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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 15 juillet 2008 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2009

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Cela aurait été d'ailleurs complètement ridicule. Vous l'avez souligné : le diagnostic est assez clair. Sans chercher à en attribuer la responsabilité aux uns plutôt qu'aux autres, je constate simplement que nous n'avons pas suffisamment mis à profit les années de croissance extrêmement forte pour réduire les déficits et réformer les structures. Il est plus facile de réparer le bateau lorsque le temps est beau, chaud et que la mer est calme que lorsque les événements sont déchaînés, à plus forte raison si l'on décide de sortir du port ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes confrontés à une telle situation, véritable enjeu pour les responsables politiques. Nous avons donc décidé de relever ce défi. Ce qui compte, c'est de s'attaquer au mal en maîtrisant évidemment la dépense ; on en a beaucoup parlé, je n'y reviendrai donc pas. Mais, comme vous et comme l'a précisé Gilles Carrez, le budget pluriannuel est un instrument que l'on ne doit pas sous-évaluer. Vous ne vous rendez pas compte à quel point cela a été globalement difficile à faire accepter aux ministres, que je peux comprendre. Des réformes sont en effet en cours. Ils n'ont pas envie d'afficher immédiatement leurs résultats financiers. Il leur est donc plus pratique de parler des actions pour 2010 et 2011 et de faire preuve, dans un premier temps, de modération et de discrétion. Nous avons voulu, pour ce qui nous concerne, faire jouer cette transparence grâce à un budget pluriannuel, outil de pilotage très précis et contraignant, amené à intégrer de nombreuses futures réformes et leurs résultats. Il s'améliorera certainement dans le temps, ce qui est essentiel.

S'agissant des recettes, ce moment de l'année est particulier. Dans la tradition de la construction budgétaire du pays, on s'attaque d'abord au volet des dépenses, puis on affine au fur et à mesure celui des recettes. Nous devrons aussi évoluer sur ce point. La pression des parlementaires en la matière est significative – c'est en tout cas ainsi que je le ressens. Nous devons être à peu près au même niveau de préparation sur les deux éléments constitutifs d'un budget que sont les recettes et les dépenses, comme l'a rappelé le rapporteur général. Nous allons donc évidemment nous y employer et j'espère que, l'année prochaine, nous serons plus avancés sur la partie recettes, que nous sommes en train d'affiner. Des arbitrages auront lieu pendant l'été et jusqu'au début du mois de septembre ; ils feront ensuite débat au Parlement, puisque la partie recettes fait traditionnellement l'objet de nombreux amendements.

Préserver la ressource fiscale est, c'est évident, un impératif, Gilles Carrez tout comme Didier Migaud s'en sont longuement expliqués. D'autres pays ont redressé leurs finances publiques en préservant toujours la recette fiscale. C'est pourquoi le travail à opérer sur les niches, qui sont incitatives, donc essentielles, est très important. Nous utilisons l'outil fiscal – nous le verrons dans le domaine de l'environnement – mais la préservation de la recette fiscale est excessivement importante. J'en serai évidemment le gardien. Les avancées sont nombreuses dans le domaine de la croissance. Je sais que nous ne portons pas le même regard, mais le mien, comme celui de l'ensemble du Gouvernement, est positif. Un gain de croissance de 0,65 % obtenu petit à petit n'est pas négligeable ; et ce n'est pas parce qu'on annonce un taux de croissance prudent que l'on ne prend pas en compte les mesures déjà prises – ou que l'on n'y croit pas. Nous devons faire preuve de prudence, à plus forte raison lorsque l'on trace pour trois ans une trajectoire des finances publiques ; loin d'être une contradiction, cela marque notre souci de lucidité et de réalisme.

Comme je l'ai clairement indiqué, le revenu de solidarité active ne figure pas aujourd'hui, et c'est normal, dans le budget. En effet, le Gouvernement n'en a pas précisé les modalités, le Parlement ne s'est pas exprimé et la loi n'a pas été votée. Nous en sommes pour l'instant à un arbitrage politique. Lorsque les modalités précises d'exécution auront été arrêtées, nous intégrerons évidemment le RSA au budget, en dépenses mais aussi en recettes, ne serait-ce que par principe.

J'ai donné mon sentiment sur les niches fiscales. Je crois beaucoup à l'objectif national de dépenses fiscales et sociales, cher Yves Bur. Nous devons nous doter d'un véritable outil de pilotage. Le Parlement, au fur et à mesure du temps et dans un dialogue avec le gouvernement, s'est doté d'outils de meilleur pilotage qui apportent beaucoup et permettent de modérer, voire d'éviter les « points de fuite », comme disent les spécialistes budgétaires.

La dette sociale pèse lourd. Yves Bur et Didier Migaud s'en sont souciés, comme tout le monde évidemment. C'est un élément marquant de nos finances publiques. Je propose qu'on la rembourse par l'intermédiaire du fonds de solidarité vieillesse. Plusieurs possibilités s'ouvraient à nous, que l'on a écartées. Nous avons ainsi considéré, en accord avec les partenaires sociaux, que le fonds de réserve pour les retraites n'était pas une bonne piste ; et augmenter la CSG et la CRDS serait très contradictoire avec le discours de la majorité sur le pouvoir d'achat. Or cette dette existe alors que l'on enregistre des excédents d'un autre côté. Ce solde positif du fonds de solidarité vieillesse, dû à la bonne tenue de l'emploi, permettra d'apporter un financement supplémentaire à la CADES, de lui transférer la dette, aujourd'hui logée à l'ACOSS, et du coup de réduire les frais financiers – près de 1,5 milliard – qui pèsent sur le régime général, ainsi que Yves Bur l'a expliqué. Ce sujet est donc extrêmement important : il serait assez paradoxal d'affecter les excédents du FSV au financement du fonds de réserve pour les retraites. Financer le FRR est une chose, mais financer un surplus de financement alors que l'on connaît, par ailleurs, d'importants déficits et une incapacité à financer la dette existante, serait en soi quelque peu bizarre. C'est pourquoi nous nous y refusons : le fonds de réserve pour les retraites sera préservé et la dette sera remboursée avec des excédents de financement du FSV. Quant aux taux de CSG et CRDS, ils seront précisés cet été.

S'agissant des collectivités locales, je me refuse à stigmatiser qui que ce soit. Je ne comprends pas très bien ce débat « collectivités-État ». Je le répète : c'est le même contribuable, le même assuré social, ce sont les mêmes déficits qui pèsent sur les mêmes enfants dans les mêmes conditions. Je suis maire comme la plupart d'entre vous, je mesure la difficulté de l'exercice. Mais on ne vit pas dans un îlot, qui serait celui des collectivités locales, au milieu d'une sorte d'océan, qui serait celui des finances publiques. La marge d'autofinancement des collectivités locales permet ou non de limiter le besoin de financement, c'est-à-dire l'appel à l'emprunt. Nous devrons dans le temps réguler le rapport entre l'État et les collectivités territoriales. Les conditions financières et économiques ne sont plus du tout les mêmes qu'à une certaine époque. La frontière entre l'État et les collectivités est devenue immense, elle fait des centaines de kilomètres de long, c'est une façade maritime considérable ! Elle est de plus de 55 milliards, sans compter les impôts affectés ! On doit pouvoir y instaurer des règles de fonctionnement et de financement. Nous avons au moins le courage de les annoncer longtemps à l'avance et d'en discuter. Nous ne le faisons pas au détour d'un amendement. Le Premier ministre et moi l'assumons. Nous pouvons avoir un débat responsable qui ne mette pas en péril le financement des collectivités locales. On ne peut pas prétendre vouloir réduire la dépense et mettre totalement de côté 55 milliards d'euros de dépenses, et ce quelle que soit la façon dont cela joue sur le solde ! Il faut instaurer une nouvelle manière de discuter sans chercher à diaboliser qui que ce soit. Les collectivités comme l'État jouent un rôle majeur dans le développement du pays.

J'ai noté votre inquiétude sur les recettes, monsieur Carrez. Qui pourrait penser le contraire ? Il est vrai qu'elles sont plutôt en diminution par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. La crise passe par là. Pour l'impôt sur les sociétés, contrairement à ce qui s'est passé pendant des années, nous n'aurons probablement pas de bonnes nouvelles. Quant à l'impôt sur le revenu, l'année dernière aussi, il avait été inférieur à la prévision. Cela dit, dans un monde assez chahuté, la consommation s'est plutôt bien portée en France au premier et au deuxième trimestres. J'imagine que le fait d'avoir limité le poids des prélèvements a joué ; nous aurons évidemment à l'évaluer à un moment donné.

Pour la recette pétrolière, il faut regarder les choses telles qu'elles sont. Dès que nous aurons les chiffres de la TVA et de la TIPP, d'ici à la fin du mois de juillet, nous les publierons. Sur ce point comme sur le reste, nous respecterons les engagements pris par le Président de la République.

Monsieur Bur, on aurait tort de s'interdire totalement les dépenses fiscales ou sociales. Le problème, c'est leur accumulation : on monte un escalier marche par marche, et l'on réalise soudain qu'on est bien haut. Il faut regarder dépense par dépense, en vérifier à chaque fois la justification et en mesurer l'efficacité. Mais cela ne veut pas dire qu'un gouvernement doive systématiquement s'interdire de prendre une mesure de dépense fiscale ou sociale qui lui paraîtrait particulièrement utile. Il faut garder une forme de liberté mais, en même temps, piloter, évaluer et pouvoir prendre une décision pour une durée déterminée. C'est tout cela que nous devons mettre en oeuvre sur le plan fiscal comme sur le plan social.

La révision des exonérations de charges ciblées est une question très difficile. Souvenez-vous du débat que nous avons eu l'année dernière, dans cet hémicycle, sur les zones de revitalisation rurale : il est facile de prêcher en général ; cela devient beaucoup plus compliqué quand il s'agit d'aller dans le détail, de voir pour chaque circonscription, chaque zone de revitalisation rurale dans une circonscription, chaque maison de retraite dans chaque zone de revitalisation rurale, chaque directeur de maison de retraite et chaque emploi créé par le directeur de la maison de retraite... Nous sommes tous d'accord pour diminuer la dépense fiscale ou sociale quand nous regardons les choses à 20 000 mètres d'altitude ; face à chaque bénéficiaire, les yeux dans les yeux, c'est une autre affaire !

Un tel débat ne réussira que si nous nous fixons des objectifs d'intérêt général. La France doit revenir à l'équilibre des finances publiques et retrouver des marges de manoeuvre. Ce n'est pas un objectif comptable, c'est un objectif profondément politique. C'est après que nous pourrons faire un certain nombre de « sacrifices » au niveau de la dépense.

À propos de l'ONDAM, je trouve un peu bizarre le système du seuil d'alerte. Le Parlement vote un objectif. Pourquoi ne s'occuper d'un éventuel dépassement qu'au-delà d'un certain seuil ? C'est dès le premier euro de dépassement qu'il faudrait réagir ! Nous assumons politiquement l'ONDAM. On peut le fixer plus haut ou plus bas, cela relève des propositions et de la discussion, mais instaurer cette sorte de no man's land de la dépense sociale, qui va jusqu'au seuil d'alerte, me paraît pour le moins curieux ; c'est en tout cas une vision que je ne partage pas. On doit pouvoir voter un ONDAM réaliste, assumer les dépenses de santé, mettre en face les recettes, mettre en place un système de régulation et, dès le premier euro de dépassement, déclencher les procédures propres à rectifier la situation, grâce notamment aux fameux « stabilisateurs automatiques » que nous devons développer. Il ne faut pas mettre de politique là-dedans ; il faut, au contraire des stabilisateurs qui permettent de garantir tout à la fois la justice dans la répartition des charges entre les différents acteurs du système de santé, et l'efficacité du dispositif. Plus un système produit de déficits et moins il est durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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