plus ridicule, en tout cas plus anti-économique, et convenir avec moi qu'il faut absolument abroger cet article.
Le risque, avec cet article, c'est, comme avec les crustacés, de se retrouver avec rien : si vous faites cuire un homard trop longtemps, il se vide. Je sais que beaucoup ici sont friands de homard, moi aussi d'ailleurs.
C'est de la nourriture de riches, ça ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Quel rapport peut bien avoir cette remarque culinaire avec le sujet, me direz-vous ? Je vais vous l'expliquer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il ne s'agit pas de celle du « homard Buzet » (Sourires), bien que j'aborde les aspects culinaires de ce texte.
Le gain net est, selon le rapporteur, le chiffre d'affaires 2009 moins le chiffre d'affaires 2008. Pour l'apprécier, il faut prendre en compte le chiffre d'affaires 2009, qui est égal au chiffre d'affaires 2008 multiplié par la croissance du marché…
…– sachant que le marché est en décroissance, mais cela ne fait rien –, ajouter le report publicitaire sur France Télévisions et déduire la taxe. Comment calculer le report publicitaire de France Télévisions ? En prenant 450 millions multipliés par le taux de captation. Qui me dira quel est le taux de captation ? Autant demander à quelqu'un qui ne sait pas faire cuire le homard quel est le temps de cuisson pour un homard d'un kilo !
Et vous ne savez pas. Le seul élément stable de votre recette culinaire, c'est le chiffre d'affaires 2008, d'un montant de 2 858 millions d'euros. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Je suis très sérieux. (« Nous aussi ! » sur les mêmes bancs.) Ce que je crains le plus avec cette recette, c'est que, de votre homard, il ne reste rien d'autre que la carcasse.
De cette affaire culinaire mal ficelée, je suggère d'exclure France Télévisions, autrement dit de ne pas taxer la publicité qui restera sur ses chaînes en dehors de la tranche horaire comprise entre vingt heures et six heures. J'attends fermement du rapporteur et de la ministre, non pas une recette de cuisine de homard, mais des explications sur le mode de calcul des composantes du gain net. Je veux savoir quel sera le report publicitaire de France Télévisions, comment sera calculé le taux de captation. En un mot, je veux savoir sur le fondement de quelles expertises vous avez pris vos décisions. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP.)
Ce grand moment vous vaut des applaudissements nourris sur les bancs de la droite.
Je vais tenter de retrouver un peu de sérieux. Nous sommes à un moment important de la discussion du projet de loi, puisque la majorité s'apprête à voter de nouvelles taxes, d'abord à l'article 20, puis à l'article 21. Applaudissons des deux mains celles et ceux qui se sont présentés aux électeurs comme les champions de la baisse des prélèvements obligatoires !
Les promesses n'engagent que ceux qui y croient, telle a été la devise du précédent Président de la République pendant douze ans. Nicolas Sarkozy semble bien être le fils politique de Jacques Chirac.
Candidat à la Présidence de la République, il annonçait l'augmentation de la publicité pour sortir l'audiovisuel public de son sous-financement chronique et pour le financer à la hauteur de ses missions ; élu, il propose de la supprimer. Candidat, il promettait, avec son roulement d'épaule caractéristique et les tics associés,…
Il a gagné parce que, malheureusement, une majorité de nos concitoyens l'ont cru il y a un an et demi,…
…et ils en paient le prix fort aujourd'hui. Le Gouvernement et Nicolas Sarkozy sont devenus, sous la Ve République, les champions toutes catégories de la création de taxes et de l'augmentation des prélèvements obligatoires. Jamais auparavant il n'y en avait eu autant. On taxe tout !
Ce soir, on est en train de créer deux taxes, l'une sur les recettes publicitaires, sur l'effet d'aubaine né du transfert des ressources publicitaires du public vers le privé, l'autre sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès à Internet et des opérateurs de télécommunications. J'ai encore à l'oreille les propos tenus à la tribune par le plus expert d'entre nous en finances publiques, le rapporteur général Gilles Carrez, qui pourfendait dans la discussion générale la création de ces taxes, soucieux, en honnête homme qu'il est, de voir tenues par le Gouvernement et la majorité les promesses du candidat Sarkozy élu à la Présidence de la République.
Vous essayez tant bien que mal de faire en sorte que les 450 millions d'euros à trouver pour compenser « à l'euro près » ne sortent pas du budget de l'État, dont le retour à l'équilibre n'est promis que pour 2014, et encore selon une prévision optimiste. Je me demandais, dans une précédente intervention, si le Président de la République n'avait pas la nostalgie d'une certaine télévision, celle de « Thierry la Fronde » ou des « Dossiers de l'écran ».
Pour ma part, je suis plutôt de la génération de Saturnin le petit canard.
Le petit canard, ce sont les Français ou les acteurs économiques que l'on plume avec ce projet de loi. Nous ne voudrions pas que, tel le petit canard, France Télévisions soit plumée à la suite de l'adoption de cet article. C'est la raison pour laquelle notre amendement propose que France Télévisions ne soit pas surtaxée sur son chiffre d'affaires publicitaire, que cela soit réservé, par dignité, aux chaînes privées.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 358 .
Vous regrettiez ce matin, madame la ministre, que nous n'ayons pas évoqué les crustacés dans nos amendements relatifs aux publicités sur les génériques. Mon collègue Rogemont ayant eu l'élégance de réparer cet oubli comme vous le souhaitiez, auriez-vous l'obligeance de répondre à la question, maintes fois posée, de savoir pourquoi la suppression de la publicité commence par la tranche de vingt heures à six heures du matin, plutôt que par celle de six à vingt heures, ce qui, du point de vue financier, n'est pas sans importance, le manque à gagner n'étant pas le même dans les deux cas ?
Par ailleurs, il ne m'a pas été possible, monsieur le président, de m'exprimer sur l'article 19, puisque vous aviez limité à deux le nombre d'interventions sur l'article.
Si nous nous félicitons de l'indexation de la redevance sur l'indice des prix à la consommation, nous regrettons en revanche, comme Jean Dionis du Séjour, l'institution de nouvelles taxes aux articles 20 et 21. Contrairement à la redevance en effet, ces taxes – dont le produit est au demeurant tout à fait aléatoire – ne seront pas affectées. Or lorsque les recettes d'une taxe ne sont pas affectées, elles vont au budget de l'État : on l'a constaté avec la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, par exemple.
Le bénéficiaire est désormais le GIP France Télé numérique et non plus la seule France Télévisions. Le groupement d'intérêt public est composé de l'État, de TF1, France Télévisions, Canal Plus, Arte et M6. Il suffit de se reporter à cette liste pour comprendre que les recettes – aléatoires, je le répète – de la taxe ne bénéficieront pas intégralement à France Télévisions, loin s'en faut. On peut même affirmer qu'elles viendront – ironie de l'histoire – abonder le budget de TF1.
Nous aurions pu élargir la redevance aux résidences secondaires. Ce ne sera pas le cas. D'autre part, les taxes nouvelles que vous prévoyez ne prennent pas en compte la convergence des médias. Or, selon une étude d'Ipsos Média CT portant sur un échantillon de 4 000 usagers, chaque jour neuf millions de personnes regardent des programmes télévisés, écoutent la radio ou lisent la presse sur leur ordinateur, cela sans compter les 17,4 millions d'internautes qui consultent un site généraliste ou de partage de vidéo en ligne. N'aurait-il pas été légitime d'élargir la redevance à ces nouveaux utilisateurs plutôt que d'imposer de nouvelles taxes totalement aléatoires et très injustes ?
En outre, cette taxe s'appliquera non seulement à TF1 et à M6, mais également, comble d'ironie, à France Télévisions ! Puisque le grand inspirateur de ce projet de loi est le Président de la République,…
…je rappellerai que, lorsqu'il était candidat, il s'était déclaré contre la double peine. Pour respecter son souhait, je vous invite à ne pas appliquer la double peine à France Télévisions en la privant de recettes publicitaires tout en lui imposant une nouvelle taxe.
Ces amendements tendent tous à exclure les chaînes de la télévision publique du champ d'application de la taxe. Si on vous suivait, chers collègues, il y aurait rupture d'égalité.
Chère collègue, M. Dionis du Séjour ne disait pas autre chose dans son amendement de suppression de l'article 20. La publicité diffusée à la télévision est taxée ; or France Télévisions continuera, après le 5 janvier, à diffuser des messages publicitaires au cours de la journée, ce qui lui permettra, d'engranger des bénéfices. Il est donc normal, dans un souci d'égalité, de lui appliquer la taxe.
Avis défavorable, donc.
Comme vient de le dire M. le rapporteur, si nous adoptions ces amendements, nous serions en contradiction avec les règles européennes et avec la Constitution au motif de la rupture de l'égalité de traitement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il en est ici comme de la TVA : l'État lui-même l'acquitte quand il achète, fait des travaux, procède à des restaurations. Cela étant, la charge ne sera pas très lourde pour l'audiovisuel public.
À force de trop cuire le homard, il se vide, disait M. Rogemont. C'est peut-être le traitement que nous réservons en réalité aux chaînes privées !
On serait alors bien loin de leur faire un cadeau ! Je vous laisse méditer cette réflexion.
Je vais être obligé de vous inviter à déguster un homard, madame la ministre !
Je voudrais citer M. Martin-Lalande, qui remplace avec constance et élégance le président de la commission spéciale puisque celui-ci ne nous fait pas la grâce de sa présence.
Rapporteur spécial pour la mission « Médias », M. Patrice Martin-Lalande a rappelé que « la justification de la redevance, sous sa forme actuelle ou sous une autre, modernisée », résidait, « puisqu'il s'agit d'une recette affectée, dans l'objet même de ce qu'elle contribue à financer, le service public de l'audiovisuel ».
Reprenant la phrase, le rapporteur de la commission spéciale, M. Kert, écrit qu'il souhaite de même « réaffirmer l'objet unique de la redevance, financer la télévision et la radio publiques », ajoutant : « Si l'on peut comprendre que de lourdes contraintes budgétaires pèsent sur l'État, et si l'on sait que les opérations de communication relatives à l'extinction de l'analogique sont très coûteuses, cette dilution de l'objet de la redevance n'est pas acceptable alors même que l'on tente de clarifier les modalités de financement de l'audiovisuel public. »
En dépit de ces bonnes intentions, de cette volonté de défendre l'audiovisuel public et d'en préserver les ressources, y compris la redevance, et contre l'avis donc du rapporteur spécial et du rapporteur de la commission spéciale – mais aussi de bien des défenseurs de l'audiovisuel public –, voici que l'on instaure des taxes que vous n'aviez pas imaginées dans vos pires cauchemars, mes chers collègues de l'UMP. Des taxes qui sont rejetées par le groupe Nouveau Centre et vigoureusement combattues de ce côté de l'hémicycle par l'ensemble de la gauche ! Des taxes dont on ne connaît pas les recettes prévisionnelles, mais dont on sait par avance que celle qui en pâtira sera, aussi incroyable que cela paraisse, France Télévisions !
Je réaffirme qu'il serait possible d'exclure France Télévisions du champ de cette taxe dont l'inconstitutionnalité sera peut-être démontrée. Nous ne nous satisfaisons pas des réponses que nous venons d'entendre !
Il est pour le moins étonnant qu'instaurant une taxe pour compenser les pertes de recettes de France Télévisions, on l'applique à cette même société ! J'avoue que j'ai du mal à comprendre.
Le rapporteur et le gouvernement viennent de nous expliquer qu'il y aurait rupture d'égalité devant la loi s'il en allait autrement. Dans une autre vie, je suis directeur divisionnaire des impôts : vous me permettrez donc de vous faire observer que, quelle que soit la taxe, quel que soit l'impôt, il y a des gens qui y sont assujettis et d'autres non. Ainsi pour la TVA : certains en sont exonérés. Il n'y a pas pour autant rupture d'égalité. Le Parlement a toujours voté des dérogations à l'application de la loi fiscale en fonction de situations différentes. Vous auriez fort bien pu disposer que la taxe sur la publicité ne s'appliquerait que pour les publicités diffusées à partir de vingt heures. Cela n'aurait concerné que les télévisions privées puisqu'elles seront les seules à diffuser de la publicité après vingt heures. Il n'y aurait donc pas eu rupture d'égalité. Vous auriez pu également décider que certaines émissions ne seraient pas taxées. Bref, vous auriez pu trouver toutes sortes de moyens juridiques permettant de traiter de même tous ceux qui se trouvent dans une même situation.
Puisque vous avez prévu un seuil – 11 millions dans votre texte – à partir duquel la taxe sera perçue, vous auriez tout aussi bien pu le fixer à un niveau tel que seules les chaînes privées soient concernées. L'argument de la rupture d'égalité ne tient donc pas !
En fait, vous voulez non seulement taxer la publicité, pénaliser France Télévisions, mais également trouver des recettes supplémentaires pour le budget de l'État. Si c'est cela, il faut le dire ! Si vous ne vouliez pas créer une nouvelle taxe, vous auriez pu limiter le montant de la taxe perçue à 450 millions d'euros, ce qui permettait de financer France Télévisions. Mais en l'occurrence, vous ne la limitez pas. Cela signifie que toutes les sommes perçues au-dessus de 450 millions iront au budget de l'État et ne seront pas reversées à France Télévisions. Ce sera une nouvelle recette fiscale. Ayez le courage de le dire !
Il existe déjà des taxes que les télévisions acquittent, qu'elles soient publiques ou privées.
Il n'y a pas de raison de prévoir un régime différent pour la nouvelle taxe, en faisant deux poids, deux mesures. Si vous vouliez fragiliser la base du financement du service public, en proposant que France Télévisions n'obéisse pas aux règles qui s'appliquent normalement à toutes les télévisions, vous ne vous y prendriez pas autrement !
Quant au GIP, j'ai regretté qu'il ponctionne – temporairement, je l'espère – le fonds…
Si, monsieur Rogemoent, nous avons fixé une limite.
Chaque année gagnée pour réaliser la couverture en télévision numérique terrestre, ce sont 120 millions d'euros de coûts de diffusion économisés pour France Télévisions.
Autrement dit, le public comme le privé – même si le premier nous intéresse plus particulièrement ce soir – ont intérêt, comme nous tous, à ce que le GIP, constitué pour couvrir plus efficacement notre pays en numérique, fasse vite et donc dispose de moyens en conséquence.
« Messieurs les taxeurs, bonsoir ! » Ainsi aurais-je pu saluer nos collègues de la majorité. Mais j'aurais pu aller jusqu'à les qualifier de « surtaxeurs », car ils proposent une nouvelle taxe alors que la publicité à la télévision est déjà taxée.
Jusqu'à présent, France Télévisions vivait principalement de deux types de ressources : la redevance et les recettes publicitaires. Cette économie sera totalement chambardée, les chaînes privées étant mises à contribution pour financer France Télévisions. Il s'agit d'une aberration économique et fiscale.
Qu'on nous oppose l'inconstitutionnalité, il y a de quoi rire. Les articles 8 et 9, relatifs à la nomination et à la révocation du président de France Télévisions, fournissaient déjà un motif d'inconstitutionnalité ; l'amendement n° 105 rectifié que le rapporteur défendra tout à l'heure encourt le même risque, ainsi que l'article 21 ! Ce projet de loi ne manque donc pas de motifs d'inconstitutionnalité, et il donnera bien du travail au juge constitutionnel une fois voté.
Nous proposons donc, en toute logique, de renoncer à cette aberration selon laquelle, en vertu d'un système de vases communicants, France Télévisions bénéficierait d'une nouvelle taxation de la publicité diffusée sur les chaînes privées, mais perdrait une partie des maigres ressources qu'elle continuerait de tirer de la publicité pendant la journée, entre six et vingt heures.
Ni les arguments du rapporteur, ni ceux de la ministre et de M. Martin-Lalande ne nous ont convaincus. Nous sommes sincèrement désolés, mais nous essayons d'être logiques !
Je suis saisi d'un amendement n° 766 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Madame la ministre, nous avons écouté avec intérêt votre allégorie culinaire, et j'ai été heureux d'apprendre que vous aviez des talents de marmitonne.
Vous m'avez rassuré : même si vous séjourniez à Versailles, vous accommodiez donc vous-même les mets, ce qui prouve que la révolution était passée par là (Sourires sur les bancs des groupes GDR et SRC.), et que vous n'aviez plus ni laquais ni valets à votre service.
À propos de l'allégorie développée par notre collègue, vous avez cependant déclaré que c'étaient les télévisions privées qui risquaient d'être, si j'ose dire, dans la carapace du homard. Savez-vous, madame la ministre, qu'il existe une sorte de homard qui ne subit aucune transformation ? Je veux parler du homard de Cythère. (Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Ce homard a un point commun avec Martin Bouygues : il ne se dissout pas ! Plus précisément, Martin Bouygues ne se dissout qu'en Bourse ! (Même mouvement.) Vous voyez que la comparaison culinaire trouve vite ses limites.
Madame Albanel, vous êtes ministre de la culture et, avant même de le devenir, vous étiez déjà une femme cultivée.
La loi que vous défendez peut vous faire perdre la confiance des citoyens. Or savez-vous ce qui arrivait aux habitants de Thèbes lorsqu'ils perdaient la confiance des citoyens ? Ils étaient exilés à Cythère, justement – une île sans pareille, bien qu'on puisse la comparer à Paphos, où naquit Vénus. (Sourires.)
Monsieur le président, vous admettrez sans doute qu'en fin de semaine, nous empruntions quelques détours historiques et culturels.
La Vénus de Montreuil, c'est Dominique Voynet ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
Le Gouvernement a unilatéralement décidé de supprimer la publicité sur le service public, ce qui, nous le savons, représentera pour ce dernier un manque à gagner très important et conduira à modifier les programmes et les grilles, mais affectera aussi les marchés publicitaires. Il est en effet à craindre que les chaînes privées n'augmentent très fortement le prix des écrans publicitaires au cours de la plage horaire concernée par cette suppression, tout en pratiquant une forme de dumping publicitaire le reste de la journée en proposant des écrans moins chers que ceux du service public. Le financement du service public en sera fragilisé.
Voilà pourquoi il nous paraît pénalisant de taxer au même titre les recettes publicitaires des chaînes publiques et privées. Monsieur Martin-Lalande, l'argument de la rupture d'égalité ne tient pas.
Les apparences peuvent être trompeuses. M. Pupponi a ainsi montré fort justement que l'on aurait tort de croire à une rupture d'égalité entre un imposable et un non-imposable, puisque l'un est pauvre et l'autre beaucoup plus riche.
Pour conclure par une comparaison culturelle, madame Albanel, prenons une amphore qui vient de Chypre et une autre qui vient…
Par exemple ! (Rires sur les bancs du groupe GDR.) Elles peuvent sembler identiques alors qu'elles ne le sont pas. Ne nous embringuez donc pas dans de fausses égalités ou de fausses ruptures d'égalité : restons-en à l'essentiel et protégeons le service public, ce que vous ne semblez pas disposés à faire…
Si, contre vous ! Si on vous suivait, le service public serait juridiquement fragilisé !
Monsieur Martin-Lalande, quand les citoyens de Thèbes étaient exilés à Cythère, on leur apprenait à respecter ce principe fondamental d'égalité, désormais inscrit dans la devise de la République !
Défavorable, pour les mêmes raisons qui nous ont conduits à repousser les amendements précédents.
Même avis.
Je soutiens naturellement l'amendement n° 766 . La réponse du Gouvernement ne nous satisfait pas. En effet, dans cette affaire, le service public de l'audiovisuel est victime d'une double peine.
D'une part, on l'a dit, la publicité y est reléguée entre six et vingt heures, ce qui en fait une sorte de publicité résiduelle par rapport au cadeau offert à l'audiovisuel privé.
En outre, elle viendra ainsi polluer les programmes du matin, au moment où les enfants regardent la télévision. Mme Filippetti a fort justement rappelé en fin d'après-midi que les enfants passent en moyenne deux heures à deux heures et demie devant la télévision – non pas le soir à vingt heures, mais le matin, avant d'aller à l'école. Ils fourniront donc un public captif aux publicités que le service public de l'audiovisuel pourra présenter à cette heure, faisant d'eux de futurs consommateurs susceptibles d'inciter leurs parents à consommer davantage encore.
Enfin, ces publicités seront autant de sources de frustration pour les familles qui sont aujourd'hui en très grande difficulté.
D'autre part, avoir le culot, car il n'y a pas d'autre mot, de continuer à taxer la publicité sur le service public, reconnaissez que c'est, en creux – pour employer un langage à la mode que l'on retrouve dans les journaux du matin et du soir –, offrir au privé une part un peu plus grosse du gâteau ! Le service public est donc très lourdement pénalisé.
Je n'enfilerai pas mon maillot de marin pour tenter de faire des distinctions…
… et de m'ériger en arbitre des élégances des crustacés, qu'il s'agisse du homard ou de la langouste !
Il n'est pas habituel de réunir les députés un vendredi soir à vingt-deux heures trente pour discuter d'un projet de loi. Nous entamons la nuit sur le mont Chauve, pour citer la magnifique pièce de Moussorgski. Mais nous sommes décidés à continuer de nous battre sur l'essentiel et à faire de cette nuit, plutôt que la nuit sur le mont Chauve, une nuit de travail, au cours de laquelle nous dirons la désapprobation totale que nous inspirent en particulier les articles 20 et 21.
Le mont Chauve, c'est Michel Herbillon !
(L'amendement n° 766 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 521 .
La parole est à M. Marcel Rogemont.
J'ai bien conscience de la difficulté de cet amendement, si technique qu'il faudrait presque être Rouletabille pour s'y retrouver !
J'espère donc que mes collègues feront preuve de la même sagacité que Rouletabille.
À la fin de l'alinéa 4, le texte dit qu'« il est institué une taxe due par tout éditeur de services de télévision au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, établi en France ». L'amendement tend à en supprimer ces trois derniers mots. Je vais m'en expliquer, mais peut-être le rapporteur et la ministre pourront-ils nous fournir des explications complémentaires à ce sujet.
Il s'agit d'exclure les commissions d'agence de l'assiette, conformément à l'usage, ces commissions appartenant non au périmètre économique des chaînes, mais à celui des annonceurs qui confient à des agences la recommandation et l'achat d'espaces.
L'amendement précise également que ne sont comprises dans l'assiette que les sommes payées par les annonceurs pour la diffusion à destination du territoire français. En effet, les chaînes internationales telles qu'Euro News n'ont pas à être assujetties sur leurs recettes pour une diffusion dans d'autres pays que la France.
À défaut de cette précision, les chaînes existantes seraient incitées à se délocaliser ou à s'établir hors de France. Dès lors, comment des inspecteurs du Trésor comme notre collègue Pupponi pourraient-ils, tel Rouletabille, aller chercher les recettes de ces chaînes ?
Sur ce sujet très technique, j'aimerais donc obtenir du rapporteur et de madame la ministre une explication claire sur les mots « établi en France », dont la suppression empêcherait selon nous nos chaînes d'être tentées de se délocaliser.
Il y a un malentendu, monsieur le président : je ne saisis pas bien pourquoi M. Rogemont me demande de lui expliquer son propre amendement.
Il ne s'agit pas du tout de cela ! J'aimerais seulement que vous me prouviez que mon analyse n'est pas fondée. N'oubliez pas que nous serons comptables demain des décisions que nous prenons aujourd'hui !
Cher collègue, je dirai plutôt que cet amendement est un peu incompréhensible.
Je ne saisis pas bien le rapport que vous établissez entre le début de votre exposé des motifs, « Le présent amendement vise à exclure les commissions d'agence de l'assiette… », et la suppression des termes « établi en France ». Dans ces conditions, il me paraît difficile de vous fournir une explication de texte.
Si la commission a rejeté cet amendement, c'est donc d'abord parce qu'elle n'en a pas saisi tout le sens. C'est ensuite parce qu'elle estime que cette taxe constitue bien une disposition fiscale française applicable aux éditeurs de services de télévision établis en France.
Cet amendement ne nous paraît servir à rien tant la mention de l'établissement en France coule de source. S'il était adopté, je crois sincèrement, cher monsieur Rogemont, que cela ne changerait rien à l'affaire.
Je partage l'avis du rapporteur. Par définition, ne peuvent être taxés que les éditeurs de services de télévision établis en France. Je ne crois pas que la suppression de cette mention apporte quoi que ce soit. Avis défavorable donc.
Cet amendement est parfaitement sensé. Taxer seulement les éditeurs établis en France, c'est inciter certains à quitter le territoire national afin de s'établir ailleurs. Mettez-vous à la place des dirigeants d'une chaîne privée. Ne pensez-vous pas que, sachant qu'en restant en France, ils devront acquitter une taxe de 3 % sur leurs recettes publicitaires, ils seront tentés de délocaliser leur société dans un pays limitrophe pour continuer à diffuser dans les mêmes conditions sans être taxés ? Beaucoup de contribuables quittent actuellement la France parce qu'ils estiment payer trop d'impôts, vous vous plaisez vous-même à le souligner. Comment voulez-vous que la création d'un nouvel impôt n'aboutisse pas au même résultat ? Le seul moyen de l'éviter serait de taxer tous ceux qui diffusent en France.
J'aimerais préciser que les chaînes historiques comme les chaînes de la TNT, pour émettre en France, doivent avoir une autorisation du CSA. Il est clair que si elles partaient s'installer à l'étranger, elles n'en bénéficieraient plus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je dois dire que je ne comprends même pas l'objet de cette proposition. Vous semblez confondre la diffusion à l'étranger et le fait d'être installé en France. Euronews est installé en France, ne l'oubliez pas.
Rien n'empêche, grâce à la diffusion satellitaire, de visionner en France des télévisions établies en dehors du territoire national. Et rien n'empêchera celles qui sont établies en France de quitter le territoire pour diffuser à partir d'un pays étranger afin d'échapper à la taxe. Il faut donc trouver un subterfuge pour taxer les sociétés diffusant en France, sans faire entrer en ligne de compte le lieu d'établissement de l'éditeur.
(L'amendement n° 521 n'est pas adopté.)
L'amendent n° 714 est retiré.
Je suis saisi d'un amendement n° 522 .
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Je considère que cet amendement a déjà été défendu.
(L'amendement n° 522 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Le projet de loi instaure une taxe calculée en appliquant un taux de 3 % sur le chiffre d'affaires et prévoit un abattement forfaitaire de 4 %.
Or le fait d'asseoir la taxe sur le chiffre d'affaires est l'un des motifs d'inconstitutionnalité que le Conseil constitutionnel pourrait relever. Tout impôt doit en effet être calculé à partir de la capacité contributive et non à partir du chiffre d'affaires, notre droit constitutionnel sanctionne toute infraction cette règle.
Par ailleurs, l'abattement de 4 %, censé correspondre aux frais de régie publicitaire, est manifestement sous-évalué. D'après les informations fournies par la profession, un taux de 20 % serait plus réaliste. Nous proposons donc de relever l'abattement forfaitaire jusqu'à ce pourcentage.
En outre, nous prévoyons de déduire des sommes prises en compte dans l'assiette taxable l'ensemble des dépenses supportées par les services de télévision qui ne sont pas rattachées à leurs activités commerciales.
Autrement dit, madame la ministre, nous vous aidons à éviter les foudres du Conseil constitutionnel. Vous seriez donc bien inspirée de réagir favorablement à cet amendement.
L'amendement n° 713 est un amendement de repli.
L'amendement n° 715 propose une réduction très importante de l'assiette de la nouvelle taxe. Nous pouvons toujours débattre des questions d'assiette, comme je vous le disais en commission, mais j'ai pour ma part la conviction qu'il convient plutôt de jouer sur l'adaptation du taux de la taxe à la situation économique – nous en reparlerons à l'occasion de l'amendement n° 105 rectifié .
Vous entendez faire passer le taux d'abattement au titre des frais de régie de 4 % à 20 % pour mieux le faire correspondre à la réalité. Et je dois dire qu'il est intéressant d'apprendre que des commissions de régie peuvent atteindre de tels pourcentages.
Quoi qu'il en soit, l'abattement tel qu'il est prévu vise à prendre en charge forfaitairement une partie seulement des frais de régie, et non leur totalité.
Par ailleurs, il est identique à l'abattement institué à l'article 302 bis du code général des impôts pour le compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels, que personne ne conteste.
Quant à l'amendement n° 713 , la commission n'en a pas bien saisi la logique. Comment pouvez-vous proposer de déduire à la fois le montant des dépenses liées à la diffusion analogique et celui des dépenses liées à l'arrêt de la diffusion analogique ? Par ailleurs, jusqu'où multiplier les déductions d'assiette ? Si l'on pousse cette logique à l'extrême, pourquoi ne pas aller jusqu'à réduire l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou encore des frais de personnel ?
Ces deux amendements, qui ne correspondent pas à l'esprit général de la réforme, ont donc été repoussés par la commission. Mais vous le savez déjà, monsieur Dionis du Séjour, puisque vous étiez présent à nos réunions.
Nous ne sommes pas favorables à des modifications d'assiette, surtout quand elles contribuent à complexifier le projet de loi et à appauvrir les ressources de France Télévisions.
J'ai posé une question importante, qui sera sans doute présente à l'esprit des juges constitutionnels. L'Assemblée nationale entend-elle sciemment retenir le chiffre d'affaires pour définir l'assiette d'une taxation, qui plus est en ne prenant en compte qu'une partie des dépenses, alors même que ce procédé est condamné par l'ensemble de notre droit constitutionnel ?
La règle en matière d'assiette taxable est de prendre en compte la valeur contributive, soit les recettes moins les dépenses.
En ne prenant en compte qu'une partie des frais des régies publicitaires, vous introduisez un biais important dans le projet de loi. Mais je pense que nous vous avons suffisamment averti des dangers de ce choix.
(L'amendement n° 715 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 713 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 663 .
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
Cet amendement concerne, pour être clair, le cas spécifique d'Euronews, implantée à Lyon mais évoluant sur le marché publicitaire mondial. Intégrer ses recettes publicitaires dans l'assiette de la taxe aboutirait à la pénaliser par rapport à ses concurrentes. Cet amendement propose donc de ne retenir dans l'assiette de la taxe que les sommes versées par les annonceurs au titre du décrochage publicitaire local français, lequel est exclusivement destiné aux téléspectateurs de notre pays.
Bien entendu, monsieur Martin-Lalande, le Gouvernement partage votre souci ne pas pénaliser les chaînes dont l'audience est essentiellement internationale. Pour autant, la solution proposée nous paraît difficilement applicable, compte tenu de la difficulté qu'il y à mesurer l'audience mondiale. Il nous paraît préférable de réfléchir avec les sociétés concernées à une solution incontestable du point de vue juridique comme du point de vue opérationnel, et ce d'ici à la CMP. Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse très positive. J'aimerais simplement que nous traitions cette question avant le passage au Sénat car il serait trop difficile de le faire au moment de la CMP.
Nous avons du temps devant nous ! (Sourires.)
Il faudra trouver une solution en béton, si je puis dire.
Cela dit, je retire mon amendement.
(L'amendement n° 663 est retiré.)
Nous atteignons au comble du ridicule, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues.
Résumons la situation. Nous avons vu tout à l'heure que, pour bénéficier d'une hypothétique taxe, les éditeurs devront d'abord être taxés. Et maintenant, nous voici confrontés à une question qui doit mobiliser toutes nos compétences en mathématiques : vaut-il mieux une taxe de 3 % après abattement de 20 % ou une taxe de 1,5 % après abattement de 4 % ? De surcroît, nous apprenons que ces dispositions ne sont pas constitutionnelles.
Pour notre part, notre réponse est simple : nous voulons un abattement le plus faible possible et une taxe la plus importante possible, à la hauteur de l'enrichissement dont profiteront TF1 et M6.
L'idéal eût été d'augmenter progressivement la redevance, au lieu de la baisser, et de réfléchir au meilleur moyen de concilier une légère baisse de la publicité avec une augmentation des ressources des chaînes.
La seule question qui reste posée est la suivante : s'agit-il d'une taxe de 3 % après un abattement de 20 %, – mais certains parlent de 15 %, voire de 12 % et nous pourrions en débattre pendant trois semaines encore – ou faut-il tenir compte d'un abattement de 4 %, lequel est anticonstitutionnel car il ne correspond pas à la réalité ?
Soit on prévoit un abattement de 20 %, suivant en cela la logique des centristes libéraux, soit on suit la nôtre qui consiste à supprimer toute forme d'abattement au motif que l'on a déjà assez fait souffrir le service public.
Quand on vous écoute, il n'y a qu'à tirer l'échelle, mais on se contentera d'un escabeau !
La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l'amendement n° 368 .
Monsieur le président, j'en appelle à votre sagacité, puisque, tout à l'heure, je n'ai pas été écouté s'agissant de la formule mathématique utilisée pour définir l'assiette, malgré un recours à l'allégorie du homard.
Traitant de l'assiette de la taxe, on part du principe qu'il y a croissance du marché, alors que c'est l'inverse qui se produit actuellement. On met donc en place un dispositif visant à mesurer ladite croissance du marché quand celui-ci se restreint. Pourtant, l'absence de publicité sur France Télévisions va nécessairement conduire à augmenter le montant que vont toucher les chaînes privées. Mais le problème est qu'il n'y aura probablement pas grand-chose dans l'assiette. Si on reprend l'exemple du homard, elle ne devrait contenir qu'une petite patte.
Non, car dans une pince il y a beaucoup à manger, et je sais de quoi je parle en matière de homard !
On est donc en train de définir une taxe sur une absence d'assiette. Les annonceurs prenant déjà 20 % pour leur rémunération, si l'on ajoute à cela un abattement forfaitaire de 4 %, l'assiette va se transformer en écuelle ! (Sourires.)
Ce n'est pas parce qu'il est vingt-deux heures quarante-cinq que vous allez endormir ainsi les députés de l'opposition. Nous ne sommes pas dans Bonne nuit les petits, je ne m'appelle pas Nicolas et Mme la ministre n'est pas Pimprenelle.
Au mois de janvier puis au mois de juin, le Président de la République a déclaré aux Français, dans son style inimitable, qu'il allait supprimer la publicité à la télévision en raison de la dictature de l'audimat, améliorer les programmes et, pour ce faire, taxer les chaînes privées. Les Français se sont dit qu'il s'agissait peut-être d'un phénomène de vases communicants et que l'on allait taxer les chaînes privées pour financer l'audiovisuel public. Or, avec l'article 20, on s'aperçoit que vous détricotez cet effet d'annonce, c'est-à-dire cette surtaxation de 3 % sur les recettes publicitaires des chaînes de télévision. Nous verrons, lors de l'examen de l'amendement n° 105 rectifié , ce que deviendra cette taxe, qui n'est déjà plus de 3 %, avec un abattement qui n'est déjà plus de 4 %, M. Bouygues, relayé par certains d'entre vous ici, ayant considéré que ce pourcentage n'était pas suffisant.
En tout cas, pas par M. Dionis du Séjour qui est plutôt d'accord avec vous !
Compte tenu des cadeaux qui sont faits ou seront faits aux chaînes privées – transfert des ressources publicitaires, seconde coupure publicitaire, passage de l'heure glissante à l'heure d'horloge, passage de six à neuf minutes de publicité par heure –, permettez que nous supprimions au moins la dernière phrase de l'alinéa 5 de l'article 20 afin que les chaînes privées paient une taxe qui, nous l'espérons, restera fixée à 3 %, sans qu'il y ait de surcroît un abattement forfaitaire.
Ces amendements, que la commission a rejetés, vont exactement à l'inverse de ceux qui ont été défendus précédemment, puisqu'ils prévoient d'augmenter le rendement de la taxe en supprimant un abattement.
Comme nous l'avons dit, la taxe a été conçue en prenant pour modèle celle sur les services de télévision, dite taxe COSIP, dont l'assiette n'est semble-t-il contestée par personne et qui est déjà assortie d'un abattement forfaitaire de 4 %. Cet abattement est légitime car il prend en compte une partie des coûts liés aux frais de régie publicitaire.
Nous proposons le rejet de ces amendements en nous demandant en quoi l'article 20 pourrait bien être inconstitutionnel, d'autant que le Conseil d'État n'a rien trouvé à y redire.
Avis défavorable, pour les raisons exposées par le rapporteur.
Monsieur le président, je suis surprise que vous n'ayez pas appelé l'amendement n° 372 dont j'étais cosignataire.
Nous sommes vraiment en plein cinéma, dans le film Vol au-dessus d'un nid de coucou. C'est de la pure folie ! Mais, Mme Montchamp nous ayant invités à ne plus utiliser de métaphores psychiatriques, je m'abstiendrai de toute comparaison avec des pathologies lourdes telles que les montre ce film.
Il convient de supprimer l'abattement forfaitaire sur les sommes versées aux éditeurs ou à leur régie par les annonceurs, abattement dont on ne sait pas pourquoi il serait de 4 %. Jean Dionis du Séjour a en effet démontré que si cela correspond aux commissions des régies, l'évaluation n'est plus la bonne depuis longtemps. Pourquoi pas 2 % ou 6 % ? Vos réponses n'apportent aucune justification en la matière.
Autre question de fond à laquelle j'aimerais bien que vous répondiez, madame la ministre, et je la répète donc : pourquoi commence-t-on par supprimer la publicité de vingt heures à six heures, et pas de six ou huit heures à vingt heures, quand les enfants regardent la télévision ?
J'invite mes collègues de la majorité qui ont la patience de siéger ce soir sans prendre la parole à aucun moment, à s'exprimer sur ces articles et sur les amendements que nous déposons. Sinon vous serez coupables. Car si nous déposons des amendements, c'est bien parce que des problèmes se posent.
Je suis saisi d'un amendement n° 661 .
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
Il s'agit de prendre en compte autant que possible la réalité économique de la télévision en portant l'abattement de taux de régie de 4 à 20 %.
Nous venons de rejeter l'amendement n° 715 qui avait le même effet. Je suis donc obligé de donner un avis défavorable à cet amendement.
Avis défavorable.
J'ajoute que l'adoption d'une telle mesure aboutirait à inciter les chaînes privées à atteindre ce plafond en inscrivant dans les frais de régie des dépenses qui n'ont pas à y figurer.
Nous venons de développer beaucoup d'arguments qui montrent que le service public de l'audiovisuel est sous-financé et que les taxations imposées à l'audiovisuel privé ne sont pas suffisantes, que ce soit en termes de pourcentage sur les recettes publicitaires ou en termes d'assiette.
En début de séance, nous avons proposé un amendement qui visait à taxer non seulement les recettes publicitaires, mais aussi le chiffre d'affaires. Le taux n'aurait été que de 1 %, mais la taxe aurait été beaucoup plus rentable que celle de 3 % assise sur les seules recettes publicitaires.
Dans quelques minutes, nous examinerons un amendement du rapporteur qui, en raison du prétendu effondrement du marché publicitaire, souhaite baisser encore un peu plus la taxe imposée aux sociétés de l'audiovisuel privé.
Mais nous aurons dans quelques instants l'occasion de démontrer qu'il existe bel et bien pour les chaînes privées un effet d'aubaine que la baisse du chiffre d'affaires ne vient pas contrarier. Cet argument de la baisse, dont nous ferons justice, n'est invoqué par M. Martin Bouygues, qui préside avec M. Paolini aux destinées de TF 1, que pour une opération de lobbying visant à défendre sa chaîne et à obtenir encore plus du Gouvernement. Nous ne saurions faire nôtre cette allégation.
Cet amendement vise donc, non pas à baisser la taxe sur la publicité – ce que proposera M. le rapporteur –, mais au contraire à l'augmenter.
Je rappelle les trois propositions que j'ai formulées au nom des Verts et qui correspondent aux trois piliers du service public : augmentation de la redevance – vous n'en avez pas voulu – ; taxation plus importante sur les publicités et le chiffre d'affaires dans le cadre d'une assiette élargie ; interdiction pour une société qui répond à des commandes publiques de détenir la majorité du capital d'une chaîne privée, afin d'empêcher toute atteinte au pluralisme et d'éviter les conflits d'intérêts, sans quoi c'est le droit à l'information qui est menacé. Je mets au défi n'importe lequel d'entre vous de m'affirmer qu'il a déjà vu ou qu'il verra demain, sur TF1, un reportage critique sur les antennes de téléphonie mobile et sur Bouygues Télécom, ou, sur M6, un reportage sur des distributeurs d'eau alors que la distribution de celle-ci est en voie de privatisation en Amérique latine ou en Inde. Comme je suis du pays du vin, je lui promets même une caisse de douze bouteilles ! C'est Arte, une chaîne publique, qui a diffusé un reportage montrant le rôle que jouent des entreprises comme Suez. Vous ne verrez jamais cela sur une chaîne privée parce qu'il y a trop d'intérêts en jeu.
Oui, comme l'a affirmé le sénateur Le Grand, éphémère président de la haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés, des députés, aujourd'hui, sont actionnés par des lobbies, tel celui des semenciers, sur la question des OGM.
Vous êtes le premier de ces lobbies, avec Greenpeace et les amis de Bové !
Oui, il existe des sociétés, comme Bouygues, qui détiennent à la fois une chaîne de télévision – TF1 –, une entreprise de télécommunications – Bouygues Télécom – et une entreprise de BTP, sans oublier l'immobilier avec Bouygues immobilier ! Cela fait beaucoup pour des élus qui ont besoin, bien souvent, d'avoir des relations apaisées avec des sociétés qui répondent à des commandes publiques.
C'est pourquoi ils entretiennent avec elles des relations incestueuses ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Mamère, je ne nourris pas votre ressentiment obsessionnel à l'égard des chaînes privées,…
…ressentiment que je trouve personnellement un peu déplaisant. Mais à chacun d'assumer sa part de responsabilité !
La commission a émis un avis défavorable à cet amendement car il va à l'encontre des objectifs de la réforme. Je présenterai, effectivement, un amendement destiné à adoucir…
…le seuil de 3 %, dans l'attente de l'effet d'aubaine que vous êtes à peu près les seuls pour l'instant à percevoir.
Le pauvre Martin Bouygues a subi tant d'affronts ! Il a été victime de tant de blessures !
Défavorable.
Il ne faudrait pas, en effet, fixer un taux qui, dans la pratique, serait confiscatoire, surtout dans une période de très grande fragilité du marché.
J'ai précédemment rappelé la façon dont a été calculée l'assiette sur laquelle le taux devra s'appliquer. Cette assiette me fait penser à un ballon gonflé à l'hélium à l'intérieur duquel on aurait placé des clous : à la fin, le ballon explose et il ne reste rien de l'ensemble, exception faite de quelques clous et de quelques morceaux de caoutchouc.
Madame la ministre, comment calculerez-vous le taux de captation ainsi que la croissance du chiffre d'affaires publicitaire des chaînes privées alors même que, nous le savons tous, ce chiffre baisse ? L'assiette devenant évanescente, peut-être est-il préférable d'aller dans le sens qui nous est proposé par Noël Mamère. En effet, si l'assiette se transforme en écuelle, que le taux fixé nous permette au moins d'y mettre quelque chose !
Une écuelle, c'est plus profond qu'une assiette.
(L'amendement n° 768 n'est pas adopté.)
Le IV de l'article 20 fixe un seuil puisqu'il précise que la taxe ne porte que sur « la fraction du montant des versements annuels […] qui excède 11 millions d'euros. » C'est donc la différence entre ce seuil et le chiffre d'affaires qui définit l'assiette soumise à la taxe.
Cette mesure constitue une véritable niche fiscale pour les chaînes de la TNT puisqu'elle exonère le plus grand nombre d'entre elles. Or il se trouve que le marché publicitaire commence à se déplacer vers elles puisque le chiffre d'affaires publicitaire de ces chaînes est passé de 45,7 millions d'euros en 2006 à 102 millions d'euros en 2007. Il a donc plus que doublé !
La nation a fait des efforts considérables en faveur des chaînes de la TNT puisqu'elles ne paient pas le COSIP et ont peu d'obligations de créations. Le fait est qu'elles attirent massivement la publicité, ce qui prouve qu'elles ont décollé, même si elles affirment qu'elles sont encore fragiles.
C'est pourquoi, dans un souci d'égalité entre les différentes chaînes, il convient de supprimer ce seuil qui protège les chaînes de la TNT de manière excessive.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 771 .
Notre amendement vise à améliorer la taxe créée par l'article 20, taxe qui porte sur le chiffre d'affaires publicitaires de toutes les chaînes de télévision – ce qui signifie que les chaînes publiques y seront elles-mêmes assujetties et donc paieront une taxe destinée à leur propre financement : c'est sans doute ce que vous appelez une mesure de bon sens !
Alors que le projet de loi fixe le taux à 3 %, la majorité a décidé de diviser l'assiette de la taxe par deux. Nous proposons, quant à nous, que ce taux de 3 % frappe non pas l'ensemble des chaînes mais uniquement les chaînes privées, sur l'intérêt desquelles M. Sarkozy veille si bien et qui profitent directement du projet de loi. Nous avons du reste compris que vous aviez vous aussi le souci de protéger les intérêts de Martin Bouygues et consorts.
Cet amendement vise donc à taxer l'ensemble du chiffre d'affaires de ces chaînes, et non leur seul chiffre publicitaire. Les compensations financières prévues par le projet de loi, déjà très largement insuffisantes comme nous n'avons cessé de le démontrer, ont été inlassablement rabotées par les amendements de la majorité, directement dictés par les lobbyistes de TF1, M6 ou Canal Plus. Notre évocation du lobbying n'a-t-elle pas, du reste, aussitôt provoqué des réactions de nos collègues UMP qui, depuis, se sont assoupis ?
Sans des propositions ambitieuses comme la nôtre, nous n'aurons jamais ce grand service public de l'audiovisuel que le Gouvernement prétend édifier. La taxe sur les fournisseurs d'accès à Internet a été réduite à la portion congrue et la publicité sera supprimée sur RFO à la suite d'un amendement gouvernemental. Il y a une déconnexion totale entre les réformes contenues dans le projet de loi et le financement prévu.
Plus on avance dans l'examen du texte et plus les chaînes publiques voient leurs recettes s'amoindrir. Mais votre projet n'est-il pas de les faire peu à peu mourir d'anémie afin de dégager le paysage audiovisuel français au bénéfice de Bouygues, Bolloré et consorts ?
La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 719 , qui tend à supprimer le seuil de 11 millions d'euros, car le corollaire d'une telle mesure serait d'accroître considérablement la pression fiscale au moyen d'une taxe que le Nouveau Centre, que vous incarnez, monsieur Dionis du Séjour, souhaitait supprimer au début de cet article.
Où est la cohérence ? Comment peut-on proposer de supprimer une taxe dont on cherche, quelques amendements plus tard, à augmenter le montant ?
En effet, cet amendement, s'il était adopté, accroîtrait considérablement le poids de cette taxe pour les éditeurs de services de télévision. Or le plancher de taxation, qui est fixé à 11 millions d'euros et bénéficie à toutes les chaînes, permet aux plus petites d'entre elles de ne pas avoir à supporter une pression fiscale trop lourde.
J'ignore si vous avez déjà rencontré des responsables de chaînes de la TNT : ils nous ont tous déclaré tenir à ce seuil de 11 millions, parce qu'il met, du moins dans l'immédiat, les plus faibles d'entre elles à l'abri de cette taxation.
La commission a également émis un avis défavorable à l'amendement n° 771 , M. Brard ayant du reste plutôt évoqué l'ensemble du texte que l'amendement lui-même.
Celui-ci aurait pour effet de modifier doublement la logique de la taxe, d'abord en supprimant le seuil de 11 millions d'euros – ce qui, je le répète, reviendrait à augmenter considérablement son poids fiscal et à assujettir la totalité des chaînes –, ensuite en réduisant son application aux seules chaînes privées, ce qui créerait une rupture d'égalité.
Avis défavorable sur les deux amendements.
L'amendement n° 771 conduirait à un élargissement de l'assiette qui nous paraît excessif et dangereux. Quant à l'amendement n° 719 , il reviendrait à fragiliser directement les chaînes les plus petites puisqu'elles seraient taxées au premier euro.
(L'amendement n° 719 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 771 n'est pas adopté.)
Cet amendement remet en cause le seuil de 11 millions d'euros que vous avez fixé et qui permet aux chaînes de la TNT d'être exonérées de la taxe. En effet, si elles sont parties de zéro, leur chiffre d'affaires est désormais important car il profite de la pleine montée en puissance de la TNT, qu'elles accompagnent. Dès lors, pourquoi devraient-elles être exonérées de cette taxe ?
Si on veut préserver une certaine équité entre les différents opérateurs au regard des taxes qui leur sont imposées, il ne faut pas maintenir le seuil à 11 millions. Les chaînes de la TNT et du câble doivent, à leur manière, contribuer au financement des chaînes historiques du service public.
Je le répète : les bénéfices réalisés par les chaînes de la TNT étant aujourd'hui très importants, il n'y a aucune raison d'organiser une forme de discrimination entre celles qui devraient mettre la main à la poche et celles qui pourraient en être dispensées, au prétexte qu'elles sont nouvelles dans le paysage audiovisuel français.
Je rappelle à l'attention de M. Mamère que le plancher de 11 millions d'euros est équitable à trois titres.
D'abord, pourraient être exonérées du paiement de cette taxe les plus petites chaînes, à l'équilibre économique fragile, et dont la montée en puissance commence à peine. Ensuite, contrairement à ce qu'affirme un peu rapidement l'exposé sommaire de l'amendement n° 769 , la plupart des chaînes de la TNT devraient payer la nouvelle taxe dans une proportion raisonnable – environ 10 millions d'euros en 2009 pour l'ensemble des chaînes. Enfin, les chaînes historiques bénéficieront également du seuil de 11 millions d'euros.
La commission n'a pas souhaité remettre en cause l'équilibre de ce dispositif et a donc donné un avis défavorable à l'amendement.
Avis défavorable pour les mêmes raisons. Le seuil de 11 millions d'euros paraît tout à fait raisonnable. C'est d'ailleurs celui utilisé pour le calcul de la taxe profit du COSIP.
(L'amendement n° 769 n'est pas adopté.)
Cet amendement introduit une progressivité du taux de la taxe afin de tenir compte, pour les chaînes de la TNT, de la progressivité inhérente à ce nouveau mode de diffusion.
Il s'agit d'apporter une solution spécifique à la situation des nouvelles chaînes numériques tout en relevant progressivement le taux plancher qui leur est applicable. Il faut tenir compte des charges importantes auxquelles les chaînes de la TNT sont assujetties pour couvrir en émetteurs la quasi-totalité du territoire national.
Cet amendement vise donc à fixer le taux à 1,5 % en 2009, 2 % en 2010 et 2,5 % en 2011.
L'amendement n° 662 vise à prendre en compte la situation spécifique des nouvelles chaînes de TNT en plein développement mais qui restent toutes déficitaires malgré de lourds investissements consentis depuis leur création en 2005. Ces chaînes jeunes, reçues par un peu plus de 50 % des Français, devraient supporter, si l'on s'en tient au dispositif initialement prévu, une pression fiscale identique à celle des chaînes historiques, bénéficiaires pour leur part, ce dont nous nous réjouissons, certes, et reçues par la quasi-totalité des Français.
Cette pression fiscale pourrait même se révéler deux fois plus forte pour les chaînes de la TNT si l'amendement n° 105 rectifié était adopté. Le dispositif aurait ainsi pour effet de taxer à hauteur de 1,5 % les chaînes historiques et de conserver le taux de 3 % pour les chaînes de la TNT. Les dispositions prévues à l'article 20 dans sa version initiale, comme dans la version proposée par la commission spéciale, sont par ailleurs susceptibles de remettre en cause le calendrier de déploiement de la TNT que nous avons voté et qui est censé protéger le développement de ces chaînes en leur laissant le temps et les moyens de couvrir l'ensemble du territoire.
Le présent amendement vise donc à permettre une augmentation progressive de la contribution de ces chaînes déficitaires, j'insiste, et dont je vous rappelle qu'environ 40 % des Français ne les reçoivent pas et souhaitent bénéficier de la TNT et donc d'un effort d'investissement important.
La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 730 dans la mesure où il apporte une réponse spécifique à la situation des nouvelles chaînes numériques, tout en relevant progressivement le taux plancher qui leur est applicable.
En revanche, logiquement, la commission a repoussé l'amendement présenté par notre collègue Martin-Lalande qui propose, il vient de nous l'exposer, une autre logique. Du reste, l'amendement n° 662 sera satisfait par l'amendement n° 105 rectifié si nous l'adoptons et par l'amendement n° 730 si la commission est suivie.
Même avis que la commission. L'amendement n° 730 permet en effet vraiment de prendre en compte les spécificités des chaînes de la TNT, encore déficitaires. Il prend aussi en considération la logique du déploiement sur tout le territoire de ces chaînes, qui sera effectif en 2012.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Nous, si !
…mais si ma lecture est la bonne, les chaînes de la TNT bénéficieront du fromage et du dessert !
Pour le fromage, nous avons l'exonération de la taxe en deçà de 11 millions d'euros de recettes et, pour le dessert, la progressivité prévue par l'amendement n° 730 .
Vous ne tenez pas compte du fait que ces chaînes sont déficitaires, monsieur Dionis du Séjour !
Honnêtement, ne pensez-vous pas aller un peu loin ? Mais vous ferez bien ce que vous voudrez, de toute façon.
M. Dionis du Séjour me paraît aller un peu vite dans son raisonnement. Veut-on taxer des chaînes qui débutent, restent déficitaires et qui sont probablement les seules en ce moment dont les ressources publicitaires croissent ? Il faut bien leur laisser passer un seuil, un cap !
Vous avez tout à l'heure employé un terme qu'on pourrait réutiliser : confiscatoire.
Selon la logique de notre amendement, il ne fallait pas hésiter à taxer les chaînes de la TNT qui montent en puissance et voient affluer vers elles la publicité qui ne participe d'ailleurs pas du tout à la création. Or vous nous avez répondu que ce n'était pas possible parce qu'ainsi nous contribuerions à les affaiblir. Vous avez donc rejeté cet amendement et je reprends à mon compte cette expression familière de notre collègue Dionis du Séjour : vous leur proposez bien fromage et dessert !
Pour TF1 et quelques autres, c'est le gâteau ; pour la TNT, c'est donc fromage et dessert. Franchement, monsieur le rapporteur, je ne comprends pas votre réponse parce qu'il ne s'agit pas d'une taxe confiscatoire mais d'une contribution de l'ensemble des acteurs du paysage audiovisuel au financement du service public.
Jamais le texte n'a prévu cela, monsieur Mamère, ce n'est pas vrai, ce n'est pas le principe de la taxe !
Je ne vois pas au nom de quoi on exonérerait plus les uns que les autres, à moins qu'entre le Président de la République et les groupes propriétaires de ces chaînes, il y ait eu quelques arrangements entre amis.
En conséquence, l'amendement n° 662 tombe.
J'informe l'Assemblée que sur le vote de l'article 20, je suis saisi par le groupe Nouveau Centre d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi d'un amendement n° 553 .
La parole est à M. Michel Françaix.
Il est onze heures et vingt-cinq minutes du soir et nous aurions aimé avoir le sentiment, au fur et à mesure du déroulement de la séance, que les choses s'éclaircissent ; or on se rend compte, minute après minute, à quel point ce texte est mal ficelé et ne tient pas la route. À nos interrogations, vous répondez peu ou prou de la sorte : « Peut-être allons-nous nous arranger comme ça, ça tiendrait peut-être, mais pas tout à fait ; ce n'est peut-être pas le mauvais chiffre ; on n'est pas trop éloigné de ce qu'il faudrait, mais on ne sait pas. »
Je reviendrai sur l'attitude du Gouvernement auquel nous pourrions appliquer la formule selon laquelle « le train sifflera trois fois » : si l'on pouvait en effet tuer la presse écrite, si l'on pouvait tuer, tout en les sauvant un peu, les chaînes émergentes, et si l'on pouvait tuer le service public, nous aurions passé une bonne soirée tous ensemble.
Nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur la presse écrite dans quelques semaines, madame la ministre, et je crains que les débats ne soient aussi longs car l'improvisation m'y paraît aussi importante que pour le service public.
Pour ce qui est des chaînes émergentes, leur faisons-nous trop de cadeaux, pas assez ? Comme nous sommes nous, les socialistes, à l'initiative de la TNT – sans nous il n'y aurait pas eu de chaînes émergentes, pas de diversité –, nous avons parfois envie de nous dire : « Aidons-les encore un peu ! » En même temps, nous ne pouvons pas ne pas entendre notre collègue Dionis du Séjour et Noël Mamère nous inviter à trouver un juste milieu.
Pour peu que vous nous prêtiez un instant d'attention, madame la ministre, force est d'admettre que les chaînes de TNT susceptibles d'être achetées par TF1 et par M6 ne seront pas épargnées. Comme vous le répétez dans la presse écrite, le seul objectif est : concentration, concentration, concentration ! Il n'y a pas de solution en dehors de la concentration. Eh bien, nous avons pu en constater le grand succès dans le domaine audiovisuel – l'ancienne « 5 » de Lagardère, Messier… – ; ainsi que dans la presse écrite avec Hersant – nous pourrions montrer qu'à chaque fois qu'il achetait un journal, c'était 23 % de pénétration en moins dans une région.
Nous allons nous trouver dans la situation où TF1, M6 voire d'autres groupes auront sous leur coupe de nombreuses petites chaînes de TNT qui, le montant de leurs recettes n'atteignant pas le seuil des 11 millions d'euros, pourront bénéficier de l'exonération de la taxe.
Vous voyez bien que tout cela n'est pas raisonnable, vous voyez bien, madame la ministre – et c'est sûrement ce que vous êtes en train de dire au rapporteur –, que ce texte est lamentablement ficelé et qu'il serait temps d'en revenir aux choses sérieuses. À onze heures et demie du soir, l'idéal serait, si l'on était un tant soit peu raisonnable, d'abandonner et de tout recommencer.
Nous défendons pour notre part l'idée qu'à chaque fois que des groupes audiovisuels dominants en termes de parts de marché publicitaire détiendront plusieurs chaînes de télévision, la taxe devra porter sur l'ensemble des recettes publicitaires engrangées par ces groupes et non pas sur les recettes chaîne par chaîne, ce qui permettrait évidemment, une fois de plus, d'exempter toujours les mêmes. Et nous aurions tendance à dire que si nous ne croyions pas encore tout à fait, madame la ministre, que vous faisiez les yeux doux à TF1, là, ce serait vraiment trop gros. Nous comptons donc sur vous pour défendre cet amendement.
S'il était adopté, cet amendement accroîtrait le poids de la taxe pour les groupes audiovisuels. En effet, il cherche à instituer une nouvelle logique.
Il vise à faire en sorte que les recettes publicitaires dont le montant reste inférieur au seuil de 11 millions d'euros soient assujetties à la nouvelle taxe pour les seules chaînes appartenant à une personne physique ou morale détenant plusieurs services de télévision.
La commission a donc émis un avis défavorable car la logique de taxation telle que le texte initial la prévoit n'est pas du tout celle-ci.
La cible, c'est la publicité des chaînes, et non la nature de l'actionnariat. La commission a donc repoussé cet amendement.
Je pense en effet qu'il ne faut pas mettre en péril l'équilibre financier des petites chaînes.
Même de celles qui appartiennent à un groupe. Bien sûr ! Il ne faut pas se laisser guider par une haine aveugle pour TF1 et les grands groupes privés.
C'est comme NRJ et les radios locales : on rachète tout et on est exempté !
Avis défavorable, donc.
Décidément, l'examen de ce projet de loi, et tout particulièrement de l'article 20 s'apparente au Manège enchanté. Le Président de la République, que l'on sait hyperactif, c'est Zébulon, dans cette affaire. Et il est bien aidé par sa majorité, et notamment un certain nombre de nos collègues.
D'article en article, d'amendement en amendement, ce sont toujours des cadeaux, des cadeaux, des cadeaux. À lire l'interview de Martin Bouygues, pas plus tard qu'hier, dans Les Échos, il y avait de quoi sortir nos mouchoirs.
Chers collègues de la majorité, monsieur le rapporteur, madame la ministre, accordez-nous au moins cet amendement, qui est un amendement de logique. Comme cela a été dit à juste raison, c'est à la fois fromage et dessert que de maintenir ce seuil de 11 millions d'euros et d'instituer une taxe progressive entre 1,5 et 3 %.
Le député suppléant d'Issy-les-Moulineaux, qui a fait un passage remarqué cet après-midi dans l'hémicycle, puisqu'il a provoqué une suspension de séance, a fait adopter, dans son activisme bien connu et toujours très orienté, un amendement visant à faire sauter les verrous anti-concentration. Ainsi sera favorisée la montée en puissance d'une chaîne comme Direct 8, par exemple, petite chaîne à la recherche de son équilibre financier, n'est-ce pas ? Nous allons sortir notre mouchoir pour M. Bolloré après l'avoir sorti pour M. Bouygues. On sait très bien qui est derrière un certain nombre de chaînes de la TNT.
Cet amendement est un amendement de précaution. Car on sait très bien que, tôt ou tard, des chaînes seront rachetées, comme l'a très bien dit Michel Françaix. Il serait tout de même extravagant que ces chaînes échappent à la taxation au prétexte qu'on ne prend pas en compte le fait qu'elles vont être rachetées par des groupes. Le seuil de 11 millions d'euros, si vous le maintenez, puisque tel est votre désir, pour chaque chaîne individuellement, qu'au moins il ne puisse pas, lorsque ces chaînes sont rachetées par un groupe, leur donner la possibilité d'échapper à la taxation.
Il ne s'agit pas de nous faire passer pour des méchants qui voudraient tuer les petites chaînes de la TNT.
Je vous rappelle que c'est la gauche, et non pas vous, qui a initié la TNT, laquelle a été un succès.
Mais oui, c'est ça ! Vous pouvez toujours tordre le cou à l'histoire et la réviser. C'est d'ailleurs une spécialité de votre majorité que d'essayer de réviser l'histoire. Souvenez-vous de cet amendement scandaleux selon lequel la colonisation avait été, paraît-il, un bienfait pour les colonisés.
Quel rapport ?
Vous êtes des spécialistes de la révision de l'histoire.
Donc, sur la question de la TNT, comme nous disons dans notre métier de journaliste, il n'y a pas photo : c'est la gauche qui l'a mise en place. Et il y a d'ailleurs un type, PDG de TF1 à une certaine époque, celui qui voulait vendre du temps de cerveau disponible, et qui, lui, a raté le tournant stratégique de la TNT.
Et effectivement, grâce à quelques bons copains, qui sont par ailleurs les porteurs d'eau du Président de la République, il va pouvoir revenir dans la TNT grâce à l'amendement sur les seuils de concentration, qui va permettre aux grands groupes d'entrer dans la TNT.
Alors ne nous racontez pas d'histoire, ne nous prenez pas pour des imbéciles à la veille de Noël. Nous ne sommes ni Bernadette Soubirous ni des petits-enfants attendant que le père Noël descende de sa cheminée. Il ne faut pas nous faire croire au père Noël ni au petit Jésus soviétique. Nous avons parfaitement compris que la TNT dont vous parlez, c'est celle des chaînes sur lesquelles de grands groupes vont mettre la main. Ne vous imaginez pas une seconde que nous allons marcher dans votre combine. Parce que ce n'est que de la combine.
(L'amendement n° 553 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°105 rectifié . (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cet amendement fait l'objet de deux sous-amendements, nos 861 rectifié et 862 .
La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l'amendement.
Je voudrais d'abord répondre à M. Mamère et à ses collègues au sujet de l'article 4 de la loi de février 2005, si contestable que vous ne l'avez jamais contesté vous-mêmes ! Vous étiez présents au moment de l'examen du sous-amendement incriminé, et vous avez attendu huit mois, comme tout le monde, que des historiens s'émeuvent pour réagir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Personne n'a réagi, et vous étiez présents. Oui, des historiens et des associations de défense des droits de l'homme.
Personne ? Non ! Ou alors, comme dans L'Odyssée, il y a des gens qui s'appellent « Personne » !
C'est pour vous dire qu'il faut demeurer vigilant en tout, et il faut être présent. Voilà.
En ce qui concerne cet amendement n° 105 rectifié , que vous attendiez, je pense, il est destiné à créer un mécanisme d'adaptation du taux de la taxe à la conjoncture économique. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Si vous permettez, je vais le présenter. Comme ça, c'est plus facile.
Quel est le mode de fonctionnement que nous suggérons ? D'un côté, cet amendement crée un mécanisme de montant plafond, à 50 % de l'accroissement de l'assiette sur une année donnée, afin de prendre en compte la réalité économique des chaînes de télévision. L'amendement adapte donc la nouvelle taxe aux évolutions conjoncturelles, afin que son montant, et ce point est important, ne puisse excéder la moitié de l'accroissement annuel du chiffre d'affaires d'une chaîne. Au-delà de l'aspect politique, que l'on peut comprendre, je crois que l'aspect technique est important.
D'un autre côté, il institue une double garantie pour l'État, ce qui est également important. En premier lieu, il crée un mécanisme de taux plancher, fixé à 1,5 %. Ainsi, l'amendement propose donc que quelle que soit la croissance du secteur, le taux de la taxe ne soit en aucun cas inférieur à 1,5 % du chiffre d'affaires publicitaire des redevables. C'est la garantie d'un rendement minimal pour l'État.
En second lieu, l'amendement fait de l'année 2008 la référence de calcul pour déterminer le montant de la taxe sur une période de trois ans. L'année 2008 ayant été difficile en termes de chiffre d'affaires publicitaire, le calcul de l'accroissement d'assiette en 2010 et 2011 ne peut qu'être favorable au rendement de la taxe.
Donc, deux possibilités pour l'État de se reconstituer sur l'abaissement de cette taxe.
Par ailleurs, ce mécanisme s'articule avec un autre amendement qui institue une clause de rendez-vous en 2009, d'une part, pour faire un point serein, objectif, raisonnable, sur l'effet réel de la nouvelle taxe, dans un sens comme dans l'autre et, d'autre part, pour voir si des évolutions de la loi sont nécessaires.
Cet amendement s'inscrit dans la logique de l'article 20 du projet de loi, à savoir taxer un effet d'aubaine lié à une réallocation des recettes publicitaires parmi les éditeurs de services de télévision.
Mais si cet effet d'aubaine n'est pas contesté, la légitimité de la taxation nouvelle devient contestable.
Eh bien tant mieux, s'il y a un effet d'aubaine ! Parce qu'au bout d'un an, il y aura un correctif. Nous attendons ensemble l'effet d'aubaine. C'est une très bonne nouvelle.
La parole est à Mme la ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 105 rectifié et pour soutenir les sous-amendements nos 861 rectifié et 862 .
La raison de la taxation des chaînes de télévision privées pour financer la fin de la publicité sur le service public, c'est précisément l'idée qu'il va y avoir, normalement, des transferts de publicité vers les chaînes privées. D'où la logique qu'il y a à les taxer.
Mais évidemment, l'idée, c'est de taxer les surplus, c'est de taxer quand il y a vraiment du plus.
Comment voulez-vous qu'il y ait du moins s'il y a 450 millions d'euros disponibles ?
S'il s'avère qu'il n'y a pas du plus, c'est absurde. On ne va pas taxer des déficits. On va forcément taxer des surplus.
Or, en raison de la crise du marché publicitaire que nous connaissons tous, la réalité de ce transfert de marché des chaînes publiques vers les chaînes privées est un peu aléatoire. Je crois qu'il faut être pragmatique. C'est pourquoi il paraît en effet pertinent de prévoir un mécanisme de plancher imposant une taxation de 1,5 %, et, si le marché publicitaire est en croissance, un dispositif qui taxera les chaînes jusqu'à 3 %.
Et d'ailleurs, si le chiffre d'affaires des chaînes privées croît ainsi de plus de 6 % en 2009 – c'est improbable, mais enfin on ne sait jamais, il peut y avoir une fin de crise –, ces chaînes seront taxées à hauteur de 3 %.
Cet amendement réintroduit de la justice fiscale, et une notion de proportionnalité par rapport à une situation de crise du marché publicitaire.
Néanmoins, le Gouvernement vous suggère de sous-amender le dispositif. Il propose, d'une part, d'en limiter la durée à la période allant jusqu'à la fin de la diffusion analogique, et d'autre part, de prendre 2008 comme année de référence, afin de voir quelle sera la progression du chiffre d'affaires publicitaire.
Le Gouvernement nous propose de limiter l'application de l'amendement à la fin de l'année 2011, c'est-à-dire à un moment où nous pouvons tous espérer, objectivement, que la conjoncture économique, actuellement défavorable, se sera redressée. Il s'articule donc avec la clause de rendez-vous que la commission propose dans son amendement n° 106 , que nous allons examiner dans un instant.
Cette proposition paraît équilibrée et raisonnable. Nous donnons donc un avis favorable à ces deux sous-amendements.
Sur le vote de l'amendement n° 105 rectifié , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
J'ajoute que sur le vote de l'article 20, je suis également saisi, par les groupes SRC et Nouveau Centre, d'une demande de scrutin public.
La parole est à M. Michel Herbillon.
Comme l'a dit notre excellent rapporteur, cet amendement s'inscrit dans une logique, celle de l'article 20, à savoir taxer un effet d'aubaine lié à la réallocation des recettes publicitaires parmi les éditeurs de services de télévision. Mais encore faut-il qu'il y ait aubaine, encore faut-il qu'il y ait surplus.
Je comprends assez mal les réactions de nos collègues de l'opposition. J'ai bien compris qu'ils sont opposés à cette taxe,…
…mais à partir du moment où nous, nous la recommandons, il est normal que nous appliquions des principes de réalisme et de responsabilité.
Nous avons une attitude responsable en prenant en compte la crise économique et ses effets sur le marché publicitaire. C'est la raison pour laquelle nous avons créé, de manière temporaire, un mécanisme extrêmement simple qui consiste, d'une part, à créer un plafond – le montant de la taxe ne pourra excéder la moitié de l'accroissement du chiffre d'affaires – et, d'autre part, à garantir un rendement minimal au moyen d'un taux plancher fixé à 1,5 %.
C'est effectivement ce taux de 1,5 % qui devrait s'appliquer pour la première année, mais lorsque la conjoncture s'améliorera, le taux de la taxe remontera naturellement, et retrouvera son niveau de 3 %.
Il s'agit d'un mécanisme simple, qui ne justifie pas les cris d'orfraie que je crois déjà entendre. Il s'agit d'une modulation exceptionnelle et provisoire, mais qui est tout simplement nécessaire en raison de la crise.
Puisque nous arrivons à la fin de l'examen de l'article 20, je voudrais redire, par rapport à ce que nous avons entendu tout au long de cette discussion, c'est-à-dire cette litanie de formules que nous connaissons par coeur,…
Il y a chez vous une volonté de pédagogie, mais elle se heurte à notre capacité de résistance. Des contrevérités ne deviennent pas des vérités du seul fait de leur sempiternelle répétition.
Je vais prendre un exemple de vos contradictions : vous êtes à la fois pour la suppression de la redevance et pour son augmentation importante tout en vous opposant à son indexation. On ne s'y reconnaît plus !
…puisque vous vous opposez systématiquement, d'une manière incohérente, à tout projet.
Et puis il y a l'argument totalement rebattu des supposés cadeaux du Gouvernement et de la majorité aux chaînes privées. Or, si vous vous intéressez vraiment à l'audiovisuel, il faut arrêter d'opposer les chaînes publiques et les chaînes privées. Nous, nous voulons renforcer l'audiovisuel français dans son ensemble, public comme privé. J'espère que nous nous retrouvons là-dessus.
En ce cas, arrêtez de vous faire peur, arrêtez de crier sans cesse : « Levez-vous, orages désirés ! » quand vous évoquez des cadeaux au privé. N'avez-vous pas un problème de cohérence en nous reprochant de faire des cadeaux au privé alors que vous savez que nous proposons une taxe sur les chaînes privées qui suscite un désaccord très important de leur part ?
Il y a une logique dans le dispositif de l'article 20 comme dans celui de l'article suivant : il s'agit d'assurer un financement dynamique et pérenne à l'audiovisuel public, auquel nous sommes extrêmement attachés.
Vous connaissez le proverbe belge, monsieur Herbillon : « Neige en novembre, Noël en décembre. » (Sourires.) Si cela vous fait plaisir, je peux vous parler des fêtes de Noël… mais soyons sérieux.
Avec cet amendement, nous avons une parfaite illustration de la nature de ce texte de loi. Nous l'avons parfois qualifié de « loi de complaisance », d'autres fois de « loi de circonstance » ; ici, c'est une loi conjoncturelle, tout à fait dans la ligne des habitudes du Président de la République, qui passe son temps à surfer sur les faits divers et sur l'émotion. Il a bien souvent été à l'initiative de textes consécutifs à des faits divers. Ainsi, un chien a mordu un enfant, et on nous demande de voter une loi sur les chiens dangereux. C'est un pédophile sorti de prison qui commet un viol, et on nous demande de voter une loi sur la récidive. Aujourd'hui, c'est M. Bouygues qui pleure parce qu'il considère que les taxes prévues dans le texte initial sont trop lourdes : alors on adapte la loi pour réduire la taxation au motif qu'il n'y aurait pas d'effet d'aubaine.
Mais il faut informer notre rapporteur que son amendement risque d'être anticonstitutionnel parce qu'il est entaché d'une erreur manifeste concernant l'effet d'aubaine. En effet, celui-ci n'est absolument pas lié au chiffre d'affaires. La preuve nous en est apportée par les chaînes de la TNT qui, parties de zéro, voient leur volume de spots publicitaires augmenter alors que la publicité sur l'audiovisuel public n'est toujours pas interdite.
Il y a toujours de la publicité sur les chaînes publiques, ce qui n'empêche pas celles de la TNT d'accroître leurs recettes publicitaires et, par voie de conséquence, leur chiffre d'affaires. Il n'y a donc pas de variation du chiffre d'affaires liée à l'effet d'aubaine.
Monsieur le rapporteur, dois-je vous citer l'étude qui a été menée par le cabinet A.T. Kearney pour Canal Plus, TF1 et M6 ? Je vous rappelle qu'elle a montré qu'avec la suppression de la publicité dans l'audiovisuel public, le chiffre d'affaires de ces sociétés privées resterait stable malgré les problèmes liés à la concurrence et à la crise. Vous ne pouvez donc pas nous dire, je le répète, qu'existe une corrélation entre l'effet d'aubaine et le chiffre d'affaires.
Votre amendement, monsieur le rapporteur, est fondé sur un postulat totalement faux car on ne peut pas indexer l'effet d'aubaine sur le chiffre d'affaires, et il risque d'être déclaré anticonstitutionnel si nous saisissons le Conseil constitutionnel. Nous combattons donc votre amendement d'abord pour une raison juridique, mais aussi pour une raison économique.
Mais il y a aussi une troisième raison de s'y opposer : un législateur n'est pas là pour voter des lois de circonstance adaptées aux besoins de ses amis, mais pour défendre l'intérêt général.
Or, avec cet amendement, nous sommes exactement dans le contraire de l'intérêt général.
Mes chers collègues, je vais ponctuer ce grand débat sur l'effet d'aubaine avec un petit cours de mathématique comme nous en faisions quand nous étions en classe de sixième ou de cinquième – cela ne vous fera pas de mal, et à moi non plus. On nous disait que, parfois, la vérité passait par la démonstration par l'absurde. Faire une démonstration par l'absurde sur un texte absurde me paraît bienvenu : s'il n'y avait pas eu de nouvelle loi, si les choses n'avaient pas changé, si le service public continuait à diffuser de la publicité et s'il y avait une crise, TF1 verrait-elle ses recettes publicitaires baisser sans récupérer tout ou partie du service public ? Nous ne le savons pas aujourd'hui puisque nous ignorons la gravité et la durée de la crise. Mais nous étions certains qu'en cas de crise, TF1 allait baisser, et qu'en l'absence de crise, elle résisterait. Qui pourra démontrer par l'absurde qu'à partir du moment où 450 millions supplémentaires vont arriver dans le paquet cadeau, s'il y a une baisse, cette somme ne permettrait qu'une augmentation de 250 millions ou de 300 millions ? Mais cela représentera bien, de toute façon, 450 millions par rapport à ce qui se serait passé si la loi n'avait pas été modifiée. Il est évident, en ce cas, que TF1 aurait eu à sa charge les 450 millions.
Monsieur le rapporteur, voulez-vous dire que la crise économique justifie que nous donnions de l'argent à TF1 comme nous en donnons aux banques ?
Raisonnement par l'absurde : il y a crise, moins de recettes publicitaires, et ce serait ainsi une raison pour donner de l'argent à TF1. Évidemment non ! Mais peut-être auriez-vous tout de même été capables de procéder ainsi !
À partir du moment où l'on décide de changer le texte de loi et de prévoir des coupures supplémentaires pour permettre à TF1 de récupérer de grandes plages de publicité, je ne vois pas comment vous pourriez justifier qu'il n'y aura pas d'effet d'aubaine par rapport à ce qui se serait passé si nous n'avions rien changé.
Plutôt qu'un effet d'aubaine, c'est d'ailleurs un enrichissement sans cause puisque cette réforme n'entraînera pour TF1 aucun investissement supplémentaire en termes de travail ou de créativité. De même, les hommes et les femmes travaillant à TF1 ou à M6 exercent sûrement leurs fonctions d'une façon intelligente, mais ils n'auront aucun effort supplémentaire à fournir. Cela signifie qu'une partie de ces 450 millions, crise ou pas, relève de l'enrichissement sans cause.
Mes chers collègues, je pense que, parmi vous, certains ont travaillé dans la communication ou de la publicité. Ils savent bien que les transferts de publicité s'effectuent de télévision à télévision, et non pas de télévision à presse écrite. Mme la ministre va sans doute nous dire : « Vous verrez, même la presse va bénéficier de la suppression de la publicité dans l'audiovisuel public ». Non, elle n'en bénéficiera pas, car il y a différentes formes de publicité : les publicités de prestige, d'annonce, les publicités faites dans un sens ou dans un autre.
L'enrichissement sans cause sera donc proportionnel à la gravité de la crise, mais il existera de toute façon : s'il n'y a pas crise du tout, ce sera un enrichissement sans cause de 450 millions d'euros, et si la crise est plus ou moins forte, il sera plus ou moins élevé.
Monsieur le président, si vous me demandez de m'arrêter, c'est que vous avez été convaincu par ma démonstration par l'absurde, n'est-ce pas ?
Monsieur le rapporteur, votre amendement est déloyal et anormal car les conséquences seront contraires à celles espérées parMichel Herbillon. Si vous vouliez que la télévision puisse fonctionner à la fois dans le service public et dans le privé,…
…il fallait surtout ne rien faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En tout cas, ne pas faire ce que vous avez mis en marche et qui constitue le facteur de déséquilibre principal entre la télévision publique et le privé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vais donner la parole à M. Jean Dionis du Séjour, puis nous passerons aux votes.
Vous avez la parole, monsieur Dionis du Séjour.
Je vais récapituler le mécanisme de la taxation pour voir si j'ai bien compris. J'ai fait des maths dans ma jeunesse.
Le produit de la taxe est égal à 0,03 multiplié par 0,96 – soit le résultat de 1 moins 0,04 –, que multiplie le chiffre d'affaires réduit de 11 millions d'euros. Ensuite, il faut comparer ce résultat à 50 % de l'accroissement de l'assiette, c'est-à-dire à 50 % de l'effet d'aubaine. Cela commence déjà à être compliqué comme fonction ! Si c'est supérieur à 50 % de l'assiette, la valeur devient 50 % de l'assiette, n'est-ce pas ? (Murmures.) À ce moment-là, on vérifie que le produit est supérieur ou égal à 1,5 % de l'assiette de la période de référence. Mais c'est fabuleux ! Qui a pondu ça ? Je veux son nom !
Je veux le nom du technocrate qui a commis cela. Madame la ministre, vous allez me le dire pour que je puisse le féliciter.
Il a dû faire l'École normale supérieure ou Polytechnique parce que, même à Centrale, nous n'aurions pas imaginé une telle fonction. C‘est vraiment magnifique.
Derrière tout cela, madame la ministre, il y a tout de même une vraie question : au final, combien ça rapporte ? Je vois la face hilare de vos collaborateurs. Si quelqu'un est capable de me dire ce soir le résultat chiffré du calcul que j'ai énoncé,…
Monsieur Rogemont, ne me perturbez pas, c'est un point important. On a donc affaire à une fonction extrêmement complexe que personne ne maîtrise. Dans le rapport Copé, la formule était plus simple, mais que deviennent, avec cette nouvelle fonction, les 80 millions que nous avions prévus ? Madame la ministre, il faut nous répondre.
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture, qui va nous expliquer tout cela.
Monsieur Dionis du Séjour, cela devient 450 millions d'euros garantis par l'État ! N'oubliez pas que la garantie de l'État est donnée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est faux !
(Les sous-amendements nos 861 rectifié et 862 , successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 105 rectifié , sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 43
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 25
Contre 18
(L'amendement n° 105 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 106 et 7 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 106 .
C'est le deuxième étage de la fusée que j'évoquais tout à l'heure : il s'agit d'instituer la clause de rendez-vous, afin d'évaluer les conséquences de l'institution de la taxe sur la publicité qui vient de faire l'objet d'un vote.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour présenter l'amendement n° 7 rectifié .
L'amendement n° 7 rectifié , retiré par M. Martin-Lalande, est repris par Mme Mazetier.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 106 ?
Avis favorable.
Je voulais signaler à notre collègue Jean Dionis du Séjour qu'à la page 283 du rapport de Christian Kert – que nous avons probablement tous lu –, il trouvera une matrice donnant en abscisses les taux de captation des chaînes privées de la perte de France télévisions et en ordonnées la croissance du chiffre d'affaires des chaînes privées en 2009 (hors réforme).
Les prévisions de chiffre d'affaires s'échelonnant de 3 % à – 20 %, le calcul présenté avait donc envisagé une baisse de la publicité pouvant atteindre cette amplitude.
Vous dernières explications sont fausses, madame la ministre, et elles montrent que vous n'avez pas lu la page 283. Prenons un exemple : si le chiffre d'affaires des chaînes privées reste constant en 2009, et que le taux de captation atteint 100 %, le produit de la taxe sera alors de 351 millions d'euros. Nous n'obtenons donc pas les 450 millions d'euros ! D'ailleurs, même avec un taux de captation de 100 % et une croissance de 3 % du chiffre d'affaires publicitaire, hors réforme bien entendu, on n'obtient que 434 millions d'euros, et non pas 450 millions d'euros.
Partant d'une base de 434 millions d'euros, cela signifie que l'autre taxe rapporterait alors 16 millions d'euros ? Mme la ministre a bien parlé de 450 millions tout à l'heure.
Je voulais donc, sur la base de ce calcul matriciel qui nous est présenté intelligemment, renchérir sur les commentaires de Jean Dionis du Séjour. Tout à l'heure, avec mon allégorie sur le homard, j'expliquais en termes culinaires ce que mon collègue a exposé de façon mathématique. Le calcul matriciel porte le même témoignage : nous ne sommes pas du tout sûrs…
Je voulais simplement rappeler à nos collègues, notamment à ceux de l'opposition, que la garantie des 450 millions d'euros repose sur le seul budget général de l'État,…
… et non pas sur telle ou telle recette. Vouloir faire une équation est une faute contre la règle budgétaire.
De même, comme nous l'avons répété, vouloir affecter les deux taxes créées au financement de France Télévisions constituerait aussi une faute juridique : il ne peut pas y avoir de recettes affectées pour ce genre d'opérations.
En tout cas, c'est le budget général de l'État qui doit apporter les 450 millions d'euros. L'entrée dans ce budget général des recettes – de tel ou tel niveau – des deux taxes n'a pas d'effet sur le règlement par l'État de la subvention de 450 millions d'euros à France Télévisions. Il faut le redire car c'est la réalité.
J'ai juste une question à poser. Vous avez vendu cette réforme aux Français en expliquant que la suppression des 450 millions d'euros de ressources publicitaires de France Télévisions serait compensée par deux taxes, celles dont la création est prévue par les articles 20 et 21. Vous avez ajouté : si cela ne suffit pas, le budget de l'État fournira une rallonge à l'euro près.
Puisque nous votons aussi le budget de l'État, et que nous sommes redevables des montants qui y seront puisés alors qu'il sera dans un piteux état, le Gouvernement doit nous fournir une estimation avant que nous ne votions l'article 20. Combien le Gouvernement pense-t-il tirer, en 2009, de la taxe que nous créons à l'article 20 ? À l'heure qu'il est, c'est la seule réponse qui vaille.
La question est simple : combien le contribuable va-t-il payer en plus ?
En conséquence, l'amendement n° 7 rectifié , repris par Mme Mazetier, tombe.
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Nous étions d'accord, a priori, pour voter l'article 20 tel qu'il était libellé initialement. Compte tenu des dispositions prises – et auxquelles nous étions opposés –, nous souhaitions que la taxe puisse être créée. Mais au point où nous en sommes, ce n'est plus possible : il n'y a plus rien !
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article 20 tel qu'il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 41
Nombre de suffrages exprimés 41
Majorité absolue 21
Pour l'adoption 25
Contre 16
(L'article 20, amendé, est adopté.)
Article 20
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue, le samedi 13 décembre, à zéro heure dix, est reprise à zéro heure vingt-cinq.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 21.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
Cet article propose d'instituer une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques. Si la formule mathématique en est un peu plus simple que pour la taxe précédente, elle n'en constitue pas moins la cerise sur le gâteau.
En premier lieu parce qu'elle n'est pas affectée, ce qui est un risque majeur pour la société qu'elle finance, à savoir France Télévisions. L'histoire budgétaire a déjà montré qu'une taxe ayant un objet bien défini – en l'occurrence, la compensation au titre de la suppression de la publicité – augmente et se détourne souvent de son objet initial. Au reste, avant même d'être votée, la taxe a déjà augmenté : de 0,5 % dans le rapport Copé, son taux est passée à 0,9 % dans le texte du Gouvernement.
On connaît votre petite musique, madame la ministre : vous déclarez vous engager à apporter à France Télévisions 450 millions d'euros en 2009, 458 millions en 2010 et 466 millions en 2011. Nous prenons date ; pour ma part, je pense que l'on en reparlera.
Ensuite, la constitutionnalité de cette taxe est douteuse, pour deux raisons. Tout d'abord, elles sont discriminatoires. Pourquoi, en effet, taxer les opérateurs de télécommunications et non les sociétés qui vendent des écrans de télévision, dont l'activité est pourtant plus proche du secteur télévisuel que la transmission de signaux électroniques ? Ensuite, leur assiette est fondée sur le chiffre d'affaires, ce qui nous semble problématique.
Par ailleurs, cette taxe est illégitime. « Vous êtes modernes, nous dit-on. Vous savez donc que les différents médias convergent : les télécoms et la télévision, c'est la même chose. » Je souhaiterais précisément vous soumettre quelques éléments de réflexion sur ce sujet, madame la ministre.
Selon l'ARCEP, en 2007, le revenu des opérateurs télécoms s'élevait à 42,3 milliards d'euros. Leurs recettes se répartissaient de la manière suivante : 11 milliards d'euros pour la téléphonie fixe, qui n'a rien à voir avec la télévision ; 15,2 milliards pour les services « voix mobile », qui n'ont rien à voir avec la télévision ; 2,25 millions pour les services « voix avancée et voix télématique », qui n'ont rien à voir avec la télévision ; 390 millions pour les services avancés, qui n'ont rien à voir avec la télévision ; 126 millions pour les services de renseignement téléphonique, qui n'ont rien à voir avec la télévision ; 1,4 milliard pour les revenus de liaisons louées, qui n'ont rien à voir avec la télévision. Sur un chiffre d'affaires de 42 milliards d'euros, seuls les transports de données mobiles et l'accès à l'Internet haut débit ont un lien avec la télévision. Or, ils représentent moins de 5 % de ce chiffre d'affaires.
Cette taxe est donc, à l'évidence, illégitime.
Mais ouvrez les yeux ! Comment justifier que l'on impose cette taxe aux opérateurs de télécoms, et non aux vendeurs d'écrans de télévision ?
Enfin, cette taxe est fondamentalement antiéconomique. Prenons l'exemple de SFR. Chiffre d'affaires total : 9 milliards d'euros ; estimation du chiffre d'affaires lié à la télévision : 20 millions d'euros ; montant de la taxe : 81 millions d'euros ! Une fois que la vague médiatique sera retombée, les opérateurs télécoms, qui sont des acteurs économiques, soit réduiront leurs investissements, soit répercuteront ces taxes sur leurs prix. Dans cette hypothèse, l'impact de cette répercussion est estimé à environ 15 euros par facture de télécoms.
Pour conclure, le moins que l'on puisse dire, c'est que le Gouvernement n'a pas de vision d'ensemble. Je n'ai rien contre le fait que l'on sollicite le secteur des télécoms, à condition que ce soit pour des raisons légitimes. Nous allons bientôt examiner votre projet de loi « Création et Internet », madame la ministre, qui, entre nous soit dit, est autrement structurant pour notre société. En bien, dans un monde où Internet est devenu le média majeur, il serait légitime de taxer les opérateurs télécoms pour rémunérer la création. (« Très juste » sur les bancs du groupe SRC.)
J'ajoute que le plan « France numérique 2012 » d'Éric Besson prévoit de raccorder 4 millions de foyers à la fibre optique en 2012. En ponctionnant 380 millions d'euros sur les opérateurs de télécoms, vous privez de cette connexion 400 000 personnes par an, puisque le coût d'une prise est évalué à 1 000 euros. Voilà le résultat de vos arbitrages catastrophiques !
Reste la question de savoir comment vous en êtes arrivés là. Je crois avoir compris, au terme d'une longue réflexion : vous avez fait de la politique. Vous vous êtes d'abord dit que, si vous augmentiez la redevance, vous risqueriez d'être sanctionnés, car cette question est sensible.
Je conclus, monsieur le président.
Vous avez donc écarté cette solution et vous avez recherché une assiette large et dynamique sur laquelle asseoir votre taxe. Forts de ce raisonnement puissant, vous avez choisi les opérateurs télécoms. Or, que ce soit du point de vue économique, du point de vue fiscal ou du point de vue de la légitimité de la mesure, c'est un très mauvais choix.
Je vais maintenant donner la parole à M. Bloche, puis à M. Herbillon, à M. Mamère et à M. Rogemont, qui sont inscrits sur l'article.
Vous avez la parole, monsieur Bloche.
Il s'agit d'un article essentiel du projet de loi. Après la taxe de l'article 20, voilà en effet celle de l'article 21 ! L'augmentation des prélèvements obligatoires continue : mesdames et messieurs les taxeurs, bonsoir !
Nous avons tous encore en mémoire les déclarations prononcées par le Président de la République lorsqu'il a décidé unilatéralement, en janvier 2008, de supprimer la publicité sur les chaînes de l'audiovisuel public. Il avait alors annoncé que la perte de recettes serait compensée par une taxation infinitésimale. Trois fois rien ! Je m'en souviens bien, puisque j'avais alors réagi au nom de mon groupe, en indiquant qu'il était en effet peu probable que l'on retire de la poche de M. Bouygues Télécom ce que l'on allait donner à M. Bouygues Télévision.
La commission Copé s'est ensuite mise au travail, notamment son atelier consacré aux financements, dont j'étais membre, et elle a décidé d'aller un peu plus loin, en fixant le taux de cette taxe à 0,5 %. Cette recommandation figure dans le rapport de la commission Copé, au même titre d'ailleurs que la suppression de la publicité après vingt heures au mois de septembre 2009.
Et puis, le Président de la République a rendu ses arbitrages, et ce taux est passé à 0,9 % !
Sur l'évaluation de l'impact économique d'une telle taxe et son caractère antiéconomique, je vous renvoie aux fort pertinents propos de M. Carrez, rapporteur général du budget,…
…qui figurent au compte rendu intégral de nos débats, publié au Journal officiel. M. Carrez nous a d'ailleurs indiqué avec beaucoup de pertinence que, telle qu'elle était présentée, cette taxe de 0,9 % correspondait en fait à 7 % du résultat. C'est vous dire si le Gouvernement a la main lourde !
Si l'on se place maintenant du point de vue de l'audiovisuel public et de son financement, n'oublions pas qu'au début des années 2000, ce que l'on a appelé la bulle Internet a explosé. En fait, on nous vend des illusions. On nous fait miroiter les milliards d'euros générés par un secteur dynamique, auquel il suffit d'appliquer une taxe de 0,9 % pour récupérer 380 millions d'euros, afin de compenser la plus grande partie des 450 millions de pertes de recettes de France Télévisions. Mais qui peut y croire ? Crise financière, récession économique, bulle Internet il y a sept ou huit ans : rien n'est sûr, dans cette affaire !
Par ailleurs, s'il faut taxer les opérateurs de télécommunications ou les fournisseurs d'accès à Internet, qu'on le fasse au moins pour financer la création et rémunérer les auteurs et leurs ayants droit. Voilà qui serait économiquement et politiquement cohérent ! Une telle taxe – je ne reprendrai pas les excellents arguments développés par M. Dionis du Séjour – n'aurait pas risqué d'être inconstitutionnelle : les possesseurs de tuyaux auraient été taxés pour rémunérer les contenus qu'ils sont trop heureux d'utiliser pour alimenter ces tuyaux.
Vous nous vendez votre projet de loi HADOPI, ou « Création et Internet », en prétendant – comme avec la loi DAVDSI il y a trois ans – que, grâce au pari de la riposte graduée, on assistera à un transfert massif vers les offres légales de téléchargement. Or il eût été plus intelligent de profiter de ce texte pour mettre en place un modèle économique nouveau, redistributif, dans lequel Internet financerait la création, comme la télévision finance le cinéma, en France, depuis une vingtaine d'années.
Voilà donc deux occasions manquées : la première avec ce texte, la seconde avec le projet de loi « Création et Internet », que nous examinerons, paraît-il, au mois de mars prochain.
Non seulement la taxe que vous instaurez à l'article 20 est une mesure antiéconomique, mais son rendement est incertain, puisque Mme la ministre n'a pu nous dire combien elle rapporterait. Surtout, elle aurait été justifiée si elle avait servi à rémunérer le droit d'auteur. Or elle financera, non pas la création, comme le prétend M. Lefebvre, qui tente de nous vendre un prétendu fonds pour la création, mais France Télévisions, son fonctionnement, ses salariés et l'édition de ses contenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cet article important institue une taxe due par les opérateurs établis en France et déclarés auprès de l'ARCEP. Cette taxe est assise sur le montant acquitté par les usagers à ces opérateurs en rémunération des services de communication électronique qu'ils fournissent. Afin de permettre une concurrence équitable et de respecter le principe de neutralité technologique, cette taxe ne s'applique pas aux sommes versées à ces opérateurs par les consommateurs finaux au titre de la distribution de services de communication audiovisuelle via des réseaux de communication électronique, ainsi que pour des activités autres, telles que les ventes et les locations de terminaux. Le taux de la taxe est de 0,9 %.
Il s'agit donc du deuxième volet visant à assurer à l'audiovisuel public un financement durable, dynamique, pérenne. Contrairement à ce que certains insinuent, cette taxe n'aura évidemment pas pour effet de mettre en péril l'équilibre économique du secteur des communications électroniques ni d'empêcher son développement. En effet, le chiffre d'affaires des opérateurs concernés a été supérieur, en 2007, à 42 milliards d'euros et connaît un fort dynamisme, ainsi que des marges importantes.
Par ailleurs, on a pris soin de circonscrire précisément le champ de cette taxe. Premièrement, elle est limitée aux seuls services de communication électronique. La distribution des services de télévision par les offres de triple play est exclue du champ de cette contribution, afin d'assurer l'égalité de concurrence entre l'ADSL, le câble et le satellite.
Deuxièmement, sont bien entendu également exclues les prestations entre opérateurs, qu'il s'agisse des prestations d'interconnexion ou de transport et de diffusion des chaînes. Nous évitons ainsi les doubles taxations.
Troisièmement, nous avons veillé à prévoir un abattement sur les cinq premiers millions de chiffre d'affaires ; la taxe ne s'appliquera donc pas aux plus petits opérateurs. Ainsi ceux-ci, notamment ceux qui sont en phase de démarrage d'activité, ne seront pas freinés dans leur développement.
À nos yeux, il s'agit donc d'une taxe juste et proportionnée, que nous soutenons parce qu'elle constitue une source de financement importante, pérenne et dynamique de la réforme de l'audiovisuel public que nous avons voulue.
Vous savez l'importance que nous accordons à ces articles 20 et 21, qui sont au coeur de ce que nous reprochons à ce projet de loi. Plutôt que de vous attacher à l'augmentation de la redevance pour financer un service public de qualité, vous préférez dans ce projet la taxation sur la publicité, et non sur l'ensemble de la publicité, et vous inventez même une nouvelle taxe imposée aux fournisseurs d'accès à Internet et aux opérateurs. Voilà qui a déjà été dénoncé non seulement par la gauche, mais par l'un de vos amis, et pas des moindres : le rapporteur général du budget lui-même, M. Carrez. Il a rappelé que, dans un contexte déficitaire et compte tenu de nos engagements européens, la création d'une nouvelle taxe n'est ni sérieuse ni responsable. Mme Reding, commissaire européenne, a elle aussi souligné – à raison – que cette taxe est dépourvue de toute logique. En effet, elle n'est pas conforme à la logique des directives européennes et ne fait que creuser davantage le déficit.
D'autre part, contrairement à ce qui leur est raconté, ces « cochons » de téléspectateurs français continueront de payer. Cela sera moins évident et moins douloureux, puisqu'ils paieront désormais par le biais des abonnements aux portables et autres opérateurs, mais ils paieront quand même, leur dites-vous. Or, l'augmentation inévitable des abonnements qui résultera de cette taxe contribuera à creuser ce que l'on a coutume d'appeler la fracture numérique. Cette taxe masque donc une erreur économique, mais aussi une aggravation des inégalités, s'agissant d'un outil en plein essor qui concerne des millions de Français.
Hélas, cette mesure est dans l'esprit des lois que vous avez déjà votées : faut-il rappeler le bouclier fiscal, grâce auquel les plus privilégiés percevront quinze milliards d'euros pendant cinq ans ? À voir comment vous entendez financer le service public de l'audiovisuel, on constate que vous le dépouillez. À cet égard, la démonstration qu'a faite M. Dionis du Séjour sur les articles 20 et 21 illustre bien l'improvisation de ce texte : vous n'avez pas su quoi inventer pour vous rendre originaux et sortir d'une logique ancienne, en une manière de « rupture » – encore une. Or, cette rupture n'est pas une réforme, mais une contre-réforme ; elle n'est pas une évolution, mais une involution. Vous aggravez le déséquilibre entre secteurs public et privé au profit de ce dernier, dont vous renforcez l'hégémonie. Grâce à vous, cet empire audiovisuel s'étendra avec la mainmise des grands opérateurs historiques sur les chaînes de la TNT. Ceux-là même qui possèdent ces opérateurs de télécoms et de réseaux d'accès à Internet vont largement se servir en augmentant les tarifs d'abonnement. Pour toutes ces raisons, l'article 21, qui est important, doit être supprimé.
Je tiens à dire, en mon nom personnel mais aussi, sans doute, au nom de mes collègues de gauche, que nous ne procédons pas là à un quelconque acharnement, voire à un harcèlement.
Nous disons simplement ce que nous avons à dire sur les articles qui, à nos yeux, sont les plus nocifs de votre projet, car ils en constituent le vice de naissance : ils font de ce projet une réforme de circonstance qui dépouille le service public. Loin de nous le souhait d'adopter la posture consistant à faire traîner, traîner et traîner encore les débats. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Non : je vous le dis clairement, en guise d'avertissement pour la suite de nos débats.
Je vous demande de l'écouter avec attention : nous nous battons surtout sur les articles dont nous considérons qu'ils doivent être combattus.
Nous nous battons sur les articles auxquels il faut résister et pour lesquels il faut proposer des solutions alternatives. Nous l'avons fait, de même que M. Dionis du Séjour, qui appartient pourtant à votre majorité. Encore une fois, nous ne nous sommes pas acharnés sur l'ensemble des articles, mais seulement sur ceux qui nous paraissent importants.
Nous voulons nous battre pour défendre le service public de l'audiovisuel !
La parole est à M. Marcel Rogemont, dernier orateur inscrit sur l'article 21.
Je commencerai par poser trois ou quatre questions, avant de tenter d'y répondre. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
En toute humilité : j'ai tout à l'heure posé vainement des questions sur la taxation prévue à l'article 20. Je vais donc tenter d'y apporter mes propres réponses !
Tout d'abord, pourquoi taxer les fournisseurs d'accès à internet et les opérateurs de télécoms ? La raison en est simple : ils utilisent et transmettent des informations construites à des fins commerciales. Or, la construction de ces messages audiovisuels coûte de l'argent. Il faut donc trouver le moyen de la financer : c'est l'exception culturelle française, qui permet à la création de vivre dans notre pays.
D'autre part, on pourrait consacrer la plus-value de cette taxe à la création, de sorte que l'ensemble des distributeurs d'information, quels qu'ils soient, soient amenés à financer la création directement. Or, comment financer directement la création à partir de cette taxe ? En l'affectant à un compte spécialisé, comme c'est le cas pour le financement de la création cinématographique par la télévision.
Voilà ce qu'il conviendrait de faire. Or, que faites-vous ? Vous entendez prendre un peu d'argent aux fournisseurs d'accès à Internet et aux opérateurs de télécoms, non pas pour financer la création, mais pour financer le financeur de la création ! En effet, comme nous l'avons déjà indiqué, France Télévisions fait vivre 350 000 personnes employées dans la création audiovisuelle et est à l'origine de 60 % de la production audiovisuelle française. Naturellement, ce financeur gardera pour lui une partie de l'argent qui lui est donné. Certes, on en retrouvera une partie dans la création : nul doute que les fameux 450 millions participeront pour partie au financement de la création. Convenez cependant du détournement de sens que vous opérez !
En fin de compte, puisque cette taxe n'est pas affectée à ce à quoi elle pouvait être utile, c'est-à-dire la création, elle n'est au fond rien d'autre qu'un impôt supplémentaire. À preuve : elle sera reversée au budget de l'État telle quelle. Et puisque l'on ne sait pas combien elle rapportera, on nous dit de ne pas nous inquiéter, car l'État compensera quoi qu'il arrive à hauteur de 450 millions.
Taxe ou pas, recette ou pas, les 450 millions seront bel et bien là, nous dit-on. Ainsi, la destination de cette taxe est complètement évanescente et ne correspond par à un projet politique affirmé : voilà ce que je vous reproche à l'article 21 ! Loin de tout projet politique, et alors même que vous aviez là la possibilité de vous saisir de la question que pose cet article pour favoriser davantage la création française, vous préférez détourner le dispositif de son objectif.
C'est ainsi que vous avez émasculé la redevance de l'audiovisuel, qui n'est plus public – elle finance donc autre chose que le seul secteur public. Vous avez siphonné cette redevance pour financer le groupement d'intérêt public, à hauteur de 218 millions pour un total de trois milliards – ça compte !
En l'occurrence, vous répliquez le même schéma : l'idée de la taxation était intéressante, mais vous en détournez le sens pour financer je ne sais quoi à je ne sais quel niveau. Voilà ce que je vous reproche : un détournement de sens, et un détournement de l'argent qui devait être consacré au financement de la création – et qui, au lieu de cela, sera consacré au financement de France Télévisions, le financeur de la création. Dommage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons entendu les orateurs inscrits sur l'article 21.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, lundi 15 décembre, à seize heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ;
Discussion du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public.
La séance est levée.
(La séance est levée, le samedi 13 décembre 2008, à zéro heure cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma