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Intervention de Jérôme Chartier

Réunion du 15 juillet 2008 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2009

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Chartier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je formulerai six observations et trois propositions.

Première observation, tout le monde l'a déjà dit : le contexte économique mondial n'est guère favorable. Nous avons connu il y a un peu moins d'un an une crise du crédit interbancaire ; voilà qu'elle se double d'une crise bancaire. De nombreux établissements de crédit, aux États-Unis notamment, sont en situation délicate. En France, plusieurs directions de groupes bancaires sont déstabilisées. Les conditions d'octroi du crédit vont donc se tendre davantage, ce qui aura un effet direct sur la croissance. À cela vient s'ajouter l'évolution du prix des matières premières, qui a une conséquence directe sur l'inflation. Même si l'on observe une amélioration sur certains marchés, il n'en est pas de même pour le pétrole, pour l'énergie d'une façon générale. Cela aura aussi un impact direct sur la croissance. Bref, les conditions dans lesquelles nous entamons la préparation de la loi de finances pour 2009 ne sont guère favorables au niveau mondial.

Deuxième observation, le budget pour 2009 devra très largement tenir compte des dépenses d'hier et des tensions d'aujourd'hui, qui minent les marges de manoeuvre. Ainsi les pensions représentaient 21 % de l'augmentation des dépenses de l'État entre 2003 et 2007 ; elles en représentent aujourd'hui 39 %. Il faut s'attendre à avoir à honorer chaque année, entre 2008 et 2011, 2,5 milliards d'euros supplémentaires. Autre exemple, la dette : sur la période 2003-2007, 6 % de l'augmentation des dépenses de l'État étaient consacrés à la dette, 32 % aujourd'hui, soit 2 milliards d'euros chaque année en moyenne. Soit la totalité du budget de la culture ou la moitié du budget du Quai d'Orsay ! À eux seuls, ces deux postes – les pensions et la dette – absorbent 71 % de l'augmentation des dépenses de l'État – autrement dit 71 % de nos marges de manoeuvre.

Troisième observation, l'État est comptable des promesses d'hier, comme la baisse de la TVA sur la restauration, serpent de mer de la dépense fiscale. La promesse de passer de 19,6 à 5,5 % a été faite en 2002. Elle devrait être honorée au plus tôt en 2009 ou en 2010. Cela représenterait une perte de recettes fiscales de TVA comprise entre 2 et 2,7 milliards d'euros. Or l'économie mondiale n'est pas un long fleuve tranquille, et les ressources budgétaires pas davantage. Je crois qu'il faut admettre, monsieur le ministre, que l'État n'a peut-être plus les moyens de faire un tel geste.

Je propose une solution alternative : je comprends très bien les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur la restauration sur place, et je vous suggère de créer, comme l'Europe nous y autorise, un troisième taux de TVA intermédiaire entre 5,5 et 19,6, qui serait de 12,5 %. Afin de tenir cette promesse de réduire la TVA sur la restauration, je propose d'augmenter en contrepartie la TVA qui pèse sur la vente à emporter, qui est aujourd'hui à 5,5 %, ce qui ferait un taux unique de 12,5 % pour tout le monde. La croissance des recettes sur la vente à emporter compenserait la réduction de la TVA sur la restauration sur place. Nous pourrions ainsi honorer un engagement pour l'heure difficilement tenable.

Quatrième observation, l'État ne peut être le seul à s'imposer des efforts, toutes choses égales par ailleurs. Ainsi, l'engagement mécanique de croissance des dépenses sur l'inflation doit être revu. Il n'est pas normal que l'État soit le seul à assumer la responsabilité d'une conjoncture dont il n'est pas le décisionnaire. Il est temps de tenir un discours adulte sur les ressources attribuées aux collectivités territoriales. Elles ne doivent plus être indexées, elles doivent faire l'objet d'un débat.

Cinquième observation, la priorité incontournable doit rester la réduction du déficit, Gilles Carrez l'a dit tout à l'heure : la pause décidée en 2008 doit prendre fin en 2009. Au-delà de la croissance zéro volume, la révision générale des politiques publiques doit s'amplifier. La diminution des effectifs dans la fonction publique doit se poursuivre et s'intensifier, et doit bénéficier en totalité à la réduction du coût de l'État.

En 2008, vous l'avez dit, les baisses d'effectifs ont permis de faire diminuer le budget de l'État de 454 millions d'euros, mais la moitié seulement de cette somme, soit 227 millions d'euros, a été consacrée à la réduction du déficit, l'autre moitié a servi à revaloriser les traitements des fonctionnaires. En 2009, cela devrait représenter environ 1 milliard d'euros, dont 500 millions seulement iront à la réduction du déficit. Monsieur le ministre, au-delà de la promesse présidentielle, qui a été tenue, les conditions économiques et budgétaires particulières nous imposent d'accomplir un effort pour réduire le déficit. Il faudrait peut-être revoir ce principe de parité entre la réduction du déficit et la revalorisation des traitements des fonctionnaires.

Sixième observation, on ne peut conduire un travail complet sur les dépenses sans l'accompagner par un travail tout aussi complet sur les recettes. Lorsque le Canada a entrepris en 1992 une vaste opération de réduction du déficit budgétaire, qui s'est traduite par une réduction de 20 % des dépenses de l'État fédéral, il a mené en même temps un travail sur les recettes, qui s'est traduit par une croissance de 6 % de ses recettes nettes. Nous pourrions suivre cet exemple en engageant un débat approfondi sur les dépenses fiscales.

La sagesse, monsieur le ministre, serait d'ouvrir lors de la discussion du projet de loi de finances un débat, qui promet d'être long, certes, mais qui sera forcément utile et productif, sur chacune des 486 dépenses fiscales – certaines d'entre elles, à croire le rapport de Gilles Carrez, sont d'ailleurs difficiles, voire impossibles à évaluer.

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