Cependant, le service public ne doit pas être une variable d'ajustement budgétaire. Il doit être considéré comme un investissement et un levier de la croissance. Or l'idéologie libérale qui vous anime vous amène à rejeter cette hypothèse.
Par ailleurs, depuis quelque temps, des voix autorisées du Gouvernement, dont la vôtre, formulent la critique selon laquelle les collectivités territoriales seraient responsables de la hausse du nombre de fonctionnaires et donc de la masse salariale publique. C'est un peu vite oublier que la progression des effectifs dans les collectivités territoriales s'explique avant tout par le transfert de compétences de l'État vers ces mêmes collectivités territoriales.
Ainsi, pour les départements en particulier, la situation financière se tend du fait de l'évolution de leurs budgets ces dernières années en raison de la décision de l'État de leur transférer des charges nouvelles : le financement du RMI, les contrats d'avenir, le fonds de solidarité logement, le fonds départemental d'aide aux jeunes, les techniciens, ouvriers et de services dans les collèges, les routes nationales... Il a été nécessaire de renforcer les équipes pour assurer pleinement ces compétences transférées car, c'est bien connu, l'État ne consacrait pas les moyens nécessaires à l'exercice de ses responsabilités.
Aujourd'hui, l'État entend faire peser sur les collectivités la même pression que sur ses administrations.
Se pose donc la question de l'avenir et de la pérennité des missions des collectivités territoriales.
Auront-elles les moyens humains pour continuer à garantir un service public de proximité de qualité ?
Auront-elles les capacités nécessaires pour exister réellement en vertu du principe de libre administration ?
Auront-elles les moyens budgétaires pour affirmer leur identité au-delà de la mise en oeuvre de leurs compétences obligatoires ?
Seront-elles en mesure d'assurer ces compétences de la manière la plus appropriée pour leur territoire ?
Monsieur le ministre, des réponses positives à ces questions, assorties d'une volonté politique de mettre fin à l'étranglement dont sont victimes les collectivités territoriales, contribueraient à recréer le climat de confiance disparu entre l'État et les collectivités territoriales.
En effet, en à peine cinq ans, les dépenses des collectivités territoriales se sont substantiellement accrues, et leur autonomie fiscale s'est réduite. Leur dépendance aux recettes versées par l'État est donc devenue plus forte.
L'accroissement de la part des recettes issues de l'État aurait dû en théorie assurer plus de prévisibilité et de sécurité dans la progression des ressources des collectivités. Il n'en est rien !
Vous considérez comme un progrès la progression annoncée de 1,1 milliard d'euros de l'ensemble des concours de l'État aux collectivités. Mais vous passez sous silence, pudiquement sans doute, que ce 1,1 milliard comprend les 660 millions dus par l'État aux collectivités territoriales en fonction de la loi. C'est dire que la progression des dotations sera inférieure à 1 %, alors que l'inflation est de 3,2 %. C'est le pouvoir d'agir des collectivités qui est menacé, comme l'est par ailleurs le pouvoir d'achat pour les salariés.
À cette incertitude s'ajoutera l'abandon de la compensation accordée par les précédents gouvernements dans le cadre du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion. Je ne vous ai pas entendu confirmer la rumeur selon laquelle le Gouvernement envisagerait de maintenir ce fonds de compensation.
Parallèlement, l'absence de réforme de la fiscalité locale vient rogner, petit à petit, l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Une nouvelle réforme devrait prochainement avoir lieu, qui pourrait se traduire par une exonération de la taxe professionnelle pour tous les nouveaux investissements ou une diminution progressive du plafond de cette taxe. En somme, il s'agirait d'une réforme en trompe-l'oeil, qui ne conduirait qu'à réduire davantage les capacités d'actions des collectivités ou à augmenter la fiscalité des ménages.
Les annonces faites ne répondent absolument pas aux attentes des élus dont les associations défendent une réforme globale de la fiscalité, ainsi qu'ils vous l'ont dit jeudi dernier à la conférence des exécutifs.
Il est urgent et nécessaire pour l'affirmation de notre démocratie locale de réformer en profondeur la fiscalité locale, dont chacun s'accorde à reconnaître le caractère désuet et injuste. Il s'agit d'assurer l'équité entre les territoires, de rétablir le lien entre les citoyens et les collectivités et de renforcer les mécanismes de péréquation au sein de la fiscalité locale.
Cette réforme fiscale est la condition d'une véritable décentralisation dans laquelle les collectivités auront les capacités d'exercer pleinement leurs compétences. Il faut en effet renforcer au plus vite le principe et la réalité de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Je veux croire, monsieur le ministre, que le Gouvernement entendra les inquiétudes et les propositions qui leur sont adressées par les associations d'élus, les régions, les départements, les communes.
Sur un sujet aussi sensible ayant potentiellement des répercussions, il est à mes yeux plus que jamais nécessaire que les collectivités territoriales puissent travailler dans un climat de confiance avec l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)