Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, après l'excellente intervention du rapporteur, Daniel Paul, c'est avec une grande détermination mais aussi dans un esprit de responsabilité que je vous présente cette proposition de loi.
Chacune, chacun d'entre nous le sait : notre planète est confrontée à une crise d'une ampleur inégalée. Cette crise qui est d'abord celle d'un système, le capitalisme, est profonde, durable, mondiale. Hier déjà, dans ses contradictions, le capitalisme était à l'origine de vies brisées et d'impasses pour l'humanité. Hier déjà, dans sa course à la rentabilité, au productivisme, il était incapable de répondre au défi écologique. On nous répondait malgré tout qu'il n'y a pas d'alternative et que seul le capitalisme peut créer des richesses. Ces richesses, il vient d'en détruire, en quelques mois, par dizaines de milliers de milliards de dollars. Il vient de démontrer, par l'ampleur du pillage auquel il soumet le travail humain, toute son inefficacité et son incapacité à répondre durablement aux besoins de l'humanité.
Et le résultat est là, maintenant, devant nous.
Je pense aux grands sites industriels touchés ou menacés de plans sociaux d'envergure dans l'automobile, la chimie, la sidérurgie et bien d'autres secteurs encore.
Je pense à toutes ces petites entreprises, à ces sous-traitants, qui ferment sans que jamais leurs donneurs d'ordre soient responsabilisés. Coupables oui, mais inquiétés, non !
Je pense à ces 30 000 emplois supprimés par le Gouvernement dans la fonction publique alors que le nécessaire respect des droits de nos concitoyens appelle toujours plus de services publics, de déploiement des missions de l'État.
Je pense à la jeunesse des intérimaires contraints, dès l'automne, à l'inactivité, comme à celle des jeunes diplômés confrontés à la précarité et à la déqualification de leurs métiers.
Au-delà de toute cette colère, je pense à notre pays qui s'appauvrit encore et encore, à force de laisser mourir des pans entiers de notre industrie. Je pense au savoir-faire de ces ouvriers, techniciennes, ingénieurs, hospitaliers et chercheuses, gâché par les logiques financières. Je pense à l'incapacité qui sera la nôtre demain, si rien ne devait changer, à produire en France les biens et les services dont nous avons besoin pour vivre, échanger, coopérer avec les peuples de tous les continents et nous préparer au monde de demain.
Bien sûr, j'entends la petite musique sur la reprise et le retour rapide à la croissance. Mais, comme tous mes collègues signataires de cette proposition de loi et comme de nombreux économistes, je n'imagine pas une seconde que le marché puisse effacer, comme par magie, le choc brutal qu'il fait subir à tant de territoires.
Et pourtant, votre Gouvernement laisse faire. Et pourtant, l'Union européenne laisse faire.
Vous laissez faire, comme en témoigne le choix d'abandonner en rase campagne, après avoir multiplié les promesses après bien d'autres entreprises, l'usine Celanese du bassin de Lacq, à ses vautours texans.
Pire encore, vous accélérez les politiques libérales qui nous ont menés au désastre. Les exemples sont légion, malheureusement, en France comme en Europe. Je pense au projet de règlement du Conseil relatif au statut de la société privée européenne, dont nous discuterons cet après-midi.
Et que dire de la fusion des caisses d'épargne et des banques populaires sans garantie sur les effectifs, sans mission publique mais avec un nouvel effacement de leurs valeurs mutualistes ? Cette fusion, ce sont 5 milliards d'euros d'argent public versés pour entériner, encore et encore, la soumission du secteur bancaire aux logiques financières pourtant à l'origine du scandale de Natixis.
Nous faisons, nous, le choix inverse. En discutant avec des milliers de salariés cherchant à sauver leur métier et leur emploi, en dialoguant avec des élus mobilisés pour développer notre potentiel économique, nous avons élaboré la proposition de loi en discussion aujourd'hui.
Nous prenons tout simplement l'initiative. Bien sûr, cette proposition de loi heurte de front les dogmes du tout-marchand et de la concurrence libre et non faussée. Bien sûr, elle est inconciliable avec les dogmes auxquels vous voulez soumettre notre pays et toute l'Europe en imposant le traité de Lisbonne. Mais regardez le monde réel, autrement qu'avec vos lunettes libérales. Regardez qui, aujourd'hui, est dans le camp du développement économique, et donc sur qui nos lois devraient s'appuyer pour favoriser le développement durable de la nation. Ce sont ces salariés, ceux et celles qui se battent et se mobilisent pour un bouclier social et de nouvelles avancées démocratiques.