La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle le débat d'orientation des finances publiques pour 2009.
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames, messieurs les députés, le débat d'orientation des finances publiques est toujours un moment important car il permet de débattre du fond des orientations, au-delà des détails techniques. Il recouvre une importance encore plus grande aujourd'hui, puisque que j'ai l'honneur de vous communiquer, pour la première fois dans l'histoire de nos finances publiques, les plafonds de dépenses par mission, qui nous ont été transmis ce matin, non pas uniquement pour l'année 2009, mais pour les trois prochaines années. C'est une avancée absolument majeure pour la clarté, la crédibilité et la gestion des finances de l'État – pas si simple d'ailleurs à réaliser.
Un an a passé depuis que j'ai eu pour la première fois l'occasion de vous présenter les orientations retenues par le Gouvernement pour nos finances publiques. Beaucoup a été accompli au cours de cette année, notamment la révision générale des politiques publiques, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre ; durant cette même année, je me suis efforcé de faire preuve de la plus grande transparence, vis-à-vis de l'Assemblée comme de l'ensemble des observateurs de nos finances publiques, y compris dans le cadre du processus de révision des politiques publiques.
Nous sommes désormais à un moment crucial pour nos finances publiques : nous ne pouvons plus nous réfugier derrière les solutions de facilité du passé, notamment celle de l'endettement à bas coût, et nous devons faire face à l'arrivée à l'âge de la retraite de la génération du baby boom, ce qui pèse évidemment sur les pensions que l'État devra verser.
L'ensemble des travaux que le Gouvernement a menés avec vous depuis un an seront les fondements du premier budget triennal et de la loi de programmation pluriannuelle de la loi de programmation des finances publiques. La contrainte financière est extrêmement forte, comme l'a souligné Gilles Carrez, le rapporteur général de votre commission des finances, avec la ténacité qui sied à ceux qui veulent réellement rééquilibrer nos finances publiques. Mais, grâce aux travaux engagés, nous nous sommes données les moyens de concilier cette contrainte financière avec le maintien d'un service public de qualité et d'un système social protecteur.
Je voudrais tout d'abord, comme c'est l'usage, faire un point sur l'exécution de l'année 2008. Où en sommes-nous ?
L'objectif de ramener le déficit public à 2,5 % du PIB pour 2008 demeure évidemment, ce qui exige la plus grande vigilance sur le niveau de la dépense : je l'ai dit en commission des finances, je le redis ici. Mais avant d'évoquer les dépenses, abordons d'abord les recettes.
Les recettes fiscales de l'État seraient en moins-values par rapport à la loi de finances initiale – nous en avons discuté en commission. Lorsque nous avons révisé en avril notre prévision de croissance annuelle du PIB, en retenant une fourchette de 1,7 % à 2 %, nous supposions implicitement que cette nouvelle prévision intégrait une moins-value de recettes fiscales de 3 milliards à 5 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Cette prévision tenait compte également des résultats de 2007 et les données supplémentaires disponibles à ce jour pour 2008 ne remettent pas en cause la fourchette de 3 à 5 milliards, compte tenu de la révision effectuée en avril dernier.
S'agissant des dépenses de l'État, l'élément essentiel qui pèse sur l'exécution, c'est la révision à la hausse de la charge de la dette, de 2 à 3 milliards par rapport à la loi de finances initiale, soit de 5 % à 7 %. Ce dérapage préoccupant…
…provient essentiellement de l'augmentation des taux d'intérêt depuis la LFI et surtout de l'augmentation de l'inflation, laquelle pèse sur le provisionnement de la charge des obligations indexées. La mise en réserve de crédits réalisée en début d'année 2008 est typiquement destinée à faire face aux besoins non prévisibles apparaissant en cours d'exécution. À ce stade de l'année, il est difficile de déterminer avec précision quel peut être le rendement net d'une utilisation pertinente de cette réserve. Toutefois, je confirme qu'environ la moitié des crédits mis en réserve – soit un montant de l'ordre de 3 milliards – pourrait faire l'objet d'une annulation.
En dépit du poids croissant des charges d'intérêt, je conserve donc l'objectif de respecter l'enveloppe de la loi de finances initiale que vous avez votée.
En ce qui concerne la sécurité sociale, nous respectons le cadrage financier de la loi de financement. Tel que je peux aujourd'hui l'estimer, le déficit du régime général serait identique à ce qui était prévu, soit 8,9 milliards d'euros contre, je vous le rappelle, 9,5 milliards d'euros en 2007. On est donc en phase aujourd'hui avec les prévisions de la LFSS pour 2008, qui étaient de moins 8,8 milliards à moins 8,9 milliards ; nous sommes dans l'épaisseur du trait.
Ces résultats s'expliquent principalement par les mesures votées dans la LFSS pour 2008, mais également par la situation de l'emploi et par la bonne tenue des recettes. Les mesures votées à l'automne dernier nous ont permis, en particulier, d'afficher une maîtrise crédible des dépenses d'assurance maladie. Le comité d'alerte a prévu un dépassement de l'ONDAM entre 500 et 900 millions d'euros, alors que le seuil d'alerte se situe autour de 1,1 milliard d'euros. Le comité n'a donc pas déclenché d'alerte, contrairement à ce qui s'était passé en 2007. Toutefois, Roselyne Bachelot et moi-même restons bien sûr particulièrement vigilants car on ne peut se satisfaire de ce dépassement, même s'il est inférieur au seuil d'alerte : l'objectif à respecter, ce n'est pas l'ONDAM plus le seuil d'alerte, mais bien l'ONDAM en tant que tel. Et même si celui-ci est bien inférieur au dérapage que nous avons connu à la même époque l'année dernière – peut-être l'avez-vous oublié, mais nous discutions d'un dépassement de 3 milliards ! –, puisqu'il se situe pour l'heure entre 500 millions et 900 millions, nous devons impérativement mettre tout en oeuvre pour tenter de diminuer le montant final du dérapage par rapport à l'ONDAM. Je suis persuadé que le président de la commission des affaires sociales et Yves Bur pensent de même.
Je voudrais aussi souligner que la conjoncture a beau être tendue, la situation de l'emploi s'améliore d'une façon très significative depuis maintenant plus d'un an et les recettes des organismes sociaux s'accroissent alors que certaines prestations ralentissent fortement, comme celles à la charge de l'assurance chômage.
Sans verser dans l'angélisme, je confirme dans ces conditions qu'un déficit de 2,5 points de PIB est toujours et résolument mon objectif pour l'année 2008.
Après ce bref point sur les perspectives pour 2008, je voudrais revenir sur notre stratégie de moyen terme, et expliquer comment elle se concrétise dans la préparation du budget triennal du PLF et du PLFSS.
Nous ne modifions pas notre stratégie pour le rétablissement de nos finances publiques, parce qu'elle est solide et saine. Appliquée avec constance depuis un an, elle consiste tout d'abord à favoriser le développement de la croissance potentielle de l'économie grâce aux réformes de structure – même si la crise mondiale rend l'exercice difficile. Vous avez eu l'occasion d'en débattre à plusieurs reprises avec Christine Lagarde au cours de l'année écoulée, par exemple lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie, ou avec Xavier Bertrand, à l'occasion des débats sur la loi sur la démocratie sociale et la réforme du temps de travail. Ce sont des exemples précis et récents, tirés des dernières semaines de session, de la transformation de l'économie française, destinée à favoriser le développement d'un potentiel de croissance supplémentaire.
Mais notre politique de finances publiques a aussi un autre versant : la maîtrise de la dépense publique. Tout en dépend. Il faut, je l'ai déjà dit et répété, diviser par deux le taux de croissance de la dépense en volume, autrement dit limiter la croissance de la dépense à un niveau de l'ordre de 1 % par an en euros constants. Gilles Carrez ne dit pas autre chose lorsqu'il explique, à la conférence nationale des finances publiques, qu'il faut limiter l'augmentation de la dépense publique en euros courants à 30 milliards d'euros par an…
…alors qu'elle croît tendanciellement de 40 milliards d'euros en rythme annuel. C'est ainsi que nous retrouverons l'équilibre de nos finances publiques en 2012, et des comptes de la sécurité sociale dès 2011.
Je voudrais maintenant vous présenter très concrètement la préparation du premier budget triennal, et la situation à laquelle nous avons à faire face pour l'année qui vient, c'est-à-dire demain.
Pour 2009, nous avons un objectif ambitieux : réduire le déficit public de 0,5 point de PIB pour le ramener à 2 % du PIB. Cet effort permettra un retour à l'équilibre de nos finances publiques d'ici à 2012. Monsieur le président de la commission des finances, je vous affirme que c'est possible. Certes, pour avoir fait un peu d'arithmétique, je sais bien qu'une réduction de 0,5 % ne conduira pas à elle seule à zéro déficit en 2012 ; reste que tous les intrants ne sont pas pris en compte, notamment les effets d'une croissance future.
Recueillir les fruits de son travail n'empêche pas d'estimer que les choses peuvent encore mieux se passer.
Notre stratégie est donc fondée non seulement sur la maîtrise de la dépense, mais aussi sur la croissance par la réforme. Nous sommes là dans une totale cohérence.
Atteindre l'équilibre des finances publiques, c'est évidemment l'effort qu'attendent de nous tous nos partenaires européens ; c'est aussi ce qui nous permettra de restaurer la confiance de tous sur l'assainissement de nos finances publiques. Pour ces raisons – et certainement pour beaucoup d'autres encore –, la réduction de 0,5 % de PIB les déficits publics représente un effort majeur.
Mais cet assainissement ne se limite pas à nos finances publiques, bien au contraire : il renforcera l'ensemble des réformes qui sont en cours pour soutenir la croissance, car il ne peut pas y avoir de croissance durable sans finances publiques soutenables – pas plus qu'il ne peut y avoir de développement durable sans finances publiques durables. Les deux sont indissolublement liés.
Pour y parvenir, il faut principalement agir dans trois directions : premièrement, stabiliser chaque année la dépense de l'État, en euros constants, sur le périmètre élargi que nous avons défini pour le PLF 2008 ; deuxièmement, faire 4 milliards d'effort de redressement sur l'assurance maladie dès 2009 pour assurer le retour à l'équilibre du régime général au plus tard en 2011 ; troisièmement, poursuivre les réformes pour trouver nos propres ressorts de croissance dans un environnement mondial particulièrement difficile.
L'une des principales difficultés de l'environnement mondial, c'est la poussée inflationniste que nous connaissons. Nous prévoyons 2,9 % d'inflation pour cette année, et 2 % pour l'année prochaine. Or, contrairement à ce que l'on peut entendre ou lire ici et là, l'inflation n'est pas favorable aux finances publiques. Tout d'abord, en effet, elle augmente les dépenses ; pour l'année en cours, l'effet se produit principalement via l'augmentation de la charge des obligations indexées : j'ai indiqué, pour 2008, une fourchette de 2 milliards à 3 milliards d'euros supplémentaires – imaginez le poids que cela représente par rapport à la LFI.
Cela joue sur l'année en cours, mais aussi sur la suivante – 2009 – en raison de l'indexation des prestations familiales et de retraite qui rattrapent les surprises de l'inflation. Une hausse inattendue de 1,3 % de l'inflation coûte près de trois milliards d'euros supplémentaires l'année suivante : il s'agit donc de charges tout à fait considérables.
L'inflation n'est pas non plus forcément bénéfique à l'autre versant du budget – les recettes –, contrairement à une croyance assez tenace. Certes, certains impôts et taxes, comme la TVA par exemple, sont assis sur des revenus ou des prix en euros courants, mais n'oublions pas que pour le montant de la recette, la quantité achetée est aussi déterminante que le prix.
Si l'inflation provient d'une surchauffe de l'économie, alors effectivement l'augmentation des volumes se conjugue à celle des prix pour favoriser les rentrées fiscales – nous avons connu cela dans le passé. En revanche, ce n'est pas du tout ce que nous connaissons actuellement : l'inflation provient principalement de la flambée des matières premières ; elle est importée ; elle pèse sur l'activité et donc sur les volumes produits.
Au total, l'effet de l'inflation sur les recettes est très ambigu, c'est le moins que l'on puisse dire. Il l'est d'autant plus que les produits dont les prix augmentent le plus sont justement ceux qui supportent une fiscalité importante, proportionnelle aux volumes consommés, telle que la TIPP sur les produits pétroliers.
Je voudrais revenir plus précisément sur la construction du budget de l'État. Je le répète : pour la première fois, nous mettons à votre dispositions les plafonds de dépense par missions, pour les trois prochaines années. C'est une avancée majeure pour la gestion de la dépense de l'État. Reste que la construction de ce budget triennal se fait dans un environnement plus contraint qu'il ne l'a jamais été, pour trois raisons.
D'abord, stabiliser les dépenses en euros constants, sur le périmètre de la norme élargie, représente un effort supérieur à tout ce qui a été fait par le passé. En moyenne, de 1999 à 2007, la croissance de l'État, sur le même périmètre élargi que nous utilisons aujourd'hui, aurait été de 1,1 % – or nous sommes à zéro.
Ensuite, et je précise qu'il s'agit là d'une forte conviction partagée au sein du Gouvernement même si c'est beaucoup plus difficile qu'au cours des années passées, je tiens à faire disparaître les sous-dotations qui ont pu exister, en particulier en ce qui concerne les relations entre l'État et la Sécurité sociale.
Je vous remercie, monsieur Bouvard pour vos encouragements ! Même si vous êtes le seul !
Dans ce contexte de contrainte, je le répète, nous allons bien au-delà de tout ce qui a été réalisé dans le passé, en France. D'abord, nous réduisons la dépense sur ce périmètre élargi. Ensuite, nous gommons les sous-dotations qui permettent d'afficher des objectifs très ambitieux, mais surtout pas de les réaliser. Enfin, les dépenses héritées du passé, c'est-à-dire inévitables au moins à moyen terme, sont bien plus dynamiques qu'auparavant.
L'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom accroît le montant des pensions. Ces dépenses progresseront de 2,5 milliards d'euros, en moyenne par an, entre 2009 et 2011. De même, la charge de la dette s'accroît brutalement.
Nous avons longtemps été anesthésiés face au fléau que représente l'excès de dette : pendant des années, nous avons en effet bénéficié de la baisse des taux pour son financement. Nous savions que nous étions arrivés à l'étiage et que le risque d'une remontée des taux d'intérêt était hautement probable. Cette remontée survient de manière beaucoup plus brutale que prévu, du fait de la poussée inflationniste dont je parlais il y a quelques instants. De 2003 à 2007, la charge de la dette est restée quasiment stable. Dans les années à venir, elle augmentera d'un peu plus de deux milliards chaque année en moyenne. À titre de comparaison – en connaisseurs des finances publiques, vous le savez – 2 milliards c'est quasiment le budget de la culture, ou à peu près la moitié du budget de l'agriculture ou du Quai d'Orsay. Il s'agit donc de montants extrêmement importants.
Au total, de 2003 à 2007, le cumul de la charge de la dette et des pensions représentaient moins de 30 % de l'augmentation de la dépense de l'État. La marge de manoeuvre pour financer des politiques publiques se situait donc à 70 %. À l'avenir, le rapport sera exactement inverse : l'augmentation de la charge de la dette et des pensions absorbera environ 70 % de la croissance des dépenses de l'État permise par le « zéro volume ». Il faut bien appréhender ce que cela veut dire. Il s'agit d'un renversement majeur de tendance : de 70 % de marge de manoeuvre, on passe à 70 % de dépenses contraintes.
Il faut aussi tenir compte de l'évolution des prélèvements sur recette au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales. Si l'on ajoute la progression de ces prélèvements, ce n'est plus 70 % de la progression des dépenses qui est contrainte et finalement affectée, mais quasiment 100 % !
Au total, réaliser le « zéro volume » sur la norme élargie de dépenses…
…cela revient quasiment à stabiliser en euros courants les dépenses des ministères.
Il faut se rendre compte de ce que cela signifie très concrètement et en bon français : c'est d'abord « zéro valeur »…
Je pensais que cela irait mieux ! À mon avis, l'idée aussi va vous paraître nulle ! C'est aussi « zéro valeur » sur les dépenses de personnel.
de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Cela veut dire zéro augmentation !
Nous y parvenons grâce à la révision générale des politiques publiques qui nous permet de ne pas remplacer 30 600 fonctionnaires de l'État partant en retraite – nous avons affiné nos chiffres.
En outre, les opérateurs seront aussi associés à l'effort de réduction des effectifs.
Vous aurez des éléments très précis sur ce point, au fil du temps. Dès 2009, nous atteignons donc quasiment notre objectif de non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Vous en trouverez le détail dans le document imprimé nuitamment et distribué.
Certains ministères font plus que la moyenne, d'autres moins. Cependant, même dans les quelques ministères dont les effectifs sont globalement stabilisés ou en léger accroissement – la justice, par exemple –, je vous assure que certaines de leurs missions sont soumises au même effort de productivité qu'ailleurs.
Il n'y a donc pas de vision comptable – au mauvais sens du terme – ou arithmétique de ce ratio. Nous faisons ce que les réformes retenues par la RGPP nous permettent. Il serait illusoire de faire l'inverse : fixer un ratio et espérer trouver comment l'atteindre. Autre versant des choses : ces non-remplacements s'accompagnent bien évidemment, comme annoncé par le Président de la République, d'un retour aux fonctionnaires de 50 % des économies induites par les gains de productivité qui leur sont demandés. Nous leur en redonnons 50 % sous forme de mesures catégorielles visant à améliorer les conditions de travail et les salaires de la fonction publique.
Dans ce contexte, « zéro volume » sur la norme élargie, c'est aussi « zéro valeur », c'est-à-dire une absence de progression des dépenses de l'État en euros courants et donc des budgets d'intervention et de fonctionnement des différents ministères. Évidemment, cela suppose des choix. J'ai rencontré tous les ministres, d'abord de manière bilatérale, puis avec le Premier ministre. Nous avons aussi disposé, depuis un an, de l'enceinte de discussion particulièrement performante qu'offraient les nombreuses réunions de la RGPP avec chaque ministre concerné. C'est ce qui nous a permis d'aller au fond des sujets, et ce pour trois ans.
Où est la RGPP dans le budget ? me demande-t-on souvent. Précisément, elle est partout ! Cette démarche est le creuset du budget triennal et elle permet de réaliser des économies sur la dépense à partir d'une vision et d'une analyse très concrètes des différentes missions et de leurs conditions d'exécution.
Enfin, parmi les dépenses, il y a naturellement des priorités, à tout le moins en termes de montants alloués. Première d'entre elles : l'enseignement supérieur et la recherche dont nous nous sommes engagés à augmenter les moyens de 1,8 milliard d'euros par an, comme le Président de la République l'avait clairement indiqué lors de ses différentes interventions sur le sujet.
Deuxième élément important : la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, engagement majeur du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Son déploiement concernera un très large éventail de projets portant sur le logement, les transports, la recherche en matière de développement durable, ou encore la transition de notre économie vers un nouveau modèle énergétique. La loi de finances pour 2009 sera la première traduction du Grenelle de l'environnement, dans son volet budgétaire mais aussi dans son volet fiscal.
Autre priorité : la Justice et tout particulièrement l'administration pénitentiaire. Nous construisons des prisons, par conséquent nous devons les « armer » en augmentant le personnel de l'administration pénitentiaire.
En outre, comme l'a d'ailleurs noté Hervé Morin, on peut dire que le budget d'équipement de la défense est devenu une quasi-priorité, contrairement à ce qu'affirment des observateurs probablement mal informés. C'est possible notamment grâce au recyclage de toutes les économies réalisées sur le fonctionnement, qui iront financer le surcroît d'équipement – répondant ainsi à la problématique des armées modernes.
C'est possible aussi grâce à l'affectation à la défense de ressources extrabudgétaires qui permettront de respecter les engagements encore hérités de la précédente loi de programmation militaire. Au total, le budget d'équipement militaire qui atteignait 15 milliards d'euros par an en moyenne sous la dernière loi de programmation militaire passera à 18 milliards d'euros en moyenne sur la prochaine. Nous réaliserons cet effort tout en respectant nos impératifs budgétaires.
Puisqu'il faut financer ces priorités et aussi les dépenses inévitables – les 70 % que j'évoquais tout à l'heure, plus les prélèvements de l'Union européenne et des collectivités – à enveloppe constante, il est évident que certains budgets doivent stagner voire diminuer.
Il n'y a aucun tabou dans nos discussions. Les débats budgétaires seront l'occasion de montrer que la diminution d'un budget n'est pas le signe d'un désengagement vis-à-vis d'une politique publique, mais témoigne au contraire du souci d'utiliser chaque euro de manière encore plus efficace. Une priorité politique peut se traduire par une diminution budgétaire. C'est sans doute une première dans ce pays, mais c'est la réalité : l'argent public engagé doit être productif au premier euro. Le redéploiement, la révision des politiques publiques peuvent donc passer par la baisse des montants en volume consacrés à certaines politiques prioritaires. Dans chaque ligne du budget que je vous présenterai à l'automne, s'inscrit une évaluation, une rationalisation, une performance de la dépense.
Vous avez entre les mains les résultats de nos travaux, mission par mission. Je ne les égrènerai pas mission par mission, mais ils traduisent tous l'ampleur des réformes mises en oeuvre. Par exemple, dans la mission « Ville et logement », une large réorientation du 1 % logement sera opérée – on en parle depuis des années. La mission « Sécurité » traduit les orientations de la future loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure. Les conclusions de la RGPP sur la mission « Travail et emploi » conduisent à limiter la durée des contrats aidés, qui seront aussi recentrés sur les personnes les plus éloignées de l'emploi. À partir de 2010, la formation professionnelle sera également mieux orientée au profit de nos concitoyens à la recherche d'un emploi, de ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi et les moins formés.
Afin d'éviter toute ambiguïté, je signale d'ailleurs d'emblée que la stabilisation des dépenses en euros courants – autrement dit zéro en valeur – n'inclut pas à ce stade le RSA, le revenu de solidarité active, pour la simple et bonne raison que les modalités de ce dispositif, donc a fortiori son financement, ne sont pas encore arrêtés dans le détail. Ils le seront puisque,…
…je le rappelle, le principe et les orientations ont été confirmés par le Président de la République et le Premier ministre.
Enfin, je tiens surtout à préciser que les efforts consentis pour tenir le principe du « zéro valeur » s'agissant des dépenses des ministères sont ceux de toute l'équipe gouvernementale, ainsi que de le détermination du Président de la République et du Premier ministre.
On considère généralement que ceux dont le budget augmente sont les gagnants et ceux pour qui il diminue les perdants. Mais il faut changer de lunettes, de grille de lecture, de culture. Bon nombre d'entre vous l'ont déjà fait, mais il faut que l'ensemble des commentateurs s'y mettent. Il n'y a ni gagnants ni perdants, seulement des priorités politiques clairement affichées, lesquelles peuvent se traduire par des augmentations de volume budgétaire mais aussi par des diminutions. La vraie question est de savoir comment profiler et rendre plus efficace une politique, et surtout comment hiérarchiser les priorités. Nos efforts doivent porter sur tous les domaines. Je le répète : cessons de juger un budget selon son volume. L'important est d'apprécier l'efficacité des politiques mises en oeuvre.
Comme il est d'usage à cette période de l'année, monsieur le rapporteur général, j'ai surtout évoqué les dépenses. Peut-être faut-il d'ailleurs changer cette habitude et je m'en suis moi-même étonné : il faut dire que les débats d'orientation budgétaire sont une habitude encore récente. Je crois en tout état de cause qu'il faudrait parler davantage des recettes : nous verrons l'an prochain comment mieux équilibrer le débat. Il est bien évident que la réduction du déficit public d'un demi-point de PIB tient compte, comme cela a été dit en commission des finances, des mesures déjà prises au niveau des recettes, qu'il s'agisse de la loi TEPA ou de la loi de modernisation de l'économie, dont les effets économiques seront intégrés dans les prévisions de croissance, lesquelles relèvent de la responsabilité de Christine Lagarde, qui les présentera à la rentrée.
J'en viens à la sécurité sociale. Pour parvenir à l'équilibre du régime général en 2011, il faut impérativement que l'assurance maladie soit aussi à l'équilibre d'ici à cette date. Comme vous le savez, les caisses d'assurance maladie viennent de nous faire des propositions d'économies pour 2009. Je vais évidemment les étudier en détail avec Roselyne Bachelot, celle-ci s'occupant de l'aspect « santé » et moi-même de l'aspect « finances ».
Nous formons un bon duo et je suis heureux que vous en conveniez !
Des propositions de l'UNCAM, je retiens un message fort : il existe des marges d'efficience très importantes dans notre système, qui rendent le retour à l'équilibre tout à fait possible.
Oui, il y a très longtemps.
Quand Martine Aubry était ministre. Elle vous donne le grand frisson : rendez-lui hommage ! (Sourires.)
Laissez-moi terminer, monsieur Brard : vous pourrez parler de tout cela à cette tribune. Je vous répondrai ensuite.
Le sens de la politique que nous menons et mènerons de plus en plus – vous le verrez à la rentrée – est de traquer les abus, les gaspillages, les dépenses inutiles ou redondantes. Roselyne Bachelot et moi-même venons d'entamer un cycle de rencontres avec les représentants des mutuelles et des partenaires sociaux. Nous discutons bien sûr de propositions faites récemment par les caisses d'assurances maladie, et nous débattons aussi, sans tabou et dans un grand esprit de dialogue, de bien d'autres pistes pour rééquilibrer les comptes. Il va bien falloir s'y résoudre, et pas seulement via des recettes : le système doit trouver en lui-même une forme de régulation. Que l'on y revienne tous les trois ou quatre ans n'a rien de scandaleux en soi. Dès lors que l'on s'efforce de respecter notre pacte social,…
…on peut imaginer un ajustement conjoncturel plus ou moins important pendant quelques années, avant un ajustement structurel. C'est bien dans ce dernier cadre que nous nous situons.
Après ces réunions de concertation, nous disposerons d'un éventail de propositions à partir duquel nous prendrons nos responsabilités. Des annonces sont envisageables avant la fin du mois de juillet.
Par ailleurs, la protection sociale a réalisé un important effort de couverture du risque chômage à l'époque où ce risque était élevé. La baisse du chômage, qui est une bonne nouvelle – tous les députés en conviendront –, doit en retour pouvoir être mise à profit pour baisser les cotisations et permettre ainsi, à taux de prélèvement constant, une hausse des cotisations retraite. À mon avis, ce mouvement doit être engagé dès 2009, car le temps presse.
Toutefois, l'amélioration de la branche vieillesse dépendra principalement de l'évolution de l'emploi des seniors, des âges de cessation d'activité et de liquidation des pensions. Pour l'emploi des seniors, le Gouvernement a pris ses responsabilités en annonçant la majoration de la surcote dès la première année et la libéralisation du cumul emploi-retraite pour ceux qui ont atteint le taux plein, en fermant progressivement les préretraites financées sur fonds publics – nous avions déjà commencé à le faire l'an dernier –, en taxant les préretraites d'entreprise et en interdisant le recours aux mises à la retraite d'office. Il faut aussi que les comportements changent effectivement et que les entreprises s'impliquent davantage dans une gestion active des âges : ce n'est que par une mobilisation collective que nous réussirons dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres.
Je veux aussi continuer à clarifier les relations entre l'État et la sécurité sociale. L'année dernière, j'avais apuré 5,1 milliards d'euros de dettes de l'État à l'égard du régime général ; cependant, compte tenu de la construction de la loi de finances, je n'ai pu éviter de recréer de la dette en 2007. Il faut désormais traiter le mal à la racine. Dans le cadre du budget pluriannuel, je tiens donc à une juste budgétisation des dépenses de l'État compensant les dispositifs gérés par la sécurité sociale.
Par ailleurs, la dette sociale, localisée pour l'heure à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, sera transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Nous utiliserons à cette fin une fraction des recettes de CSG actuellement attribuées au Fonds de solidarité vieillesse. C'est possible, car le FSV est désormais en excédent, et nous réaliserons ce transfert dans le respect de l'équilibre financier dudit fonds. Nous traiterons également la question lancinante du FFIPSA dans les PLF et PLFSS pour 2009, à la fois du point de vue de son déficit, mais aussi de sa dette. Cela aura évidemment un impact qu'il faudra assumer.
Je voudrais à présent revenir sur les collectivités locales. Comme vous le savez, une conférence nationale des exécutifs s'est tenue jeudi dernier sous la présidence du Premier ministre. Le message qu'il a transmis est simple…
L'ensemble des concours de l'État aux collectivités locales doit évoluer au même rythme que l'ensemble des dépenses de l'État, c'est-à-dire au rythme de l'inflation. Avec une prévision d'inflation de 2 % en 2009, l'ensemble des concours de l'État, soit 55 milliards d'euros hors dégrèvements, augmenteront donc de 1,1 milliard en 2009 par rapport à 2008.
Cela reste de l'argent public, monsieur Derosier ! Vous savez, le « toujours plus »…
Ce 1,1 milliard d'euros supplémentaire en 2009 représente 200 millions de plus que l'augmentation prévue en LFI 2008, qui était, je le rappelle, de 900 millions d'euros. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cette augmentation porte sur le même périmètre. C'est le maximum de l'effort que l'État peut s'imposer sur ses propres dépenses au bénéfice des collectivités. Pour 2010 et 2011, l'ensemble des concours de l'État continuera à évoluer comme l'inflation, ce qui conduira à une augmentation de 1 milliard supplémentaire par an.
Quelle traduction donner à cette augmentation de 1,1 milliard en 2009 ? Le Premier ministre s'y est engagé lors de la conférence nationale des finances publiques : contrairement à ce que l'on a pu lire ici ou là, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ne sera pas réformé en 2009, afin de ne pas mettre en péril les plans de financement des collectivités qui ont déjà investi et qui comptent sur lui. Cela n'empêche pas de réfléchir à l'avenir de cette dotation qui consomme les marges de manoeuvre dans l'enveloppe que nous venons d'évoquer. Plusieurs pistes s'offrent à nous pour travailler ensemble à une réforme du fonds, de sorte que celle-ci génère ses premiers effets avant la fin de la législature. Quel champ d'investissement retenir ? Quel rythme de progression pour le FCTVA ? Quelle articulation avec les autres dotations d'investissement ?
Une fois financée l'augmentation du FCTVA, 450 millions d'euros de crédits resteront disponibles. Il nous faut réfléchir conjointement à l'orientation que nous leur donnons et à l'évolution de la DGF, la dotation globale de fonctionnement : dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, il n'est pas possible que celle-ci continue à progresser sur son rythme actuel d'indexation.
Deux options sont possibles : faut-il financer le rattrapage d'inflation au titre de 2008, ou au contraire retenir pour 2009 le principe d'une indexation de la DGF à l'inflation ? La question reste ouverte, mais je remarque qu'en ce qui concerne les dépenses de l'État, c'est la seconde solution qui est retenue. Enfin, il nous faudra aussi réfléchir à la meilleure manière de concilier une évolution limitée de la DGF et une amélioration de son efficacité péréquatrice.
Rappelons que, quelle que soit l'échelle – ville, département ou État –, nous parlons toujours du même citoyen :…
…efforçons-nous donc d'avoir une vision globale, dans le respect des compétences de chacun et des finances publiques.
Après cette présentation des enjeux et des orientations pour l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales, je voudrais pour terminer revenir sur deux importants sujets de gouvernance : la loi de programmation des finances publiques et la maîtrise des niches fiscales et sociales.
La révision de la Constitution…
…a été l'occasion d'ouvrir un large débat sur l'opportunité d'inscrire dans la loi fondamentale une règle de finances publiques.
Le résultat auquel nous sommes pour l'instant parvenus me paraît satisfaisant : une loi de programmation des finances publiques s'inscrivant dans un objectif d'équilibre. Nous avons travaillé ensemble à la rédaction de cette disposition. En effet, il ne suffit pas de dire qu'il faut être à l'équilibre ; il faut également dire comment on y arrive. C'est d'ailleurs, de mon point de vue, la partie la plus difficile : je suppose que chacun en convient. Ainsi, les objectifs que je vous ai décrits seront déclinés à la rentrée dans une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Celle-ci permettra de définir une stratégie d'ensemble cohérente, dépassant la vision limitée qu'offrent aujourd'hui les débats annuels sur le PLF et le PLFSS.
J'ajoute que l'élaboration, puis le vote des lois de programmation des finances publiques permettront de pallier la situation actuelle, où les programmes de stabilité adressés chaque année à la Commission européenne ne sont pas soumis au Parlement et n'ont pas, dès lors, la portée politique suffisante pour encadrer l'action publique. C'est donc une excellent réponse apportée à ce problème.
Un autre sujet nous tient à coeur, celui des niches fiscales et sociales. Je tiens à saluer tout particulièrement les deux excellents rapports auxquels nombre de députés ici présents ont participé, rapports issus de missions présidées par Didier Migaud et Gérard Bapt, et dont Gilles Carrez et Yves Bur ont été les auteurs. Bien entendu, nos discussions se poursuivent, mais disons d'emblée que je suis très favorable à la plupart des propositions contenues dans ces rapports. Comme ceux-ci le constatent, le nombre de niches et leur montant sont devenus un véritable enjeu pour les finances publiques. C'est pourquoi le Premier ministre a décidé, lors de la dernière conférence nationale des finances publiques, qu'elles seraient limitées dans le temps et soumises à une évaluation systématique. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai discuté, lors de mes rencontres bilatérales avec chacun des ministres, non seulement des dépenses budgétaires, comme c'est l'usage, mais aussi des dépenses fiscales et des exonérations de charges sociales.
Tout cela pèse en effet de la même manière sur le déficit public et produit les mêmes résultats...
Il faut donc en discuter dans le même temps. C'est la même dépense, qui conduit au même solde. Surtout lorsque ces dépenses fiscales sont précisément conçues pour se substituer à la dépense budgétaire – même si nous n'obtenons pas le résultat que nous attendions. Il serait incohérent de durcir d'un côté la dépense budgétaire tout en facilitant de l'autre la dépense fiscale !
Il nous faut donc poursuivre dans la voie qui permet de limiter les niches fiscales. J'envisage donc, dans le projet de loi de finances pour 2009, plusieurs actions sur les dépenses fiscales et les exonérations diverses et variées de charges sociales, qui seront affinées dans le courant de l'été.
Nous allons améliorer la qualité de l'information du Parlement, en récapitulant de façon claire, dans le projet de loi de finances comme dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, toutes les décisions prises au cours de l'année à ce sujet.
Nous allons par ailleurs instaurer – je trouve cela très intéressant – un objectif de dépenses fiscales dans les projets de loi de finances. Probablement utilisé dans un premier temps à titre indicatif, ses modalités restant à définir, nous allons travailler à son amélioration. Je fais étudier un dispositif analogue pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, concernant les exonérations sociales.
J'avoue avoir eu de la sympathie pour l'amendement adopté par le Sénat, qui visait à valider, en loi de finances initiale comme en loi de financement de la sécurité sociale, les niches votées dans des lois ordinaires. Votre commission des lois y voit une atteinte à certains principes, que je ne saurais contester. Mais je compatis à mon tour, monsieur Migaud, sur le fait que la position de la commission des finances n'a pas été entendue sur ce point.
C'est une compassion « bijective » !
C'est de saison, avec les JMJ ! (Sourires.) Mais vous avez passé l'âge !
Vous peut-être, pas moi ! (Sourires.)
Il nous faut ensemble lutter contre la prolifération de ces dispositions, que je juge excessive.
Je reste naturellement ouvert à la discussion sur ce sujet. C'est un pas important que nous allons franchir, en tout cas je le souhaite vivement, et nous utiliserons la puissance de conviction du ministère du budget pour réduire efficacement la dépense fiscale et sociale.
Nous sommes confrontés à une situation inédite pour nos finances publiques : l'évolution des charges d'intérêts et celle des pensions accentuent les contraintes qui pèsent sur les autres dépenses, qu'il s'agisse de la masse salariale ou des dépenses d'intervention.
Il est donc plus que jamais indispensable de réaffirmer la maîtrise de la dépense publique et d'améliorer son efficacité. Nous nous en donnons les moyens avec la RGPP, qui produira des effets au cours des prochaines années et que nous allons continuer à mener très activement. Nous en verrons les résultats dans les sphères sociale et fiscale. Le budget triennal en est la traduction pour l'État.
C'est cette alliance de réformes de structure et de règles de gouvernance efficaces qui nous permettra de réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je commencerai mon propos par quelques appréciations positives…
Je me réjouis que nous ayons ce débat, même s'il intervient tardivement, dans le cadre d'une session extraordinaire – il aurait davantage eu sa place au cours de la session ordinaire – et même si, vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, nous avons disposé des rapports trop tard pour les étudier et les exploiter au mieux.
Je salue également, monsieur le ministre, le fait que vous vous soyez engagé fermement dans une démarche pluriannuelle, avec des lois de programmation et une présentation sur trois ans dès la prochaine loi de finances. Cela contribuera à une plus grande transparence et permettra aux uns et aux autres de mieux apprécier la situation.
Je note au passage votre souci de transparence, que vous venez de démontrer en ne cachant rien de la situation, et votre sincérité, que je ne veux pas mettre en doute. Je me dis parfois que si Éric Woerth était seul au Gouvernement, ce qu'il dit aurait quelque chance d'être appliqué dans la gouvernance de nos finances publiques…
Mais il n'est que ministre des comptes publics… C'est d'ailleurs un autre point positif que d'avoir un ministre en charge de l'ensemble des comptes publics. Je m'en était réjouis à l'époque et je persiste à penser que c'est une bonne chose.
Cela dit (« Ah ! » sur divers bancs), que constatons-nous aujourd'hui s'agissant de la situation économique et budgétaire de la France ? Je reconnais que le contexte est particulièrement difficile pour le Gouvernement : nous sommes confrontés à une grave crise financière, à une crise énergétique et à une crise alimentaire, mais aussi à une inflation dont M. Woerth vient de dénoncer les effets.
Reste que, dans ce contexte difficile, beaucoup font mieux que nous. La situation de la France se dégrade, et qui plus est évolue à contre-courant des pays qui nous entourent – ce qui est tout aussi préoccupant.
La situation s'est fortement dégradée en 2007. Je suis étonné, monsieur le ministre, quand j'entends le Gouvernement ou quand je lis notre rapporteur général – lorsqu'il s'exprime, ses propos sont parfois plus nuancés – de les voir vanter de la réussite de cette politique et les améliorations qu'elle a apportées. C'est formidable, cela marche, nous dit-on. Mais alors, comment expliquer que, malgré toutes ces améliorations notables, la situation de nos comptes publics se dégrade à ce point ?
En 2007, le déficit des comptes publics est passé de 2,4 à 2,7 %, et la dette publique de 63,6 % du PIB à 63,9 ; la France est passée de la onzième à la quatorzième place sur quinze pour les déficits publics, et de la huitième à la cinquième place pour le volume de sa dette ! Autrement dit, nous nous rapprochons de la dernière place s'agissant de la hauteur de nos déficits publics et du podium pour l'importance de notre endettement ! Il nous est arrivé d'être mieux classés par le passé !
Comment expliquer cette situation ? Comme la Cour des comptes – et vous-même, monsieur le ministre, je le reconnais – nous essayons de comprendre. On constate tout d'abord qu'en dépit de vos efforts, la maîtrise de la dépense publique est insuffisante. En 2007, la dépense publique représentait 52,6 % du PIB. Vous qui reprochez toujours à la gauche de vouloir trop dépenser, je vous fais observer qu'elle n'était que de 51,7 % fin 2001 – chiffre inférieur à celui que nous connaissons aujourd'hui.
Cette insuffisante maîtrise de la dépense publique s'accompagne de l'absence totale de maîtrise des recettes publiques, du fait de la multiplication des réductions d'impôt et des exonérations de cotisations sociales, mais j'y reviendrai. C'est l'addition de tous ces éléments qui explique la dégradation de nos comptes publics.
Vous nous proposez un certain nombre d'orientations, monsieur le ministre, que nous ne pouvons qu'approuver. En revanche, nous divergeons très fortement sur les priorités et les modalités. Certaines de vos hypothèses de travail me semblent particulièrement optimistes – je pense notamment au prix du baril de pétrole. Je ne comprends pas pourquoi vous fondez vos hypothèses sur un baril à 125 dollars. Objectivement, je ne vois pas ce qui pourrait entraîner une baisse du prix du baril et je crains de n'être pas le seul à le penser. Il en va de même pour l'inflation : je doute que nous puissions la ramener à 2 %, ce qui est pourtant votre objectif.
Vous nous proposez de dynamiser la croissance. Comment ne pas être d'accord ? Le problème, c'est que vous n'arrêtez pas de la dynamiser !
Normalement, tous ces efforts devraient donner des résultats supérieurs à vos hypothèses de croissance !
Mme Lagarde affirme que tout ce que propose le Gouvernement fonctionne formidablement bien : la loi TEPA, la loi de modernisation économique, le crédit impôt-recherche…
…ce qui représente, globalement, 0,65 point de croissance. Mais si on ajoute cela à la croissance que l'on connaît aujourd'hui, nous devrions parvenir à un rythme très supérieur à ce que vous prévoyez !
J'avoue m'interroger sur les effets de votre politique. Je me permets de le répéter, il est tout à fait essentiel que nous disposions d'éléments d'évaluation sur les dispositifs que nous votons. Par exemple, qu'est-ce qui permet de dire que la LME va représenter 0,3 point de croissance ? Avons-nous évalué les conséquences des lois Jacob et Dutreil sur la croissance ? Nous avions pourtant là des éléments tangibles pour apprécier les résultats d'une politique. Je regrette que nous ne fassions pas suffisamment ce travail d'évaluation, mais je sais, monsieur le ministre, que c'est un regret partagé. Vous le reconnaissez, ce qui témoigne de votre souci de transparence et de votre sincérité.
Vous reconnaissez aussi qu'il subsiste quelques impasses. Il est difficile de dire que l'on maîtrise la dépense sans prévoir celle correspondant à la réforme du RSA ; difficile également d'émettre des hypothèses sur la sécurité sociale sans avoir évalué ce que coûtera la couverture du cinquième risque ; difficile enfin de suivre votre raisonnement, monsieur le ministre, quand on sait que le Président de la République a pris force engagements, dont celui d'un retour à l'équilibre en 2012. Mais les autres ? Qu'allez-vous faire, par exemple, concernant l'impôt forfaitaire annuel, que le Président de la République s'est engagé à supprimer ? Que va devenir la taxe professionnelle, qui a, elle aussi, fait l'objet d'un engagement du Président de la République ? D'ici à 2012, j'ai cru comprendre que nous pourrions obtenir la baisse de la TVA pour la restauration. Compte tenu de ces mesures et de celles prévues lors du Grenelle de l'environnement, comment comptez-vous, monsieur le ministre, respecter votre promesse d'un retour à l'équilibre d'ici là ?
Cela paraît difficile… Même en reprenant vos chiffres, soit 0,5 point de réduction du déficit à partir de 2009, le compte n'y sera pas en 2012, vous-même l'avez reconnu, tout en espérant une conjoncture plus favorable, ce que je souhaite également. Vous avouez que le résultat sera difficile à atteindre, même en suivant vos préconisations, et vous avez, en outre, fait l'impasse sur quelques réalités. Aussi, les priorités que vous annoncez ne peuvent que nous laisser sceptiques. Il conviendrait d'envisager la possibilité d'une autre politique économique, budgétaire et fiscale.
Bien que j'aie déjà évoqué ce sujet, j'insiste auprès de vous, monsieur le ministre, sur la nécessité de protéger les recettes fiscales. Au cours d'un voyage en Allemagne, Gilles Carrez et moi-même avons été impressionnés par la détermination de nos voisins à remettre en question les dépenses fiscales qu'ils considèrent comme des quasi-dépenses, porteuses au surplus d'incidences non maîtrisées et d'effets d'aubaine qui peuvent induire un gaspillage d'argent public, à l'opposé d'un objectif que nous partageons. Une fois de plus, monsieur le ministre, vous nous faites part de votre volonté de maîtriser l'évolution de la dépense fiscale, mais, compte tenu des annonces faites par ailleurs par le Président de la République et certains ministres, je ne vois pas comment vous pourrez concrètement y parvenir.
S'agissant de la sécurité sociale, votre proposition de financer le transfert de la dette sociale à la CADES par une recette provenant du FSV ne me paraît pas une bonne solution. Il s'agit d'une mesure purement conjoncturelle, qui risque en outre de remettre en cause le fonds de réserve des retraites qui aura besoin d'argent pour sauvegarder l'équilibre de notre régime de retraite par répartition.
En vous remerciant, madame la présidente, de votre compréhension, je terminerai par les collectivités territoriales. Il faut être attentif aux mots que l'on emploie. La Cour des comptes en a fait le constat, les collectivités territoriales ont une structure financière saine…
Lorsque l'on parle de l'endettement des collectivités territoriales, encore faut-il préciser qu'elles s'endettent pour financer leurs investissements…
…suivant une logique bien différente de celle de l'État qui, trop souvent, recourt à l'emprunt pour financer ses dépenses de fonctionnement. Malgré ce besoin croissant de financement, le poids de la dette des collectivités a plutôt diminué : il représente aujourd'hui 11,2 % de l'endettement total, contre 11,6 % il y a quelques années. Cela montre que les collectivités territoriales ne sont pas aussi irresponsables qu'on le dit, même si je reconnais que l'on peut y trouver des marges de progression – je pense notamment à une clarification indispensable des compétences.
Je ne vais pas allonger le débat, d'autant que M. le rapporteur général va intervenir dans quelques instants. Mon propos n'est ni optimiste ni pessimiste, il vise seulement à être réaliste, ce qui revient à exprimer un certain scepticisme sur notre capacité à respecter nos engagements de retour à l'équilibre en 2011 pour la sécurité sociale et en 2012 pour l'ensemble de nos comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, rarement un débat d'orientation budgétaire aura été aussi important que celui que nous ouvrons ce matin pour l'année 2009.
L'exercice 2008 avait été l'occasion d'une année de pause dans la réduction du déficit engagée depuis plusieurs années, afin de mettre en oeuvre des mesures permettant de relancer la croissance, l'emploi et le pouvoir d'achat. Ces mesures ont bien fonctionné. La preuve en est que les résultats pour l'année 2007 ont été plutôt bons, comparés à ceux de nos voisins européens, avec un taux de croissance de 2,2 % et la création de 300 000 emplois dans le secteur marchand. Le début de l'année 2008 a également été satisfaisant. Il faut y voir le résultat des dispositions que nous avons engagées dès le mois de juillet dernier avec le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Mais la conjoncture internationale étant très difficile, nous avons été conduits à réviser nos prévisions de croissance pour 2008 : de 2 % à 2,5 %, elles sont passées à une fourchette de 1,7 % à 2 %. Après la pause de 2008 dans la réduction du déficit, nous devons nous assurer que celui-ci, compte tenu de la conjoncture, ne se creuse davantage en 2009. Nous devons consentir un effort important pour rétablir nos comptes si nous voulons tenir l'objectif du retour à l'équilibre à l'horizon 2012.
Le contexte est extrêmement contraint. Je parlais à l'instant de la croissance ; citons également la flambée du prix des carburants depuis 2007, qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages, mais aussi sur le budget de l'État. Je vous mets en garde : si, au cours des premiers mois de 2008, nous avons enregistré une augmentation des recettes de TVA sur les produits pétroliers supérieure à la baisse des recettes de TIPP, cela ne va pas durer et, fin 2008, nous serons obligés de constater qu'il n'y a rien à redistribuer.
Autre problème que vous avez évoqué, monsieur le ministre, celui de l'inflation. Je partage votre analyse : l'inflation détériore les comptes de l'État. Reprenons quelques chiffres : en 2009, pour les seules dépenses indexées sur l'inflation – la dette et certaines prestations – ce sont 2,5 milliards à 3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires automatiques, qu'il faudra donc prévoir ; et, de juillet 2007 à juillet 2008, sur la seule partie de la dette indexée, c'est une augmentation du coût de la dette de 1,5 milliard d'euros qu'il nous faudra provisionner. Ces chiffres sont considérables.
Dans ces conditions, des risques importants pèsent sur les recettes. Le produit des recettes fiscales a stagné en 2007 pour la deuxième année consécutive. Il n'a pas augmenté en valeur courante. Ce recul s'explique notamment, vous l'avez rappelé, par l'ampleur des dépenses fiscales, qui est en partie imputable au dérapage du coût de certaines dépenses liées au développement durable.
Je nourris certaines inquiétudes à propos du produit des recettes pour 2008. Comme vous le savez, l'impôt sur les sociétés est désormais calé sur les résultats de l'année. Le secteur financier – banques et assurances – représente à lui seul 24 % du produit de l'impôt sur les sociétés. Or, selon les chiffres communiqués par la Commission bancaire, le système bancaire n'aura dégagé en 2007 que 27 milliards d'euros, contre 38 milliards l'année précédente. Nous risquons donc d'avoir une mauvaise surprise au moment du cinquième acompte d'impôt sur les sociétésen décembre 2008. Il semblerait que, sur l'ensemble des recettes fiscales, le manque à gagner soit de 3 à 5 milliards d'euros par rapport aux prévisions.
C'est là est un phénomène tout à fait nouveau, qui ne s'était pas produit depuis 2003. La réserve de précaution de 6 milliards, dont la moitié seulement est vraiment disponible en termes d'annulations, ne permettra, compte tenu de l'inflation, que des redéploiements au sein des dépenses pour tenir la norme fixée. Autrement dit, nous ne pourrons pas annuler de dépenses pour compenser une perte de recettes. Si nous devions enregistrer une moins-value de recettes fiscales, elle serait directement répercutée sur le déficit de l'année 2008.
Face à l'extrême fragilité de nos recettes fiscales, nous disposons de très peu d'éléments et cela m'ennuie fort, monsieur le ministre. Le rapport du Gouvernement ne fournit aucune donnée précise sur l'exécution des recettes 2008. Je n'ai pas pu obtenir le détail du coût des mesures fiscales votées dans la dernière loi de finances et dans le dernier collectif en décembre 2007. Enfin, il est paradoxal que ce rapport d'orientation budgétaire, qui devrait traiter des dépenses et des recettes, ne contienne aucun scénario d'évolution de la structure des prélèvements obligatoires pour les années à venir.
Je sais, monsieur le ministre, que vous vous souciez de cet état de fait. En prenant en charge les comptes de l'État, les comptes sociaux et la fonction publique, vous avez donné une grande cohérence à l'action du Gouvernement dans le domaine financier. Je souhaite pour ma part que vous puissiez également bénéficier d'une vision plus claire et participer aux décisions en matière de recettes. Car, mes chers collègues, un déficit n'est rien d'autre qu'un écart entre des dépenses et des recettes ! (Sourires et applaudissements sur divers bancs.) Je vous remercie, mes chers collègues, d'applaudir cette percée conceptuelle ! (Sourires.) On ne peut pas se contenter de traiter de la seule dépense.
La marge de manoeuvre autorisée par l'évolution des dépenses de l'État au rythme de l'inflation atteint, selon l'hypothèse retenue, de 5,5 à 7 milliards d'euros. Mais, comme l'a indiqué M. le ministre, à peine aura-t-on fait ce constat que cette somme sera immédiatement absorbée par le poids du passé, c'est-à-dire par la progression mécanique des intérêts de la dette – de 1,5 à 2,5 milliards, et 2,7 milliards dès 2009 –, par les charges de pensions – de 2 à 2,5 milliards, et 2,4 milliards en 2009 – et par les prélèvements sur recettes au bénéfice des collectivités territoriales et de l'Union européenne, qui devraient augmenter d'au moins 1,5 milliard d'euros chaque année entre 2009 et 2011 – et de 1,6 milliard en 2009. Autrement dit, pour la seule année 2009, ces trois postes absorberont la totalité des marges de manoeuvre. Il nous faudra donc faire des choix très difficiles pour les autres postes de dépenses.
Aujourd'hui, l'ensemble de la dépense publique – État, sécurité sociale et collectivités – atteint presque 1 000 milliards d'euros, soit 53 % du PIB. Elles auront augmenté en volume de 2,2 % ces dernières années, soit 40 milliards d'euros de plus tous les ans. Or il faudrait, le ministre l'a dit, qu'elle n'augmente pas de plus de 30 milliards par an. Nous devons donc gagner 10 milliards, autrement dit en réduire le rythme de moitié, afin qu'elle ne dépasse que d'un point celui de l'inflation. Tous les autres pays européens sont parvenus à ce résultat en maîtrisant leur dépense publique.
Nous devons donc nous montrer plus rigoureux, notamment à l'égard des opérateurs de l'État – sujet cher à Michel Bouvard.
En termes d'effectifs comme de dépenses, ils devront, dès le budget 2009, être logés à la même enseigne que l'État lui-même.
De même, le concours financier de l'État aux collectivités territoriales devra progresser au même rythme que celui de sa dépense, c'est-à-dire au rythme de l'inflation. Dans cette voie difficile, une première étape a été franchie en 2008, et une seconde devra l'être en 2009. Cela représente une augmentation de 2 % pour un concours s'élevant à 55 milliards, soit 1,1 milliard.
Mais ce qu'Éric Woerth n'a pas dit tout à l'heure, c'est qu'au même moment, l'État va prendre à sa charge entre 2 et 3 milliards de plus au titre des dégrèvements et exonérations de taxe professionnelle et de taxe d'habitation.
L'effort réel consenti en faveur des collectivités territoriales apparaît beaucoup plus important dès lors que l'on y inclut la prise en charge de la fiscalité locale.
Je suis totalement d'accord avec Jacques Pélissard : cette situation ne peut plus durer. Nous devons absolument rénover la fiscalité locale, …
…faute de quoi les dotations de l'État ne pourront être maintenues au niveau de l'inflation. Les deux vont de pair.
J'évoquerai rapidement le secteur social, suivi par notre collègue Yves Bur. Je souscris entièrement aux conclusions de son rapport, publié il y a quelques jours, sur les exonérations de cotisations sociales. Nous devons adopter une démarche cohérente et fournir, dans ce domaine, le même effort que celui que nous allons engager en matière de dépenses fiscales. Vous avez d'ailleurs confirmé, monsieur le ministre, que c'était bien votre intention.
Il est également nécessaire que la révision générale des politiques publiques, concentrée jusqu'à présent sur l'appareil productif de l'État, soit étendue aux dépenses d'intervention en matière de solidarité, de famille et de santé. L'essentiel des 330 mesures adoptées lors des trois réunions du conseil de modernisation visent à rendre opérationnel l'objectif de ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Mais si cet objectif permettra de stabiliser, en valeur courante, la masse salariale dans le budget de l'État – qui est aujourd'hui de l'ordre de 90 milliards d'euros –, il ne suffira en aucun cas à financer des dépenses nouvelles. Les économies dégagées ne permettront que d'autofinancer la masse salariale. Il faudra donc aller plus loin dans l'exercice de révision générale des prélèvements obligatoires et des politiques publiques. En effet, l'intervention publique, notamment en matière de prestations sociales, constitue la dépense de l'État la plus dynamique, avec un montant de 60 milliards d'euros. C'est pourquoi la mise en place du revenu de solidarité active, à partir de 2009, devra impérativement se faire par redéploiement. Nous n'avons pas le choix, faute d'une autre source de financement disponible.
Enfin, comme le président de la commission des finances, j'insiste sur la nécessité de sécuriser nos recettes. L'exercice de révision générale des prélèvements obligatoires ne doit avoir que ce seul objectif. Un exemple : en raison de la prolifération des « niches », l'augmentation annuelle des dépenses fiscales représente presque 5 milliards d'euros, soit la quasi-totalité de nos marges de manoeuvre. Il faut absolument stopper cette évolution. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir confirmé la mise en place d'un objectif de dépenses fiscales fondé sur une programmation pluriannuelle.
Je tiens également à saluer la décision de présenter, dès cet automne, une loi de programmation de nos finances publiques. Nous la réclamons depuis plusieurs années, et Éric Woerth nous a beaucoup aidés afin que cette obligation soit inscrite dans la Constitution à l'occasion de la révision constitutionnelle.
C'est en effet le seul moyen de baliser le chemin du retour à l'équilibre. En effet, comme l'a dit le ministre, c'est bien d'annoncer l'équilibre pour 2012, mais c'est encore mieux d'indiquer comment on va s'y prendre, année après année, pour atteindre cet objectif.
Mes chers collègues, nous sommes à un tournant. Tous les pays européens, ou presque, ont engagé le redressement de leurs finances publiques. Ainsi, l'Allemagne, dont la situation entre 2000 et 2004 était encore plus difficile que la nôtre, est parvenue en 2007 à rééquilibrer ses comptes publics. Certes, elle va s'accorder un déficit du budget fédéral en 2008, mais celui-ci se limitera à un peu plus de 10 milliards d'euros, et restera constant en 2009. On voit donc le chemin qu'il nous reste à parcourir.
Lors des nombreux contacts que nous avons eus avec nos homologues étrangers, tous nous l'ont dit : c'est justement parce que la situation économique est difficile que nous devons nous astreindre à rééquilibrer nos comptes.
La France ne doit pas rester le seul pays européen dont le déficit frôle les 3 % du PIB. À un niveau aussi élevé, le déficit ne fait qu'entretenir l'inquiétude chez nos compatriotes, qui se demandent de quoi demain sera fait. Il suffit, pour s'en convaincre, de songer au succès extraordinaire et inattendu des départs en retraite anticipée après une carrière longue.
Je sais, monsieur le ministre, que votre volonté est vraiment de revenir à l'équilibre en 2012, avec le soutien du Premier ministre. Sachez que nous sommes solidaires de votre action et que vous pouvez compter sur notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'environnement économique s'est singulièrement dégradé en un an : la double crise de l'énergie et du secteur financier assombrit l'horizon de la croissance mondiale. Ce contexte nouveau, imprévisible il y a quelques mois encore, n'épargnera pas notre pays, et rend donc encore plus nécessaire les réformes courageuses que le Gouvernement a engagées à marche forcée.
En effet, depuis trop longtemps, une sorte de consensus mou a entretenu l'illusion que, face aux mutations imposées par la globalisation économique et aux difficultés en tous genres auxquelles étaient confrontées telles ou telles catégories sociales, il suffisait d'imaginer de nouveaux dispositifs, sociaux ou fiscaux, pour préserver l'égalité des chances – ou plutôt l'illusion égalitaire. Au nom du service public, il fallait retarder encore et toujours les réformes incontournables que d'autres ont su affronter avant nous.
Alors qu'une crise majeure menace l'économie mondiale, le temps du réalisme est enfin arrivé, celui de la prise de conscience que la fuite en avant et la politique de l'autruche ne peuvent plus servir de réponse à la crise d'avenir à laquelle est confrontée la société française.
Ce débat d'orientation des finances publiques nous donne l'occasion de regarder cette réalité en face, si exigeante soit-elle, mais aussi de tracer un chemin nouveau et de mieux préparer l'avenir. Nous devons en finir avec les politiques menées depuis plus de vingt ans, au nom de bons sentiments certes, mais sans résultats probants, sinon une montagne de dettes et des déficits persistants, qui font de notre pays une exception en Europe.
Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – et il faut saluer votre parler vrai comme votre volontarisme qui, pour être tranquille, n'en est que plus déterminé : la situation est critique, en raison d'une pression de la dette devenue douloureuse et d'une contrainte démographique qui impose aux finances sociales son implacable équation.
Le déficit du régime général, estimé fin 2008 à 8,9 milliards d'euros, demeure stable mais préoccupant, car il illustre l'impact grandissant du vieillissement sur les finances de la sécurité sociale – impact d'autant plus durable et fort que nous avons été incapables de nous y préparer.
À défaut de recettes nouvelles, et en reprenant les soldes des branches vieillesse et maladie figurant à l'annexe B de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, le déficit cumulé des branches maladie et vieillesse passerait ainsi de 9,7 milliards d'euros en 2008 à 40 milliards d'euros fin 2011 et 49,4 milliards d'euros en 2012, sans oublier celui du FFIPSA, qui pourrait en l'état actuel, atteindre les 20 milliards d'euros en 2012.
Ce résultat repose pourtant sur des postulats de croissance du PIB et de l'ONDAM particulièrement optimistes. La dette accumulée – non seulement celle déjà reprise par la CADES au titre des exercices antérieurs à 2006 mais aussi celle, postérieure, qui lui sera transférée, ainsi que le Gouvernement l'a annoncé – ne sera remboursée qu'en 2021. Il est donc urgent d'agir tant sur les recettes que sur les dépenses pour cesser de faire porter aux générations futures les dépenses courantes que nous refusons d'assumer depuis trop longtemps.
Pour y parvenir, je ferai quelques propositions qui me semblent concordantes avec les efforts de rigueur que vous proposez.
La première serait d'instaurer un moratoire pour toute création de nouvelles exonérations ou de nouvelles niches sociales jusqu'à la fin de la législature. Il ne se passe pas de mois sans que de nouvelles propositions d'exonération ne soient annoncées à tous les niveaux du pouvoir exécutif. Or toute mesure de ce type devrait être financée par une économie à due concurrence. En outre, comment les Français peuvent-ils accepter de financer 850 millions d'économies via les franchises médicales, ou l'hôpital public le refus d'une dotation complémentaire de 800 millions, alors que le Gouvernement, dans le même temps, s'apprête à concéder une baisse de la TVA, dont le coût atteindra deux ou trois milliards d'euros, au bénéfice de la restauration – secteur bénéficiant déjà de nombreux dispositifs spécifiques qui mériteraient d'être évalués plus précisément ?
Un tel moratoire, applicable à tous les acteurs économiques, permettrait de mieux faire accepter les réformes, surtout les plus exigeantes : au risque de mécontenter, il ne faut tenir que les promesses que l'on est capable de financer.
La seconde proposition serait d'engager sans tarder une évaluation approfondie pour chacune des exonérations ciblées, dont la mission sur les exonérations de cotisations sociales – dont j'ai été le rapporteur – a révélé qu'elles sont inefficaces en termes de création d'emploi, malgré leur coût de 7 milliards d'euros. Il convient de les réexaminer sur la base d'un cahier de charges exigeant, car ce qui ne se mesure pas ne peut pas s'améliorer. J'ai relevé l'intérêt que vous portiez à la boîte à outils que j'ai constituée concernant l'évolution des exonérations de cotisations sociales ou des niches sociales. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir pendant l'examen du budget.
La troisième proposition concerne l'évolution de l'ONDAM. Afin de mettre fin à l'idée que les dépassements de l'objectif de dépenses en cours d'année comptent pour du beurre puisque l'on « rebase » en fin d'année, je suggère d'abaisser le seuil de déclenchement du comité d'alerte de 0, 75 % du montant des dépenses, soit environ 1,1 milliard d'euros en 2008.
Il faut de plus se donner les moyens de déceler plus rapidement les écarts par rapport aux objectifs afin que de prendre des mesures correctrices, dont l'impact soit assez rapide et suffisamment significatif pour ramener la dépense au niveau de l'objectif voté, comme le conseille la Cour des comptes.
Quatrièmement, il faut clairement rappeler à l'hôpital public qu'il est nécessaire de rétablir des budgets en équilibre. Ils n'ont que trop tardé, avec la bienveillance des responsables politiques successifs, pour traduire dans les faits les exigences structurantes de la T2A. Malgré tous les abondements annuels, l'hôpital public a perdu des parts de marché, parmi les plus lucratives, au profit du privé. Cette situation ne serait pas inéluctable si les réorganisations nécessaires étaient conduites avec davantage de détermination. Je ne nie pas que les 800 millions d'euros de déficit annoncés représentent le redéploiement de 20 000 postes, mais je veux aussi rappeler à chacun que la T2A a été introduite en 2003 et que 7 000 postes supplémentaires ont été créés en 2006 alors que le nombre de postes hospitaliers dépassait les 914 000 !
En outre, comme le souligne le directeur de l'UNCAM dans ses propositions pour 2009, les écarts de prix acquittés par l'assurance maladie pour des séjours comparables sont encore très élevés au sein du secteur privé comme du secteur public ou anciennement sous dotation globale.
À travers ces quelques observations, nous mesurons l'ampleur des défis qui nous attendent pour atteindre enfin cet objectif d'équilibre des finances publiques en clarifiant encore les relations financières, notamment entre l'État et la sécurité sociale, mais nous connaissons votre détermination pour obtenir une juste budgétisation des dépenses de l'État compensant les dispositifs gérés par la sécurité sociale.
Le défi financier ne concerne pas seulement l'assurance maladie, mais aussi la branche vieillesse qui devra mobiliser des ressources considérables : près de 40 milliards d'euros à l'horizon 2011. L'emploi des seniors en est une des clés, dont l'objectif reste pourtant incertain tant notre économie a pris de mauvaises habitudes en écartant les salariés les plus âgés, avec la bienveillance de l'ensemble des responsables politiques.
Nous devrons veiller à une répartition des ressources adaptée aux besoins de chaque branche, en préservant d'abord celles dédiées à la sphère sociale – il est en de même, je crois, pour le budget de l'État – et en exigeant des transferts de ressources entre chômage et retraite tout comme de la branche famille – dont l'excédent ira grandissant – pour financer les dépenses liées à des avantages familiaux en matière de retraite.
Enfin, nous avons pris bonne note de votre intention d'apurer les dettes accumulées par les branches déficitaires et le FFIPSA, en les transférant à la CADES qui, je le rappelle, devra être assurée, en contrepartie, de recettes pérennes et stables afin de conserver sa bonne signature et donc d'obtenir les meilleures conditions sur le marché financier, le retour rapide du FSV à une situation excédentaire à plus d'un milliard d'euros devant constituer le coeur dispositif.
La tâche qui nous attend est considérable, autant que notre responsabilité devant les générations futures. Cela exige de la volonté, du courage et de la constance dans l'ardeur réformatrice, autant de qualités que nous vous reconnaissons et qui vous seront nécessaires, monsieur le ministre, pour tenir le cap exigeant, mais salutaire, de la réforme.
Il y a un an, l'Académie des sciences morales et politiques publiait un livre, dont le titre était un cri d'alarme : La France prépare mal l'avenir de sa jeunesse. Je souhaite que nous puissions redonner une dynamique positive à nos finances publiques, basée sur l'effort, la cohérence et l'équité sociale pour que les Français puissent à nouveau se projeter dans l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir respecté votre temps de parole.
La parole est à M. le ministre.
Je vous remercie, madame la présidente, de me redonner la parole pour un bref commentaire après les interventions de M. le président de la commission des finances, de M. le rapporteur général et de M. le rapporteur des affaires culturelles, familiales et sociales. Les sujets s'entrecroisant, mes réponses seront parfois groupées.
Vous avez dressé, monsieur le président de la commission, un tableau de la situation de nos finances publiques et de son origine. Je n'ai jamais, quant à moi, caché la réalité de la situation.
Cela aurait été d'ailleurs complètement ridicule. Vous l'avez souligné : le diagnostic est assez clair. Sans chercher à en attribuer la responsabilité aux uns plutôt qu'aux autres, je constate simplement que nous n'avons pas suffisamment mis à profit les années de croissance extrêmement forte pour réduire les déficits et réformer les structures. Il est plus facile de réparer le bateau lorsque le temps est beau, chaud et que la mer est calme que lorsque les événements sont déchaînés, à plus forte raison si l'on décide de sortir du port ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes confrontés à une telle situation, véritable enjeu pour les responsables politiques. Nous avons donc décidé de relever ce défi. Ce qui compte, c'est de s'attaquer au mal en maîtrisant évidemment la dépense ; on en a beaucoup parlé, je n'y reviendrai donc pas. Mais, comme vous et comme l'a précisé Gilles Carrez, le budget pluriannuel est un instrument que l'on ne doit pas sous-évaluer. Vous ne vous rendez pas compte à quel point cela a été globalement difficile à faire accepter aux ministres, que je peux comprendre. Des réformes sont en effet en cours. Ils n'ont pas envie d'afficher immédiatement leurs résultats financiers. Il leur est donc plus pratique de parler des actions pour 2010 et 2011 et de faire preuve, dans un premier temps, de modération et de discrétion. Nous avons voulu, pour ce qui nous concerne, faire jouer cette transparence grâce à un budget pluriannuel, outil de pilotage très précis et contraignant, amené à intégrer de nombreuses futures réformes et leurs résultats. Il s'améliorera certainement dans le temps, ce qui est essentiel.
S'agissant des recettes, ce moment de l'année est particulier. Dans la tradition de la construction budgétaire du pays, on s'attaque d'abord au volet des dépenses, puis on affine au fur et à mesure celui des recettes. Nous devrons aussi évoluer sur ce point. La pression des parlementaires en la matière est significative – c'est en tout cas ainsi que je le ressens. Nous devons être à peu près au même niveau de préparation sur les deux éléments constitutifs d'un budget que sont les recettes et les dépenses, comme l'a rappelé le rapporteur général. Nous allons donc évidemment nous y employer et j'espère que, l'année prochaine, nous serons plus avancés sur la partie recettes, que nous sommes en train d'affiner. Des arbitrages auront lieu pendant l'été et jusqu'au début du mois de septembre ; ils feront ensuite débat au Parlement, puisque la partie recettes fait traditionnellement l'objet de nombreux amendements.
Préserver la ressource fiscale est, c'est évident, un impératif, Gilles Carrez tout comme Didier Migaud s'en sont longuement expliqués. D'autres pays ont redressé leurs finances publiques en préservant toujours la recette fiscale. C'est pourquoi le travail à opérer sur les niches, qui sont incitatives, donc essentielles, est très important. Nous utilisons l'outil fiscal – nous le verrons dans le domaine de l'environnement – mais la préservation de la recette fiscale est excessivement importante. J'en serai évidemment le gardien. Les avancées sont nombreuses dans le domaine de la croissance. Je sais que nous ne portons pas le même regard, mais le mien, comme celui de l'ensemble du Gouvernement, est positif. Un gain de croissance de 0,65 % obtenu petit à petit n'est pas négligeable ; et ce n'est pas parce qu'on annonce un taux de croissance prudent que l'on ne prend pas en compte les mesures déjà prises – ou que l'on n'y croit pas. Nous devons faire preuve de prudence, à plus forte raison lorsque l'on trace pour trois ans une trajectoire des finances publiques ; loin d'être une contradiction, cela marque notre souci de lucidité et de réalisme.
Comme je l'ai clairement indiqué, le revenu de solidarité active ne figure pas aujourd'hui, et c'est normal, dans le budget. En effet, le Gouvernement n'en a pas précisé les modalités, le Parlement ne s'est pas exprimé et la loi n'a pas été votée. Nous en sommes pour l'instant à un arbitrage politique. Lorsque les modalités précises d'exécution auront été arrêtées, nous intégrerons évidemment le RSA au budget, en dépenses mais aussi en recettes, ne serait-ce que par principe.
J'ai donné mon sentiment sur les niches fiscales. Je crois beaucoup à l'objectif national de dépenses fiscales et sociales, cher Yves Bur. Nous devons nous doter d'un véritable outil de pilotage. Le Parlement, au fur et à mesure du temps et dans un dialogue avec le gouvernement, s'est doté d'outils de meilleur pilotage qui apportent beaucoup et permettent de modérer, voire d'éviter les « points de fuite », comme disent les spécialistes budgétaires.
La dette sociale pèse lourd. Yves Bur et Didier Migaud s'en sont souciés, comme tout le monde évidemment. C'est un élément marquant de nos finances publiques. Je propose qu'on la rembourse par l'intermédiaire du fonds de solidarité vieillesse. Plusieurs possibilités s'ouvraient à nous, que l'on a écartées. Nous avons ainsi considéré, en accord avec les partenaires sociaux, que le fonds de réserve pour les retraites n'était pas une bonne piste ; et augmenter la CSG et la CRDS serait très contradictoire avec le discours de la majorité sur le pouvoir d'achat. Or cette dette existe alors que l'on enregistre des excédents d'un autre côté. Ce solde positif du fonds de solidarité vieillesse, dû à la bonne tenue de l'emploi, permettra d'apporter un financement supplémentaire à la CADES, de lui transférer la dette, aujourd'hui logée à l'ACOSS, et du coup de réduire les frais financiers – près de 1,5 milliard – qui pèsent sur le régime général, ainsi que Yves Bur l'a expliqué. Ce sujet est donc extrêmement important : il serait assez paradoxal d'affecter les excédents du FSV au financement du fonds de réserve pour les retraites. Financer le FRR est une chose, mais financer un surplus de financement alors que l'on connaît, par ailleurs, d'importants déficits et une incapacité à financer la dette existante, serait en soi quelque peu bizarre. C'est pourquoi nous nous y refusons : le fonds de réserve pour les retraites sera préservé et la dette sera remboursée avec des excédents de financement du FSV. Quant aux taux de CSG et CRDS, ils seront précisés cet été.
S'agissant des collectivités locales, je me refuse à stigmatiser qui que ce soit. Je ne comprends pas très bien ce débat « collectivités-État ». Je le répète : c'est le même contribuable, le même assuré social, ce sont les mêmes déficits qui pèsent sur les mêmes enfants dans les mêmes conditions. Je suis maire comme la plupart d'entre vous, je mesure la difficulté de l'exercice. Mais on ne vit pas dans un îlot, qui serait celui des collectivités locales, au milieu d'une sorte d'océan, qui serait celui des finances publiques. La marge d'autofinancement des collectivités locales permet ou non de limiter le besoin de financement, c'est-à-dire l'appel à l'emprunt. Nous devrons dans le temps réguler le rapport entre l'État et les collectivités territoriales. Les conditions financières et économiques ne sont plus du tout les mêmes qu'à une certaine époque. La frontière entre l'État et les collectivités est devenue immense, elle fait des centaines de kilomètres de long, c'est une façade maritime considérable ! Elle est de plus de 55 milliards, sans compter les impôts affectés ! On doit pouvoir y instaurer des règles de fonctionnement et de financement. Nous avons au moins le courage de les annoncer longtemps à l'avance et d'en discuter. Nous ne le faisons pas au détour d'un amendement. Le Premier ministre et moi l'assumons. Nous pouvons avoir un débat responsable qui ne mette pas en péril le financement des collectivités locales. On ne peut pas prétendre vouloir réduire la dépense et mettre totalement de côté 55 milliards d'euros de dépenses, et ce quelle que soit la façon dont cela joue sur le solde ! Il faut instaurer une nouvelle manière de discuter sans chercher à diaboliser qui que ce soit. Les collectivités comme l'État jouent un rôle majeur dans le développement du pays.
J'ai noté votre inquiétude sur les recettes, monsieur Carrez. Qui pourrait penser le contraire ? Il est vrai qu'elles sont plutôt en diminution par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. La crise passe par là. Pour l'impôt sur les sociétés, contrairement à ce qui s'est passé pendant des années, nous n'aurons probablement pas de bonnes nouvelles. Quant à l'impôt sur le revenu, l'année dernière aussi, il avait été inférieur à la prévision. Cela dit, dans un monde assez chahuté, la consommation s'est plutôt bien portée en France au premier et au deuxième trimestres. J'imagine que le fait d'avoir limité le poids des prélèvements a joué ; nous aurons évidemment à l'évaluer à un moment donné.
Pour la recette pétrolière, il faut regarder les choses telles qu'elles sont. Dès que nous aurons les chiffres de la TVA et de la TIPP, d'ici à la fin du mois de juillet, nous les publierons. Sur ce point comme sur le reste, nous respecterons les engagements pris par le Président de la République.
Monsieur Bur, on aurait tort de s'interdire totalement les dépenses fiscales ou sociales. Le problème, c'est leur accumulation : on monte un escalier marche par marche, et l'on réalise soudain qu'on est bien haut. Il faut regarder dépense par dépense, en vérifier à chaque fois la justification et en mesurer l'efficacité. Mais cela ne veut pas dire qu'un gouvernement doive systématiquement s'interdire de prendre une mesure de dépense fiscale ou sociale qui lui paraîtrait particulièrement utile. Il faut garder une forme de liberté mais, en même temps, piloter, évaluer et pouvoir prendre une décision pour une durée déterminée. C'est tout cela que nous devons mettre en oeuvre sur le plan fiscal comme sur le plan social.
La révision des exonérations de charges ciblées est une question très difficile. Souvenez-vous du débat que nous avons eu l'année dernière, dans cet hémicycle, sur les zones de revitalisation rurale : il est facile de prêcher en général ; cela devient beaucoup plus compliqué quand il s'agit d'aller dans le détail, de voir pour chaque circonscription, chaque zone de revitalisation rurale dans une circonscription, chaque maison de retraite dans chaque zone de revitalisation rurale, chaque directeur de maison de retraite et chaque emploi créé par le directeur de la maison de retraite... Nous sommes tous d'accord pour diminuer la dépense fiscale ou sociale quand nous regardons les choses à 20 000 mètres d'altitude ; face à chaque bénéficiaire, les yeux dans les yeux, c'est une autre affaire !
Un tel débat ne réussira que si nous nous fixons des objectifs d'intérêt général. La France doit revenir à l'équilibre des finances publiques et retrouver des marges de manoeuvre. Ce n'est pas un objectif comptable, c'est un objectif profondément politique. C'est après que nous pourrons faire un certain nombre de « sacrifices » au niveau de la dépense.
À propos de l'ONDAM, je trouve un peu bizarre le système du seuil d'alerte. Le Parlement vote un objectif. Pourquoi ne s'occuper d'un éventuel dépassement qu'au-delà d'un certain seuil ? C'est dès le premier euro de dépassement qu'il faudrait réagir ! Nous assumons politiquement l'ONDAM. On peut le fixer plus haut ou plus bas, cela relève des propositions et de la discussion, mais instaurer cette sorte de no man's land de la dépense sociale, qui va jusqu'au seuil d'alerte, me paraît pour le moins curieux ; c'est en tout cas une vision que je ne partage pas. On doit pouvoir voter un ONDAM réaliste, assumer les dépenses de santé, mettre en face les recettes, mettre en place un système de régulation et, dès le premier euro de dépassement, déclencher les procédures propres à rectifier la situation, grâce notamment aux fameux « stabilisateurs automatiques » que nous devons développer. Il ne faut pas mettre de politique là-dedans ; il faut, au contraire des stabilisateurs qui permettent de garantir tout à la fois la justice dans la répartition des charges entre les différents acteurs du système de santé, et l'efficacité du dispositif. Plus un système produit de déficits et moins il est durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je formulerai six observations et trois propositions.
Première observation, tout le monde l'a déjà dit : le contexte économique mondial n'est guère favorable. Nous avons connu il y a un peu moins d'un an une crise du crédit interbancaire ; voilà qu'elle se double d'une crise bancaire. De nombreux établissements de crédit, aux États-Unis notamment, sont en situation délicate. En France, plusieurs directions de groupes bancaires sont déstabilisées. Les conditions d'octroi du crédit vont donc se tendre davantage, ce qui aura un effet direct sur la croissance. À cela vient s'ajouter l'évolution du prix des matières premières, qui a une conséquence directe sur l'inflation. Même si l'on observe une amélioration sur certains marchés, il n'en est pas de même pour le pétrole, pour l'énergie d'une façon générale. Cela aura aussi un impact direct sur la croissance. Bref, les conditions dans lesquelles nous entamons la préparation de la loi de finances pour 2009 ne sont guère favorables au niveau mondial.
Deuxième observation, le budget pour 2009 devra très largement tenir compte des dépenses d'hier et des tensions d'aujourd'hui, qui minent les marges de manoeuvre. Ainsi les pensions représentaient 21 % de l'augmentation des dépenses de l'État entre 2003 et 2007 ; elles en représentent aujourd'hui 39 %. Il faut s'attendre à avoir à honorer chaque année, entre 2008 et 2011, 2,5 milliards d'euros supplémentaires. Autre exemple, la dette : sur la période 2003-2007, 6 % de l'augmentation des dépenses de l'État étaient consacrés à la dette, 32 % aujourd'hui, soit 2 milliards d'euros chaque année en moyenne. Soit la totalité du budget de la culture ou la moitié du budget du Quai d'Orsay ! À eux seuls, ces deux postes – les pensions et la dette – absorbent 71 % de l'augmentation des dépenses de l'État – autrement dit 71 % de nos marges de manoeuvre.
Troisième observation, l'État est comptable des promesses d'hier, comme la baisse de la TVA sur la restauration, serpent de mer de la dépense fiscale. La promesse de passer de 19,6 à 5,5 % a été faite en 2002. Elle devrait être honorée au plus tôt en 2009 ou en 2010. Cela représenterait une perte de recettes fiscales de TVA comprise entre 2 et 2,7 milliards d'euros. Or l'économie mondiale n'est pas un long fleuve tranquille, et les ressources budgétaires pas davantage. Je crois qu'il faut admettre, monsieur le ministre, que l'État n'a peut-être plus les moyens de faire un tel geste.
Je propose une solution alternative : je comprends très bien les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur la restauration sur place, et je vous suggère de créer, comme l'Europe nous y autorise, un troisième taux de TVA intermédiaire entre 5,5 et 19,6, qui serait de 12,5 %. Afin de tenir cette promesse de réduire la TVA sur la restauration, je propose d'augmenter en contrepartie la TVA qui pèse sur la vente à emporter, qui est aujourd'hui à 5,5 %, ce qui ferait un taux unique de 12,5 % pour tout le monde. La croissance des recettes sur la vente à emporter compenserait la réduction de la TVA sur la restauration sur place. Nous pourrions ainsi honorer un engagement pour l'heure difficilement tenable.
Quatrième observation, l'État ne peut être le seul à s'imposer des efforts, toutes choses égales par ailleurs. Ainsi, l'engagement mécanique de croissance des dépenses sur l'inflation doit être revu. Il n'est pas normal que l'État soit le seul à assumer la responsabilité d'une conjoncture dont il n'est pas le décisionnaire. Il est temps de tenir un discours adulte sur les ressources attribuées aux collectivités territoriales. Elles ne doivent plus être indexées, elles doivent faire l'objet d'un débat.
Cinquième observation, la priorité incontournable doit rester la réduction du déficit, Gilles Carrez l'a dit tout à l'heure : la pause décidée en 2008 doit prendre fin en 2009. Au-delà de la croissance zéro volume, la révision générale des politiques publiques doit s'amplifier. La diminution des effectifs dans la fonction publique doit se poursuivre et s'intensifier, et doit bénéficier en totalité à la réduction du coût de l'État.
En 2008, vous l'avez dit, les baisses d'effectifs ont permis de faire diminuer le budget de l'État de 454 millions d'euros, mais la moitié seulement de cette somme, soit 227 millions d'euros, a été consacrée à la réduction du déficit, l'autre moitié a servi à revaloriser les traitements des fonctionnaires. En 2009, cela devrait représenter environ 1 milliard d'euros, dont 500 millions seulement iront à la réduction du déficit. Monsieur le ministre, au-delà de la promesse présidentielle, qui a été tenue, les conditions économiques et budgétaires particulières nous imposent d'accomplir un effort pour réduire le déficit. Il faudrait peut-être revoir ce principe de parité entre la réduction du déficit et la revalorisation des traitements des fonctionnaires.
Sixième observation, on ne peut conduire un travail complet sur les dépenses sans l'accompagner par un travail tout aussi complet sur les recettes. Lorsque le Canada a entrepris en 1992 une vaste opération de réduction du déficit budgétaire, qui s'est traduite par une réduction de 20 % des dépenses de l'État fédéral, il a mené en même temps un travail sur les recettes, qui s'est traduit par une croissance de 6 % de ses recettes nettes. Nous pourrions suivre cet exemple en engageant un débat approfondi sur les dépenses fiscales.
La sagesse, monsieur le ministre, serait d'ouvrir lors de la discussion du projet de loi de finances un débat, qui promet d'être long, certes, mais qui sera forcément utile et productif, sur chacune des 486 dépenses fiscales – certaines d'entre elles, à croire le rapport de Gilles Carrez, sont d'ailleurs difficiles, voire impossibles à évaluer.
Pour revenir à cet enjeu essentiel qu'est l'augmentation des recettes fiscales, je voudrais également vous alerter, monsieur le ministre, sur l'importance de sécuriser les recettes de TVA. Nous avons déjà eu l'occasion, notamment en commission des finances, de parler de la fraude appelée « carrousel de TVA », qui nous préoccupe tous. Elle démontre la nécessité de mettre en oeuvre toutes les solutions pour sécuriser nos recettes, non seulement à l'intérieur de nos frontières, mais aussi en Europe, en posant le principe d'une TVA intracommunautaire, dont l'absence est peut-être l'une des raisons de la moindre rentrée de recettes de TVA au début de l'année 2007 au regard de vos estimations.
Après ces six observations rapides, je vais formuler trois propositions…
Soyez rapide dans vos propositions, mon cher collègue, car il ne vous reste que quelques secondes.
Je vais être rapide, madame la présidente, dans les quinze secondes qui me restent.
Ces trois propositions, monsieur le ministre, engagent finalement aussi l'Assemblée.
Il n'y aura pas de grand soir de la justice fiscale en 2009, parce que la tendance n'est pas à celle-ci. Ainsi, même si j'aimerais qu'on réfléchisse à l'exclusion de la résidence principale de l'assiette de l'ISF, je pense, comme tout parlementaire responsable, que ce n'est pas le moment de voter une dépense fiscale supplémentaire, mais bien au contraire de réduire le nombre des dépenses fiscales existantes.
Ma deuxième proposition rejoint la première. Il faut, monsieur le ministre, que sous l'égide la commission des finances, nous revoyons chacune des 486 dépenses fiscales, afin que l'année 2009 soit celle de la réduction significative de leur nombre. Il s'agira de supprimer toutes celles qui n'ont plus lieu d'être, qui sont, j'en suis certain, nombreuses, même si je sais qu'il y a un chien devant chaque niche fiscale, qui aboie dès qu'on touche à sa niche !
Troisièmement, il faut accroître les recettes en aidant le citoyen à mieux payer l'impôt, à travers notamment la TVA, ou en revoyant certaines exonérations, en particulier de charges sociales. Je proposerai ainsi une réduction mécanique des charges sociales sur le SMIC par deux moyens. Premièrement, il faudrait réduire le plafond de 1,6 à 1,5 SMIC, mécanisme très bien exposé par Yves Bur. Le delta, significatif pour le budget de l'État, sera totalement indolore du point de vue de l'embauche. Deuxièmement, je propose que ces exonérations ne commencent à s'appliquer qu'à 1,1 SMIC, au lieu de 1 SMIC. Cela sera bénéfique pour le pouvoir d'achat, puisque l'employeur sera ainsi incité à verser 1,1 SMIC aux salariés, mais aussi pour le budget de l'État, puisqu'ainsi beaucoup moins d'argent sera dépensé au titre des exonérations de charges sociales.
Le groupe UMP observe, monsieur le ministre, que, dans la période extrêmement difficile que nous traversons, vous gardez le cap…
Pour reprendre la métaphore maritime que vous avez employée tout à l'heure, je voudrais vous dire que la capacité de garder le cap dans une mer agitée faite toute la valeur du capitaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais, par ces quelques mots, contribuer à un débat auquel on ne donne pas toute l'importance qu'il mérite, surtout dans la période actuelle.
Alors que l'Europe, et donc la France, s'enfonce progressivement dans une crise dont chaque jour apporte une nouvelle preuve, l'orchestre gouvernemental continue à jouer la même musique.
Ce ne sont pas les membres de l'orchestre qui sont en cause, et surtout pas son premier violon budgétaire, dont on connaît le sérieux.
Mais le Gouvernement ne change pas son discours, quand tout change autour de lui.
Alors qu'il s'agit aujourd'hui de s'interroger sur les hypothèses sur lesquelles construire le budget pour 2009, vous fermez à demi les yeux sur la situation actuelle. Alors que le gros de la crise est encore devant elle, la France y entre en mauvaise santé.
Sa santé est mauvaise, d'abord sur le plan financier et budgétaire. Il suffit pour s'en convaincre de se reporter au rapport de la Cour des comptes, que nous avons tous entre les mains, monsieur le ministre. Elle y fait le point, de manière définitive et indiscutable, sur ce mal français dont la très grande majorité des pays européens est exempte : des déficits publics et une dette en augmentation ; une dépense publique qui n'est toujours pas maîtrisée, contrairement aux affirmations des uns et des autres ; comble du comble, des prélèvements obligatoires plus élevés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient en 2002, en dépit des baisses d'impôts que vous avez mises en oeuvre – celles-ci ont en effet été compensées par une hausse des prélèvements obligatoires, mais il est vrai que ce ne sont pas les mêmes qui ont bénéficié des baisses et supporté les hausses. Il s'agit, comme la Cour des comptes le démontre excellemment, d'une situation unique en Europe, et M. le président de la commission a rappelé la place de la France dans ces classements : en bas en termes de déficits, en haut en termes de dette.
La situation économique de la France n'est pas meilleure. La crise du pouvoir d'achat y est manifeste, tout autant que la crise de confiance des ménages,...
..que révèlent aussi bien les outils statistiques que les simples conversations que nous pouvons avoir, que nous soyons de droite ou de gauche, avec nos concitoyens : eux nous disent la vérité de la situation telle qu'ils la ressentent.
Mais ce ne sont pas seulement le pouvoir d'achat et la confiance des ménages qui se dégradent, c'est la compétitivité de notre économie qui est frappée en profondeur. Je crois que personne aujourd'hui n'a cité le chiffre de notre déficit commercial, ce juge de paix de la compétitivité d'une économie : il ne cesse d'augmenter, non d'année en année, mais de mois en mois.
Avec une économie profondément dégradée et un pouvoir d'achat en berne, la France aborde donc la crise alors que sa santé est très mauvaise.
Or cette crise internationale ne fait que commencer, comme vous avez eu le courage et l'honnêteté de le reconnaître, monsieur Chartier. La crise financière qui frappe les États-Unis, si elle est largement entamée, n'est pas terminée, et ses effets commencent seulement à se faire sentir en France, y menaçant la stabilité des grandes institutions financières, dont certaines sont aujourd'hui dans la tourmente, ou resserrant le crédit octroyé aux acteurs économiques, ménages ou entreprises.
Cette crise s'aggrave d'une crise monétaire, crise rampante, sourde, beaucoup moins spectaculaire que les autres, mais qui a des effets en termes de disparité des évaluations des différentes monnaies dans le monde et en termes de taux d'intérêt s'agissant de l'Europe.
À cela s'ajoute une crise massive des matières premières, qu'il s'agisse de l'énergie, son élément le plus spectaculaire, de l'alimentation ou du bâtiment.
Nous aboutissons donc à cette situation de devoir affronter une crise internationale qui est en grande partie encore devant nous, avec une inflation forte et une croissance en baisse. Cette situation, inconnue depuis très longtemps, rend encore plus difficile la prise de mesures propres à amoindrir, voire à contrecarrer la crise.
Si, du fait de cette mauvaise santé, la France est impuissante au moment où elle doit affronter cette crise internationale, elle le doit en grande partie aux décisions que vous avez prises l'année dernière. Vous avez dilapidé une grande partie des marges budgétaires qui auraient pu être utilisées autrement. Vous rappeliez à juste titre, monsieur le rapporteur général, que quatorze des vingt milliards de recettes supplémentaires de 2007 avaient été utilisées, soit à des baisses d'impôts, soit à des exonérations de cotisations sociales, et tout cela en vain !
L'honnêteté vous contraint aujourd'hui à reconnaître pour cette année des moins-values fiscales, soit une augmentation du déficit, pour les raisons très bien exposées par M. le rapporteur général. Au moment où les pays qui ont reconstitué leurs marges de manoeuvre budgétaire pour remédier aux deux grandes faiblesses de notre économie, le pouvoir d'achat et la compétitivité des entreprises. On pouvait, par des mesures ciblées, améliorer le pouvoir d'achat des ménages, même s'il convenait d'agir avec modération. De même, on pouvait inciter les entreprises à investir et à innover, par des outils fins et ciblés, plutôt que de recourir à des exonérations de cotisations sociales massives et terriblement coûteuses pour les finances publiques.
Tel est, de mon point de vue, le contexte économique global, et s'il est certes difficile, ce n'est pas simplement pour des raisons exogènes : c'est aussi la conséquence des décisions politiques que vous avez prises.
Aujourd'hui, alors qu'il faudrait changer de ton, de dynamique, en un mot de politique, alors qu'il faudrait avoir le courage de dire aux Français la vérité sur la situation de la France, de l'Europe et du monde, et à nos partenaires européens la vérité sur notre situation, tout particulièrement dans cette période où la France préside l'Union européenne, le Gouvernement a fait, non sans talent, le choix de la fuite en avant, se réfugiant dans la répétition du même discours sur lui-même, auquel peu de monde croit, et auquel vous-même bien souvent ne croyez plus.
Là où il aurait fallu la vérité, il vous reste l'habileté, et quand l'habileté elle-même vous fait défaut, il ne vous reste que la banalisation ou la dissimulation. Vous n'avez plus qu'à faire porter le mistigri par d'autres, notamment par les collectivités locales, comme d'autres orateurs le démontreront après moi.
En effet, le pouvoir d'achat des Français n'est pas simplement celui des ménages : c'est aussi celui des collectivités locales et de l'État. Or vous ne parlez que de la dépense, là où on pourrait tenir un discours offensif sur la capacité à peser sur la situation actuelle.
Tel est le constat de l'opposition, monsieur le ministre. Nous n'avons pas la volonté de nuire, ou de nous contenter de critiquer ou de débattre des chiffres, même si cela fait aussi partie de notre fonction. Même s'il arrive que telle ministre jubile devant un résultat mensuel apparemment meilleur que la pire des prévisions, mais immédiatement démenti par une cascade de mauvais chiffres, vous savez bien que la situation de la France et de l'Europe est telle que je l'ai décrite.
Vous devez prendre des mesures d'une autre nature que celles que vous nous avez annoncées. Je sais que c'est dur, tout particulièrement pour vous, que votre fonction place au coeur de la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le ministre, je suis assez étonné par votre comportement. Envers et contre toutes les réalités, vous continuez à tenir le même discours. Alors que la situation économique et financière de la France n'a cessé de se détériorer depuis que vous êtes en fonction et que le Gouvernement a été nommé, il y a un an, vous continuez imperturbablement à répéter que votre politique vise à assainir les finances publiques.
Vous continuez à utiliser imperturbablement la méthode Coué et la langue de bois.
Vous avez évoqué dans votre intervention ceux qui veulent « vraiment » assainir les finances publiques. On peut se demander, monsieur le ministre, à qui vous vous adressiez. Vous vous exprimez devant l'Assemblée nationale comme si elle était responsable de cette situation. Or, ce n'est pas l'Assemblée, ni même ceux qui siègent sur les bancs de la majorité, qui ont imaginé cette monstruosité économique et financière qu'est le paquet fiscal. Chacun sait que c'est à l'Élysée qu'a été imaginée cette mesure et qu'a été fait ce choix aussi injuste qu'inefficace. Peut-être vous adressiez-vous à vos collègues du Gouvernement ou au Président de la République !
Vous ne pouvez pas accuser non plus les députés de l'opposition, car nous avons voté, voici un an, contre ce paquet fiscal qui a désarmé l'état de 15 milliards d'euros de recettes. Non seulement nous nous sommes opposés à ce projet, mais nous avons également refusé de nous livrer à une surenchère en matière de baisses des impôts, ce qui aurait pourtant été facile dans notre rôle d'opposants. Les 15 milliards d'euros que vous avez dépensés de cette manière auraient été les bienvenus dans le budget des ménages, pour les classes moyennes, qui sont les grandes oubliées de votre politique depuis un an.
Le débat que nous avons aujourd'hui tombe à point nommé pour faire le bilan des mesures que vous avez fait voter l'an dernier. Lorsque nous les critiquions alors, vous nous reprochiez de voir tout en noir, d'être pessimistes, d'être des oiseaux de mauvais augure. Nous disions que le paquet fiscal serait aussi injuste qu'inefficace. Or, les premières données fournies par les services fiscaux, vos propres services, ont bien montré que le bouclier fiscal, par exemple, ne profitait qu'aux quelques dizaines de milliers de contribuables les plus fortunés, qui allaient recevoir un gros chèque. Lorsque nous vous disions que la France n'échapperait pas aux effets de la crise financière venue des États-Unis, vous nous accusiez de tout voir en noir. Vous nous faisiez la même réponse lorsque nous évoquions la hausse du déficit de l'État et du commerce extérieur, ou celle des taux d'intérêt, qui est pourtant une des conséquences indirectes de la hausse du déficit de l'État français. Nous avions dit que votre prévision d'un prix du baril de pétrole à 70 dollars pour 2008 était intenable : il vaut déjà le double à la moitié de l'année – mais vous récidivez en tablant sur un prix moyen du baril de 125 dollars en 2009. À ce stade, ce n'est même plus de la méthode Coué, c'est de l'irresponsabilité !
Nous attendons toujours les mesures qui permettraient concrètement aux Français de ne plus subir cette hausse des prix du pétrole, mais vous ne proposez aucune mesure structurelle sur ce front. Jusqu'à présent, vous n'avez rien trouvé de mieux que la fuite en avant qu'est la « prime à la cuve », qui ne réglera nullement le problème à moyen et à long terme pour tous les Français qui subissent les hausses des prix de l'énergie, qu'ils se chauffent au fioul, au gaz ou à l'électricité. Nous étions encore, dans d'autres domaines, en dessous de la réalité. Nous n'avions pas osé imaginer une inflation à 3 %. Nous n'avions pas osé imaginer que se combine aux difficultés économiques et à la baisse de l'activité, une hausse des prix aussi forte. Nous n'avions pas osé imaginer les pertes de recettes de 3 à 5 milliards d'euros qui s'ajoutent à celles du paquet fiscal et donc vous avez fait l'aveu voici quelques jours devant la commission des finances.
Peut-être allez-vous encore essayer d'objecter qu'il s'agit là d'un discours politique d'opposant. Je vous invite à consulter les courbes publiées aujourd'hui par le journal Les Échos : on voit clairement qu'elles sont toutes en rouge, toutes à la hausse – sauf celle du moral des ménages, qui est à la baisse. Les prix à la consommation sont à la hausse, tout comme les cours du pétrole ou la parité entre l'euro et le dollar. Ce même journal fait le point sur plusieurs indicateurs : l'inflation a été multipliée par deux depuis un an, le prix du pétrole a également doublé depuis un an, le pouvoir d'achat est en stagnation, la consommation a calé, le chômage a cessé de baisser, la confiance des ménages s'est effondrée, le marché immobilier se retourne, la croissance a nettement ralenti et l'euro a poursuivi son envolée. Même les exportations, dont on avait pu penser qu'elles tenaient bon, se sont de nouveau effondrées au premier trimestre 2008. Voilà tous les points égrenés par ce journal dont personne ne pourra contester le sérieux, ni prétendre qu'il est à la solde de l'opposition.
Dites-nous donc quelles mesures vous comptez prendre pour redresser la barre, au lieu de vous en tenir à la théorie et de tenir, selon le mot de M. Sapin, un discours « hors sol », qui fuit devant la réalité.
Je tiens également à rappeler qu'au cours de l'année écoulée, nous vous avons interrogé – je l'ai fait moi-même à l'occasion d'une séance de questions d'actualité – sur les niches fiscales, que vous avez évoqué tout à l'heure. Mme Lagarde, qui m'avait alors répondu, n'avait fourni aucun élément précis, mais avait en revanche dénoncé certains crédits d'impôt ou certaines réductions fiscales, comme les encouragements aux économies d'énergie – dont le rapporteur général du budget ne manque jamais une occasion de dire qu'elles coûtent trop cher – ou les réductions accordées aux personnes qui emploient des salariés à domicile, au titre des « services à la personne ». Heureusement, au demeurant, que les particuliers agissent dans ces domaines, car on attend toujours que l'État le fasse ! Vous n'avez rien dit, en revanche, sur les niches fiscales qui ne profitent qu'à quelques-uns et qui coûtent pourtant très cher. Ce que nous avons dit du bouclier fiscal, nous pourrions le dire aussi d'autres niches telles que le régime très avantageux des investissements immobiliers réalisés dans certains territoires d'outre-mer.
Vous venez également de tenir des propos inquiétants sur le revenu de solidarité active, en déclarant qu'il était normal qu'il ne figure pas dans les prévisions budgétaires, au motif qu'il n'a pas encore été voté. Comme nous ne nous faisons pas d'illusion sur le fait que ce pourrait être une marque de respect de votre part envers l'organisation du travail législatif, nous arrivons à un constat simple. De deux choses l'une, donc. Soit vous ne mettrez pas en oeuvre cette mesure – et si c'est le cas, autant le dire tout de suite. On sait d'ailleurs que cela correspondrait sans doute à votre orientation personnelle et à celle de nombreux responsables de l'UMP, dont certains ont lancé voici quelques semaines une offensive contre le revenu de solidarité active, qui n'est pas conforme à votre idéologie. Soit vous financerez cette mesure en supprimant la prime pour l'emploi – ce qui revient à dire que ce sont encore les classes moyennes qui paieront. Vous aurez déshabillé Paul pour habiller Jacques, et, une fois encore, ce ne sont pas les plus fortunés et les plus hauts revenus qui paieront.
On l'a déjà dit, le contexte économique général est très mauvais. Au problème de la crise financière internationale s'ajoutent la flambée du prix des matières premières, les nouveaux records historiques atteints chaque jour par le prix du pétrole, une crise alimentaire qui se profile et, par-dessus le marché, l'attitude de la Banque centrale européenne qui remonte ses taux d'intérêt par crainte de l'inflation alors que c'est la récession économique qui nous guette. Face à tous ces problèmes, les mesures que vous nous proposez ressemblent à une fuite en avant, voire à un pansement sur une jambe de bois, alors qu'il faudrait faire des choix clairs.
Pour rendre service au Président de la République, qui n'a rien trouvé de mieux, dans le contexte actuel, que de relancer cette vieille promesse, qu'il sait lui-même impossible à tenir, d'abaisser à 5,5 % le taux de la TVA dans la restauration, M. Chartier propose de n'abaisser ce taux qu'à 12,5 % et, pour financer cette baisse, d'augmenter tout simplement la TVA qui frappe les ventes à emporter. En d'autres termes, vous proposez que ceux qui mangent des sandwiches paient plus cher pour financer vos promesses. C'est une étrange conception de la justice fiscale ! Ainsi, les mesures les plus anodines elles-mêmes dissimulent encore votre idéologie.
Pour notre part, nous n'avons pas peur de choix beaucoup plus clairs. Il serait relativement simple, par exemple, pour renflouer les caisses de l'État, d'abroger le bouclier fiscal, en déclarant qu'au terme d'un an d'essai cette mesure n'a pas donné les résultats escomptés. De fait, elle était destinée, selon Mme Lagarde, à faire revenir en France les gros patrimoines et les gros revenus, mais ils ne sont pas revenus. En revanche, ceux qui étaient là ont bénéficié d'un chèque cadeau de plusieurs dizaines de milliers d'euros, comme nous l'avions souligné à l'époque. Cette abrogation rapporterait plus que la suppression de 30 000 postes de fonctionnaires que vous avez décidée. En effet, même si je n'ai pas vu de chiffrage précis à cet égard, cette mesure représenterait une économie annuelle de l'ordre de 500 millions d'euros, soit quasiment deux fois moins que le milliard d'euros que coûtera chaque année le bouclier fiscal – pour ne parler que de lui et ne pas m'exposer au reproche car vous nous faites souvent de mélanger toutes les mesures du paquet fiscal.
S'il faut parler de TVA, personne ne vous ferait reproche d'augmenter celle qui s'applique aux produits les plus polluants. Ce serait cohérent avec les engagements toujours non tenus du Grenelle de l'environnement. Ainsi, dans le cadre du système de bonus et malus sur les véhicules, personne ne vous reprocherait d'augmenter le malus sur les voitures les plus polluantes – mais il semble plutôt que, comme par hasard, vous envisagiez plutôt de réduire le bonus.
Personne ne vous reprocherait non plus de vous battre au niveau européen pour augmenter la TVA sur les produits importés de pays qui ne font aucun effort dans la lutte contre l'effet de serre, au lieu de continuer à poursuivre votre chimère de réduction de la TVA sur la restauration. Cette mesure est notamment proposée par la fondation Nicolas Hulot, qui a participé au Grenelle de l'environnement et qu'on ne peut guère taxer d'extrémisme. Mais, dans ce domaine, comme par hasard, vous n'avancez pas.
Le Président de la République a récemment déclaré au G8 que les grandes puissances émergentes ne devaient pas se soustraire à leurs devoirs. Il est temps de passer à l'acte. Se contenter de paroles ne changera rien à la situation économique. C'est une question de justice et d'efficacité.
J'évoquerai pour conclure votre politique de dépenses, puisque votre discours y est largement consacré. De fait, pour ce qui est des recettes, vous n'êtes pas très crédible et n'avez pas grand-chose à dire, sinon qu'elles vont encore se dégrader, ce qui n'est d'ailleurs pas le signe d'une très bonne gestion, et c'est bien dommage de la part du ministre des comptes publics. Le sentiment que nous avions l'an dernier s'est vérifié : vous commencez par creuser des trous avec des cadeaux fiscaux aussi irresponsables qu'injustes, puis vous dites qu'une politique d'austérité est inévitable. Certes, vous n'employez pas les mots d'« austérité » ou de « rigueur ». Il n'y aurait pourtant rien de mal à le faire si l'effort était justement réparti, mais vous évitez précisément de le faire, car vous savez que ce n'est absolument pas le cas. Cette politique est pourtant bien là. Par un tour de passe-passe rhétorique, vous rendez les services publics, les fonctionnaires et même les collectivités locales responsables de l'aggravation des déficits. C'est tout de même un peu gros, si l'on pense aux mesures que vous avez prises voilà un an dans le cadre du paquet fiscal, qui auront pour effet de faire payer certaines catégories – les fonctionnaires, mais aussi les salariés du privé lorsqu'ils se verront supprimer la prime pour l'emploi – au bénéfice de quelques-uns seulement.
Quant aux collectivités locales – nous l'avons dit voilà un an, nous l'avons répété lors du débat budgétaire pour 2008 et nous sommes malheureusement obligés de le redire cette année –, non contents de les montrer du doigt, vous continuez à vous décharger sur elles de diverses responsabilités – nous y reviendrons cet après-midi à propos de ce funeste projet de service minimum dans les écoles. Après avoir reproché aux collectivités locales de dépenser trop, vous voudriez qu'elles réduisent les services rendus aux habitants ou qu'elles augmentent les impôts : avec vous, le calcul politicien n'est jamais loin !
Vous devriez au contraire saluer le dynamisme des collectivités locales et vous réjouir que ce dynamisme soit efficace, c'est-à-dire que l'investissement réalisé par les collectivités locales se traduise par l'attractivité de ces territoires, laquelle génère de nouvelles ressources qui permettent à leur tour de nouveaux investissements. C'est là, bien au contraire de ce que fait l'État, un cercle vertueux que vous devriez défendre.
Je n'ai malheureusement pas le temps de parler de l'hôpital public, alors qu'il y aurait beaucoup à dire sur le cercle vicieux du sous-financement et du sous-investissement qui, en provoquant une fuite continue vers les cliniques privées, a pour effet d'affaiblir toujours davantage l'hôpital public. Je regrette de ne pouvoir répondre à ce qu'a dit M. Bur à ce sujet.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons que vous inviter à faire enfin des choix clairs et justes sur les recettes, qui ne conduisent pas à ce que les Français paient une double facture : plus d'impôt et moins de service public.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures, est reprise à douze heures dix.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un débat d'orientation budgétaire doit servir à deux choses : premièrement, établir un diagnostic sur la situation économique et sociale du pays ; deuxièmement, préconiser, sur la base de ce diagnostic, un certain nombre de mesures en matière de politique de finances publiques.
Quel diagnostic peut-on faire sur la situation économique et sociale de la France ? C'est très simple : l'accumulation des crises risque de se traduire au mieux par un ralentissement économique, au pire par une récession.
En fait, la France doit affronter – et si vos amis étaient au gouvernement, monsieur Brard, ils seraient confrontés aux mêmes problèmes…
La France doit affronter, disais-je, deux séries de crises : trois crises face auxquelles elle est dotée de certains atouts par rapport à d'autres États, et trois autres pour lesquelles elle présente au contraire certaines faiblesses.
Examinons les trois crises pour lesquelles la France dispose de certains atouts.
La première crise est la crise immobilière. Cette crise est grave, comme en témoignent plusieurs indicateurs : les mises en chantier sont en chute de 21 % et les permis de construire de 20 % pour les mois de mars, d'avril et de mai 2008 par rapport à la même période de 2007 ; pour ce qui est des transactions immobilières, on constate une baisse de 28 % des ventes de programmes des promoteurs au 1er trimestre 2008 par rapport à celui de 2007.
La remontée des taux d'intérêt accentue le phénomène, et il n'y a que des illusionnistes pour tenter de faire croire qu'une baisse du taux de la Banque centrale européenne va se traduire par une baisse des taux de crédit en France. Tous les banquiers vous le diront : quoi que fasse la Banque centrale européenne, la situation des banques nationales est telle qu'elles sont obligées, pour traverser cette période de crise, de remonter leurs taux afin de reconstituer des marges. Les taux ont déjà augmenté d'un point, ce qui se traduit automatiquement par une diminution de 20 % du marché de l'immobilier – dans la mesure où cette augmentation désolvabilise environ 20 % des acheteurs potentiels.
Cependant, la France résiste plutôt mieux à la crise immobilière que d'autres pays européens. La construction est en chute de 50 % aux États-Unis et de 40 % en Espagne, en Grande-Bretagne et en Irlande. Il y a plusieurs explications à la relative résistance à la crise en France : un taux d'épargne qui reste élevé – entre 16 et 17 % ; une moindre hausse des prix de l'immobilier que dans des pays comme la Grande-Bretagne ou l'Espagne ; enfin, le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier instauré dans le cadre de la loi TEPA, qui, en diminuant le taux de crédit d'environ deux points la première année et d'un point les quatre années suivantes, a pour effet de soutenir un peu le marché immobilier.
La deuxième crise face à laquelle nous sommes plutôt moins mal placés que les autres est celle de l'énergie. Là encore – contrairement à ce qu'a laissé entendre M. de Rugy –, n'importe quel gouvernement aurait à subir cette crise, et ce n'est pas le fait d'avoir prévu que le baril coûterait 125 dollars qui a fait augmenter son prix ! Personne ne peut dire aujourd'hui si le prix du baril sera de 150, 160 dollars ou même davantage en 2009, ni quelle sera la parité entre le dollar et l'euro. Tout au plus pourrait-on affiner les prévisions en faisant des analyses de sensibilité, afin d'être à même de réagir, le cas échéant, en fonction d'une situation que personne ne maîtrise.
La France dispose d'un avantage lui permettant de mieux résister à la crise de l'énergie que ses voisins européens : le fait que 75 % de sa production d'électricité provienne du nucléaire, ce qui est unique au monde.
C'est exact, l'électricité d'origine hydraulique représente 13 %.
La troisième crise pour laquelle la France dispose de certains atouts est la crise bancaire.
Les banquiers veulent toujours nous faire croire que tout va bien, même quand cela va très mal !
La veille du jour où on est obligé d'annoncer des résultats catastrophiques, on continue à dire que tout va très bien. Non, tout ne va pas très bien même si le système bancaire français est plutôt mieux capitalisé que beaucoup d'autres et a moins abusé de la spéculation à tout va. Il y a ainsi eu l'affaire de la Société générale et il y a la situation du Crédit agricole, qui représente 28 % du marché bancaire français. Or le Crédit agricole a perdu 5 milliards sur les subprimes, et il lui a fallu procéder à des recapitalisations pour tenir les normes de solvabilité imposées aux banques.
Sur ces trois crises, la France présente plutôt des avantages. Sur trois autres, en revanche, elle est plutôt plus fragile que beaucoup de ses partenaires.
La crise de compétitivité, tout d'abord. J'ai été étonné, je vous le dis tout net, monsieur le ministre, de lire dans le premier rapport d'orientation – le bleu – que vous pensiez qu'en 2009, l'impact du commerce extérieur sur la croissance française serait nul. Je le rappelle, sur les cinq dernières années, notre perte de compétitivité internationale nous a coûté un demi point de PIB en moyenne. Je ne vois pas aujourd'hui d'éléments qui permettent de redresser aussi vite la compétitivité française. Certes, des mesures allant dans la bonne direction ont été prises. Mais il faut du temps avant qu'elles ne produisent des résultats.
La crise du pouvoir d'achat, ensuite. Il faut en être conscient, un bon tiers des ménages français enregistre une chute de leur niveau de vie. Il y a tout d'abord tous ceux qui vivent de transferts sociaux. Ainsi, si les pensions des retraités ont été réévaluées de 1,8 % – 1,1 plus 0,7 –, l'inflation est à plus de 3 %. Il est donc incontestable que les retraités subissent une perte de pouvoir d'achat. Il y a ensuite les salariés modestes. Certes, nous avons pris en leur faveur une mesure extrêmement forte dans le cadre de la loi TEPA, celle concernant les heures supplémentaires. Ce sera bien lorsque 30, 35 voire 40 % des salariés utiliseront ce dispositif. Dans l'estimation pour 2009, cela soutiendra le pouvoir d'achat des salariés modestes à hauteur 9 milliards, et ce n'est pas négligeable. Mais, que se passera-t-il pour les autres deux tiers, qui travaillent par exemple dans des entreprises n'ayant pas recours aux heures supplémentaires ? Il faut prendre des mesures sociales pour soutenir les retraités et, plus largement, ceux qui vivent de la solidarité et les salariés les plus modestes.
La crise des finances publiques, enfin. Vous le savez, monsieur le ministre, car vous n'êtes pas de ceux qui disent que, demain, on rase gratis, nous n'avons pas commencé à redresser nos finances publiques. Les chiffres sont là : en 2006, le déficit de l'ensemble des finances publiques était de 2,4 % du PIB ; en 2007, il était de 2,7 % ; en 2008, on espère finir à 2,5 % – mais cela peut tout aussi bien être 2,7 % ou 2,8 %, voire 2,9 % ; enfin, en 2009, on table sur 2 %. Nous n'avons donc pas été assez rigoureux. Nombre de nos collègues de l'opposition trouvent que le Gouvernement est trop dur. Non : il ne l'est pas encore assez !
Quant à la dette publique, elle continue de s'accroître. Elle est ainsi passée de 63,6 % du PIB en 2006, à 63,9 % en 2007 et à 63,9 en 2008 – peut-être 64 %. Pour l'année prochaine, si l'on revient à 2 % de déficit, on sera à 63,5 % du PIB. Il n'y a donc pas de redressement durable. Or nous avons pris des engagements, que l'immense majorité des courants politiques a approuvés. Il faut retomber à moins de 60 %. Cela implique des efforts beaucoup plus importants tant au niveau du budget de l'État que de celui de la sécurité sociale. Yves Bur l'a indiqué dans son rapport, nous en sommes toujours à 10 milliards de déficit. En rester à ce niveau nécessite déjà de gros efforts, alors qu'il faudrait ramener ce déficit à zéro pour respecter nos engagements.
Les collectivités locales font l'objet de nombreuses critiques dont certaines sont fondées. Il est en ainsi de leur dépendance croissante à l'égard de l'État. Monsieur le ministre, les transferts sont non pas de 73 milliards mais de 93 milliards. Les chiffres de la comptabilité nationale le montrent. Il faut intégrer dans notre réflexion tous les dégrèvements et les pseudo-transferts de fiscalité. En effet, nous n'avons quasiment aucune marge sur les taux et l'assiette n'est même pas locale. La vraie réforme dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales consisterait à diminuer les transferts et à donner, en contrepartie, un impôt moderne sur le revenu au moins pour les grandes collectivités : les départements et les régions.
Voilà pour le diagnostic. Alors, quelle stratégie de redressement de nos finances publiques adopter ? Le groupe Nouveau Centre soutient les efforts du Gouvernement en matière de maîtrise et voudrait l'aider à aller plus loin.
S'agissant de l'élargissement de la norme d'évolution de la dépense, vous êtes allé dans la bonne direction, monsieur le ministre. Encore un petit effort, et on y est ! Il faut ainsi intégrer les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux car ça flambe de ce côté-là. Nous ne cessons de le répéter avec Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez et d'autres encore, on ne peut pas continuer à compenser aux taux votés des compensations sur la taxe d'habitation, par exemple. Dans certaines villes, 63 % des familles sont complètement ou partiellement exonérées. Or c'est totalement irresponsable.
Y a-t-il 63 % de pauvres en France, monsieur Brard ? Dans une démocratie, le citoyen paie l'impôt en proportion de ses revenus, et vire son maire lorsqu'il n'est pas content !
Monsieur le ministre, il faut donc élargir la norme de façon à la caler sur les comptes nationaux.
S'agissant de la RGPP, vous allez, là encore, dans la bonne direction. Au terme de trois à quatre ans d'effort, elle devrait générer une économie de 5 à 6 milliards d'euros nets. Certes, c'est mieux que rien, d'autant que vous avez eu quelques difficultés à y parvenir. Mais, il faut en quelque sorte élargir l'assiette de la RGPP. L'ensemble des dépenses doit être examiné.
S'agissant de la politique de gestion des ressources humaines, le Gouvernement annonce la suppression de 30 600 postes, soit un départ sur deux. Personne ne se souvient que cela a été fait une fois par Alain Juppé, alors qu'il était ministre des finances, en 1986. Mais il faut aussi tenir les opérateurs extérieurs. Vous nous avez dit que vous l'aviez fait dans le cadre de la préparation du budget. Ce serait bien la première fois. Je rappelle en effet que le nombre d'emplois créés avec les opérateurs dépassait les 10 000 par an. Grosso modo, on annulait ainsi la moitié des efforts réalisés – voire les trois quarts certaines années.
Le groupe Nouveau Centre souhaite qu'on aille plus loin dans les mesures d'économies en s'attaquant aux grandes masses de dépenses. Pour le budget de l'État, c'est le pacte de stabilité entre l'État et les collectivités territoriales. Je suis élu local depuis vingt-deux ans – j'ai été conseiller régional, je suis vice-président de mon conseil général, maire et président du comité de communes – et je sais qu'on ne peut pas continuer comme cela. Il faut viser un accroissement nul des transferts de l'État vers les collectivités locales. J'entends déjà les cris d'orfraies que cette suggestion va susciter. C'est pourtant ce que s'impose l'État hors les dépenses obligatoires – pensions et intérêts de la dette. En contrepartie, il faut renforcer la solidarité. Il faut redéployer la dépense des collectivités riches vers les plus pauvres, par exemple en gelant les taux sur les dégrèvements pour les communes à potentiel fiscal élevé. Bien sûr, cela provoquera une certaine hostilité, mais le peuple applaudira ! Arrêtons de subventionner des collectivités territoriales extrêmement riches.
Comme Neuilly, Paris et bien d'autres ! En outre, les compensations sont d'autant plus élevées que les habitants sont riches.
C'est l'un des vices du système. Et vous encouragez les communes qui dépensent le plus. Tout cela n'est pas juste.
Il faut aussi prévoir plus de liberté pour les collectivités locales.
S'agissant des niches fiscales, il faut aller vers un plafonnement pour chaque contribuable. Nous le demandons depuis plusieurs années et vous vous êtes déclaré ouvert. Certes, la mesure n'est pas simple techniquement. Le plafonnement des cinq niches non plafonnées est insuffisant. Pourquoi ne pas baisser les plafonds existants de 4 à 5 % – au moins pour les plus importantes d'entre elles ? Cela permettrait de dégager au moins 2 milliards supplémentaires.
S'agissant des allégements de charges, la position du groupe Nouveau Centre est constante. Elle vise à abaisser progressivement le seuil d'exonération de charges de 1,6 à 1,4 SMIC et à supprimer les aides aux grandes entreprises.
Mon cher collègue, il faut conclure. Chacun doit respecter son temps de parole si nous voulons aller jusqu'au terme du débat.
S'agissant de la mise en place d'une règle d'or pluriannuelle inscrite dans la Constitution et consistant à réserver l'emprunt aux seules dépenses d'investissement, je vous remercie pour votre appui. Mais il fallait aussi prendre en compte l'amendement soutenu par Yves Bur et Gilles Carrez et tendant à prévoir l'équilibre pluriannuel des finances sociales.
En conclusion, l'examen du contexte économique et social français démontre des risques élevés de dégradation de la conjoncture. En une telle période, il ne faut surtout pas faire de keynésianisme.
Si on en fait, on est mort ! Il faut tenir bon, soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes, améliorer la compétitivité des entreprises et redresser les finances publiques. C'est la meilleure contribution qu'on pourra apporter à la croissance. Mais cet effort doit se faire dans la justice. Il faut ainsi respecter les engagements pris en faveur des petites retraites, des pensions de réversion et de tous ceux qui vivent de solidarité. Il faut également agir en faveur des travailleurs modestes. C'est à ce prix que nous pourrons redresser nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je ferai tout d'abord quelques réflexions sur le contexte et les orientations du Gouvernement. Je reviendrai ensuite sur les opérateurs, comme m'y a invité le rapporteur général, et sur la structuration du budget au niveau de la maquette budgétaire et de la progression des outils de travail dont nous disposons.
Monsieur le ministre, je veux tout d'abord saluer votre ténacité dans l'action et le soutien sans faille que vous apporte le Premier ministre. Devant les parlementaires de la majorité, il a rappelé, mercredi dernier, la priorité que constitue le retour à l'équilibre des comptes publics au regard de la crédibilité de notre pays vis-à-vis de ses partenaires, de la confiance de nos concitoyens dans l'avenir, et de notre responsabilité devant les générations futures.
Nous souscrivons aux orientations que vous avez définies de strict respect d'une norme de dépenses élargie à zéro volume, intégrant non seulement les dépenses de l'État au titre de son budget principal mais également les prélèvements sur recettes au bénéfice des collectivités locales et de l'Union européenne ainsi – c'est une première – que des opérateurs.
Nous nous félicitons que vous ayez engagé notre pays dans la voie du budget pluriannuel pour la période 2009-2011, ce qui permet d'inscrire nos engagements dans la durée.
Chacune l'a compris, le contexte est difficile. Plusieurs contraintes s'imposent à nous. Il y a tout d'abord l'inversion de la proportion de la captation des recettes nouvelles de l'État : un tiers hier pour la dette et les pensions, deux tiers pour les trois années à venir qui seront directement consommés en raison, soit de la remontée des taux d'intérêt ou de l'indexation sur l'inflation, soit du choc démographique et de l'augmentation des pensions avec 800 000 départs à la retraite contre 550 000 aujourd'hui.
À ces contraintes s'ajoutent un contexte économique international difficile et la crise des marchés financiers – après l'épisode des subprimes, nous voyons poindre la crise des monolines. Or nous savons – et Gilles Carrez l'a rappelé – que les recettes du secteur financier représentent 24 % des recettes de l'impôt sur les sociétés. D'autre part, une amélioration de la situation financière ne produirait aucun effet positif dans la mesure où, dans le cadre du système Bâle II, qui est un système totalement procyclique, la décote de la bourse amène à passer des provisions qui ne sont pas libérées quand la bourse remonte, ce qui signifie que l'impôt sur les sociétés en provenance du secteur financier va s'en trouver durablement affecté.
Dans ce contexte difficile, je n'ai pas le sentiment – à la différence du président de la commission des finances, avec lequel il m'arrive d'être en désaccord – que la France va plus mal que les autres pays. Le rythme des créations d'entreprise n'a jamais été aussi élevé.
En matière d'inflation, nous nous comportons plutôt mieux que la moyenne européenne. Le chômage est à un niveau historiquement bas : 300 000 emplois ont été créés dans le secteur marchand. À cela on peut ajouter le succès de la mesure sur les heures supplémentaires.
Néanmoins, nous ne serons pas exonérés des conséquences de la crise chez un certain nombre de nos voisins. Le secteur financier en Allemagne va souffrir plus que chez nous, et le déplacement que nous avons effectué à Berlin m'a permis de constater que la Caisse des dépôts allemande a perdu six milliards d'euros, notamment dans la recapitalisation des landesbanks. L'Espagne, autre de nos partenaires importants, est, quant à elle, très affectée par la mécanique de subprimes mise en place sur son marché immobilier.
Toutes ces difficultés rendent obligatoire le soutien au mesures engagées par le Gouvernement, notamment à sa politique de restructuration menée grâce à la RGPP et à la réduction des effectifs de la fonction publique. Je rappelle ici que le rapport annuel sur l'état de la fonction publique établissait que, entre 1982 et 2003 – ce qui correspond à une durée pendant laquelle les gouvernements en exercice ont connu des périodes de croissance –, les effectifs de la fonction publique se sont accrus de 24 %, pour une moitié dans les seules collectivités territoriales et, pour l'autre, principalement dans le secteur de l'État. Les efforts qui ont été engagés depuis pour réduire le nombre des emplois de la fonction publique ou pour une gestion plus efficace de ces emplois restent à ce jour limités. Le Premier ministre a raison lorsqu'il dit que toute politique doit être soumise à évaluation ; le Gouvernement s'est attelé à cette tâche, et le groupe UMP le soutient.
J'en viens aux problèmes fondamentaux, au premier rang desquels la protection de la dépense fiscale. Je ne veux par revenir sur tout ce qui a été dit. L'objectif de dépense fiscale est une mesure positive. La décision du Premier ministre de limiter les niches dans le temps et de les soumettre à évaluation va également dans le bons sens, de même que le recensement nécessaire des mesures prises en cours d'année, au moment de la loi de finances initiale.
Souscrivant à ces orientations, je voudrais maintenant dire un mot de deux sujets qui me préoccupent particulièrement. Les opérateurs, tout d'abord. Comme la commission des finances, la Cour des comptes souligne depuis plusieurs années l'importance de l'articulation des politiques entre l'État et les opérateurs. C'est ainsi que les suppressions d'emplois dans les services de l'État risquent, comme l'écrit la Cour, d'être en partie compensées par des créations d'emplois chez les opérateurs.
Toujours selon le rapport de la Cour, les personnels des établissements publics nationaux se sont sensiblement accrus jusqu'en 2005, avec une augmentation de 17 000 agents pour cette seule année. Par ailleurs, les données fragmentaires disponibles sur les opérateurs pour la période 2006 à 2008 laissent prévoir une augmentation de 14 000 agents, ce qui correspond à peu près au tiers des suppressions de postes dans les services de l'État.
La Cour préconise une présentation consolidée des finances de l'État et des principaux opérateurs dans les documents budgétaires ou de programmation pluriannuelle, ainsi qu'un approfondissement de nos connaissances dans la gestion des effectifs.
Ces recommandations de la Cour doivent être suivies. Il nous faut mieux connaître les effectifs des opérateurs. Il nous faut veiller à ce que chaque grand opérateur public soit lié à l'État par des contrats d'objectif. Je suggère, monsieur le ministre, que ces contrats d'objectif soient d'ailleurs transmis aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, afin que les rapporteurs spéciaux puissent s'en saisir.
Il nous faut aussi, dans le même état d'esprit que celui qui nous conduit à limiter dans le temps les dépenses fiscales, ou du moins les niches fiscales, nous interroger régulièrement sur les recettes affectées aux opérateurs, ce qui supposerait que le Parlement puisse se pencher sur l'efficacité avec laquelle sont utilisées ces recettes et en délibérer de manière périodique.
Enfin, je pense qu'il est nécessaire, pour ne pas dire indispensable, de surveiller de plus près les emprunts et les capacités d'emprunt des opérateurs. J'ai retrouvé, il y a quelques jours, dans le cadre des travaux de la MILOLF, un dossier déjà soumis à la Caisse des dépôts au titre des prêts effectués sur les fonds d'épargne. Cela concerne le niveau des emprunts que les agences de l'eau souhaitent contracter afin de faire face aux pics de dépenses liés à la mise aux normes européennes en matière d'assainissement. Or il y a lieu de se demander si les agences de l'eau pourront réellement rembourser les annuités de ces emprunts avec les taxes qu'elles prélèvent et compte tenu de l'utilisation de celles-ci. Nous savons très bien quelle est l'inflation normative en matière d'eau et d'assainissement. Le risque, soit d'une aggravation des prélèvements sur les usagers, soit d'une nécessité pour l'État de se substituer aux agences de l'eau pour le remboursement des emprunts, n'est donc pas nul, ce qui justifie que nous nous intéressions à la politique des opérateurs en matière d'emprunts.
Toujours à propos des opérateurs, le document de présentation du débat d'orientation budgétaire qui nous a été remis tout à l'heure précise que la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement mobilise des leviers budgétaires mais également réglementaires et fiscaux, et que, je cite, « les opérateurs de l'État, en particulier l'ADEME et l'AFITF seront mobilisés pour assurer la mise en oeuvre des décisions du Grenelle dans leurs champs de compétence ». Monsieur le ministre, je m'interroge, sauf recettes nouvelles, sur les marges de manoeuvre desdits opérateurs, quant on sait que l'AFITF, avec 900 millions d'euros de recettes par an, se trouvera entre 2009 et 2012 dans une véritable impasse financière.
Je terminerai par un mot sur nos outils de travail – missions, programmes et indicateurs –, pour saluer, tout d'abord, la prise en compte des observations faites par le Parlement sur la présentation des stratégies de performances, le recentrage des objectifs et des indicateurs sur les principaux enjeux du programme, la définition commune des opérateurs portant sur les fonctions support, bureautique, GRH et immobilier, l'amélioration enfin de la lisibilité des objectifs et des indicateurs. La suppression d'une centaine d'indicateurs et la réduction du nombre des missions et des programmes va dans le bon sens.
J'aurai toutefois une observation à formuler à propos de l'un des deux nouveaux programmes créés : celui relatif aux autorités indépendantes. Depuis des années en effet, la commission des finances s'oppose au regroupement dans un seul programme ou une seule mission des autorités indépendantes. Celles-ci sont liées à une mission ou à un programme, et, si nous voulons maintenir une évaluation à coût complet de nos politiques, il faut que les autorités indépendantes restent liées aux politiques auxquelles elles sont rattachées.
Par ailleurs, nous savons très bien que les autorités indépendantes – dont je respecte, par ailleurs, l'utilité du travail – ont tendance à limiter la capacité d'action de la représentation nationale. La consolidation dans un seul ensemble de ces autorités indépendantes ne va donc pas dans le sens de la revalorisation du rôle du Parlement préconisée par ailleurs, notamment lors du débat constitutionnel.
Voilà, monsieur le ministre, les observations que j'avais à faire sur le débat d'orientation budgétaire, en saluant encore une fois votre courage et votre ténacité et en vous assurant de notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, notre débat d'aujourd'hui porte aussi sur les choix du Gouvernement en matière de protection sociale. Le moins que l'on puisse dire est que, de manière générale, sous le seul angle de la remise en ordre des finances publiques, votre politique a démontré son inefficacité. Avant même d'ouvrir le débat sur l'équité de la politique de protection sociale que vous menez, il nous faut constater qu'elle a échoué là où elle prétendait apporter la rupture, à savoir la lutte contre les déficits. En effet, la dette sociale, qui se creuse de 10 milliards par an environ, atteint à la fin de l'année 2007 près de 7 % du PIB alors qu'elle était inexistante il y a dix ans.
Il est vrai que le déficit de la branche vieillesse est désormais supérieur à celui de la branche maladie, mais les indications dont nous disposons pour les premiers mois de l'année 2008 n'inclinent pas à l'optimisme pour cette branche maladie.
La situation des comptes sociaux est si mauvaise que – fait notable – la Cour des comptes a refusé cette année de certifier les comptes de la sécurité sociale, ce qui n'est pas rien.
La pression à la baisse sur les droits et les prestations sociales par laquelle vous entendiez restaurer l'équilibre s'est révélée inefficace. C'est pourtant le choix que vous avez fait avec la réforme Fillon sur les retraites, en 2003, et la réforme Douste-Blazy, en 2004, dont on constate aujourd'hui que les résultats sont nuls.
La vérité c'est que notre système est à bout de souffle et qu'il nous faut engager un véritable changement du cadre de nos politiques de protection sociale. Or vous avez fait exactement le contraire depuis un an, avec le choix des franchises et avec l'appel à une plus forte contribution des assurances complémentaires – nous avons même évité de justesse une remise en cause de la prise en charge des affections de longue durée. Vous prolongez une politique qui s'est non seulement révélée inefficace économiquement et financièrement, mais qui apparaît de plus en plus porteuse d'inégalités.
Or le changement de perspective est d'autant plus nécessaire que les besoins sociaux, qu'il s'agisse de la maladie, de la retraite ou de la dépendance, sont amenés à croître, comme dans toutes les démocraties occidentales et tous les pays développés. Comment, dès lors, faire face à ce défi pour notre protection sociale ? En réduisant, selon vous, les prestations et en resserrant les dépenses.
Monsieur le ministre, je ne crois pas à ce choix. Nous avons certes besoin d'une meilleure maîtrise des dépenses, ce qui implique de s'assurer qu'un euro supplémentaire dépensé est un euro dépensé de manière juste et efficace. À l'évidence, ce n'est pas le cas. Depuis un an, votre politique n'a pas permis de réduire les inégalités croissantes en matière de protection sociale : un ouvrier a une espérance de vie de sept ans et demi inférieure à celle d'un cadre supérieur ; arrivés à l'âge de la retraite, ceux qui ont travaillé le plus durement sont ceux qui auront le moins de temps pour profiter d'une retraite en bonne santé ; 15 % des Français renoncent à se soigner pour des raisons financières ; des territoires entiers, principalement ruraux mais pas uniquement, se vident de leurs personnels de santé ; les restrictions de moyens imposées à l'hôpital public introduisent désormais des files d'attente au point que l'accès à certaines interventions est aujourd'hui remise en cause – notamment les interruptions volontaires de grossesse, qui deviennent plus compliquées à réaliser, l'été en particulier, faute de médecins disponibles. Cette liste est loin d'être exhaustive. Ce n'est pas en faisant davantage pression sur les Français que l'on pourra répondre aux défis de la sécurité sociale.
Oui, une plus grande rigueur dans la maîtrise des dépenses est nécessaire. Pour autant, elle n'impose pas la dégradation de notre État social. Les pays du Nord, que vous citez souvent sur le marché du travail ou de la politique en matière de retraite, en sont un exemple : la Suède, la Finlande et le Danemark – sans compter la Norvège qui, elle, dégage des excédents grâce à ses ressources pétrolières – ont réussi, au cours des dernières années, à concilier une prise en charge forte des assurés, qu'il s'agisse de la retraite, de l'assurance maladie et maintenant la dépendance, et un assainissement de leurs finances publiques. Il n'y a donc pas de relation, directe, nécessaire, entre une révision à la baisse des prestations sociales et une remise en ordre de nos finances publiques. Cela signifie tout simplement qu'il faut proposer des réformes de structure, et non pas rester dans le cadre existant.
Proposer des réformes de structure, cela a été évoqué à plusieurs reprises ce matin, signifie notamment en finir avec un certain nombre de niches sociales qui concernent de trop nombreux revenus. Si l'on peut admettre que certaines aides directes consenties aux salariés fassent l'objet d'exonérations – comme le chèque vacances ou le titre restaurant –, rien, en revanche, ne justifie l'exonération de cotisations appliquée aujourd'hui aux revenus liés à la participation ou à l'intéressement. On peut discuter du taux applicable à ces revenus, mais, sur le principe, il n'y a aucune raison pour que ce qui constitue un revenu ne contribue pas à l'équilibre ou à l'assurance d'une protection sociale de bonne qualité. J'ajoute qu'à force d'exonérer ce qui est un revenu complémentaire, on en vient à exercer une pression sur le niveau des salaires. Pourquoi augmenter les salaires si l'on peut rémunérer les salariés avec de l'intéressement ou de la participation ? Plus choquante encore est l'exonération dont bénéficient les revenus liés à la détention des stock-options ou ceux issus de la pratique des parachutes dorés. Depuis l'année dernière, monsieur le ministre, vous en parlez et des pas timides sont esquissés dans cette direction, mais très en deçà des préconisations non seulement du Parti socialiste, mais surtout du Premier président de la Cour des comptes lui-même, le rapport de la Cour des comptes de 2007 ayant fortement souligné la nécessité de soumettre ces revenus à une contribution sociale plus importante !
Ces nouvelles ressources pourraient utilement alimenter le fonds de réserve pour les retraites, qui, à ce jour, n'est pas remis en cause et qui, nous l'espérons, ne le sera pas dans les années futures. Car le défi que constitue le financement de nos régimes de retraite est tel que nous avons besoin de garantir non seulement l'existence, mais aussi l'alimentation de ce fonds. D'où l'utilité de ces ressources nouvelles qui pourraient utilement lui être affectées.
La question des retraites, elle aussi, peut faire l'objet d'une politique différente. La réforme structurelle en matière d'assurance maladie peut se décliner ainsi : mise en avant des réseaux de patients, réforme des études médicales, remise en cause du seul paiement à l'acte pour les médecins, révision de la pratique médicale, investissement sur la prévention et pas simplement sur les soins, le tout pouvant aboutir à des économies. Or, le choix que vous avez opéré consiste essentiellement à allonger la durée de cotisation – comme si c'était la seule solution, même si le débat mérite d'être ouvert compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie – à un moment où les seniors ne trouvent pas d'emploi. Ce n'est d'ailleurs pas le plan pour l'emploi des seniors qui va modifier significativement la situation à l'horizon 2012. La Finlande, un pays qui s'est engagé fortement dans cette direction au cours des dernières années, a eu besoin de cinq ans, avec des mesures beaucoup plus volontaristes que les vôtres, pour engager un véritable changement de pratiques.
Il faut donc, en attendant qu'un plan senior digne de ce nom aboutisse à des résultats dans notre pays, trouver des solutions alternatives. Vous en avez évoquées certaines, comme le transfert des cotisations UNEDIC vers la branche vieillesse. Il faudrait aussi envisager, comme de nombreuses organisations syndicales l'ont demandé, une cotisation patronale supplémentaire de l'ordre de 0,5 point compensant la faible mobilisation des entreprises pour l'emploi des seniors. Il est en effet nécessaire que les entreprises s'engagent sur une voie beaucoup plus volontariste en matière d'emploi des personnes de plus de cinquante-cinq ans.
Je termine, madame la présidente.
Monsieur le ministre, au moment où la situation financière de notre pays est incontestablement difficile, vous devez dire clairement que ne seront pas remis en cause les principes de notre protection sociale que sont l'universalité, la solidarité, la durabilité. Sinon, vous accréditez l'idée que s'estompe dans notre pays l'idée même de solidarité collective et que les Français doivent compter sur leurs économies et sur des assurances privées. Or, par bien des aspects, votre politique va dans ce sens, et c'est pourquoi nous appelons à un changement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le ministre, nous vous avons écouté très attentivement vous exprimer benoîtement, et cela nous a rappelé Giscard d'Estaing et ses « causeries au coin du feu ». Vous économisez tellement et sur tout que vous économisez même sur la langue française en parlant de « zéro volume », « zéro valeur » – comme si cela était compréhensible pour nos concitoyens ! Une chose, néanmoins, ressort clairement de vos propos : le serrage de vis dans tous les domaines. Lors de notre débat sur la révision constitutionnelle, on nous a dit que le rôle du Parlement serait réhabilité : c'est tellement vrai qu'on nous a donné, en entrant en séance, le document sur lequel nous sommes censés discuter…
Vous êtes à la mode, monsieur le ministre, en inventant les finances publiques durables. Pour ma part, à vous entendre, j'avais plutôt compris qu'elles étaient biodégradables ! Derrière les mots, il y a du sens. Et quand vous annoncez – je reprends vos propos – l'équilibre de l'assurance maladie en décrivant des marges d'efficience, l'équilibre atteignable, une discussion sans tabou dans un esprit de dialogue, la nécessité de ne pas limiter la discussion aux seules recettes, vous chutez sur ce qui importe puisque, sur des sujets essentiels, vous ne ferez des annonces que fin juillet, c'est-à-dire quand les Français seront en vacances.
Le débat d'orientation budgétaire a lieu cette année dans un contexte économique, social et environnemental, national et international, de plus en plus dégradé et rapidement évolutif. Mais soyons clairs : cette situation n'est pas le fruit du hasard, elle n'est que le fruit de la logique libérale qui est là vôtre et des politiques menées ces dernières années par vos gouvernements successifs – votre politique ne date pas d'un an, elle dure depuis maintenant six années ! Notre débat de ce matin s'inscrit donc dans une logique qui n'est pas la nôtre et dont les orientations sont inspirées d'une idéologie avec laquelle nous sommes en totale opposition et que nous combattons.
Les crises énergétique, financière, alimentaire, climatique se combinent dans le contexte de la mondialisation et représentent un défi majeur pour notre société déjà fragilisée par la montée des inégalités et de la précarité depuis six ans. La mondialisation idyllique et bienfaisante, facteur de développement économique accéléré et pourvoyeuse de produits à bas prix dans notre pays, que nous dépeignent depuis des années les apôtres de la pensée unique libérale, n'est, aujourd'hui, plus crédible. Vous vous servez de la mondialisation – réelle – comme d'un alibi pour faire croire à nos concitoyens qu'il n'y a pas d'alternative au libéralisme, qu'il n'y a pas d'alternative à votre politique.
Or, la mondialisation est de plus en plus une « machine inégalitaire », selon la formule de Patrick Artus et Marie-Paule Virard dans leur récent ouvrage intitulé Globalisation, le pire est à venir.
Cette analyse des effets actuels et à venir de la mondialisation met en relief des sources de tension et des situations explosives. Nous avons tous en mémoire, par exemple, les émeutes de la faim – qui hélas ! sont appelées à se reproduire – en Égypte, au Maroc, en Indonésie, aux Philippines ou encore à Haïti, ainsi que dans plusieurs pays africains : le Nigeria, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Mozambique, la Mauritanie, le Sénégal, le Burkina Faso. Si l'Afrique est particulièrement vulnérable, c'est parce qu'elle subit la « destruction systématique [de ses] agricultures vivrières », comme le dénonçait Jean Ziegler, rapporteur spécial de la commission des droits de l'homme des Nations unies pour le droit à l'alimentation, dans un article publié en mars sur Le Monde diplomatique.fr.
La mondialisation et ses conséquences sur les plus faibles d'entre nous, ce sont également ces drames, par exemple, au large de nos plages où des immigrés clandestins en quête d'un monde meilleur mettent leur vie en péril. Monsieur le ministre, la misère pousse à l'exil, vers les eldorados illusoires que sont nos pays, et aucune prétendue « immigration choisie » n'arrêtera le flot migratoire provoqué par le désespoir !
La mondialisation s'avère être, selon Patrick Artus et Marie-Paule Virard, « un énorme chaudron qui brûle l'énergie et les matières premières avec les dégâts collatéraux que l'on imagine sur l'environnement ».
Dans le journal Les Échos du 1er juillet dernier, Adrien de Tricornot, journaliste au Monde, présente ainsi les effets de la mondialisation : « Elle met sous pression l'industrie des pays développés et ses salariés, soumis à une concurrence à bas salaires et à faibles protections. À l'inverse, les cadres dirigeants, les experts financiers, les salariés hautement qualifiés de grandes entreprises appartenant à des secteurs favorisés par la mondialisation [...] – ceux que l'on appelle les travailleurs riches, par opposition aux pauvres ayant un emploi – tiennent le haut du pavé ». Il ajoute : « L'économie et la finance mondiales sont d'ailleurs devenues un casino où s'expriment tous les excès du capitalisme financier ». Il n'y a rien d'inéluctable là-dedans.
Cette situation bouscule et ébranle les dogmes fondateurs de la pensée libérale et productiviste qui ont servi d'épine dorsale au programme de la droite et à la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Les promesses alléchantes et les slogans séduisants pour se faire élire – « Je serai le Président du pouvoir d'achat », « Je veux une France de propriétaires », « Travailler plus pour gagner plus » – étaient des leurres, des attrape-nigauds, j'ose même dire, pour emprunter à Nicolas Sarkozy son talent littéraire, son raffinement et sa délicatesse, des attrape-couillons ! Nous vivons la dure réalité : de plus en plus pour les privilégiés ; des fins de mois impossibles pour les plus modestes et les couches moyennes.
Depuis deux semaines, la France exerce la présidence de l'Union européenne et, si l'on en croit les discours ou les représentations données par le Président de la République, on va voir ce qu'on va voir. Or, monsieur le ministre, bien que, à vous en croire, le débat d'orientation budgétaire ne concerne pas que la France, vous n'avez pas dit un mot de ce que pouvait faire notre pays dans le cadre de la présidence de l'Union.
Le Président de la République se tourne vers l'Europe pour lui demander de fournir des remèdes aux crises actuelles. L'ampleur des problèmes justifierait que l'on recherche des solutions communes, mais l'Union européenne souffre précisément des mêmes travers libéraux que la France, ce qui n'a d'ailleurs pas échappé aux Français, il y a trois ans, et qui a largement déterminé leur rejet, par référendum, du traité constitutionnel.
Comment l'Union européenne pourrait-elle protéger les Européens, comme l'y convient les incantations du Président français, alors qu'elle est actuellement construite dans une logique de déréglementation, de concurrence débridée et de destruction des systèmes de protection collective, jugés trop coûteux et déresponsabilisants pour leurs bénéficiaires, comme nous l'a expliqué tout à l'heure Charles-Amédée de Courson à propos de la taxe d'habitation ? Quelles mesures fortes Nicolas Sarkozy, nouveau président en exercice de l'Union, a-t-il annoncées pour convaincre nos partenaires européens de revoir les politiques fiscales européennes ? Avons-nous entendu le Président français plaider en faveur d'une harmonisation fiscale et sociale de progrès, et non de récession ?
Une autre Europe est possible. Or les États membres sont engagés dans une course vers le bas dans les domaines essentiels que sont les politiques sociales et fiscales. Il est important que des contre-mesures soient prises au niveau européen et qu'une course vers le haut soit encouragée par des dispositions spécifiques, dans le cadre d'un nouveau traité. L'Union européenne et ses États sont dans la crise. Vos politiques l'aggravent.
Concrètement, il faudrait prendre des mesures visant à combattre l'évasion et la concurrence fiscales. Notre collègue Chartier a parlé tout à l'heure des fraudes à la TVA intracommunautaire. Il faut faire adopter, au niveau européen, des normes minimales ambitieuses, notamment en matière de taxation des revenus des entreprises et du capital. Il faut remplacer l'insuffisante politique sociale de l'Union par un ensemble transparent et applicable de droits et de minima sociaux ambitieux. Il faut, aux frontières de l'Union, instaurer des droits de douane contre la concurrence déloyale, en incluant des normes sociales et environnementales. Mais, de tout cela, le Président de la République ne parle pas. Il est vrai qu'il faudrait avoir des convictions sociales visant à faire de l'espace de l'Union une aire de progrès visible de la planète entière. Pour cela, il faut un ambitieux dessein politique, et du courage, ce qui n'est pas compatible avec ce théâtre de boulevard qui, aujourd'hui, représente la seule perspective qu'on nous offre.
La multiplication des cadeaux fiscaux injustifiés et très coûteux accordés aux contribuables aisés et aux grandes entreprises, ainsi qu'une inertie certaine dans la lutte anti-fraude, ont détérioré nos finances publiques. La liste des cadeaux est impressionnante. Ce sont les allégements massifs – et sans contrepartie en termes d'emplois – des cotisations sociales des entreprises, pour un montant annuel de plus de 65 milliards d'euros, dont la Cour des comptes a relevé la très faible efficacité : l'argent est là, mais vous ne voulez pas y toucher. Gilles Carrez, notre excellent rapporteur général,…
…a une vertu : il a du mal à dire des choses qui ne sont pas vraies. C'est d'ailleurs pourquoi il ne sera jamais ministre d'un gouvernement de Nicolas Sarkozy. (Sourires.) Ainsi, dans le rapport qu'il a présenté l'autre jour à la commission des finances, il considère que, en fin de compte, on ne sait rien sur les heures supplémentaires. La seule certitude, c'est que les mesures que vous avez prises dans le cadre du TEPA ont fait sortir de la zone grise des heures qui étaient payées au noir.
Mais, pour le pouvoir d'achat, c'est – comme vous diriez – du zéro volume : ça n'a rien apporté de plus. Gilles Carrez nous explique que nous manquons de recul. Tous les cadeaux que vous avez faits n'ont été précédés d'aucune étude d'impact et suivis d'aucune évaluation, parce qu'ils ne sont déterminés que par un positionnement idéologique. Le carnet de chèques est très sollicité, parce que, pour ceux qu'on aime, on ne compte pas : ceux que vous aimez, ce sont ceux qui ont déjà les coffres-forts bien remplis.
Vous avez allégé l'impôt sur le revenu, en particulier en abaissant le taux des tranches supérieures et, donc, en détruisant sa progressivité. Vous avez maintenu et élargi pléthore de niches fiscales, permettant aux contribuables bien conseillés de développer des stratégies d'évasion fiscale, voire de ne pas acquitter d'IRPP, ou d'obtenir une restitution du Trésor, malgré des revenus très élevés. Vous avez opéré des réductions répétées de l'impôt de solidarité sur la fortune, avec l'instauration du bouclier fiscal. Vous avez sous-taxé les stock-options, comme l'a montré la Cour des comptes. Vous avez sous-taxé les revenus du capital, notamment en matière de financement de la protection sociale. En matière de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, les paradis fiscaux et bancaires, vous ne faites pas grand-chose. On attend toujours les suites des affaires du Lichtenstein.
Comme mon temps de parole s'épuise, madame la présidente, et que je sens que vous allez bientôt me rappeler à l'ordre, je voudrais simplement énumérer des mesures qui suffiraient à rétablir les finances publiques : la suppression progressive des exonérations de cotisations sociales, avec le transfert d'une partie de l'assiette des cotisations sociales sur la valeur ajoutée ; l'impôt minimal sur le revenu des contribuables aisés pour limiter l'effet pervers des niches fiscales ; le rétablissement et l'élargissement de la progressivité de l'impôt ; la taxation des mouvements financiers spéculatifs, c'est-à-dire sans contrepartie réelle en biens ou services ; la taxation des profits des compagnies pétrolières, dont, sans doute par discrétion, vous n'avez pas parlé ; l'établissement d'une fiscalité écologique cohérente, se substituant à d'autres prélèvements pour ne pas appauvrir davantage les ménages, incitative pour les comportements vertueux ; la taxation de l'utilisation abusive de l'emploi précaire ; l'action résolue et coordonnée contre le dumping fiscal dans l'Union européenne pour sauvegarder les recettes fiscales et les marges de manoeuvre de chaque État. Monsieur le ministre, ces perspectives sont en totale opposition avec les vôtres. Vos perspectives sont aussi claires que les nôtres, mais nous habitons deux planètes différentes. Vous vivez sur celle du grand capital – comme on disait autrefois, mais l'expression reste d'actualité – et de ses nombreuses filiales, que vous bichonnez. Quant à nous, nous avons pour seule vocation de défendre l'intérêt des gens qui vivent vraiment de leur travail, et pas de l'argent des autres.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cet important débat d'orientation budgétaire, je voudrais concentrer mon propos sur l'avenir du fonds de réserve pour les retraites et du financement de la dette sociale, en commençant par un bref rappel historique. Créé en 1999, par le gouvernement de Lionel Jospin, afin de lisser, à partir de 2020, les besoins de financement du régime de retraite des salariés du privé, le fonds de réserve pour les retraites avait pour objectif initial de cumuler 150 milliards d'euros d'ici à 2020. C'était un objectif ambitieux, intéressant, mais dont nous sommes aujourd'hui très loin.
Le fonds, qui a vu le jour sous forme d'une section comptable spécifique au sein du fonds de solidarité vieillesse, est devenu un établissement autonome en 2001. Il a pour mission de gérer les sommes qui lui sont affectées en les mettant en réserve jusqu'en 2020, afin de contribuer à la pérennité des régimes obligatoires d'assurance vieillesse et des régimes alignés des salariés agricoles et des artisans.
Ce fonds, dont les réserves s'élevaient à 33 milliards d'euros en 2007, perçoit, en vertu de la loi de 2001, différents types de dotations que l'on peut regrouper en quatre catégories : une part du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et de placement ; les excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse ; le produit de cessions d'actifs – privatisations, cession des parts de caisses d'épargne, produit de la vente des licences UMTS – ; des dotations de natures diverses.
Quand on observe l'évolution du fonds depuis sa création et quand on songe à l'ambition qui était celle du gouvernement de l'époque, on peut considérer que, aujourd'hui, le FRR souffre d'au moins trois maux.
Le premier est celui de la pérennité de son financement. L'intention initiale était de porter progressivement ce fonds à 150 milliards d'ici à 2020. Or il ne dispose actuellement que de 33 milliards d'euros. Cela s'explique par plusieurs raisons : le fonds n'a plus été abondé depuis 2002, les recettes de privatisation ayant, depuis, été affectées principalement au désendettement de l'État. Seulement 1,6 milliard d'euros ont été versés à la suite de la privatisation des Autoroutes du Sud de la France. Les autres recettes attendues ont été nulles ou plus faibles que prévu, notamment l'excédent des caisses de retraite, qui s'est finalement transformé en déficit, ou la vente d'une quatrième licence UMTS, qui n'a jamais été bouclée. Les excédents du fonds de solidarité vieillesse ont servi à autre chose : financement des 35 heures, prise en charge de la dette de l'État à l'égard de l'AGIRC-ARRCO ou le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Enfin, les hypothèses originelles étaient beaucoup trop optimistes, comme le taux de chômage estimé à 4,5 % pour 2020. À la fin de 2001, juste après la création du fonds, il manquait déjà environ 2,5 milliards d'euros de versement. Du point de vue du financement, il faut comparer l'hypothèse de 150 milliards, qui sera sans doute difficile à vérifier, de ce que possèdent aujourd'hui les fonds souverains. Un débat utile s'engage : d'autres pays, notamment européens, ont prévu des fonds souverains pour des systèmes de réserve de retraite, dotés, pour certains, de dizaines, voire de centaines de milliards, et tout cela doit nous faire réfléchir.
Une fois encore, cet outil, qui doit permettre d'alléger la charge des générations futures pour les retraites à venir à l'horizon 2020-2040, pâtit d'un manque de cohérence politique. Au vu des dotations annuelles moyennes – 4 milliards d'euros –, le cap initial des 150 milliards semble inaccessible : à ce rythme, le fonds ne couvrirait en 2020 que 22 % des besoins de financement des régimes de retraite. Nous serons donc très loin du compte, et il appartient à la représentation nationale de réfléchir d'ores et déjà à ce qui, demain, constituera un énorme problème. Nombre de nos concitoyens, en effet, sont très inquiets pour leur future retraite.
Le deuxième problème, c'est la gestion assez inadaptée du fonds. Je ne rappellerai pas le mauvais mois de mars et les importantes pertes en bourse, mais la forte exposition du fonds en actions expliquerait son mauvais rendement du début de l'année. C'est d'autant plus vrai que, en octobre dernier, le FRR a décidé d'augmenter la part des actions dans son portefeuille : elle est passée de 60 % à 64,5 %.
Ainsi, depuis le début de l'année, le FRR a perdu 3,1 milliards d'euros sur les marchés financiers, soit 10 % de la valeur de son portefeuille d'actifs au premier trimestre. Le fonds, qui comptait pour 34,5 milliards d'euros d'actifs à la fin 2007, n'en avait plus que 31,4 milliards trois mois plus tard, en raison des turbulences sur les marchés financiers.
Le choix d'investir la majeure partie de ses actifs dans des actions est néanmoins légitime, dans la mesure où, à long terme, celles-ci restent plus rémunératrices et que le fonds est placé pour le long terme. C'est donc à terme que l'on appréciera la performance. Il n'en faut pas moins considérer les difficultés rencontrées par le fonds et signaler au Gouvernement que ces placements en actions sont aujourd'hui peu rémunérateurs.
Le troisième problème, c'est la question de l'avenir du Fonds.
Veuillez investir dans votre conclusion, mon cher collègue. (Sourires.)
Je termine, madame la présidente.
Même si le débat ne vous impose pas, monsieur le ministre, de répondre à tout, je souhaiterais connaître l'intention du Gouvernement en la matière. Le fonds détient aujourd'hui 30 milliards, somme importante qui pourrait intéresser un gouvernement en quête de recettes. On pourrait ainsi être tenté de récupérer tout ou partie de la somme ou l'affecter à autre chose, en considérant que, pour les retraites, on verra bien en 2020. Il est nécessaire de rassurer celles et ceux qui, aujourd'hui, regardent ce fonds avec inquiétude. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Oscar Wilde soulignait l'importance d'être constant. Je crois que s'il y a bien une vertu à laquelle ce débat d'orientation pour les finances publiques doit nous appeler, monsieur le ministre, c'est la constance, la cohérence. Constance et cohérence dans une stratégie, celle de l'équilibre des finances publiques que vous annoncez pour 2012, et que nous voulons.
Le programme de stabilité que vous avez présenté à la Commission européenne et que vous nous avez transmis au printemps évoquait encore l'hypothèse, avec une croissance plus favorable, que cet objectif soit tenu pour 2010. Aujourd'hui, c'est 2012 ; saisissons-en l'augure.
Il faut dès lors, cela a été dit ce matin et l'autre jour en commission – et je suis convaincu que vous partagez cette préoccupation, monsieur le ministre –, préciser les trajectoires, comme le rapporteur général l'a indiqué. Ce sera, à n'en pas douter, l'ambition de la loi de programmation que vous nous présenterez d'ici à quelques semaines, mais je pense que vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous disions aujourd'hui que, manifestement, des progrès considérables doivent être faits d'ici à la loi de programmation.
Par exemple, dans le rapport que vous nous avez transmis pour préparer le débat d'orientation d'aujourd'hui, on trouve un certain nombre d'hypothèses d'évolution des recettes de l'État. Mais sans addition, sans description précise des scénarios selon lesquels sont envisagées ces hypothèses d'évolution de recettes.
En réalité, nous ne savons, ni pour l'an prochain, ni à moyen terme, quelles sont les hypothèses solides sur lesquelles vous travaillez.
… nous ne doutons pas que vous nous livrez l'ensemble des éléments qui sont en votre possession. Mais se pose alors le problème, qui n'est pas moins grave, de l'éclairage et, au fond, de la cohérence de la trajectoire sur laquelle nous sommes.
Monsieur le ministre, il me paraît indispensable que vous précisiez, d'ici à la présentation du projet de loi de programmation, les hypothèses de travail et que vos documents osent faire les additions qui nous permettent de savoir, selon les hypothèses, comment évoluent les recettes, non pas une à une, mais dans leur ensemble.
Les choses sont assez claires : il y a la situation d'aujourd'hui, qui est connue, ou en tout cas supposée l'être, et il y a l'engagement que vous avez pris, et que nous soutenons, pour 2012. Il faut donc que vous précisiez la trajectoire entre aujourd'hui et 2012, ou plus exactement les différentes hypothèses de trajectoire. Car pour 2009, de réelles incertitudes existent sur la croissance et d'autres paramètres économiques, et l'incertitude est encore plus grande pour les années qui suivent. Il faut sûrement envisager des hypothèses plus contrastées qu'elles ne sont encore présentées aujourd'hui dans le programme de stabilité et montrer comment, selon ces hypothèses, vous apportez, nous apportons la garantie, quoi qu'il arrive, de parvenir à l'équilibre des finances publiques en 2012.
C'est, je pense, l'ambition du projet de loi que vous nous présenterez mais je pense que cela doit être dit très fortement dès aujourd'hui, d'autant qu'un certain nombre d'entre nous peuvent être déçus que l'amendement présenté dans le débat sur la réforme institutionnelle sur la règle d'or ait abouti à un dispositif qui n'est pas inintéressant mais qui est bien moins fort que ce qu'on pouvait espérer initialement.
Je souhaite que l'an prochain, lorsque nous nous retrouverons pour le débat d'orientation, vous puissiez nous présenter des additions et des hypothèses précises, sauf à nous retrouver dans un certain flou artistique, en tout cas pour ce qui est de l'appréciation de l'évolution des recettes.
Je ferai la même observation sur le programme de stabilité. Celui-ci doit tenir compte des hypothèses de croissance. Or celles-ci doivent d'évidence être actualisées car les hypothèses prises en compte dans le document que vous nous avez présenté il y a trois mois ne sont pas aujourd'hui confirmées, en tout cas sur le très court terme. Il faut que les deux hypothèses qui sont présentées aujourd'hui dans le programme de stabilité soient affinées et probablement un peu élargies l'une et l'autre car elles correspondent, dans tous les cas, à des variantes d'une hypothèse globalement favorable. Tant mieux si cette hypothèse se vérifie, et nous soutenons votre politique pour que ce soit le cas, mais il faut aussi envisager d'autres circonstances.
Je conclus, madame la présidente.
Constance et cohérence dans la stratégie, je le disais, monsieur le ministre, mais également – et je crois que vous plaidez pour cela – dans toutes les décisions, dans tous les messages qui sont portés par l'action gouvernementale au-delà même des moments de débat budgétaire ou d'orientation budgétaire.
Le choix de la majorité a été de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires. Cela implique un effort considérable sur la dépense. Et si certains ont quelques hésitations à utiliser le mot « rigueur », je crois que le chemin qui est devant nous et le contexte mondial ne nous laissent pas d'autre choix, et il existe bien des manières de positiver ce terme. Ce dont nous avons besoin, monsieur le ministre, c'est de rigueur, et je souhaite que, pour l'exécutif, vous en soyez le porte-parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Je voudrais revenir, monsieur le ministre, sur deux aspects de votre politique qui ne sont pas traités de façon satisfaisante : je veux parler de la fonction publique et des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Je le fais à un moment où une nouvelle attaque contre la fonction publique marque une régression, à mes yeux sans précédent, des conditions d'exercice des missions de service public dans notre pays.
Vous avez annoncé vous-même, le Gouvernement l'a confirmé, la suppression d'au moins 30 000 postes de fonctionnaires dans le budget pour 2009. Ces dizaines de milliers de suppressions de postes décidées ces dernières années vont inéluctablement aggraver les inégalités sociales et porter atteinte à notre équilibre territorial.
Certes, la qualité du service public ne se mesure pas à l'aune des créations ou des suppressions de postes.
Cependant, le service public ne doit pas être une variable d'ajustement budgétaire. Il doit être considéré comme un investissement et un levier de la croissance. Or l'idéologie libérale qui vous anime vous amène à rejeter cette hypothèse.
Par ailleurs, depuis quelque temps, des voix autorisées du Gouvernement, dont la vôtre, formulent la critique selon laquelle les collectivités territoriales seraient responsables de la hausse du nombre de fonctionnaires et donc de la masse salariale publique. C'est un peu vite oublier que la progression des effectifs dans les collectivités territoriales s'explique avant tout par le transfert de compétences de l'État vers ces mêmes collectivités territoriales.
Ainsi, pour les départements en particulier, la situation financière se tend du fait de l'évolution de leurs budgets ces dernières années en raison de la décision de l'État de leur transférer des charges nouvelles : le financement du RMI, les contrats d'avenir, le fonds de solidarité logement, le fonds départemental d'aide aux jeunes, les techniciens, ouvriers et de services dans les collèges, les routes nationales... Il a été nécessaire de renforcer les équipes pour assurer pleinement ces compétences transférées car, c'est bien connu, l'État ne consacrait pas les moyens nécessaires à l'exercice de ses responsabilités.
Aujourd'hui, l'État entend faire peser sur les collectivités la même pression que sur ses administrations.
Se pose donc la question de l'avenir et de la pérennité des missions des collectivités territoriales.
Auront-elles les moyens humains pour continuer à garantir un service public de proximité de qualité ?
Auront-elles les capacités nécessaires pour exister réellement en vertu du principe de libre administration ?
Auront-elles les moyens budgétaires pour affirmer leur identité au-delà de la mise en oeuvre de leurs compétences obligatoires ?
Seront-elles en mesure d'assurer ces compétences de la manière la plus appropriée pour leur territoire ?
Monsieur le ministre, des réponses positives à ces questions, assorties d'une volonté politique de mettre fin à l'étranglement dont sont victimes les collectivités territoriales, contribueraient à recréer le climat de confiance disparu entre l'État et les collectivités territoriales.
En effet, en à peine cinq ans, les dépenses des collectivités territoriales se sont substantiellement accrues, et leur autonomie fiscale s'est réduite. Leur dépendance aux recettes versées par l'État est donc devenue plus forte.
L'accroissement de la part des recettes issues de l'État aurait dû en théorie assurer plus de prévisibilité et de sécurité dans la progression des ressources des collectivités. Il n'en est rien !
Vous considérez comme un progrès la progression annoncée de 1,1 milliard d'euros de l'ensemble des concours de l'État aux collectivités. Mais vous passez sous silence, pudiquement sans doute, que ce 1,1 milliard comprend les 660 millions dus par l'État aux collectivités territoriales en fonction de la loi. C'est dire que la progression des dotations sera inférieure à 1 %, alors que l'inflation est de 3,2 %. C'est le pouvoir d'agir des collectivités qui est menacé, comme l'est par ailleurs le pouvoir d'achat pour les salariés.
À cette incertitude s'ajoutera l'abandon de la compensation accordée par les précédents gouvernements dans le cadre du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion. Je ne vous ai pas entendu confirmer la rumeur selon laquelle le Gouvernement envisagerait de maintenir ce fonds de compensation.
Parallèlement, l'absence de réforme de la fiscalité locale vient rogner, petit à petit, l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Une nouvelle réforme devrait prochainement avoir lieu, qui pourrait se traduire par une exonération de la taxe professionnelle pour tous les nouveaux investissements ou une diminution progressive du plafond de cette taxe. En somme, il s'agirait d'une réforme en trompe-l'oeil, qui ne conduirait qu'à réduire davantage les capacités d'actions des collectivités ou à augmenter la fiscalité des ménages.
Les annonces faites ne répondent absolument pas aux attentes des élus dont les associations défendent une réforme globale de la fiscalité, ainsi qu'ils vous l'ont dit jeudi dernier à la conférence des exécutifs.
Il est urgent et nécessaire pour l'affirmation de notre démocratie locale de réformer en profondeur la fiscalité locale, dont chacun s'accorde à reconnaître le caractère désuet et injuste. Il s'agit d'assurer l'équité entre les territoires, de rétablir le lien entre les citoyens et les collectivités et de renforcer les mécanismes de péréquation au sein de la fiscalité locale.
Cette réforme fiscale est la condition d'une véritable décentralisation dans laquelle les collectivités auront les capacités d'exercer pleinement leurs compétences. Il faut en effet renforcer au plus vite le principe et la réalité de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Je veux croire, monsieur le ministre, que le Gouvernement entendra les inquiétudes et les propositions qui leur sont adressées par les associations d'élus, les régions, les départements, les communes.
Sur un sujet aussi sensible ayant potentiellement des répercussions, il est à mes yeux plus que jamais nécessaire que les collectivités territoriales puissent travailler dans un climat de confiance avec l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, le Gouvernement souhaite poursuivre le débat d'orientation des finances publiques à la reprise de la prochaine séance de l'Assemblée.
Je vous donne acte de vos propos.
En conséquence, la suite du débat d'orientation des finances publiques pour 2009 est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite du débat d'orientation des finances publiques pour 2009 ;
Discussion du projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma