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Intervention de Michel Sapin

Réunion du 15 juillet 2008 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2009

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Sapin :

..que révèlent aussi bien les outils statistiques que les simples conversations que nous pouvons avoir, que nous soyons de droite ou de gauche, avec nos concitoyens : eux nous disent la vérité de la situation telle qu'ils la ressentent.

Mais ce ne sont pas seulement le pouvoir d'achat et la confiance des ménages qui se dégradent, c'est la compétitivité de notre économie qui est frappée en profondeur. Je crois que personne aujourd'hui n'a cité le chiffre de notre déficit commercial, ce juge de paix de la compétitivité d'une économie : il ne cesse d'augmenter, non d'année en année, mais de mois en mois.

Avec une économie profondément dégradée et un pouvoir d'achat en berne, la France aborde donc la crise alors que sa santé est très mauvaise.

Or cette crise internationale ne fait que commencer, comme vous avez eu le courage et l'honnêteté de le reconnaître, monsieur Chartier. La crise financière qui frappe les États-Unis, si elle est largement entamée, n'est pas terminée, et ses effets commencent seulement à se faire sentir en France, y menaçant la stabilité des grandes institutions financières, dont certaines sont aujourd'hui dans la tourmente, ou resserrant le crédit octroyé aux acteurs économiques, ménages ou entreprises.

Cette crise s'aggrave d'une crise monétaire, crise rampante, sourde, beaucoup moins spectaculaire que les autres, mais qui a des effets en termes de disparité des évaluations des différentes monnaies dans le monde et en termes de taux d'intérêt s'agissant de l'Europe.

À cela s'ajoute une crise massive des matières premières, qu'il s'agisse de l'énergie, son élément le plus spectaculaire, de l'alimentation ou du bâtiment.

Nous aboutissons donc à cette situation de devoir affronter une crise internationale qui est en grande partie encore devant nous, avec une inflation forte et une croissance en baisse. Cette situation, inconnue depuis très longtemps, rend encore plus difficile la prise de mesures propres à amoindrir, voire à contrecarrer la crise.

Si, du fait de cette mauvaise santé, la France est impuissante au moment où elle doit affronter cette crise internationale, elle le doit en grande partie aux décisions que vous avez prises l'année dernière. Vous avez dilapidé une grande partie des marges budgétaires qui auraient pu être utilisées autrement. Vous rappeliez à juste titre, monsieur le rapporteur général, que quatorze des vingt milliards de recettes supplémentaires de 2007 avaient été utilisées, soit à des baisses d'impôts, soit à des exonérations de cotisations sociales, et tout cela en vain !

L'honnêteté vous contraint aujourd'hui à reconnaître pour cette année des moins-values fiscales, soit une augmentation du déficit, pour les raisons très bien exposées par M. le rapporteur général. Au moment où les pays qui ont reconstitué leurs marges de manoeuvre budgétaire pour remédier aux deux grandes faiblesses de notre économie, le pouvoir d'achat et la compétitivité des entreprises. On pouvait, par des mesures ciblées, améliorer le pouvoir d'achat des ménages, même s'il convenait d'agir avec modération. De même, on pouvait inciter les entreprises à investir et à innover, par des outils fins et ciblés, plutôt que de recourir à des exonérations de cotisations sociales massives et terriblement coûteuses pour les finances publiques.

Tel est, de mon point de vue, le contexte économique global, et s'il est certes difficile, ce n'est pas simplement pour des raisons exogènes : c'est aussi la conséquence des décisions politiques que vous avez prises.

Aujourd'hui, alors qu'il faudrait changer de ton, de dynamique, en un mot de politique, alors qu'il faudrait avoir le courage de dire aux Français la vérité sur la situation de la France, de l'Europe et du monde, et à nos partenaires européens la vérité sur notre situation, tout particulièrement dans cette période où la France préside l'Union européenne, le Gouvernement a fait, non sans talent, le choix de la fuite en avant, se réfugiant dans la répétition du même discours sur lui-même, auquel peu de monde croit, et auquel vous-même bien souvent ne croyez plus.

Là où il aurait fallu la vérité, il vous reste l'habileté, et quand l'habileté elle-même vous fait défaut, il ne vous reste que la banalisation ou la dissimulation. Vous n'avez plus qu'à faire porter le mistigri par d'autres, notamment par les collectivités locales, comme d'autres orateurs le démontreront après moi.

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