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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 15 juillet 2008 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2009

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Le débat d'orientation budgétaire a lieu cette année dans un contexte économique, social et environnemental, national et international, de plus en plus dégradé et rapidement évolutif. Mais soyons clairs : cette situation n'est pas le fruit du hasard, elle n'est que le fruit de la logique libérale qui est là vôtre et des politiques menées ces dernières années par vos gouvernements successifs – votre politique ne date pas d'un an, elle dure depuis maintenant six années ! Notre débat de ce matin s'inscrit donc dans une logique qui n'est pas la nôtre et dont les orientations sont inspirées d'une idéologie avec laquelle nous sommes en totale opposition et que nous combattons.

Les crises énergétique, financière, alimentaire, climatique se combinent dans le contexte de la mondialisation et représentent un défi majeur pour notre société déjà fragilisée par la montée des inégalités et de la précarité depuis six ans. La mondialisation idyllique et bienfaisante, facteur de développement économique accéléré et pourvoyeuse de produits à bas prix dans notre pays, que nous dépeignent depuis des années les apôtres de la pensée unique libérale, n'est, aujourd'hui, plus crédible. Vous vous servez de la mondialisation – réelle – comme d'un alibi pour faire croire à nos concitoyens qu'il n'y a pas d'alternative au libéralisme, qu'il n'y a pas d'alternative à votre politique.

Or, la mondialisation est de plus en plus une « machine inégalitaire », selon la formule de Patrick Artus et Marie-Paule Virard dans leur récent ouvrage intitulé Globalisation, le pire est à venir.

Cette analyse des effets actuels et à venir de la mondialisation met en relief des sources de tension et des situations explosives. Nous avons tous en mémoire, par exemple, les émeutes de la faim – qui hélas ! sont appelées à se reproduire – en Égypte, au Maroc, en Indonésie, aux Philippines ou encore à Haïti, ainsi que dans plusieurs pays africains : le Nigeria, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Mozambique, la Mauritanie, le Sénégal, le Burkina Faso. Si l'Afrique est particulièrement vulnérable, c'est parce qu'elle subit la « destruction systématique [de ses] agricultures vivrières », comme le dénonçait Jean Ziegler, rapporteur spécial de la commission des droits de l'homme des Nations unies pour le droit à l'alimentation, dans un article publié en mars sur Le Monde diplomatique.fr.

La mondialisation et ses conséquences sur les plus faibles d'entre nous, ce sont également ces drames, par exemple, au large de nos plages où des immigrés clandestins en quête d'un monde meilleur mettent leur vie en péril. Monsieur le ministre, la misère pousse à l'exil, vers les eldorados illusoires que sont nos pays, et aucune prétendue « immigration choisie » n'arrêtera le flot migratoire provoqué par le désespoir !

La mondialisation s'avère être, selon Patrick Artus et Marie-Paule Virard, « un énorme chaudron qui brûle l'énergie et les matières premières avec les dégâts collatéraux que l'on imagine sur l'environnement ».

Dans le journal Les Échos du 1er juillet dernier, Adrien de Tricornot, journaliste au Monde, présente ainsi les effets de la mondialisation : « Elle met sous pression l'industrie des pays développés et ses salariés, soumis à une concurrence à bas salaires et à faibles protections. À l'inverse, les cadres dirigeants, les experts financiers, les salariés hautement qualifiés de grandes entreprises appartenant à des secteurs favorisés par la mondialisation [...] – ceux que l'on appelle les travailleurs riches, par opposition aux pauvres ayant un emploi – tiennent le haut du pavé ». Il ajoute : « L'économie et la finance mondiales sont d'ailleurs devenues un casino où s'expriment tous les excès du capitalisme financier ». Il n'y a rien d'inéluctable là-dedans.

Cette situation bouscule et ébranle les dogmes fondateurs de la pensée libérale et productiviste qui ont servi d'épine dorsale au programme de la droite et à la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Les promesses alléchantes et les slogans séduisants pour se faire élire – « Je serai le Président du pouvoir d'achat », « Je veux une France de propriétaires », « Travailler plus pour gagner plus » – étaient des leurres, des attrape-nigauds, j'ose même dire, pour emprunter à Nicolas Sarkozy son talent littéraire, son raffinement et sa délicatesse, des attrape-couillons ! Nous vivons la dure réalité : de plus en plus pour les privilégiés ; des fins de mois impossibles pour les plus modestes et les couches moyennes.

Depuis deux semaines, la France exerce la présidence de l'Union européenne et, si l'on en croit les discours ou les représentations données par le Président de la République, on va voir ce qu'on va voir. Or, monsieur le ministre, bien que, à vous en croire, le débat d'orientation budgétaire ne concerne pas que la France, vous n'avez pas dit un mot de ce que pouvait faire notre pays dans le cadre de la présidence de l'Union.

Le Président de la République se tourne vers l'Europe pour lui demander de fournir des remèdes aux crises actuelles. L'ampleur des problèmes justifierait que l'on recherche des solutions communes, mais l'Union européenne souffre précisément des mêmes travers libéraux que la France, ce qui n'a d'ailleurs pas échappé aux Français, il y a trois ans, et qui a largement déterminé leur rejet, par référendum, du traité constitutionnel.

Comment l'Union européenne pourrait-elle protéger les Européens, comme l'y convient les incantations du Président français, alors qu'elle est actuellement construite dans une logique de déréglementation, de concurrence débridée et de destruction des systèmes de protection collective, jugés trop coûteux et déresponsabilisants pour leurs bénéficiaires, comme nous l'a expliqué tout à l'heure Charles-Amédée de Courson à propos de la taxe d'habitation ? Quelles mesures fortes Nicolas Sarkozy, nouveau président en exercice de l'Union, a-t-il annoncées pour convaincre nos partenaires européens de revoir les politiques fiscales européennes ? Avons-nous entendu le Président français plaider en faveur d'une harmonisation fiscale et sociale de progrès, et non de récession ?

Une autre Europe est possible. Or les États membres sont engagés dans une course vers le bas dans les domaines essentiels que sont les politiques sociales et fiscales. Il est important que des contre-mesures soient prises au niveau européen et qu'une course vers le haut soit encouragée par des dispositions spécifiques, dans le cadre d'un nouveau traité. L'Union européenne et ses États sont dans la crise. Vos politiques l'aggravent.

Concrètement, il faudrait prendre des mesures visant à combattre l'évasion et la concurrence fiscales. Notre collègue Chartier a parlé tout à l'heure des fraudes à la TVA intracommunautaire. Il faut faire adopter, au niveau européen, des normes minimales ambitieuses, notamment en matière de taxation des revenus des entreprises et du capital. Il faut remplacer l'insuffisante politique sociale de l'Union par un ensemble transparent et applicable de droits et de minima sociaux ambitieux. Il faut, aux frontières de l'Union, instaurer des droits de douane contre la concurrence déloyale, en incluant des normes sociales et environnementales. Mais, de tout cela, le Président de la République ne parle pas. Il est vrai qu'il faudrait avoir des convictions sociales visant à faire de l'espace de l'Union une aire de progrès visible de la planète entière. Pour cela, il faut un ambitieux dessein politique, et du courage, ce qui n'est pas compatible avec ce théâtre de boulevard qui, aujourd'hui, représente la seule perspective qu'on nous offre.

La multiplication des cadeaux fiscaux injustifiés et très coûteux accordés aux contribuables aisés et aux grandes entreprises, ainsi qu'une inertie certaine dans la lutte anti-fraude, ont détérioré nos finances publiques. La liste des cadeaux est impressionnante. Ce sont les allégements massifs – et sans contrepartie en termes d'emplois – des cotisations sociales des entreprises, pour un montant annuel de plus de 65 milliards d'euros, dont la Cour des comptes a relevé la très faible efficacité : l'argent est là, mais vous ne voulez pas y toucher. Gilles Carrez, notre excellent rapporteur général,…

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