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Séance en hémicycle du 28 mai 2009 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • licenciement

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Madame la présidente, nous allons participer à l'examen de propositions de loi émanant du groupe GDR, constitué de députés communistes, républicains et verts.

Cette procédure est utilisée pour la deuxième fois. Nous sommes obligés de constater que peu de députés sont présents dans l'hémicycle. Je me souviens des très fortes paroles du président Accoyer, faisant valoir que la révision de la Constitution et le nouveau règlement aboutiraient à tripler la capacité d'initiative des groupes politiques, notamment d'opposition. Mais à quoi sert-il de tripler cette capacité d'initiative s'il n'y a personne pour débattre de sujets d'une telle importance ? Nos propositions de lois sont en effet liées à la crise et à la situation de nos concitoyens, notamment en matière d'emploi, de licenciement, de pouvoir d'achat.

Nous sommes inquiets de la façon dont se dérouleront ces débats dans la journée, et je m'en suis ouvert au président Accoyer, qui partage avec nous un certain nombre d'interrogations.

Je souhaite vraiment – et je lance un appel à nos collègues de l'UMP – qu'il y ait un débat réel, sérieux, nous permettant d'échanger des arguments. Il y va non seulement du respect de l'opposition, mais aussi, tout simplement, du respect de la démocratie.

Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance pour examiner la façon dont nos débats peuvent être menés de manière correcte. Cela nous permettra également d'attendre l'arrivée du président Pierre Méhaignerie, qui nous avait fort aimablement prévenus qu'il ne pourrait être présent en début de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur le président Sandrier, j'ai naturellement écouté avec beaucoup d'attention ce que vous venez de dire.

Je constate, d'une part, que le Gouvernement est représenté, et, d'autre part, que nombre de nos collègues, siégeant sur différents bancs, nous ont rejoints, puisque le groupe le plus important n'appartenant pas à l'opposition, selon la formule désormais consacrée, est largement présent, tout comme votre groupe, ce qui atteste bien d'une volonté de débattre ; d'autres députés de l'opposition sont également présents.

Les conditions requises sont donc remplies pour que nous puissions commencer à travailler. Cependant, la suspension de séance, que vous m'avez demandée, est de droit. Nous reprendrons nos travaux dans une dizaine de minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à neuf heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Marie-George Buffet visant à prendre des mesures urgentes de justice sociale en faveur de l'emploi, des salaires et du pouvoir d'achat.

J'informe M. Jean-Claude Sandrier que, dans l'attente de l'arrivée du président Pierre Méhaignerie, notre collègue Jean-Pierre Door sera au banc de la commission.

La parole est à M. Daniel Paul, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, mes chers collègues, face à l'ampleur et à la violence de la crise que traverse l'économie française et dont les salariés sont les premières victimes, les députés communistes et républicains et du parti de gauche ont estimé qu'il fallait répondre à l'urgence sociale.

Les conséquences brutales de la crise du système capitaliste sont principalement assumées par les salariés, qui paient une lourde facture sociale.

L'explosion du chômage est brutale : entre mars 2008 et mars 2009, il a crû de 22,1 % pour la catégorie A des demandeurs d'emploi. En mars dernier, le nombre total de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi s'élevait à plus de 3,8 millions. Les jeunes de moins de 25 ans subissent un taux de chômage en progression de 35,8 % sur la même période.

Parallèlement à cette remontée spectaculaire du chômage, il y a une explosion des licenciements pour motif économique : en mars 2009, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi suite à un licenciement économique a augmenté de 46,1 % par rapport à mars 2008.

Le chômage partiel est aussi à la hausse : en 2008, le nombre d'heures de chômage partiel autorisé s'est élevé à 22 millions ; au 10 février dernier, ce nombre atteignait déjà, pour l'année 2009, près de 12 millions d'heures.

Et les prévisions sont catastrophiques : la France s'apprête à connaître deux années noires, avec une diminution de 3 % de son PIB en 2009 selon le Gouvernement – qui, enfin, le reconnaît –, soit la plus forte récession enregistrée depuis les années trente. Après la destruction de 138 000 postes au premier trimestre, l'INSEE annonce 591 000 pertes en 2009, avec 639 000 chômeurs supplémentaires, portant le nombre de demandeurs d'emploi à 4,2 millions en fin d'année.

Les données du chômage, des destructions d'emploi, des licenciements pour motif économique et du chômage partiel, s'inscrivent dans une dynamique d'accroissement rapide et puissant. Elles témoignent de la violence de la crise et du coût payé par les salariés qui se retrouvent sans emploi ou avec une rémunération largement amputée en cas de chômage partiel.

Et pourtant, dans ce contexte, de grandes entreprises adoptent des comportements scandaleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Tout en affichant des chiffres d'affaires et des bénéfices record pour 2008, elles annoncent des plans de compression d'effectifs impliquant des centaines, voire des milliers de suppressions d'emploi. Chaque semaine – chaque jour – qui passe nous livre les mêmes nouvelles.

Je citerai cinq exemples – mais je pourrais en citer bien plus – qui montrent que la « jurisprudence Michelin » de 1999 est toujours d'actualité…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

…et que les salariés constituent, plus que jamais, la première variable d'ajustement du capitalisme financier.

Renault, dont le chiffre d'affaires s'élève à 37,7 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent les 6 milliards d'euros d'aides de l'État – que le constructeur partage avec Peugeot –, a annoncé 4 450 suppressions d'emploi, dont 1 150 départs dits « volontaires » à l'usine de Sandouville, située non loin du Havre, dans la circonscription de mon ami Jean-Paul Lecoq. Désormais, on ne licencie plus, on demande aux salariés de partir volontairement : c'est la dernière expression à la mode !

Autre entreprise située dans la circonscription de notre collègue Jean-Paul Lecoq : Total, qui, malgré 13,9 milliards d'euros de bénéfice, dont plus de 2 milliards reversés aux actionnaires, supprime 550 postes.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Le groupe PPR, malgré 924 millions d'euros de bénéfices, dont 50 % iront aux actionnaires, supprime 1 900 postes.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Caterpillar, malgré 3,5 milliards d'euros de bénéfices et des dividendes en hausse de 17 %, supprime 733 postes.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Ericsson : un milliard d'euros de bénéfice, 5 000 emplois supprimés.

Au total, sur les 75 milliards d'euros de profits réalisés par les entreprises du CAC 40 en 2008, près de 35 milliards ont été redistribués aux actionnaires sous forme de dividendes.

Ces mêmes entreprises, tout en multipliant les licenciements et les fermetures de sites, contraignent leurs salariés au chômage partiel et imposent donc aux plus modestes de réduire leurs dépenses quotidiennes. Par là même, elles renvoient la charge du coût social de la crise à l'État, qui se trouve ainsi principal financeur de l'indemnisation du chômage partiel, y compris lorsque les entreprises réalisent des profits et distribuent des dividendes, ce qui est inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Face à ces comportements en effet scandaleux, le Gouvernement a proposé des mesures bien limitées et s'est contenté d'effets d'annonce. Les moyens déployés dans le cadre du plan de relance pour sortir l'économie française de la crise sont à la fois insuffisants et inadaptés.

En effet, alors que l'effort de relance atteint respectivement, en Espagne et en Allemagne, 3,5 % et 3 % du PIB, il plafonne en France à 0,6 % du PIB. Du fait de sa faiblesse, ce plan n'aura, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, qu'un impact limité à 0,5 point de croissance en 2009 et à 0,2 point en 2010.

Le Gouvernement refuse de consacrer plus de moyens au plan de relance, en invoquant notamment l'accroissement des déficits publics. Pourtant, il existe des sources de financement possibles, comme la remise en cause des exonérations générales de cotisations sociales patronales. La seule réduction « Fillon » a coûté, en 2008, plus de 22,8 milliards d'euros, et la Cour des comptes a émis de sérieux doutes quant à son efficacité.

La manne financière que représentent les exonérations générales de cotisations sociales pourrait être utilement allouée aux dépenses sociales supplémentaires nécessaires en temps de crise et aux dépenses d'avenir comme l'école et la recherche. Mais telle n'est pas la philosophie ni l'idéologie du Gouvernement, qui refuse toute remise en cause des cadeaux fiscaux et sociaux généreusement accordés à une minorité de privilégiés.

Le deuxième défaut majeur du plan de relance est dans l'absence de prise en compte de la question de l'augmentation du pouvoir d'achat. Or sa dégradation continue depuis 2002 est aujourd'hui très préoccupante, d'autant que les inégalités de revenus progressent toujours davantage.

Ainsi les 0,01 % de foyers les plus riches ont vu leur revenu réel croître de 42,6 % entre 1995 et 2006,…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

…contre 4,6 % pour les 90 % de foyers les plus modestes. La montée du phénomène des travailleurs pauvres démontre en outre que l'emploi ne protège désormais plus de la pauvreté. Selon l'INSEE, 8 millions de Français vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté.

Face au constat d'une dégradation du pouvoir d'achat des ménages et d'un accroissement tant des inégalités que du nombre de travailleurs pauvres, le Gouvernement refuse obstinément toute augmentation globale des salaires, en arguant notamment que cette mesure serait inefficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Or, si l'on se réfère à un exemple historique, lorsque le salaire minimum interprofessionnel garanti – le SMIG, selon la terminologie de l'époque – avait été augmenté de 35 % en 1968, c'est toute l'économie française qui en avait profité.

La part des importations dans la consommation des ménages demeure relativement faible : selon l'OFCE, elle est de 14 % environ. Augmenter les salaires ne jouerait donc pas contre la relance économique.

Enfin, alors que le chômage explose, Pôle emploi connaît, de l'aveu même de son directeur général, des difficultés de fonctionnement importantes, nous le constatons tous dans nos circonscriptions. Si la direction parle de 90 demandeurs d'emploi par conseiller, cela peut aller, dans certaines agences, jusqu'à 120, 140, voire 180. Dans ce contexte, et compte tenu des vagues de suppressions d'emplois, la création de 1 840 emplois, dont seulement 1 000 en CDI, apparaît déjà insuffisante, et le recours à des cabinets privés est en passe d'être fortement accru.

Face à l'urgence sociale qui résulte des multiples constats que nous venons de dresser, contre la carence du Gouvernement et contre les comportements scandaleux de certaines grandes entreprises, les députés communistes et républicains et du parti de gauche proposent des mesures urgentes de justice sociale en faveur de l'emploi, des salaires et du pouvoir d'achat.

Il s'agit donc, en premier lieu, de favoriser l'emploi par la limitation des conditions d'admission des licenciements pour motif économique – article 1er – ; par le renchérissement du coût des licenciements pour motif économique – article 2 – ; par la création d'un droit d'opposition des salariés contre les licenciements pour motif économique – article 3. L'article 4 proposera la suppression du dispositif d'exonérations fiscale et sociale sur les heures supplémentaires instauré par la « loi TEPA » de juillet 2007, en plein coeur de l'été dans l'euphorie de la victoire électorale de la droite.

En second lieu, il s'agit d'accroître les salaires et le pouvoir d'achat en portant le SMIC à 1 600 euros brut par mois – article 5 – ; en supprimant les réductions générales de cotisations sociales si l'employeur ne conclut pas un accord salarial tous les ans – article 6 – ; en exigeant la tenue d'une conférence nationale sur les salaires afin de relever l'ensemble des grilles salariales de branche – article 7 – ; en garantissant intégralement les salaires des salariés contraints au chômage partiel dans des entreprises bénéficiaires – articles 9 et 10 – ; en instituant de réelles possibilités de rompre les contrats de crédit à la consommation – article 14.

Quatre autres articles ont été jugés irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution, qui confère une totale primauté au Gouvernement pour l'essentiel des dispositifs sociaux. Afin que le débat puisse tout de même avoir lieu sur ces mesures de première importance, je les présenterai brièvement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vous invite à vous acheminer vers votre conclusion, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Merci de votre compréhension, madame la présidente.

L'article 13 vise à verser une allocation complémentaire aux bénéficiaires des aides étudiantes, s'élevant à 50 % des sommes perçues au titre de ces différentes prestations. Les aides actuelles obligent, en effet, les jeunes issus des milieux modestes à exercer une activité rémunérée, ce qui pénalise leurs études. La reproduction sociale est ainsi confortée au profit de la classe dominante. La mesure proposée n'est cependant qu'un pis-aller en attendant la création d'une allocation de formation en faveur des jeunes.

L'article 8 tend à étendre le RSA aux jeunes qui travaillent. Si le RSA reste assurément un dispositif contestable, reposant sur le dogme libéral du « chômeur fainéant » et qu'il met en danger l'existence même du SMIC, l'urgence impose toutefois de répondre rapidement à la pauvreté croissante engendrée par la crise. Aussi, l'extension provisoire du RSA aux jeunes travailleurs de moins de 25 ans nous semble appropriée.

Mais, au lieu de découpler insertion sociale et insertion professionnelle comme le fait le Gouvernement, une approche plus globale serait souhaitable, par la mise en oeuvre d'un dispositif de sécurité emploi et formation.

L'article 11 prévoit la création d'une allocation de solidarité en faveur des demandeurs d'emploi non indemnisés. Aujourd'hui, plus de 40 % des chômeurs, en général les travailleurs les plus précaires, ne sont pas indemnisés, ni par l'assurance chômage ni par le régime de la solidarité. Nous proposons de mettre un terme à cette situation.

L'article 12 supprime les franchises médicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Ce dispositif n'a rapporté que 800 millions d'euros en 2008, une somme bien faible par rapport au montant des exonérations patronales qui se chiffrent en milliards, et a aggravé les difficultés financières d'accès aux soins pour les patients les plus démunis, les conduisant parfois à renoncer à des soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Comme l'a admis le Conseil d'État dans un arrêt du 6 mai 2009, les sommes susceptibles d'être laissées à la charge des malades peuvent être « importantes » et avoir pour effet « de compromettre le droit à la santé des personnes, notamment des travailleurs exposés à des risques professionnels importants ».

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Les dispositifs visés dans cette proposition de loi ont donc un triple objectif : d'abord, à court terme, relancer l'économie en stimulant la consommation par une augmentation immédiate et conséquente des salaires ; ensuite, donner des droits nouveaux aux salariés face au pouvoir financier dans l'entreprise ; enfin, à plus long terme, bâtir une société plus juste, centrée sur l'homme, contre la dictature de l'argent roi et l'explosion des inégalités sociales.

Face à une situation d'urgence manifeste, cette proposition de loi s'inscrit aussi dans la dynamique des mouvements de lutte sociale à l'intérieur des entreprises comme à travers le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Qui s'occupe bien mal du chômage ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – dont la présence atteste toute l'importance attachée à cette proposition de loi –, je me réjouis du débat que nous allons avoir. Pour avoir été parlementaire, je suis très attaché au débat dans l'hémicycle et aux propositions émanant de la représentation nationale. Par ailleurs, même si nous n'avons absolument pas la même approche de la situation économique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR), …

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…je reconnais le sérieux de vos propositions, l'exigence de vos convictions et la constance de vos positions. Le groupe communiste et révolutionnaire (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe GDR)…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Vous ne reniez tout de même pas votre caractère révolutionnaire ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Votre groupe, donc, a effectué un véritable travail d'analyse de la situation économique et sociale, qui se caractérise, nous en sommes tous d'accord, par de très grandes difficultés sur le terrain, sur lesquelles vous nous alertez fréquemment, je pense plus particulièrement à la région du Havre.

Je vais donc essayer de répondre avec le plus grand sérieux aux arguments avancés par M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Reprenant l'une des propositions majeures de votre groupe, vous entendez revenir sur le droit de licenciement. Vous souhaitez, comme en 2001 avec la loi de modernisation sociale, modifier les règles dans le sens d'une restriction forte de la possibilité de licencier économiquement un salarié.

Je ne me situerai pas sur le plan de la théorie économique. Je ne reprendrai pas plus l'argument plus ou moins spécieux selon lequel de telles dispositions aboutiraient à restreindre la liberté de l'employeur de façon anticonstitutionnelle, argument qui vous avait été opposé par certains membres de l'opposition d'alors à propos de l'article 107 de la loi de modernisation sociale.

Je m'en tiendrai plutôt à la réalité, en essayant d'estimer l'efficacité de ce type de mesures. L'autorisation administrative de licenciement a été instaurée en 1975.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Si elle a été supprimée onze ans plus tard, c'est précisément parce qu'elle n'a pas donné de bons résultats. De 1975 à 1986, le taux de chômage est passé de 4 % à 10, 5 %, soit l'une des plus graves augmentations qu'ait connues notre pays. Aujourd'hui, plus aucun pays européen n'y a d'ailleurs recours.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Vous n'avez pas écouté M. Paul. Ce n'est pas de cela qu'il a parlé !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Si cette solution a fait la preuve de son inefficacité, pourquoi serions-nous aujourd'hui les seuls à l'appliquer ?

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Le choix du Gouvernement est de miser sur l'activité partielle, question que vous avez abordée. En cette période de crise, dont la durée va bien au-delà les cycles économiques habituels, cela permet de faire en sorte que les salariés restent au sein de leur entreprise et que les compétences ne soient pas perdues.

À cet égard, je voudrais évoquer le déplacement que nous avons été amenés à faire avec le Président de la République, il y a six mois, à Sandouville, M. Lecoq s'en souvient sans doute. Un syndicaliste CGT de Renault m'avait mis sous le nez sa feuille de salaire – un moment qui reste très marquant pour moi – : victime de chômage partiel, il avait vu son salaire, déjà modique, amputé de manière considérable. Le dispositif qui s'appliquait alors consistait en effet en une simple compensation de 50 % du salaire brut : nous avions pris l'engagement devant lui d'améliorer en profondeur ce système. Depuis, grâce à l'investissement des partenaires sociaux qui ont joué un rôle décisif en la matière – je tiens à le souligner –, l'indemnisation a été portée, dans un premier temps, de 50 % à 60 % du salaire brut et atteint aujourd'hui plus de 90 % du salaire net, voire presque 100 % au niveau du SMIC. Si ce même syndicaliste revenait me voir, nous pourrions constater ensemble, sur sa feuille de paye, que la compensation est presque totale.

Parvenir à améliorer très rapidement la situation faisait partie des objectifs que nous avait fixés le Président de la République et cela constituait pour moi un vrai défi.

Je dois préciser que nous avons fixé, à l'occasion de ces modifications, deux obligations. Le recours à l'activité partielle doit être assorti de formations. Un employeur ne peut se contenter de dire à ses salariés de rester tranquillement chez eux, comme s'ils étaient mis sur une voie de garage en attendant la piste de sortie. Il doit, au contraire, montrer qu'il croit en la possibilité de les former en cette période de crise. Par ailleurs, nous avons veillé à établir des contreparties. Nous avons notamment imposé aux entreprises de ne procéder à aucun licenciement pendant une période deux fois supérieure à celle de l'activité partielle à laquelle elles auraient eu recours.

Je ne dis pas du tout qu'il s'agisse d'une solution miracle. Mais nous nous sommes battus pour obtenir cette amélioration. Elle revêtait une grande importance à mes yeux, eu égard notamment au salarié de Sandouville que j'ai évoqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cela dit, et comme vous l'avez rappelé, monsieur Paul, la situation de Renault reste extrêmement difficile : je ne sous-estime pas ces réalités.

Nous nous sommes également préoccupés des salariés qui perdent leur emploi, en améliorant l'indemnisation du chômage. Le système était profondément injuste, et comportait des écarts d'une brutalité insensée selon les durées de cotisation ou les types de catégorie. L'adaptation à laquelle nous avons procédé a abouti à un dispositif beaucoup plus équitable, fondé sur une règle simple : un jour travaillé donne lieu à un jour d'indemnisation. Surtout, elle a permis à des demandeurs d'emploi ayant cotisé pendant une durée inférieure à six mois de bénéficier de cette amélioration. Ainsi, plus de 200 000 demandeurs d'emploi pourront être pris en charge par ce dispositif de solidarité absolument fondamental dans une période de crise comme celle que nous traversons.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Mais il s'agit là d'encadrer le chômage, pas de le combattre !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Je n'ai pas dit autre chose.

Reste une question fondamentale, que vous avez d'ailleurs évoquée, monsieur Paul : comment faire en sorte que les salariés échappent à la trappe du licenciement et puissent rebondir ?

La politique de l'emploi était beaucoup trop passive et c'est à l'initiative des partenaires sociaux, une fois encore, que de nouvelles voies ont commencé à être explorées. La CGT, mais aussi la CGC, la CFDT et FO ont contribué à des avancées sur ces problématiques.

Je pense en particulier aux contrats de transition professionnelle, qui ont d'ailleurs été étendus au bassin d'emploi du Havre, dont nous connaissons les souffrances, monsieur Paul. Il s'agit de faire en sorte qu'un salarié venant de perdre son emploi ne reste plus figé dans sa situation, en explorant, au-delà de la simple indemnisation, toutes les possibilités qui lui permettraient de rebondir, y compris dans d'autres secteurs.

Je vais prendre l'exemple d'une application précise, à laquelle j'ai personnellement oeuvré. La SNCF avait besoin de recruter cette année des salariés pour assurer la maintenance. Or nous avons constaté que beaucoup des compétences requises se situaient dans la sous-traitance automobile, où elles ne pouvaient trouver de débouchés en cette période de crise. Pour qu'elles soient utilement valorisées, nous avons donc organisé par le biais de Pôle emploi de grands forums de recrutement réservés aux salariés licenciés des entreprises de sous-traitance automobile afin de leur permettre de trouver un emploi à la SNCF sans tarder.

De ce point de vue, il est apparu que l'outil à améliorer, au-delà du contrat de transition professionnelle dont ne bénéficient pas tous les territoires de la République, était la convention de reclassement personnalisé, laquelle a fait l'objet d'une amélioration extrêmement importante puisque son indemnisation et son mode de fonctionnement ont été portés au niveau du CTP. Au cours de l'année 2009, 120 000 salariés ayant fait l'objet d'un licenciement économique devraient ainsi pouvoir bénéficier de mesures de reconversion, dont ils ont profondément besoin.

Vous pointez du doigt avec vigueur l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires,…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…que vous jugez scandaleuse, et je reconnais le groupe communiste a fait preuve de constance sur ce sujet.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Il faut rappeler que 2 milliards d'euros d'exonérations bénéficient directement aux salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Je le répète, 2 milliards d'euros, sur un total de 2,8 milliards, bénéficient directement aux salariés, ces chiffres sont vérifiables.

Certains diront que ces sommes bénéficient d'abord aux plus hauts niveaux de salaire, aux cadres. Mais toute personne connaissant la réalité des entreprises sait que les heures supplémentaires sont massivement effectuées par les plus modestes, par ceux que l'on peut appeler les cols bleus. Supprimer la possibilité de bénéficier d'heures supplémentaires reviendrait donc tout simplement à faire une croix sur 2 milliards d'euros destinés à soutenir le revenu de salariés modestes, dans une période où toute augmentation du pouvoir d'achat est déterminante. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Personnellement, je ne m'engagerai pas dans cette voie. Je comprends toutefois que cette position soit défendue par les députés communistes.

Vous prétendez qu'encourager le recours aux heures supplémentaires aboutit à empêcher les créations d'emplois. Analysons plutôt les faits. L'Espagne, l'Angleterre, le Danemark connaissent une situation bien plus catastrophique que celle de la France, et pourtant ils n'ont pas eu recours à ce type de mesures. Vous me direz qu'ils n'ont pas eu recours non plus aux 35 heures, ce qui les a sans doute sauvés du pire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Enfin, monsieur Paul, vous avez préconisé une augmentation du SMIC jusqu'à 1 600 euros brut par mois, à compter du 1er juillet 2009. Là encore, cette proposition témoigne d'un vrai travail de réflexion économique et d'une grande constance dans votre approche de la négociation salariale. Je ne saurais vous le reprocher. Je voudrais toutefois rappeler que la France a, au sein des pays de l'OCDE, le pourcentage le plus élevé de salariés rémunérés au SMIC. Du reste, c'est depuis 2002 que sont intervenues les augmentations du salaire minimum les plus importantes, ce qui a permis d'accroître son niveau de plus de 30 %. Mais il faut se demander, indépendamment de la question de la pertinence d'une augmentation du SMIC, si la « smicardisation » de la société est une bonne stratégie.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

Vous préférez peut-être la généralisation de la précarité !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Sur ce point, nos approches diffèrent grandement. Pour notre part, nous pensons qu'il y a un risque, en cas d'accroissement du nombre des salariés payés au SMIC, que ceux-ci ne connaissent plus de progression salariale et que leur déroulement de carrière soit considérablement freiné. Nous préférons donc miser sur le dialogue social, ce qui permet d'encourager un véritable étagement des salaires au sein des branches. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

C'est en vertu de cette approche que nous avons, par la loi en faveur des revenus du travail, conditionné les allégements de cotisations sociales à deux éléments : le respect des obligations en matière de négociations salariales…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

..et la remise à niveau des grilles de salaires prévue par les branches.

De ce point de vue, nous avons une vraie divergence. En effet, votre approche est très contraignante puisqu'elle considère que le pouvoir politique, indépendamment des réalités économiques, peut fixer le niveau de salaire. Au contraire, notre approche mise sur le dialogue social, fortement encouragé et surveillé dans le cadre de la responsabilité qui revient au pouvoir politique.

En conclusion, je veux remettre en perspective les choix qui sont les nôtres.

La constance de notre démarche consiste à tirer les leçons d'une politique de l'emploi qui, assommée depuis trente ans par un chômage de masse, s'est trop souvent contentée d'une indemnisation passive, s'interdisant des approches beaucoup plus dynamiques visant à anticiper le plus possible les licenciements et à rechercher toutes les solutions pour rebondir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Ne vous inquiétez pas, les patrons anticipent le chômage !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Il ne faut pas se contenter de regarder avec fatalisme quelqu'un qui a perdu son emploi, en se disant qu'il n'y a plus d'emplois dans ce secteur ni dans cette région, il faut rechercher les autres domaines ou secteurs où l'on peut trouver des débouchés.

Cette politique ne permet toutefois pas, j'en suis parfaitement conscient, de préserver tous nos salariés et tous nos compatriotes dans cette période extrêmement difficile.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Au cours de l'année passée, le nombre de demandeurs d'emplois a progressé de 40 % en Suède et au Royaume-Uni, de 55 % au Danemark, il a doublé en Espagne et explosé aux États-Unis où il a augmenté de près de 60 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

C'est normal, puisque c'est la même politique !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Est-ce la même politique ?

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

En France, le chômage a augmenté de 15 %. Je ne dis pas du tout que ce soit satisfaisant, mais je constate que les démarches sérieuses, exigeantes, consistant à réagir le plus vite possible, avec des outils applicables immédiatement sur le terrain, en recherchant avec les partenaires sociaux toutes les solutions innovantes, nous ont permis, pour le moment, de mieux nous protéger que nos voisins. Ce n'est pas un motif de satisfaction, mais c'est un motif pour persévérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-George Buffet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, après l'excellente intervention du rapporteur, Daniel Paul, c'est avec une grande détermination mais aussi dans un esprit de responsabilité que je vous présente cette proposition de loi.

Chacune, chacun d'entre nous le sait : notre planète est confrontée à une crise d'une ampleur inégalée. Cette crise qui est d'abord celle d'un système, le capitalisme, est profonde, durable, mondiale. Hier déjà, dans ses contradictions, le capitalisme était à l'origine de vies brisées et d'impasses pour l'humanité. Hier déjà, dans sa course à la rentabilité, au productivisme, il était incapable de répondre au défi écologique. On nous répondait malgré tout qu'il n'y a pas d'alternative et que seul le capitalisme peut créer des richesses. Ces richesses, il vient d'en détruire, en quelques mois, par dizaines de milliers de milliards de dollars. Il vient de démontrer, par l'ampleur du pillage auquel il soumet le travail humain, toute son inefficacité et son incapacité à répondre durablement aux besoins de l'humanité.

Et le résultat est là, maintenant, devant nous.

Je pense aux grands sites industriels touchés ou menacés de plans sociaux d'envergure dans l'automobile, la chimie, la sidérurgie et bien d'autres secteurs encore.

Je pense à toutes ces petites entreprises, à ces sous-traitants, qui ferment sans que jamais leurs donneurs d'ordre soient responsabilisés. Coupables oui, mais inquiétés, non !

Je pense à ces 30 000 emplois supprimés par le Gouvernement dans la fonction publique alors que le nécessaire respect des droits de nos concitoyens appelle toujours plus de services publics, de déploiement des missions de l'État.

Je pense à la jeunesse des intérimaires contraints, dès l'automne, à l'inactivité, comme à celle des jeunes diplômés confrontés à la précarité et à la déqualification de leurs métiers.

Au-delà de toute cette colère, je pense à notre pays qui s'appauvrit encore et encore, à force de laisser mourir des pans entiers de notre industrie. Je pense au savoir-faire de ces ouvriers, techniciennes, ingénieurs, hospitaliers et chercheuses, gâché par les logiques financières. Je pense à l'incapacité qui sera la nôtre demain, si rien ne devait changer, à produire en France les biens et les services dont nous avons besoin pour vivre, échanger, coopérer avec les peuples de tous les continents et nous préparer au monde de demain.

Bien sûr, j'entends la petite musique sur la reprise et le retour rapide à la croissance. Mais, comme tous mes collègues signataires de cette proposition de loi et comme de nombreux économistes, je n'imagine pas une seconde que le marché puisse effacer, comme par magie, le choc brutal qu'il fait subir à tant de territoires.

Et pourtant, votre Gouvernement laisse faire. Et pourtant, l'Union européenne laisse faire.

Vous laissez faire, comme en témoigne le choix d'abandonner en rase campagne, après avoir multiplié les promesses après bien d'autres entreprises, l'usine Celanese du bassin de Lacq, à ses vautours texans.

Pire encore, vous accélérez les politiques libérales qui nous ont menés au désastre. Les exemples sont légion, malheureusement, en France comme en Europe. Je pense au projet de règlement du Conseil relatif au statut de la société privée européenne, dont nous discuterons cet après-midi.

Et que dire de la fusion des caisses d'épargne et des banques populaires sans garantie sur les effectifs, sans mission publique mais avec un nouvel effacement de leurs valeurs mutualistes ? Cette fusion, ce sont 5 milliards d'euros d'argent public versés pour entériner, encore et encore, la soumission du secteur bancaire aux logiques financières pourtant à l'origine du scandale de Natixis.

Nous faisons, nous, le choix inverse. En discutant avec des milliers de salariés cherchant à sauver leur métier et leur emploi, en dialoguant avec des élus mobilisés pour développer notre potentiel économique, nous avons élaboré la proposition de loi en discussion aujourd'hui.

Nous prenons tout simplement l'initiative. Bien sûr, cette proposition de loi heurte de front les dogmes du tout-marchand et de la concurrence libre et non faussée. Bien sûr, elle est inconciliable avec les dogmes auxquels vous voulez soumettre notre pays et toute l'Europe en imposant le traité de Lisbonne. Mais regardez le monde réel, autrement qu'avec vos lunettes libérales. Regardez qui, aujourd'hui, est dans le camp du développement économique, et donc sur qui nos lois devraient s'appuyer pour favoriser le développement durable de la nation. Ce sont ces salariés, ceux et celles qui se battent et se mobilisent pour un bouclier social et de nouvelles avancées démocratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Car, chers collègues, celles et ceux qui ont envoyé des délégations à l'Assemblée nationale attendent de la loi de la République qu'elle soit du côté des salariés et du travail, pas du côté de la finance et des spéculateurs.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Oui, c'est bien le réel qui nous impose aujourd'hui ce choix politique éminemment moderne : reprendre aux banques et aux marchés financiers la maîtrise de notre économie et donc le pouvoir de faire face à tous les défis qui sont les nôtres.

Oui, il est temps de faire et d'inventer autre chose que vos politiques.

Aussi, dans l'urgence, l'article 1er de cette proposition de loi propose-t-il d'interdire les licenciements dans les entreprises où rien ne les justifie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Interdire les licenciements, frapper les plans sociaux de nullité là où ils ne répondent qu'à l'opportunité financière d'actionnaires intéressés, comme à Arcelor Gandrange, à Molex, ou dans d'autres entreprises qui ont réalisé des bénéfices, distribué des dividendes, délocalisé leur production ou reçu des aides publiques.

Cette proposition, vous allez la combattre car vos seuls repères sont les dogmes du libéralisme et non l'intérêt du plus grand nombre.

Interdire les licenciements est pourtant le seul moyen dont nous disposons pour stopper net la casse industrielle et mettre fin à l'emprise des financiers sur des entreprises d'intérêt national comme Caterpillar, Continental ou Total.

Interdire les licenciements, ce serait la démonstration faite aux financiers que la fête est finie. Ils se sont enrichis sur le travail des salariés toutes ces dernières années ; ils ne s'enrichiront pas sur leurs licenciements.

Réagir à l'urgence, c'est abroger, par l'article 4, les exonérations de cotisations sociales et d'impôts sur les heures supplémentaires offertes au patronat dans le cadre de la loi TEPA.

« Travailler plus pour gagner plus » était un slogan de campagne. Aujourd'hui, c'est surtout un calvaire imposé aux salariés, comme à PSA Sochaux, à STMicroelectronics où le patronat impose l'alternance d'un mois de chômage partiel payé en partie par l'État et d'un mois riche en heures supplémentaires, payées aussi par l'État.

Abroger la loi TEPA est donc nécessaire pour stopper net cette nouvelle organisation du travail, faite uniquement de souffrances sociales et de dividendes supplémentaires payés par les contribuables.

Mais agir en urgence face à la crise, chers collègues, c'est aussi rompre dès maintenant avec les principes de l'économie-casino que plusieurs décennies de réformes libérales ont institués en France et dans l'Union européenne. Aussi, nous proposons, à l'article 5, l'augmentation immédiate du SMIC à 1 600 euros brut par mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Et pour tirer l'ensemble de la grille des salaires vers le haut, nous proposons également, à l'article 6, la suppression des allégements de cotisations sociales patronales en l'absence d'accords salariaux à l'entreprise et, à l'article 7, la tenue d'une conférence nationale sur les salaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Avec de telles mesures, EDF et GDF-Suez auraient enfin commencé à négocier l'augmentation des salaires des électriciens et gaziers que ceux-ci réclament dans la lutte depuis maintenant neuf semaines.

D'autres mesures, parmi lesquelles la suppression immédiate des franchises médicales, proposée à l'article 12, celles sur les bourses ou sur le RSA, contribueraient à soutenir le pouvoir d'achat. Il est intolérable que, dans un pays comme la France, des hommes et des femmes renoncent à se soigner, à se nourrir convenablement par manque de ressources.

Augmenter les salaires, c'est aussi nécessaire, au-delà de la question du pouvoir d'achat, pour arrêter le détournement de toutes ces richesses vers la spéculation et la finance. Un euro de plus pour les salaires, c'est un euro de moins pour les dividendes et la spéculation.

Enfin, chers collègues, le dernier enseignement de cette crise est bien qu'il faut avancer vers une véritable démocratie économique dans notre pays. Si nous voulons que nos territoires se développent et que ce développement soit écologique, vecteur de qualité de vie, de bien-être au travail et hors du travail, qu'il soit celui de toute la société par le progrès et le partage des connaissances, des technologies et de la culture, si nous voulons tout cela, alors il ne peut plus être question de laisser le pouvoir économique à des actionnaires rivés sur les cours de la Bourse et ignorant donc tout de ces enjeux-là.

C'est pourquoi nous vous proposons, à l'article 3, que les salariés disposent d'un droit d'opposition aux projets de suppressions d'emplois de leur employeur.

Je vois dans cet hémicycle des représentants syndicaux d'un certain nombre d'entreprises, dont l'entreprise Kremlin-Rexson, qui, s'ils avaient pu disposer de ce droit d'opposition, auraient empêché des licenciements et fait valoir un plan alternatif sérieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Adopter cet article serait un premier pas vers la reconnaissance de nouveaux pouvoirs aux salariés dans l'entreprise et sur les choix de gestion de celle-ci.

Adopter cet article aiderait, plus largement, à reconnaître de nouveaux pouvoirs aux citoyens et citoyennes pour maîtriser notre système financier et tout ce qui contribue aux choix d'investissement de notre pays, choix qui feront la France de demain.

Adopter cet article serait un pas en avant vers l'économie de demain. Après l'absolutisme royal sous la Révolution française, c'est un autre absolutisme, celui des actionnaires et des propriétaires du capital, qu'il convient désormais d'ébranler.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Chers collègues, cette proposition de loi constitue, avec celles de mes collègues Roland Muzeau et Marc Dolez dont nous discuterons plus tard dans la journée, un véritable plan de relance porté par les exigences populaires, un plan de l'ampleur nécessaire pour contrer les logiques qui nous ont enfoncés dans la crise, un plan qui porte le changement auquel aspire notre peuple, et que je vous invite à voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vous remercie, madame Buffet, d'avoir respecté, à la seconde près, votre temps de parole.

La parole est à M. François Rochebloine.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

La Loire va soutenir cette proposition de loi ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour examiner la proposition de loi de nos collègues du groupe GDR visant à prendre des mesures urgentes de justice sociale en faveur de l'emploi, des salaires et du pouvoir d'achat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Ce texte est le troisième que nous examinons en moins d'un mois sur la question de l'emploi, après celui du groupe SRC défendu par Alain Vidalies et celui de Jean-Frédéric Poisson en cours d'examen. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Cette mobilisation fait honneur aux parlementaires, car ces propositions, destinées à protéger l'emploi des Français, prouvent à nos compatriotes que nous partageons leurs préoccupations premières en cette période de crise.

S'il y a un consensus dans cet hémicycle pour répondre à l'urgence de certaines situations sociales,...

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

..on voit bien que les solutions divergent selon que l'on siège dans la majorité ou dans l'opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Jean-Frédéric Poisson a proposé un ensemble de mesures qui reposent sur la simplification et le développement de dispositifs existants, innovants et porteurs d'emplois,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

…à l'image des groupements d'employeurs et du télétravail.

Les propositions des groupes de l'opposition reposent, elles, sur un postulat keynésien, selon lequel seule l'augmentation du pouvoir d'achat – cela vient d'être rappelé – permettra de relancer la consommation et donc l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

En dépit de nos divergences, aucune de ces deux logiques ne doit être tournée en dérision ou balayée d'un revers de la main. Devant l'ampleur de la crise que nous traversons, nous devons rester modestes et débattre sereinement pour trouver les solutions les mieux adaptées.

Avant d'entrer dans le coeur du texte, je ne peux que regretter une nouvelle fois la décision du bureau de la commission des finances de censurer plusieurs articles du texte avant même qu'il ne soit examiné en commission. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.) La répétition de cette pratique nous interdit de débattre de nos propres propositions et confère au Gouvernement une suprématie pour légiférer en contradiction totale avec l'esprit de la dernière révision constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Aussi souhaiterions-nous, madame la présidente, que ce sujet soit examiné lors de la prochaine Conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

S'agissant de la première partie du texte, le groupe Nouveau Centre n'est pas favorable à la proposition visant à limiter les licenciements pour motifs économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous ne voulez tout de même pas les multiplier ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Il me semble en effet indispensable que les entreprises jouissent d'une certaine souplesse,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

…qui leur permette de s'adapter à l'évolution de la conjoncture, en période de crise comme de reprise.

Sur un tel sujet, arrêtons la langue de bois…

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

Les abandons industriels, est-ce la langue de bois ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

…et montrons, tous, notre sens des responsabilités en reconnaissant que, pour une entreprise, le fait de se séparer de certains de ses salariés lorsqu'elle y est obligée est préférable à une mise en liquidation, car c'est alors l'ensemble du personnel qui se retrouve à la rue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est toujours les deux : ce n'est qu'une question de temps ! Voyez Continental !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

En revanche, il est primordial de mettre en oeuvre les différents outils à notre disposition pour assurer une couverture sociale aux salariés et leur permettre de se reconvertir et de rebondir. Il y va de notre responsabilité.

Certains de ces outils doivent être corrigés : c'est le cas notamment des procédures de reclassement qui, dans l'état actuel du droit, permettent à un employeur de s'exonérer de ses obligations légales en proposant à ses salariés, comme cela s'est déjà produit, des offres de reclassement à 69 euros par mois en Inde, au mépris de la dignité des salariés déjà fragilisés par un licenciement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Aussi le groupe Nouveau Centre vous soumettra-t-il, le 25 juin prochain, une proposition de loi visant à assurer de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement.

Vous proposez également, mes chers collègues, de supprimer le dispositif d'exonération des heures supplémentaires. Vous savez pourtant que le recours facilité aux heures supplémentaires a été conçu principalement comme un remède à la rigidité des 35 heures, lesquelles ont eu pour effet de scléroser des pans entiers de notre économie. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Cette mesure d'exonération fiscale a eu notamment pour conséquence la diminution des contrats précaires auxquels recouraient les employeurs en vue de répondre au surplus d'activité de leurs entreprises.

Vous qui combattez la précarisation du salariat français avec tant de ferveur, ce que je peux comprendre, voire partager, vous devriez vous réjouir de voir les rémunérations d'un grand nombre de salariés modestes augmenter du fait de l'exonération partielle des heures supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Demandez à ces salariés modestes s'ils ont envie d'abandonner ce supplément de pouvoir d'achat, alors qu'ils se sont eux-mêmes portés volontaires, en la circonstance, pour travailler plus et gagner plus ! (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Demandez aussi leur avis aux salariés qui travaillent dans l'aide à la personne pour une bouchée de pain !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Convenons ensemble qu'il n'est pas sérieux de vouloir remettre en cause cette exonération, à moins qu'il ne s'agisse d'une opération de communication. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Dans ce cas, je vous rappellerai qu'une bonne publicité ne fait pas un bon produit : c'est pourquoi j'appelle mes collègues de l'opposition à plus d'honnêteté intellectuelle sur le sujet. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

« Travailler plus pour gagner plus », est-ce de l'honnêteté intellectuelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Dans la seconde partie du texte, qui vise à augmenter les salaires et le pouvoir d'achat, vous proposez que le SMIC passe à 1 600 euros brut par mois, ce qui représenterait une augmentation de 27 %.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Une telle augmentation aurait pour effet de détruire des milliers d'emplois, tout en freinant de nouvelles embauches, ce qui serait irresponsable en cette période de crise où l'essentiel de nos efforts doit porter sur le maintien de l'emploi et les incitations à l'embauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Une nouvelle fois, mes chers collègues, montrons-nous responsables.

J'en viens à l'article 6 qui supprime les réductions de cotisations sociales si l'employeur ne conclut pas un accord salarial tous les ans.

Mes chers collègues du groupe GDR, vous le savez, plus on encadre les salaires et l'on contraint les partenaires à négocier, plus on décourage, de fait, la négociation. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

C'est aux partenaires sociaux et à eux seuls que revient la responsabilité de négocier.

Nous, centristes, croyons résolument à la force du dialogue social et à la négociation, car elles font partie de notre richesse. Il faut une fois pour toutes accepter que l'État n'intervienne pas dans le domaine réservé aux partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Au Nouveau Centre, nous préférons la liberté à la contrainte et le consensus à l'économie administrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Le Centre ? C'est la première porte à droite ! (Sourires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Muzeau, je vous prie de laisser s'exprimer M. Rochebloine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Ils sont gênés !

Il est préférable à nos yeux de libérer les mécanismes de partage, comme la participation et l'intéressement.

Je rappelle enfin que la loi en faveur des revenus du travail que nous avons votée en septembre dernier prévoit un dispositif conditionnant les allégements de charges au respect de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires, que ce soit au niveau de l'entreprise ou de la branche.

Cela étant, il n'est pas question de rejeter en bloc l'ensemble de vos propositions car certaines visent à répondre à des questions légitimes, voire essentielles.

Plusieurs députés du groupe GDR. Lesquelles ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Soyez patients !

Je pense notamment à l'article 8 visant à étendre le RSA aux jeunes de moins de vingt-cinq ans qui travaillent. Nous considérons en effet que nous ne pouvons pas éluder cette question,… (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

… car la crise actuelle exacerbe les difficultés que ces jeunes rencontrent. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre souhaite que Martin Hirsch apporte une réponse d'ordre structurel à leur volonté de s'insérer durablement dans la vie professionnelle.

Je pense également à votre proposition de supprimer les franchises médicales. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Nous souhaitons que les parlementaires puissent se saisir rapidement de ce sujet pour évaluer les effets de l'application de ces franchises et vérifier qu'elles ne constituent pas un frein à l'accès aux soins pour nos compatriotes les plus fragiles.

Je pense enfin à l'article 14, qui vise à donner des moyens supplémentaires de rupture des contrats de crédit à la consommation. Nous partageons votre volonté de venir en aide à ces milliers d'hommes et de femmes qui se trouvent enfermés dans la spirale du surendettement, une spirale dont on ne sort jamais indemne, sur le plan financier comme sur le plan personnel.

Le Gouvernement a déposé sur le sujet un texte qui sera examiné dans les prochaines semaines, un texte qui, selon nous, ne va pas assez loin car il n'est pas à la hauteur de la détresse de nombreuses familles. N'oublions pas que des organismes prêteurs peu scrupuleux n'hésitent pas à proposer des crédits à des ménages déjà surendettés. Notre collègue Jean-Christophe Lagarde et nous-mêmes demandons depuis plusieurs années la création d'un répertoire national du crédit. Ce sera l'objet d'une proposition de loi qui sera débattue le 25 juin prochain.

II est essentiel de responsabiliser prêteurs et emprunteurs aux dangers inhérents à ce type de produits financiers. Mais responsabilisation ne veut pas dire infantilisation ; or, je crains que la rédaction de l'article 14 de votre proposition de loi ne soit perçue que comme un encouragement à emprunter sans risque.

Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre considère que le financement de ce texte, fondé sur l'endettement du pays, traduit une vision à court terme consistant à faire reposer le poids de nos emprunts sur nos enfants, voire nos petits-enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Nous voyons bien les effets pervers d'une telle proposition de loi pour l'économie de notre pays, à l'image d'un enfer pavé de bonnes intentions. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la France est entrée en récession après avoir enregistré plusieurs trimestres de baisse du produit intérieur brut, notamment une chute de 1,2 % au premier trimestre 2009, selon les chiffres publiés le 15 mai dernier par l'INSEE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Cette situation appelle deux constats. Le premier, que nous pouvons vérifier quotidiennement dans nos circonscriptions, rejoint en partie le vôtre : la France, c'est vrai, n'est pas épargnée, et beaucoup de nos concitoyens souffrent depuis le dernier trimestre 2008 de la hausse du chômage et du chômage partiel en raison notamment des restructurations et des fermetures d'entreprises. Sur tous les bancs de cet hémicycle – je tiens à faire preuve d'honnêteté (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) –, toutes et tous, nous montons au créneau pour soutenir ceux qui sont touchés. Toutefois, même si nous avons tous été scandalisés par des dossiers emblématiques, je refuse d'entendre stigmatiser des centaines de chefs d'entreprises qui se mobilisent quotidiennement afin de trouver pour leurs salariés des solutions, qui soient responsables et acceptables, aux difficultés réelles qu'ils rencontrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

L'État, premier employeur de France, en est un bon exemple !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Sur les quelque 3 millions d'entreprises que compte la France, toutes ne sont pas des multinationales. Encore faut-il accepter cette réalité ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Et ne pas éluder la responsabilité des multinationales !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Le second constat, plus positif, c'est que la France est moins touchée que ses partenaires européens – The Economist en a fait sa « une » il y a quelques semaines. Depuis janvier et grâce au succès du statut de l'auto-entrepreneur (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), les chiffres de la création d'entreprises sont en hausse importante, ceux de la croissance ne décrochent pas autant que chez nos voisins européens…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Allez demander son avis à l'Union professionnelle artisanale !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

…et, surtout, la consommation des ménages s'est bien maintenue, ce qui nous permet de mieux résister à la crise. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Or vous tirez de la situation actuelle des conséquences qui sont, à mes yeux, totalement déconnectées de la réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

C'est ainsi que les articles 1er, 2 et 3 de la proposition de loi visent à encadrer et à interdire les licenciements économiques effectués dans les entreprises qui ont réalisé des bénéfices.

Plusieurs députés du groupe GDR. C'est normal !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

En premier lieu, il est important de préciser que, par nature, ces sujets doivent être abordés dans le cadre de la négociation interprofessionnelle. Dois-je vous rappeler que c'est parce que de telles négociations n'ont pas pu aboutir en 2003 que le Gouvernement de l'époque a dû légiférer, ce qui a abouti à l'adoption de la loi de cohésion sociale ?

L'article 4, quant à lui, vise à abroger les articles de la loi TEPA qui concernent les heures supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Depuis la mise en application de la loi TEPA, nous avons assisté, selon un rapport de Bercy de janvier 2009, à une hausse de 20 % des heures supplémentaires,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

…pour une rémunération supplémentaire moyenne de 150 euros par mois. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

La défiscalisation des heures supplémentaires est un avantage qui bénéficie directement aux salariés, et non aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Le dispositif permet donc bien d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés. C'est pourquoi nous, députés de l'UMP, ne pouvons que nous étonner du combat que l'opposition mène depuis quinze à dix-huit mois contre les heures supplémentaires car, je le répète, elles sont favorables à la reprise, à la croissance et au pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est vous qui ne finirez jamais de nous étonner !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

L'article 5 propose la revalorisation du SMIC à 1 600 euros bruts mensuels au 1er juillet 2009.

Il me semble nécessaire de rappeler que le SMIC a augmenté en dix ans – monsieur le secrétaire d'État a pris une référence sur neuf ans – de 35 %, soit plus de 20 % en termes réels ! C'est une réalité qu'il faut avoir présent à l'esprit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Et le petit noir, de combien a-t-il augmenté ? Et les loyers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

C'est sous son angle structurel que nous devons aborder la question du coût du travail en France. Un salarié qui gagne plus de 1,6 fois le SMIC paie 22 % de charges salariales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Ce n'est ni plus ni moins qu'un prélèvement à la source, qui n'est pas progressif et auquel le quotient familial ne s'applique pas !

Supprimer les allégements de charges tels qu'ils existent ne serait possible qu'en repensant entièrement la manière dont on finance les régimes sociaux,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

…car le surcoût imposé au travail serait très défavorable à l'emploi. Il est important de le rappeler dans la situation actuelle !

L'article 6 préconise la suppression des allégements de cotisations sociales en l'absence d'accords salariaux annuels.

Cette clause créée une obligation de conclusion qui donne un avantage disproportionné à la partie demanderesse. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Non : elle crée simplement une obligation de résultat !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Il ne faudrait pas laisser croire que nous n'avons pas conscience que le dialogue social doit être encouragé, mais il faut procéder autrement. La loi en faveur des revenus du travail, dont Gérard Cherpion a été le rapporteur et qui a été adoptée en novembre 2008, a conditionné les allégements de charges à différentes règles, notamment au respect par les entreprises de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Rappelons l'origine de ces exonérations. Vous parlez de « cadeau fait aux entreprises », or elles ont été instaurées pour compenser le surcoût des 35 heures.

Debut de section - PermalienFrancis Vercamer et quelques députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

L'article 12 propose la suppression des franchises médicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Non, il ne s'agit pas d'une taxe sur les malades, ni d'une privatisation du système de protection sociale !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Sur les malades et sur les accidentés du travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Je rappelle que la France bénéficie du taux de prise en charge solidaire le plus élevé au monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Il est de 77 % et n'a pas baissé depuis des années. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

L'objectif de ces franchises est de responsabiliser davantage les patients et le Gouvernement a veillé à ne pas remettre en cause le principe de l'égal accès de tous aux soins. Le montant de ces franchises reste modeste : 50 centimes par boîte de médicament et par acte paramédical. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Enfin, l'article 13 propose de revaloriser les bourses sur critères sociaux ainsi que l'allocation pour la diversité dans la fonction publique.

Le Gouvernement n'a pas attendu cette proposition de loi pour améliorer l'aide aux étudiants boursiers, puisqu'il a engagé une réforme du système d'aide sociale pour le rendre plus juste et l'ouvrir davantage aux étudiants des classes moyennes. Je citerai, pour la seule rentrée 2008, la revalorisation de 2,5 % de toutes les bourses étudiantes attribuées sur critères sociaux, l'élargissement du système de bourses à 50 000 étudiants supplémentaires, la mise en place d'un fonds national d'aide d'urgence, le développement des prêts bancaires garantis par l'État ; enfin, le 9 mars 2009, la création par le haut commissaire à la jeunesse, Martin Hirsch, de la commission de concertation sur la politique de jeunesse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Daignez donc constater que nous avons pris des décisions courageuses pour soutenir l'emploi et le pouvoir d'achat,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

…mais aussi pour aider les entreprises – ce dont nous n'avons pas à rougir puisque ce sont elles qui créent les emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Plus de 600 000 chômeurs supplémentaires en un an !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Le plan de relance par l'investissement, les mesures d'aide au secteur automobile, le dispositif « zéro charge » pour les TPE, la réforme de l'indemnisation du chômage partiel – mesure que vous avez oublié de citer –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

…la prime exceptionnelle de 500 euros accordée aux chômeurs ayant travaillé entre deux et quatre mois à compter du 1er avril ou encore toutes les dispositions adoptées en faveur des Français les plus modestes telles que la suppression des deux derniers tiers provisionnels de l'impôt sur le revenu et le versement d'une prime de 150 euros aux familles bénéficiant de l'allocation de rentrée scolaire, autant de mesures concrètes, vous qui ne cessez de parler du pouvoir d'achat des plus modestes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Et contre les parachutes dorés, vous avez pris des mesures concrètes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

À ces mesures s'ajoutent celles prises avant la crise : la réforme des 35 heures qui a levé un frein à l'activité mais aussi l'instauration du revenu de solidarité active destiné à inciter à la reprise de l'emploi en mettant un terme à l'assistanat.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Une fois la crise survenue, nous avons adopté les mesures nécessaires au sauvetage du secteur bancaire, lequel doit continuer à financer les entreprises qui, j'insiste, créent les emplois.

Vous pouvez constater que nous avons mis en oeuvre des mesures importantes, des réformes nécessaires. Votre proposition de loi a le mérite de toutes les reprendre, mais pour les remettre en cause. Il ne suffit pas d'intégrer dans un texte toutes les dispositions que l'on souhaite voir adopter pour le rendre pertinent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je rappellerai, pour commencer, la teneur de quelques dépêches tombées hier et ce matin et qui décrivent bien le contexte actuel.

Nous avons ainsi appris, hier, que l'UNEDIC prévoyait 690 000 chômeurs supplémentaires pour 2009. Cet organisme, dont certains se demandaient naguère de quelle manière utiliser les excédents, annonçait en outre qu'il deviendrait déficitaire à partir de cette année.

Un journal réputé sérieux nous informait, hier aussi, que 2 500 licenciements allaient être annoncés. Encore ces chiffres ne concernent-ils pas le secteur dit « diffus ».

Hier encore, syndicats et patronat se sont réunis pour débattre de l'agenda social. Or, une dépêche indique qu'ils ne sont parvenus qu'à un accord minimal et que le patronat a refusé d'inscrire à l'agenda social une discussion sur les salaires.

Hier toujours, une dépêche annonçait – écoutez bien ces chiffres, monsieur le secrétaire d'État – que le plus grand licencieur français,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…que le plus grand destructeur d'emplois, qui avait prévu, en 2008, d'en supprimer 23 000,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…a fait mieux, en effet, puisqu'il a supprimé 28 000 équivalents temps plein.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Pour 2009, alors que le budget prévoyait la suppression de 30 627 postes de fonctionnaires d'État, un objectif de 34 000 est déjà envisagé. Ainsi nous en sommes à 20 % de destructions d'emplois de plus que prévu en 2008, et à 10 % de plus en 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ces nouvelles montrent dans quel contexte s'inscrit le présent débat et mettent en évidence le décalage entre la situation dont vous avez beau jeu de soutenir que nous partagerions le diagnostic,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…et les remèdes que vous prétendez apporter. Parlons-en, de ces remèdes : la loi TEPA, tout d'abord, qui a établi le bouclier fiscal – une autre proposition de loi l'évoquera –, mais aussi la question de l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires – à propos de laquelle vous restez droits dans vos bottes. Voilà qui nous différencie sur le fond.

De grâce, ne pourriez-vous avoir la sagesse d'estimer qu'une mesure que vous avez prise en 2007, moment où vous ignoriez, dites-vous, que nous serions frappés par la crise, mériterait d'être supprimée ou suspendue dans le contexte que je viens de vous rappeler, et qui affecte l'ensemble des salariés de notre pays ?

Parmi les remèdes que vous proposez, on retrouve le travail du dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Ah ! Voilà longtemps que vous n'en aviez pas parlé !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous prétendez que cette mesure recèle un gisement d'emplois,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…et qu'elle relancerait la consommation. Nous y reviendrons au mois de juillet, monsieur Mallié. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La proposition de loi de notre collègue Poisson fait aussi partie de vos remèdes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Dans sa proposition, M. Poisson considère que l'on peut répondre au surcroît de 690 000 chômeurs pour cette année et à la stagnation des salaires en développant le télétravail et les groupements d'employeurs : de quoi déstructurer encore un peu plus le lien entre le salarié et l'employeur en offrant à certains employeurs – et tous ne sont pas animés de mauvaises intentions, nous en sommes d'accord – des possibilités de contourner la loi. Nous avons même entendu hier soir M. Poisson nous dire que le dispositif permettrait à une collectivité territoriale d'employer à temps plein des salariés de droit privé !

Le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, a profité de l'examen de ce texte pour proposer un amendement extraordinaire au point de faire l'unanimité contre lui, à l'exception de M. Copé qui n'a pas d'avis sur le sujet ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

La position de Xavier Bertrand n'était pas mal non plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Voilà trois fois ce matin que nous vous entendons sur cette question !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Tout le monde n'était pas présent hier soir, madame Dalloz !

L'amendement de M. Lefebvre proposait, pour remédier à la crise, de faire travailler les gens pendant leur congé de maladie…

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Franchement, mes chers collègues, si votre seule réponse consiste à faire renoncer les salariés à leurs droits, comment s'étonner des mobilisations actuelles et à venir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Mais ce n'est pas notre réponse ! Nous avons été clairs sur ce point !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Frédéric Lefebvre n'est-il pas porte-parole de l'UMP ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Votre réponse, alors même que les parachutes dorés, les rémunérations dites variables saisissent tous les salariés par leur ampleur, a consisté en un décret riquiqui, a consisté à compter sur le MEDEF et sur la création d'un comité des sages… Avez-vous seulement examiné la composition de ce comité ? Je ne lui ferai pas l'injure de vous dire la confiance qu'elle m'inspire !

Tout autre est la réponse des oppositions. La présente proposition de loi rejoint sur certains points les textes défendus par nos collègues Alain Vidalies et Pierre-Alain Muet dans le cadre de la niche parlementaire dévolue au groupe SRC le 30 avril dernier. Nous avions alors proposé des dispositions similaires à celles défendues ici par le biais des articles 3, 6 et 12.

Permettez-moi un mot sur l'article 40 de la Constitution, invoqué contre les articles 8, 11, 12 et 13. Je note au passage que son application fait débat jusqu'au sein de la majorité. J'attire votre attention sur le fait qu'il n'existe pas ce que j'ai appelé l'article 40 bis, qui préciserait qu'une disposition créant des charges notamment pour les collectivités territoriales, serait également frappée d'inconstitutionnalité. Nous devons y réfléchir car les dispositions fleurissent qui sont votées par le Parlement et qui pèsent sur les finances des collectivités territoriales.

À propos de la conditionnalité des exonérations de charges pour les bas salaires, dont le rapporteur a précisé qu'elles représenteraient, pour les seules dispositions relevant de la loi Fillon, près de 25 milliards d'euros, vous avez prévu dans la loi sur les revenus du travail d'y mettre fin si la négociation n'a pas été engagée. Croyez-vous que cela soit suffisant ? Croyez-vous que nous puissions nous contenter d'un simple procès-verbal de carence constatant un désaccord et permettant de continuer à bénéficier des exonérations de cotisations ? Vous moquez-vous du monde ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous prenez les salariés et les employeurs pour des gogos ! Ne croyez pas qu'ils ne comprendront pas comment contourner cette disposition !

La présente proposition de loi va dans le bon sens, car elle accorde une plus grande place aux délégués du personnel ou aux comités d'entreprise. Le groupe socialiste, qui partage les mêmes positions, votera donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est des moments rassurants dans la vie parlementaire : ce sont ceux qui permettent de rappeler quelques fondamentaux. La discussion de cette proposition de loi nous donne l'occasion de rappeler qu'il y a bien une différence entre une politique de droite et une politique de gauche.

Une politique de gauche, c'est une politique qui, d'abord, se soucie de l'homme, se soucie de la création d'emplois pour les individus et non des conditions de la création d'emplois par les entreprises.

Nous disposons aujourd'hui d'un certain recul par rapport aux politiques de l'emploi qui ont été menées entre 1997 et 2002, d'une part, et depuis 2002, de l'autre. Ces deux périodes sont d'une durée comparable, de cinq et sept ans respectivement. Les chiffres sont là : entre 1997 et 2002, et indépendamment du contexte économique mondial, la tendance était à une diminution du nombre de demandeurs d'emplois et à une augmentation des créations d'emplois. Le taux de chômage est passé en cinq ans de 12,7 % à 8,7 % de la population active, et un million d'emplois ont été créés.

Vous allez me dire que nous sommes parvenus à ce résultat d'une mauvaise manière, en particulier en instaurant les 35 heures. Il reste que, même si c'était selon vous d'une mauvaise manière, ces emplois ont été créés. Et nous le constations de visu dans nos circonscriptions : la situation des gens que nous rencontrions ne cessait de s'améliorer.

Depuis 2002, que n'avez-vous eu de cesse de nous imposer ? Une déréglementation permanente, et en particulier, en ce qui concerne les heures supplémentaires, des modifications constantes du plafond autorisé. Car bien d'autres lois ont succédé à la loi Fillon. Il suffisait, en somme, de déréglementer pour créer de l'emploi.

À présent, nous sommes dans une situation assez cocasse. Hier encore, j'ai demandé à notre collègue Poisson, lors de l'examen de la proposition de loi dont il est rapporteur, combien de créations d'emplois allaient résulter, selon lui, de mesures telles que le développement des groupements d'employeurs ou de la mobilité professionnelle. Il m'a répondu qu'il ne savait pas trop, qu'il ne pouvait pas faire de promesses, qu'il ne pouvait pas s'engager, mais qu'il était « volontariste ». Il a complété cette réponse en me disant que les 35 heures n'avaient créé qu'entre 350 000 et 400 000 emplois, alors que nous avions souhaité en créer 700 000.

Oui, nous nous étions fixé un objectif : 700 000 créations emplois. Et 400 000 emplois ont été effectivement créés.

Non seulement les dispositifs mis en oeuvre par la droite ne fournissent aucune assurance, mais encore ils coûtent cher. Je pense en particulier à l'exonération des heures supplémentaires, dont nous savons même qu'elle détruit des emplois, puisqu'elle en donne, en réalité, à ceux qui en ont.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Nous savons donc dès le départ que ces heures supplémentaires financées par le contribuable aboutiront à moins de créations d'emplois, les moyens étant concentrés sur ceux qui ont déjà un emploi.

C'est dire si nous n'avons pas à rougir de la comparaison entre la politique que nous avons menée et celle que vous menez aujourd'hui.

Soyez au moins pragmatiques, corrigez le tir, soyez un tout petit peu attentifs à ce que nous entendons dans nos circonscriptions, trouvez des solutions qui marchent. Bien sûr, vous n'êtes pas revenus sur les 35 heures. Dont acte. Mais, cela dit, vous devriez par exemple – et cela figurait déjà dans la proposition de loi de nos collègues Vidalies et Muet – mettre l'accent sur le contrat de transition professionnelle, au lieu de vous contenter de quelques expérimentations ici ou là. Aujourd'hui, le contrat de transition professionnelle concerne environ 5 000 personnes, guère plus. Or, il y a 3 000 chômeurs de plus chaque jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

On voit bien qu'il y a une totale discordance entre une mesure purement technique et le drame humain que connaissent tant de Français. Généralisez ce contrat, puisqu'il faut être pragmatique et trouver des solutions concrètes. Et financez cette généralisation en abrogeant tout bonnement la loi TEPA et le bouclier fiscal.

Derrière ces divergences fondamentales qui nous opposent en matière économique, il y a une urgence sociale. Bien sûr, on peut toujours avoir recours à des rideaux de fumée, laisser entendre qu'il faudrait étendre le télétravail aux personnes en congé de maternité ou de maladie, mais tout cela relève du Grand Guignol. Et l'on peut regretter que les propositions de loi qui se succèdent pour défendre l'emploi ne donnent lieu qu'à des campagnes médiatiques qui les dévoient et nous éloignent des vrais problèmes. Tout cela n'est pas sérieux, et pourtant la presse ne parle que de cela.

L'urgence est là : 12 % des Français vivent avec moins de 817 euros par mois ; le salaire médian est de 1 490 euros. Si vous ne voulez pas changer radicalement de politique économique, remettez au moins en cause certaines des mesures qui plombent, de manière dramatique, le budget des plus défavorisés et qui, de surcroît, ne sont pas cohérentes sur le plan de l'économie générale. Je pense en particulier aux franchises médicales, qu'il faut supprimer car non seulement elles empêchent les gens de se soigner, mais elles vont coûter beaucoup plus cher à l'économie générale : des gens qui ne se soignent pas à l'hôpital coûtent plus cher que des gens qui consultent suffisamment tôt. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les propos que nous avons entendus ce matin montrent combien nos collègues de la majorité sont loin de connaître parfaitement la situation que vivent chaque jour nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

L'examen de cette proposition de loi s'inscrit dans un long processus de propositions et contre-propositions, émanant de la majorité comme de l'opposition, pour combattre la crise qui frappe nos concitoyens, et qui prend une ampleur sans précédent. Prenons un exemple récent : 2 500 suppressions de postes ont été annoncées pour la seule journée du mardi 26 mai. L'UNEDIC table d'ailleurs sur une progression du nombre de chômeurs de 640 000 personnes en 2009. Voilà, mes chers collègues, la réalité de la situation de l'emploi en France !

Derrière ces chiffres se trouvent des familles déstabilisées, des projets de vie qui s'arrêtent net.

Derrière ces chiffres se trouvent l'ensemble des salariés de notre pays, qui se sentent aujourd'hui dans une insécurité sociale et économique extrêmement forte.

Il est donc plus que temps de réagir.

Avec cette proposition de loi, nos collègues du groupe GDR tentent, comme nous l'avons fait avec nos propres propositions, de faire prendre conscience au Gouvernement des contradictions de sa politique, contradictions qu'il tente de masquer par des opérations de communication.

Permettez-moi, mes chers collègues, de prendre quelques exemples. Concernant les licenciements économiques « boursiers » ou émanant d'entreprises qui bénéficient d'aides publiques, il n'est pas possible de dire, le mercredi, qu'il faut « moraliser le capitalisme », et de refuser, le jeudi, de voter un texte qui ne fait rien d'autre que moraliser le capitalisme.

Autre exemple : quand, concernant le pouvoir d'achat, on proclame qu'il faut tout faire pour permettre aux salariés de gagner plus, on ne peut pas refuser de se poser la question de l'augmentation des salaires. On ne peut pas non plus refuser que les exonérations de cotisations sociales soient conditionnées à la conclusion d'accords salariaux de branche ou d'entreprise !

Troisième exemple, qui me tient particulièrement à coeur : celui des franchises médicales.

On ne peut pas, d'un côté, faire la promotion d'un système de soins « à la française », performant et égalitaire, tourné avant tout vers le patient, et, de l'autre, mettre en avant des franchises médicales qui pénalisent économiquement, et donc sanitairement, les Français les plus faibles. Je vous rappelle, madame Dalloz, que 40 % de nos concitoyens limitent, retardent, voire refusent des soins que nécessite pourtant leur état de santé.

Autre exemple, traité par l'article 13 de la présente proposition : celui du revenu des étudiants. L'inégalité est évidente entre les étudiants qui, parce qu'ils en ont les moyens, ne se consacrent qu'à leurs études, et ceux qui sont obligés de travailler pour les financer.

Quelle est votre réponse ? Nous la voyons poindre : c'est le travail dominical. Bien sûr, l'ouverture des commerces le dimanche servira aux étudiants, puisqu'il pourront arrondir leurs fins de mois. Mais il serait préférable qu'ils passent leurs dimanches sur leurs livres, pour réussir leurs études et trouver ensuite un emploi.

Non, chers collègues de l'UMP, la véritable égalité entre les étudiants ne passe pas par la possibilité, pour ceux qui sont économiquement les plus faibles, de travailler le dimanche, mais par l'accès à des bourses leur permettant de concourir à armes égales avec les étudiants plus favorisés. Voilà une mesure de justice sociale concrète en direction de ceux qui sont l'avenir de notre pays !

De même, il serait efficace – et logique – d'octroyer la prime exceptionnelle de 200 euros à l'ensemble des bénéficiaires de minima sociaux, sans effectuer de tri comme c'est le cas aujourd'hui. Quel message est envoyé aux bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité qui ne reçoivent pas cette prime de 200 euros ?

Mon dernier exemple a trait à l'article 15, gagé notamment, comme l'étaient les propositions du groupe SRC, par une remise en cause du bouclier fiscal. Soyons honnêtes avec nous-mêmes : on ne peut parler de justice sociale sans revenir sur une mesure qui symbolise l'injustice fiscale.

De même, la taxation des parachutes dorés se traduirait par des recettes considérables. Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, vous avez accepté de les taxer à partir d'un million d'euros. À quoi correspond cette somme, mes chers collègues ? À plus de deux carrières complètes rémunérées au SMIC ! Plus de quatre-vingts années de SMIC ! Comment demander à la population de serrer les dents durant la crise en affichant une telle générosité envers les plus aisés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Cette proposition de loi est bonne, et aurait mérité bien mieux que l'indifférence, le mépris, voire les railleries que nous avons subies en commission. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.) Je suis peinée de voir le niveau de conformisme, pour ne pas de dire de dogmatisme, dont fait preuve le groupe majoritaire sur des propositions aussi essentielles pour nos concitoyens que celle que nous étudions aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les mesures contenues dans la proposition de loi qui nous est présentée, en faveur de l'emploi, des salaires et du pouvoir d'achat, se justifient pleinement.

Elles se justifient d'abord par la gravité sans précédent de la situation économique et sociale : 300 000 chômeurs de plus en six mois, sans doute un million en douze mois. On peut juger que, face à ces chiffres éloquents, la politique mise en oeuvre par le Gouvernement n'est pas à la hauteur. Ni à la hauteur d'une crise sans précédent à l'échelle mondiale, ni à la hauteur des attentes de ces centaines de milliers de salariés qui se trouvent exclus du monde du travail ou à qui leurs modestes revenus ne permettent plus de survivre.

Il y a urgence ! Et le pire est sûrement encore devant nous. Face à cette situation catastrophique, le malaise social s'amplifie. Tous les indicateurs vont dans le même sens : il y a urgence à comprendre cette attente sociale qui est surtout révélatrice d'un échec national.

Tant que l'on ne fera pas le constat qui s'impose, à savoir que c'est en augmentant le pouvoir d'achat que l'on favorisera la croissance, il sera difficile de trouver une issue à la crise que nous traversons. C'est pourquoi, il me semble indispensable de donner un sérieux coup de pouce au SMIC et aux minima sociaux, et ce dès le 1er juillet. Ce n'est pas d'une augmentation de quelques euros ou dizaines d'euros que nos concitoyens ont besoin. Non, c'est d'une vraie augmentation de leur pouvoir d'achat, afin de leur garantir le minimum vital, à eux et à leurs familles. Essayez, pour une fois, de prendre en compte leurs attentes.

Il est par ailleurs grand temps d'en finir avec les dispositions de détaxation des heures supplémentaires contenues dans la loi TEPA du 20 août 2007, qui ont jeté des milliers d'intérimaires dans les agences de Pôle emploi. Sur ce sujet, vous avez refusé, le 30 avril dernier, notre proposition de loi tendant à étendre les droits des premières victimes de licenciements, en CDD ou intérimaires, qui, à l'heure où nous parlons, ne perçoivent plus d'allocations. Là aussi, il est plus que temps de répondre à la désespérance sociale qui grandit dans notre pays.

Je voudrais également évoquer les exonérations de cotisations sociales. Tous les rapports l'ont prouvé, y compris celui, tout récent, de la Cour des comptes, les exonérations de cotisations sociales sans contrepartie n'aboutissent qu'à des effets d'aubaine et ne facilitent ni la diminution du chômage ni la création d'emplois. Permettez-nous une fois encore de souligner, comme nous l'avions fait le 30 avril, combien il est urgent de conditionner toutes les exonérations de charges sociales à la conclusion d'un accord d'entreprise ou de branche sur les salaires durant l'année en cours. C'est de cette manière, et seulement de cette manière, que les salariés retrouveront une partie du pouvoir d'achat qu'ils ont perdu.

Enfin, dans un contexte économique et social si difficile, comment peut-on encore justifier l'existence des franchises médicales qui, on le sait aujourd'hui, sont de nature à compromettre le droit à la santé ? Force est de constater qu'elles ont aggravé les difficultés financières des patients les plus démunis et de ceux qui ont précisément le plus besoin de soins, au point de les conduire parfois à y renoncer. Une récente étude de l'institut de recherche et de documentation en économie de la santé montre d'ailleurs qu'avant leur instauration, 14 % de la population avait déjà dû renoncer à des soins pour des raisons financières. Voila qui laisse imaginer le pourcentage de malades qui ne se soignent pas ou retardent leurs soins aujourd'hui.

L'abrogation des franchises est une nécessité. Voilà pourquoi il est urgent de prendre des mesures en faveur de l'emploi, des salaires et du pouvoir d'achat, pour qu'enfin tous les Français puissent vivre dignement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le contexte de crise profonde que nous vivons, il est impératif de mettre en place de nouvelles régulations sociales. Je salue donc la proposition de loi du groupe GDR, qui rejoint sur un grand nombre de points les préoccupations exprimées par les socialistes il y a quelques semaines.

Je le dis très simplement : ce n'est pas en rééditant des schémas inspirés du passé que l'on pourra faire face en profondeur aux conséquences sociales de la crise. Or je crains que le Gouvernement ne prenne la mesure des enjeux lorsqu'il se contente de répéter son bréviaire libéral, qui voit dans le soutien aux entreprises la seule voie acceptable d'intervention publique.

Prenons-en un exemple précis : celui des jeunes. Tous les Français sont durement touchés par la crise, mais les jeunes de moins de vingt-cinq ans en sont les premières victimes. Le chômage les concernant a augmenté de 32 % en un an, contre 19 % pour l'ensemble de la population. La statistique devient effrayante pour les jeunes hommes dont le chômage a bondi de 50 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela pourrait même jusqu'à concerner Laurent Wauquiez…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Or cette situation semble passivement admise comme un état de fait : il y a comme une acceptation de ce que l'entrée des jeunes dans la vie active, à seize ans, dix-huit ans ou plus tard pour ceux qui font des études, doit s'apparenter à un véritable parcours du combattant. Nous devons réfléchir à un nouveau pacte social dans lequel la place accordée aux jeunes sera véritablement définie.

Cela passera sans doute par des remises en question, et certaines ont été évoquées par le rapporteur. La montée en puissance, qui s'est maintenant ralentie, des heures supplémentaires s'est faite, pas exclusivement mais pour une bonne part, au détriment de l'emploi des jeunes puisqu'elle a favorisé, une fois de plus, les personnes déjà intégrées et bénéficiant d'un emploi.

Au-delà de cet exemple, on ne peut se contenter de répéter qu'il faut faire une place plus large aux jeunes dans la société sans voir que cela impliquera des remises en cause pour d'autres catégories de la population.

Face à cette situation de fait que vivent les jeunes, que nous ont proposé le Gouvernement et le Président de la République ? Ce dernier, il y a quelques semaines, s'est contenté de dire qu'il fallait multiplier les exonérations de cotisations des entreprises qui seraient susceptibles d'embaucher, qu'il fallait donner des primes aux entreprises qui embaucheraient des stagiaires et à celles qui proposeraient des contrats de professionnalisation – primes qui avaient d'ailleurs été supprimées par le même gouvernement…

Nous pensons que ce n'est pas une solution satisfaisante et qu'il convient de réfléchir dans trois directions.

D'abord, il faut avoir enfin le courage de reconnaître que les jeunes sont les laissés pour compte de notre société, et mettre en place un vigoureux dispositif d'accompagnement à l'entrée dans la vie active, qui constituerait la première étape d'une sécurisation active des parcours professionnels, ce qui passe incontestablement par le soutien, y compris financier, à l'autonomie effective.

Ensuite, nous devons apporter un soutien plus fort aux jeunes travailleurs, et notamment à ceux qui n'ont qu'un emploi précaire. Plusieurs collègues avant moi se sont exprimés en faveur de la mise en place du « RSA chapeau » pour les jeunes travailleurs. Qu'il s'agisse du RSA ou d'un autre dispositif, il n'y a aucune raison d'accepter pour les jeunes ce que vous n'acceptez plus pour les plus de vingt-cinq ans, à savoir le salariat précaire.

En cette période, force est de constater qu'il faut proposer une indemnisation chômage renforcée. La proposition de loi préconise le développement d'une allocation de solidarité pour les chômeurs en situation fragile ; nous avons proposé la prolongation de six mois de ceux qui se retrouvent au chômage au terme d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat d'intérim. Mais manifestement, l'une et l'autre de ces propositions sont refusées par l'UMP et le Gouvernement.

Enfin, nous devons réfléchir à des mesures particulières pour les jeunes en difficulté. À cet égard, je regrette que le Gouvernement n'ait rien trouvé de mieux à proposer pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans en difficulté que des contrats aidés « secs », c'est-à-dire sans formation obligatoire, sans soutien de formation. Il n'est guère positif de préconiser pour les jeunes le maintien dans l'assistance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Je me permettrai de répondre plus longuement à l'intervention de Mme Marie-George Buffet, puisque la proposition de loi a été présentée par le groupe communiste.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Et révolutionnaire : je reprends désormais vos termes, monsieur Brard ! (Sourires.)

Madame Buffet, vous avez insisté avec force et vigueur sur l'avenir de l'emploi dans le secteur industriel. Je dois reconnaître que votre groupe porte cette préoccupation avec constance, et plus encore en cette période de crise. Pour autant, je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement reste aveugle sur ces questions et que rien n'a été fait pour l'activité industrielle.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

Il y a des centaines d'exemples où vous laissez faire !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

On remarque du reste un certain contraste, que je goûte assez, avec l'approche de certains gouvernements ou élus socialistes en Europe, avec la sensibilité dont ils font preuve s'agissant des enjeux industriels et de stratégie industrielle. Mais laissons de côté ce débat-là.

J'ai d'abord parlé de l'activité partielle, qui bénéficie principalement aux entreprises et aux emplois dans le secteur de l'industrie.

Mais il y a aussi le Fonds de soutien à l'industrie, qui n'existait pas jusqu'à présent. Doté de 15 milliards d'euros – j'ai fait récemment un point avec ses responsables pour évaluer la situation –, il vient en soutien à des PME du secteur industriel qui en ont profondément besoin. De ce point de vue, le FSI sera un outil très efficace au soutien de ce secteur, pour lequel il ne faut jamais baisser les bras, contrairement à ce qu'ont fait des pays comme le Royaume-Uni – qui le regrette aujourd'hui amèrement –, persuadés que l'on pouvait faire vivre un pays et une économie dans le monde actuel en sacrifiant l'industrie. Ce n'est absolument pas le raisonnement de notre Gouvernement, ce n'est en aucun cas la conviction portée par le Président de la République, et cela ne correspond surtout pas aux outils que nous avons mis en place.

J'en veux pour preuve, puisque de nombreux élus de votre groupe y sont particulièrement sensibles, le pacte automobile, dans lequel le Gouvernement a investi massivement 6 milliards d'euros pour préparer l'automobile de demain.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

J'ajoute que nous travaillons conjointement avec les partenaires sociaux pour agir sur un certain nombre de pans industriels. Je pense notamment à l'industrie agroalimentaire, qui souffrait d'un déficit de négociations sociales important, à l'aéronautique, mais aussi au bâtiment : secteur par secteur, branche par branche, nous essayons d'évaluer et de prendre les mesures d'anticipation nécessaires pour conforter l'emploi industriel, plutôt que de nous contenter de jouer les pompiers quand il est trop tard.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Vous êtes plutôt des incendiaires que des pompiers !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

S'agissant de la loi TEPA, vos interventions sont constantes sur ce sujet. J'ai déjà réagi après celle de M. Paul et je n'y reviendrai pas.

M. Rochebloine a évoqué la future proposition de loi que portera son groupe, notamment sur les conditions de rémunération et d'indemnisation des salariés en reconversion. Nous en reparlerons à cette occasion.

Je veux saluer l'intervention de Mme Dalloz, dans laquelle j'ai retrouvé, comme à chaque fois, sa sensibilité et son expertise sur toutes les questions de politique de l'emploi,…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…qu'elle connaît parfaitement et dans lesquelles elle s'investit depuis maintenant de nombreuses années. Elle a notamment insisté sur la politique salariale et de la dynamique de la négociation sociale, en marquant d'ailleurs clairement les différences d'approche en la matière, la majorité et du Gouvernement misant sur la négociation sociale, tandis que d'autres seraient plus portés à considérer que l'on peut imposer autoritairement une négociation salariale dans l'entreprise, y compris aux partenaires sociaux.

Vous m'avez interrogé, madame Dalloz, sur la suite qui sera donnée à la loi du 3 décembre 2008. Nous sommes d'ores et déjà allés plus loin en demandant aux branches de revoir, au moins tous les deux ans, tous leurs barèmes de grilles salariales afin de recréer des perspectives de progression de carrières et de salaires. Nous en présenterons le bilan aux partenaires sociaux lors de la prochaine commission nationale de la négociation collective, qui aura lieu le 22 juin. Je veillerai, bien évidemment, à ce que vous soyez tenue informée des résultats, eu égard à l'intérêt que vous portez à ces questions.

S'agissant des interventions de M. Eckert et de M. Liebgott, je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà répondu à M. Paul à propos des heures supplémentaires. En revanche, je remercie M. Liebgott de ses appréciations positives sur le contrat de transition professionnelle et sur son utilité. Je pense que c'est effectivement un outil sur lequel nous pouvons nous retrouver. Une évaluation associant les partenaires sociaux est prévue dans le courant 2009 ; elle sera l'occasion de faire le point sur cet instrument et sur son évolution. Dans le cadre du comité de pilotage, j'ai fait le point cette semaine, avec l'ensemble des partenaires sociaux, de ce contrat de transition professionnelle et de la convention de reclassement personnalisée.

Mme Lemorton emploie d'habitude un ton apaisé et posé ; j'ai senti ce matin une certaine vigueur de sa part.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

J'espère que ce n'est pas mon intervention liminaire qui a suscité cette réaction. (Sourires.)

S'agissant de la moralisation du capitalisme,…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…je voudrais rappeler qu'entre 1997 et 2002, il n'y a pas eu beaucoup d'avancées sur les rémunérations des dirigeants.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

C'est pourtant à cette période que la bulle spéculative extrêmement importante d'Internet a explosé.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Prenez-le comme une forme de taquinerie : sur ces sujets-là, je reconnais aux députés communistes une vraie constance.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Mais d'autres découvriraient-ils le sujet à l'occasion de la crise ?

S'agissant du suivi de l'après-crise que nous apportons, le Gouvernement français est particulièrement moteur. Au sein du G 20, ce ne sont pas les Américains qui ont été à l'origine des dispositions en matière de réglementation des paradis fiscaux,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Des déclarations ! Ils se portent toujours bien, les paradis fiscaux !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…mais bien le Gouvernement français, et surtout le Président de la République qui a directement abordé la question.

S'agissant enfin des interventions de Mme Pinville et de Mme Touraine, le contenu de la proposition de loi du groupe GDR est à mes yeux suffisamment sérieux pour que j'y consacre toute mon attention, en n'abordant que les questions qui y sont traitées. Or je n'y ai pas vu de dispositions portant sur les sujets qu'elles ont évoqués. Je suis tout à fait prêt à débattre en d'autres occasions de l'emploi des jeunes, de la sécurité sociale et de la couverture maladie, qui sont de vrais enjeux ; mais par respect pour le travail accompli par le groupe GDR et M. Paul, j'entends m'en tenir aux seules dispositions contenues dans leur proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Madame la présidente, comme nous l'avons fait le 30 avril, où nous avons pu débattre de plusieurs propositions de loi du groupe socialiste, le Gouvernement en appelle à l'article 96 du règlement de l'Assemblée…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

…de manière à ce que la discussion puisse se dérouler sereinement sur l'ensemble de la journée et que ces quatre présentes propositions de loi donnent lieu, conformément à la demande du groupe GDR, à un vote solennel mardi prochain.

C'est la raison pour laquelle, sur l'ensemble des articles et amendements de ces quatre propositions, le Gouvernement demande l'application de l'article 96.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

En application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.

La réserve est de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le secrétaire d'État, il n'y avait aucune raison particulière de réserver le vote. Il était au contraire tout à fait possible de discuter et de voter chacun des articles dans la mesure où, précisément, comme vous l'avez rappelé, un vote solennel aura lieu mardi. Je n'ai jamais vu, dans cette assemblée, que, sous prétexte qu'un vote solennel intervient la semaine suivante, on ne vote pas sur les articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Cela vient de sortir, et c'est un peu désagréable, d'autant plus que la majorité ne court aucun risque sur ces votes puisqu'elle est présente en nombre ce matin.

Si cette réserve était destinée à offrir la possibilité au groupe UMP de ne pas participer au débat, j'y verrais un geste particulièrement désobligeant à l'égard de l'opposition et de notre groupe. Les deux groupes de l'opposition représentent environ 47 % du peuple français, et ces Français – pas plus du reste que ceux qui ont voté pour la majorité – ne comprendraient pas que vous fuyiez un débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Vous allez donc répondre.

Ensuite, ce serait une atteinte à la démocratie. Pire, cela remettrait en cause ces séances d'initiative parlementaire dont le président nous a dit que c'est en raison de leur particulière importance que leur nombre a été multiplié par trois.

Chers collègues, êtes-vous prêts à débattre, à argumenter sur des questions fondamentales – la crise, ses causes, les solutions possibles – sur lesquelles il est normal que nous ayons un débat approfondi ? J'attends une réponse du Gouvernement et du groupe UMP.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président Sandrier, le groupe UMP dira ce qu'il a à dire. Mais pour ce qui me concerne, les choses sont extrêmement simples : le 30 avril, nous avons demandé au groupe UMP de retirer l'exception d'irrecevabilité qu'il avait déposée sur la proposition socialiste. De même, sur les présentes propositions, je lui ai demandé de ne pas déposer de mention de procédure, précisément parce que nous souhaitons que le débat ait lieu : une exception adoptée d'emblée couperait court à tout débat, comme à toute discussion sur les articles et les amendements.

Si nous demandons la réserve, c'est donc pour que chacun dise ce qu'il a à dire, en attendant le vote solennel mardi.. Sinon, à quoi servirait-il de prévoir des journées consacrées aux propositions de loi de l'opposition si c'est pour l'empêcher de s'exprimer par le biais de motions de procédure ?

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Permettez-moi tout de même de vous rappeler que vous ne privez pas d'en déposer sur les propositions de la majorité !

Les choses sont très claires : le débat va avoir lieu, sereinement, sans motion de procédure. Chacun dira ce qu'il à dire, et le vote solennel interviendra mardi prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Monsieur le président Sandrier, nous avons été nombreux, à l'UMP, à nous pencher sur le texte de M. Daniel Paul et à en débattre en commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Le résultat a prouvé que nous avions raison ! On ne peut pas nous accuser de fuir le débat alors que notre groupe a démontré qu'il était capable de traiter ces questions, même si c'est d'une façon qui ne vous convient pas. De même, vous ne pouvez pas nous reprocher à la fois de fuir le débat et de porter des propositions de loi sur ces sujets !

Enfin, nous ne pouvons que remercier le président Sandrier d'avoir salué la présence des députés UMP ce matin, venus manifester l'intérêt qu'ils portent au travail de notre collègue Daniel Paul.

En ce qui nous concerne, nous approuvons la position du ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vais maintenant appeler les articles de la proposition de loi.

Je rappelle qu'en application de l'article 96 du règlement, les votes sur les articles et les amendements ont été réservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Plusieurs orateurs sont inscrits sur les articles 1er et 2.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Nous comprenons bien que la réserve des votes présente un grand avantage pour nos collègues UMP et Nouveau Centre : ils n'auront pas à rendre compte de leurs votes, point par point, dans leurs circonscriptions.

Nous avons entendu M. François Rochebloine tout à l'heure. Certes, le Nouveau Centre est quelque chose de très particulier : c'est surtout l'art de tourner en rond pour ne pas prendre position.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Avec le Nouveau Centre, madame la présidente, on se perd dans les profondeurs ; c'est bien le problème ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Comme le dit Pierre Gosnat : le Nouveau Centre, c'est la première porte à droite ! (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Brard, venez-en à la proposition de loi, s'il vous plaît.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pourquoi nos collègues de l'UMP ne souhaitent-ils pas avoir à voter sur les articles ? L'article 1er propose d'exclure du champ légal des licenciements économiques les entreprises ayant réalisé des bénéfices, distribué des dividendes, délocalisé leur production ou reçu des aides publiques, et de confier des responsabilités nouvelles à l'inspection du travail.

Je prendrai un exemple pour illustrer notre propos, sans prétendre convaincre nos collègues de l'UMP qui, in petto, comme on dit au Vatican, savent tout cela par coeur.

Le groupe Air France-KLM a communiqué la semaine dernière de moindres résultats et, dans la foulée, la direction d'Air France a annoncé des suppressions d'emplois. Le titre est aussitôt monté en Bourse. Ce qui prouve bien que c'est la logique que vous défendez qui est perverse, et que c'est elle qu'il faut changer. Chacun des articles de la proposition dont Daniel Paul est le rapporteur vise précisément à changer de logique.

Il ne s'agit pas seulement de constance, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi. Il est vrai que nous en avons, depuis longtemps, et que jamais nous ne nous laissons décourager par l'autisme du Gouvernement et de la majorité devant des propositions qui répondraient pourtant aux besoins des travailleurs de notre pays. Mais nous sommes pugnaces, car nous avons une légitimité à porter les préoccupations des gens qui souffrent et qui, bien que travaillant dur, pour parler comme le Président de la République pendant la campagne électorale avant qu'il oublie ses promesses, voient leurs fins de mois commencer de plus en plus tôt… Ils sont de plus en plus nombreux à se demander comment assurer la fin du mois pour leurs familles et à être menacés dans leurs emplois.

Je pense par exemple à ces mille salariés de chez Renault qui travaillaient au Technocentre de Guyancourt depuis des années et ont été informés, juste avant Noël, qu'ils ne travailleraient plus à partir du 1er janvier. Comble de tout, la direction de Renault, autrement dit M. Carlos Ghosn, avec ses payes et ses bonus mirobolants, a fait démagnétiser les badges de ces travailleurs, pour être bien sûre qu'ils ne remettront plus les pieds sur les lieux où ils ont enrichi Renault grâce à leur travail qualifié !

Ce que je dis n'est pas valable seulement pour l'article 1er mais également pour les autres, car, comme me le souffle ma collègue Jacqueline Fraysse, il s'agit d'une philosophie globale qui n'est pas seulement faite de constance, monsieur le secrétaire d'État, mais aussi de conviction,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Nous l'avons bien compris, monsieur Brard, mais nous ne sommes pas d'accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…parce que nous portons l'intérêt de ces voix qui s'expriment du fond du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Cet article 1er, qui vise à interdire les licenciements dans les entreprises versant des dividendes et recevant des aides publiques, devrait être voté par tout le monde. Le Président de la République ne proclame-t-il pas qu'il faut moraliser l'économie ? S'il est une mesure qui permettrait de le faire, c'est bien d'interdire à ceux qui ont perçu de l'aide publique, versé des dividendes exorbitants à leurs actionnaires ou même réalisé des profits, de licencier leurs salariés.

Pour vous y opposer, vous avez invoqué, monsieur le secrétaire d'État, la « liberté de l'employeur » de licencier. Et que faites-vous de la liberté des travailleurs de travailler ? Que faites-vous du droit à l'emploi ? Avez-vous évalué combien cette « liberté » de l'employeur coûtait à la société, aux salariés, à leurs familles, aux territoires, au contribuable ? Non. Ce serait pourtant un calcul très intéressant.

Je vous donne quelques exemples. Le groupe Doux, que tout le monde connaît, vient de fermer deux sites, l'un en Bretagne et l'autre dans mon département, au Châtelet, avec à la clé plus de 300 licenciements, dont 170 dans le Cher. Le groupe a pourtant reçu des aides des collectivités publiques ; on vient même d'apprendre, ce matin, qu'il a touché 62 millions d'euros au titre de la PAC ! Tout cela pour quoi faire ? Pour licencier et délocaliser au Brésil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Pour information, le prince de Monaco a perçu 250 000 euros au titre de la PAC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

En outre, alors que vous évoquez souvent le chiffre de 6 milliards d'euros, ce sont en réalité 8 milliards que vous avez consentis sous forme d'aides à l'industrie automobile. Les salariés des entreprises sous-traitantes, comme ceux des donneuses d'ordres, se demandent bien où est passé cet argent. Dans mon département, des entreprises comme Timken ou Paulstra, à Vierzon, Wagon ou Lisi, à Saint-Florent, Ranger, à côté de Vierzon, ou encore Denison, Nexans ou Carroy, licencient ou mettent leurs salariés au chômage partiel.

Qu'en est-il également de ce fameux « code de bonne conduite » entre les donneurs d'ordres et les sous-traitants ?

Une de nos collègues nous accusait tout à l'heure de nous attaquer en permanence aux malheureux patrons. Mais nous faisons une grande différence entre les patrons, car ceux du CAC 40 gagnent en moyenne 300 SMIC tandis que les patrons de petites entreprises en gagnent trois. Ceux-là sont frappés de la même manière que les salariés.

Dernier exemple : Soudacier entreprise métallurgique spécialisée dans la mécano-soudure, mise en concurrence par la délégation générale de l'armement, donc par l'État, avec une entreprise tchèque pour la fabrication des porte-chars Leclerc. Je me suis adressé au ministère de l'industrie : on m'a très bien reçu, on m'a rappelé au téléphone, c'est parfait ; mais on m'a invité à aller voir plutôt du côté de la DGA, parce que c'est elle qui gère ce dossier… Mais que va faire la DGA ? Pour gagner cinq francs six sous en jouant sur le dumping social et fiscal, elle va provoquer des licenciements – la procédure est déjà en cours – et du chômage partiel. Et des territoires vont devoir payer : combien cette mise en concurrence délirante va-t-elle coûter à la société ? Le calcul n'a pas été fait, et je pense qu'il ne le sera pas. Il serait pourtant intéressant de le faire.

Pendant ce temps, les affaires courantes continuent. Ainsi, chez Thomson, celui qui a remplacé provisoirement le directeur s'est vu octroyer une prime supplémentaire de 360 000 euros pour assurer l'intérim ! Sans doute parce que cela lui donnait du travail supplémentaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je conclus, madame la présidente, en rappelant que ce qui coûte cher à la France, c'est aussi les 500 plus grosses fortunes françaises, qui, en dix ans, sont passées de 6 % à 14 % du produit intérieur brut de notre pays ; en dix ans, elles se sont enrichies de 150 milliards d'euros. Ce sont ces Français-là qui nous coûtent cher. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, dans votre réponse, comme vous l'aviez fait en commission, vous avez accusé notre proposition de loi d'en revenir à l'autorisation administrative de licenciement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Il ne s'agit pas du tout de cela, mais de restreindre les conditions d'admission du licenciement pour motif économique. Notre texte est très clair : il ne confère pas à l'inspecteur du travail le pouvoir de refuser des licenciements économiques,…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

…mais celui de procéder à des constats dont les salariés pourront se prévaloir devant le juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Je vous remercie de le reconnaître, monsieur Poisson : notre proposition de loi reconnaît aux salariés des droits et des pouvoirs nouveaux dans l'entreprise par le fait qu'ils pourront recourir au juge sur la base du constat réalisé par l'inspecteur du travail. On est loin de l'autorisation administrative de licenciement.

À propos de pouvoir des salariés dans les entreprises, pout le monde s'accorde pour dire que le droit patronal et, au-delà, celui des actionnaires, autrement dit le pouvoir financier, est devenu quasiment absolu dans les entreprises. Dès lors, il est temps de donner aux salariés en tant que tels – et pas seulement aux salariés actionnaires –, par le biais de leurs représentants, le pouvoir de contester devant la justice les mesures prises ces dernières années pour augmenter toujours plus les dividendes.

Nous ne nous situons donc pas dans la perspective de l'autorisation administrative de licenciement, mais bien dans le cadre de la démocratie à l'intérieur de l'entreprise, exercée par le pouvoir des salariés dans l'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Je tiens à rappeler combien ces articles sont fondamentaux, et plus encore dans la période actuelle. En pleine crise, les emplois sont chers et se font particulièrement rares. Dans le Douaisis, dont je suis l'élu, arrondissement qui compte 245 000 habitants, 18 000 demandeurs d'emploi sont recensés ; 7 000 familles vivent avec le RMI, c'est-à-dire 17 000 personnes ; 7 300 jeunes sont suivis par la mission locale.

Les licenciements économiques sont bien souvent perçus comme une sanction injuste par les salariés, mais ils deviennent totalement insupportables, immoraux et illogiques quand ils sont le fait d'entreprises qui dégagent des bénéfices. Les salariés sont les seuls créateurs de richesses. À ce titre, ils méritent toute la considération de la société et des chefs d'entreprise. En période de crise, les employeurs doivent avoir un comportement social irréprochable ; or l'actualité sociale prouve que ce n'est malheureusement pas toujours le cas, loin de là. Pour éviter le gâchis énorme que constituent les licenciements économiques et pour éviter que des entreprises ne profitent de la crise pour se réorganiser, le législateur doit encadrer strictement les possibilités de recours aux licenciements, et interdire purement et simplement un tel recours quand l'entreprise a fait des bénéfices ou touché des aides de l'État, ou encore versé des dividendes. Voilà ce que propose, à juste titre, l'article 2 de notre proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, votre intervention semblait presque sympathique,…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Eh bien alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

…mais je l'ai trouvée plutôt « chloroforme ». Le Gouvernement mène une politique cynique vis-à-vis de l'industrie française. Dans tout ce que vous avez exposé ce matin, où est l'ambition industrielle de la France ?Marie-George Buffet l'a montré : vous abandonnez l'industrie française dans tous les domaines et le licenciement est souvent devenu un dogme. Or il y a des cas où l'on pourrait interdire une telle mesure. Nous, députés GDR, nous voulons relever le défi industriel de la France. On peut même interdire des délocalisations, voire concevoir des relocalisations industrielles pour créer des emplois. Je vais donner des exemples où cela serait nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

On peut aussi fermer des entreprises, monsieur Gerin !

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

Vous avez évoqué le fonds stratégique industriel, notamment à propos de la sous-traitance automobile. Il serait intéressant d'avoir un bilan précis de la situation des sous-traitants depuis ces six derniers mois. Ce que Renault et de Peugeot, mais aussi Renault Trucks imposent aux PME-PMI sous-traitantes, c'est la dictature du moindre coût. Notre proposition de loi vise justement à défendre cette France des PME-PMI que les grands donneurs d'ordres s'ingénient à tuer.

Premier exemple : REP International, sous-traitant de niveau mondial dans le secteur du caoutchouc pour automobile. Reprise par un fonds de pension, cette entreprise de haute technologie est « profitable », comme disent les patrons ; or on annonce la suppression de la moitié de ses emplois et une délocalisation en Inde. J'en ai parlé au préfet de région : cette entreprise entrerait dans les compétences du fonds stratégique d'investissement. Qu'attend-on pour agir ? Allons-nous en rester au baratin ou sommes-nous résolus à tout faire pour conserver ces entreprises sous-traitantes de l'automobile, des entreprises de pointe, facteurs d'emplois qualifiés ?

Second exemple : le secteur des fonderies aluminium pour les moteurs automobiles, avec les cas de Saint-Jean Industries, dans le Rhône, de Rencast et des fonderies situées à Lorient, toutes des entreprises de pointe. Et que font Renault et Peugeot ? Elles leur serrent le kiki, elles les étranglent. Voilà la vérité ! Voilà des trésors de qualifications, de savoir-faire, de haute technologie d'une importance historique pour notre pays. Leur avenir ? Croatie, Chine, Inde !

Au-delà de vos effets d'annonce, au-delà de votre discours chloroforme, monsieur le secrétaire d'État, si vous ne prenez pas à bras-le-corps la question de la sous-traitance, si vous laissez crever ces entreprises, à quoi sert-il de verser 6 milliards à Renault et à Peugeot ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

S'agit-il d'accompagner les suppressions d'emploi ou de les empêcher ? Il y a des centaines d'entreprises sous-traitantes en France. Non seulement on peut les empêcher de sombrer, mais il faut, dans les cas que j'ai évoqués, interdire les licenciements et les délocalisations. C'est à cette condition que nous relèverons la tête et que nous recréerons des richesses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

L'article 1er traite du problème, bien évidemment dramatique, des licenciements. La France souffre, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi. M. le rapporteur le sait certainement bien mieux que vous. Le chômage explose, et pendant ce temps Pôle emploi implose… Chaque jour, dans nos permanences, nous sommes confrontés à des situations dramatiques, parce que le Gouvernement n'a pas su faire face. Il a très mal organisé les services de Pôle emploi, dont les malheureux employés essayent de faire ce qu'ils peuvent pour répondre à des situations personnelles particulièrement difficiles.

Le chômage explose, disais-je, parce qu'il y a beaucoup de licenciements. D'où la question : une entreprise a-t-elle le droit de licencier ? Au risque de vous étonner, monsieur le secrétaire d'État, je pense que oui. Lorsqu'une entreprise rencontre de vraies difficultés et que sa survie est en cause, elle doit parfois se résoudre à des décisions douloureuses, mais nécessaires. Je cite souvent l'exemple d'un nouveau restaurant : si, quelques mois après l'ouverture, il n'y a toujours pas de clients, je comprends que le patron aille expliquer aux cuisiniers et aux serveurs qu'il n'est plus possible de continuer.

Mais, monsieur le secrétaire d'État, l'article 1er ne se rapporte pas à une telle situation. Il vise les licenciements immoraux, abusifs et indécents, qui ne reposent sur aucune réalité économique. Or ceux-ci représentent aujourd'hui la grande majorité des licenciements, vous le savez bien. Vous essayez de l'occulter en soutenant que la proposition du groupe GDR est une vieille lune, encore une manière de remettre en cause l'autorisation administrative de licenciement. Mais M. le rapporteur a dénoncé votre mensonge en démontrant qu'il ne s'agit pas de cela. L'objectif est de moraliser les relations économiques, sinon le capitalisme. Il s'agit d'avoir des comportements tout simplement humains. Je me tourne vers vous, chers collègues de la majorité : les yeux dans les yeux, dites-moi comment vous pouvez accepter qu'une entreprise qui fait des bénéfices présente des plans de licenciements. Comment pouvez-vous le justifier ? Un profit insuffisamment juteux pour quelques patrons, pour quelques actionnaires, est-ce à vos yeux un motif suffisant pour licencier ? Prenons l'exemple des suppressions d'emplois chez Total, que M. le secrétaire d'État avait immédiatement déploré dans une belle déclaration… C'est gentil, mais discourir la main sur le coeur ne suffit pas : il faut des actes. Ce que propose l'article 1er devrait donc nous rassembler, mes chers collègues. Comment pouvez-vous justifier qu'une entreprise comme Total puisse annoncer des licenciements après avoir distribué force dividendes à ses actionnaires ?

Cela ne repose sur aucune réalité, si ce n'est celle de l'appât du gain, du profit. Comment pouvez-vous accepter qu'une entreprise bénéficiaire licencie et délocalise ? C'est le cas de l'entreprise PPG, située dans la circonscription d'une députée présente : elle dégage des bénéfices mais, à Pittsburgh, ses actionnaires les trouvent insuffisants et ils veulent aller produire ailleurs, là où la main-d'oeuvre est moins chère, pour augmenter encore les profits.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Comment, les yeux dans les yeux, peut-on accepter ? C'est intolérable ! Ce n'est pas humain, c'est immoral !

Enfin, comment accepter qu'une entreprise qui a reçu des aides de l'État puisse licencier ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit, monsieur le secrétaire d'État ! M. le rapporteur l'a rappelé publiquement : ce n'est pas une vieille lune !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Comment pouvez-vous ne pas accepter de voter l'article 1er, sauf à y voir une complicité avec ceux qui sont mus par l'appât du gain et veulent s'enrichir impunément ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Je voudrais insister sur l'utilité que présente cet article 1er pour notre développement économique, pour l'emploi qualifié dans notre pays, et pour la qualité même de nos productions.

Pourquoi ? Parce que l'article 1er tend à interdire des licenciements que je qualifierais d'opportunité financière pour les actionnaires, puisqu'il vise les entreprises qui réalisent des bénéfices, versent des dividendes, délocalisent ou perçoivent de l'argent public.

Prenons trois exemples pour illustrer ce gâchis. Premier exemple : l'entreprise chimique Celanese, l'une des deux seules entreprises de toute l'Union européenne à produire de l'acide acétique, et qui appartient à une multinationale texane. Celanese dégage des profits, a des débouchés assurés, et sa production permet à plusieurs entreprises du bassin de Lacq de fonctionner. Il a été décidé de fermer cette entreprise et d'organiser la délocalisation de sa production vers la Chine.

Deuxième exemple : Caterpillar qui a dégagé 3,5 milliards de dollars de bénéfices, en augmentation de 19 %, et qui a versé à ses actionnaires des dividendes en hausse de 17 %. Malgré leur lutte courageuse, les salariés de Caterpillar sont menacés de licenciements.

Troisième exemple : les groupes automobiles PSA et Renault se partagent six milliards d'euros d'argent public ; ils annoncent respectivement 3 350 et 4 500 licenciements, sans parler de la situation dans les filiales et chez les sous-traitants.

Pourquoi avoir pris ces exemples ? Parce qu'à travers ces trois entreprises, on voit bien que ce sont des emplois industriels qualifiés qui sont menacés, que c'est une production de très grande qualité qui risque de disparaître, que c'est une production répondant à des normes de sécurité qui est mise en cause. En effet, on peut parler d'un véritable gâchis pour l'emploi, pour l'industrie, pour notre économie.

L'article 1er vise tout simplement à empêcher ce gâchis humain, économique et industriel, et à contribuer ainsi à ce que notre pays ait un véritable plan de relance et puisse agir pour sortir de la crise que nous traversons. Voilà pourquoi j'appelle, comme je l'ai fait dans mon intervention précédente, l'ensemble des députés à voter cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je regrette que le Gouvernement ait choisi de ne pas faire de vote sur les articles. M. le secrétaire d'État et Mme Dalloz – qui s'exprimait au nom du groupe UMP – n'ont pas répondu à la question posée par l'article 1er : est-il acceptable qu'il puisse y avoir des licenciements économiques dans des entreprises qui font des bénéfices ?

Vous avez beaucoup axé votre campagne électorale de 2007 et vos discours par la suite sur la réhabilitation de la valeur travail. Mais de quelle réhabilitation parle-t-on si vous dites aux salariés de ce pays : votre entreprise fait des bénéfices, elle distribue des dividendes, mais vous êtes licenciés ?

Comment pouvez-vous penser que les salariés trouveront juste de se retrouver au chômage avec au maximum un an d'allocations et des difficultés pour toute leur famille, tandis que les actionnaires toucheront des dividendes ?

Les actionnaires vont être rémunérés via les dividendes alors qu'ils ne travaillent pas pour cette entreprise qui continue à dégager des bénéfices, alors que ceux qui créent la richesse de cette entreprise vont se retrouver au chômage. Ce n'est plus la valeur travail, mais la valeur action que vous êtes en train de défendre !

L'article 1er ne demande pas d'interdire les licenciements dans toutes les entreprises, mais dans celles qui font des bénéfices.

Autre problème : celui des entreprises qui masquent des bénéfices, en jouant sur les prix de transfert afin de diminuer, voire de réduire à zéro, les bénéfices de certaines filiales, au point que ces dernières ne vont pas payer d'impôts. Par ce biais, la maison mère récupère l'ensemble des richesses produites par les salariés à tous les niveaux. La moindre rentabilité d'une filiale peut alors être invoquée pour licencier les salariés, alors que la maison mère a souvent tout fait pour siphonner les revenus de sa filiale. On a beaucoup connu cela, au cours des dernières années.

Je veux enfin dénoncer certaines pratiques en matière d'aides de l'État. Ainsi Renault – mais cela se fait aussi dans d'autres entreprises – parvient à se faire verser des aides de l'État à la fois pour le chômage partiel imposé dans un atelier, et pour les heures supplémentaires effectués dans un autre atelier. Avouez que ce système est immoral : l'entreprise touche deux fois des aides de l'État, et à chaque fois ce sont les salariés qui se font avoir !

Je ne comprends pas que vous n'avanciez pas sur ce sujet. Ou je comprends trop bien : au moment de l'examen de la loi TEPA, à l'été 2007, en commission des affaires sociales de cette assemblée, Mme Lagarde n'avait-elle pas expliqué que la richesse des entreprises, c'était leurs chefs ? Elle avait tout simplement oublié les travailleurs…

En refusant cet article, vous nous confortez dans l'idée que vous considérez les travailleurs comme la variable d'ajustement : quand on en a besoin, on les fait bosser plus, en heures supplémentaires. Mais si on leur donnait le choix, les salariés préféreraient une augmentation de salaire afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, plutôt que la possibilité de faire des heures supplémentaires ! Faites un sondage, je suis à peut près sûre de leur réponse...

Cet article 1er est évident, indispensable, car la seule limite que vous avez parfois posée – parler de limite en la circonstance est presque humoristique –, c'est la nécessité d'ouvrir des négociations avant d'adopter certaines dispositions…. On en a vu le résultat à propos de la pénibilité : les négociations sont ouvertes depuis des années et l'on attend toujours leur conclusion ! Encore faut-il espérer qu'elles se concluent au bénéfice des travailleurs et non pas en faveur du MEDEF qui veut pouvoir se débarrasser des salariés devenus à ses yeux insuffisamment rentables, et sans chercher à leur assurer un revenu qui leur permettrait d'arriver à la retraite dans des conditions honorables.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Un mot pour terminer sur la situation des jeunes de moins de vingt-cinq ans. Je regrette qu'on en soit toujours aux discours, sans aucune avancée concrète. Il ne faut pas les habituer à l'assistance, dites-vous. Pour l'heure en tous cas, vous en habituez bon nombre à vivre dans la rue, à défaut d'avoir des revenus pour vivre correctement.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

À partir d'un exemple précis et chiffré, je voudrais montrer la validité des arguments que nous avançons pour défendre cet article 1er.

Je m'adresserai plus particulièrement au secrétaire d'État, Laurent Wauquiez, puisque nous sommes tous les deux Auvergnats et donc concernés par la manufacture Michelin, comme l'appelait mon père qui en était un ouvrier.

Il y a quelques mois, Michelin a fermé son site Kleber de Toul, qui comptait 826 salariés. Pendant des années, cette fermeture a été anticipée, programmée, et préparée par une absence d'investissements productifs : seulement 17 millions d'euros ont été investis en sept ans, alors que dans la même période, Michelin investissait 200 millions d'euros dans une usine rachetée en Roumanie. Et des centaines de salariés attendent toujours le reclassement qui leur avait été promis.

Michelin est à Clermont-Ferrand, et aussi à Bavozy, à quelques kilomètres de chez vous, monsieur le maire du Puy-en-Velay. Lors de l'assemblée générale des actionnaires, le 15 mai, on a assisté à la grande distribution des profits : 147 millions d'euros accordés aux actionnaires, ce qui porte à 800 millions d'euros les dividendes des trois dernières années. Et si Toul a fermé, d'autres sites comme Roanne – un député de la Loire est intervenu tout à l'heure –, le Puy-en-Velay, chez vous, monsieur le secrétaire d'État, Montceau-les-Mines, ou La Roche-sur-Yon sont en danger !

Dans le même temps, à Clermont-Ferrand, un atelier de rechapage de poids lourds est au chômage partiel. À quelques kilomètres, une entreprise spécialisée dans le changement de pneumatiques ne dispose pas en stock de pneus de l'atelier dont les salariés sont mis en chômage technique, et les clients attendent. Toujours à Clermont-Ferrand, l'usine Trelleborg doit s'arrêter de produire pendant plusieurs jours, dans l'attente des pièces d'un autre atelier de Michelin dont les salariés ont aussi été mis en chômage technique.

Dans le même temps, le patron de Michelin, M. Rollier, a augmenté ses revenus de 112 % en trois ans : ils sont passés de 2,5 millions en 2006 à 4,2 millions en 2007. Il gagne 14 520 euros nets par jour ! Pendant ce temps, on prépare la suppression de sites ! En 2008, chacun des 117 000 salariés de la manufacture Michelin a créé 140 000 euros de richesse.

On ferme l'usine de Toul tout en anticipant la fermeture d'autres sites, et on met des salariés au chômage technique. Ces salariés qui défendent leur emploi et leur outil de travail, qui ont apporté chacun 140 000 euros de richesse en 2008, demandent 350 euros de plus par mois. Revendication rejetée avec une indécence terrible, au moment même où on distribue 147 millions d'euros de dividendes et où on donne des stock-options aux cent plus hauts dirigeants de l'entreprise. C'est intolérable !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Nos cris ne viennent pas seulement du coeur ; ils viennent aussi de la raison, mes chers collègues de la majorité. Lorsque demain des entreprises fermeront sur vos territoires, vous serez à nos côtés pour jouer les pompiers ; mais on ne peut le faire en étant également pyromane. Il faut donc anticiper, et affirmer clairement que l'on ne peut accepter de voir des emplois ainsi menacés lorsque quelques centaines d'actionnaires s'en mettent plein les poches ! Ce cri du coeur est donc aussi, je le répète, celui de la raison, car il y va de l'avenir industriel de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Je vous vois très attentif, monsieur le secrétaire d'État, aux propos de MM. Candelier, Gerin et Chassaigne ; très attentif, mais peut-être pas sensible. L'occasion vous est en tout cas donnée, à vous et à votre majorité, de l'être : il vous suffit de prendre en considération cette proposition de loi et notamment son article 1er. C'est, au fond, un beau cadeau que nous vous offrons ; ou plutôt, vous voici au pied du mur si l'on se rappelle deux de vos mots d'ordre : la revalorisation de la valeur travail et la « moralisation du capitalisme » – deux termes au demeurant assez antinomiques à nos yeux.

Supposons néanmoins que vous ayez réellement l'intention de moraliser le capitalisme. Qu'est-ce que cela signifie ? Nous ne confondons pas, j'y insiste, les moyennes, petites et très petites entreprises – qui subissent, comme les salariés les limites, sinon les contradictions du système capitaliste – avec les grandes entreprises du CAC 40, dont les dirigeants continuent à percevoir jusqu'à trois cents fois le SMIC. N'est-ce pas justement l'occasion de dire que ce n'est plus acceptable, de même qu'il n'est plus acceptable de continuer à distribuer de l'argent public à des entreprises qui licencient ? Chiche, moralisons le capitalisme ! D'autant que celui-ci n'a jamais été aussi opaque. Dans les filiales ou les filières de ces grandes structures, on se demande qui fait quoi : notre discussion d'aujourd'hui n'est à cet égard pas sans rapport avec celle que nous avons eu hier au sujet de la filière du lait. On s'est étonné de la différence entre la somme perçue par les producteurs et le prix de vente dans les grandes surfaces urbaines. Il y a là des choses à revoir ; et si vous souhaitez vraiment placer la valeur travail au centre de votre politique, faites-en la démonstration dès aujourd'hui en reconnaissant à ce texte, ou au moins à son article 1er, la considération qu'il mérite. Je regrette moi aussi que M. Karoutchi ait refusé que nous en votions les articles au fur et à mesure. Notre texte mériterait du reste un vote unanime de notre assemblée, à moins que vos déclarations et celles du Président de la République participent d'un double langage ou d'un leurre destiné à ceux qui vivent de leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je rappelle que le vote a été réservé à la demande du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur l'article 3, je suis saisie d'un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Le vote sur l'amendement n° 1 est réservé, de même que sur l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, inscrite sur l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Avec cet article, les députés communistes, républicains et du parti de gauche proposent d'augmenter le SMIC à 1 600 euros brut mensuels. N'avait-on pas augmenté de 35 % le SMIC en 1968 ? C'est bien toute l'économie du pays qui avait été relancée, avec des bénéfices évidents sur le plan de l'emploi.

L'augmentation que nous proposons permettrait donc d'apporter une réponse très concrète à la baisse du pouvoir d'achat de nos concitoyens. Est-il nécessaire d'en rappeler les chiffres ? Entre 2007 et 2008, selon l'INSEE, le pouvoir d'achat du revenu disponible brut est passé de 3,1 % à 0,6 %. Les Français connaissent ces chiffres, pour vivre au quotidien des arbitrages inadmissibles entre l'alimentation, le logement, les vêtements, les transports, sans compter les dépenses sans cesse repoussées, comme celles qui concernent la santé, la culture, les loisirs ou les vacances.

On comprend aisément que notre proposition relève de la justice sociale, quand on sait que, depuis 1998, 0,01 % des foyers, soit les plus riches d'entre eux, a vu ses revenus croître de 42,6 %, contre seulement 4,6 % pour les 90 % correspondant aux foyers les moins riches. Il faut aussi signaler que le pouvoir d'achat net d'une heure de travail au SMIC n'a progressé, en vingt-cinq ans, que de 20 %, soit un taux très inférieur aux gains de productivité.

Toutefois, le partage des bénéfices se comprend vite à la lecture du rapport Cotis, selon lequel, entre 1993 et 2007, les dividendes ont été multipliés par cinq. Nous ne répétons pas ces chiffres par entêtement, mais parce que nous attendons toujours la concrétisation de la promesse de campagne de Nicolas Sarkozy, qui n'avait eu de cesse de répéter qu'il serait le président du pouvoir d'achat.

Porter le SMIC à 1 600 euros, c'est permettre à 17 % des salariés français de vivre enfin dignement des revenus de leur travail ; c'est aussi, bien sûr, relancer la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur l'article 6, je suis saisie d'un amendement n° 2.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Cet amendement rédactionnel propose de remplacer, à l'alinéa 1, la référence : « II » par la référence : « III ».

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Défavorable, compte tenu du fond de l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

On ne peut pas dire qu'on est défavorable à un amendement parce qu'on est défavorable à un article !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Le vote sur l'amendement n° 2 est réservé, de même que sur l'article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, inscrit sur l'article 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Permettez-moi, madame la présidente, d'illustrer quelque peu nos débats par des exemples concrets. Dans le Douaisis, dans le Nord de la France, à Wagon automotive et Inoplast, qui sont des sous-traitants du secteur de l'automobile, ainsi que chez Renault, les ouvriers sont mis au chômage partiel. Si le cas des travailleurs de Renault est pour l'instant réglé, les pertes subies par bon nombre d'ouvriers, qu'ils appartiennent à cette entreprise ou à d'autres, sont très lourdes : de l'ordre de 300 euros de manque à gagner par mois, soit une somme considérable en proportion des salaires des ouvriers.

Les députés communistes et républicains considèrent qu'il est indispensable de protéger au maximum les salariés de cette crise dont ils ne sont pas responsables. L'idée que nous proposons est de prendre de l'argent disponible pour les dividendes afin de garantir le maintien intégral des salaires des travailleurs en situation de chômage partiel. Ce serait, à notre sens, un juste retour des choses pour les salariés, qui sont les seuls créateurs de richesses.

Comme on dit souvent, la vie est une question de priorité : entre le camp des capitalistes et celui des travailleurs, les députés communistes et républicains ont choisi !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Le vote sur les articles 7 à 15 est réservé.

Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu le mardi 2 juin, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. François de Rugy et plusieurs de ses collègues relative à la transformation écologique de l'économie.

La parole est à M. François de Rugy, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale, mes chers collègues, avant d'en venir au fond, permettez-moi une remarque de forme. Je voudrais, après notre président de groupe, dire combien nous sommes choqués par le déroulement de ces débats d'initiative parlementaire. On nous avait parlé de revalorisation du Parlement. Que voyons-nous maintenant que nous voulons la mettre en oeuvre ? Nos collègues du groupe UMP fuient le débat, malgré ceux d'entre eux, que je remercie, présents ce matin sur nos bancs.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

À cet égard, nous ne fuyons pas plus que vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mes chers collègues, laissez M. le rapporteur s'exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Si j'en crois la feuille jaune, vous n'entendez même pas utiliser le temps de parole auquel vous avez droit. Sur les propositions de loi du groupe UMP – notamment celle relative à l'inceste –, nous avons été nombreux, dans l'opposition, à intervenir et à soutenir des amendements : chacun pourra le vérifier en se reportant au compte rendu.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je veux également relever – n'y voyez aucune attaque à votre endroit, monsieur le secrétaire d'État – l'attitude du Gouvernement, dont les membres directement concernés par notre texte n'ont même pas pris la peine de se déplacer. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Pour revaloriser le Parlement, le Gouvernement se devrait pourtant de montrer l'exemple !

Il y a plus grave encore. Comme l'a annoncé M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, le vote sera réservé. Est-ce pour éviter au groupe UMP d'avoir à siéger un jeudi ? Je l'ignore ; toujours est-il que le Gouvernement, en utilisant l'article 44, alinéa 3, de la Constitution – auquel renvoie l'article 96 de notre règlement, que M. Karoutchi a cité –, non seulement reporte le vote sur les articles plusieurs jours après le débat, mais surtout empêche, aujourd'hui comme mardi prochain, le vote sur les amendements, de sorte que nous en débattrons dans le vide : il faut que nos concitoyens connaissent ces manoeuvres.

Je le dis avec une certaine tristesse : quand on vide à ce point le débat de sa substance, c'est le Parlement que l'on vide de sa substance, fait d'autant plus choquant que, je le répète, on a parlé de le revaloriser. Voilà qui en dit long sur les objectifs de la réforme constitutionnelle adoptée en juillet dernier !

J'en viens au fond, qui est d'ailleurs lié à la forme : je crains fort, en effet, que celle-ci n'empêche un vrai débat de fond. Nous sommes bien conscients que nos propositions n'ont aucune chance d'être adoptées telles quelles, sauf à croire que l'Assemblée se rende soudain à nos arguments ou que la majorité renie ses positions. Mais ayons au moins un débat ! Cela permettrait à la majorité de faire des contre-propositions : j'aurais ainsi trouvé intéressant qu'elle défende un certain nombre d'amendements.

D'ailleurs, lors de notre réunion en commission, plusieurs collègues du groupe UMP nous ont déclaré qu'il n'était pas besoin de présenter la moindre proposition en matière écologique, au prétexte que le Grenelle de l'environnement est en cours de transcription législative. En toute franchise, je m'étonne – y compris dans mon rapport – que cet argument du Grenelle nous soit sans cesse resservi. C'est un alibi, un mauvais alibi. N'y a-t-il pas précisément un problème à repousser toujours davantage l'adoption du Grenelle ? Songez qu'il nous aura fallu deux ans – j'insiste : deux ans ! – pour adopter la loi dite « Grenelle 1 », qui n'est pourtant qu'une « loi d'orientation et d'intention » ! Les véritables mesures concrètes ne seront prises qu'avec la loi dite « Grenelle 2 » qui, certes, nous a été transmises il y a longtemps déjà – près d'un an –, mais dont l'examen n'a toujours pas commencé, ni à l'Assemblée ni au Sénat. Sans crainte de se tromper, on peut penser qu'une année au moins s'écoulera encore avant son adoption. En somme, il aura fallu trois ans, depuis que les groupes de travail du Grenelle ont rendu leurs conclusions, pour que le dispositif législatif soit adopté ! Convenez qu'un Gouvernement qui se targue de répondre rapidement aux urgences ne pouvait exprimer pareil désintérêt pour les questions écologiques – c'est en tous cas la conclusion à laquelle j'en arrive. À constater le nombre de sujets sur lesquels le Gouvernement déclare l'urgence, on comprend combien vous considérez que le Grenelle est secondaire.

Au fond, derrière ces questions d'ordre du jour parlementaire apparaissent, en filigrane, vos priorités. Les questions écologiques n'en font plus partie – je doute fort, d'ailleurs, que cela ait jamais été le cas.

De même, dans vos différents plans de relance, vous n'accordez strictement aucune importance aux chantiers écologiques, qui n'en constituent – toutes les études indépendantes et extérieures de différents instituts le montrent – qu'une partie infime, un epsilon, en quelque sorte. De surcroît, vous profitez de ces plans de relance pour revenir en arrière, qu'il s'agisse de vos choix d'investissement, qui font ressortir des projets que de nombreux acteurs de l'écologie avaient pourtant jugés « grenello-incompatibles », ou de l'adoption de mesures régressives. Ainsi, alors même que le Grenelle tarde à être adopté, d'autres mesures, elles, sont adoptées très rapidement – je pense par exemple aux mesures relatives aux installations classées au titre de la protection de l'environnement, mais aussi à la décision de M. Devedjian, qu'il a annoncée dans la presse, de revenir sur les dispositifs d'enquête d'utilité publique afin d'alléger les procédures et de supprimer certaines protections.

Au fond, mesdames et messieurs de la majorité, monsieur le secrétaire d'État, vous ne croyez pas à la relance verte. Nous, au contraire, nous y croyons, et nous ne sommes pas les seuls, comme l'illustrent les choix des gouvernements d'autres pays. Je citerai deux exemples, et non des moindres : les Etats-Unis et l'Espagne.

Aux États-Unis, le nouveau président démocrate, Barack Obama, a décidé non seulement d'imposer un virage très fort à son pays en matière de lutte contre l'effet de serre et le changement climatique, mais surtout de conditionner le sauvetage de l'industrie automobile américaine à des obligations drastiques concernant la réduction de consommation de carburants – ce qui, aux États-Unis, s'apparente presque à une révolution.

En Espagne, le Premier ministre, M. Zapatero, n'est peut-être « pas très intelligent », à croire le Président de la République, mais il a mis en oeuvre un plan de relance fondé sur deux piliers : l'accompagnement économique et social des personnes les plus touchées par la crise, et la relance verte pour un montant de vingt milliards d'euros d'investissements. C'est exactement ce que nous proposons.

Vous parlez souvent du Grenelle, et j'ai rappelé tout votre empressement à ne pas le mettre en oeuvre. Depuis le Grenelle, il y a eu la crise. Devons-nous continuer à faire comme si de rien n'était ? Devons-nous rester les deux pieds dans le même sabot, comme vous le faites hélas – on vient encore de le constater – sur le bouclier fiscal, que vous refusez de modifier ?

Notre conviction est que la crise que nous traversons n'est pas conjoncturelle. Il ne suffit pas de relancer comme avant, et d'attendre que tout reparte comme avant ! Cela vaut dans le domaine social : notre proposition de loi aborde ainsi la question de la répartition des revenus en suggérant l'abrogation du bouclier fiscal et, de manière plus générale, du paquet fiscal instauré par la loi TEPA, d'une inefficacité économique et d'une injustice sociale si grandes. Cela vaut également dans le domaine écologique : peut-on encore sérieusement soutenir qu'il faut attendre que la consommation reparte dans des secteurs aussi ébranlés que l'industrie automobile ? Peut-on encore soutenir que nous produirons demain les mêmes voitures dans les mêmes quantités ? Chacun sait que c'est impossible.

Nous estimons que notre devoir est d'anticiper les changements et, lorsque ce n'est pas le cas et que l'on subit la crise comme aujourd'hui, d'enclencher les changements utiles, possibles et nécessaires. Nous croyons à la capacité de changement de notre pays, et à celle de nos concitoyens, qu'ils soient consommateurs ou travailleurs, ouvriers ou entrepreneurs. Nous croyons que notre rôle politique est d'orienter le système, et même de le réorienter profondément lorsque la situation l'exige. Nous croyons que notre rôle est de créer des objectifs et de fixer des obligations – même si je sais que certains collègues nous jugent trop volontaristes et estiment que nous fixons trop de contraintes. Oui, les changements importants que nous souhaitons exigent que l'on fixe des obligations : c'est la seule voie possible pour progresser. Nous ne croyons pas que le progrès émerge spontanément du laisser-faire, qu'il suffit de laisser faire les différents acteurs pour que le progrès économique, écologique et social prenne un jour son essor. Cela suppose au contraire de se fixer des objectifs ambitieux.

Tel est l'objet de notre proposition de loi de transformation écologique de l'économie et de ses cinq titres qui, naturellement, n'ont pas trait à l'ensemble des secteurs d'activité – il ne s'agit ni d'un Grenelle bis ni d'un plan de relance gouvernemental car, vous le savez, l'initiative parlementaire est très restreinte. L'application de plus en plus restrictive de l'article 40 de la Constitution, notamment, nous empêche de présenter un certain nombre de propositions. Nous aurions pu évoquer de nombreux sujets, mais nous avons donc choisi de nous concentrer sur les questions énergétiques, et de faire dans ce domaine des propositions concrètes et ambitieuses. Je vous propose donc d'adopter ce texte lorsqu'il sera soumis au vote mardi prochain !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale.

Debut de section - PermalienChristian Blanc, secrétaire d'état chargé du développement de la région capitale

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui part d'un constat auquel, ici, nous souscrivons tous : notre modèle de développement a atteint ses limites pour les ressources naturelles qu'il consomme, qu'il s'agisse de matériaux, d'espèces vivantes, d'écosystèmes ou de mécanismes de régulation globaux tel que le climat.

Nous croyons comme vous, monsieur le rapporteur, que la crise que nous traversons actuellement ne se limite pas à une crise financière ou une à crise économique. Elle n'est pas conjoncturelle.

Nous croyons comme vous, monsieur le rapporteur, que le mode de production et de consommation sur lequel s'est construite notre croissance n'est pas viable à long terme. L'exploitation immaîtrisée de ressources non renouvelables ne peut être un socle solide sur lequel asseoir notre développement.

Nous n'échapperons pas à la définition d'un « système plus économe et plus sobre en énergies renouvelables ». De deux choses l'une : soit nous prenons l'initiative de l'anticiper, soit il s'imposera à nous avec les coûts déjà exorbitants, mis en avant dans le rapport Stern pour les seuls aspects climatiques. Vous le savez bien, Monsieur le rapporteur, le Gouvernement est pleinement mobilisé sur cette question.

Vous n'ignorez pas que la mutation écologique de la société est un engagement central du Président de la République.

Debut de section - PermalienChristian Blanc, secrétaire d'état chargé du développement de la région capitale

Sous son impulsion, le Gouvernement a mis en oeuvre le processus novateur du Grenelle de l'environnement – un processus participatif et consultatif fondamentalement original et mobilisateur qui a fait ses preuves, en permettant à tous les acteurs de la société d'élaborer de nombreuses propositions pour qu'elles soient débattues dans cette enceinte. Le processus législatif est pleinement engagé sur les lois dites « Grenelle ». Il faut le temps qu'il faut pour le faire aboutir.

Nous avons déjà procédé à un verdissement inédit de notre système fiscal : quarante-quatre mesures de fiscalité environnementale et énergétique ont été votées dans la loi de finances pour 2009 et dans la loi de finances rectificatives pour 2008. Cela correspond à un engagement considérable, de près de 18 milliards d'euros, pour enclencher la transition écologique – qui est aussi l'un des principaux moteurs anti-crise.

En réalité, vous le savez, nous n'avons pas attendu de débattre sur votre proposition de loi pour avancer.

Debut de section - PermalienChristian Blanc, secrétaire d'état chargé du développement de la région capitale

Sur le modèle du Grenelle, que nous avons voulu participatif, nous avons parfaitement conscience que la construction d'un nouveau modèle de société ne peut se faire que dans la concertation. Les contributions, d'où qu'elles viennent, doivent toutes être étudiées, débattues, discutées. C'est ainsi que nous avons abouti, lors du Grenelle, à des convergences rarement constatées dans cette Assemblée.

Je reconnais volontiers que votre proposition de loi pose de vraies questions. Elle reprend des pistes que nous avons ouvertes ou approfondies, avec des propositions suscitées par la volonté d'aller plus loin. Cela étant, elle se heurte à plusieurs types de difficultés réelles, liées à des principes fondamentaux sur lesquels nous avons bâti le Grenelle : les principes de concertation, d'équité environnementale, d'efficacité et de réalité.

Je commencerai par la principe de concertation. S'agissant de la contribution « climat énergie », je m'étonne de votre souhait qu'elle soit définie aussi précisément et dès à présent par une proposition de loi. En effet, des questions fondamentales et délicates, relatives à son principe comme à ses modalités, méritent un examen approfondi. Je pense à l'assiette de la taxe, au taux de taxation, à son évolution au cours du temps ou encore à son articulation avec la fiscalité existante. Le Gouvernement a souhaité que ces questions soient débattues dans le cadre d'une conférence de consensus à laquelle participeront des experts, des universitaires, mais également des parlementaires et d'autres acteurs de la société et, naturellement, les parlementaires.

Debut de section - PermalienChristian Blanc, secrétaire d'état chargé du développement de la région capitale

Nous prendrons le temps nécessaire pour bâtir une contribution « climat énergie » à la fois efficace et raisonnable. En conséquence, une telle discussion dans votre hémicycle nous semble prématurée.

S'agissant de vos propositions sur les transports, le bâtiment ou l'énergie, nous regrettons qu'elles soient quelque peu dogmatiques. Décréter d'emblée des moratoires, des interdictions, des obligations ne nous semble pas être le meilleur moyen pour réussir la mutation écologique de la société. Ce n'est pas ainsi, par le haut, que nous imposerons un modèle aux Français, quelle que soit la pertinence technique des propositions. La moitié de la solution dépend d'eux. Il faut surtout convaincre et non pas contraindre. Le vrai développement durable sera désirable ou ne sera pas.

J'en viens au principe d'équité environnementale. Nous ne pouvons pas vous rejoindre sur l'interdiction pure et simple de constructions de nouvelles routes. En effet, 60 % des Français utilisent quotidiennement leur voiture. Parmi eux, les Français qui habitent en banlieue ou à la campagne sont plus nombreux que ceux des centres-villes. Nous ne pouvons les pénaliser quand, bien souvent, les solutions alternatives de transport en commun manquent, et que des aménagements leur sont nécessaires, par exemple pour éviter qu'un flot de camions ne traverse leur commune – l'ancien député que je suis fut régulièrement concerné par ses questions. Par souci d'équité, notamment territoriale, nous ne pouvons décider d'appliquer sur tout le territoire une solution qui ne se comprendrait que dans des contextes particuliers. Si des investissements routiers sont aussi nécessaires pour assurer une meilleure sécurité, nous ne pouvons pas nous en priver.

Nous nous sommes pleinement mobilisés pour assurer le développement des véhicules propres : action pour les véhicules décarbonés – via le fonds démonstrateur ADEME –, bonus-malus automobile. Plutôt que la contrainte, nous préférons une politique d'incitation de l'offre et de soutien de la demande. Le bonus-malus est d'ores et déjà un vrai succès populaire et industriel.

Concernant le principe d'efficacité, nous ne pouvons pas vous rejoindre, monsieur le rapporteur, sur l'interdiction pure et simple des subventions aéroportuaires. Le projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement prévoit déjà de limiter la construction d'aéroports à des motivations environnementales. Des garde-fous sont donc prévus. Restons pragmatiques. Reconnaissons, par exemple, que les subventions sont bien utiles lorsqu'il faut déplacer un aéroport vers un autre lieu moins nuisant pour les riverains ou l'environnement.

Nous ne pouvons pas vous rejoindre non plus sur l'interdiction pure et simple du chauffage électrique.

Debut de section - PermalienChristian Blanc, secrétaire d'état chargé du développement de la région capitale

Sur le fond, vous avez raison d'insister sur la performance énergétique du bâtiment. Ce secteur consomme plus de 40 % de notre énergie finale et contribue pour près du quart à nos émissions de gaz à effet de serre.

Nous avons eu à coeur de traiter ce sujet dans le Grenelle en recherchant non seulement l'efficacité, mais aussi l'équité environnementale. Il a donc été prévu, dans le cadre du Grenelle, un effort spécifique sur ce secteur. Des objectifs de plus en plus ambitieux de performance énergétique des constructions neuves sont prévus, et ce, quels qu'en soient les sources et vecteurs énergétiques utilisés.

Pour les logements existants, nous avons mis en place une incitation par éco-prêt à taux zéro pour les particuliers, et l'éco-prêt « logement social » pour les bailleurs sociaux.

Fixer des objectifs de résultats et non de moyens permet de laisser la possibilité d'atteindre la performance par différentes voies et à chacun de s'adapter progressivement en fonction de ses propres moyens. Nous voyons déjà quelle dynamisation cette approche est en train de créer en cette période difficile, avec ses centaines de milliers d'emplois.

Stigmatiser une filière spécifique, c'est refuser l'idée que l'innovation et la recherche puissent répondre à nos exigences nouvelles. Je pense notamment à la diversification des sources d'énergie électrique renouvelables, déjà inscrite dans la programmation pluriannuelle des investissements, et l'amélioration continue des terminaux, telles les pompes à chaleur très performantes.

Enfin, s'agissant du principe de réalité, nous ne pouvons pas vous rejoindre sur l'interdiction pure et simple de financements publics pour la production d'énergies non renouvelables. Cela revient une fois de plus à stigmatiser l'énergie nucléaire.

Debut de section - PermalienChristian Blanc, secrétaire d'état chargé du développement de la région capitale

Le changement climatique nous impose une priorité : la réduction du recours aux énergies fossiles, émettrices de gaz à effet de serre. Les énergies renouvelables ne nous permettront pas de répondre à temps et avec l'ampleur nécessaire à cette urgence. La solution, comme l'a toujours indiqué le Président de la République, passe par trois voies complémentaires : les économies d'énergie, les énergies renouvelables et le nucléaire.

Nous ne pouvons nous priver d'une de ces voies. Or il est indispensable de continuer à investir dans l'énergie nucléaire pour remédier au vieillissement de notre parc.

Nous maintenons l'objectif de porter la recherche sur les technologies propres au niveau du nucléaire à l'horizon 2012, soit un montant de l'ordre de 500 millions d'euros par an.

Debut de section - PermalienChristian Blanc, secrétaire d'état chargé du développement de la région capitale

Bien évidemment, les sujets qui sont au coeur de votre proposition, monsieur le rapporteur, nécessitent d'être débattus. C'est d'ailleurs tout l'objet du processus du Grenelle de l'environnement. Les débats à venir dans cet hémicycle sur les projets de loi Grenelle 1 et 2 nous permettront encore d'affiner, thème par thème, outil par outil, la transition écologique de notre société.

Cette transition passe par la modification de nos comportements quotidiens, de nos décisions d'achat, de nos habitudes de vie, par l'information, l'incitation, la conviction. La créativité de tous est ainsi appelée à rendre notre développement viable.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la proposition sur la transformation écologique de l'économie ;

Proposition sur la répartition des richesses ;

Proposition de résolution sur le statut de la société privée européenne et les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma