En matière d'inflation, nous nous comportons plutôt mieux que la moyenne européenne. Le chômage est à un niveau historiquement bas : 300 000 emplois ont été créés dans le secteur marchand. À cela on peut ajouter le succès de la mesure sur les heures supplémentaires.
Néanmoins, nous ne serons pas exonérés des conséquences de la crise chez un certain nombre de nos voisins. Le secteur financier en Allemagne va souffrir plus que chez nous, et le déplacement que nous avons effectué à Berlin m'a permis de constater que la Caisse des dépôts allemande a perdu six milliards d'euros, notamment dans la recapitalisation des landesbanks. L'Espagne, autre de nos partenaires importants, est, quant à elle, très affectée par la mécanique de subprimes mise en place sur son marché immobilier.
Toutes ces difficultés rendent obligatoire le soutien au mesures engagées par le Gouvernement, notamment à sa politique de restructuration menée grâce à la RGPP et à la réduction des effectifs de la fonction publique. Je rappelle ici que le rapport annuel sur l'état de la fonction publique établissait que, entre 1982 et 2003 – ce qui correspond à une durée pendant laquelle les gouvernements en exercice ont connu des périodes de croissance –, les effectifs de la fonction publique se sont accrus de 24 %, pour une moitié dans les seules collectivités territoriales et, pour l'autre, principalement dans le secteur de l'État. Les efforts qui ont été engagés depuis pour réduire le nombre des emplois de la fonction publique ou pour une gestion plus efficace de ces emplois restent à ce jour limités. Le Premier ministre a raison lorsqu'il dit que toute politique doit être soumise à évaluation ; le Gouvernement s'est attelé à cette tâche, et le groupe UMP le soutient.
J'en viens aux problèmes fondamentaux, au premier rang desquels la protection de la dépense fiscale. Je ne veux par revenir sur tout ce qui a été dit. L'objectif de dépense fiscale est une mesure positive. La décision du Premier ministre de limiter les niches dans le temps et de les soumettre à évaluation va également dans le bons sens, de même que le recensement nécessaire des mesures prises en cours d'année, au moment de la loi de finances initiale.
Souscrivant à ces orientations, je voudrais maintenant dire un mot de deux sujets qui me préoccupent particulièrement. Les opérateurs, tout d'abord. Comme la commission des finances, la Cour des comptes souligne depuis plusieurs années l'importance de l'articulation des politiques entre l'État et les opérateurs. C'est ainsi que les suppressions d'emplois dans les services de l'État risquent, comme l'écrit la Cour, d'être en partie compensées par des créations d'emplois chez les opérateurs.
Toujours selon le rapport de la Cour, les personnels des établissements publics nationaux se sont sensiblement accrus jusqu'en 2005, avec une augmentation de 17 000 agents pour cette seule année. Par ailleurs, les données fragmentaires disponibles sur les opérateurs pour la période 2006 à 2008 laissent prévoir une augmentation de 14 000 agents, ce qui correspond à peu près au tiers des suppressions de postes dans les services de l'État.
La Cour préconise une présentation consolidée des finances de l'État et des principaux opérateurs dans les documents budgétaires ou de programmation pluriannuelle, ainsi qu'un approfondissement de nos connaissances dans la gestion des effectifs.
Ces recommandations de la Cour doivent être suivies. Il nous faut mieux connaître les effectifs des opérateurs. Il nous faut veiller à ce que chaque grand opérateur public soit lié à l'État par des contrats d'objectif. Je suggère, monsieur le ministre, que ces contrats d'objectif soient d'ailleurs transmis aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, afin que les rapporteurs spéciaux puissent s'en saisir.
Il nous faut aussi, dans le même état d'esprit que celui qui nous conduit à limiter dans le temps les dépenses fiscales, ou du moins les niches fiscales, nous interroger régulièrement sur les recettes affectées aux opérateurs, ce qui supposerait que le Parlement puisse se pencher sur l'efficacité avec laquelle sont utilisées ces recettes et en délibérer de manière périodique.
Enfin, je pense qu'il est nécessaire, pour ne pas dire indispensable, de surveiller de plus près les emprunts et les capacités d'emprunt des opérateurs. J'ai retrouvé, il y a quelques jours, dans le cadre des travaux de la MILOLF, un dossier déjà soumis à la Caisse des dépôts au titre des prêts effectués sur les fonds d'épargne. Cela concerne le niveau des emprunts que les agences de l'eau souhaitent contracter afin de faire face aux pics de dépenses liés à la mise aux normes européennes en matière d'assainissement. Or il y a lieu de se demander si les agences de l'eau pourront réellement rembourser les annuités de ces emprunts avec les taxes qu'elles prélèvent et compte tenu de l'utilisation de celles-ci. Nous savons très bien quelle est l'inflation normative en matière d'eau et d'assainissement. Le risque, soit d'une aggravation des prélèvements sur les usagers, soit d'une nécessité pour l'État de se substituer aux agences de l'eau pour le remboursement des emprunts, n'est donc pas nul, ce qui justifie que nous nous intéressions à la politique des opérateurs en matière d'emprunts.
Toujours à propos des opérateurs, le document de présentation du débat d'orientation budgétaire qui nous a été remis tout à l'heure précise que la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement mobilise des leviers budgétaires mais également réglementaires et fiscaux, et que, je cite, « les opérateurs de l'État, en particulier l'ADEME et l'AFITF seront mobilisés pour assurer la mise en oeuvre des décisions du Grenelle dans leurs champs de compétence ». Monsieur le ministre, je m'interroge, sauf recettes nouvelles, sur les marges de manoeuvre desdits opérateurs, quant on sait que l'AFITF, avec 900 millions d'euros de recettes par an, se trouvera entre 2009 et 2012 dans une véritable impasse financière.
Je terminerai par un mot sur nos outils de travail – missions, programmes et indicateurs –, pour saluer, tout d'abord, la prise en compte des observations faites par le Parlement sur la présentation des stratégies de performances, le recentrage des objectifs et des indicateurs sur les principaux enjeux du programme, la définition commune des opérateurs portant sur les fonctions support, bureautique, GRH et immobilier, l'amélioration enfin de la lisibilité des objectifs et des indicateurs. La suppression d'une centaine d'indicateurs et la réduction du nombre des missions et des programmes va dans le bon sens.
J'aurai toutefois une observation à formuler à propos de l'un des deux nouveaux programmes créés : celui relatif aux autorités indépendantes. Depuis des années en effet, la commission des finances s'oppose au regroupement dans un seul programme ou une seule mission des autorités indépendantes. Celles-ci sont liées à une mission ou à un programme, et, si nous voulons maintenir une évaluation à coût complet de nos politiques, il faut que les autorités indépendantes restent liées aux politiques auxquelles elles sont rattachées.
Par ailleurs, nous savons très bien que les autorités indépendantes – dont je respecte, par ailleurs, l'utilité du travail – ont tendance à limiter la capacité d'action de la représentation nationale. La consolidation dans un seul ensemble de ces autorités indépendantes ne va donc pas dans le sens de la revalorisation du rôle du Parlement préconisée par ailleurs, notamment lors du débat constitutionnel.